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Mort

Variantes Singulier Pluriel
Féminin mort morts

Définitions de « mort »

Trésor de la Langue Française informatisé

MORT1, subst. fém.

A. − Cessation de la vie.
1. [La mort est pour tout organisme vivant, homme, animal ou végétal, un événement individuel qui peut être précisé] Anton. naissance.
a) [Avec un compl. déterminatif ou un adj. poss.] Mort d'un homme; ma, ta... mort. La mort de Socrate a préparé la mort de Jésus (P. Leroux,Humanité, 1840, p.932).Elle se (...) mit à écrire près de moi et, tout d'abord, une chose ingénieuse et charmante sur la mort des fleurs, comparée à la mort des insectes éphémères (Michelet,Journal, 1858, p.391).Elle était restée dans une stupeur blême, depuis la mort de Geneviève (Zola,Bonh. dames, 1883, p.749):
1. Cela expliquait que mes inquiétudes au sujet de ma mort eussent cessé au moment où j'avais reconnu inconsciemment le goût de la petite madeleine, puisqu'à ce moment-là l'être que j'avais été était un être extra-temporel, par conséquent insoucieux des vicissitudes de l'avenir. Proust,Temps retr., 1922, p.871.
SYNT. Annoncer, apprendre, causer, hâter, souhaiter, venger, voter la mort de qqn.
[En fonction de compl. d'obj. interne] Chaque créature est seule pour mener son combat, comme elle sera seule, au jour fixé, pour mourir sa mort (Martin du G.,Thib., Été 14, 1936, p.287).
Locutions
Droit de vie* ou de mort.
Mort de ma vie! Mort de mon âme! Mort de mon ame! Camarades, croyons en notre capitaine (La Martelière,Robert, 1793, iv, 1, p.42).Mort de ma vie!... s'écria-t-il en montant dans la calèche où ils étoient tous trois, je le délivrerai, ou l'on m'enterrera sous les ruines de Valence!... (Balzac,Annette, t.3, 1824, p.221).
Mort dieux! Le Général: (...) Je lui laverai la tête [à cet écervelé], mort dieux! (Villars,Précieuses du jour, 1866, p.21).V. Morbleu!
Fam. Ça/ce n'est pas la mort d'un homme! Ça/ce n'est pas une chose difficile, insurmontable à faire. Monsieur César, un peu de courage! Ce n'est pas la mort d'un homme! (Balzac,C. Birotteau, 1837, p.233).Je suis là, moi? Cinquante mille francs sont-ils la mort d'un homme? J'hypothèque ma terre et lui prête la somme (Augier,Jeunesse, 1858, p.410).
Fam. Ce n'est pas la mort du petit cheval. ,,Ce n'est pas grave, pas difficile`` (Rey-Chantr. Expr. 1979).
b) [Avec un adj. (gén. postposé sauf dans le lang. littér.)] Tu n'as point médit de la vertu, en recevant si jeune une mort si cruelle! (Latouche, L'Héritier, Lettres amans, 1821, p.36).C'eût été courir à une mort certaine (Verne,500 millions, 1879, p.240).Sa mort prématurée a été un de mes premiers vrais chagrins de petit garçon (Loti,Rom. enf., 1890, p.15).
SYNT. Mort accidentelle, atroce, brutale, glorieuse, héroïque, ignominieuse, immédiate, infâme, instantanée, inutile, précoce, prochaine, rapide, redoutée, solitaire, soudaine, tragique, volontaire.
Belle mort. Mort naturelle, calme et sans souffrance (par opposition à la mort violente ou à la mort après une longue maladie). Mourir de sa belle mort. Il était heureux de s'être fait oublier dans ce coin de province, en y gouvernant le moins possible, certain maintenant d'y mourir de sa belle mort, avec le régime qu'il portait depuis de longues années en terre (Zola,Travail, t.2, 1901, p.169).
Male mort. Mort violente. V. malemort:
2. Les sourires, les acquiescements, les soumissions et les enchantements qu'Oriante prodigue n'empêchent pas qu'elle percerait le roc, monterait dans la lune et livrerait à la male mort ceux qu'elle aime, plutôt que d'abandonner sa ligne d'ascension. Barrès,Jard. Oronte, 1922, p.76.
P. méton., vx. Mort noire. Peste noire. La mort noire au XVIesiècle, reçut sa dénomination des accidents hémorragiques qui en furent la manifestation la plus frappante (Sacquépée, Garcin dsNouv. Traité Méd.fasc. 3 1927, p.548).
c) P. anal. Fin. Sur la lisière d'une capitale, l'embarcadère d'un chemin de fer, c'est la mort d'un faubourg et la naissance d'une ville (Hugo,Misér., t.1, 1862, p.521).J'aime mieux savoir du moins que tu prépares la mort de notre amour (Camus,Chev. Olmedo, 1957, 2ejournée, 5, p.761).
2. [La mort est une force intemporelle sentie comme une menace pour toute vie humaine] Anton. vie.
a) [Compl. d'un verbe; la mort est l'objet d'une action]
[Avec un verbe construit directement] Néanmoins, sa promesse, son engagement (...) l'empoignaient au son de cette caisse sombre, sonnant la mort (Verlaine, Œuvres compl., t.4, L. Leclercq, 1886, p.137).Il pensa qu'ils aimeraient tous deux, quand ils seraient deux et que viendrait leur tour, d'accepter ensemble la douce mort, comme on prend un morceau de pain (Malègue,Augustin, t.2, 1933, p.359).
SYNT. Craindre, désirer, demander, mériter, risquer, souhaiter, vouloir la mort.
Donner*, se donner* la mort.
Pop. [Pour fustiger la lenteur de qqn] On l'enverrait chercher la mort. On peut lui envoyer chercher la Mort, on est sûr de vivre encore un bon bout de temps (Bruant1901, p.291).
Vieilli ou littér. Porter la mort. Plus que vingt bras armés quand son bras serait fort, Pût oser l'attaquer et lui porter la mort (Chénier,Bucoliques, 1794, p.45).
Fam. Voir la mort de près. Échapper de peu à la mort, affronter un grave danger. Je viens encore de voir la mort de près. Signe que l'on vieillit, quand le nombre de nos morts s'augmente (Léautaud,In memor., 1905, p.185).
[Avec un verbe constr. indirectement (ou un verbe à double construction)] Nous sommes trois pauv' conscrits, De l'an mil huit cent dix, Ils nous font tirer au sort, tirer au sort Pour nous conduire à la mort (Moselly,Terres lorr., 1907, p.105).Je vais à la mort comme on va à la messe (Montherl.,Port-Royal, 1954, p.1004).
Hurler* à la mort.
SYNT. Aspirer, échapper, s'exposer, se préparer, résister à la mort; condamner, mettre qqn à mort.
b) [Avec être et avoir, il forme des loc. exprimant un état]
[Avec être]
Vieilli. Être* à la mort. V. être 2esection I B 2.[Avec ell. du verbe] Il crut Mariette à la mort (Champfl.,Avent. MlleMariette,1853, p.98).
Être à l'article* de la mort.
Être entre la vie et la mort. Être en grand danger de mourir. Je suis resté pendant six mois entre la vie et la mort, ne parlant pas, ou déraisonnant quand je parlais (Balzac,Chabert, 1832, p.43).Dès le lendemain la fièvre puerpérale se déclara qui la maintint plus de huit jours entre la vie et la mort (Gide,Robert, 1930, p.1336).
[Avec avoir]
Avoir la mort sur les lèvres, entre les dents. Être à la fin de sa vie, vivre ses derniers instants. Quand un individu ne se tient pas debout et qu'il a la mort sur les lèvres on dit: − Bon pour figurer à la morgue (Virmaitre,Dict. arg. fin-de-s., Suppl., 1899, p.104):
3. Les chrétiens qui d'eux-mêmes quittent tout pour suivre leur maître sont le petit nombre. La plupart ne sacrifient que ce qui déjà leur est arraché des mains et, pour faire le sacrifice de leur vie, attendent d'avoir la mort entre les dents. Mauriac,Journal III, 1940, p.283.
Avoir la mort sur le visage. La pauvre Marie Chaplin, à moitié dressée sur ses oreillers, avait la mort sur son visage (Bourget,Tapin, Fille-mère, 1927, p.228).
c) [En fonction de suj.] Une mort très prompte vient d'enlever en huit jours cette femme d'esprit (Vigny,Mém. inéd., 1863, p.176).Nous saurons enfin, tous, que la mort n'existe pas, que la mort est un cauchemar inventé par l'ignorance, et nous serons ensemble pour toujours (Green,Journal, 1935, p.47).
SYNT. La mort s'abat, s'accomplit, effraie, épouvante, étreint.
Jusqu'à ce que mort s'ensuive. V. ensuivre (s').
d) [Compl. d'un subst.] M. Necker était calme devant Dieu, calme aux approches de la mort (Staël,Consid. Révol. fr., t.2, 1817, p.71).Les mystérieuses ténèbres de la mort (Dumas père, Monte-Cristo, t.2, 1846, p.313):
4. J'ai compris, grâce à eux, que nous ne pouvons valoir quelque chose que par le sacrifice et l'oubli total de soi au profit de Dieu et de sa cause, et que le meilleur moyen d'arriver au mépris de la mort est l'offrande de la vie et de la mort. Bernanos,Lettres inéd., 1905, p.1729-1730.
SYNT. Acceptation, affres, antichambre, appréhension, approche, attente, attirance, connaissance, convulsions, crainte, hantise, horreur, majesté, mépris, obsession, peur, phobie, rayon, refus, souffle de la mort.
Camp de la mort. Camp d'internement où les Allemands exterminaient les ennemis du régime nazi. La liberté allemande se chante alors, au son d'orchestre de bagnards, dans les camps de la mort (Camus,Homme rév., 1951, p.229).
e) [Formant des loc.]
Loc. adv.
Jusqu'à la mort. Dévoué à son maître, à sa patrie, il les servit jusqu'à la mort. Il était sur un pic et combattait, quand il fut pris et fusillé (Michelet,Chemins Europe, 1874, p.507).Ne t'ai-je pas aimé jusqu'à la mort moi-même (Verlaine, Œuvres compl., t.1, Sagesse, 1881, p.236).
Entre nous, c'est à la vie (et) à la mort. Nous sommes liés par des sentiments tels que seule la mort pourra les détruire. Nous voulons rester amis et être libres, parce que c'est entre nous à la vie à la mort (Martin du G.,Thib., Cah. gr., 1922, p.633).
Condamnation, condamner à mort. Condamnation, condamner à la peine capitale. Il a passé une nuit entière à jouer à la belote avec un jeune homme condamné à mort (Green,Journal, 1946, p.22).
À mort. Mortellement, jusqu'à ce que mort s'ensuive. Être blessé, malade à mort; combattre, lutter à mort. Il veut se battre à mort, au pistolet d'abord, à l'épée ensuite, jusqu'à ce que le combat finisse faute de combattants (Ponson du Terr.,Rocambole, t.5, 1859, p.44).
Loc. interj.
[Suivi gén. du nom de la/des personne(s) dont on souhaite la mort] Mort à...! à mort...! mort au(x) tyran(s) ! mort aux vaches*! À mort! À mort! Lapidez-le! Déchirez-le! À mort! (Sartre,Mouches, 1943, iii, 6, p.107):
5. un autre: Cela crie vengeance au ciel; sortons, et allons égorger Alexandre. un autre: Oui, sortons; mort à Alexandre! C'est lui qui a tout ordonné. Musset,Lorenzaccio, 1834, III, 7, p.209.
Vieilli. Par la mort. Célie: Supposons à présent que Montroger tombe dans le désespoir et ne se soumette pas! Armand: Mais, par la mort! de quel droit...? (Sand,MlleMerquem, 1868, p.209).
Loc. adj.
De la mort (avec une valeur intensive). Qui voisine, qui affronte ou défie la mort. Saut, commando, mur de la mort. Un hussard de la mort (...) prit l'épée et tua le prisonnier (Hugo,Misér., t.1, 1862, p.410).
De mort. Qui concerne, qui est relatif à la mort. Cri, danger, engin, menace, verdict de mort. La sentence de mort étant prononcée, Lady Russel alla se jeter aux pieds de Charles II, en l'implorant au nom de Lord Southampton (Staël,Consid. Révol. fr., t.2, 1817, p.380).Comme un homme en péril de mort à qui le nom de sa mère monte aux lèvres (Gracq,Syrtes, 1951, p.191):
6. ... vous appelez cela une oeuvre régénératrice, un salutaire enseignement, une semence jetée sur la terre promise! Moi, j'ai vu une oeuvre de mort, un exemple d'impuissance et les derniers grains d'une semence précieuse jetés aux vents, sur les rochers, parmi les épines! Sand,Lélia, 1839, p.432.
Arrêt* de mort. Instinct* de mort. Lit* de mort. Peine* de mort.
Silence de mort. Silence complet, comparable à celui de la mort. Christophe s'enfonce dans son petit lit et retient son souffle... Silence de mort (Rolland,J.-Chr., Aube, 1904, p.14).
Question, affaire de vie ou de mort. Question, affaire très importante, qui engage la vie de quelqu'un. En même temps, nous aurons à préparer le grand effort de natalité et de santé publique qui est pour la patrie une question de vie ou de mort (De Gaulle,Mém. guerre, 1956, p.585).
Rare, dans une constr. attributive. C'est pourquoi le matin et le printemps sont de bonheur, pourquoi le crépuscule et l'automne sont de mort (Laforgue,Moral. légend., 1887, p.237).
f) Poét. [Souvent avec une majuscule]
[La mort, conçue comme une abstraction est personnalisée] Il y a des morts si soudaines de jeunes filles qu'elles ressemblent à des assassinats de la mort (Goncourt,Journal, 1886, p.247).Ils ne veulent pas contempler la Mort!... Voyez-vous, mon cher, il n'y a que deux hommes, le prêtre et le médecin, qui passent leur existence à regarder la Mort en face (Curel,Nouv. idole, 1899, ii, 5, p.215):
7. Il en est qui jamais n'ont connu leur Idole, Et ces sculpteurs damnés et marqués d'un affront, Qui vont se martelant la poitrine et le front, N'ont qu'un espoir, étrange et sombre Capitole! C'est que la Mort, planant comme un soleil nouveau, Fera s'épanouir les fleurs de leur cerveau! Baudel.,Fl. du Mal, 1857, p.225.
[La mort est représentée allégoriquement] Squelette drapé ou nu portant une faux. Il y a un évêque, un roi, et puis un diable, et la Mort avec une faux (Ramuz,A. Pache, 1911, p.229):
8. Drapée en noir, la Mort Cassant entre ses mains, le sort Des gens méticuleux et réfléchis Qui s'exténuent, en leurs logis, Vainement, à faire fortune; La Mort soudaine et importune Les met en ordre dans leurs bières Comme des fardes régulières. Verhaeren,Villes tentac., 1895, pp.189-190.
SYNT. Affronter, appeler, braver, défier, vaincre la Mort; la Mort s'abat, s'approche, fauche, frappe, moissonne; froid, pâle, triste comme la Mort.
3. BIOLOGIE
Mort (totale, absolue). ,,Arrêt complet et définitif des fonctions d'un organisme vivant, avec disparition de sa cohérence fonctionnelle et destruction progressive de ses unités tissulaires et cellulaires`` (Méd. Biol. t.2 1971). Une définition plus générale de la mort a été apportée par l'analyse des «comas dépassés». C'est la mort cérébrale qui constitue le signe absolu de la mort (Méd. Flamm.1975).La maladie et la mort ne sont qu'une dislocation ou une perturbation de ce mécanisme qui règle l'arrivée des excitants vitaux au contact des éléments organiques (Cl. Bernard, Introd. et méd. exp., 1865, p.120).On arrive à classer les causes de la mort en trois groupes: troubles ou obstacles mécaniques; lésions d'un organe important; infection ou intoxication générale (Roger dsNouv. Traité Méd.fasc. 1 1926, p.95).
Mort apparente*.
Mort foetale. ,,Décès d'un produit de conception, lorsque ce décès est survenu avant l'expulsion ou l'extraction complète du corps de la mère, indépendamment de la durée de la gestation`` (Méd. Biol. t.2 1971).
Mort naturelle. Mort due à une cause interne (vieillissement, maladie):
9. À cinquante-six, commence la vieillesse la plus hâtive. Soixante-trois est la première époque de la mort naturelle. (Je me rappelle que vous blâmez cette expression: nous dirons donc mort nécessaire, mort amenée par les causes générales du déclin de la vie). Je veux dire que, si l'on meurt de vieillesse à quatre-vingt-quatre, à quatre-vingt-dix-huit, on meurt d'âge à soixante-trois: c'est la première époque où la vie finisse par les maladies de la décrépitude. Senancour,Obermann, t.2, 1840, p.13.
Mort violente (p. oppos. à mort naturelle). Mort due à une cause externe (accident, homicide, suicide ou exécution judiciaire). Le cuivre, à notre époque, il sert à fabriquer des douilles d'obus et de la mort violente en perspective (Arnoux,Paris, 1939, p.166).
Mort subite. Mort brutale sans cause apparente. Geneviève lui conta, en quelques mots, l'histoire de la mort subite d'un parent (Zola,M. Férat, 1868, p.201).
Mort génétique. Élimination, dans une population, d'un gène létal par incapacité des individus porteurs d'avoir une descendance. Dans une population, la fréquence d'un gène défavorable tend toujours à rejoindre la valeur où le nombre de morts génétiques qu'il entraîne par génération équilibre le nombre de gènes nouveaux produits par mutation (L'Hér.Génét.1978).En radiobiologie, mort de la cellule sous l'effet d'une dose d'irradiation qui permet à la cellule de se diviser encore un petit nombre de fois en donnant des cellules non viables. Synon. mort mitotique (d'apr. Méd. Biol. t.2 1971).
Mort biologique. Destruction d'un écosystème. Le Rhin roule déjà des eaux à la limite de la mort biologique. Une poussée de chaleur et le poisson ne peut plus vivre (Le Sauvage, janv. 1974, p.12, col.3).
4. RELIG. [Considérée comme fruit du péché de l'Homme contre Dieu] Séparation de l'âme du corps, marquée par le passage du temps à l'éternité. Milton déclare qu'il chante la désobéissance de l'homme, et le fruit défendu qui fit entrer la mort dans le monde, etc. (Chateaubr.,Martyrs, t.1, 1810, p.40).Saint Paul, qui annonce que «le dernier ennemi qui doit être détruit est la mort» (Camus,Homme rév., 1951, p.238).
Bonne mort, sainte mort. Mort du juste, en état de grâce. Sa sainte mort consommée au mois d'août de cette année (Sainte-Beuve,Port-Royal, t.3, 1848, p.277).
Mauvaise mort, mort de l'âme, mort éternelle. ,,État de ceux qui dans l'autre monde, se trouvent privés par leur faute de la vision béatifique de Dieu qui constitue la vie éternelle`` (Foi t.1 1968). Voilà des crimes qui, dans le système des catholiques, sont dignes de la mort éternelle (Dupuis,Orig. cultes, 1796, p.547).
Péché de mort. Péché mortel. Que de fois, par exemple, passant dans les villages pour acheter les oeufs, la ferraille ou les oies, un paysan vous invite à sa table et vous offre du cochon: on accepte par bonhomie, et c'est un péché de mort! (Tharaud,Ombre de la Croix, 1917, p.39).
[P. allus. à Ézéchiel, 18, 23, 32] Ne pas vouloir la mort du pécheur. Être indulgent. N'essayez pas de crier. Pas de scandale. Je ne veux pas la mort de la pécheresse. Cela peut s'arranger (...). Sinon je me trouve engagé et je ne réponds de rien (Arnou.,Rêv. policier amat., 1945, p.291).
Mort au monde. Renoncement aux fastes du monde pour se consacrer à Dieu. P. anal. Ce concert finissait mon séjour à Paris, c'était le glas de ma mort au monde (E. de Guérin,Journal, 1840, p.368).
B. − P. hyperb. Altération de la vie.
1. Diminution de la force, de l'activité, des pouvoirs.
a) [Chez une pers., physiquement ou mentalement] Ces morts successives, si redoutées du moi qu'elles devaient anéantir, si indifférentes, si douces une fois accomplies et quand celui qui les craignait n'était plus là pour les sentir, m'avaient fait depuis quelque temps comprendre combien il serait peu sage de m'effrayer de la mort (Proust,Temps retr., 1922, p.1038):
10. L'habitude d'un long silence l'avait rendue muette; l'ombre de sa demeure, la vue continuelle des mêmes objets, avaient éteint ses regards et donné à ses yeux une limpidité d'eau de source. C'était un renoncement absolu, une lente mort physique et morale, qui avait fait peu à peu de l'amoureuse détraquée une matrone grave. Zola,Fortune Rougon, 1871, p.134.
Mort civile*.
[P. réf. à la déchéance progressive apportée par la drogue] Mort lente. Drogue. La C.i.a., elle-même, récemment réorganisée, a reçu du président Nixon la tâche de s'occuper aussi du trafic de la drogue. Aux marchands de mort lente, les Américains ont déclaré la guerre totale. Des deux côtés de la barricade, les Français, truands ou policiers, sont en première ligne (L'Express, 7 mai 1973, p.93, col.3).
Mort professionnelle. Cessation d'activité professionnelle, chômage. L'obsession de la mort professionnelle n'a pas quitté les commerçants (L'Express, 1erdéc. 1969,p.67, col.1).
Mort sociale. Isolement, solitude sociale. Faut-il parler aussi de ce que les sociologues appellent la «mort sociale»? On n'a plus d'amis. Parce qu'on ne saurait pas quand les voir, ni surtout quoi leur dire d'autre que ce leitmotiv: ,,Je ne veux plus faire les nuits, je veux mes dimanches, je voudrais vivre comme vous...`` (Le Sauvage, juin 1973, p.17, col.1).
Fam., p. méton. Attraper la mort. Prendre un refroidissement. C'est dégoûtant, ce bois!... il y a une humidité!... il n'en faut pas davantage pour attraper la mort! (Gyp,Gde vie, 1891, p.78).
b) [En parlant d'une chose, dans des emplois souvent métaph.]
[Une communauté humaine (un continent, un pays, une ville)] Il me parle de la mort de ce pays [Haïti] depuis l'abandon des Français, me signale les ruines des édifices, des routes, de tout (Goncourt,Journal, 1894, p.651).
[Une culture ou l'expression de cette culture] Cette année 98, qui est celle de ma naissance, vit commencer la langueur, la mort de la presse, la ruine de l'imprimerie, anéantie sous Napoléon (Michelet,Journal, 1846, p.657).C'est par là que la guerre actuelle a pour enjeu la vie ou la mort de la civilisation occidentale (De Gaulle,Mém. guerre, 1954, p.570):
11. Quand je parlai de la mort des Cathédrales, je craignis que la France fût transformée en une grève où de géantes conques ciselées sembleraient échouées, vidées de la vie qui les habita et n'apportant même plus à l'oreille qui se pencherait sur elle la vague rumeur d'autrefois, simples pièces de musée, glacées elles-mêmes. Proust,Past. et mél., 1919, p.198.
2. Sensation intense.
Petite mort. Frisson nerveux, orgasme. Jusqu'au jour durait la mêlée de ces deux corps fondus dans une longue caresse: la petite mort de la volupté apportant au visage de Juliette une transfiguration extatique (E. de Goncourt,Faustin, 1882, p.216).
À mort. Extrêmement, au plus haut degré. Il s'enivre à mort, deux fois par mois, avec exactitude (Duhamel,Journal Salav., 1927, p.62).Des hommes exploitaient à mort d'autres hommes! (Beauvoir,Mandarins, 1954, p.297).
Se brouiller, se fâcher à mort. Se brouiller, se fâcher sans espoir de réconciliation. Les Lorilleux s'étaient brouillés à mort avec Gervaise (Zola,Assommoir, 1877, p.498).
À la mort. Même sens. Je suis fatigué à la mort (Stendhal,Rouge et Noir, 1830, p.386).Je suis triste à la mort. Je voudrais te voir (E. de Guérin,Journal, 1839, p.283).Lorsqu'un infortuné est dévoué à la mort (Musset,Mouche, 1854, p.265).
3. Malheur, grande affliction.
Avoir la mort dans l'âme, dans le coeur. Être très affligé; faire quelque chose contre son gré, à son corps défendant. On fut contraint d'aller au bal, la mort dans le coeur, pleurant intérieurement ses parents ou ses amis (Chateaubr.,Mém., t.2, 1848, p.468).Elle avait la mort dans l'âme (Triolet,Prem. accroc, 1945, p.86).
Souffrir mille morts. Subir une épreuve très pénible, éprouver de vives souffrances. Mais, madame, vous allez souffrir mille morts, si c'est vrai! (Ponson du Terr.,Rocambole, t.2, 1859, p.392).
Souffrir, suer mort et passion. Endurer de cruelles épreuves. Puisque la lettre ne nous semble insuffisante qu'en la lisant, mais que nous suons mort et passion tant qu'elle n'arrive pas, et qu'elle suffit à calmer notre angoisse (Proust,Fugit., 1922, p.454).
Être la mort de qqn. Faire le malheur de quelqu'un. Pour un noble au quinzième siècle, c'était déjà la mort que de jouer le rôle d'un bourgeois sans sou ni maille, et de renoncer aux privilèges du rang (Balzac,MeCornélius, 1831, p.224).La captivité de Charles en Sibérie fut, pour cette femme aimante, la mort tous les jours (Balzac,Modeste Mignon, 1844, p.26).
Prononc. et Orth.: [mɔ:ʀ]. Homon. maure, mors, formes de mordre. Pas de liaison au sing. Affecté et vieilli, ds Littré: il a souffert mort et passion [mɔ ʀte-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. 1. 881 «cessation définitive de la vie» (Ste Eulalie, 28, éd. Henry Chrestomathie, p.3: Qued auuisset de nos Christus mercit Post la mort); fin xes. aler a la mort (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 156); début xiies. (Benedeit, St Brendan, éd. E. G. Waters, 348: la mort le prent [mortis nexibus occupatus]); 1160-74 ne por vie ne por mort «même au péril de la vie, en aucune circonstance» (Wace, Rou, éd. J. Holden, II, 292); ca 1170 u a mort u a vie «en toute circonstance, toujours» (Rois, II, XV, 22, éd. E. R. Curtius, p.86); ca 1200 suffrir la mort [en parlant du Christ] (Chanson de Guillaume, éd. McMillan, 312); 1214-27 estre a la mort (Perceval, 3econtinuation par Manessier 38060 ds T.-L.); 1283 dr. mort d'homme (Beaumanoir, Beauvaisis, éd. A. Salmon, § 1699) − Locutions a) loc. adv. α) ca 1100 a mort (Roland, éd. J. Bédier, 1952 a mort est ferut; 1965: il est a mort nasfret); β) ca 1260 desirer a mort (Récits d'un ménestrel de Reims, 202 ds T.-L.); fin xiiies. heer a mort (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 12203, var. ms. K); b) loc. interj. α) fin xiiies. Par la mort Dieu (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. A. Hilka, 1398, var. ms. M), v. aussi morbleu; β) ca 1260 A la mort, a la mort! (Récits d'un ménestrel de Reims, 221 ds T.-L.); c) imprécation ca 1200 que male mort ocie! (Chevalier au cygne, 76, ibid.); 2. La Mort personnifiée, évoquée avec ses attributs ca 1165 (Benoît de Ste-Maure, op. cit., 23006: Ha! chäeles, Mort, ne targier!); 1197 (Hélinant, Vers de la mort, I, 4 ds T.-L.: Morz, ... Tu lieves sor toz ta maçüe); 1226-30 (Guillaume Le Clerc, Besant de Dieu, éd. P. Ruelle, 204: La mort a sa pierre en sa fronde Tut aprestee por lancier); 3. la peine capitale xives. jugiez a mort [en parlant du Christ] (Chrétien de Troyes, op. cit., 583, var. ms. S); 1559 criminel de mort (Amyot, Hommes illustres, Antoine, 93, éd. Gérard Walter, t.2, p.936); 1606 condamner à la mort, condamné à mort (Nicot). II. A. Séparation, mise à l'écart 1. ca 1190 relig. «séparation définitive d'avec Dieu, mort spirituelle, damnation» (Renart, éd. M. Roques, 8674: Diex ne viaut mort de pecator); ca 1223 seconde mort «id.» [secunda mors, Apoc., II, 11; XX, 6; cf. Dan., XII, 2] (Gautier de Coinci, Ste Christine, 3409 ds T.-L. [opposée à la premiere mort consistant dans la séparation de l'âme et du corps ca 1275 (Vie de Ste Marthe, éd. P. Meyer ds Not. et Extr. des mss de la Bibl. nat., t.35, 2, p.503]); 2. ca 1600 relig. «séparation d'avec l'Église» mort spirituelle (D'Aubigné, Confession du sieur de Sancy ds Œuvres, éd. H. Weber, II, VI, p.646: Bèze est mort de mort civile: à sçavoir par bannissement, et de mort spirituelle ... à sçavoir par l'excommunication); 3. ca 1600 dr. mort civile (D'Aubigné, loc. cit.); 4. av. 1719 terme de spiritualité la mort au monde (Maintenon, Lettre à Mmede Glapion, t.3, p.194 ds Littré). B. Difficulté, ruine 1. ca 1223 «peine, difficulté» a grant mort (Gautier de Coinci, Miracles, éd. F. Koenig, II Ch. 9, 3075); ca 1250 a grant paine et a male mort (Douin de Lavesne, Trubert, éd. G. Raynaud de Lage, 585); mil. xves. «peine, mal, souffrance» mourir de mille mors (Alain Chartier, Belle Dame sans merci, éd. A. Piaget, 143); 2. 1572 méd. petite mort «syncope» (Paré, Œuvres, éd. J. Malgaigne, t.1, p.450a); 3. 1670 «déclin, ruine» (Bossuet, O. f. Henriette d'Angleterre, éd. Y. Champailler, Œuvres, p.84: la mort et le néant de toutes les grandeurs humaines). Du lat. mors, mortis «mort, peine de mort [morte multare]», désignant la personnification de la Mort; fig. «déficience, ruine, perte [mors memoriae]»; dans la lang. philos. et relig. désigne la vie terrestre (Cic., Tusc., 1, 75, TLL s.v., 1505, 84: haec vita mors est et Id., Scaur., 4, ibid., 1505, 79: hanc esse mortem quam nos vitam putaremus); dans la lang. chrét. «mort spirituelle (par le péché), mort spirituelle définitive», cf. supra seconde mort. Fréq. abs. littér.: 342. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 308, b) 650; xxes.: a) 565, b) 502. Bbg. Bonan Garrigues (M.), Élie (G.). Essai d'analyse sém. Cah. Lexicol. 1971, no19, pp.83-88. _ Bouverot (D.). Mort ds les textes littér. du 19eet 20es. dépouillés pour le TLF. In: La Mort en toutes lettres. Nancy, 1983, pp.285-289. _ Brault (G.S.). Le Thème de la mort ds la Chanson de Roland. Société Rencesvals. 4eCongrès Internat. 1967. Heidelberg, 1969, pp.220-237. _ Le Gentil (P.). Réflexions sur le thème de la mort ds les chansons de geste. In: [Mél. Lejeune (R.)]. Gembloux, 1969, pp.801-809. _ Martineau-Génieys (G.). Le Thème de la mort ds la poésie fr. de 1450 à 1550. Paris, 1977, 656 p. _ Quem. DDL t.19.

MORT2, MORTE, part. passé, adj. et subst.

I.− Part. passé de mourir*.
II.− Emploi adj.
A.− [En parlant d'un organisme du règne animal ou végétal]
1. Qui a cessé de vivre.
a) [En parlant d'un être humain]
[L'adj. n'est pas circonstancié] Elle gémissait : − Je suis malheureuse, je voudrais être morte (Rolland, J.-Chr.,Buisson ard., 1911, p. 1384):
1. C'est avec une dureté presque triomphale qu'il répétait sur un ton uniforme, légèrement bégayant et aux sourdes résonances sépulcrales : « Hannibal de Bréauté, mort! Antoine de Moucchy, mort! Charles Swann, mort! Adalbert de Montmorency, mort! Boson de Talleyrand, mort! Sosthène de Doudeauville, mort! » et chaque fois, ce mot « mort » semblait tomber sur ces défunts comme une pelletée de terre plus lourde, lancée par un fossoyeur qui tenait à les river plus profondément à la tombe. Proust, Temps retr.,1922, p. 862.
Corps* mort.
Mort ou vif. Vous serez [dit l'escamoteur à Eustache] ramassé et hissé (...) à la demi-croix, haut et court, mort ou vif, comme l'ordonnance le porte (Nerval, Nouv. et fantais.,1855, p. 217).Capturer, prendre qqn mort ou vif. L'inspecteur est en train de poster des hommes armés, pour le prendre mort ou vif (Giraudoux, Intermezzo,1933, ii, 3, p. 121).
Laisser, prendre, tenir qqn pour mort. J'ai été laissé pour mort par des voleurs (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Peur, 1882, p. 798).Nous nous tenions déjà pour morts (Renan, Drames philos.,Prêtre Nemi, 1885, ii, 3, p. 554).
[Pour souligner péremptoirement un ordre ou un avertissement d'une menace de mort] Tompson : (...) Postillon, au galop. Mawbray, le menaçant : Si tu fais un pas, tu es mort! (Dumas père, Darlington,1832, iii, 2, p. 123).Barrez-vous, ou vous êtes morts! balbutia le gosse (...) devinant confusément que le mot mort n'a pas tout à fait le même sens que le mot end à la fin d'un film (H. Bazin, Lui,1950, p. 17).
Proverbe. Morte la bête, mort le venin! Un méchant, un importun, mort, ne peut plus nuire, ne peut plus indisposer. Et il les rejetterait, ces endroits, mais le plaisir de les rejeter serait comme s'il les remangeait. Et, passant en vue du fourré où il avait donné son premier baiser à Solange, il penserait : « Morte la bête, mort le venin » (Montherl., Lépreuses,1939, p. 1513).
[P. allus. à la phrase de Plutarque (Des Oracles, 17) censée annoncer la fin de l'ère des dieux païens : « Le grand Pan est mort »] :
2. Beaucoup de ces dieux ont péri C'est sur eux que pleurent les saules Le grand Pan l'amour Jésus-Christ Sont bien morts et les chats miaulent Dans la cour je pleure à Paris. Apoll., Alcools,1913, p. 50.
[L'adj. est précisé par des notations]
[de durée] Son père mort il y avait alors dix ans (Baudel., Paradis artif.,1860, p. 404).Il était mort. Mort à jamais? Qui peut le dire? (Proust, Prisonn.,1922, p. 187).
[d'espace (par un compl. lié au verbe régissant l'adj.)] On l'avait cru mort à l'hôpital, m'a-t-il dit (Latouche, l'Héritier, Lettres amans,1821, p. 154).Le curé fut trouvé mort dans son lit, le lendemain (Balzac, Peau chagr.,1831, p. 56).
[de circonstances] Denise fut retrouvée morte, avec ses deux enfants, par les pionniers, dans les débris de la caverne (Lamart., Tailleur pierre,1851, p. 547).
Tomber mort. L'héritier (...) vide la coupe où l'ange a trempé son épée, et tombe mort (Béguin, Âme romant.,1939, p. 263).
Raide mort. Je ne te dis rien de Brescia (...). On y assassine un homme raide mort pour deux ducats ou environ 8 francs de France (Stendhal, Corresp.,t. 1, 1801, pp. 14-15):
3. Et voilà que soudain, dans cette course éperdue, mon aïeul heurta du front une branche énorme qui lui fendit le crâne; et il tomba raide mort sur le sol, tandis que son cheval affolé s'emportait, disparaissait dans l'ombre enveloppant les bois. Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Loup, 1882, p. 1244.
Adv. + mort.Orsini : Il était bien mort? Laudry : Bien mort (Dumas père, Tour Nesle,1832, i, tabl. 2, 6, p. 24):
4. Elles dormaient, enlacées comme des initiales, et même si curieusement que les membres de l'une semblaient appartenir à l'autre... En face de ces corps blancs épars sur le drap, Jacques devint stupide comme Perrette devant son lait répandu. Fallait-il tuer? C'eût été fort ridicule, et, en outre, un pléonasme. Il semblait impossible de faire ces mortes plus mortes. Cocteau, Gd écart,1923, p. 64.
b) [P. méton.; en parlant d'une partie du corps (gén. un membre)] Inerte, sans vie, sans expression. Ces larmes qui coulaient une à une sur ce visage mort dont pas une ride ne bougeait, cette face inerte et blafarde qui ne pouvait pleurer par tous ses traits et où les yeux seuls sanglotaient (Zola, Th. Raquin,1867, p. 181).Elle détacha l'être aussi facilement qu'une peau morte (Montherl., Bestiaires,1926, p. 466).
c) [En parlant d'un animal, d'un végétal (ou d'une partie de celui-ci)] Qui ne possède plus de vie. Feuillage mort; branche, feuille* morte. Blazius, le Tyran et Léandre, éparpillés dans le taillis, ramassaient du bois mort (Gautier, Fracasse,1863, p. 159).La petite princesse était fort triste aussi; elle tenait à la main un oiseau mort, et contemplait une cage vide avec des yeux pleins de larmes (Loti, Mariage,1882, p. 138).Au Trocadéro, regardé des hommes en train d'abattre un arbre mort (Green, Journal,1931, p. 59).
[P. méton.] Forêt morte. Ils remuaient d'un air résigné la boue de cette terre morte, privée de semence (A. Daudet, R. Helmont,1874, p. 146).
2. Qui semble, sous certains aspects, avoir perdu la vie.
a) Qui ne manifeste aucun des caractères qui sont propres à la vie (mouvement, sensibilité, chaleur, couleur). Elle resta morte, sans une parole, sans un mouvement (Zola, Fécondité,1899, p. 419).
Rare, avec une valeur adv. [Le comédien] a inventé ce mot stupide et stoïque : « On joue mort, mais on joue » (Colette, Jumelle,1938, p. 161).
[P. méton.]
[En parlant d'une partie du corps (gén. un membre)]
Sans tonus, relâché. Il continuait de feindre l'évanouissement, les paupières closes, les jambes et les bras morts (Zola, Terre,1887, p. 398).
Main morte. Main ballante, molle. Assouplissements pour le petit détaché : Mouvements de pronation et supination avec la « main morte » (Lallement, Dyn. instrum. archet,1925, p. 102).
Au fig. Ne pas y aller de main morte. Agir, parler sans ménagement, sans douceur. Dubois : Et le poignard de notre conspirateur (...). Peste! monseigneur, ce gaillard-là n'y va pas de main morte! (Dumas père, Fille du régent,1846, iii, 6, p. 223).
Insensible, engourdi. Gisèle a des engourdissements des doigts qui vont jusqu'au phénomène du doigt mort (Janet, Obsess. et psychasth.,1903, p. 422):
5. Les jambes seulement étaient immobiles. Les ténèbres le tenaient par là. Les pieds étaient morts et froids, et la tête vivait de toute la puissance de la vie et paraissait en pleine lumière. Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 52.
[En parlant d'un sentiment ou du siège d'un sentiment] Il me semblait que j'avais, comme René, le cœur mort avant d'avoir vécu (Sand, Hist. vie,t. 3, 1855, p. 352).Et sur notre amour mort et bien enseveli Nous allons, si tu veux, chanter le dernier psaume (Murger, Nuits hiver,1861, p. 24).Sa foi était morte à jamais (...). Il niait tout (Zola, Paris,t. 1, 1897, p. 6).
Tout est mort entre nous. Les sentiments qui nous unissaient n'existent plus. Ah! tout est bien mort entre nous, rien ne nous est plus commun, des mondes nous séparent (Zola, Paris,t. 1, 1897p. 4).
[En parlant d'un caractère, d'un aspect physique] Qui dénote une absence de sentiment, un vide de sensibilité. Elle le regarda d'un œil fixe et mort (Balzac, Adieu,1830, p. 29).Clara seule lâcha un mot cru à l'oreille de Mllede Fontenailles, qui demeura blême, le visage mort (Zola, Bonh. dames,1883, p. 674).
b) Qui est privé pour des raisons intérieures ou extérieures (la fatigue, la maladie, la peur, etc.) d'une partie importante de ses moyens; fam. être à bout de forces. Miller : (...) Là, sous la porte de la maison, il y a un drôle qui guette. Madame Miller : Je suis morte! (Dumas père, Intrigue et amour,1847, ii, 1, p. 232).Je suis las, je suis mort, laisse-moi dormir! (Hugo, Contempl.,t. 2, 1856, p. 228).
Arg. et vx. Être mort dans le dos. Être transi de froid, à demi mort. Il est mort dans le dos le papa, dit à son tour Thérèse (Vidocq, Mém.,t. 2, 1828-29, p. 104).
Être (un homme) mort. Être (un homme) en danger de mort. Je suis un homme perdu, un homme mort, si vous ne m'aidez à passer la frontière (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, En voy., 1882, p. 639).
Être ivre mort(e). Être ivre au point d'en avoir perdu tout sentiment. La femme ivre morte et son enfant de six ans assis à côté, qui attend qu'elle se réveille (Michelet, Journal,1834, p. 136).Crochu est ivre mort, difficile à traîner (Gide, Souv. Cours d'ass.,1913, p. 657).
[Précédé d'un intensif] Être absolument, bien, complètement mort. Tu m'as vu mourant presque, Ou plutôt presque mort (Verlaine, Poèmes divers,Féroce, 1896, p. 794).
Être plus mort que vif. Vallombreuse disparut et revint bientôt avec Isabelle plus morte que vive (Gautier, Fracasse,1863, p. 485).
Être à demi, à moitié mort; mort à demi, à moitié (littér.). J'étais mort à moitié en me mettant en voiture (Balzac, Corresp.,1836, p. 110).Il me conduisit, à demi mort, dans une sorte de hangar énorme (Gide, Si le grain,1924, p. 557).
[Le compl. de cause est exprimé] Être mort de faim, de fatigue, de peur, de soif. Si elle m'avait poursuivi, je serais mort de terreur (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Peur, 1884, p. 963).Une existence de bête de somme menée à coups de fouet, morte de sommeil (Zola, Terre,1887, p. 142).
c) Qui n'existe plus aux yeux de certaines personnes ou pour certaines choses. Nous sommes finis, mon vieux, nous sommes morts et enterrés. La jeunesse n'a qu'un temps! (Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 304).Je dois ajouter qu'il [M. Champfleury] est mort littérairement, car depuis longtemps il n'a plus fait paraître un roman (Zola, Romanc. natur.,Crit. contemp., 1881, p. 274).
Qqn est mort en/pour qqn.Quelqu'un n'existe plus, n'a plus d'intérêt pour quelqu'un. Je saurai bien m'arranger ensuite pour qu'il soit mort pour MlleStangerson, même s'il reste vivant (G. Leroux, Mystère ch. jaune,1907, p. 106).Combien Solange était morte en lui, Adèle en eut l'évidence dans le sourire cordial avec lequel il marcha vers elle en tendant les deux mains (Bourget, Tapin,Enf. morte, 1928, p. 76).
Qqn est mort à qqc.Quelqu'un est insensible, indifférent à quelque chose. Le plus souvent tes yeux étaient à demi fermés et tu semblais mort à toutes les impressions extérieures (Sand, Lélia,1833, p. 319).[Madame Claës, à son mari :] − (...) La vie du cœur, comme la vie physique, a ses actions. Depuis six ans, tu as été mort à l'amour, à la famille, à tout ce qui faisait notre bonheur (Balzac, Rech. absolu,1834, p. 230):
6. Mon âme vit dans un cercueil. Oh! Oui, enterrée, ensevelie en toi, mon ami; de même que je vivais en ta vie, je suis morte en ta mort. Morte à tout bonheur, à toute espérance ici-bas. E. de Guérin, Journal,1839, p. 281.
B.− P. anal. [En parlant d'un chose]
1. Qui n'est pas vivant. Quand je verrai Picard, je lui dirai : « La lune est un astre mort » (Renard, Journal,1908, p. 1202).
Cheptel* mort. Nature* morte.
2. Qui n'est plus vivant.
a) [En parlant d'une communauté, d'une activité humaine] Qui a perdu sa vigueur, son dynamisme.
Sans présence, sans activité humaine. Commerce, pays mort; cité, maison, ville morte. Au village mort où il allait chercher de l'eau Jaume a trouvé un peigne de femme (Giono, Colline,1929, p. 124).Anne hésita. Était-elle sûre, tout à l'heure, de trouver un taxi, dans ce quartier mort? (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 107).
Morte saison. Époque où, pour certaines professions, l'activité se ralentit. Au moment où toute la classe riche est à la campagne, et dans la saison que les libraires appellent morte (Stendhal, Corresp.,t. 2, 1825, p. 384).V. morte-saison.
[En parlant d'une culture, d'une civilisation] Les beaux témoignages de civilisations mortes (Lamart., Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 377).Il était, lui, ce citoyen, ce Romain. Il sentait en lui l'âme des républiques mortes (Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 16).
[En parlant d'un courant de pensée, d'une expression culturelle] La sociologie de Durkheim est morte (Sartre, Sit. I,1947, p. 186).La jeunesse russe verse alors [dans les années 40] dans ces pensées abstraites la force passionnelle démesurée qui est la sienne et vit authentiquement ces idées mortes [de Hegel] (Camus, Homme rév.,1951, p. 189).
[Avec une valeur intensive] Mort et enterré. Depuis que la foi est morte et enterrée (Bloy, Journal,1903, p. 149).
P. métaph. À la Mazarine, j'ai sous les yeux (...) cette multitude de livres morts et qu'on ne lit plus, vrai cimetière qui nous attend (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t. 11, 1858, p. 515).
Langue* morte.
b) ARTS. Qui manque de vie, d'animation, de vivacité, d'éclat. Cette figure, ce portrait n'a point de vie; son regard est mort (Jossier1881) :
7. Je craignais que Carmen ne fût étouffée par la figuration. Mais rien ne prévalut contre le plaisir d'entendre cette musique qui m'est si chère, jouée enfin avec amour et respect. Même les parties mortes (le rôle de Micaëla) renaissaient. Mauriac, Nouv. Bloc-Notes,1961, p. 264.
c) [En parlant d'un ton, d'une lumière] Terne, dont l'éclat est altéré. Une chaise longue, garnie d'une soie ancienne d'un rose mort et glacé d'argent (Bourget, 2eamour,1884, p. 176).[Djénane :] Les nôtres [les robes des jeunes Turques] furent roses, vertes, jaunes : teintes qui sont devenues mortes comme celles des fleurs que l'on conserve entre les feuillets d'un livre (Loti, Désench.,1906, p. 193).Les autres petites filles étaient vêtues de soie brillante, de dentelles; nous portions des robes de lainage, aux couleurs mortes (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 50).
[P. méton.] Ce paysage de désolation, éclairé par les rayons crépusculaires d'un soleil mort, enfoui sous une couche de pesants nuages (Huysmans, Art mod.,1883, p. 267).
3. Qui n'est pas/plus en mouvement.
[En parlant d'un élément naturel]
[En parlant de l'eau]
Eau morte. Eau dormante, stagnante. Je me retrouvai suffoquant à demi noyé dans l'eau morte du marécage (Maurras, Chemin Paradis,1894, p. 88).
Morte eau. Époque à laquelle les marées sont de moindre amplitude. Il y eut un moment où l'histoire de l'Europe parut étale comme la mer en temps de morte eau (Nizan, Conspiration,1938, p. 52).V. morte-eau.
Eaux mortes. Eaux qui enveloppent et semblent accompagner l'arrière d'un navire en mouvement (d'apr. Bonn.-Paris 1859).
Mer morte. Mer étale. La mer, absolument morte, nous retint au large jusqu'à la nuit tombante (Fromentin, Dominique,1863, p. 168).
[En parlant de l'air] Lourd, accablant. Atmosphère, chaleur morte. Le bec de gaz sifflait, dans l'air mort et brûlant de la petite pièce (Zola, Bonh. dames,1883, p. 413).
[En parlant d'un objet] Balle* morte; corps*(-)mort.
SPORTS. Ballon mort, balle morte. Ballon, balle arrêtée. Les pelotes sont vives ou mortes suivant la vitesse avec laquelle elles sont renvoyées par le mur (Sports Mod. Illustr.,1906ds Petiot 1982).
4. Qui n'est plus en activité. Volcan mort. Une seule fois un nommé Grivel vint chercher une braise dans un sabot, parce qu'en rentrant chez lui, il avait trouvé son feu mort (Pourrat, Gaspard,1925, p. 199):
8. ... au clair de la lune, Arlequin dont la chandelle était morte suppliait son ami Pierrot de tirer les verrous pour la lui rallumer... Bertrand, Gaspard,1841, p. 84.
5. Qui est arrêté, qui ne fonctionne plus; inactif, inefficace. Angle*, argent*, bras*, poids*, temps* mort; mémoire* morte. Ce misérable cheval qui souffrait tant, et dont le râle sans fin, maintenant que la machine était morte, restait comme la lamentation dernière de la catastrophe (Zola, Bête hum.,1890, p. 231).Quand la Kommandantur leur a prescrit de régler leurs montres sur l'heure allemande, ils [les prisonniers] se sont empressés d'obéir, même ceux qui, depuis le mois de juin, portaient en signe de deuil des montres mortes à leur poignet (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 254).
Fam. et pop. Hors d'usage, hors service (H. S.). Batterie, pile morte; pneus morts. Mes pompes sont mortes (Car.Argot1977) :
9. Le cellérier avait la manie de ne rien jeter et il déposait dans ce capharnaüm tous les engins hors d'usage, tous les ustensiles brisés. Il y avait des literies malades et des arrosoirs qui avaient perdu leurs pommes et qui fuyaient par le bas, des bidons de pétrole crevés et des lampes mortes; il y avait des tables sans pieds, des tabourets cassés, des marmites infidèles; il y avait même des statues décapitées de saints, le tout enchevêtré, pêle-mêle, sous une couche de poussière traversée par des caravanes de rats. Huysmans, Oblat,t. 2, 1903, p. 262.
6. Qui n'existe plus, qui appartient au passé. Ils laissaient peu à peu leurs paroles retourner au passé et toucher çà et là à ce qui réchauffe les années mortes (Goncourt, Man. Salomon,1867, p. 39).Et, dans ce besoin de recommencer, il n'y avait pas seulement pour lui, le regret des premiers bonheurs, l'inestimable prix des heures mortes, auxquelles le souvenir prête son charme (Zola, Dr Pascal,1893, p. 155):
10. Soit donc : j'évoquerai, ma chère, pour vous plaire, Ce morne amour qui fut, hélas! notre chimère, Regrets sans fin, ennuis profonds, poignants remords, Et toute la tristesse atroce des jours morts... Verlaine, Jadis,1884, p. 216.
Fam. et pop.
C'est mort! C'est terminé, c'est du passé! Et vous retournez pour faire du demi-fond? − Non, c'est mort. Nous n'avons pas pu nous entendre avec Chapman (La Pédale,29 mars 1928, p. 16, col. 3).
[Pour dire d'une chose (une journée, une bouteille, etc.) qu'elle est terminée] Elle est morte! On verra demain; pour aujourd'hui, elle est morte! (Car.Argot1977).
III.− Emploi subst.
A.− Subst. masc. et fém.
1. [Le mort est considéré à un moment ponctuel]
a) [Avec un déterm. indéf. ou avec un adj. numéral] Personne qui a cessé de vivre. Synon. tué, victime.La Tunisie soumise à l'état de siège est, à l'heure actuelle, le théâtre d'événements graves se soldant par des morts et des blessés (Combat,19-20 janv. 1952, p. 5, col. 4).Si l'on excepte l'incident qui s'est produit ce matin, faisant un mort et plusieurs blessés, aux abords du tribunal militaire où des manifestants se sont heurtés aux forces de police, le calme règne, en fait dans la Régence (Le Figaro,19-20 janv. 1952, p. 7, col. 5).
b) Corps d'une personne décédée. Synon. corps, dépouille, cadavre, défunt, macchabée (fam.).Allons, ma petite, cousez le mort dans son linceul (Balzac, Cous. Pons,1847, p. 277).Par delà le corridor obscur, ses regards plongèrent dans la chambre de la morte. Elle n'apercevait pas tous les détails, mais seulement un ensemble, tragique. Le lit était placé face à l'entrée. On achevait d'habiller le cadavre (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 206).Ce soir, dit-elle, j'irai veiller votre morte, ma petite Mouchette (Bernanos, Mouchette,1937, p. 1329):
11. Du Mont-Royal, s'allongeant jusqu'au-dessus de Saint-Henri, elle ne connaissait que l'oratoire Saint-Joseph et le cimetière où les gens d'en bas vont comme ceux d'en haut mettre leurs morts en terre. Roy, Bonheur occas.,1945, p. 266.
SYNT. Brûler, embaumer, ensevelir, enterrer, incinérer, reconnaître, ressusciter un mort; cendres, os, ossements, poussières d'un mort; la tombe, le sépulcre, le tombeau d'un mort; un mort affreux, âgé, étendu, raidi.
Locutions
Médecin des morts. Médecin légiste. Elle avait dressé une liste des choses à faire dans la matinée (...). Il lut : 1) faire la déclaration à la mairie; 2) demander le médecin des morts; 3) commander le cercueil; 4) passer à l'église; 5) aux pompes funèbres (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, En fam., 1881, p. 357).
Tête de mort. Tête humaine décharnée. Sur son prie-Dieu il y avait une tête de mort avec laquelle elle conversait tout bas (Quinet, All. et Ital.,1836, p. 212).
Idéogramme qui symbolise la mort ou avertit d'un danger de mort. Dormir? J'observe ce sinistre jeu de l'oie Où il faut retourner à la tête de mort (Cocteau, Poèmes,1916-23, p. 264).Sur son avion, une tête de mort est peinte et rit du même rire (Mauriac, Cah. noir,1943, p. 376).
[Avec une valeur intensive; en parlant d'un bruit, d'un alcool, d'un plat] À réveiller un/les mort(s). Très fort. D'ardentes effluves à réveiller les morts (Flaub., 1reÉduc. sent.,1845, p. 122).Les femmes poussaient des cris à réveiller les morts (A. France, Pt Pierre,1918, p. 147).
Faire le/la mort(e)
Rester immobile, respiration bloquée, en contrefaisant une personne morte. La jeune fille, les yeux fermés, faisait la morte (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Yvette, 1884, p. 554).
Ne pas se manifester, ne donner aucun signe de vie. En attendant, Clodius continuait à faire le mort (Bosco, Mas Théot.,1945, p. 73).
Être pâle comme un mort. Être très pâle (comme un linge, comme la mort). Le duc : Tu es pâle comme un mort (Dumas père, Lorenzino,1842, v, 1, p. 271).
Proverbes
[P. allus. à la Parole du Christ (Luc IV 59-60)] Il faut laisser les morts enterrer les morts. Il faut sacrifier ce qui n'est plus, ce qui n'a plus d'importance, au profit de ce qui est, de ce qui importe. La vie est si courte qu'il ne faut pas l'abréger encore par des querelles stériles et des poursuites vaines. Laissons les morts ensevelir leurs morts, et tâchons plutôt de vivre (Amiel, Journal,1866, p. 281).
Vieilli. Les morts ont toujours tort. On excuse toujours les vivants aux dépens des morts. Synon. usuel les absents ont toujours tort. (Dict. xixeet xxes.).
Les morts vont vite. [P. allus. au refrain de la ballade fantastique Lénore du poète romantique allemand Bürger : « Les morts vont vite »] Les morts sont vite oubliés par les vivants (Dict. xixeet xxes.).
Vieilli. Qui court après les souliers d'un mort risque d'aller nu-pieds. Qui compte sur un héritage est souvent déçu. (Ds Littré, DG).
c) P. hyperb. Personne très diminuée, atteinte dans son intégrité physique ou morale. Les pédérastes qui se vantent, ou qui s'affichent ou simplement qui consentent (...) ce sont des morts; ils se sont tués à force d'avoir honte. Je ne veux pas de cette mort-là (Sartre, Âge de raison,1945, p. 306).D'habitude, les interprètes se succèdent et ne parviennent jamais à former cette pâte. En somme la pièce [Les Parents terribles] m'a quitté (...). Elle agit à sa guise. Je la dérange. Je suis un mort dans un fauteuil (Cocteau, Maalesh,1949, p. 20).
Mort civil. Personne frappée de mort civile. Donc, je serai prêtre, se dit ce mort civil qui voulait absolument revivre sous une forme sociale (Balzac, Splend. et mis.,1844, p. 101).
Mort en sursis, mort vivant. Personne vivante qui a l'aspect d'un mort. L'idée de l'ensevelissement moral (ou social) est dans Feu et Flamme et dans Les Visions d'un mort vivant (Larbaud, Journal,1934, p. 318).
P. métaph. Deuil! (...) L'Europe aux fers; au lieu de la France une morte (Hugo, Année terr.,1872, p. 241).
2. [Le mort est considéré dans un état durable]
a) [Le mort conserve, de son ancienne humanité, dans l'esprit des vivants, une sensibilité, une affectivité] Les morts que l'on fait saigner dans leur tombe Se vengent toujours (Verlaine, Œuvres compl.,t. 2, Parall., 1889, p. 186):
12. Les morts gisent couchés sous nos pieds dans la terre. Les morts, ce sont les cœurs qui t'aimaient autrefois! C'est ton ange expiré! C'est ton père et ta mère! Ne les attristons point par l'ironie amère Comme à travers un rêve, ils entendent nos voix. Hugo, Contempl.,t. 2, 1856, p. 399.
13. La servante au grand cœur dont vous étiez jalouse, Et qui dort son sommeil sous une humble pelouse, Nous devrions pourtant lui porter quelques fleurs. Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs, Et quand Octobre souffle, émondeur des vieux arbres, Son vent mélancolique à l'entour de leurs marbres, Certe, ils doivent trouver les vivants bien ingrats, À dormir, comme ils font, chaudement dans leurs draps... Baudel., Fl. du Mal,1867, p. 174.
b) [Le mort demeure vivant dans la pensée]
[Par des liens affectifs (le subst. étant souvent précédé d'un adj. poss.)]
[Le mort est un parent, un ami] Honorer, pleurer un mort/ses morts. À la mémoire de mon frère Georges À nos morts, repoussés dans l'oubli (Ph. Ariès, Essais sur l'hist. de la mort en Occident du Moyen-Âge à nos jours,Paris, éd. du Seuil, 1975, p. 7).
[Le mort est un citoyen mort pour la Patrie] Ils ne viennent pas seulement tuer nos vivants, mais tuer nos morts, les empêcher de continuer leur immense action dans le monde (Barrès, Cahiers,t. 11, 1918, p. 350).Mais le roi de France n'avait le temps ni de s'attarder à pleurer ses morts, ni de savourer l'orgueil de coucher sur le champ de bataille (Grousset, Croisades,1939, p. 361).
Monument aux morts. Monument érigé en souvenir des victimes de la guerre. La place minuscule, avec ses arbres rabougris, son vieux banc de pierre et les quatre marches du monument aux morts, formait un tableau paisible (Bernanos, Crime,1935, p. 802).
Sonnerie aux morts. Sonnerie et batterie destinées à honorer les morts pour la Patrie. Nue et comme seule au monde retentit la sonnerie « Aux morts » (L'Aurore,11-12 nov. 1945, p. 1, col. 1).
[Par des liens religieux] Culte, messe, office des morts. J'estimais, en ma qualité de catholique, plus profitable et plus profond de prier pour les morts dans les églises, en présence du Saint-Sacrement, que de faire d'hygiéniques pérégrinations dans les cimetières (Bloy, Journal,1892, p. 24):
14. Il me sembla qu'on m'avait enterré vif; que ma tente de feutre noir était un catafalque orné de fleurs et qu'on chantait sur ma tête les prières des morts. About, Roi mont.,1857, p. 131.
Jour des morts (dans la relig. cath.). Lendemain de la Toussaint où l'on célèbre un office pour le repos des âmes du Purgatoire. Le jour des morts n'est qu'une des expressions propres aux pays catholiques d'un culte des tombeaux beaucoup plus répandu (Ph. Ariès, Essais sur l'hist. de la mort en Occident du Moyen-Âge à nos jours,Paris, éd. du Seuil, 1975p. 170).
c) Poét. [La mort étant conçue et représentée (par les poètes et par la tradition théologique comme une seconde vie)] Spectre, ombre (plus ou moins matérielle suivant les diverses eschatologies) de l'âme des défunts qui habitent l'au-delà. Royaume, séjour des morts. Si le pouvoir lui en avait été donné, du rivage des morts elle eût rappelé Mathilde (Mauriac, Genitrix,1923, p. 369).L'évocation des morts et la descente aux Enfers sont d'abord le privilège des chamans (P. Brunel, L'Évocation des morts et la descente aux Enfers,Paris, Sedes, 1974, pp. 34-35):
15. le premier prince : Majesté, trouve le remède! Fils du Ciel, ferme la porte de la terre! Empêche les morts de nous venir tourmenter. Ils ont vécu leur vie. Qu'ils reposent maintenant dans le cercueil que nous avons donné. Et, délivrés du travail, qu'ils ne nous envient point la nourriture. l'empereur : Je suis le Roi des Vivants, mais je n'ai point empire Sur le peuple des Morts. Claudel, Repos 7ejour,1901, I, p. 801.
Descendre chez les morts. Mourir. À la male heure quand il est descendu chez les morts, l'empereur votre père m'a confié votre majesté (Claudel, Repos 7ejour,1901iii, p. 841).
Dialogue des morts. Œuvre littéraire qui fait converser des morts séjournant aux Enfers. Dialogue des morts. − Tu dors toujours? − Oui. Et toi? − Moi aussi. Je ne sais pas ce que j'ai : je ne peux pas me réveiller, le matin (Renard, Journal,1901, p. 661).
Danse des morts. Danse macabre. Les feuilles des arbres bruissent en été vers la porte comme les pas des squelettes quand ils reviennent de la danse des morts (Quinet, Ahasvérus,1833, 3ejournée, p. 179).
B.− Subst. masc.
1. JEUX (au bridge et au whist). Celui des quatre joueurs qui abat son jeu sur la table et ne participe pas à la partie. Faire le mort. Julia joua des sonates à quatre mains avec sa mère, M. de Lucan remplaça le mort au whist du curé, et la soirée s'acheva paisiblement (Feuillet, J. de Trécœur,1872, p. 164).
Vieilli. Faire, jouer un mort. Jouer au whist à trois personnes en découvrant le jeu de la quatrième, absente. [Après avoir joué au whist dans la salle des jeux,] l'habitude se prend de « faire un mort » dans la salle d'étude (...). Les polytechniciens (...) sont passionnés pour le mort (Lévy-Pinet1894, p. 309).Monsieur d'Ajuda s'arrangea pour dîner avec Maxime au club de la rue de Beaune, et lui proposa d'aller faire un mort chez le duc de Grandlieu qui (...) se trouvait seul (Balzac, Béatrix,1945, p. 337).
2. DR. Le mort saisit le vif. L'héritier est immédiatement saisi de la possession des biens du défunt dont il peut sans formalité entrer en possession. Vos Français, M. le chevalier, ont deux belles maximes plus vraies peut-être qu'ils ne pensent : l'une de droit civil, le mort saisit le vif; et l'autre de droit public, le roi ne meurt pas (J. de Maistre, Soirées St-Pétersb.,t. 2, 1821, p. 221).
Prononc. et Orth. : [mɔ:ʀ], [mɔ ʀt]. Homon. maure, mors, et des formes de mordre. Att. ds Ac. dep. 1694. Accord des 2 éléments pour les mots construits avec mort quand ils sont formés d'un adj. et d'un subst. : des mortes-eaux; des morts-terrains. Pas d'accord pour mort ds mort-né p. anal. avec nouveau-né (où nouveau est mis pour l'adv. nouvellement) : des brebis mort-nées. Étymol. et Hist. I. Adj. 1. a) fin xes. « qui a cessé de vivre » (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 399 : Si s'espauriren [li custod] de pavor, Que quaisses morz a terra vengren De gran pavor que sobl'elz vengre); ca 1050 (St Alexis, éd. Chr. Storey, 339 : ... morz est tes provenders; 354 : ... uns morz pelerins; 429 : Sun mort amfant detraire ed acoler; 442 : Or vei jo morte tute ma porteüre); ca 1100 (Roland, éd. J. Bédier, 1584 : Il l'abat mort); b) « dont la vie physique s'est retirée » α) ca 1170 la morte char d'une blessure (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 5158); β) 1327 mort bois « bois sec, pourri », v. mort-bois; 1348 bois mort (doc. ds Du Cange, s.v. Boscus Mortuus Vivus); 2. « qui est comme mort » a) ca 1100 « qui est en danger de mort, qui peut être considéré comme mort » (Roland, 577 : Iert i sis niés, li quens Rollant, ço crei, E Oliver, li proz e li curteis. Mort sunt li cunte, se est ki mei en creit); b) ca 1200 mort de fain (Aiol, éd. W. Foerster, 2665); 3. a) ca 1200 terme de spiritualité morz al munde (Moralium in Job ds Dialogue Grégoire, éd. W. Foerster, p. 320); b) 1480 « exclu de » mort au monde (Guillaume Coquillart, Droits nouveaux, 935 ds Œuvres, éd. M. J. Freeman, p. 176); 4. « (d'une chose) qui paraît dépourvu de vie, de mouvement, d'activité, de finalité » a) début xiies. mer morte [mare languidum] (Benedeit, St Brendan, 899 ds T.-L. : Dormante mer unt e morte, Chi a sigler lur est forte), v. aussi morte-eau; 1395 la Mer Morte (Voyage à Jérusalem du Seigneur d'Anglure, 158, ibid.); b) début xives. « (d'un élément en combustion) éteint » mort charbon (Jehan de Saint-Quentin, Dit des deux chevaliers, E, 170, éd. B. Munk-Olsen, p. 53); c) d'une faculté, d'une qualité, d'un sentiment ca 1220 (Barlaam et Josaphat, 7959 ds T.-L. : Tes sens est mors); 1remoitié xiiies. (Guiot de Dijon, Chansons, éd. E. Nissen, IV, 18 : Bien est en li morte mercis); d) « qui ne produit rien, ne porte pas de fruit » α) 1263 mort boys, v. mort-bois; β) ca 1382 morte saison, v. ce mot; γ) 1643 (J. Bouchet, Ep. mor., I, 1 ds Hug. : ... mortes Sont devant Dieu les oraisons, les prières); δ) 1690 argent mort (Fur.); e) « où rien n'a lieu, ne se passe » α) 1690 angle mort d'une fortification (ibid., s.v. angle); β) 1773 temps mort (Voltaire, Lettre au cted'Argental, 26 sept. ds Corresp., éd. Th. Besterman, t. 40, 1975, p. 133). II. Subst. « celui qui a cessé de vivre » A. 1. considéré comme demeurant dans l'au-delà a) fin xes. relig. chrét. (Passion, 35 : [Jesus] Chi eps lo morz fai se revivere); b) 1586 mythol. le froid Royaume des mors (Ronsard, Pour son tombeau, A son âme, 6 ds Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 18, p. 182); 2. considéré comme présent à la mémoire humaine ca 1170 (Marie de France, Lais, Guigemar, éd. J. Rychner, 286); 1174-87 (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 3616 : Les morz as morz, les vis as vis!); 1216 (Anger, St Grégoire, 214 ds T.-L. : [Deu] Qui vifs et morz en sa mein a); 1270 dr. (Ordonnances rois de France, t. 1, éd. E. de Laurière, p. 250 : Li mors sesit le vif), cf. 1389 (Jean d'Ableiges, Grand coutumier de France, éd. E. Laboulaye et R. Dareste, II, XXV, p. 281). B. Ca 1100 « dépouille mortelle d'un être humain » (Roland, 2435 : Guardez le champ e les vals e les munz. Lessez gesir les morz tut issi cun il sunt). C. 1765 terme de jeux « joueur mis hors de la partie » (Encyclop. t. 10, p. 729a). Du lat. mortuus (lat. vulg. mortus, Vään., § 80), part. passé de mori « mourir ». Emplois fig. « qui demeure sans vie, dont la vie s'est retirée » : mare mortuum [= Judaïcum] iiies. ds TLL, s.v. morior, mortuus, 1497, 32; carbo mortuus (ca 1113 ds Nov. gloss., s.v. morior, mortuus, 833, 42); « (d'une plante) qui ne porte pas de fruit » v. mort-bois; « où rien ne se passe » : cuneus mortuus « angle mort » (1192 ds Nov. gloss., loc. cit., 45). Dans la lang. chrét., terme de spiritualité (ives., St Hilaire, Mat., 7, 11 ds Blaise Lat. chrét.). Fréq. abs. littér. : 18 701. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 22 469, b) 26 554; xxes. : a) 32 300; b) 26 700. Bbg. Grundt (L.-O.). Et. sur l'adj. invarié en fr. Bergen-Oslo-Tromsø. 1972, p. 164. − Quem. DDL t. 15.

Wiktionnaire

Nom commun 1 - ancien français

mort \mɔrt\ féminin

  1. Mort (état).
    • Qui navreis est a mort Dex li faisse merci. — (Garin Le Lorrain, manuscrit du XIIIe siècle), f. 18, 4e colonne)
      Qui est mortellement blessé [navré à mort], que Dieu lui fasse merci !

Adjectif - ancien français

mort \mɔrt\

  1. Mort.
    • Or veit Rollant que mort est sun ami. — (La Chanson de Roland, vers 1100)
      Roland voit alors que son ami est mort.

Nom commun 2 - français

mort \mɔʁ\ masculin (pour une femme, on dit : morte)

  1. Personne décédée ; défunt.
    • Tout le monde connaît le profond attachement du peuple de Paris au culte des morts ; on sait avec quel religieux empressement il se porte aux cimetières pour prier, non-seulement à la fête de la Toussaint et de la commémoration des morts, mais tous les dimanches et les jours où le travail est suspendu.— (La déportation et l'abandon des morts. Cimetière de Méry, Olmer, 1875)
    • Douce soirée où l’on pouvait encore croire — à la rigueur, le calcul des probabilités cédant à une chance inouïe — qu’il n’y aurait pas de morts pendant la guerre. — (Jean Giraudoux, Retour d’Alsace - Août 1914, 1916)
    • Les coupes étaient remplies, mais on feignait de ne pas les voir. Brusquement ce fut le silence. Abel se leva, prit son verre et selon le rite :
      « Aux morts », dit-il d’une voix un peu rauque. Et chacun but, avec la même gravité que le dimanche, à la messe, quand l’orgue s’est tu et que l’on rompt le pain bénit.
      — (Marcel Arland, Terre natale, 1938, réédition Le Livre de Poche, page 58)
    • L’église chrétienne va transformer les fantômes et les revenants en âmes en peine en même temps qu’elle met en place le Purgatoire entre l’Enfer et le Paradis. Les morts ont besoin des vivants et les moines de Cluny mettent en place la fête des morts. — (Claude Nachin, Les Fantômes de l’âme : à propos des héritages psychiques, 1993, page 21)
  2. (Par euphémisme) Cadavre, dépouille mortelle.
    • À la droite du mort, elle était là, endeuillée déjà, les yeux clos […] — (Jean Rogissart, Hurtebise aux griottes, L’Amitié par le livre, Blainville-sur-Mer, 1954, p. 21)
    • On a enseveli le mort dans sa tombe.
  3. (Bridge, Cartes à jouer) Joueur qui n’a pas à participer au jeu de la carte pendant le tour.
    • Les ailes du ventilateur, ce hanneton, chassent comme des feuilles les cartes du mort étalées sur la table […] — (Paul Nizan, Aden Arabie, chap. V, Rieder, 1932 ; Maspéro, 1960, page 76)

Nom commun 1 - français

mort \mɔʁ\ féminin

  1. (Biologie) Arrêt définitif des fonctions vitales (assimilation de nutriments, respiration, fonctionnement du système nerveux central).
    • Enfin, dans tous les groupes étudiés jusqu’ici, l’individualité de chaque être se manifeste dès la première apparition du germe, dès les premiers rudimens de l’œuf, et persiste pleine et entière jusqu’à la mort. — (Jean Louis Armand de Quatrefages de Bréau, Les Métamorphoses et la généagénèse, Revue des Deux Mondes, 2e période, tome 3, 1856, pages 496–519)
    • Ce n’est pas par lâcheté, c’est par une immense modestie que l’on renonce ce soir à la guerre, au carnage, à sa mort, à la mort surtout des autres, des camarades […] — (Jean Giraudoux, Retour d’Alsace - Août 1914, 1916)
    • Ne plus s’aimer, c’est pire que de se haïr, car, on a beau dire, la mort est pire que la souffrance. — (Henri Barbusse, L’Enfer, Éditions Albin Michel, Paris, 1908)
    • — Je ne connais que moi. La vie, c’est moi. Après ça, c’est la mort. Moi, ce n’est rien ; et la mort, c’est deux fois rien. — (Pierre Drieu La Rochelle, Le Feu follet (1931))
    • Ton père est mort, d’une mort bête. Toutes les morts sont absurdes, d’ailleurs. — (Jean Rogissart, Hurtebise aux griottes, L’Amitié par le livre, Blainville-sur-Mer, 1954, p. 42)
    • J’avais l’impression de me noyer et une angoisse terrible, celle de la mort elle-même m’étreignit. — (Henri Alleg, La Question, 1957)
    • Pourquoi dire que la mort viendra comme un voleur ? Tout nous y prépare. — (José Cabanis, Les cartes du temps, Gallimard, 1962, Le Livre de Poche, page 63.)
    • Les mots usuels que nous trouvons [en parlant des paysans des années 1930 au Québec] pour dire la mort varient selon les réflexes des uns et des autres : « Il a perdu le souffle, il a défunté, il a trépassé, il a rendu l’âme… » Plus poétique : « Il est parti de l’autre bord, de l’autre côté; il était au bout de son fuseau. » Moins respectueux : « Il a levé les pattes, il a fini par crever. » — (Benoît Lacroix, Rumeurs à l'aube, Éditions Fides, 2015, page 213)
    • Privatisée, laïcisée et comme aseptisée par la médecine depuis des décennies, la mort s’était effacée de notre imaginaire collectif ; elle resurgit soudain comme une réalité imprévisible, terriblement contagieuse et pour l’instant non maîtrisable par la science. — (Gérard Courtois, Emmanuel Macron face au Covid-19 : la revanche des passions tristes, Le Monde. Mis en ligne le 10 mai 2020)
  2. Moment ou lieu où cet arrêt des fonctions vitales se produit.
    • La veuve de Henri II était vêtue de ce deuil qu’elle n’avait point quitté depuis la mort de son mari. — (Alexandre Dumas, La Reine Margot, C. Lévy, 1886)
    • Cette chapelle renferme le tombeau de l’évêque Radulphe, dont l’inscription donne la date de 1266, comme étant celle de la mort du prélat. — (Eugène Viollet-le-Duc, La Cité de Carcassonne, 1888)
  3. (Soutenu) (Rhétorique) La mort peut être souvent personnifiée → voir Mort.
    • Stendhal dit quelque part que le soldat ne craint pas la mort, parce qu’il espère bien l’éviter par son industrie ; cela s’appliquait tout à fait à ce genre de guerre que nous faisions. — (Alain, Souvenirs de guerre, Hartmann, 1937, page 102)
    • La mort fauche. Elle fauche à tort et à travers. Peu lui importe. Ceux qu’elle a visés, elle va les chercher là où ils semblent le plus en sécurité. — (Jacques Mortane, La Guerre des airs : Traqués par l’ennemi, Baudinière, 1929, page 40)
    • L’impitoyable mort.
    • Ce malheureux appelait la mort.
  4. (En particulier) Peine capitale, peine qui consiste dans la suppression de la vie. → voir peine de mort.
    • Le régime antérieur avait été encore plus terrible dans la répression des fraudes, puisque la déclaration royale du 5 août 1725 punissait de mort le banqueroutier frauduleux […] — (Georges Sorel, Réflexions sur la violence, chap. VI, La Moralité de la violence, 1908, page 272)
    • Deux jours après, je passai devant le conseil de guerre, qui, après plaidoirie d’un avoué allemand, me condamna à mort pour espionnage […] — (Jacques Mortane, Missions spéciales, 1933, page 31)
    • Sentence, arrêt de mort : Condamnation qui porte la peine de mort.
  5. (Par hyperbole) Grandes douleurs.
    • Cette cruelle maladie lui fait souffrir mille morts.
    • Souffrir mort et passion.
  6. (Par hyperbole) Grands chagrins.
    • La conduite de son fils lui a mis la mort dans l’âme.
  7. (Figuré) Fin, cessation d’activité.
    • Seuls, dans un des versants caillouteux de la forêt, deux ou trois vieux hêtres accusaient, par quelques feuilles roussies prématurément, l’arrivée prochaine de l’automne et la mort de l’été. — (Louis Pergaud, Un satyre, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
  8. (Figuré) Ruine, destruction.
    • Les réquisitions forcées sont la mort du commerce.
    • Le monopole est la mort de l’industrie.
  9. (Cartes à jouer) Treizième arcane du tarot de Marseille (aussi appelée « arcane sans nom »).

Nom commun 2 - ancien français

mort \mɔrt\ masculin

  1. Mort (être sans vie).
    • Se le mort revivre pooit — (Wace, Le Livre de Saint Nicolas, f. 148, 2e colonne de ce manuscrit)
      S’il peut ressusciter le mort
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

MORT. n. f.
Cessation de la vie. Mort naturelle, douce, violente, prompte, lente, douloureuse. Mort tragique. Mort subite, prématurée. Mort glorieuse, sainte. Une belle mort. Une mort honteuse, infâme, ignominieuse. Être en danger de mort. Souhaiter, désirer, affronter, chercher, braver la mort. Courir à la mort. Attendre, trouver la mort. Avoir toujours la mort devant les yeux. Il a vu la mort de près. À l'heure de la mort. Les approches, les transes, les affres de la mort. Donner, recevoir la mort. Se donner la mort. Il n'y a point eu mort d'homme. Jusqu'à ce que mort s'ensuive. En poésie et dans le style soutenu, la Mort est souvent personnifiée. Il a longtemps combattu, lutté contre la mort. La mort l'a frappé, l'a enlevé à la fleur de son âge. La mort est sourde à nos vœux, à nos cris. L'impitoyable mort. Ce malheureux appelait la mort. Mort apparente, en termes de Biologie, État d'immobilité et d'insensibilité absolue qui se présente à la suite de certaines maladies et que l'on peut confondre avec la mort réelle. Fam., Mourir de sa belle mort, Mourir de mort naturelle. Être entre la vie et la mort, Être en danger de mort. Au fort de sa maladie, il a été pendant plusieurs jours entre la vie et la mort. Être malade à la mort, ou plus souvent Être à la mort, Être fort malade et près de mourir. Être à l'article de la mort, Être à l'agonie. Être à deux doigts de la mort, Être tout près de mourir. Fig., À son lit de mort, Avant de mourir, en mourant. Les recommandations qu'il nous a faites à son lit de mort. Fig., Venir, accourir au lit de mort de quelqu'un, L'assister à ses derniers moments. Mettre à mort, Faire mourir. Fig., Avoir la mort, porter la mort sur son visage, Avoir la figure, l'air d'un mourant; être près de mourir.

MORT se dit particulièrement de la Peine capitale, de la peine qui consiste dans la suppression de la vie. Abolir la peine de mort. Condamner un homme à mort, à la peine de mort. Toutes les voix allaient à la mort, ont été à la mort. Le procureur général a conclu à la mort. Ce condamné a marché à la mort avec courage. Sentence, arrêt de mort, Condamnation qui porte la peine de mort. Mort civile. Voyez CIVIL. La mort éternelle, La condamnation des pécheurs aux peines de l'enfer. Prov., Dieu ne veut pas la mort du pécheur, Il faut être indulgent pour la faiblesse humaine.

MORT se dit, par exagération, des Grandes douleurs. Cette cruelle maladie lui fait souffrir mille morts. Souffrir mort et passion. Il se dit aussi des Grands chagrins. La conduite de son fils lui a mis la mort dans l'âme. Fam., Petite mort, Sorte de frisson. Silence de mort, Silence profond.

MORT signifie encore, figurément, Ruine, destruction. Les réquisitions forcées sont la mort du commerce. Le monopole est la mort de l'industrie.

À MORT, loc. adv. De manière qu'on en meure. Blesser à mort. Il fut frappé à mort. Fig., Être frappé à mort, Être atteint d'une maladie dont les symptômes annoncent une mort certaine. Combat, duel à mort, Combat, duel qui ne doit se terminer que par la mort d'un des adversaires. Fig., En vouloir à mort à quelqu'un, Poursuivre quelqu'un de sa haine. On dit aussi dans le même sens Vouloir mal de mort. Fig. et fam., S'ennuyer à mort, à la mort, S'ennuyer extrêmement.

À LA VIE ET À LA MORT, loc. adv. Pour toujours. Je suis votre ami à la vie et à la mort. Je suis à vous à la vie et à la mort. Entre nous, c'est à la vie et à la mort, Notre amitié durera toujours. Mort à...! Interjection exprimant un Souhait homicide. Mort au tyran!

Littré (1872-1877)

MORT (mor, mor-t' ; au masculin, le t ne se lie pas, excepté dans la locution mor-t ou vif) part. passé de mourir
  • 1Qui a cessé de vivre. Après mon père mort, je n'ai point à choisir, Corneille, Cid, IV, 2. De votre cheval mort je vous mis sur le mien, Rotrou, Bélis. V, 5. S'il [votre fils] est bien fort, l'éducation rustaude est fort bonne ; mais, s'il est délicat, j'ai ouï dire à Brayer et à Bourdelot qu'en voulant les faire robustes, on les fait morts, Sévigné, 14 juill. 1677. Les pères mourants envoient leurs fils pleurer sur leur général mort [Turenne], Fléchier, Tur. Dans Florence jadis vivait un médecin… De tous ses amis morts un seul ami resté…, Boileau, Art p. IV. Tout le peuple… Du prince déjà mort demandait la santé, Racine, Brit. IV, 2. Les vivants, quand ils sont bien fâchés, disent : je voudrais être mort ; et moi, je dirais volontiers au contraire : je voudrais me porter bien, Fénelon, Dial. des morts anc. 18.

    Mort ou vif, c'est-à-dire soit mort, soit vivant. Mort ou vif, lui dit-il, montre-nous ton moineau, La Fontaine, Fabl. IV, 19.

    Fig. et plaisamment. Mort ou vif, en quelque état que ce soit.

    C'est un homme mort, se dit d'un homme qui est ou qui paraît être dans un grand danger.

    Chair morte, chair frappée de mortification, qui a cessé de vivre, et qui se séparera du reste du corps.

    Frapper sur quelqu'un comme sur bête morte, le frapper violemment.

    À demi mort, à qui il ne reste que peu de vie. Des voleurs le laissent à demi mort, Pascal, Prov. II. Je la vois entre son mari mourant, son fils à demi mort, sa belle-fille frappée d'un mal incurable, Maintenon, Lett. à Mme de Caylus, 28 mai 1717.

    Mort ivre, ivre au point d'avoir perdu tout sentiment. On dit aussi ivre mort.

    Au plur. Morts ivres.

    Cotte morte, voy. COTTE 1.

    Terme de féodalité. Se faire mort d'un fief, délaisser à son plus proche héritier apparent un fief en avancement d'hoirie.

  • 2Il se dit aussi des végétaux ; avec raison, puisqu'en effet ils ont la vie. Un arbre mort.

    Terme d'eaux et forêts. Bois mort, bois qui est abattu ou qui, étant debout, est sec et ne peut servir qu'à brûler.

    Mort bois, les épines, les ronces et le bois blanc, qui ne peuvent servir à aucun ouvrage.

    Feuille morte, feuille sèche qui tombe de l'arbre en automne.

    Feuille-morte, voy. FEUILLE-MORTE.

    Terme de peinture. Nature morte, voy. NATURE, n° 22.

  • 3Plus mort que… se dit par exagération pour exprimer un vif sentiment de douleur, de terreur. À cet objet d'horreur, l'œil troublé, le teint blême, J'ai demeuré longtemps plus morte que lui-même, Rotrou, Antig. I, 2. Il [Démétrius] se montra à cette multitude, qui était plus morte que vive, et qui attendait dans un tremblement qui ne peut s'exprimer l'arrêt de sa condamnation, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VII, p. 275, dans POUGENS.
  • 4Qui a l'apparence de la mort. Une morte pâleur s'empare de son front, Corneille, Soph. V, 8.

    Avoir le teint mort, les yeux morts, les lèvres mortes, avoir le teint décoloré, les lèvres pâles, les yeux éteints.

    Couleur morte, couleur sombre et sans éclat.

  • 5Qui est comme glacé par la mort. Je n'osais me remuer, je ne tenais presque point de place, et j'avais le cœur mort, Marivaux, Marianne, part. 1re.

    Fig. Il a la gueule morte, voy. GUEULE.

    Avoir la langue morte, se taire.

    N'y pas aller de main morte, voy. MAIN, n° 1.

    Main-morte, voy. MAINMORTE.

  • 6Mort se dit quelquefois pour damné, comme la mort se dit pour la damnation. Justes, pécheurs ; mort, vivant ; vivant, mort ; élu, réprouvé, Pascal, Pens. XXIV, 12, éd. HAVET.
  • 7Privé de chaleur, de mouvement, en parlant de parties du corps. Il est paralysé ; la partie inférieure du corps est morte. Parlons un peu de votre santé : n'êtes-vous point effrayée de ces jambes froides et mortes ? Sévigné, 22 sept. 1680.
  • 8 Fig. Mort à, mort pour, qui n'existe plus pour certaines choses. Je n'en ai point vu qui fût véritablement morte au monde, Sévigné, 388. Sa vie, tout ecclésiastique, annonçait un pasteur entièrement mort aux choses du siècle, Bossuet, Panég. St Sulp. 2. Je ne suis point à moi ; tous mes amis doivent me regarder comme morte pour eux, Maintenon, Lett. à Mme de Brinon, t. II, p. 232, dans POUGENS. Mais croiras-tu qu'au sein de la souffrance, Mort au plaisir et mort à l'espérance…, Voltaire, Enfant prod. III, 5. Mort au plaisir, insensible à la gloire, Dans le désert je traîne un long ennui, Millevoye, Chants élégiaques, l'Arabe.

    Mort de, qui éprouve une vive impression de. Toute morte de jalousie, Sévigné, 5 janv. 1676. Je crois que vous ne savez pas que mon fils est allé en Candie… j'en vois tous les périls, j'en suis morte, Sévigné, 28 août 1668. J'arriverai à Chanteloup morte de fatigue, Mme du Deffant, Lett. à Walpole, t. II, p. 165, dans POUGENS.

    Familièrement. Tomber mort, perdre soudainement l'entrain qu'on avait. Comme nous étions le plus en train, nous avons vu apparaître monsieur le Premier avec son grand deuil : nous sommes tous tombés morts ; pour moi, c'était de honte que j'étais morte, Sévigné, 3 juill. 1676.

  • 9Fig. en parlant des choses, qui est sans force, sans activité, éteint, par comparaison avec la mort qui éteint la vie. Qui fuit croit lâchement et n'a qu'une foi morte, Corneille, Poly. II, 6. Mais, la reconnaissance morte, L'amour doit courir grand hasard, Corneille, Agésil. I, 1. Ceux-là sont vraiment malheureux et n'ont que des espérances mortes, qui ont donné le nom de dieux aux ouvrages de la main des hommes, Sacy, Bible, Sagesse, XIII, 10. M. de Grignan m'est bien nécessaire ; car j'ai un coin de folie qui n'est pas encore bien mort, Sévigné, 6 mai 1680. Vous avez grand'raison de ne pouvoir vous représenter Mme de Coulanges à l'agonie, et M. de Coulanges dans la douleur : je ne le croirais pas, si je ne l'avais vu ; une vivacité morte, une gaieté pleurante, ce sont des prodiges, Sévigné, 21 oct. 1676. Les sociétés d'où on les ôte [les vérités fondamentales du christianisme] sont des sociétés mortes qui ne peuvent donner à Dieu des enfants, Bossuet, Var. XV, § 79. Messieurs, l'éloquence est morte, toutes ses couleurs s'effacent, Bossuet, Disc. Acad. Le parti de M. de Cambrai est mort, Bossuet, Lett. quiét. 443. Ce discours d'un guerrier que la colère enflamme Ressuscite l'honneur déjà mort en leur âme, Boileau, Ép. IV. Sans tous ces ornements le vers tombe en langueur, La poésie est morte, ou rampe sans vigueur, Boileau, Art p. III. Les devoirs ne sont plus que des pratiques mortes et inanimées, Massillon, Carême, Tiéd. 2. Une terre morte et pour ainsi dire écorchée par les vents, laquelle ne présente que des ossements, des cailloux jonchés, des rochers debout ou renversés, Buffon, Quadrup. t. V, p. 14.

    Œuvres mortes, voy. ŒUVRE, n° 12.

  • 10Langue morte, voy. LANGUE, n° 6. Mon père regarde comme mal employé le temps que je donne aux langues mortes, Courier, Lett. I, 17.
  • 11Balle morte, balle qui a perdu la plus grande partie de l'impulsion qu'elle avait reçue. Aux premières décharges de la mousqueterie ennemie, le roi [Charles XII] reçut une balle à la gorge ; mais c'était une balle morte qui s'arrêta dans les plis de sa cravate noire et qui ne lui fit aucun mal, Voltaire, Charles XII, 2.
  • 12Eau morte, eau qui ne coule point, stagnante.

    Bras mort, dans une rivière, partie de rivière interceptée et où l'eau n'est plus courante. Dans certaines provinces, ces bras morts sont dit les morts.

    Mer Morte, nom d'un grand lac salé dans la Palestine.

    Morte eau, les petites marées au temps du premier et du dernier quartier de lune. À Audierne, la hauteur d'eau est de 4m, 80 en vive eau, et 3m, 30 en morte eau, Grangez, Voies navig. de France, p. 264.

    Le temps des plus petites marées. Nous sommes en morte eau.

    Morte eau se dit aussi du plus bas de l'eau, en parlant de la marée.

  • 13 Fig. Où il n'y a pas d'action, sans action. Pardonnez-moi, il y a des temps dans la vie où l'on ne peut rien faire, des temps morts, et je me trouve dans cette situation, Voltaire, Lett. d'Argental, 26 sept. 1773.

    Argent mort, argent qui ne porte ni intérêt ni profit.

    Papier mort, se dit par opposition à papier timbré. Aujourd'hui on dit plutôt papier libre, papier non timbré.

    Lettre morte, écrit sans autorité. Cette loi n'est plus qu'une lettre morte.

    Pays mort, pays où il n'y a ni commerce, ni industrie. J'ai animé un pays entièrement mort, j'ai fait naître le travail et l'opulence dans le séjour de la misère, Voltaire, Lett. d'Argental, 11 oct. 1771.

    Saison morte, ou morte saison, voy SAISON.

    Chardon mort, chardon bonnetier dont les pointes sont émoussées par le travail.

    Terme de fortification. Angle mort, se dit de l'angle que fait un flanc inutile pour la défense.

  • 14Ancien terme de physique. Force morte, force aussitôt détruite qu'engendrée. Vous appelez cela une force morte ; or ces mots de force morte ne sont-ils pas un peu contradictoires ? ne vaudrait-il pas autant dire mort vivant, oui et non ? Voltaire, Dict. phil. Force physique.

    Chaleur morte. Pour reconnaître ce que cette chaleur morte, c'est-à-dire cette chaleur dénuée de tout aliment, pouvait produire…, Buffon, Hist. min. Introd. part. exp. Œuv. t. VII, p. 120.

  • 15 Terme de chimie. Tête morte, voy. TÊTE.
  • 16 Terme de marine. Tour mort, tour simple d'un cordage quelconque sur un appui.

    À morte charge, jusqu'aux écoutilles. Un bâtiment est à morte charge, quand on l'a chargé autant qu'il est possible.

    Eaux mortes, celles qui enveloppent et qui semblent accompagner la partie supérieure de l'arrière de la carène, lorsque le navire est en marche.

    PROVERBE

    Morte la bête, mort le venin, c'est-à-dire un méchant qui est mort ne peut plus nuire.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1. MORT. Ajoutez :
17Corps mort, voy. CORPS, n° 20.
18 Terme de mécanique. Point mort, poids mort, voy. POINT et POIDS au Supplément.
19 Terme d'exploitation de la houille et des mines. Mort terrain, voy. MORT-TERRAIN au Supplément.
20 Perles mortes, perles qu'on pêche dans les parages de l'Écosse, et qui ressemblent à des yeux de poisson, Ch. Blanc, l'Art dans la parure, p. 319.

REMARQUE

En termes de fortification, l'angle mort est la partie du fossé d'un ouvrage de fortification qui, située au-dessous du plan de la plongée, n'est battue ni par des feux directs, ni par des feux de flanc.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

MORT, s. f. (Hist. nat. de l’homme.) destruction des organes vitaux, ensorte qu’ils ne puissent plus se rétablir.

La naissance n’est qu’un pas à cette destruction :

Et le premier instant où les enfans des rois
Ouvrent les yeux à la lumiere,
Est celui qui vient quelquefois
Fermer pour toujours leur paupiere
.

Dans le moment de la formation du fœtus, cette vie corporelle n’est encore rien ou presque rien, comme le remarque un des beaux génies de l’académie des sciences. Peu-à-peu cette vie s’augmente & s’étend ; elle acquiert de la consistance, à mesure que le corps croît, se développe & se fortifie ; des qu’il commence à dépérir, la quantité de vie diminue ; enfin lorsqu’il le courbe, se desseche & s’affaisse, la vie décroît, se resserre, se réduit presque à rien. Nous commençons de vivre par degrés, & nous finissons de mourir, comme nous commençons de vivre. Toutes les causes de dépérissement agissent continuellement sur notre être matériel, & le conduisent peu-à-peu à sa dissolution. La mort, ce changement d’etat si marqué, si redouté, n’est dans la nature que la derniere nuance d’un être précédent ; la succession nécessaire du dépérissement de notie corps, amene ce degré comme tous les autres qui ont précédé. La vie commence à s’éteindre, long-tems avant qu’elle s’éteigne entierement ; & dans le réel, il y a peut-être plus loin de la caducité à la jeunesse, que de la décrépitude à la mort ; car on ne doit pas ici considérer la vie comme une chose absolue, mais comme une quantité susceptible d’augmentation, de diminution, & finalement de destruction nécessaire.

La pensée de cette destruction est une lumiere semblable à celle qu’au milieu de la nuit répand un embrasement sur des objets qu’il va bientôt consumer. Il faut nous accoutumer à envisager cette lumiere, puisqu’elle n’annonce rien qui ne soit préparé par tout ce qui la précede ; & puisque la mort est aussi naturelle que la vie, pourquoi donc la craindre si fort ? Ce n’est pas aux méchans, ni aux scélérats que je parle ; je ne connois point de remede pour calmer les tourmens affreux de leur conscience. Le plus sage des hommes avoit raison de dire que si l’on ouvroit l’ame des tyrans, on la trouveroit percée de blessures profondes, & déchirée par la noirceur & la cruauté, comme par autant de plaies mortelles. Ni les plaisirs, ni la grandeur, ni la solitude, ne purent garantir Tibere des tourmens horribles qu’il enduroit. Mais je voudrois armer les honnêtes gens contre les chimeres de douleurs & d’angoisses de ce dernier période de la vie : préjugé général si bien combattu par l’auteur éloquent & profond de l’histoire naturelle de l’homme.

La vraie philosophie, dit-il, est de voir les choses telles qu’elles sont ; le sentiment intérieur seroit d’accord avec cette philosophie, s’il n’étoit perverti par les illusions de notre imagination, & par l’habitude malheureuse que nous avons prise de nous forger des fantômes de douleur & de plaisir. Il n’y a rien de charmant & de terrible que de loin ; mais pour s’en assurer, il faut avoir la sagesse & le courage de considérer l’un & l’autre de près. Qu’on interroge les médecins des villes, & les ministres de l’Eglise, accoutumés à observer les actions des mourans, & à recueillir leurs derniers sentimens, ils conviendront qu’à l’exception d’un petit nombre de maladies aiguës, où l’agitation causée par des mouvemens convulsifs, paroît indiquer les souffrances du malade, dans toutes les autres on meurt doucement & sans douleur ; & même ces terribles agonies effrayent plus les spectateurs, qu’elles ne tourmentent le malade ; car combien n’en a-t-on pas vus, qui, après avoir été à cette derniere extrémité, n’avoient aucun souvenir de ce qui s’étoit passé, non plus que de ce qu’ils avoient senti : ils avoient réellement cessé d’être pour eux perdant ce tems, puisqu’ils sont obligés de rayer du nombre de leurs jours tous ceux qu’ils ont passés dans cet état, duquel il ne leur reste aucune idée.

Il semble que ce seroit dans les camps que les douleurs affreuses de la mort devroient exister ; cependant ceux qui ont vu mourir des milliers de soldats dans les hôpitaux d’armées, rapportent que leur vie s’éteint si tranquillement, qu’on diroit que la mort ne fait que passer à leur cou un nœud coulant, qui serre moins, qu’il n’agit avec une douceur narcotique. Les morts douloureuses sont donc très-rares, & presque toutes les autres sont insensibles.

Quand la faux de la parque est levée pour trancher nos jours, on ne la voit point, on n’en sent point le coup ; la faux, ai-je dit ? chimere poëtique ! La mort n’est point armée d’un instrument tranchant, rien de violent ne l’accompagne, on finit de vivre par des nuances imperceptibles. L’épuisement des forces anéantit le sentiment, & n’excite en nous qu’une sensation vague, que l’on éprouve en se laissant aller à une rêverie indéterminée. Cet état nous effraye de loin parce que nous y pensons avec vivacité ; mais quand il se prépare, nous sommes affoiblis par les gradations qui nous y conduisent, & le moment décisif arrive sans qu’on s’en doute & sans qu’on y réfléchisse. Voilà comme meurent la plûpart des humains ; & dans le petit nombre de ceux qui conservent la connoissance jusqu’au dernier soupir, il ne s’en trouve peut-être pas un qui ne conserve en même-tems de l’espérance, & qui ne se flatte d’un retour vers la vie. La nature a, pour le bonheur de l’homme, rendu ce sentiment plus fort que la raison ; & si l’on ne réveilloit pas ses frayeurs par ces tristes soins & cet appareil lugubre, qui dans la société dévancent la mort, on ne la verroit point arriver. Pourquoi les enfans d’Esculape ne cherchent-ils pas des moyens de laisser mourir paisiblement ? Epicure & Antonin avoient bien su trouver ces moyens : mais nos médecins ne ressemblent que trop à nos juges qui, après avoir prononcé un arrêt de mort, livrent la victime à sa douleur, aux prêtres, & aux lamentations d’une famille. En faut-il davantage pour anticiper l’agonie ?

Un homme qui seroit séquestré de bonne heure du commerce des autres hommes, n’ayant point de moyens de s’éclairer sur son origine, croiroit non-seulement n’être pas né, mais même ne jamais finir. Le sourd de Chartres qui voyoit mourir ses semblables, ne savoit pas ce que c’étoit que la mort. Un sauvage qui ne verroit mourir personne de son espece, se croiroit immortel. On ne craint donc si fort la mort, que par habitude, par éducation, par préjugé.

Mais les grandes alarmes regnent principalement chez les personnes élevées mollement dans le sein des villes, & devenues par leur éducation plus sensibles que les autres ; car le commun des hommes, sur-tout ceux de la campagne, voient la mort sans effroi ; c’est la fin des chagrins & des calamités des misérables. La mort, disoit Caton, ne peut jamais être prématurée pour un consulaire, fâcheuse ou deshonorante pour un homme vertueux, & malheureuse pour un homme sage.

Rien de violent ne l’accompagne dans la vieillesse ; les sens sont hébétés, & les vaisseaux se sont effacés, collés, ossifiés les uns après les autres ; alors la vie cesse peu-à-peu ; on se sent mourir comme on se sent dormir : on tombe en foiblesse. Auguste nommoit cette mort euthanasie ; expression qui fit fortune à Rome, & dont tous les auteurs se servirent depuis dans leurs ouvrages.

Il semble qu’on paye un plus grand tribut de douleur quand on vient au monde, que quand on en sort : là l’enfant pleure, ici le vieillard soupire. Du moins est-il vrai qu’on sort de ce monde comme on y vient, sans le savoir. La mort & l’amour se consomment par les mêmes voies, par l’expiration. On se reproduit quand c’est d’amour qu’on meurt ; on s’anéantit, (je parle toujours du corps, & qu’on ne vienne pas m’accuser de matérialisme), quand c’est par le ciseau d’Atropos. Remercions la nature, qui ayant consacré les plaisirs les plus vifs à la production de notre espece, émousse presque toujours la sensation de la douleur, dans ces momens où elle ne peut plus nous conserver la vie.

La mort n’est donc pas une chose aussi formidable que nous nous l’imaginons. Nous la jugeons mal de loin ; c’est un spectre qui nous épouvante à une certaine distance, & qui disparoît lorsqu’on vient à en approcher de près. Nous n’en prenons que des notions fausses : nous la regardons non-seulement comme le plus grand malheur, mais encore comme un mal accompagné des plus pénibles angoisses. Nous avons même cherché à grossir dans notre imagination ses funestes images, & à augmenter nos craintes en raisonnant sur la nature de cette douleur. Mais rien n’est plus mal fondé ; car quelle cause peut la produire ou l’occasionner ? La fera-t-on résider dans l’ame, ou dans le corps ? La douleur de l’ame ne peut être produite que par la pensée ; celle du corps est toujours proportionnée à sa force ou à sa foiblesse. Dans l’instant de la mort naturelle, le corps est plus foible que jamais ; il ne peut donc éprouver qu’une très-petite douleur, si même il en éprouve aucune.

Les hommes craignent la mort, comme les enfans craignent les ténebres, & seulement parce qu’on a effaré leur imagination par des fantômes aussi vains que terribles. L’appareil des derniers adieux, les pleurs de nos amis, le deuil & la cérémonie des funérailles, les convulsions de la machine qui se dissout, voilà ce qui tend à nous effrayer.

Les Stoïciens affectoient trop d’apprêts pour ce dernier moment. Ils usoient de trop de consolations pour adoucir la perte de la vie. Tant de remedes contre la crainte de la mort contribuent à la redoubler dans notre ame. Quand on appelle la vie une continuelle préparation à la mort, on a lieu de croire qu’il s’agit d’un ennemi bien redoutable, puisqu’on conseille de s’armer de toutes pieces ; & cependant cet ennemi n’est rien. Pourquoi l’appréhender si vivement ? enfin, pourquoi craindre la mort, quand on a assez bien vécu pour n’en pas craindre les suites ?

Je sai que la mortalité
Du genre humain est l’appanage..
Pourquoi donc serois-je excepté ?
La vie n’est qu’un pélerinage !
De son cours la rapidité
Loin de m’allarmer, me soulage ;
Sa fin, lorsque j’en envisage
L’infaillible nécessité,
Ne peut ébranler mon courage.
Brûlez de l’or empaqueté,
Il n’en périt que l’emballage,
C’est tout : un si léger dommage
Devroit-il être regretté ?
(D. J.)

Mort le, (Critiq. sacrée.) il est dit dans le Deutéronome, chap. xiv. ℣. 1. « vous ne vous ferez point d’incision, & vous ne vous raserez point toute la tête pour le mort ». Ce mort est Adonis, parce que dans sa fête, on pratiquoit toutes ces choses. Il est parlé de la fête d’Adonis dans Ezéchiel, viij. 14. Au reste, les Juifs avoient l’idée superstitieuse, que tous ceux qui se trouvoient dans la maison où il y avoit un mort, ou qui touchoient au cadavre, étoient souillés & obligés de se purifier, comme il paroît par saint Luc, xxij. 4.. (D. J.)

Mort, (Mythol.) les anciens ont fait de la mort une divinité fille de la Nuit ; ils lui donnent pour frere le Sommeil éternel, dont le sommeil des vivans n’est qu’une foible image. Pausanias parle d’une statue de la Nuit, qui tenoit entre ses bras ses deux enfans, le Sommeil & la Mort ; l’un qui y dort profondément, & l’autre qui fait semblant de dormir.

On peignoit la Mort comme un squelette, avec une faux & des griffes : on l’habilloit d’une robe semée d’étoiles, de couleur noire avec des ailes noires.

Mors atris circumvolat alis, dit Horace.

On lui sacrifioit un coq, quoiqu’on la regardât comme la plus impitoyable des divinités ; c’est ce qui fait dire à Malherbe,

La Mort a des rigueurs à nulle autre pareilles,
On a beau la prier,
La cruelle qu’elle est se bouche les oreilles,
Et nous laisse crier
.

Les Phéniciens lui bâtirent un temple dans l’île de Gadira, qui ne subsista pas long-tems ; mais il n’en sera pas de même de celui du duc de Buckingham, dont le génie de la Poésie a fait les frais : le voici.

Temple of Death.

In those cold climates, where the sun appears
Unwillingly, aud hides his face in tears ;
A dreadful Vale lies in a desert isle,
On which indulgent Heav’n did never smild.
There a thick grove of age’d Cypres’s-trees,
Which none without an awful horror sees,
Into its withr’d arms depriv’d of Leaves,
Whole flocks of ill-presaging birds, receives :
Poisons are all the plants the soil will bears.
And winter is the only season there.
Millions of graves cover the spacious field,
And springs of blood a thousand rivers yield,
Whose streams oppress’d with carcasses and bones
,

Instead of gentle murmurs, pour forth groans ;
Within this Vale, a famous temple stands
Old as the world it self wich it commands :
Round is its figure, and four iron Gates
Divide Mankind. By order of the fates,
There come in crowds, doom’d to one common grave ;
The young, the old, the monarch, and the slave.
Old age and pains which mankind most deplores,
Are faithful keepers of those sacred doors :
All clad in mournful blacks, which also load
The sacred walls of this obscure abode ;
And tapers of a pitchy substance made,
With clouds of smoak, encrease the dismal shade.
A Monster void of reason, and of sight,
The Goddess who sways this realm of night,
Her power extends o’er all things that have breath,
A cruel tyrant, and her name is
Death.

(D. J.)

Mort, s. m. (Médecine.) la mort uniquement considérée sous le point de vûe qui nous concerne, ne doit être regardée que comme une cessation entiere des fonctions vitales, & par conséquent comme l’état le plus grave, le plus contre-nature, dans lequel le corps puisse se trouver, comme le dernier période des maladies ; & enfin comme le plus haut degré de syncope. En l’envisageant sous cet aspect, nous allons tâcher d’en détailler les phénomenes, les causes, les signes diagnostics & prognostics, & d’exposer la méthode curative qui est couronnée par le succès le plus constant, & qui est la plus appropriée dans les différens genres de mort. La séparation de l’ame d’avec le corps, mystere peut-être plus incompréhensible que son union, est un dogme théologique certifié par la Religion, & par conséquent incontestable ; mais nullement conforme aux lumieres de la raison, ni appuyé sur aucune observation de Médecine. Ainsi nous n’en ferons aucune mention dans cet article purement médicinal, où nous nous bornerons à décrire les changemens qui arrivent au corps, & qui seuls tombent sous les sens, peuvent être apperçus par les médecins artistes sensuels, sensuales artifices.

Symptomes. On he connoît la mort que par opposition à la vie, de même que le repos se manifeste par son contraste direct avec le mouvement ; les principaux symptomes se tirent de l’inexercice de la circulation & de la respiration ; ainsi dès qu’un homme est mort, on cherche en vain le pouls dans les différentes parties où les arteres sont superficielles ; elles sont dans une immobilité parfaite. Le mouvement de la poitrine inséparable de celui des poumons, est totalement anéanti ; toutes les excrétions sont suspendues ; la chaleur est perdue ; les membres sont froids, roides, inflexibles ; les sens sont dans l’inaction ; il ne reste aucun vestige de sentiment ; une pâleur livide occupe le visage ; les yeux sont sans force, sans éclat, recouverts d’écailles, &c. Jusque-là le cadavre ne differe de l’homme vivant, que par le défaut de mouvement : les différens organes encore dans leur entier peuvent être ranimés ; ils conservent pendant quelque tems une aptitude à renouveller les mouvemens auxquels ils étoient destinés. Ils restent dans cet état jusqu’à ce que la putréfaction plus ou moins prompte, détruise leur tissu, rompe l’union des molécules organiques qui les composent, & mette par-là un obstacle invincible au retour de la vie. Lorsque la corruption commence à gagner, le corps devient successivement bleuâtre, livide, noir ; il exhale une odeur insoutenable, particuliere, qu’on nomme cadavéreuse ; bien-tôt après les vers y éclosent ; les différentes parties se désunissent, perdent leur lien, leur figure, & leur cohésion ; les molécules dégagées sont volatiles, s’évaporent ; & enfin, après leur dissipation il ne reste aucun vestige d’homme. Il me paroît qu’on pourroit distinguer dans la mort deux états bien différens, & établir en conséquence deux especes ou deux degrés remarquables de mort. J’appellerai le premier degré mort imparfaite, ou susceptible de secours, qui comprendra tout ce tems où il n’y a qu’un simple inexercice des fonctions vitales, & où les organes, instrumens de ces fonctions, sont encore propres à recommencer leur jeu. Le second degré le complément de la mort imparfaite, sera connu sous le nom de mort absolue, irrévocablement décidée. Il est caractérisé non-seulement par la cessation des mouvemens, mais encore par un état des organes tels qu’ils sont dans une impossibilité physique de les renouveller ; ce qui arrive le plus souvent par leur destruction opérée par la putréfaction, ou par des moyens méchaniques, quelquefois aussi par un desséchement considérable, ouvrage de l’art ou de la nature. Le tems qui se passe entre la mort imparfaite, & la mort absolue, est indéterminé ; il varie suivant les causes, les sujets, les accidens, les saisons, &c. En général, l’intervalle est plus long dans ceux qui meurent subitement ou de mort violente, que dans ceux où la mort est l’effet d’une maladie, ou de la vieillesse ; dans les enfans que dans les adultes, dans l’hiver que dans l’été, sous l’eau que dans un air libre, &c. La distinction que je viens d’établir, est fondée sur un grand nombre de faits par lesquels il conste évidemment que des personnes ont resté pendant assez long-tems dans cet état que nous avons appellé mort imparfaite, & qui après cela, ou par des secours appropriés, ou d’elles-mêmes, sont revenues à la vie. De ce nombre sont les morts volontaires ou extatiques ; quelques historiens assurent avoir vû des personnes qui par le seul acte de la volonté, suspendoient chez eux tous les mouvemens vitaux, & restoient pendant un certain tems sans pouls, sans respiration, roides, glacées, & après cela reprenoient d’elles-mêmes l’exercice des sens. Cheyne auteur connu, digne de foi, raconte qu’il a été témoin oculaire d’un semblable fait, & que la mort lui paroissoit si bien décidée, qu’il avoit déja pris le parti de se retirer ; cependant l’extase finit, la mort cessa, le pouls & la respiration revinrent par degrés. Il y a des gens qui réiterent souvent pour satisfaire les curieux ces morts imparfaites. On dit que les Lapons sur-tout excellent dans ce métier ; on en a cependant vû quelquefois mourir tout-à-fait victimes de ces dangereuses tentatives, de même qu’un anglois qui pouvoit suspendre avec la main le mouvement de son cœur ; il mourut enfin ayant poussé trop loin cette expérience. Le traité important, quoique mal digéré, que M. Bruhier médecin a donné sur l’incertitude des signes de la mort, contient un recueil intéressant & curieux d’observations, qu’il a pris la peine de rassembler & d’extraire de différens auteurs, qui prouvent que des morts mis sur la paille, dans la biere, & dans le tombeau même, en sont sortis vivans, après plusieurs jours.

Mais ce qu’il y a de plus terrible, & qu’il est à propos de remarquer dans ces histoires, c’est que presque toutes ces résurrections naturelles sont l’effet d’un heureux hasard, ou d’un concours de circonstances inattendues. Ainsi une jeune fille morte de la petite vérole revint en vie, parce que le bedeau qui la portoit laissa tomber le cercueil, dont les ais mal unis se dessassemblerent ; la secousse de cette chûte fit donner à l’enfant des signes de vie ; on la reporta chez elle, où elle revint en parfaite santé. Traité de l’incertitude des signes de la mort, §. VI. page 153. tome I. Une femme du commun etant exposée sur la paille avec un cierge aux piés, suivant l’usage, quelques jeunes gens renverserent en badinant le cierge sur la paille qui prit feu à l’instant : dans le même moment la morte se ranima, poussa un cri perçant, & vécut long-tems après. Ibid. §. IV. page 68. Plusieurs personnes enterrées avec des bijoux, doivent la vie à l’avidité des fossoyeurs ou des domestiques, qui sont descendus dans leurs tombeaux pour les voler ; les secousses, l’agitation, les efforts faits pour arracher les anneaux, pour les dépouiller, ont rappellé ces morts imparfaits à la vie. Voyez les observations rapportées dans l’ouvrage déja cité, tome I. page 53, 61, 98, 134, 170. &c. Dans d’autres la mort a été dissipée par des incisions faites pour les ouvrir : une femme dont Terrili raconte l’histoire, donna des signes de vie au second coup de bistouri ; il est arrivé quelquefois que la vie s’est manifestée trop tard dans de semblables circonstances ; le mort ressuscité a perdu la vie sous le couteau anatomique. Ce fut un pareil événement qui causa tous les malheurs du grand Vesale, ayant ouvert un gentilhomme espagnol, il apperçut dès qu’il eut enfoncé le bistouri quelques signes de vie ; & la poitrine ouverte lui fit observer le mouvement du cœur revenu ; le fait devenu public excita les poursuites des parens & des juges de l’inquisition. Philippe II. roi d’Espagne, par autorité ou plutôt par prieres, vint à bout de le soustraire à l’avidité de ce cruel tribunal, à condition qu’il expieroit son crime par un voyage à la Terre-Sainte. On raconte du cardinal Espinosa, premier ministre de Philippe II. qu’ayant été disgracié, il mourut de douleur. Lorsqu’on l’ouvrit pour l’embaumer, il porta la main au rasoir du chirurgien, & on trouva son cœur palpitant ; ce qui n’empêcha pas le chirurgien barbare de continuer son opération, & de le mettre par là dans l’impossibilité d’échapper à la mort. Il y a plusieurs exemples de personnes qu’on alloit enterrer, ou qui l’étoient déja, que la tendresse officieuse ou l’incrédulité d’un amant, d’un parent, d’un ami, d’un mari, d’une femme, &c. ont retiré des bras de la mort. Un homme au retour d’un voyage, apprend que sa femme est morte & inhumée depuis trois jours : inconsolable de sa perte, & ne pouvant se persuader qu’elle fût réelle, descend comme un autre Orphée dans son tombeau, & plus heureux ou plus malheureux que lui, il trouve le secret de lui rendre la vie & la santé. La même chose arriva à un négociant, qui revenant aussi d’un voyage deux jours après la mort de sa femme, la trouva exposée à sa porte dans le moment que le clergé alloit s’emparer de son corps, il fit monter la biere dans sa chambre, en tira le corps de sa femme, qui ne donna aucun signe de vie. Pour mieux s’assurer de sa mort, & pour tâcher de la dissiper, s’il étoit possible, il lui fit faire des scarifications & appliquer les ventouses ; on en avoit déja mis vingt-cinq sans le moindre succès, lorsqu’une vingt-sixieme fit crier à la morte ressuscitée, ah, que vous me faites mal ! Miladi Roussel, femme d’un colonel anglois, dut la vie à l’extrème tendresse de son mari, qui ne voulut pas permettre qu’on l’enterrât, quoiqu’elle parût bien morte, jusqu’à ce qu’il se manifestât quelque signe de putréfaction. Il la garda ainsi pendant sept jours, après lesquels la morte se réveilla comme d’un profond sommeil au son des cloches d’une église voisine. Voyez d’autres observations semblables dans l’ouvrage déja cité, tome I. pages 69, 94, 106, 108, &c. & tome II. pages 56 & 58. Quelques morts dont l’enterrement a été différé par quelque cause imprévue, sont précisément revenus à la vie dans cet intervalle : un témoin oculaire raconte & certifie qu’étant à Toulouse dans l’église de saint Etienne, il vit arriver un convoi dont on différa la cérémonie jusqu’àprès un sermon pendant lequel on déposa le corps dans une chapelle. Au milieu du sermon, le cadavre parut animé, fit quelques mouvemens qui engagerent à le reporter chez lui ; de façon, ajoûte l’historien de ce fait, que sans le sermon on auroit enterré un homme vivant, ou qui étoit prêt à le devenir. lbid. tom. l. p. 62. Diemerbroek rapporte qu’un paysan étant mort de la peste, on se préparoit à l’enterrer après les vingt-quatre heures, suivant l’usage ; le défaut de cercueil fit différer jusqu’au lendemain ; & lorsqu’on voulut y mettre le corps, on s’apperçut qu’il commençoit à reprendre l’usage de la vie. Enfin, il y a eu des personnes qui rappellées à la vie dans le tombeau, en ont été retirées, ont été assez heureuses pour faire entendre leurs cris à des gens que le hasard amenoit dans le voisinage. Ainsi un régiment d’infanterie étant arrivé à Dole, plusieurs soldats manquant de logemens, obtinrent la permission de se retirer dans l’église, & de coucher sur les bancs garnis du parlement & de l’université ; quelques soldats entendirent pendant long-tems des plaintes qui sembloient sortir d’un tombeau ; ils avertirent le clerc, on ouvre un caveau où l’on avoit enterré le jour même une fille, on la trouve vivante, &c.

Quelques enfans étant allés jouer sur le tombeau d’un homme récemment enterré, furent épouvantés du bruit qu’ils entendirent ; ils raconterent la cause de leur frayeur ; on exhuma la personne qui étoit pour lors en vie. Il est évident que si ces personnes eussent été enterrées dans un cimetiere & couvertes de terre, elles n’auroient pû faire entendre leurs cris ; & même sans les circonstances imprévues qui se rencontrerent, elles seroient mortes de nouveau. Quels affreux soupçons ne font pas naître de pareils événemens sur le sort d’une infinité de personnes qu’on enterre trop promptement, & sans beaucoup de précautions, sans attendre sur-tout que la putréfaction manifestée ait décidé leur mort irrévocable. Il arrive de-là que plusieurs meurent absoiument, qui auroient pû revivre si on eût apporté à propos des secours convenables, ou du-moins si on ne les avoit pas privés d’air en les ensevelissant sous la terre, ou en les mettant dans des caveaux qui sont des especes de mouffetes ; d’autres au contraire, ce qui est encore plus terrible, revenus d’eux-mêmes à la vie, ne peuvent faire venir leurs plaintes à ceux qui pourroient les secourir, les tirer du tombeau où ils sont renfermés sans nourriture, ne revivent que pour mourir encore plus cruellement dans toutes les horreurs de la faim & du desespoir. On voit en effet souvent en exhumant les corps après plusieurs mois, qu’ils sont changés de place, de posture, de situation ; quelques-uns paroissent avec les bras, les mains rongées de rage. Dom Calmet raconte sur la foi d’un témoin oculaire, qu’un homme ayant été enterré dans le cimetiere de Bar-le-Duc, on entendit du bruit dans la fosse ; elle fut ouverte le lendemain, & on trouva que le malheureux s’étoit mangé le bras. On vit à Alais le cercueil d’une femme dont les doigts de la main droite étoient engagés sous le couvercle de son cercueil qui en avoit été soulevé. Le docteur Crafft fait mention d’une demoiselle d’Ausbourg, qui étant morte d’une suffocation de matrice, fut enterrée dans un caveau bien muré ; au bout de quelques années on ouvrit le caveau, l’on trouva la demoiselle sur les degrés près de l’ouverture, n’ayant point de doigts à la main droite. Cette histoire est fort analogue à celle d’un religieux carme, qui ayant été enterré depuis long-tems, fut trouvé à l’entrée du caveau les doigts écorchés, & la pierre qui bouchoit l’ouverture un peu dérangée ; mais ce qui doit confirmer & augmenter ces soupçons, c’est le long intervalle qui peut s’écouler entre la mort imparfaite & la mort absolue, c’est-à-dire, depuis le tems où les organes ont cessé leurs mouvemens, jusqu’à celui ou ils perdent l’aptitude à les renouveller. On a vu qu’il n’est pas rare de revivre après deux ou trois jours ; l’exemple de myladi Roussel prouve qu’on peut être pendant sept jours dans l’état de mort imparfaite. Il y a des observations incontestables de noyés, qui ont resté trois, quatre, & cinq jours sous l’eau. On lit dans les mélanges des curieux de la nature, un fait attesté par Kunkel, touchant un jeune homme qui étant tombé dans l’eau, n’en fut retire qu’après huit jours ; & Pechlin assure qu’un jeune homme fut pendant plus de quarante-deux jours enseveli sous les eaux, & qu’enfin retiré la septieme semaine, septimâ demum hebdommadâ extractum, on put le rappeller à la vie. Ces résurrections qu’on pourroit regarder comme des-miracles de la Médecine, passeront pour des fictions, pour des evénemens supposés dans l’esprit de quelques lecteurs, qui confondant les bornes du possible avec celles de leur connoissance, ignorent que le vrai peut bien souvent n’être pas vraissemblable. Tous ces faits, quelque merveilleux qu’ils paroissent, n’ont rien que de naturel & de conforme aux lois de l’économie animale : les anciens avoient déja observé qu’on peut rester sans pouls & sans respiration pendant très-long-tems ; ils ont même décrit une maladie sous le nom d’ἄπνος, qui veut dire sans respiration, où ils assurent qu’on peut être pendant trente jours sans aucun signe de vie, ne différant d’un véritable mort, que par l’absence de la putréfaction. Il y a un traité grec sur cette maladie, περι τῆς ἄπνου, que Galien, Pline, & Diogene de Laerce, croient avoir été composé par Héraclide de Pont, & que Celse attribue à Démocrite. Cet ouvrage fut fait à l’occasion d’une femme qui reprit l’usage de la vie, après avoir été pendant sept jours sans en donner la moindre marque. L’histoire naturelle nous fournit dans les animaux des exemples qui confirment ceux que nous avons rapportés : tout le monde sait que les loirs restent pendant tout l’hiver au fond d’une caverne, ou enterrés sous la neige, sans manger & sans respirer ; & qu’après ce tems lorsque la chaleur revient, ils sortent de l’engourdissement ; parfaite image de la mort dans laquelle ils étoient ensevelis : plusieurs oiseaux passent aussi tout l’hiver sous les eaux ; telles sont les hirondelles entre autres, qui loin d’aller suivant l’erreur populaire fort accréditée, dans des climats plus chauds, se précipitent au fond de la mer, des lacs, & des rivieres, & y passent ainsi sans plumes & sans vie jusqu’au retour du printems ; lorsque la chûte des feuilles annonce les approches du froid, dit un poëte latin.

Avolat (hirundo) & se credit aquis præcepsque sub illas
 Mersa, in dumosâ mortua valle jacet.

Flebilis, exanimis, deplumis, nuda, neque ullam
     Vivifici partem masta caloris habens
Et tamen huic redeunt in sensus munera vitœ,
     Cum novus herbosam flosculus ornat humum, &c.

David Herlicius, épigram. lib. VI.

M. Falconet, medecin de Paris, étant en Bresse, vit apporter une masse de terre que les pêcheurs avoient tirée de l’eau ; & après l’avoir lavée & débrouillée, il apperçut que ce n’étoit autre chose qu’un amas d’hirondelles qui approchées du feu se déroidirent & reprirent la vie. On lui assura qu’il n’étoit pas rare d’en pêcher de la sorte en cette province. Traité de l’incertitude, &c. tome I. page 131. Tous ces faits vérifient bien la remarque de Pline, qui sert d’épigraphe à l’ouvrage de M. Bruhier : « telle est la condition des hommes, dit ce savant naturaliste, ils sont exposés à des jeux de hasard, tels qu’on ne peut même se fier à la mort ».

Causes. Il n’est pas possible de déterminer quelles sont les causes qui occasionnent la mort, & quelle est leur maniere d’agir, sans connoître auparavant celles qui entretiennent cette continuité & cette réciprocité d’actions qui forment la vie. Voyez Vie, Économie animale. On peut regarder du-moins dans l’homme, & dans les animaux dont la structure est à-peu-près semblable, la circulation du sang ou le mouvement du cœur & des arteres, comme le signe le plus assuré, la mesure la plus exacte, & la cause la plus évidente de la vie. Deux autres fonctions surnommées aussi vitales, savoir la respiration & l’action du cerveau, concourent essentiellement à l’intégrité de cette premiere, qui est la fonction par excellence. La nécessité de la respiration est fondée sur ce que tout le sang qui va se distribuer dans les différentes parties du corps, est obligé, depuis l’instant de la naissance, de passer par les poumons : aussi dès que le mouvement de ce viscere, sans lequel ce passage du sang ne peut avoir lieu, vient à cesser, la circulation est entierement arrêtée par tout le corps, le cœur & les arteres cessent tout de suite leurs battemens ; & ce qu’il y a de remarquable, c’est que dès le moment qu’on fait recommencer la respiration, on renouvelle les contractions alternatives du cœur. Quelques écrivains, observateurs peu exacts & anatomistes mal instruits, ont pensé que dans les personnes qui restoient long-tems sans respirer, le trou ovale ouvert & le canal artériel conservant les propriétés & les usages qu’il avoit dans le fœtus, suppléoient à la respiration, en donnant lieu à une circulation particuliere, telle qu’on l’observe dans le fœtus ; mais c’est un fait gratuitement avancé, qui n’a d’autre fondement que la difficulté de trouver une explication plus conforme aux préjugés qu’on s’est formé sur les causes de la vie & de la mort. Il est d’ailleurs contraire aux observations anatomiques & à l’expérience qui fait voir que dans les noyés & les pendus, les mouvemens du cœur & les arteres ne sont pas moins interceptés que ceux des organes de la respiration. On n’a encore rien de bien décidé sur la maniere dont le cerveau influe sur les organes de la circulation ou de la vie : le fluide nerveux si universellement admis n’est appuyé sur aucune preuve satisfaisante ; & le solidisme des nerfs rejetté sans examen plus conforme au témoignage des sens & à la plûpart des phénomenes de l’économie animale, souffre encore quelques difficultés ; mais quel que soit le méchanisme de cette action, il est certain qu’elle est nécessaire au jeu des nerfs : les observations & les expériences concourent à prouver la nécessité d’une libre communication des nerfs cardiaques entre le cerveau & le cœur, pour continuer les mouvemens de cet organe ; mais il est à-propos de remarquer que le cœur continue de battre quelquefois assez long-tems, malgré la ligature, la section, l’entiere destruction de tous ces nerfs ou d’une grande partie. Willis lia dans un chien les nerfs de la paire vague ou de la huitieme paire, qui, de concert avec les rameaux de l’intercostal, vont former le plexus cardiaque & se distribuer au cœur ; le chien après cette opération tomba muet, engourdi, eut des frissons, des mouvemens convulsifs dans les hypocondres : ces mêmes nerfs entierement coupés, il ne laissa pas de vivre plusieurs jours, refusant constamment de manger. Cerebr. anatom. page 234. Lower a réitéré cette expérience avec le même succès, de corde, pag. 90. Vieussens est encore allé plus loin, pour ôter lieu à tout vain subterfuge : il coupa ces nerfs & ceux qui concourent à la formation de l’intercostal ; & malgré cela le chien qu’il soumit à ce martyre philosophique vécut plus de vingt heures. Nevrograph. pag. 179. On observe que les jeunes animaux, plus muqueux & par conséquent plus irritables, résistent encore plus long-tems à ces épreuves ; ils sont beaucoup plus vivaces. Il est certain que dans les apoplexies fortes l’action du cerveau est très-dérangée, souvent anéantie : il arrive cependant quelquefois que le cœur continue de battre à l’ordinaire, tandis que tous les autres mouvemens sont interrompus. L’exemple d’une personne qui garda pendant long-tems un abscès au cervelet, joint aux expériences que nous avons rapportées, font voir évidemment que l’ingénieuse distinction des nerfs qui naissent du cervelet d’avec ceux qui tirent leur origine du cerveau, fondement peu solide de la fameuse théorie des maladies soporeuses proposée par Boerrhaave, si accréditée dans les écoles, que cette distinction, dis-je, est purement arbitraire, absolument nulle. Il résulte de là que la cause du mouvement du cœur ne réside point dans les nerfs qui s’y distribuent ; ils ne me paroissent avoir d’autre usage que celui de produire & d’entretenir son extrème & spéciale contractilité, principe fondamental & nécessaire de tout mouvement animal. Voyez Sensibilité. Le principal, ou pour mieux dire l’unique moteur actif du cœur, est le sang qui y aborde, qui irritant les parois sensibles des ventricules, en détermine conséquemment aux lois de l’irritabilité les contractions alternatives. Voyez Cœur. Ce que je dis du cœur doit s’appliquer aux arteres qui suivent les mêmes lois, & qui semblent n’être qu’une continuation ou une multiplication de cet organe.

Toutes les causes de mort tendent à suspendre les mouvemens du cœur, les unes agissant sur les nerfs ou sur le cerveau, attaquent & détruisent l’irritabilité, paralysent pour ainsi dire le cœur, le rendent insensible à l’impression du sang, ou le mettent hors d’état d’exécuter les mouvemens accoutumés ; les autres opposent des obstacles invincibles à l’expulsion du sang, ou empêchent son retour dans les ventricules. On peut compter quatre especes, quatre causes générales de mort, ou quatre façons particulieres de mourir : 1°. la mort naturelle ou de vieillesse ; 2°. la mort violente ; 3°. la mort subite ; 4°. la mort de maladie, qui se rapportent aux deux causes premierement établies.

I. La mort de vieillesse est celle qui arrive naturellement aux vieillards décrépits, par le défaut des organes propres à cet âge, indépendamment de toute maladie étrangere. Quelques auteurs aussi peu au fait de la vraie morale que de la saine physique, pour trouver une raison de cette mort, ont eu recours à des causes finales toujours incertaines, à des volontés expresses de Dieu ; ayant à expliquer comment on mouroit dans ces circonstances, ils ont mal déterminé le pourquoi : d’autres, aussi mauvais physiciens, ont gratuitement attribué cette mort aux fatigues de l’ame, au dégoût qu’ils lui ont supposé de rester trop long-tems emprisonnée dans notre frêle machine. Van-Helmont l’a déduit de l’extinction de la flamme vitale & du chaud inné : cette idée est du-moins plus naturelle, mais elle n’explique encore rien. Il reste à déterminer quelle est la cause de cette extinction.

On trouve dans la structure du corps humain & dans l’examen de ses propriétés, des raisons très simples de cette mort : on n’a qu’à observer les changemens qui arrivent dans l’organisation du corps & dans le méchanisme des fonctions lorsque l’âge augmente, on verra que depuis le premier instant que l’on commence à vivre, les fibres deviennent plus fortes, plus serrées, moins sensibles, moins irritables. Dans la vieillesse, la plûpart des petits vaisseaux s’obliterent, les visceres se durcissent, les secrétions diminuent, la peau n’est plus humectée, la maigreur augmente de plus en plus jusqu’au point du marasme senile ; la circulation est plus lente, plus foible, bien moins universelle que dans les enfans ; le pouls est dur, foible, petit, inégal, pour l’ordinaire intérieur : lorsque la vieillesse devient décrépite, l’irritabilité diminue considérablement ; les vaisseaux deviennent plus ou moins durs : on en a vu près de l’origine du cœur qui avoient acquis la dureté de l’os du cartilage, des pierres. Lorsque la mort est prochaine, le pouls est intermittent, extrèmement lent & foible ; & ces caracteres augmentent ainsi par nuances jusqu’à ce que, la sensibilité du cœur entierement détruite, les forces tout-à-fait épuisées, le mouvement de cet organe cesse, & ces vieillards meurent alors sans presque s’appercevoir qu’ils cessent de vivre, le passage de la vie à la mort n’étant presque pas sensible chez eux. On voit par-là que notre merveilleuse machine a cela de commun avec toutes les autres ; que la maniere dont les mouvemens s’y exécutent est une raison suffisante pour en empêcher la perpétuité : chaque moment de vie prépare & dispose à la mort. Il est facile d’appercevoir combien peu on doit compter sur tous ces élixirs admirables, ces secrets précieux que des empiriques ignorans ou fripons débitent pour prolonger la vie, pour rajeunir & conduire à l’immortalité.

II. Sous le titre de mort violente nous comprenons toutes celles qui sont occasionnées par quelque cause extérieure dont l’action est évidente & prompte ; nous comptons d’abord en conséquence toutes les blessures qui empêchent le mouvement du cœur, par la section des nerfs, le dérangement du cerveau ; par l’effusion du sang, les plaies des ventricules, des gros vaisseaux, les épanchemens intérieurs, les chûtes sur la tête ou l’épine, avec commotion ou luxation, &c. les opérations chirurgicales mal faites ou imprudemment entreprises ; celles qui interceptent la respiration, comme celles qui pénetrent fort avant dans la poitrine, qui coupent, détruisent la trachée-artere. Nous mettons aussi au nombre des morts qui viennent par défaut de respiration, celles des noyés, de ceux qui sont exposés à la vapeur du vin fermentant, du charbon, des mines, des tombeaux qui ont resté long-tems fermés, des mouffetes, & très-rarement ou plûtôt jamais la mort des pendus ; car ils meurent-le plus souvent par la luxation de la premiere vertebre du col : cette opération est un coup de maître, un tour délicat de bourreau expérimenté, qui ne veut pas faire languir le patient. Quelquefois aussi les pendus meurent apoplectiques, le sang étant retenu & accumulé dans le cerveau par la compression que fait la corde sur les jugulaires. Le froid est quelquefois & dans certains pays si violent, que les personnes les plus robustes ne sauroient y être exposées pendant quelque tems sans perdre la vie de tout le corps ou de quelque partie : son effet le plus sensible est de suspendre le mouvement des humeurs, & d’exciter une gangrene locale ou universelle ; cependant lorsqu’il est poussé au dernier degré d’intensité., il empêche la putréfaction, il desseche les solides, les resserre puissamment, & gele pour ainsi dire les fluides. Ceux qui sont morts de cette façon se conservent pendant long-tems : on en a trouvé qui étoient encore frais après bien des années. On pourroit enfin rapporter aux morts violentes celle qui est l’effet des poisons actifs pris intérieurement ou introduits par quelque blessure ou morsure extérieure ; leur action est extrémement variée & fort obscure. Voyez Poison.

III. La mort subite est une cessation prompte des mouvemens vitaux, sans aucun changement considérable extérieur : c’est un passage rapide souvent sans cause apparente de l’exercice le plus florissant des differentes fonctions, à une inaction totale. On cesse de vivre dans le tems où la santé paroît la mieux affermie & le danger le plus éloigné, au milieu des jeux, des festins, des divertissemens, ou dans les bras d’un sommeil doux & tranquille : c’est ce qui faisoit souhaiter aux anciens philosophes de mourir de cette façon ; & en effet, à ne considérer que le présent, c’est la mort la moins désagréable, qui évite les souffrances, les horreurs que ne peuvent manquer d’entraîner les approches de la mort ; qui ne donne pas le tems de tomber dans cet anéantissement affreux, dans cet affaissement souvent honteux pour un philosophe, qui la précede dans d’autres circonstances ; & enfin on n’a pas le tems de regretter la vie, la promptitude de la mort ne permet pas toutes les tristes reflexions qui se présentent à un homme qui la voit s’approcher insensiblement.

On a vû des morts subites déterminées par des passions d’ame vives, par la joie, la terreur, la colere, le dépit, &c. Une dame vaporeuse mourut dans l’instant qu’on lui donnoit un coup de lancette pour la saigner, avant même que le sang sortît. Quelques personnes sont mortes ainsi sans qu’on pût accuser aucune cause précédente, sans que rien parût avoir donné lieu à un changement si prodigieux ; dans la plûpart de ceux qu’on a ouverts, on a trouvé des abscès qui avoient crevé, du sang épanché dans la poitrine ou dans le cerveau, des polypes considérables à l’embouchure des gros vaisseaux. Frédéric Hoffman raconte, sur le témoignage de Graff, médecin de l’électeur Palatin, qu’un nombre considérable de soldats étant morts subitement, on en fit ouvrir cinquante ; il n’y en eut pas un de ceux-là qui n’eût dans le cœur un polype d’une grandeur monstrueuse, monstrosâ magnitudine. Georges Greisell assure qu’il a trouvé de semblables concrétions dans le cœur ou le cerveau de tous ceux qui sont morts d’apoplexie ou de catarre, Miscell. nat. curios. 1670, observ. LXXIV. Wepfer dit avoir vû dans le cadavre d’un homme mort subitement apoplectique, un polype d’une étendue immense, qui non-seulement occupoit les carotides & les vaisseaux un peu considérables du cerveau, mais se distribuoit encore dans tous les sinus & anfractuosités de ce viscere ; on comprend facilement comment de semblables dérangemens peuvent suspendre tout-à-coup le mouvement progressif du cœur & faire cesser la vie ; mais il arrive quelquefois que tous les visceres paroissent dans un état sain & naturel, on ne trouve aucun éclaircissement dans l’ouverture du cadavre sur la cause de la mort ; c’est principalement dans le cas de mort subite excitée par des passions d’ame vives, par des douleurs aiguës inattendues, il n’y a alors qu’une affection nerveuse ; il y a lieu de présumer que le même spasme qui s’observe à l’extérieur, occupe les extrémités du cœur, & les empêche d’admettre le sang ou de réagir contre lui. Il est à propos d’observer ici que la mort subite peut aussi arriver dans le cours d’une indisposition, d’une maladie, par les mêmes causes qui la déterminent en santé, indépendamment de celle de la maladie ; un malade trompe quelquefois le prognostic le mieux fondé, il meurt avant le tems ordinaire & sans que les signes mortels ayent précédé, ou par une passion d’ame, ou par quelque dérangement interne qu’on ne sauroit prévoir : on voit des exemples de cette mort dans quelques fievres malignes, ceux qui en sont attaqués meurent dès le troisieme ou quatrieme jour, au grand étonnement des assistans & du médecin même qui ne s’attendoit à rien moins ; le cadavre ouvert ne laisse appercevoir aucune cause de mort, pas le moindre vice dans aucun viscere : ces cas méritent d’être sérieusement examinés ; n’y a-t-il pas lieu de soupçonner qu’on se presse trop d’ouvrir & d’enterrer ceux qui sont morts ainsi ?

IV. La mort qui doit être uniquement appellée mort de maladie, est celle qui arrive dans les derniers tems, lorsque les symptomes, les accidens, la foiblesse sont parvenus au plus haut période ; dans les maladies aiguës, la mort arrive d’ordinaire dans le tems où la maladie ayant parcouru ses différens périodes, se termineroit par quelque crise salutaire si elle avoit tourné heureusement ; de façon qu’on peut la regarder comme une des terminaisons des crises de la maladie où la nature a eu le dessous. On pourroit juger & raisonner d’une fievre aiguë comme d’une inflammation ; car comme cette affection locale se termine par la résolution, ou par la suppuration, ou enfin par la gangrene, de même les maladies aiguës se guérissent entierement ou dégénerent en maladies chroniques, ou enfin finissent par la mort de tout le corps ; en approfondissant cette matiere on trouveroit beaucoup de rapport dans la façon dont ces différentes terminaisons s’operent dans l’un & l’autre cas. Voyez Inflammation & Maladie aigue. Toutes les maladies aiguës se ressemblent assez par leurs causes, leur marche, leurs effets, & leur terminaison ; elles ne me paroissent différer qu’accidentellement par un siege particulier, par la lesion spéciale, primitive, chronique de quelque viscere, par l’altération plus ou moins forte du sang, causes qui en rendent le danger plus ou moins pressant. L’effet le plus heureux, le plus complet de l’augmentation qu’on observe alors dans le mouvement du sang, du cœur & des arteres, est de rappeller ou de suppléer l’excrétion dont la suppression avoit donné naissance à la maladie, de corriger & de refondre, pour ainsi dire, les humeurs, & enfin de rétablir l’exercice des organes affectés. Lorsque la gravité du mal, le dérangement considérable des visceres, la foiblesse des forces empêchent la réussite de ces efforts, l’altération du sang augmente, il ne se fait aucune coction, ou elle n’est qu’imparfaite, suivie d’aucune excrétion ; le sang n’obéit que difficilement aux coups redoublés du cœur & des vaisseaux, & leurs pulsations deviennent plus fréquentes, à mesure que la lenteur du mouvement du sang augmente, les obstacles opposés à la circulation se multiplient, les forces continuellement dissipées & jamais reparées vont en décroissant ; le mouvement progressif du sang diminue peu-à-peu, & enfin cesse entierement ; les battemens du cœur & des arteres sont suspendus, la gangrene universelle se forme, & la mort est décidée. Tous ces changemens que nous venons d’exposer se manifestent par différens signes qui nous font connoître d’avance le sort funeste de la maladie. Il ne nous est pas possible d’entrer ici dans le détail de tous les signes mortels, qui varient dans les différentes maladies, on pourra les trouver exposés aux articles de seméiotique, comme pouls, respiration, urine, &c. dont on les tire, & aux maladies qu’ils caractérisent : nous n’en rapporterons à présent que quelques généraux qui se rencontrent presque toujours chez les mourans, qui précedent & annoncent une mort prochaine. La physionomie présente un coup-d’œil frappant, surtout pour le médecin expérimenté, dont les yeux sont accoutumés à l’image de la mort ; une pâleur livide défigure le visage ; les yeux sont enfoncés, obscurs, recouverts d’écailles, la pupile est dilatée, les tempes sont affaissées, la peau du front dure, le nez éffilé, les levres tremblantes ont perdu leur coloris ; la respiration est difficile, inégale, stercoreuse ; le pouls est foible, fréquent, petit, intermittent ; quelquefois les pulsations sont assez élevées, mais on sent un vuide dans l’artere, le doigt s’y enfonce sans résistance ; bien-tôt après le pouls fuit de dessous le doigt ; les pulsations semblent remonter ; elles deviennent insensibles au poignet ; en appliquant la main au pli du coude, lorsque l’artere n’est pas trop enfoncée, on les y apperçoit encore ; c’est un axiome proposé par Hippocrate, & fort accrédité chez le peuple, que la mort ne tarde pas lorsque le pouls est remonté au coude, enfin tous ces battemens deviennent imperceptibles, le nez, les oreilles & les extrémités sont froides, on n’apperçoit plus qu’un léger sautillement au côté gauche de la poitrine, avec un peu de chaleur, qui cessent enfin tout-à-fait, & le malade meurt dans des efforts inutiles pour respirer. Il n’est pas rare de trouver dans les cadavres des engorgemens inflammatoires, des dépôts, des gangrenes dans les visceres, qui ont souvent accéléré & déterminé la mort ; ces desordres sont plûtôt l’effet que la cause de la maladie ; il est cependant assez ordinaire aux médecins qui font ouvrir les cadavres, d’appuyer sur ces accidens secondaires, souvent effets de l’art, l’impossibilité de la guérison, ils montrent à des assistans peu instruits tous ces desordres comme des preuves de la gravité de la maladie, & justifient à leurs yeux leur mauvais sucès. Il y a quelquefois des maladies pestilentielles, des fievres malignes qui se terminent au trois ou quatrieme jour par la mort ; le plus souvent on trouve des gangrenes internes, causes suffisantes de mort. Ces gangrenes paroissent être une source d’exhalaisons mephitiques, qui se portant sur les nerfs, occasionnent un relâchement mortel ; ces maladies si promptes semblent aussi attaquer spécialement les nerfs, & empêcher principalement leur action ; le symptôme principal est une foiblesse extreme, un affaissement singulier ; on peut rapporter à la mort qui termine les maladies aiguës, celle qui est déterminée par une abstinence trop longue, qui suit l’inanition ; il est bien difficile de décider en quoi & comment les alimens donnent, entretiennent & rétablissent les forces ; leur effet est certain, quoique la raison en soit inconnue : dès qu’on cesse de prendre des alimens, ou qu’ils ne parviennent point dans le sang, ou enfin quand la nutrition n’a pas lieu, les forces diminuent, les mouvemens ne s’exécutent qu’avec peine & lassitude, les contractions du cœur s’affoiblissent, le mouvement intestin du sang n’étant pas retenu par l’abord continuel d’un nouveau chyle, se développe, les différentes humeurs s’alterent, la salive acquiert une âcreté très-marquée, la machine s’affaisse insensiblement, les défaillances sont fréquentes, la foiblesse excessive, enfin le malade reste enseveli dans une syncope éternelle.

Dans les maladies chroniques la mort vient plus lentement que dans les aiguës, elle se prépare de loin, & d’autant plus sûrement ; elle s’opere à-peu-près de même ; quand la maladie chronique est prête à se terminer par la santé ou par la mort, elle devient aiguë. Toute maladie chronique qui est établie, fondée sur un vice particulier, une obstruction de quelques visceres, sur-tout du bas-ventre, qui donne lieu à l’état cachectique qui les accompagne toujours, à des jaunisses, des hydropisies, &c. qui empêche toujours la nutrition, la parfaite élaboration du sang, de façon qu’il est rapide, sans ton, sans force, & sans activité ; le mouvement intestin languit, les nerfs sont relâchés, les vaisseaux affoiblis, peu sensibles, la circulation est dérangée ; les forces, produit de l’action réciproque de tous les visceres manquent, diminuent de jour en jour, le pouls est concentré, muet, & conservant toujours un caractere d’irritation ; lorsque la maladie tend à sa fin il devient inégal, intermittent, foible, & se perd enfin tout-à-fait ; il ne sera pas difficile de comprendre pourquoi la lesion d’un viscere particulier entraîne la cessation des mouvemens vitaux, si l’on fait attention, 1°. qu’ils sont tous nécessaires à la vie ; 2°. que la circulation influe sur les actions de tous les autres visceres, & qu’elle est réciproquement entretenue & différemment modifiés par leur concours mutuel ; 3°. que le moindre dérangement dans l’action d’un viscere fait sur les organes de la circulation une impression sensible que le médecin éclairé peut appercevoir dans le pouls : ainsi la circulation peut être & est effectivement quelquefois troublée, diminuée, & totalement anéantie par un vice considérable dans un autre organe. On trouve ordinairement dans ceux qui sont morts de maladies chroniques beaucoup de desordres dans le bas-ventre, le foie, la ratte engorgés, abscédés, corrompus, les glandes du mésentere durcies, le pancréas skirrheux, &c. les poumons sont souvent remplis de tubercules, le cœur renferme des polypes, &c.

Avant de terminer ce qui regarde les causes de la mort, je ne puis m’empêcher de faire observer qu’on accuse très-souvent les Médecins d’en augmenter le nombre. Cette accusation est pour l’ordinaire dictée par la haine, le caprice, le chagrin, la mauvaise humeur, presque toujours portée sans connoissance de cause ; cependant, helas ! elle n’est que trop souvent juste ; quoique passionnément attaché à une profession que j’ai pris par goût & suivi avec plaisir, quoique rempli d’estime & de vénération pour les Médecins, la force de la vérité ne me permet pas de dissimuler ce qu’une observation constante m’a appris pendant plusieurs années, c’est que dans les maladies aiguës il arrive rarement que la guérison soit l’ouvrage du médecin, & au contraire, la mort doit souvent être imputée à la quantité & à l’inopportunité des remedes qu’il a ordonnés. Il n’en est pas de même dans les chroniques, ces maladies au-dessus des forces de la nature, exigent les secours du médecin ; les remedes sont quelquefois curatifs, & la mort y est ordinairement l’effet de la maladie, abandonnée à elle même sans remedes actifs ; en général on peut assurer que dans les maladies aiguës on médicamente trop & à contre-tems, & que dans les chroniques on laisse mourir le malade faute de remedes qui agissent efficacement, il ne manqueroit pas d’observations pour constater & confirmer ce que nous avons avancé. Un médecin voit un malade attaqué d’une fluxion de poitrine, c’est-à-dire d’une fievre putride inflammatoire ; persuadé que la saignée est le secours le plus approprié pour résoudre l’inflammation, il fait faire dans trois ou quatre jours douze ou quinze saignées, la fievre diminue, le pouls s’affaisse, les forces s’épuisent ; dans cet état de foiblesse, ni la coction ni la crise ne peuvent avoir lieu, & le malade meurt. Un autre croit que l’inflammation est soutenue par un mauvais levain dans les premieres voies ; partant de cette idée, il purge au-moins de deux jours l’un ; heureusement les purgatifs peu efficaces qu’il emploie ne font que lâcher le ventre, chasser le peu d’excrémens qui se trouvent dans les intestins ; les efforts de la nature dans le tems d’irritation n’en sont que foiblement dérangés ; la coction se fait assez passablement, l’évacuation critique se prépare par les crachats ; on continue les purgatifs parce que la langue est toujours chargée & qu’il n’y a point d’appétit ; mais à-présent ils cessent d’être indifférens, ils deviennent mauvais, ils empêchent l’évacuation critique ; la matiere des crachats reste dans les poumons, s’y accumule, y croupit ; le sang ne se dépure point, la fievre continue devient hectique, les forces manquent totalement, & la mort survient. Une jeune dame de considération est attaquée d’une fievre putride qui porte légerement à la gorge ; le pouls est dans les commencemens petit, enfoncé, ne pouvant se développer ; comme la malade a de quoi payer, on appelle en consultation plusieurs médecins qui regardant la maladie comme un mal de gorge gangréneux ; croyant même déjà voir la gangrene décidée à la gorge, ils prognostiquent une mort prochaine, & ordonnent dans la vûe de la prévenir, des potions camphrées, & font couvrir la malade de vésicatoires : cependant on donne l’émétique, & on fait même saigner, par l’avis d’un autre médecin appellé ; il y a un peu de mieux, la gorge est entierement dégagée ; on se réduit à dire, vaguement & sans preuves, que le sang est gangrené ; on continue les vésicatoires, les urines deviennent rougeâtres, sanglantes, leur excrétion se fait avec peine & beaucoup d’ardeur ; la malade sent une chaleur vive à l’hypogastre ; les délires & convulsions surviennent ; on voit paroître en même tems d’autres symptômes vaporeux ; le pouls reste petit, ferré, muet, convulsif ; la maladie se termine par la mort ; on ouvre le cadavre, on s’attend de trouver dépôt dans le cerveau, gangrene à la gorge, toutes ces parties sont très-saines ; mais les voies urinaires, & sur-tout la vessie & la matrice paroissent phlogosées & gangrénées. Il n’est personne qui ne voye que ces desordres sont l’effet de l’action spécifique des mouches cantharides. Dans les maladies chroniques la nature ne faisant presque aucun effort salutaire, il est rare qu’on la dérange ; mais comme elle est affaissée, engourdie, elle auroit besoin d’être excitée, ranimée : on l’affadit encore par des laitages & d’autres remedes aussi indifférens qui, loin de suivre cette indication, ne touchent point à la cause du mal, & qui laissent la maladie tendre à la destruction de la machine.

Un homme a depuis long-tems le bas-ventre rempli d’obstruction, il est cachectique, une fievre lente commence à se déclarer, les jambes sont œdémateuses, on lui donne des apozemes adoucissans, des bouillons de grenouille, on hasarde quelques légeres décoctions de plantes apéritives ; la maladie ne laisse pas d’empirer, & le malade meurt enfin hydropique ; on néglige les remedes héroïques, les fondans savonneux, martiaux, &c. Un autre est attaqué d’une phthisie tuberculeuse, il commence à cracher du pus ; le médecin ne fait attention qu’à l’état de suppuration où il croit voir le poumon, il pense que les humeurs sont acres, qu’il ne faut que combattre ces acretés, invisquer par un doux mucilage, & engainer, pour ainsi dire, les petites pointes des humeurs, il donne en conséquence du lait ; s’il entrevoit un peu d’épaississement joint à l’acreté, il donne le petit-lait ou le lait d’anesse ; enfin, il en combine les différentes especes, met son malade à la diete lactée ; mais ces secours inefficaces n’arrêtent point les progrès ni la funeste terminaison de la maladie ; au moins on ne peut pas dire que le médecin dans les chroniques tue ses malades ; tout au plus pourroit-on avancer qu’il les laisse quelquefois mourir. Il seroit bien à souhaiter qu’on fût réduit à un pareil aveu dans les maladies aiguës.

Quelle que soit la cause de la mort, son effet principal immédiat est l’arrêt de la circulation, la suspension des mouvemens vitaux : dès que cette fonction est interrompue, toutes les autres cessent à l’instant ; l’action réciproque des solides entr’eux & sur les humeurs est détruite, le sang reste immobile, les vaisseaux dans l’inaction ; tous les mouvemens animaux sont suspendus. La chaleur & la souplesse des membres qui en sont une suite se perdent, &, par la même raison, l’exercice des sens est aboli, il ne reste plus aucun vestige de sentiment ; mais la sensibilité ou irritabilité, principe du sentiment & du mouvement, subsistent pendant quelque tems ; les parties musculeuses piquées, agacées en donnent des marques incontestables ; le cœur lui-même après qu’il a cessé de se mouvoir peut, étant irrité, recommencer ses battemens. C’est dans la continuation de cette propriété que je fais consister la mort imparfaite ; tant qu’elle est présente, la vie peut revenir, si quelque cause constante peut la remettre en jeu ; il faut pour cela que tous les organes soient dans leur entier, que le mouvement du sang renouvellé ne trouve plus d’obstacles qui l’arrêtent & le suspendent de rechef ; que l’action des causes qui ont excité la mort cesse ; c’est ce qui arrive dans tous les cas où elle doit être attribuée au spasme du cœur, dès que la mort a suspendu les mouvemens, un relâchement considérable succede à cet état de constriction, la moindre cause peut alors rendre la vie & la santé ; le sang lui-même, altéré par le développement du mouvement intestin, peut servir d’aiguillon pour résusciter les contractions du cœur.

Lorsque le sang arrêté quelque-tems, laissé à lui-même, sans mouvement progressif, sans sécrétion, sans être renouvellé par l’abord du chyle ; son mouvement intestin se développé, devient plus actif, & tend enfin à une putréfaction totale, qui détruit le tissu de tous les visceres ; rompt l’union, la cohésion des fibres, bannit toute irritabilité, & met le corps dans l’état apparent de mort absolue : il est bien des cas où même avant que la putréfaction se soit manifestée, les organes ont entierement perdu leur sensibilité, ils ne peuvent recommencer leurs mouvemens quelque secours qu’on emploie. On peut observer cela surtout après les maladies aiguës, où le sang altéré est dans un commencement de putréfaction, où quelques visceres sont gangrenés ; & il est à propos de remarquer que dans ces circonstances, la mort absolue suit de près la mort imparfaite, & que l’on apperçoit bientôt des signes de pourriture. Il en est de même lorsqu’une blessure a emporté, coupé, déchiré les instrumens principaux de la vie ; ou enfin lorsqu’on a fait dissiper toutes les humeurs, qu’on a desséché ou embaumé le corps.

Diagnostic. Il n’est pas possible de se méprendre aux signes qui caractérisent la mort ; les changemens qui différentient l’homme vivant d’avec le cadavre sont très-frappans & très-sensibles ; on peut assurer la mort, dès qu’on n’apperçoit plus aucune marque de vie, que la chaleur est éteinte, les membres roides, inflexibles, que le pouls manque absolument, & que la respiration est tout-à-fait suspendue : pour être plus certain de la cessation de la circulation, il faut porter successivement la main au poignet, au pli du coude, au col, aux tempes, à l’aine & au cœur, & plonger les doigts profondement pour bien saisir les arteres qui sont dans ces différentes parties ; & pour trouver plus facilement les battemens du cœur s’ils persistoient encore, il faut faire pancher le corps sur un des côtés ; on doit prendre garde, pendant ces tentatives, de ne pas prendre le battement des arteres qu’on a au bout de ses propres doigts, & qui devient sensible par la pression, pour le pouls du corps qu’on examine, & de ne pas juger vivant celui qui est réellement mort ; on constate l’immobilité du thorax, & le défaut de respiration en présentant à la bouche un fil de coton fort délié, ou la flamme d’une bougie, ou la glace d’un miroir bien polie ; il est certain que la moindre expiration feroit vaciller le fil & la flamme de la bougie & terniroit la glace ; on a aussi coutume de mettre sur le creux de l’estomac un verre plein d’eau, qui ne pourroit manquer de verser s’il restoit encore quelque vestige de mouvement ; ces épreuves suffisent pour décider la mort imparfaite ; la mort absolue se manifeste par l’insensibilité constante à toutes les incisions, à l’application du feu ou des ventouses, des vésicatoires, par le peu de succès qu’on retire de l’administration des secours appropriés. On doit cependant être très-circonspect à décider la mort absolue, parce que un peu plus de constance peut-être vaincroit les obstacles. Nous avons vu que dans pareil cas, vingt-cinq ventouses ayant été appliquées inutilement, la vingt-sixieme rappella la vie, & dans ces circonstances il n’y a aucune comparaison entre le succès & l’erreur ; la mort absolue n’est plus douteuse quand la putréfaction commence à se manifester.

Prognostic. L’idée de prognostic emportant nécessairement avec soi l’attente d’un événement futur pourra paroître, lorsque la mort est arrivée, singuliere & même ridicule à ceux qui pensent que la mort détruit entierement toute esperance ; confirme les dangers, & réalise les craintes ; mais qu’on fasse attention qu’il est un premier degré de mort, pendant lequel les résurrections sont démontrées possibles, & par un raisonnement fort simple, & par des observations bien constatées. Il s’agit de déterminer les cas où l’on peut, avec quelque fondement, esperer que la mort imparfaite pourra se dissiper, & ceux au contraire où la mort absolue paroît inévitable. Je dis plus, il est des circonstances où l’on peut assurer que la mort est avantageuse, qu’elle produit un bien réel dans la machine, pourvu qu’on puisse après cela la dissiper ; & pour ôter à cette assertion tout air de paradoxe, il me suffira de faire observer que souvent les maladies dépendent d’un état habituel de spasme dans quelque partie, qu’un engorgement inflammatoire est assez ordinairement entretenu & augmenté par la constriction & le resserrement des vaisseaux ; la mort détruisant efficacement tout spasme, lui faisant succéder le relâchement le plus complet, doit être censée avantageuse dans tous les cas d’affection spasmodique ; d’ailleurs la révolution singuliere, le changement prodigieux qui se fait alors dans la machine peut être utile à quelques personnes habituellement malades ; ce que j’avance est confirmé par plusieurs observations, qui prouvent que des personnes attaquées de maladies très-serieuses dès qu’elles ont eu resté quelque-tems mortes, ont été bientôt remises après leur résurrection, & ont joui pendant plusieurs années d’une santé florissante. Voyez le traité de l’incertitude des signes de la mort, §. 4. 5. & 6. On a vu aussi quelquefois dans des hémorrhagies considérables la cessation de tout mouvement devenir salutaire. Les jugemens qu’on est obligé de porter sur les suites d’une mort imparfaite sont toujours très-fâcheux & extrémement équivoques ; on ne peut donner que des espérances fort légeres, qu’on voit même rarement se vérifier. Les morts où ces espérances sont les mieux fondées, sont celles qui arrivent sans lésion, sans destruction d’aucun viscere, qui dépendent de quelqu’affection nerveuse, spasmodique, qui sont excitées par des passions d’ame, par la vapeur des mines, du charbon, du vin fermentant, des mouffetes, par l’immersion dans l’eau ; lorsqu’il n’y a dans les pendus que la respiration d’interceptée, ou même une accumulation de sang dans le cerveau sans luxation des vertebres, on peut se flatter de les rappeller à la vie ; il en est de même de la mort qui vient dans le cours d’une maladie sans avoir été prévenue & annoncée par les signes mortels ; les morts volontaires ou extatiques n’ont, pour l’ordinaire, aucune suite facheuse ; elles se dissipent d’elles-mêmes. S’il en faut croire les historiens, il y a des personnes qui en font métier, sans en éprouver aucun inconvénient ; il est cependant à craindre que le mouvement du sang, souvent suspendu, ne donne naissance à des concrétions polypeuses dans le cœur & le gros vaisseau. La mort naturelle qui termine les vieillesses décrépites ne peut pas se dissiper, le retour de la vie est impossible, de même que dans les morts violentes où les nerfs cardiaques sont coupés, le cerveau considérablement blessé, la partie médullaire particulierement affectée ; la destruction du cœur, des poumons, de la trachée artere, des gros vaisseaux, des visceres principaux, &c. entraîne aussi nécessairement la mort absolue, il est rate qu’elle ne succede pas promptement à la mort imparfaite, lorsqu’elle est amenée par quelque maladie, & qu’elle est précédée des signes mortels. Il y a cependant quelques observations qui font voir que la mort, arrivée dans ces circonstances, a été dissipée. Enfin il n’y a plus d’espoir lorsque la putréfaction est décidée ; nous n’avons aucune observation dans les fastes de la Médecine de résurrection opérée après l’apparition des signes de-pourriture.

Curation. C’est un axiome généralement adopté que

Contra vim mortis nullum est medicamen in hortis.

qu’à la mort il n’y a point de remede ; nous osons cependant assurer, fondés sur la connoissance de la structure & des propriétés du corps humain, & sur un grand nombre d’observations, qu’on peut guérir la mort, c’est-à-dire, appeller le mouvement suspendu du sang & des vaisseaux, jusqu’à ce que la putréfaction manifestée nous fasse connoître que la mort est absolue, que l’irritabilité est entierement anéantie, nous pouvons esperer d’animer ce principe, & nous ne devons rien oublier pour y réussir. Je n’ignore pas que ce sera fournir dans bien des occasions un nouveau sujet de badinage & de raillerie à quelques rieurs indiscrets, & qu’on ne manquera pas de jetter un ridicule sur les Médecins, qui étendront jusqu’aux morts l’exercice de leur profession. Mais en premier lieu, la crainte d’une raillerie déplacée ne balancera jamais dans l’esprit d’un médecin sensé l’intérêt du public, & ne le fera jamais manquer à son devoir. 2°. Quoique dans le plus grand nombre de cas les secours administrés soient inutiles pour dissiper la mort ; ils servent de signes pour constater la mort absolue, & empêchent de craindre que les morts reviennent à la vie dans un tombeau où il ne seroit pas possible de s’en appercevoir, & où ils seroient forcés de mourir une seconde fois, de faim, de rage & de désespoir. 3°. Enfin, l’espérance de réussir doit engager les Médecins à ne pas abandonner les morts ; un seul succès peut dédommager de mille tentatives infructueuses ; l’amour-propre peut il être plus agréablement flatté que par la satisfaction vive & le plaisir délicat d’avoir donné la vie à un homme, de l’avoir tiré des bras même de la mort ? Y a-t-il rien qui rende les hommes plus approchans de la divinité que des actions semblables ? D’ailleurs rien n’est plus propre à augmenter la réputation & l’intérêt qui en est d’ordinaire la suite, attraits plus solides, mais moins séduisans. Toute l’antiquité avoit une admiration & une vénération pour Empedocle, parce qu’il avoit rendu l’usage de la vie à une fille qui n’en donnoit depuis quelque-tems aucun signe, & qu’on croyoit morte. Apollonius de Tyane soutint par une résurrection très-naturelle qu’il opéra avec un peu de charlatanisme, sa réputation de sorcier, & fit croire qu’il avoit des conversations avec le diable ; voyant passer le convoi d’une femme morte subitement le jour de ses nôces, il fait suspendre la marche, s’approche de la biere, empoigne la femme, la sécoue rudement, & lui dit du air mystérieux quelques paroles à l’oreille ; la morte donne à l’instant quelques signes de vie, & attire par-là une grande vénération au rusé charlatan ; c’est par de semblables tours d’adresse qu’on donne souvent un air de surnaturel & de magique à des faits qui n’ont rien d’extraordinaire. Asclépiade, médecin, fut dans un pareil cas aussi heureux & moins politique, ou charlatan ; il vit dans une personne qu’on portoit en terre quelques signes de vie, ou des espérances de la rappeller, la fait reporter chez elle, malgré la résistance des héritiers avides, & lui rendit, par les secours convenables, la vie & la santé. Pour compromettre encore moins sa réputation & l’efficacité des remedes appropriés, un médecin doit faire attention aux circonstances où ils seroient tout-à fait inutiles, comme lorsque la mort absolue est décidée, ou qu’elle paroît inévitable ; lorsque la pourriture se manifeste, lorsque quelque viscere principal est détruit, lorsque la mort est le dernier période de la vieillesse, &c. il seroit, par exemple, très-absurde de vouloir rappeller à la vie un homme à qui on auroit tranché la tête, arraché le cœur, coupe l’aorte, l’artere pulmonaire, la trachée artere, les nerfs cardiaques, &c. on ne peut raisonnablement s’attendre à quelqu’effet des secours, que pendant le tems que l’irritabilité subsiste, & que les différens organes conservent leur structure, leur force & leur cohésion ; l’expérience nous montre les moyens dont nous devons nous servir pour renouveller les mouvemens suspendus ; elle nous apprend que l’irritation faite sur les parties musculeuses sur le cœur, en fait recommencer les contractions ; ainsi un médecin qui se propose de rappeller un mort à la vie, après s’être assuré que la mort est imparfaite, doit au plûtot avoir recours aux remedes les plus actifs ; ils ne sauroient pécher par trop de violence, & choisir sur-tout ceux qui agissent avec force sur les nerfs, qui les sécouent puissamment ; les émétiques & les cordiaux énergiques seroient d’un grand secours, si on pouvoit les faire avaler, mais souvent on n’a pas cette ressource, on est borné à l’usage des secours exterieurs & moyens. Alors, il faut secouer, piquer, agacer les différentes parties du corps, les irriter par les stimulans appropriés ; 1°. les narines par les sternutatoires violens, le poivre, la moutarde, l’euphorbe, l’esprit de sel ammoniac, &c. 2°. les intestins par des lavemens acres faits avec la fumée ou la décoction de tabac, de sené, de coloquinte, avec une forte dissolution de sel marin ; 3°. le gosier, non pas avec des gargarismes, comme quelques auteurs l’ont conseille, sans faire attention qu’ils exigent l’action des muscles du palais, de la langue & des joues, mais avec les barbes d’une plume, ou avec l’instrument fait exprès qui, à cause de son effet, est appellé la ratissoire ou le balai de l’estomac ; & souvent ces chatouillemens font une impression plus sensible que les douleurs les plus vives ; 4°. enfin tout le corps par des frictions avec des linges chauds imbibes d’essences spiritueuses aromatiques, avec des brosses de crin, ou avec la main simplement, par des ventouses, des vésicatoires, des incisions, & enfin par l’application du feu ; toutes ces irritations extérieures doivent être faites dans les parties les plus sensibles, & dont la lésion est la moins dangereuse : les incisions, par exemple, sur des parties tendineuses, à la plante des piés, les frictions, les vésicatoires & les ventouses font plus d’effet sur l’épine du dos & le mamelon. Une sage-femme a rappellé plusieurs enfans nouveau nés à la vie, en frottant pendant quelque-tems, avec la main sèche, le mamelon gauche ; personne n’ignore à quel point cette partie est sensible, & lorsque la friction ne suffisoit pas, elle suçoit fortement à plusieurs reprises ce mamelon, ce qui faisoit l’effet d’une ventouse. On ne doit pas se rebuter du peu de succès qui suit l’administration de ces secours, on doit les continuer, les varier, les diversifier ; le succès peut amplement dédommager des peines qu’on aura prises ; quelquefois on s’est bien trouvé de plier les morts dans des peaux de moutons récemment égorgés, dans des linges bien chauds, trempés d’eau-de-vie, leur ayant fait avaler auparavant, par force, quelque élixir spiritueux, puissant, sudorifique. On ne doit pas négliger l’application des épithèmes, des épicarpes composés avec des cordiaux les plus vifs, parce qu’on n’a aucun mauvais effet à en redouter, & quelque observation en constate l’efficacité ; Borel assure s’être servi avec succès de roties de pain pénétrées d’eau-de-vie chaude, qu’on appliquoit sur la région du cœur, & qu’on changeoit souvent. Il est encore un secours imaginé par la tendresse, consacré par beaucoup d’expériences & d’observations, & par l’usage heureux qu’en faisoient les Prophetes, au rapport des historiens. Ils se couchoient sur la personne qu’ils vouloient résusciter, souffloient dans la bouche, & rappelloient ainsi l’exercice des fonctions vitales ; c’est par cet ingénieux stratagème qu’un valet rendit la vie à un maître qu’il chérissoit : lorsqu’il vit qu’on alloit l’enterrer, il se jette avec ardeur sur son corps, l’embrasse, le secoue, appuie sa bouche contre la sienne, l’y laisse collée pendant quelque-tems, il renouvelle par ce moyen le jeu des poumons, qui ranime la circulation, & bien tôt il s’apperçoit que la vie revient. On a substitué à ce secours, qui pourroit être funeste à l’ami généreux qui le donne, l’usage du soufflet, qui peut, par le même méchanisme, opérer dans les poumons les mouvemens alternatifs d’inspiration & d’expiration. Ce secours peut être principalement utile aux noyés, & à ceux qui meurent par le défaut de respiration dans les mouffetes, dans les caves, dans les tombeaux, &c. quelquefois il n’est pas possible d’introduire l’air dans les poumons, l’épiglotte abaissé fermant exactement l’orifice du larinx ; si alors on ne peut pas la soulever, il faut en venir promptement à l’opération de la trachéotomie, & se servir du trou fait à la trachée-artere pour y passer l’extrèmité du soufflet ; outre ces secours généraux, qu’on peut employer assez indifféremment dans toutes sortes de morts, il y en a de particuliers qui ne conviennent que dans certains cas. Ainsi, pour rappeller à la vie ceux qui sont morts de froid, il ne faut pas les présenter au feu bien fort tout de suite ; il ne faut les rechauffer que par nuances, les couvrir d’abord de neige, ensuite du fumier, dont on peut augmenter graduellement la chaleur. Lorsqu’il arrive à quelque voyageur dans le Canada de mourir ainsi de froid, on l’enterre dans la neige, où on le laisse jusqu’au lendemain, & il est pour l’ordinaire en état de se remettre en chemin. Le secours le plus avantageux aux pendus sont les frictions, les bains chauds & la saignée ; ils ne manquent guere de réussir quand ils sont appliqués à tems, & qu’il n’y a point de luxation ; lorsque la mort n’est qu’une affection nerveuse, c’est-à-dire, dépendante d’un spasme universel ou particulier au cœur, on la dissipe par la simple aspersion de l’eau froide, par l’odeur fétide de quelque résineux, & par les sternutatoires. Je remarquerai seulement à l’égard de ces morts, qu’il n’est pas nécessaire de beaucoup se presser de les secourir ; la mort imparfaite est assez longue, & l’irritabilité se soutient assez long-tems ; je crois même qu’il seroit plus prudent d’attendre que la constriction spasmodique eût été détruite par la mort même ; les remedes appliqués pour lors opéreroient plutôt & plus efficacement ; en effet, on observe que souvent la mort récente résiste aux secours les plus propres précipitamment administrés, tandis que deux, trois jours après, elle se dissipe presque d’elle même. D’ailleurs, par une guerison trop prompte, on prévient les bons effets qui pourroient résulter d’une suspension totale de mouvement dans la machine. La précipitation est encore plus funeste dans les morts qui sont la suite d’une blessure considérable, & l’effet d’une grande hémorragie ; il est certain que dans ce cas toute l’espérance du salut est dans la mort ; l’hémorragie continue tant qu’il y a du mouvement dans les humeurs ; leur repos permet au contraire aux vaisseaux de se consolider, & au sang de se cailler ; c’est aussi une méthode très-pernicieuse que d’essayer de tirer par des cordiaux actifs les malades de la syncope, ou de la mort salutaire où ils sont ensevelis ; ces remedes ne font qu’un effet passager, qui est bien-tôt suivi d’une mort absolue ; ainsi, lorsque la blessure n’est pas extérieure, & qu’on ne peut pas v appliquer des styptiques, il faut laisser long-tems les morts à eux-mêmes, & après cela ne les ranimer qu’insensiblement, & les soutenir, autant qu’on pourra, dans cet état de foiblesse. Nous avertissons en finissant, qu’on doit varier les différens secours que nous avons proposés suivant les causes qui ont excité la mort, l’état du corps qui l’a précédé, & les symptomes qu’on observe. (m)

Mort civile, (Jurisprud.) est l’état de celui qui est privé de tous les effets civils, c’est-à-dire de tous les droits de citoyen, comme de faire des contrats qui produisent des effets civils, d’ester en jugement, de succéder, de disposer par testament : la jouissance de ces différens droits compose ce que l’on appelle la vie civile ; de maniere que celui qui en est privé est reputé mort selon les lois, quant à la vie civile ; & cet état opposé à la vie civile, est ce que l’on appelle mort civile.

Chez les Romains la mort civile provenoit de trois causes différentes ; ou de la servitude, ou de la condamnation à quelque peine qui faisoit perdre les droits de cité, ou de la fuite en pays étranger.

Elle étoit conséquemment encourue par tous ceux qui souffroient l’un des deux changemens d’état appellés en Droit maxima & minor, seu media capitis diminutio.

Le mot caput étoit pris en cette occasion pour la personne, ou plûtôt pour son état civil pour les droits de cité ; & diminutio signifioit le changement, l’altération qui survenoit dans son état.

Le plus considérable de ces changemens, celui que l’on appelloit maxima capitis diminutio ; étoit lorsque-quelqu’un perdoit tout à-la-fois les droits de cité & la liberté, ce qui arrivoit en différentes manieres. 1°. Par la condamnation au dernier supplice ; car dans l’intervale de la condamnation à l’exécution, le condamné étoit mort civilement. 2°. Lorsque pour punition de quelque crime on étoit déclaré esclave de peine, servus pana : on appelloit ainsi ceux qui étoient damnati ad bestias, c’est-à-dire condamnés à combatre contre les bêtes. Il en étoit de même de tous ceux qui étoient condamnés à servir de spectacle au peuple. Le czar Pierre I. condamnoit des gens à être fous, en leur disant je te fais fou. Ils étoient obligés de porter une marote, des grelots & autres signes, & d’amuser la cour. Il condamnoit quelquefois à cette peine, les plus grands seigneurs ; ce que l’on pourroit regarder comme un retranchement de la société civile. Ceux qui étoient condamnés in metallum, c’est-à-dire à tirer les métaux des mines ; ou in opus metalli, c’est-à-dire à travailler aux métaux tirés des mines. La condamnation à travailler aux salines, à la chaux, au soufre, emportoit aussi la privation des droits de cité, lorsqu’elle étoit prononcée à perpétuité. Les affranchis qui s’étoient montrés ingrats envers leurs patrons, étoient aussi déclarés esclaves de peine. 3° Les hommes libres qui avoient eu la lâcheté de se vendre eux-mêmes, pour toucher le prix de leur liberté, en la perdant étoient aussi déchus des droits de cité.

La novelle XXII. chap. viij. abrogea la servitude de peine ; mais en laissant la liberté à ceux qui subissoient les condamnations dont on vient de parler, elle ne leur rendit pas la vie civile.

L’autre changement d’état qui étoit moindre, appellé minor, seu media capitis diminutio, étoit lorsque quelqu’un perdoit seulement les droits de cité, sans perdre en même tems sa liberté ; c’est ce qui arrivoit à ceux qui étoient interdits de l’eau & du feu, interdicti aquâ & igne. On regardoit comme retranchés de la société ceux qu’il étoit défendu d’assister de l’usage de deux choses si nécessaires à la vie naturelle. Ils se trouvoient par-là obligés de sortir des terres de la domination des Romains. Auguste abolit cette peine à laquelle on substitua celle appellée deportatio in insulam. C’étoit la peine du bannissement perpétuel hors du continent de l’Italie, ce qui emportoit mort civile, à la différence du simple exil, appellé relegatio, lequel soit qu’il fût à tems, ou seulement perpétuel, ne privoit point des droits de cité.

Il y avoit donc deux sortes de mort civile chez les Romains ; l’une qui emportoit tout à la fois la perte de la liberté & des droits de cité ; l’autre qui emportoit la perte des droits de cité seulement. Du reste, la mort civile opéroit toûjours les mêmes effets quant à la privation des droits de cité. Celui qui étoit mort civilement, soit qu’il restât libre ou non, n’avoit plus ses enfans sous sa puissance : il ne pouvoit plus affranchir ses esclaves : il ne pouvoit ne succéder, ni recevoir un legs, ni laisser sa succession, soit ab intestat, ou par testament : tous ses biens étoient confisqués : en un mot, il perdoit tous les privileges du Droit civil, & conservoit seulement ceux qui sont du Droit des gens.

En France, il n’y a aucun esclave de peine, ni autres ; les serfs & mortaillables, quoique sujets à certains devoirs personnels & réels envers leur seigneur, conservent cependant en général la liberté & les droits de cité. Il y a néanmoins dans les colonies françoises des esclaves, lesquels ne jouissent point de la liberté, ni des droits de cité ; mais lorsqu’ils viennent en France, ils deviennent libres, à moins que leurs maîtres ne fassent leur déclaration à l’amirauté, que leur intention est de les remmener aux îles. Voyez Esclaves.

La mort civile peut procéder de plusieurs causes différentes ; ou de la profession religieuse ; ou de la condamnation à quelque peine qui fait perdre les droits de cité ; ou de la sortie d’un sujet hors du royaume, pour fait de religion, ou pour quelque autre cause que ce soit, lorsqu’elle est faite sans permission du roi, & pour s’établir dans un pays étranger.

Chez les Romains, la profession religieuse n’emportoit point mort civile, au-lieu que parmi nous, elle est encourue du moment de l’émission des vœux. Un religieux ne recouvre pas la vie civile, ni par l’adoption d’un bénéfice, ni par la sécularisation de son monastere, ni par sa promotion à l’épiscopat.

Les peines qui operent en France la mort civile sont : 1° toutes celles qui doivent emporter la mort naturelle : 2° les galeres perpétuelles : 3° le bannissement perpétuel hors du royaume : la condamnation à une prison perpétuelle.

Dans tous ces cas la mort civile n’est encourue que par un jugement contradictoire, ou par contumace.

Quand la condamnation est par contumace, & que l’accusé est décédé après les cinq ans sans s’être représenté, ou avoir été constitué prisonnier, il est reputé mort civilement du jour de l’exécution du jugement de contumace.

Il y a pourtant une exception pour certains crimes énormes, tels que celui de lése-majesté divine ou humaine, le duel, le parricide, &c. dans ces cas la mort civile est encourue du jour du délit ; mais elle ne l’est pas ipso facto, & ce n’est toûjours qu’après un jugement comme il vient d’être dit : tout ce que l’on a ajouté de plus à l’égard de ces crimes, c’est que la mort civile qui résulte des peines prononcées par le jugement, a un effet rétroactif au jour du délit.

Hors ces cas, celui qui est in reatu n’est pas reputé mort civilement ; cependant si les dispositions qu’il a faites sont en fraude, on les déclare nulles.

Celui qui est mort civilement demeure capable de tous les contrats du Droit des gens ; mais il est incapable de tous les contrats qui tirent leur origine du Droit civil : il est incapable de succéder soit ab intestat, ou par testament, ni de recevoir aucun legs : il ne peut pareillement tester, ni faire aucune donation entre-vifs, ni recevoir lui-même par donation, si ce n’est des alimens.

Le mariage contracté par une personne morte civilement est valable, quant au sacrement ; mais il ne produit point d’effets civils.

Enfin celui qui est mort civilement ne peut ni ester en jugement, ni porter témoignage ; il perd les droits de puissance paternelle ; il est déchu du titre & des privileges de noblesse, & la condamnation qui emporte mort civile, fait vaquer tous les bénéfices & offices dont le condamné étoit pourvu.

La mort civile, de quelque cause qu’elle procede, donne ouverture à la succession de celui qui est ainsi reputé mort.

Lorsqu’elle procede de quelque condamnation, elle emporte la confiscation dans les pays où la confiscation a lieu, & au profit de ceux auxquels la confiscation appartient. Voyez Confiscation.

Les biens acquis par le condamné depuis sa mort civile, appartiennent après sa mort naturelle, par droit de deshérence, au seigneur du lieu où ils se trouvent situés.

L’ordonnance de 1747 décide que la mort civile donne ouverture aux substitutions.

La mort civile éteint l’usufruit en général, mais non pas les pensions viageres, parce qu’elles tiennent lieu d’alimens : par la même raison le douaire peut subsister, lorsqu’il est assez modique pour tenir lieu d’alimens.

Toute société finit par la mort civile ; ainsi en cas de mort civile du mari ou de la femme, la communauté de biens est dissoute, chacun des conjoints reprend ce qu’il a apporté.

Si c’est le mari qui est mort civilement, il perd la puissance qu’il avoit sur sa femme, celle-ci peut demander son augment de dot & ses bagues & joyaux coutumiers, en donnant caution ; mais elle ne peut pas demander ni deuil, ni douaire, ni préciput.

Il y avoit chez les Romains différens degrés de restitution, contre les condamnations pénales : quelquefois le prince ne remettoit que la peine, quelquefois il remettoit aussi les biens ; enfin il remettoit quelquefois aussi les droits de cité, & même les honneurs & dignités.

Il en est de même parmi nous ; les lettres d’abolition, de commutation de peine, de pardon, de rappel de ban ou des galeres, les lettres de réhabilitation, celles de rémission, rendent la vie civile, lorsqu’elles sont valablement enthérinées.

Les lettres de revision operent le même effet, lorsque le premier jugement est déclaré nul, & que l’accusé est renvoyé de l’accusation.

Les lettres pour ester à droit, après les cinq ans de la contumace, ne donnent que la faculté d’ester en jugement.

La représentation du condamné par contumace, dans les cinq ans, lui rend de droit la vie civile.

Quoique la peine du crime se prescrive par vingt ans, lorsqu’il n’y a point eu de condamnation, & par trente ans lorsqu’il y a eu condamnation, la prescription ne rend pas la vie civile.

Sur la mort civile, voyez les lois civiles, liv. prélimin. Le Brun, des successions, liv. I. chap. j. sect. 2. Ferrieres sur l’art. 229 de la coutume de Paris. Augend, tom. II. chap. lxvij. Franc. Marc, tom. I. quest. 911. le traité de M. Richer de la mort civile. M. Duparc Poulam, sur l’art. 610 de la coutume de Bretagne. Hevin sur Frain, page 887. Voyez aussi les mots Bannissement, Contumace, Galeres, Lettres de Grace et Rappel, Réhabilitation. (A)

Mort, se dit figurément en plusieurs manieres dans le Commerce. On appelle un argent mort, un fonds mort, l’argent & le fonds qui ne portent aucun intérêt. Voyez Intérêt. On dit que le commerce est mort, quand il est tombé & qu’il ne s’en fait presque plus. Dictionn. de Comm.

Mort, au jeu de Tontine, sont les joueurs qui ont perdu toute leur reprise, & n’ont d’autre espérance que dans les as que leurs voisins peuvent avoir, & dans les jettons qu’ils leur procurent. Les joueurs qui sont morts n’ont point de cartes devant eux, & ne mêlent point à leur tour comme les autres.

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Étymologie de « mort »

(Noms communs) (XIe siècle) Du latin mortem, accusatif de mors, lui-même sens issu de l’indo-européen commun *mer- (« mourir ») qui a donné meurtre, moribond, marasme, etc. Le substantif est attesté depuis 1080.
(Adjectif) (Xe siècle) Du latin mortuus (« mort, paralysé » (en parlant d’un membre), « qui a cessé d’être, aboli, sans force, faible »), participe passé du verbe morior (« mourir, décéder, périr, perdre la vie, expirer, succomber, se consumer, cesser d’être, finir, être anéanti, être détruit, s’éteindre »).
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Lat. mortuus, irrégulièrement formé de mori (la forme régulière serait mortus) ; mortuus est une formation de mori avec le suffixe tuus, tua, comme dans mutuus, statua, etc.

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Phonétique du mot « mort »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
mort mɔr

Fréquence d'apparition du mot « mort » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « mort »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « mort »

  • Peut-être quand nous mourrons, peut-être la mort seule nous donnera la clef et la suite et la fin de cette aventure manquée.
    Henri Alban Fournier, dit Alain-Fournier — Le Grand Meaulnes, Émile-Paul
  • Divertissement. Les hommes n'ayant pu guérir la mort, la misère, l'ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de n'y point penser.
    Blaise Pascal — Pensées, 168 Pensées
  • […] La mort laisse la vie de l'âme se maintenir entre ceux qui aiment.
    Louis Massignon — Lettre à Hélène Maspero Hommage à Massignon l'Herne
  • La mort est belle. Elle seule donne à l'amour son vrai climat.
    Jean Anouilh — Eurydice, IV, M. Henry , La Table Ronde
  • Sonde d'amour, veux-tu mesurer le fond où va pouvoir mouiller la mort ?
    Georges Limbour — L'Enfant polaire, Gallimard
  • Si l'on veut abolir la peine de mort, en ce cas, que Messieurs les assassins commencent.
    Alphonse Karr — Les Guêpes
  • La terre entière, continuellement imbibée de sang, n'est qu'un autel immense où tout ce qui vit doit être immolé sans fin, sans mesure, sans relâche, jusqu'à la consommation des choses, jusqu'à l'extinction du mal, jusqu'à la mort de la mort.
    Joseph de Maistre — Les soirées de Saint-Pétersbourg
  • La peur de la mort fait aimer le travail, qui est toute la vie.
    Jules Renard — Journal, 10 juillet 1897 , Gallimard
  • La douleur est un siècle et la mort un moment.
    Jean-Baptiste Louis Gresset — Épître à ma sœur sur ma convalescence
  • La préméditation* de la mort est préméditation de la liberté. Qui a appris à mourir, il a désappris à servir.
    Michel Eyquem de Montaigne — Essais, I, 20
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Images d'illustration du mot « mort »

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Traductions du mot « mort »

Langue Traduction
Anglais death
Espagnol muerto
Italien morto
Allemand tot
Chinois
Arabe ميت
Portugais morto
Russe мертвых
Japonais デッド
Basque hildako
Corse mortu
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Synonymes de « mort »

Source : synonymes de mort sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « mort »

Combien de points fait le mot mort au Scrabble ?

Nombre de points du mot mort au scrabble : 6 points

Mort

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