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Vie

Variantes Singulier Pluriel
Féminin vie vies

Définitions de « vie »

Trésor de la Langue Française informatisé

VIE, subst. fém.

I.
A. −
1. Fait de vivre; ensemble des phénomènes et des fonctions essentielles se manifestant de la naissance à la mort et caractérisant les êtres vivants. Synon. existence:
1. Et la vie continue. Et la vie recommence. Et la vie entraîne tout. Je voudrais savoir qui je suis?... Perdu en mer, je me demandais souvent: Et si je mets la mer en bouteille, continue-t-elle à être la mer ou n'est-ce qu'une bouteille d'eau sale et salée? Mettez la vie en cercueil, est-ce la mort? Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 204.
Loc. à valeur adj. En vie. Vivant, vivante. Être en vie, encore en vie. Dans une halte sibérienne un écrivain fait les cent pas en attendant le train. Pas une masure à l'horizon, pas une âme en vie (Sartre, Mots, 1964, p. 159).
Locutions
Avoir la vie chevillée au corps; avoir la vie dure. Résister à tout. J'ai servi pendant une année sir Williams et ses combinaisons. Ses combinaisons ont échoué; j'y ai gagné un coup de poignard et un coup d'épée, et si j'en suis revenu c'est que probablement j'ai la vie chevillée au corps (Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859, p. 555).V. la lettre s A 2 a ex. de Hamp.
Être, demeurer, rester sans vie. Être mort. [La Convention] supplicie ceux qui sont sans vie. Le comte a été traîné sans connaissance à l'échafaud, et avait cessé de vivre avant que la hache l'ait atteint (Sénac de Meilhan, Émigré, 1797, p. 1850).P. exagér. Être évanoui, sans connaissance. (Dict. xxes.).
Devoir la vie à qqn. Être né de quelqu'un; en partic., être sauvé par quelqu'un. Quand il a eu sa grande blessure, c'est son amie qui l'a soigné et sauvé. Il est hors de doute que c'est à elle qu'il doit la vie (Montherl., Bestiaires, 1926, p. 451).
Donner la vie à qqn. Engendrer, donner naissance à quelqu'un. César: (...) Et toi, qu'est-ce que tu as donné? Marius: La vie. César: Oui, la vie. Les chiens aussi donnent la vie... Les taureaux aussi donnent la vie à leurs petits. Et d'ailleurs cet enfant, tu ne le voulais pas. Ce que tu voulais, c'était ton plaisir (Pagnol, Fanny, 1932, iii, 10, p. 205).
Donner, laisser la vie à qqn; accorder la vie sauve à qqn. Ne pas tuer quelqu'un, ne pas punir de mort. Ils demandaient pardon. Pardon dans l'honneur, bien entendu, tout est perdu fors l'honneur, prenez tout dans l'honneur: voilà mon cul, bottez-le dans l'honneur, je vous lécherai le vôtre si vous me laissez la vie (Sartre, Mort ds âme, 1949, p. 81).En partic. Ne pas appliquer la peine de mort. La garnison, épuisée par un siège de cinq mois, ne tarda pas à se rendre. On accorda la vie sauve aux hommes d'armes, hormis ceux (...) soupçonnés d'être complices de la mort du duc de Bourgogne (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1824, p. 320).
Donner sa vie pour qqn, pour qqc. Être prêt à mourir pour aider, sauver quelqu'un, pour défendre une idée. C'est encore beau de donner sa vie pour un être humain, et de conserver ainsi l'espérance que tous les hommes ne sont pas méchants (Lautréam., Chants Maldoror, 1869, p. 167).Je donne ma vie pour que Fonteneilles revive. J'accepte ma mort (R. Bazin, Blé, 1907, p. 228).
(Ne pas) donner signe de vie; (ne pas) avoir signe de vie (de qqn). (Ne pas) donner des nouvelles; (ne pas) avoir des nouvelles de quelqu'un. Cher ami, tu dois être marié, tu es peut-être en route? J'aurais voulu te donner quelque signe de vie à cette occasion mais je ne sais plus où j'en suis. Je suis tout dissipé. Manœuvres, départ, tant de villes traversées m'ahurissent (Valéry, Corresp.[avec Gide], 1895, p. 248).Que j'aie de temps à autre un signe de vie, la preuve que tu existes et que tu as pensé à moi! (Martin du G., Thib., Mort père, 1929, p. 1371).
Perdre la vie. Mourir. Tous les malheurs nous assaillent à la fois (...) ou le Corfiote est mourant, ou le jeune Spiro, sur qui je comptais, a perdu la vie (About, Roi mont., 1857, p. 223).
Rappeler qqn à la vie. Employer des moyens qui permettent à quelqu'un de recouvrer ses sens. Des sels violents, de l'eau fraîche, tous les moyens ordinaires prodigués rappelèrent la baronne à la vie, ou, si l'on veut, au sentiment de ses douleurs (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 348).
Rendre la vie à qqn; redonner la vie à qqn. Ranimer quelqu'un, rassurer quelqu'un, sortir quelqu'un d'un état physique ou psychique pouvant entraîner la mort; redonner des raisons d'espérer, de vivre. Le prêtre, en lui rendant ce fauteuil, ambition de vingt ans, lui avait rendu la vie (Martin du G., Thib., Pénitenc., 1922, p. 737).
Revenir à la vie. Retrouver ses sens, reprendre conscience, connaissance. (Dict. xxes.).
À la vie à la mort. Pour toujours. Nous ne sommes plus que deux, mais nous sommes de bons garçons. Voyons, veux-tu de moi pour ami, à la vie à la mort? Le Dancaïre me tendit la main (Mérimée, Carmen, 1845, p. 63).Il n'y a qu'une solution (...) leur écrire où nous sommes, poser nos conditions, déclarer que nous voulons rester amis et être libres, parce que c'est entre nous à la vie à la mort! (Martin du G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 633).
À vie. Jusqu'à la mort. Pension à vie; être condamné à une peine à vie; être nommé à vie; propriétaire à vie; acheter à vie. D'ailleurs il est évident que ces trois actes de la politique de Bonaparte, la paix, le concordat, le consulat à vie, sont les trois aspects d'une même pensée, d'une volonté toute personnelle (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 2).
Duel à la vie à la mort. Au dernier vivant. Ceux que des circonstances particulières ont amenés à soutenir sur ce terrain un duel à la vie à la mort, ont des raisons pour n'être pas si commodes (Renan, Avenir sc., 1890, p. 485).
Question de vie ou de mort; il y va de la vie de qqn. Question, situation qui risque d'entraîner, de causer la mort de quelqu'un. Voici la liste des cheminots visés, il faut qu'ils filent immédiatement, sans prendre le temps de ramasser leurs affaires, d'embrasser leur femme, ça peut être une question de minutes, et ça peut être une question de vie ou de mort... (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 44).
(Être) (suspendu) entre la vie et la mort. (Être) en danger de mort immédiate, dans un état de santé critique. Il ne fut plus question [dans les articles de revues et de journaux] désormais, et pendant huit jours environ, que de la comtesse Tonska, suspendue (...) entre la vie et la mort. Enfin, l'énergique sollicitude de ses amis l'emporta (Gobineau, Pléiades, 1874, p. 180).
N'avoir qu'un filet, un souffle de vie. Être très affaibli, proche de la mort. Je te contais ce matin que je n'avais plus qu'un souffle de vie, je mentais. J'ai une santé de fer (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p. 298).Moi, je me suis éteinte. Quand je pense, hélas! à mon ardeur d'autrefois (...) c'était le bon temps alors, j'étais bien malheureuse! À présent, je n'ai plus assez de force pour l'être. Je n'ai qu'un filet de vie (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1459).
Vie qui ne tient qu'à un fil. [En parlant de qqn] Vie extrêmement faible, près de la mort, dans une situation qui présente un danger mortel. Le pauvre François regardait la rivière en s'approchant si près qu'on voyait bien que sa vie ne tenait qu'à un fil, et qu'il n'eût fallu qu'un mot de refus pour le faire noyer (Sand, Fr. le Champi, Paris, Garnier, 1981 [1848], p. 246).
Sur la vie; sur ma vie. [Pour marquer l'importance qui est portée à ce qui est recommandé] Rafaele: Il est libre?... Albe: Oui! Rafaele: Tu me le jures? Albe: Sur ta vie!... (Sardou, Patrie!1869, 4, 6etabl., iv, p. 146).
Mort de ma vie! au nom de ma vie! (vieilli). [Pour marquer l'importance, de ce qui vient d'être énoncé] Mon père, au nom de tous les Saints et de la Vierge, au nom du Christ, qui est mort sur la croix; au nom de votre salut éternel, mon père, au nom de ma vie, ne touchez pas à ceci! Cette toilette n'est ni à vous ni à moi (Balzac, E. Grandet, 1834, p. 214).Mort de ma vie! C'est la première fois qu'une femme ose porter la main sur moi... (Feydeau, Dame Maxim's, 1914, 2, xiv, p. 55).
La bourse ou la vie. [P. allus. à l'injonction du voleur qui assaille un passant] Je verrais un mouvement populaire du plus odieux caractère, une vraie jacquerie, l'égoïsme disant à l'égoïsme: La bourse ou la vie, que je m'écrierais: Vive l'humanité! Voilà de belles choses qui se fondent pour l'avenir (Renan, Avenir sc., 1890, p. 457).
DROIT
Assurance vie, assurance sur la vie. Contrat d'assurance qui prévoit, moyennant le paiement d'une prime par l'assuré, le paiement d'une somme aux ayants droits après le décès de l'assuré. (Dict. xxes.).
Certificat de vie. Certificat établi par un notaire, par le service compétent d'une mairie attestant qu'une personne est toujours vivante. Chacun sait que les semestres des pensions ne sont acquittés que par la présentation d'un certificat de vie, et, comme on ignorait la demeure du baron Hulot, les semestres frappés d'opposition au profit de Vauvinet restaient accumulés au Trésor (Balzac, Cous. Bette, 1846, p. 390).
Proverbes
Petit poisson deviendra grand pourvu que Dieu lui prête vie. V. poisson1A 5 a.[P. allus. au proverbe rendu célèbre par La Fontaine, Fables, V, 3] Je dois prévenir messieurs les souscripteurs (...) qu'ils recevront gratis, avec la gravure, une explication en vaudevilles, que j'aurai l'honneur de leur chanter au dessert, si Dieu me prête vie jusque là; car on m'a prédit que je mourrais avant la fin d'un dîner (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 230).
Tant qu'il y a de la vie il y a de l'espoir. Quelles que soient les circonstances, il faut toujours espérer. On s'attend d'un moment à l'autre à ce que M. le marquis ne passe.Ah! il est vivant, s'écria le duc avec un soupir de soulagement. (...). Tant qu'il y a de la vie il y a de l'espoir, nous dit le duc d'un air joyeux (Proust, Guermantes 2, 1921, p. 588).
SYNT. Vie des bêtes; vie humaine; avoir, tenir la vie de qqn entre ses mains; promettre la vie sauve à qqn; mettre sa vie en danger, en péril, en jeu; risquer sa vie; coûter la vie à qqn; quitter la vie; sauver la vie à qqn; craindre pour la vie de qqn; être fatigué de la vie; jouer sa vie; payer de sa vie; être las de la vie; tenir à la vie; droit de vie et de mort; lutte pour la vie; avoir droit de vie et de mort sur qqn; consacrer, passer sa vie à.
Passer de vie à trépas*.
2. P. anal.
a) Qui donne l'impression de vivre; qui donne par son animation, sa vivacité, son réalisme l'impression d'être réel, naturel. Personnage, récit, style plein de vie, qui manque de vie; vie d'un dialogue, d'un discours, d'une histoire, d'un récit, d'un roman. J'ai lu tout d'une haleine. Puis je l'ai relu. C'est, selon moi, une chose exquise, (...) ce qui m'a charmé surtout, c'est un sentiment profond de la vie. On sent que cela est vrai (Flaub., Corresp., 1861, p. 414).Un des meilleurs romanciers anglais actuels, Henry Green, fait observer que le centre de gravité du roman se déplace: le dialogue y occupe une place chaque jour plus grande. « C'est aujourd'hui, écrit-il, le meilleur moyen de fournir de la vie au lecteur... » (Sarraute, Ère soupçon, 1956, p. 90).
b) Existence de quelque chose qui se transforme, évolue. Vie d'une société, d'une civilisation; vie des mots. Son rôle [de l'Académie de la beauté verbale] serait, non pas d'entraver la vie de la langue, mais de la nourrir au contraire, de la fortifier et de la préserver contre tout ce qui tend à diminuer sa forme expansive (Gourmont, Esthét. lang. fr., 1899, p. 103):
2. ... le lecteur était le fantôme de l'écrivain. Du moins, le lecteur participe à cette joie de création que Bergson donne comme le signe de la création. Ici, la création se produit sur le fil ténu de la phrase, dans la vie éphémère d'une expression. Mais cette expression poétique, tout en n'ayant pas une nécessité vitale, est tout de même une tonification de la vie. Le bien dire est un élément du bien vivre. Bachelard, Poét. espace, 1957, p. 10.
B. − BIOL. Ensemble des phénomènes énergétiques (assimilation, croissance, homéostasie, reproduction, etc.), évoluant de la naissance à la mort, que manifestent les organismes unicellulaires ou pluricellulaires. Sciences de la vie; organes de la vie; vie animale, cellulaire, humaine, physiologique, végétative; vie d'une cellule, des tissus; vie latente; nature, origine de la vie. Le développement de la vie végétale à la surface du globe est le fait antérieur, dominant, auquel la nature a subordonné la construction de certains types d'animaux, organisés pour puiser leurs aliments dans le règne végétal (Cournot, Fond. connaiss., 1851, p. 96).Les documents anatomiques relatifs à tous les animaux que l'œil de l'homme ait pu connaître ou reconstituer depuis l'apparition de la vie sur la planète, (...) ont été accumulés au Jardin des Plantes (Fargue, Piéton Paris, 1939, p. 124).
Vie organique*.
C. − Énergie, vigueur, dynamisme qui caractérise quelqu'un. Déborder de vie; être plein de vie; enfant, personne plein(e) de vie. Entre ces deux prosopopées, une partita, élément de transition, (...) une valse, ouvrent les portes sur un univers grouillant de vie humaine, où valsent des voix, brouillées à dessein, car le rythme des voix, leur présence pure suffit à leur musique (Schaeffer, Rech. mus. concr., 1952, p. 65).
P. anal. Vie d'un quartier, d'une ville; redonner vie à des coutumes, à des institutions. Ces idoles médiocres trônaient sous un ciel épais, dans les carrefours sans vie (Camus, Peste, 1947, p. 1357).
D. − [Dans un cont. relig.] Vie céleste, éternelle, future. Vie au delà de la mort à laquelle a droit tout homme qui obéit à la loi divine pendant sa vie terrestre. Si nous mourions tout de suite? lui dit-elle enfin.Qui sait ce que l'on trouve dans l'autre vie? répondit Julien; peut-être des tourments, peut-être rien du tout. Ne pouvons-nous pas passer deux mois ensemble d'une manière délicieuse? (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 492).Un instant, par routine, sa pensée chercha, pour y trouver refuge, à évoquer l'idée de Dieu; mais cet élan se brisa au départ. La vie éternelle, la grâce, Dieu,langage devenu inintelligible: vocables vides, sans mesure avec la terrifiante réalité! (Martin du G., Thib., Mort père, 1929, p. 1257).Vie véritable*. Vraie* vie.
Pain de vie. Eucharistie. Ô maison maudite de la fornication sans amour! Ici le pain de vie est plein de nielle et de vermine et le vin d'amour a l'odeur d'un lendemain de beuverie (Milosz, Amour. init., 1910, p. 150).
II. − Période allant de la naissance à la mort d'un être vivant.
A. −
1.
a) Existence envisagée dans sa durée totale. Âges, brièveté, commencement, durée, fin, période, terme de la vie; chemin, cours de la vie; achever sa vie; vie courte, éphémère, longue. Le jour où tu dirais ,,je t'aime moins,`` sera le dernier de mon amour ou le dernier de ma vie (Napoléon Ier, Lettres Joséph., 1796, p. 22).La maturation des fruits (...) régulière pendant de nombreuses années − quelquefois attendue en vain durant toute la vie de l'arbre et ne se produisant jamais (Faure, Espr. formes, 1927, p. 93).
Élixir de (longue) vie. Élixir qui est censé prolonger la vie de quelqu'un. Bientôt je fis prendre à mon malade une forte tasse de mon élixir de vie (Brillat-Sav., Physiol. goût, 1825, p. 252).Un tas de fumier, au bout du jardin, fumier que Kammerer fut chargé d'arroser d'une liqueur inconnue, un élixir de vie (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 142).
De la vie, de ma vie. Jamais. Isotta: (...) Quand je songe qu'il a eu les larmes aux yeux devant vous: il me l'a écrit! Moi qui de ma vie ne l'ai vu pleurer à cause de moi (Montherl., Malatesta, 1946, iii, 5, p. 500).
[Pour marquer la surprise et/ou la réprobation] Madame m'a arraché des mains l'assiette de pruneaux. − Monsieur en a mangé cinq ce matin... Il y en avait trente-deux... Il n'y en a plus que vingt-cinq... Vous en avez donc dérobé deux... Que cela ne vous arrive plus!... C'était vrai... J'en avais mangé deux... Elle les avait comptés!... Non!... de ma vie! (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 93).
Interj. Jamais de la vie! Jette ce cigare!Jamais de la vie! Elle vint à lui, lui prit violemment son cigare, le jeta dans la cheminée (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 156).
[En fonction de déterm., déterminé par un poss.] Qui est le plus important, qui compte le plus. Folcoche surveilla, enquêta, insinua, espéra la preuve ou le semblant de preuve qui lui permettrait de condamner les coupables à la maison de correction, le rêve de sa vie (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 77).
DÉMOGRAPHIE
Durée de vie moyenne; durée moyenne de vie. Temps égal à la moyenne de la durée de vie de tous les individus d'un groupe donné. Nous devons croire que cette durée moyenne de la vie humaine doit croître sans cesse, si des révolutions physiques ne s'y opposent pas (Condorcet, Esq. tabl. hist., 1794, p. 238).
Espérance de vie. Durée moyenne de vie dans un groupe donné, établie statistiquement sur la base des taux de mortalité. L'une des conséquences de cette diminution de la mortalité est d'accroître l'espérance de vie, c'est-à-dire la moyenne d'âge à laquelle meurent les êtres humains: elle est toujours un peu plus élevée pour les femmes que pour les hommes (Lesourd, Gérard, Hist. écon., 1966, p. 490).
b) En partic. Durée partielle de l'existence d'une personne considérée par rapport à sa durée totale, ou par rapport à la durée passée ou à venir de l'existence au moment de l'énonciation. Durer autant que la vie; la vie durant; pour la vie. Deux âges de la vie ne doivent pas avoir de sexe; l'enfant et le vieillard doivent être modestes comme des femmes. La vieillesse aime le peu, et la jeunesse aime le trop. Les quatre amours correspondant aux quatre âges de la vie humaine bien ordonnée, sont l'amour de tout, l'amour des femmes, l'amour de l'ordre, et l'amour de Dieu (Joubert, Pensées, t. 1, 1824, p. 216).C'est dans ces parages que j'ai fait, tout au long de ma vie parisienne, les rencontres les plus insolites, les plongées par hasard dans les milieux les plus éloignés de ceux que je hante habituellement (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 233).
2. P. anal. Période de temps pendant laquelle dure l'activité de quelque chose; période d'utilisation de quelque chose. Vie d'un atome, d'un radio-élément, d'un produit, d'un modèle de voiture; vie d'un volcan, d'un glacier, d'une étoile. L'ensemble de la vie de la terre y est subdivisé en cinq ères: précambrien, primaire, secondaire, tertiaire et quaternaire (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 377).
B. − BIOL. [Chez l'être humain] Vie fœtale, intra-utérine, utérine. Période qui s'étend de la neuvième semaine après la conception à la naissance. Nous retrouvons encore ici la production temporaire de fentes branchiales (bien distinctes chez l'embryon humain à la fin du premier mois de la vie fœtale) sur les côtés du cou (Caullery, Embryol., 1942, p. 104).
III.
A. −
1. Ensemble des faits, des événements, des activités qui remplissent l'existence de chaque individu. Vie aventureuse, exemplaire, extraordinaire; vie heureuse, malheureuse; vie manquée, ratée; gâcher sa vie; partager la vie de qqn; écrire l'histoire de sa vie; voilà toute ma vie. Elle ne causait que des autres, racontait leur vie jusqu'à dire le nombre de chemises qu'ils faisaient blanchir par mois (Zola, Ventre Paris, 1873, p. 668).Quel misérable spectacle qu'une vie humaine! Toujours et toujours recommencer les mêmes efforts, dans un champ d'action ridiculement étroit! D'illusoires agitations, des joies médiocres, une soif de bonheur qui se renouvelle en vain et ne peut jamais être désaltérée! (Martin du G., Thib., Mort père, 1929, p. 1263).
Cadre de vie. V. cadre ex. de Belorgey.
Avoir qqn/qqc. dans sa vie.Avoir une liaison amoureuse; avoir quelque chose qui donne un sens à sa vie. Si au moins, j'avais quelque chose dans la vie!... Mais pas d'enfants, pas de gaîté, un tel manque de joies!... C'est bien dur!... (Gyp, Souv. pte fille, 1928, p. 45).Il y a quelqu'un dans ta vie? Olga de temps en temps. (Sur un geste d'Hugo.) Pas en ce moment (Sartre, Mains sales, 1948, 1ertabl., 1, p. 18).
Être toute la vie de qqn. Si tu savais... Ce qu'elle l'aimait! C'était toute sa vie, cet homme (Achard, J. de la Lune, 1929, II, 8, p. 21).
2. P. méton. Biographie. La vie et l'œuvre d'un écrivain; écrire la vie de qqn. Il avait lu et relu une courte Vie de Benjamin Franklin, qui se terminait par ces mots: « Il a tiré tout le parti possible de lui-même » (Larbaud, F. Marquez, 1911, p. 56).
B. −
1. Manière de vivre, de comprendre l'existence, orientation morale de l'existence. Il y a une sonnette, j'ai des clefs; pourtant je ne me sers jamais de tout cela. J'ai une façon à moi de frapper. Ça simplifie la vie (Duhamel, Confess. min., 1920, p. 38).Je ne connaissais rien; il allait me montrer Paris, le luxe, la vie facile (Sagan, Bonjour tristesse, 1954, p. 32).
Femme de mauvaise vie. Femme de mœurs très libres; en partic., prostituée. Officiers, femmes de mauvaise vie, commerçants en rapport avec l'ennemi, trafiquants, changeurs d'or, on allait les supplier, on s'humiliait devant ces puissances (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 229).
Locutions
Ce n'est pas une vie. C'est insupportable. Tu ne peux donc pas mettre ton chapeau droit? demandait à Juliette MmeDonnot, en sortant de la messe. C'est vrai qu'avec tes cheveux... Ah! on peut dire que ce n'est pas une vie, des cheveux comme les tiens... (Colette, Mais. Cl., 1922, p. 118).
(C'est) la belle, bonne vie. Existence facile, sans soucis; p. ext., noce. Et s'il est heureux! Pis alors, il dit qu'c'est bath la guerre, et l'a pas tort, parce que maintenant, pour lui, c'est la bonne vie (Benjamin, Gaspard, 1915, p. 152).Elle craignait pour lui la caserne. M. Colombin rigolait: « Oh! ça, c'est la belle vie, pour sûr. Et qu'est-ce qu'il y a comme gonzesses! (...) » (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 234).
Faire la vie. Faire la noce, mener une vie de plaisir. Un matin que Renée descendait à dix heures, Lecouvreur, exaspéré, lui cria:Renée, faudra vous chercher autre chose! Elle balbutia: « J'étais malade, patron... » Mais Lecouvreur l'interrompit:Non! je vous crois pas. J'en ai marre. Allez faire la vie ailleurs que chez nous! (Dabit, Hôtel, 1929, p. 141).
Faire, mener, rendre la vie dure, impossible, difficile à qqn; faire une vie d'enfer à qqn. Traiter durement, rendre malheureux, harceler continuellement quelqu'un. Comme madame n'était pas contente d'avoir épousé monsieur qu'elle n'aimait pas, elle lui a fait la vie dure, si dure que j'en avais le cœur cassé (Maupass., Contes et nouv., t. 2, M. Parent, 1886, p. 592).La connaissance journalière de propos hostiles sur mon compte de tout le monde de la littérature, la réception de lettres injurieuses, tous ces embêtements moraux, entremêlés de cauchemars épouvantant mon sommeil, me font une vie d'enfer (Goncourt, Journal, 1894, p. 584).À croire que ses enfants la martyrisaient, lui menaient une vie impossible! (Queffélec, Recteur, 1944, p. 184).
Faire la vie (à qqn) (fam.). Quereller quelqu'un, récriminer sans cesse. Quelle vie il m'a fait ce matin! (Raymond1932).
Refaire sa vie. Se remarier; changer sa manière de vivre. J'ai cru que je pouvais refaire ma vie en m'appuyant sur elle (J. Bousquet, Trad. du sil., 1936, p. 87).
(Avoir une) double vie. Je ne sais qui de nous deux était le plus ému, le jour où il me fit confidence du secret de sa double vie (Gide, Si le grain, 1924, p. 511).
SYNT. Vie agréable, agitée, casanière, dangereuse, déréglée, douce, errante, humble, modeste, mondaine, mouvementée, obscure, rangée, réglée, saine, simple, sédentaire, solitaire, tumultueuse; vie d'artiste, de bohème, de bâton de chaise, de château, de chien, de cocagne, de débauche, de fou, de patachon, de polichinelle; vie d'étude, d'ordre, de sacrifice; vie de garçon; genre, mode, train, style de vie; attestation, certificat de bonne vie et mœurs; commencer une nouvelle vie; changer de vie; mener joyeuse vie, grande vie; mener la vie à grandes guides.
2. P. ext. Manière de vivre d'une collectivité, d'un groupe social à une époque donnée. Vie citadine, rurale, urbaine; vie pastorale; vie bourgeoise, moderne, parisienne, provinciale; vie ouvrière; vie monastique; vie des champs, de province; vie des paysans, des marins, des montagnards. Juliette se leva. Il fallait refaire le feu. L'horreur de la vie paysanne! Elle regarda ses mains incrustées de noir (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 23).
P. anal. [En parlant des animaux] Vie animale; vie des termites, des abeilles. Divers critiques avaient parlé de livres récents: (...) de la Vie des fourmis de Maeterlinck (Arts et litt., 1936, p. 40-10).
C. −
1. [Constr. avec un adj. ou un compl. prép.] Part de l'activité humaine, de l'existence d'une personne ou d'une collectivité envisagée du point de vue de l'activité exercée, des occupations. Vie courante, quotidienne, de tous les jours; vie domestique, familiale, de famille; vie conjugale, en commun, à deux; vie civile, militaire; vie personnelle, privée, professionnelle, publique; vie sociale, en société; vie économique, politique; vie littéraire, théâtrale; vie d'artiste, d'étudiant. Ce soir, elle était de nouveau nouée... C'était le drame de sa vie intime que cette inaptitude au contact, cette condamnation à demeurer incommunicable! (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 880):
3. Il me souvient encore des premières sensations de ma vie scolaire: l'odeur spécifique des cahiers vierges et des moleskines cirées des cartables, le mystère des livres tout neufs, roides et presque impénétrables d'abord dans leur armure de colle et de carton; mais qui deviennent assez vite des albums où la vie s'inscrit sous forme de taches, de figures étranges, de notes, de marques et de repères... Valéry, Variété IV, 1938, p. 193.
P. ext. Domaine où s'exerce une activité psychique.Vie affective, intellectuelle, intérieure, mentale, psychique, sentimentale, spirituelle; vie de l'âme, de l'esprit. Entre la couleur grise et douce d'une campagne matinale et le goût d'une tasse de chocolat, je faisais tenir toute l'originalité de la vie physique, intellectuelle et morale (Proust, Guermantes 2, 1921, p. 346).
2. Loc. À vie. Jusqu'au terme de l'activité professionnelle. O. S. à vie. Un Conseil de l'Université qui comprend dix conseillers à vie et vingt conseillers ordinaires nommés pour un an (Encyclop. éduc., 1960, p. 126).
D. − Ensemble des moyens matériels permettant d'assurer la subsistance d'un être. Vie large, précaire; cherté, prix de la vie; niveau de vie. Pourquoi parler du prix de la viande? Je le savais bien que la viande était chère. Était-ce vraiment le moment de me parler du coût de la vie, alors que je venais de perdre ma place? (Duhamel, Confess. min., 1920, p. 39).
Gagner sa vie. V. gagner I A 1 a ex. de Dabit.
Au fig. Trouver sa vie. Trouver ce que l'on cherche, ce dont on a besoin. Vous trouverez peut-être votre vie là-dedans (Rob.1985).
E. − Absol. Condition humaine, cours des choses humaines dans le monde et dans la société. La vie est une farce, une comédie, une tragédie universelle, et le sort qui brasse tous les personnages du drame à leur insu, qui les secoue comme dans un gobelet et les jette pêle-mêle sur le tapis comme des dés au poker d'as (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 124).
Les choses de la vie. Madame de Mortsauf voulait habituer ses enfants aux choses de la vie, et leur donner connaissance des pénibles labeurs par lesquels s'obtient l'argent (Balzac, Lys, 1836, p. 128).
Loc. C'est la vie! [En parlant d'un fait ou d'un événement auquel on doit se résigner] Les choses sont comme ça, c'est ainsi. Peut-être que si t'étais venu plus tôt... ou alors si tu m'avais laissé filer à Biribi, dans le temps, (...)!... Enfin, c'est la vie, comme tu dis, cette pauvre vieille putain de vie!... (Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 254).
SYNT. Banalité, tristesse de la vie; connaissance, expérience de la vie; dégoût, haine, horreur, peur de la vie; plaisirs, misères de la vie; difficultés de la vie; avoir des hauts et des bas dans la vie; aimer la vie; jouir de la vie; connaître la vie; entrer, faire ses débuts dans la vie; tout ignorer de la vie; prendre la vie comme elle vient; regarder la vie en face; se réconcilier avec la vie; voir la vie en rose, telle qu'elle est; chienne de vie.
Prononc. et Orth.: [vi]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. « Fait d'être en vie » 1. a) fin xes. vida perdoner « accorder la vie sauve » (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 223: Vida perdonent al ladrun; 225: Barrabant perdonent la vide); b) ca 1100 perdre sa vie (Roland, éd. J. Bédier, 1408); c) 1176-81 (Chrétien de Troyes, Chevalier Charrete, éd. M. Roques, 6292: se Lancelot n'est an vie); d) fin xives. aler de vie à trespas (Froissart, Chron., éd. A. Mirot, t. 14, p. 150); e) 1548 par ma vie (N. Du Fail, Baliverneries, éd. G. Milin, p. 62); f) 1580 à peine de la vie (R. Garnier, Antigone, Argument, éd. W. Foerster, t. 3 p. 4); 2. vie + déterm., avec notion de « principe vital » ou « vitalité » a) ca 1050 (Alexis, éd. Chr. Storey, 69: la vithe est fraisle); b) 1370 (Oresme, Ethiques, éd. A. D. Menut, p. 142: une de celles puissances ou vertus [de l'ame irraisonable] est semblable a la vie des plantes et est commune a toutes choses qui ont vie en euls; p. 154: car delectacion est commune a toutes choses qui ont ame ou vie sensible; p. 273: le cuer est le siege et la fontaine de la vie); c) 1375 (Id., Ciel et Monde, éd. A. D. Menut et J. Denomy, p. 314: Il samble que l'opinion d'Averroïz, et d'Aristote selon Averroïz, estoit que, ausi comme les plantes ont vie et ame vegetative et les bestes vegetative et sensitive et les honmes vegetative et sensitive et intellective); d) 1442 (A. de La Sale, Salade, éd. F. Desonay, p. 31: les Persans adoroient le soleil; car ilz tenoient que du soleil venoit vie et tous biens); e) 1480 (G. Coquillart, Droitz nouveaulx ds Œuvres, éd. M. J. Freeman, p. 152: Que sa femme est seiche et tarie, Et n'a pas de vie plein poing); f) 1610 (H. d'Urfé, L'Astrée, éd. H. Vaganay, t. 2, p. 378: la maladie est signe de vie); g) 1619 être plein de vie (Id., ibid., t. 3, p. 245); h) 1645 (Tristan L'Hermite, Folie du Sage, éd. J. Madeleine, p. 70: l'origine d'où sort le soufle de la vie et celuy de la mort); i) 1681 (J.-F. Regnard, Voyage de Laponie, éd. M. Garnier, t. 1, p. 99: il se trouve un principe de vie caché dans l'un et l'autre sexe); j) 1684 (F. Bernier, Philos. de Gassendi, t. 5, p. 663: jamais l'on n'explique bien la notion de la Vie, qui d'ailleurs est claire et evidente); k) 1751 (Encyclop. t. 1, p. 474b, s.v. animal: Les animaux prennent de l'accroissement, ont de la vie et sont doués de sentiment: par cette définition M. Linnœus les distingue des végétaux qui croissent et vivent sans avoir de sentiment, et des minéraux qui croissent sans vie ni sentiment); 3. vie empl. à propos d'inanimés a) 1370 (Oresme, Ethiques, p. 439: un instrument est un serf senz vie et senz ame); b) 1375 (Id., Ciel et Monde, p. 314: choses qui n'ont vie fors par similitude ou en relacion); c) av. 1615 (E. Pasquier, Recherches de la France, p. 814: l'Imprimerie qui baille vie aux bonnes lettres); d) 1630 (A. d'Aubigné, Printemps, Hécatombe à Diane, XXII ds Œuvres, éd. Réaume et de Caussade, t. 3, p. 26: le peinctre qui voudroit animer un tableau [...] Qu'il voye prendre vie à ce qu'il aura peint); e) 1646 (J. Du Lorens, Satires, éd. D. Jonaust, p. 182: ces travaux qui [...] à coups de ciseau donnent la vie au marbre); 4. 1561 terme d'affection (J. GrÉvin, Esbahis ds Comédies, éd. E. Lapeyre, p. 97: Et bien, Marion, ma succrée, Mon bien, ma vie et mieux aimée, Mon tout). B. « En référence aux croyances religieuses en une autre vie après la mort, à la vie de l'âme » 1. a) ca 1050 (Alexis, 63: la mortel vithe li prist mult a blasmer, De la celeste li mostret veritét); b) ca 1145 pardurable vie « vie éternelle » (Wace, Conception N.-D., éd. W. R. Ashford, 1501), trad. de vitam aeternam dans les Bibles du xiiies.(v. Trénel, p. 427), cf. vitam eterne (1174-78, Etienne de Fougères, Livre des Manières, éd. R. Anthony Lodge, 188); c) 1416-18 vie eternele (Christine de Pisan, Prison de vie humaine, éd. A. J. Kennedy, 1175); 2. a) ca 1220 pain de vie (Gautier de Coinci, Mir., éd. V. F. Koenig, II Mir 17, 239); b) 1353 fruit de vie « Jésus Christ » (Mir. enfant ressuscité, éd. G. A. Runnalls, 101); c) 1385-1403 vie de l'ame (Eustache Deschamps, Miroir de Mariage, 9980, éd. G. Raynaud, t. 9, p. 321). C. « Existence humaine, considérée du point de vue de l'ensemble des activités, événements qui la remplissent » 1. a) α) ca 1050 vie + adj. qualifiant la manière de mener sa vie (Alexis, 619: dreite vide); β) ca 1150 (Wace, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 208: Sa vie en grant dolur usont); γ) ca 1170 (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 3387: Trop ai menee ceste vie); δ) ca 1170 (Marie de France, Lais, Milun, éd. J. Lods, 279: Vint anz menerent cele vie Milun entre lui e s'amie); ε) fin xiies. (Sermons St Grégoire sur Ezechiel, éd. K. Hofmann, 23, 25: dous vies sunt ke li saint proicheor unt, c'est li active et li contemplatiue); ζ) ca 1130 (Guillaume de Digulleville, Pelerinage de vie humaine [titre], éd J. Stürzinger); η) ca 1370 (Oresme, Ethiques, p. 110: vie civile; p. 471: vie politique); b) ca 1432-65 à propos d'une collectivité (J. Régnier, Fortunes et Adversitez, éd. E. Droz, p. 178, 6: ce monde, son estat, sa vie); c) 1601 (Charron, De la Sagesse, éd. B. de Negroni, p. 44: le mediter et entretenir ses pensées est [...] la posture, l'entretien et la vie de l'esprit); d) 1601 (Id., ibid., p. 372: le choix du genre de vie propre et commode au naturel d'un chascun); 2. 1130-40 spéc. « récit de la vie d'une personne » (Wace, Sainte Marguerite, éd. E. A. Francis, p. 1: A l'onor Deu et a s'aïe Dirai d'une virge la vie); 3. en réf. à une période, une durée a) ca 1100 (Roland, 212: a tute vostre vie; 595: en tute vostre vie); b) α) 1288 a vie « pour la durée de la vie de quelqu'un » (Philippe de Beaumanoir, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, t. 1, p. 348); β) 1417-20 rente à vie (Clément de Fauquemberge, Journal, éd. A. Tuetey, t. 1, p. 24); 4. a) 1561 (J. Grévin, Brief discours pour l'intelligence de ce théatre ds Théâtre, éd. L. Pinvert, p. 9: Car comme disoit Andronique, la Comédie est le mirouer de la vie journalière); b) 1648 (Voiture, Lettres, A. Courbé, 1654, p. 685: Voiez, s'il vous plaist, quelle vie doit estre la mienne et ce que j'en dois attendre). D. « Existence considérée du point de vue des moyens de subsistance » 1. a) 1395 avoir sa vie « avoir le vivre et le couvert » (Griseldis, éd. M. Roques, 1588: des or en nostre maison Arez, s'il vous plaist, vostre vie); b) 1507-08 (D'Amerval, Le Livre de la Deablerie, éd. Ch. Fr. Ward, p. 846: l'autre avoit sa vie des buees qu'elle lavoit); c) 1498-1515 chercher sa vie, gagner sa vie (Gringore, Vie Ms. S. Loys ds Œuvres, éd. Ch. d'Hericault et A. de Montaiglon, t. 2, p. 114, p. 113: Hélas, mon povre ours, tu es mort; [...] Ne sçay de quoy je gaigneray Ma vie doresnavant); 2. a) 1640 (Oudin Curiositez: homme de grande ou petite Vie, qui mange beaucoup ou peu); b) 1676 (Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, t. 2, p. 300: c'est la mode du pays, où d'ailleurs la vie ne coûte rien); c) 1784 (Genlis, Veill. du chât., t. 1, p. 111 ds Littré: La vie est à bon marché à Saint Germain). Du lat. vita (dér. de vivere « vivre, être en vie »), « vie (p. oppos. à mors « mort », ce qui anime, principe de vie », « moyen ou façon de vivre », et, à l'imitation du gr. « vie humaine, humanité » (en poésie et prose de l'époque impériale) v. Ern.-Meillet, empl. également à l'égard d'une pers. comme terme hypocoristique). Fréq. abs. littér.: 81 821. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 120 657, b) 92 325; xxes.: a) 118 806, b) 124 098. Bbg. Quem. DDL t. 5, 8, 19, 34, 40. − Teysseire (D.). De la Vie ds les Rapports du physique et du moral de l'homme de Cabanis. Saint-Cloud, 1982, passim.

Wiktionnaire

Nom commun 1 - français

vie \vi\ féminin

  1. (Biologie) Activité spontanée propre aux êtres organisés, qui se manifeste par les fonctions de nutrition et de reproduction, auxquelles s’ajoutent chez certains êtres les fonctions de relation et, chez l’homme, la raison et le libre arbitre.
    • […] la vie, c'est de la matière capable d'évoluer par sélection naturelle. — (Cyrille Barrette, La vraie nature de la bête humaine, Éditions Multimonde, 2020, page 52)
    • La vie n’avait pas encore pris un grand essor à l’époque de la formation ardoisière. Ce n’est guère que dans la partie supérieure […] que l’on trouve quelques fossiles. — (Edmond Nivoit, Notions élémentaires sur l’industrie dans le département des Ardennes, E. Jolly, Charleville, 1869, page 17)
  2. (En particulier) Se dit de certaines activités de l’homme.
    • Comparé à la libéralité et au confort de la vie ordinaire de l’époque, l’ordre de l’Empire romain, sous les Antonins, apparaît local et limité. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 407 de l’édition de 1921)
  3. Tout l'espace de temps qui s’étend depuis la naissance jusqu'à la mort.
    • Je trouve plus aisé de porter une cuirasse toute sa vie, qu’un pucelage. — (Montaigne, Essais, III, 5 – Sur des vers de Virgile, 1595)
    • Le duc de Nevers, dont la vie était glorieuse par la guerre et par les grands emplois qu’il avait eus, quoique dans un âge un peu avancé, faisait les délices de la cour. — (Mme de La Fayette, La Princesse de Clèves, 1678)
    • Je ne suis pas arrivé à l’âge de quatre-vingt ans pour rétracter en rien les convictions de ma vie entière. — (Réponse de M. Raspail père à l’avocat général, lors du procès de François-Vincent Raspail le 12 février 1874)
    • Ainsi, c’en est fait de Simon Brutus: sa bobine est filée ! Mourir ! ce n’est pas le plus beau moment de la vie. — (Hendrik Conscience, La guerre des paysans, traduction de Félix Coveliers, éditions Michel Levy frères, 1864, page 303)
    • Mais Renan avait été trop favorisé durant toute sa vie par la fortune, pour ne pas être optimiste ; […]. — (Georges Sorel, Réflexions sur la violence, chapitre VII, La morale des producteurs, 1908, page 326)
    • J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. — (Paul Nizan, Aden Arabie, chapitre I, Rieder, 1932 ; Maspéro, 1960)
    • Telle est la vie des hommes. Quelques joies, très vite effacées par d’inoubliables chagrins.
      Il n’est pas nécessaire de le dire aux enfants.
      — (Marcel Pagnol, Le château de ma mère, 1958, collection Le Livre de Poche, pages 376-377)
  4. Conditions dans lesquelles une personne vient au monde et passe son existence.
    • Accepter sa vie, telle qu’elle nous a été transmise, est la première étape essentielle de la maturation de l’homme adulte. — (Michel Quoist, Construire l’homme, Éditions de l’atelier, Paris, 1997, page 55)
  5. Ce qui regarde la nourriture et la subsistance.
    • Et il avait cherché sa vie dans le buffet de l’auberge, au milieu des cadavres ; et jamais, disait-il, il n’avait fait repas meilleur, trouvant la viande savoureuse et le vin frais. Puis il s’était étendu, faisant un traversin de son sac, et avait ronflé au ronflement du canon. — (Jules Vallès, L’Insurgé, G. Charpentier, 1908)
    • Tout échange monétaire est délicat : il serait bon de faire coïncider l’introduction du saarmark, et plus encore l’introduction du franc, avec une amélioration des conditions matérielles et politiques de la vie sarroise. — (Documents diplomatiques français: 1947 [1er janvier-30 juin], Paris, Ministère des Affaires étrangères, 2007, page 337)
    • Les paysans qui estiment avoir bien « mérité de la patrie » ne sont pourtant pas jugés comme tels par les gens des villes. Comme le dit Michel Augé-Laribé […] le paysan est perçu comme un profiteur de guerre, comme le responsable de la « vie chère », comme un enrichi qui ne paie pas sa part d'impôt. — (Jean-Jacques Becker, avec la collaboration d'‎Annette Becker, La France en guerre: 1914-1918 : la grande mutation , Éditions Complexe, 1988, page 177)
  6. Ce qui regarde l’usage, les commodités ou les incommodités de la vie quotidienne.
    • Mener une vie douce, aisée.
    • Mener une vie heureuse, tranquille.
    • Mener une vie triste, misérable.
    • Dans ce monde de pasteurs, la femme n’a nullement la vie serve qu’elle mène dans celui de chasse et de guerre. — (Jules Michelet, Bible de l’Humanité, Calmann-lévy, 1876, page 29)
  7. Fait de vivre.
    • L’opération a donc pris quatre jours. Elle a entraîné la perte de nombreuses vies humaines et d’une quantité de bêtes et de bagages. — (Frédéric Weisgerber, Trois mois de campagne au Maroc : étude géographique de la région parcourue, Paris : Ernest Leroux, 1904, page 143)
    • […] mais, il est traditionnel dans la Marine française qu’un Commandant peut transgresser les ordres et courir tous les risques pour secourir des vies en danger. — (Jean-Baptiste Charcot, Dans la mer du Groenland, 1928)
  8. Façon de vivre.
    • Votre vie étriquée, réglée et compassée est bien misérable comparée à la nôtre ! — (Gustave Aimard, Les Trappeurs de l’Arkansas, Éditions Amyot, Paris, 1858)
    • La vie de Balzac ? Un permanent foyer de création, un perpétuel, un universel désir, une lutte effroyable. La fièvre, l’exaltation, l’hyperesthésie constituaient l’état normal de son individu. — (Octave Mirbeau La Mort de Balzac, 1907)
    • Des comtes et des palatins embrassent la vie cénobitique. Or, cette vie exige une austérité décourageante. — (Abbé Paul Buysse, Vers la Foi catholique : L’Église de Jésus, 1926, page 148)
    • J’adore cette vie plus simple que tu mènes à la campagne, loin de nos potins et de nos jalousies. — (Out-el-Kouloub, Zaheira, dans « Trois contes de l’Amour et de la Mort », 1940)
    • Le système de raréfaction des naissances est ici tellement ancré dans les esprits, qu’il finit par être jugé comme le signe d’une vie raisonnable […] — (Ludovic Naudeau, La France se regarde : le Problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)
    • […] nous menions une vie désordonnée, parce que nous étions toujours sur le qui-vive, prêts à prendre notre essor le lendemain matin. — (Dieudonné Costes et Maurice Bellonte, Paris-New-York, 1930)
    • (Par extension)Ce gouvernement était fédératif ; c’est-à-dire que la Gaule était divisée en une multitude de petits états indépendants, ayant leur vie propre, et ne se rattachant les uns aux autres que par une association peu étroite. — (François-Xavier Masson, Annales ardennaises, ou Histoire des lieux qui forment le département des Ardennes et des contrées voisines, Mézières : imprimerie Lelaurin, 1861, page 29)
  9. Les occupations et les activités différentes de la vie.
    • Choisir un genre de vie. - Vie active. - Vie laborieuse, fatigante. - La vie civile. - La vie de famille.
    • La vie intellectuelle. — La vie morale.
    • Ce chef de gouvernement capable de discuter avec Einstein la théorie de la relativité de l’espace et du temps emprunte à sa vie intérieure un incomparable prestige. — (Pierre Audibert, Les Comédies de la Guerre, 1928, page 84)
    • Nombreux, organisés, ardents propagandistes, les anarchistes saint-juniauds semblent d’évidence peser d’un poids conséquent sur la vie socio-politique, voire économique de la cité gantière. — (Christian Dupuy, Saint-Junien, un bastion anarchiste en Haute-Vienne, 1893-1923, Presses Univ. Limoges, 2003, page 110)
  10. Manière dont le monde se comporte.
    • Que voulez-vous faire à cela ? C’est la vie. - Les choses se passent ainsi dans la vie. - Ce romancier est un peintre habile des mœurs, de la vie.
  11. (Par extension) Biographie ; relation historique ou récit des faits remarquables et des traits caractéristiques de la vie d’un homme illustre.
    • Et c’étaient encore, çà et là, de solennelles et de cocasses définitions telles que celle-ci qui figure dans la vie de César de Bus : « après un séjour à Paris qui n’est pas moins le trône du vice que la capitale du royaume ». — (Joris-Karl Huysmans, La Cathédrale, 1915)
    • On ne doit point attribuer à une prédilection particulière pour la Communauté des Libraires de Lyon , cette Vie de l’un de ses plus savans Imprimeurs. Mon but n’a été que de rendre hommage à la vérité dès que je l’ai connue; […]. — (Jean-François Née de La Rochelle, Vie d’Étienne Dolet, imprimeur à Lyon dans le seizième siècle, Paris : Gogué & Née de la Rochelle, 1779, page V)
  12. (Populaire) (avec une épithète) Criaillerie, querelle bruyante faite à quelqu’un.
    • Quand elle a connu sa conduite, elle lui a fait une belle vie, une terrible vie.
  13. État propre aux êtres vivants. Ensemble des activités spontanées sur notre planète depuis leur commencement.
    • L’apparition de la vie sur Terre.
  14. (Par métonymie) Coût de la vie, cherté des denrées nécessaires à l’entretien des ménages.
    • La vie a drôlement augmenté depuis quelque temps : il ne me reste plus grand-chose quand j’ai payé tous les impôts.
  15. (Jeux) Foulard qu’on introduit dans son pantalon par derrière, et dont l’adversaire doit se saisir. Jeu correspondant.
    • Le conflit se réglait invariablement à l’aide des quatre arts martiaux du cru : la vie, la garuche, le mur et la chistera, et, bien sûr, toutes combinaisons entre eux. La « vie » est un petit foulard que l’on porte dans le dos, engagé dans son pantalon, il dépasse un peu, et l’on doit, dans un corps à corps vigoureux et sans se faire prendre la sienne, retirer la vie à l’envoyé du camp d’en face, une manière de faena entre deux toreros. — (Jean-Baptiste Harang, Nos cœurs vaillants, Paris, Grasset, 2010, page 13)

Nom commun - ancien français

vie \Prononciation ?\ féminin

  1. Vie.
    • Qui [...] amendent lor vie — (Une loenge de Nostre Dame, ms. 12467 de la BnF, v. 10)

Nom commun 2 - français

vie \vi\ féminin

  1. (Suisse) (Franche-Comté) Voie (qui peut être une rue, un chemin…).
    • La vie, c’est avant tout pour les vaches (animal aux déplacements modestes, généralement limités par le pré et l’étable), plus rarement pour l’âne aux déplacements plus importants. — (Gérard Taverdet, Voie et vie, dans Nouvelle revue d’onomastique, no 33-34, 1999, p. 257-260 [texte intégral])
    • Vie Dorée (à Divonne-les-Bains), vie des Granges (à Saint-Chef).
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

VIE. n. f.
Activité spontanée propre aux êtres organisés, qui se manifeste chez tous par les fonctions de nutrition et de reproduction, auxquelles s'ajoutent chez certains êtres les fonctions de relation, et chez l'homme la raison et le libre arbitre. Les principes de la vie. Les êtres doués de vie. La vie végétative, animale. Les fonctions de la vie. La vie organique. La vie sensitive. La vie de cet insecte est éphémère. Cet arbre est encore en vie. Ceux dont nous tenons la vie, qui nous ont donné la vie. Il est encore tout plein de vie. Il ne donnait plus aucun signe de vie. On l'a laissé sans vie. Aimer la vie. Tenir à la vie. Mépriser la vie. Renoncer à la vie. Le passage de la vie à la mort. Cette imprudence faillit lui coûter la vie. Sauver, conserver la vie à quelqu'un. Attenter à la vie, entreprendre sur la vie de quelqu'un, lui arracher, lui ôter la vie. Perdre la vie. Donner sa vie pour quelqu'un. Exposer, hasarder sa vie. Prodiguer sa vie. Mettre sa vie en péril. Défendre sa vie. Vendre bien cher sa vie. Il y va de la vie. Votre vie en dépend. Au péril de la vie. Sous peine de perdre la vie. À peine, sous peine de la vie. Si vous faites telle chose, je ne réponds point de votre vie. Le droit de vie et de mort. Il ne fait nul cas de la vie d'un homme. Il compte sa vie pour rien. Cette vie est passagère, fragile, périssable. Notre vie mortelle. Être en vie, Être vivant. Fig., Ne pas donner signe de vie se dit d'un Homme absent qui ne donne pas de ses nouvelles. Il signifie aussi Ne témoigner par rien qu'on existe. On approcha de la place sans que l'ennemi donnât signe de vie. Être entre la vie et la mort, Être dans un extrême péril, soit par maladie, soit par quelque autre accident. Cette maladie l'a mis entre la vie et la mort. Dans cette tempête, nous fûmes deux jours entre la vie et la mort. Fam., Passer de vie à trépas, Mourir. Revenir de mort à vie, Revenir, contre toute espérance, d'une maladie très périlleuse. Fig., Sa vie ne tient plus qu'à un fil se dit en parlant d'un Moribond. Il n'a qu'un souffle de vie, Il est dans un état d'extrême faiblesse. Cet homme, cet animal a la vie dure, Il est difficile de le tuer, de le faire mourir; il est de santé résistante. Cet homme, tout percé de coups, a vécu encore fort longtemps; il avait la vie dure. Il se dit figurément des Choses. Cette théorie, cette opinion a la vie dure. Demander la vie, Demander grâce, prier qu'on ne vous tue pas. Il lui demanda la vie. Il doit la vie à cet homme, il lui est redevable de la vie se dit de Celui à qui un homme a sauvé ou conservé la vie. On dit de même : Après Dieu, il ne tient sa vie que d'un tel. Donner la vie à son ennemi, Ne pas le tuer, quoiqu'on le puisse. Le prince a donné la vie, a accordé la vie, a fait grâce de la vie à ce criminel, Il a empêché, en vertu de son autorité, que l'arrêt qui condamnait le criminel à mort ne fût exécuté. Fig., Cela lui a redonné la vie, lui a rendu la vie se dit d'une Bonne nouvelle ou de quelque autre chose d'agréable, arrivé à une personne qui était dans de grandes alarmes, dans une vive inquiétude. Fam., Être plein de vie, Avoir très bonne santé, avoir beaucoup de vigueur, d'activité. Fig., Il y a beaucoup de vie dans ce tableau, L'action y est vive, et les figures en sont fort animées. Ce portrait est plein de vie, Il a beaucoup d'expression et de vérité. Fig., Ce style, ce discours a de la vie, est plein de vie, Il est plein de force, d'animation, de mouvement. On dit dans le sens contraire : Ce style, ce discours est sans vie.

VIE se dit particulièrement de Certaines activités de l'homme. La vie intellectuelle. La vie morale. En termes de Dévotion, La vie spirituelle, La vie de l'âme en Dieu. La parole de vie, La parole de Dieu, aliment de la vie spirituelle. Le pain de vie, L'Eucharistie.

VIE se dit aussi de Tout l'espace de temps qui s'écoule depuis la naissance jusqu'à la mort. La vie la plus longue, la plus courte. Le cours de la vie. La durée moyenne de la vie. La fin de la vie. La vie future, l'autre vie, L'existence de l'âme après la mort, par opposition à La vie présente. Les biens de la vie future. L'espérance d'une autre vie fait toute la consolation d'un chrétien. La vie éternelle, L'état des bienheureux dans le ciel. Dieu nous donne sa paix en cette vie et, après la mort, la vie éternelle! Élixir de longue vie, Nom donné à une sorte d'élixir. Eau-de-vie, Alcool destiné à être bu.

VIE se dit également d'une Partie considérable de l'espace compris entre la naissance et la mort. Il a passé sa vie à travailler, à voyager. Il emploie toute sa vie à des bagatelles. Il se dit encore de Ce qui regarde la nourriture et la subsistance. Mendier sa vie. Chercher sa vie. Gagner sa vie. Fam., La vie est chère dans ce pays, Les aliments, les denrées et toute sorte de marchandises y sont à un prix élevé. Prov., Il faut faire vie qui dure, Il faut ménager son bien, ne pas le dépenser tout d'un coup, soit en bonne chère, soit autrement. On le dit, dans un sens analogue, en parlant de la Santé.

VIE se dit en outre de Ce qui regarde l'usage, les commodités ou incommodités de la vie. Mener une vie douce, aisée. Mener une vie heureuse, tranquille. Mener une vie triste, misérable. Vie agitée, tumultueuse. Traîner une vie languissante, douloureuse. Les plaisirs, les douceurs, les commodités de la vie. Les besoins de la vie. Rendre la vie dure à quelqu'un, Lui faire de la peine, le chagriner à tout propos.

VIE se dit aussi de Ce qui regarde la conduite, le train qu'on mène. Mener une vie sans reproche, irréprochable, une vie réglée. Mener joyeuse vie. Mener la vie d'un saint. Un homme de sainte vie. Une vie sage, pure, chaste. C'est un homme qui mène une vie obscure, une vie fort retirée, une vie cachée. Il mène une vie plus réglée que de coutume. Il a changé de vie. Se repentir de sa vie passée. Réduire son train de vie. Il s'est fait un plan de vie tout différent. Vie oisive, déréglée, dissipée. Vie dispersée. Vie recueillie. La haute vie. La grande vie. Vie de garçon. Voyez GARÇON. Pop., Faire la vie, Vivre dans la dissipation. Femme de mauvaise vie, Prostituée. Fam., Mener une vie de bohème, Mener une vie déréglée, sans ressources assurées et sans préoccupation du lendemain.

VIE se dit encore par rapport aux occupations et aux professions différentes de la vie. Choisir un genre de vie. Embrasser la vie religieuse, la vie monastique. Vie active. Vie contemplative. Vie laborieuse, fatigante. La vie civile. La vie champêtre. La vie des champs, La vie des camps. La vie de famille. La vie politique. La vie littéraire. La vie mondaine. La vie privée. La vie publique. La vie sportive. Fam., C'est sa vie se dit d'une Chose où un homme se plaît extrêmement et dont il fait sa principale occupation. Il aime l'étude plus que toutes choses, c'est sa vie.

VIE désigne aussi la Manière dont le monde se comporte. Que voulez-vous faire à cela? c'est la vie. Les choses se passent ainsi dans la vie. Ce romancier est un peintre habile des mœurs, de la vie. Il désigne, par extension, l'Histoire, le récit des choses remarquables de la vie d'un homme. Les vies des saints. Les vies des hommes illustres écrites par Plutarque ou, par ellipse, Les vies de Plutarque. La vie de Théodose par Fléchier. Il a écrit la vie de Saint Louis. Mémoires de ma vie. Il signifie populairement, mais toujours avec quelque épithète, Criaillerie, querelle bruyante faite à quelqu'un. Quand il a connu sa conduite, il lui a fait une belle vie, une terrible vie.

À VIE, loc. adv. Pendant tout le temps qu'on a à vivre. Une pension à vie. Bail à vie. Contrat à vie.

LA VIE DURANT, loc. adv. Pendant toute la durée de la vie. Il a fait un bail qui lui assure la jouissance de cette maison sa vie durant.

POUR LA VIE, À LA VIE ET à LA MORT, À LA VIE à LA MORT, loc. adv. Pour toujours. Je suis son ami pour la vie. Ils sont unis à la vie et à la mort. Entre nous, c'est à la vie à la mort.

DE LA VIE, loc. adv. Jamais. Je ne lui pardonnerai de la vie. Je n'y consentirai de ma vie. Il ne sera de sa vie aussi habile que son père. Je n'ai vu de ma vie un tel homme. De ma vie je n'ai vu pareille chose. Il s'ajoute à Jamais pour renforcer encore le sens de la négation. Jamais de la vie je ne ferai une pareille chose.

SUR LA VIE, locution adverbiale qui sert à marquer l'importance extrême de ce que l'on recommande. Je vous en adjure sur la vie. Gardez-vous sur votre vie d'agir ainsi.

Littré (1872-1877)

VIE (vie) s. f.
  • 1En général, état d'activité de la substance organisée, activité qui est commune aux plantes et aux animaux. Chez les plantes, la vie est constituée par deux fonctions, la nutrition et la génération ; chez les animaux, il y a en plus la contraction et la sensibilité. Et la vie ? vous me direz bien ce que c'est. - C'est la végétation avec le sentiment dans un corps organisé, Voltaire, Dial. 7. La vie commence à s'éteindre longtemps avant qu'elle s'éteigne entièrement, Buffon, De la vieillesse et de la mort. Plus la vie des animaux est courte, et plus leur production est nombreuse, Buffon, Quadrup. t. IV, p. 225. On distingue dans les êtres terrestres trois sortes de vies : la vie végétative, la vie sensitive et la vie réfléchie, Bonnet, Causes prem. VI, 14.

    Ce qui a vie, ce qui a eu vie, se dit des animaux. Voyez ces pieux solitaires qui s'abstiennent de tout ce qui a eu vie, Buffon, Morc. choisis, p. 49. Les brames ne mangent rien de ce qui a vie, Raynal, Hist. phil. I, 8.

    Cet animal, cet homme a la vie dure, il est difficile de le tuer.

    Terme de physiologie. Vie organique, l'ensemble des fonctions purement végétatives ; vie animale, l'ensemble des fonctions de relation.

  • 2En particulier, la vie de l'homme. Pour moi, je vous confesse ma poltronnerie ; je suis acoquiné à la vie ; et, quelque mauvais lieu que j'habite, quelque incommodité que j'y reçoive, j'aurais peine à déménager, Guez de Balzac, Lett. à Conrart, 21 juill. 1653. Voilà le style de ces grandes âmes [les premiers chrétiens] qui méprisaient la mort comme si elles eussent eu un corps de louage et une vie empruntée, Guez de Balzac, Socr. chrétien, 3. La vie est peu de chose, et le peu qui t'en reste Ne vaut pas l'acheter par un prix si funeste, Corneille, Cinna, IV, 3. Vous n'avez pas la vie ainsi qu'un héritage, Corneille, Poly. IV, 3. La vie est bonne en soi et le plus grand bien du monde, mais le plus mal ménagé, La Rochefoucauld, Max. au mot Vie. Le temps de notre vie n'est qu'une ombre qui passe, et après la mort il n'y a plus de retour, Sacy, Bible, Sagesse, II, 5. Ne quittons pas cet amour que la nature nous a donné pour la vie, puisque nous l'avons reçu de Dieu ; mais que ce soit pour la même vie pour laquelle Dieu nous l'a donné, et non pas pour un objet contraire, Pascal, Lett. sur la mort de son père. Entre nous et l'enfer ou le ciel, il n'y a que la vie entre deux, qui est la chose du monde la plus fragile, Pascal, Pens. IX, 3, édit. HAVET. Quand je considère la petite durée de ma vie absorbée dans l'éternité précédant et suivant, Pascal, Pens. XXV, 16. Nous perdons la vie avec joie, pourvu qu'on en parle, Pascal, ib. II, 2 bis. Nous ne nous contentons pas de la vie que nous avons en nous et en notre propre être ; nous voulons vivre dans l'idée des autres d'une vie imaginaire, Pascal, ib. II, 1. La honte d'avoir entrepris sur la vie d'une princesse si bonne et si généreuse, Bossuet, Reine d'Anglet. Dans ses premières guerres il [Condé] n'avait qu'une seule vie à lui offrir [au roi] ; maintenant il en a une autre [celle de son fils] qui lui est plus chère que la sienne, Bossuet, Louis de Bourbon. Ne lui dites pas que la vie d'un premier prince du sang, si nécessaire à l'État, doit être épargnée, Bossuet, ib. J'entre dans la vie avec la loi d'en sortir ; je viens faire mon personnage, je viens me montrer comme les autres ; après, il faudra disparaître, Bossuet, Sermons, Fragment sur la brièveté de la vie. Pyrrhus rend à l'autel son infidèle vie, Racine, Andr. v, 3. Il tombe sur son lit sans chaleur et sans vie, Racine, Brit. v, 5. Je vois de quel succès leur fureur fut suivie, Et que dans les tourments ils laissèrent la vie, Racine, Esth. II, 3. … Le ciel, dit-il, m'arrache une innocente vie, Racine, Phèdre, v, 6. On est maître de la vie des autres quand on ne compte plus pour rien la sienne, Fénelon, Tél. XX. Ôtez-moi la vie que je ne saurais supporter, Fénelon, ib. I. Ce qui me perça le cœur fut que je crus que Mentor avait perdu la vie, Fénelon, ib. IV. La vie est un sommeil ; les vieillards sont ceux dont le sommeil a été plus long : ils ne commencent à se réveiller que quand il faut mourir, La Bruyère, XI. Il n'y en a pas un à qui la vie n'ait manqué, avant qu'il en eût fait l'usage qu'il en voulait faire, Fontenelle, Dial. 6, Morts mod. Les grands intérêts sont tout ce qui remue fortement les hommes ; et il y a des moments où la vie n'est pas leur plus grande passion, Fontenelle, Réfl. poét. 8. Notre vie, pour ainsi dire, nous est moins chère que nous, que nos passions, Marivaux, Marianne, 5e part. La vie m'a été donnée comme une faveur ; je puis donc la rendre lorsqu'elle ne l'est plus, Montesquieu, Lett. pers. 76. Il faut avouer que la vie ressemble au festin de Damoclès : le glaive est toujours suspendu, Voltaire, Lett. d'Argental, 18 août 1767. Quand je vous aurai répété que la vie est un enfant qu'il faut bercer jusqu'à ce qu'il s'endorme, j'aurai dit tout ce que je sais, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 22 juill. 1761. Quand on a tout perdu, quand on n'a plus d'espoir, La vie est un opprobre, et la mort un devoir, Voltaire, Mérope, II, 7. Rarement le dernier âge de la vie est-il bien agréable ; on a toujours espéré assez vainement de jouir de la vie, et à la fin tout ce qu'on peut faire, c'est de la supporter, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 6 janv. 1764. Il [le président Hénault] a vécu quatre-vingt-deux ans ; ce n'est qu'un jour ; on aime la vie, mais le néant a du bon, Voltaire, ib. 1er nov. 1769. Il faut du temps pour vous exposer tout ce que je pense sur le sort de l'homme et sur le vrai prix de la vie, Rousseau, Ém. IV. Quand une fois l'ennui de vivre l'emporte sur l'horreur de mourir, alors la vie est évidemment un grand mal, Rousseau, Hél. III, 21. Il est défendu de quitter son poste sans la volonté de celui qui commande ; le poste de l'homme est la vie, Diderot, Opin. des anc. philos. (Pythagorisme). Dans ton sein [de la nature] qu'est-ce qu'une vie ? Ce qu'est une goutte de pluie Dans les bassins de l'océan, Lamartine, Harm. IV, 9. Quand tous les dons que l'homme envie, à son gré semblent accourir, Quand de la fortune asservie On n'a plus rien à conquérir, C'est alors qu'on aime la vie, C'est alors qu'il faudrait mourir, P. Lebrun, Mort de Nap. IV.

    Aimer plus que sa vie, aimer passionnément. Mme de Guénegaud, qui a non-seulement perdu son cadet à Bonn, mais son fils aîné qu'elle aimait plus que sa vie, Sévigné, 9 nov. 1689.

    Terme de jurisprudence. Vie naturelle, le cours de la vie selon la nature.

    Vie civile, état que tient dans l'ordre politique celui qui n'en est pas déchu. La vie civile n'a pas plus à craindre [que la physique] de cet esprit-là [le pyrrhonisme] ; car les sceptiques n'ont jamais nié qu'il ne faille se conformer aux coutumes de son pays, Anal. de Bayle, t. III, p. 401.

    Être entre la vie et la mort, être dans un extrême péril, soit par maladie, soit autrement. Ô Dorido, mon fils, dit le vieillard, ma fille est entre la vie et la mort, Lesage, Guz. d'Alf. IV, 2.

    Fig. Sa vie ne tient plus qu'à un fil, il est moribond, il est à toute extrémité.

    Fig. Il n'a qu'un filet de vie, qu'un souffle de vie, se dit d'un homme infirme, qui n'a point de vigueur.

    Donner la vie, mettre au monde. Elle a donné la vie à une fille.

    Donner la vie à son ennemi, lui accorder merci, ne pas le tuer, quoiqu'on le puisse.

    Le prince a donné la vie, a accordé la vie, a fait grâce de la vie à ce condamné, il a empêché, en vertu de son autorité, que l'arrêt de condamnation ne fût exécuté. Télémaque obtint des rois qu'on lui donnerait la vie [à l'auteur d'un complot], parce qu'il la lui avait promise, Fénelon, Tél. XX.

    Demander la vie, implorer la pitié d'un ennemi vainqueur. Il criait : la vie ! la vie ! Il a honte de demander la vie, et il ne peut s'empêcher de témoigner qu'il la désire, Fénelon, Tél. XX.

    Il ne donne plus signe de vie, il est mort.

    Fig. Ne pas donner signe de vie, ne témoigner par rien qu'on existe. Il [le gouverneur de Lerida] nous laissa faire les approches de la place, sans donner signe de vie, Hamilton, Gram. 7. Sans lui donner le moindre signe de vie sur sa dette, Hamilton, ib. 9.

    Il doit la vie à cet homme, il lui est obligé de la vie, se dit de celui à qui un homme a sauvé ou conservé la vie.

    On dit de même : Après Dieu, il ne tient sa vie que d'un tel.

    Par exagération, y mettre sa vie, soutenir quelque chose en se déclarant prêt à mourir si la chose n'est pas. En ce cas-là volontiers gagerai, Reprit Guillaume, et j'y mettrais ma vie, La Fontaine, Orais.

    Revenir de mort à vie, revenir, contre toute espérance, d'une maladie très grave.

    Aller de vie à trépas, mourir.

  • 3L'espace de temps qui s'écoule entre la naissance et la mort. La moitié de la vie se passant en sommeil, Pascal, Pens. VIII, 1. La vie est trop courte, et la mort nous prend que nous sommes encore tout pleins de nos misères et de nos bonnes intentions, Sévigné, Lett. à Bussy, 27 juin 1679. La vie est courte, mon cher cousin, c'est la consolation des misérables et la douleur des gens heureux, et tout viendra au même but, Sévigné, ib. 15 déc. 1685. La vie, déjà raccourcie, s'abrège encore par les violences qui s'introduisent dans le genre humain, Bossuet, Hist. II, 1. Aussitôt qu'on cesse de compter les heures et de mesurer notre vie par les jours et par les années, Bossuet, Duch. d'Orl. Nous avouerons franchement, à l'exemple de notre abbesse, que nous devons mesurer la vie par les actions, non par les années, Bossuet, Yolande de Monterby. Hélas ! si jeune encore, Par quel crime ai-je pu mériter mon malheur ? Ma vie à peine a commencé d'éclore, Racine, Esth. I, 5. La vie est courte et ennuyeuse ; elle se passe toute à désirer ; l'on remet à l'avenir son repos et ses joies…, La Bruyère, XI. Nous ne songeons point à la mort, parce que nous ne savons où la placer dans les différents âges de notre vie, Massillon, Carême, Sur la mort. La satire ment sur les gens de lettres pendant leur vie, et l'éloge ment après leur mort, Voltaire, Lett. de Bordes, 10 janv. 1769. J'ai vécu ; j'ai passé ce désert de la vie Où toujours sous mes pas chaque fleur s'est flétrie, Lamartine, Méd. I, 18. Ce n'est pas le plus bel endroit de sa vie, ce n'est pas ce qu'il a fait de mieux. Ce ne sera jamais là le plus bel endroit de sa vie, Marivaux, Marianne, 8e part.

    Élixir de longue vie, nom donné à une sorte d'élixir.

    Eau-de-vie, voy. EAU, n° 19.

    Vie moyenne, la part de vie qu'en moyenne peut espérer un nouveau-né. La vie moyenne des enfants d'un an est de trente-trois ans ; celle d'un homme de vingt et un ans est aussi à peu près de trente-trois ans, Buffon, Prob. de la vie, Œuv. t. x, p. 257. On sait que la longueur moyenne de la vie des hommes, à compter depuis le moment de la naissance, est d'environ vingt-sept ans, D'Alembert, Œuv. t. IV, p. 298.

    Si Dieu lui prête vie, si la volonté de Dieu est qu'il vive. Petit poisson deviendra grand, Pourvu que Dieu lui prête vie, La Fontaine, Fabl. v, 3.

  • 4Une partie considérable du cours de la vie. Il est estropié pour toute sa vie. Nous passons près des rois tout le temps de nos vies à souffrir des mépris et ployer les genoux, Malherbe, I, 3. Avez-vous cependant une pleine assurance D'avoir assez de vie ou de persévérance ? Corneille, Poly. I, 1. Quand il l'ouït ronfler comme s'il n'eût fait autre chose toute sa vie, Scarron, Rom. com. I, 6. La vie de l'homme est misérablement courte ; on la compte depuis la première entrée dans le monde, Pascal, Pass. de l'amour. La vie est pleine de choses qui blessent le cœur, Sévigné, 212. La Champmeslé [célèbre actrice] est quelque chose de si extraordinaire, qu'en votre vie vous n'avez rien vu de pareil, Sévigné, 1er avr. 1672. Au lieu de l'histoire d'une belle vie, nous sommes réduits à faire l'histoire d'une admirable, mais triste mort, Bossuet, Duch. d'Orl. Est-on, disait-il, dans les places pour se reposer et pour vivre ? ne doit-on pas sa vie à Dieu, au prince et à l'État ? Bossuet, le Tellier. Bassien ou Caracalla… passa sa vie dans la cruauté et dans le carnage, Bossuet, Hist. I, 10. Dieu tonne du plus haut des cieux ; le redouté capitaine tombe au plus beau temps de sa vie, Bossuet, Anne de Gonz. Embrassez la belle pratique où, sans se mettre en peine d'attaquer la mort, on n'a besoin que de s'appliquer à sanctifier sa vie, Bossuet, Mar.-Thér. Mais vous savez trop bien l'histoire de ma vie, Pour croire…, Racine, Mithr. III, 1. Pour Antiope, ce que je sens n'a rien de semblable… c'est goût, c'est estime, c'est persuasion que je serais heureux si je passais ma vie avec elle, Fénelon, Tél. XXII. Une vie est souvent heureuse ou malheureuse Par les endroits qu'on n'en voit pas, Lamotte, Fabl. II, 5. Du courage : il faut bien s'amuser dans la vie, Collin D'Harleville, Malice pour malice, I, 5.
  • 5L'existence terrestre. La vie présente. Ils passèrent de cette vie à une autre meilleure, Naudé, Apologie, p. 449. La vie de l'homme sur la terre est une guerre continuelle, et ses jours sont comme les jours d'un mercenaire, Sacy, Bible, Job, VII, 1. Cette vie est le temps de croire, comme la vie future est le temps de voir, Bossuet, Concupisc. 1. Si cette vie est le champ fécond dans lequel nous devons semer pour la glorieuse éternité…, Bossuet, Yolande de Monterby. Vous exigez des gens de bien une exemption de tout défaut et un degré de perfection qui n'est pas de cette vie, Massillon, Carême, Injust. du monde.

    Fig. En termes de spiritualité, la vie des sens, les sentiments terrestres et mondains. Tout ce qui plaît, tout ce qui flatte, tout ce qui nourrit la vie des sens, devient un besoin dont vous ne pouvez plus vous passer, Massillon, Carême, Prospér. temp.

  • 6L'existence de l'âme après la mort. La vie future. L'espérance d'une autre vie. Hésiode garde constamment le silence sur une autre vie, et revient plusieurs fois sur les promesses de récompenses et de peines temporelles, Lévesque, Instit. Mém. sc. mor. et pol. t. II, p. 18.

    La vie éternelle, ou, absolument, la vie, état des bienheureux dans le ciel. Simon Pierre lui répondit : à qui irons-nous, Seigneur ? vous avez les paroles de la vie éternelle, Sacy, Bible, Év. St Jean. VI, 69. Jésus-Christ a dit dans son Evangile : Combien est étroit le chemin qui mène à la vie ! Bossuet, Reine d'Anglet.

    Le livre de vie, voy. LIVRE 1, n° 2.

  • 7 Fig. Renaissance spirituelle, communion, baptême. Nous avons fait à Dieu mille promesses en approchant du tribunal sacré où nous avons trouvé une nouvelle vie, Massillon, Carême, Pâques. Un pontife sacré viendra jusqu'en ces lieux Vous apporter la vie et dessiller vos yeux, Voltaire, Zaïre, III, 4.

    Se nourrir du pain de vie, communier.

    En termes de dévotion. La grâce est la vie de l'âme. La charité qui est l'âme et la vie de la grâce, Pascal, Prov. v.

    Vie spirituelle, voy. SPIRITUEL, n° 2.

  • 8 Fig. Vie de réputation, seconde vie, réputation qui dure après la mort. Mais peut-être que, prêt à mourir, on comptera pour quelque chose cette vie de réputation, ou cette imagination de revivre dans sa famille qu'on croira laisser solidement établie ; qui ne voit, mes frères, combien vaines, mais combien courtes et combien fragiles sont encore ces secondes vies que notre faiblesse nous fait inventer pour couvrir en quelque sorte l'horreur de la mort ? Bossuet, le Tellier.
  • 9Principe d'existence et de force. Il y a bien de la vie dans ce vieillard, dans ce malade. Si toutefois, après ce coup mortel du sort, J'ai de la vie assez pour chercher une mort, Corneille, Poly. II, 2. Dans les cruelles mains par qui je fus ravie Je demeurai longtemps sans lumière et sans vie, Racine, Iphig. II, 1.

    Fig. Donner, redonner, rendre la vie, se dit de ce qui rassure, ranime, réconforte. Par votre lettre qui me donne la vie, nous voyons votre triomphe quasi assuré, Sévigné, 175. Pour cet hiver, l'espérance de vous avoir me donne la vie, Sévigné, 28 mars 1676. Ah ! je respire, Arsace, et tu me rends la vie, Racine, Bérén. III, 2.

    Fig. Rendre la vie à une institution, à une corporation, en ranimer le principe, la force. La mort de Lalli ne rendit pas la vie à la compagnie des Indes ; elle ne fut qu'une cruauté inutile, Voltaire, Pol. et lég. Fragm. hist. Inde, 20.

  • 10Ce qui est dans les compositions des lettres ou des beaux-arts comme la vie dans un corps. Le coloris donne la vie à un tableau. Des vérités audacieuses, des expressions pleines de vie que la réflexion solitaire n'aurait pas fait naître, Staël, Corinne, III, 3.

    Il y a bien de la vie dans ce tableau, il y a de l'action, les figures en sont fort animées.

    Ce style, ce discours est sans vie, il est sans force, sans énergie.

    Dans le sens contraire : Ce discours, ce style a de la vie, est plein de vie.

    Terme de peinture et de sculpture. Caractère, expression naturelle dans les visages et les gestes des figures ; apparences de la vie. Ce portrait est plein de vie.

  • 11Ce qui regarde la nourriture et la subsistance. Il a très peu de bien, il n'a que la vie et le vêtement. Les ouvriers qui gagnaient leur vie en faisant de petits temples d'argent de la Diane d'Éphèse, Bossuet, Hist. II, 12. Ils [les Parisiens assiégés par Henri IV] voyaient devant eux ces piques formidables… Ces lances qui toujours avaient porté la mort… Au bout d'un fer sanglant leur apporter la vie, Voltaire, Henr. x.

    Demander sa vie, demander l'aumône. Ceux qui subsistaient par leur travail sont réduits à la honte de mendier leur vie, Bossuet, 3e sermon pour le jeudi de la Passion, Intégr. 3.

    Être de grande, de petite vie, manger beaucoup, ne manger guère.

    La vie est chère, la vie est à bon marché dans ce pays, les denrées y sont à un prix élevé, à bas prix. Je reçois mille présents de tous côtés ; c'est la mode du pays, où d'ailleurs la vie ne coûte rien du tout : enfin, trois sols deux poulets, et tout à proportion, Sévigné, 278. La vie n'est pas chère à Rome pour quelqu'un de domicilié, Duclos, Œuv. t. VII, p. 90. La vie est à bon marché à Saint-Germain, Genlis, Veillées du château t. I, p. 111.

  • 12La manière dont on se nourrit, dont on se traite, dont on se divertit. Venez souper chez moi ; nous ferons bonne vie, La Fontaine, Fabl. I, 14. La galande fit chère lie, Mangea, rongea : Dieu sait la vie, La Fontaine, ib. III, 17. Dansant, chantant, menant joyeuse vie, La Fontaine, Mari confess. J'avais une véritable envie de le voir, et de lui conter la bonne vie que nous avions faite à Langlar, Sévigné, 364. De la manière dont les jeux et les plaisirs sont à votre suite, c'est proprement le carnaval que la vie que vous faites, Sévigné, 406. Je vous envoie le Mondain ; c'était à vous de le faire : j'y décris une petite vie assez jolie ; mais que celle qu'on mène avec vous est au-dessus ! Voltaire, Lett. en vers et en prose, 50 (au comte de Tressan)

    Absolument. Faire la vie, se livrer à toutes sortes d'amusements, mener une vie débauchée. Et quand on en médirait, Tant que l'hiver durerait, Elle passerait son envie, Et ferait jour et nuit la vie, Scarron, Virg. IV.

    Faire une terrible vie, se livrer à des excès. Mais vous-même, à propos, Vous avez fait tantôt une terrible vie, La Fontaine, Joc.

  • 13Manière de vivre. Mener une vie douce. Il coule doucement sa vie, ou, familièrement, il roule doucement sa vie. Vous ne sauriez imaginer combien la vie que j'y fais [en Espagne] est différente de la mienne passée, Voltaire, Lett. 23. Ces vies brutales où je vois que plusieurs personnes de votre condition se laissent emporter, Pascal, Condition des grands, 3. Les pensées pures… le fatiguent et l'abattent [l'homme] ; c'est une vie unie à laquelle il ne peut s'accommoder, Pascal, Pass. de l'amour. M. de Pompone aura besoin de toute sa raison pour oublier parfaitement ce pays-là [la cour], et pour reprendre la vie de Paris, Sévigné, 398. Vous voyez ma vie ces jours-ci, ma chère fille ; j'ai de plus la douleur de ne vous avoir point, Sévigné, 15 avril 1672. L'on y fait [à Bourbon] la vie des eaux, qui est tout uniforme et tout appliquée à la santé, Sévigné, 25 sept. 1687. Nous faisons une vie si réglée, qu'il n'est pas quasi possible de se mal porter, Sévigné, 29 juin 1689. La simplicité d'une vie particulière qui goûte doucement et innocemment ce peu de biens que la nature nous donne, Bossuet, Duch. d'Orl. Il [Abraham] mena toujours une vie simple et pastorale, Bossuet, Hist. I, 3. Jusque-là ils avaient mené une vie sauvage et brutale, Fénelon, Tél. II. Il sera impossible de s'imaginer une vie de courtisan plus brillante et plus délicieuse, Fontenelle, Dangeau. Si j'étais à Paris, j'y mourrais bien vite de la vie qu'on y mène, Voltaire, Lett. Vaines, 6 nov. 1776. Je m'imagine que la vie de château est une triste chose, Genlis, Théât. d'éduc. II, 4. Elles s'en allaient avec leurs époux, prêtes à recommencer le lendemain une vie qui ne différait de celle de la veille que par la date de l'almanach et la trace des années, Staël, Corinne, XIV, 1. Faire vie qui dure, ménager son corps, sa santé, ses ressources. On tâche de régler les rangs, afin de faire vie qui dure avec des gens si loin d'être rétablis, Sévigné, 506.

    Tourmenter sa vie, se donner beaucoup de mouvement, s'agiter.

    Rendre la vie dure à quelqu'un, le tourmenter, le chagriner à tout propos. Larochefoucauld aimait moins que médiocrement ses enfants, il leur rendait la vie fort dure, Saint-Simon, 229, 71.

  • 14La vie considérée au point de vue moral. Rien n'est si difficile, selon le monde, que la vie religieuse ; rien n'est plus facile que de la passer selon Dieu, Pascal, Pens. XXIV, 27. Tous les grands divertissements sont dangereux pour la vie chrétienne ; mais, entre tous ceux que le monde a inventés, il n'y en a point qui soit plus à craindre que la comédie, Pascal, ib. XXIV, 64. Il [le cardinal de Retz] se porte très bien, et fait une vie très religieuse, Sévigné, 31 juill. 1675. On n'a ici nulle attention à la vie, et on compte pour tout de recevoir les sacrements à la mort, Maintenon, Lett. à Mme de Brinon, t. II, p. 249, dans POUGENS.

    Certificat de bonne vie et mœurs, certificat constatant qu'une personne a une conduite régulière. Vos actes de foi et informations de vie et mœurs n'arrivèrent que le propre jour qu'on tenait le premier chapitre, et par conséquent trop tard, Sévigné, 514. De sa vie et mœurs il faut faire d'abord quelque information, Dancourt, Enf. de Paris, v, 1.

    Familièrement. Faire vie de garçon, mener une vie libre et peu régulière.

    Familièrement. Mener une vie de bohême, vivre comme un bandit, comme un homme qui n'a ni feu ni lieu.

    Femme de mauvaise vie, prostituée. Lorsque dix ou douze chiens qui suivaient une chienne de mauvaise vie, vinrent à la suite de leur maîtresse se mêler parmi les jambes des musiciens, Scarron, Rom. com. I, 15.

    Un homme de mauvaise vie, un homme débauché, sans mœurs. Il est allé loger chez un homme de mauvaise vie, Sacy, Bible, Évang. St Luc, XIX, 7.

    Populairement. Mener une vie de cochon, vivre dans la crapule, dans la débauche.

  • 15Il se dit par rapport aux occupations et aux professions différentes de la vie. Une vie active, laborieuse. Vie active. Vie contemplative. La vie des champs. La vie des camps. Nous avons vu qu'Abraham suivait le genre de vie que suivirent les anciens hommes, Bossuet, Hist. II, 2. Ceux qui de Dominique ont embrassé la vie, Voltaire, Henr. v. La vie religieuse est un combat, et non pas un hymne, Staël, Corinne, x, 5.
  • 16 Absolument. La vie, la manière dont se comporte le monde. Que voulez-vous ? c'est la vie. Un caractère essentiel de la langue française, celui qui la rend si propre aux sciences, aux affaires, à la vie, celui qu'elle ne peut perdre sans changer tout à fait, la clarté…, Villemain, Dict. de l'Acad. Préface.

    Dans la vie, dans l'usage habituel. Dans la vie, le jour est l'intervalle de temps depuis le lever jusqu'au coucher du soleil, Laplace, Exp. I, 3.

  • 17 Fig. Il se dit de ce qui fait la principale affection, la principale occupation. L'étude est sa vie. La moitié de ma vie [mon amant] a mis l'autre [mon père] au tombeau, Corneille, Cid, III, 3. Votre amour est ma vie, et ma vie est à vous, Corneille, Sertor. III, 4. Je suis toute à vous, ma très chère, et cette amitié fait ma vie, Sévigné, 292. Vous devez passer votre vie à aimer et à penser ; c'est la véritable vie des esprits, Voltaire, Micromégas, 7. L'Indien s'enfonça dans la cyprière, non sans tourner la tête vers le lieu où reposait la vie de sa vie [son ami], Chateaubriand, Natch. XI.
  • 18Histoire, récit des choses remarquables de la vie d'un homme. Les vies des saints. Je me divertis à faire la vie de mon exempt, qui était aussi fripon que Lazarilles de Tormes, Retz, IV, 283. Il [l'évêque du Puy] a fait la vie de ma grand'mère, Sévigné, 406. On appelle Histoire auguste celle de six auteurs latins qui ont écrit les vies des empereurs romains depuis Adrien jusqu'à Carin, Rollin, Hist. anc. liv. XXV, ch. II, 2. Presque toutes les vies des hommes célèbres ont été défigurées par des contes, Voltaire, Mél. litt. Lett. sur Rabelais, I. L'occupation pour les jours de pluie, fréquents en ce pays, est d'écrire ma vie : non ma vie extérieure comme les autres ; mais ma vie réelle, celle de mon âme, l'histoire de mes sentiments les plus secrets, Rousseau, Lett. à milord Maréchal, Corresp. t. II, p. 80, dans POUGENS.

    On met un grand V, quand il s'agit d'un ouvrage portant ce titre. Les Vies de Plutarque. Avez-vous lu la Vie du grand Théodose, par l'abbé Fléchier ? je la trouve belle, Sévigné, 29 mai 1679.

    Il nous a raconté toute sa vie, il nous a fait le récit de tout ce qui lui est arrivé.

    On dit dans le même sens : mémoires de sa vie.

  • 19 Familièrement, vie, avec quelque épithète, crierie qu'on fait en querellant, en réprimandant. Ce sont des vies continuelles dans cette maison. Mais vous pensez en vain chercher une défaite ; Demandez-lui, monsieur, quelle vie on m'a faite, Corneille, Suite du Ment. III, 3. Dieu sait la vie… elle tance Isabeau, La Fontaine, Cloch. Il [un enfant malade] dit qu'il veut seulement le faucon De Frédéric, pleure et mène une vie à faire gens de bon cœur détester, La Fontaine, Faucon. Votre frère est à Saint-Germain ; il est entre Ninon et une comédienne, et Despréaux sur le tout ; nous lui faisons une vie enragée, Sévigné, 29. Bon Dieu ! si j'en avais fait autant [se baigner dans une rivière], quelle vie vous me feriez ! Sévigné, 19 août 1676.
  • 20Arbre de vie, thuya.
  • 21 Terme d'alchimie. Vie et mort, le soufre et le mercure des philosophes.
  • 22 Par forme de serment. Sur la vie, très certainement ou très expressément. Je vous en déferai, bon homme, sur ma vie, La Fontaine, Fabl. IV, 4. Gardez-vous sur votre vie, D'ouvrir que l'on ne vous die, Pour enseigne et mot du guet : Foin du loup et de sa race, La Fontaine, Fabl. IV, 15.

    Merci de ma vie ! espèce de jurement populaire. Eh ! merci de ma vie ! il en irait bien mieux, Si tout se gouvernait par ses ordres pieux, Molière, Tart. I, 1.

    Vertu de ma vie ! autre jurement. Vertu de ma vie ! à tout moment il me prend envie d'aller en Poitou, Scarron, Œuv. t. I, p. 180.

  • 23En vie, loc. adv. Vivant. C'est par là qu'on publie Ce prodige étonnant d'Héraclius en vie, Corneille, Héracl. II, 1. On croit que, quand on leur arrache le cœur [aux vipères, pour en faire du bouillon], c'en est fait, qu'on n'en entendra plus parler ; point du tout ; elles sont encore en vie, elles remuent encore, Sévigné, 382. Ton oncle, dis-tu, l'assassin, M'a guéri d'une maladie : La preuve qu'il ne fut jamais mon médecin, C'est que je suis encore en vie, Boileau, Épigr. XX. Il faudrait que je fusse mort pour être indifférent ; il est vrai que je ne suis guère en vie, et qu'on peut même, dans sa quatre-vingt-troisième année, n'être pas fort exact à écrire, quand on est accablé de maladies comme je le suis, Voltaire, Lett. Delille, 14 mars 1776. Vous êtes en vie ; mais comment ? vous n'en saurez jamais rien, Voltaire, Lett. M. L. C. 1768. Aimer un mari mort ! fi donc ! quelle folie ! On a bien de la peine à les aimer en vie, Legrand, Famille extrav. sc. 11.
  • 24Tout en vie, plein de vie, d'avenir, de force. Ce prélat [l'évêque d'Angers]… hormis la vue, est encore tout en vie à quatre-vingt-douze ans passés, Sévigné, 21 mars 1689. Un abbé de la Mothe… est mort tout en vie en deux jours, lorsqu'il se vantait de sa santé, Sévigné, 21 mars 1689. Barbezieux mourut tout en vie avec fermeté au milieu de sa famille, Saint-Simon, 85, 103.

    Terme de menuisier. Tout en vie ou à vif, se dit d'une planche qui entre dans une autre ou dans un bâti, sans qu'on ait rien diminué de son épaisseur ; se dit semblablement d'une porte, etc.

  • 25De la vie, de ma vie, de sa vie, etc. loc. adv. avec la négation, jamais. De ma vie je n'ai vu pareille chose. Vous n'avez de votre vie été si jeune que vous êtes, et je vois des gens de vingt-cinq ans qui sont plus vieux que vous, Molière, l'Av. II, 6. Des notions que vous n'effacerez de la vie, Rousseau, Ém. I.
  • 26Pour la vie, à la vie et à la mort, pour toujours. Je suis son ami pour la vie. Ils se séparent pour la vie. Je suis aise, messieurs, de vous déclarer à tous que j'aime Rosny plus que jamais, et que, entre lui et moi, c'est à la vie et à la mort, Collé, Partie de chasse de Henri IV, I, 6.

    Pour la vie, signifie aussi pour longtemps. Cette étoffe est excellente, on en a pour la vie.

  • 27À vie, loc. adv. Pendant tout le temps qu'on a à vivre. Une pension à vie. Bail à vie. Emploi à vie. Je ne sais point faire marché à vie ; c'est un métier trop périlleux, Regnard, Sérénade, sc. 1.

    On dit dans le même sens : Ma vie durant, sa vie durant. Il a la jouissance de cette maison, sa vie durant.

  • 28Frères de la vie commune, société fondée par Gérard Groot en 1384, où des personnes de savoir et de piété, vivant en commun de leur apport, s'occupaient à instruire la jeunesse.

PROVERBES

Telle vie, telle fin, ou telle vie, telle mort, c'est-à-dire on meurt de la même manière qu'on a vécu.

Vie de cochon, courte et bonne vie passée dans la crapule, et abrégée par les excès.

Qui a temps a vie, on a chance de sauver sa vie, ses biens, quand on a devant soi du temps, du loisir.

On a toujours plus de biens que de vie, se dit comme leçon aux avares qui se tuent pour en amasser.

C'est une vie de chien, se dit d'une vie mesquine, chétive, malheureuse.

On dit chienne de vie, dans le même sens. Quel chien de train, quelle chienne de vie ! Rousseau J.-B. Épigr. IV, 5.

HISTORIQUE

XIe s. La mortel vithe li prist mult à blasmer ; De la celeste li mostret veritet, St Alexis, XII. La vithe est fraile, n'i ad durable honur, ib. XI. Out [il eut] pais de vie et de membre, Lois de Guill. 1. En Saragoce menez vostre ost banie ; Metez le sege [assiégez] à [pendant] tute vostre vie, Ch. de Rol. XI. N'aurez mais guere en tute vostre vie, ib. XLIII. Si calengez e vos morz e vos vies, ib. CXLI. Deux ! dist li reis, si penuse est ma vie, ib. CCXCIII.

XIIe s. De mort à vie [tu] suscitas Lazaron, Ronc. p. 48. Jamais en vie un seul ne reverrez, ib. p. 101. Fors seul itant qu'ele ne me fait don De li [l'] aimer pour alonger ma vie, Couci, II. En vostre amour, qui donra mort ou vie, ib. XX. À prendre li convient [il lui faut] vie d'home sauvage, Et gesir mainte nuit alvent et al orage, Sax. XXVI. Mult sovent le blasmeient que tel vie meneit, Kar il ert [était] granment fiebles, e trop se destreigneit, Th. le mart. 93.

XIIIe s. Gloire done au preudome une seconde vie, c'est-à-dire que après sa mort la renomée qui remaint [reste] de ses bones oevres fait sembler que il soit encore en vie, Latini, Trésor, p. 450. La vie active est l'innocence des bones oevres, Latini, ib. p. 458. L'un ot non Carloman, qui fu de bonne vie, Berte, II. Car nus [nul] ne vient à vie [que] ne conviene finer, ib. III. Se j'avoie cent vies…, ib. XLVI. Se Diex lui donnoit vie, qui sur tout a pooir, ib. LXV. Et ainsi [elle] nous formaine par sa mauvaise vie, ib. LXXII. Dont [donc] ne li faites mie du cor la vie oster, ib. XCVII. Ne porquant il emporte le [la] saiszine, dusqu'à tant que li engagemens à vie sera provés, Beaumanoir, XXIV, 4. Touz crioient à nostre Seigneur que il li donnast bone vie et longue, Joinville, 202.

XIVe s. Li tournoys commencha, à chascune partie ; Qui veïst chevalier demener gaie vie…, Beaud. de Seb. III, 753. Nourrie avoit [elle] esté de petite vie, comme du labour de son pere, Ménagier, I, 6. Item que toutes les filles de vie [filles publiques]… facent leurs bouticles es lieux à ce ordonnez d'ancienneté, Du Cange, vita.

XVe s. Et pour ce que de jone vie Te voi [je te vois]…, Froissart, Espin. amour. Disoyent bien entre eux : certes se le comte peut, il nous destruira tous ; il nous aime bien, il n'en veut que les vies, Froissart, liv. II, p. 81, dans LACURNE. Nous nous vendrions cherement, tellement qu'on en parleroit cent ans après nos vies, Froissart, liv. I, p. 410. Et luy fut dit et deffendu de par le duc de Glocestre, qu'il ne s'embesongnast plus, si cher comme il aimoit sa vie, des besongnes du roy d'Angleterre, Froissart, liv. III, p. 226. Et je et tous ceux que je pourrai prier, y mettrons les vies [nous exposerons notre vie pour cela], Froissart, I, I, 4. Ung malade s'en gueriroit, Et ung mort reviendroit en vie, Orléans, Rondeau. Il ne fit nulle execution contre ces malfaiteurs, jusqu'à ce qu'il pust prouver leur vie [conduite], Monstrelet, I, 47. Nulz ne puet estre parfait, Ne mener joieuse vie, S'amour joieux ne le fait, Qui soutient chevalerie ; Elle seroit tost perie… Il n'est vie que d'amer, Deschamps, Poésies mss, f° 163. Se ceans aucun parle de Bruyant devant luy, il maine telle vie que à peine le peult on appaiser, Perceforest, t. IV, f° 27.

XVIe s. La vie est une fleur espineuse et poignante, Belle au lever du jour, seiche en son occident, Desportes, Œuvres chrestiennes, sonnets, 12. L'humaine vie à bon droit se compare Aux vaines fleurs dont le printans se pare, Desportes, Épitaphes, Diane, complainte. Vous avez pris le secret sur votre vie, et sur votre vie tombera la punition, Marguerite de Navarre, Nouv. LXX. Par vostre lectre j'ay receu une nouvelle vie, dont je vous proumets, Monseigneur, j'avois besoing, Marguerite de Navarre, Lettre CIV. Il gaigne sa vie à se faire voir, Montaigne, I, 109. Je suis d'advis que tu quittes cette vie là, ou la vie tout à faict, Montaigne, I, 251. C'estoit un mangeur excessif ; car il devoroit la vie de neuf ou dix personnes pour le moins, à un repas, Despériers, Contes, LXXV. Montluc travailla si bien, et fit si bien travailler l'evesque de Dax, Bazin de Blois, qui sçavoit sa vie [son métier] à ce jeu là, et autres emissaires, que…, D'Aubigné, Hist. II, 65. Ou bien qu'il participoit au butin, car il en estoit de grand vie [grand coureur de filles], Carloix, VI, 4. L'oye, entre tous les oyseaux de riviere, et qu'on appelle de l'une et l'autre vie, pour se nourrir en terre et en eau, est celui qui desire le moins l'humidité, De Serres, 372. Joyeuse vie pere et mere oublie, Génin, Récréat. t. II, p. 241.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

VIE, s. f. (Physiolog.) c’est l’opposé de la mort, qui est la destruction absolue des organes vitaux, sans qu’ils puissent se rétablir, ensorte que la plus petite vie est celle dont on ne peut rien ôter, sans que la mort arrive ; on voit que dans cet état délicat, il est difficile de distinguer le vivant du mort ; mais prenant ici le nom de vie dans le sens commun, je la définis un mouvement continuel des solides & des fluides de tout corps animé.

De ce double mouvement continuel & réciproque, naît la nutrition, l’accroissement auquel succede le décroissement & la mort. Voyez tous ces mots. C’est assez de dire ici que de ce mouvement résulte la dissipation des parties aqueuses, mobiles, fluides, le reste devient impropre à circuler, & fait corps avec le tuyau qu’il bouche. Ainsi l’épaississement des humeurs, l’ossification des vaisseaux, sont les tristes mais nécessaires effets de la vie. La physiologie démontre comment la machine se détruit par nuances, sans qu’il soit possible de l’empêcher par aucun remede, & l’auteur des caracteres en a fait un tableau d’après nature. Le voici :

Irene se transporte à grands frais en Epidaure, voit Esculape dans son temple, & le consulte sur tous ses maux. D’abord elle se plaint qu’elle est lasse & recrue de fatigue ; & le dieu prononce que cela lui arrive par la longueur du chemin qu’elle vient de faire : elle dit qu’elle est le soir sans appetit ; l’oracle lui ordonne de diner peu : elle ajoute qu’elle est sujette à des insomnies ; & il lui prescrit de n’être au lit que pendant la nuit : elle lui demande pourquoi elle devient pesante, & quel remede ; l’oracle répond qu’elle doit se lever avant midi, & quelquefois se servir de ses jambes pour marcher : elle lui déclare que le vin lui est nuisible ; l’oracle lui dit de boire de l’eau : qu’elle a des indigestions ; & il ajoute qu’elle fasse diette : ma vue s’affoiblit, dit Irene ; prenez des lunettes, dit Esculape : je m’affoiblis moi-même, continue-t-elle, je ne suis ni si forte ni si saine que j’ai été ; c’est, dit le dieu, que vous vieillissez : mais quel moyen de guérir de cette langueur ? le plus court, Irene, c’est de mourir, comme ont fait votre mere & votre ayeule.

Vous trouverez le commentaire de ce tableau au mot Vieillesse. (D. J.)

Vie, durée de la vie, (Arithm. polit.) M. Derham tire des différentes durées de la vie, au commencement du monde, après le déluge, & de notre tems, un argument en faveur de la Providence divine. D’abord après la création, où il n’y avoit au monde qu’un seul homme & qu’une seule femme, l’âge ordinaire fut de neuf cens ans & plus ; immédiatement après le déluge, où il y avoit trois personnes pour renouveller le monde, il ne lui fut accordé qu’un âge moins long, & de ces trois patriarches il n’y a eu que Sem qui soit arrivé à cinq cens ans ; dans le second siecle du monde nous ne voyons personne qui ait atteint deux cens quarante ans ; dans le troisieme, presque personne qui soit parvenu à deux cens ans ; le monde, ou au moins une partie, étant alors si bien peuplée qu’on y avoit déja bâti des villes & formé des établissemens à d’assez grandes distances les uns des autres. Peu-à-peu, & à mesure que les peuples se sont accrus en nombre, la durée de la vie a diminué jusqu’à devenir enfin de 70 ou 80 ans, & elle a resté à ce degré depuis Moise.

L’auteur trouve que par ce moyen le monde n’a dû être jamais ni trop ni trop peu peuplé, mais qu’il doit être né à-peu-près autant de personnes qu’il en est mort.

La durée ordinaire de la vie de l’homme, a été la même dans tous les âges, depuis que le monde a achevé de se peupler ; c’est une chose que l’histoire sacrée & l’histoire profane prouvent également. Pour n’en point rapporter d’autres preuves, Platon a vêcu quatre-vingt un ans, & on le regardoit comme un vieillard, & les exemples de longues vies que Pline produit comme très-extraordinaires, l. VII. c. xlviij. peuvent pour la plûpart se rencontrer dans les histoires modernes, & en particulier dans l’histoire naturelle du docteur Plott. Il parle entr’autres de douze vassaux d’un même seigneur, qui à eux douze faisoient plus de mille ans, pour ne rien dire du vieux Parrk qui a vêcu cent cinquante-deux ans neuf mois, ni de H. Jenkins, de Yorkshire, qui vêcut cent soixante neuf ans, ni de la comtesse de Demonde, ou de M. Teklestone, tous deux Irlandois, & qui passerent l’un & l’autre cent quarante ans. Chambers.

Vers la fin du dernier siecle, M. Guillaume Petit, Anglois, avoit essayé d’établir l’ordre de la mortalité des hommes par le moyen des registres mortuaires de Londres & de Dublin ; mais comme ces deux villes sont très-commerçantes, un grand nombre d’étrangers viennent s’y établir & y meurent ; ce qui fait que les registres mortuaires de ces villes ne peuvent servir à établir l’ordre de la mortalité générale du genre humain, parce qu’il faudroit, s’il étoit possible, un endroit d’où il ne sortît personne, & où il n’entrât aucun étranger. Le docteur Haley avoit choisi la ville de Breslaw pour composer une table des probabilités de la vie humaine, par la raison qu’il sort, ou du-moins qu’alors il sortoit peu de monde de cette ville, & qu’il y venoit peu d’étrangers. Il avoit déduit plusieurs usages de cette table, entre autres la maniere de déterminer la valeur des rentes viagere simples. M. Simpson a fait imprimer à Londres, en 1742. un ouvrage sur la même matiere ; mais il est parti d’après une table établie sur l’ordre de la mortalité des habitans de Londres ; ce qui fait qu’on doit peu compter sur les conséquences qu’il en tire, à cause des raisons que nous avons indiquées tout-à-l’heure. M. Kerseboom a travaillé sur le même sujet, & a fait plus de recherches qu’aucun autre ; il a composé une table pour établir l’ordre de mortalité des provinces de Hollande & de West-frise, par des observations faites depuis près d’un siecle. Voyez Mortalité.

Cependant ce que nous avons de plus achevé dans ce genre, c’est l’ouvrage de M. de Parcieux, de la société royale de Montpellier, intitulé, Essai sur les probabilités de la durée de la vie humaine, Paris 1745. in 4°. Ce dernier auteur a été beaucoup plus loin que tous les précédens, & il est en particulier le premier qui ait fait l’application de l’ordre de mortalité aux tontines simples, & à celles qui sont composées. Il y a de grands avantages à déterminer exactement l’ordre de mortalité ; lorsqu’un état ou des particuliers veulent se charger de rentes viageres, il faut que le prêteur, comme l’emprunteur, sachent ce qu’ils doivent donner équitablement aux rentiers de différens âges. La matiere n’est pas moins intéressante pour ceux qui achetent des maisons ou d’autres biens à vie ; & enfin pour ceux qui font quelques pensions, & qui veulent examiner quel fonds ils donnent. Parmi les diverses manieres d’établir l’ordre de mortalité, M. de Parcieux a préféré de se servir des deux tontines qui ont été créées, l’une en Décembre 1689, & l’autre en Février 1696. Cette tontine avoit été divisée en différentes classes, pour différens âges de cinq ans en cinq ans. Tous les enfans depuis un an jusqu’à cinq exclusivement, composoient la premiere classe ; les enfans depuis cinq jusqu’à dix, la seconde classe ; & ainsi de suite. M. de Parcieux en a formé une table, & dans une des colonnes, il a placé ceux qui sont morts chaque année, & dans une autre il indique le nombre qui reste de cette classe, à mesure que les survivans acquerent un âge plus avancé ; connoissant le nombre de morts qu’il y a eu dans le courant de chaque année, il est facile de marquer ceux qui vivent au commencement de l’année suivante. Après avoir ainsi disposé dans les diverses classes, & pour les différens âges, ceux qui mouroient & ceux qui vivoient, l’auteur a cherché les rapports moyens selon lesquels sont morts tous les rentiers dans les différens âges, & dans toutes les différentes classes. Pour y parvenir il a fallu placer dans une colonne, tout ce qu’il y avoit eu de rentiers vivans du même âge, comme de vingt ans ou de vingt-cinq ans, &c. & dans une autre colonne ce qu’il y en restoit cinq ans après ; & prenant la somme totale de part & d’autre, la comparaison indique ce qu’il a de personnes vivantes dans toutes les classes, cinq ans après & cinq ans auparavant ; enfin repetant la même opération pour chaque lustre, on parvient à l’ordre moyen de mortalité qu’on cherchoit. Il est vrai que cet ordre de mortalité établi pour les rentiers, ne doit pas être pris en rigueur pour celui de tout le monde indistinctement ; mais outre qu’il sera toujours appliquable à tous les rentiers, c’est qu’il faudra suivre le même principe, lorsqu’on voudra déterminer l’ordre de mortalité de tous les hommes.

Les rapports moyens de mortalité étant trouvés, & pour toutes les classes, M. de Parcieux a supposé un nombre de personnes, comme 1000 ; toutes ayant l’âge de trois ans, & il a cherché par le calcul, combien il en devoit rester à l’âge de sept ans, de douze, de dix-sept, de vingt-deux, &c. de cinq en cinq ans ; puis il en a formé une table. Les rapports qu’il indique sont un peu plus grands que ceux des tables de Mrs. Halley & Kerseboom ; mais si l’on y fait attention, on s’appercevra qu’il en doit être ainsi, parce que l’ordre moyen qu’établit M. de Parcieux, est d’après les tontiniers, qui sont pour la plûpart des gens que l’on a choisis, & que M. de Parcieux a supposé que ces mille personnes étoient des enfans de trois ans, qui ont par conséquent échappé à un grand nombre de dangers auquel la premiere enfance est sujette. Au contraire, l’ordre moyen de mortalité, trouvé par ceux que nous venons d’indiquer, est pour tous les hommes pris indifféremment ; il doit en mourir un plus grand nombre. Il résulte encore de cette théorie quantité de conséquences utiles & agréables, dans le détail desquelles nous ne saurions entrer. Ceux qui n’ont pas l’ouvrage même de M. de Parcieux, pourront recourir à l’extrait qu’en donne le journal des savans, dans le mois de Février 1745. art. 5.

M. de Parcieux nous donne dans son ouvrage la table suivante, qui contient la comparaison de toutes celles qui ont été faites sur la durée de la vie des hommes.

Table. Comparaisons des différentes tables qui ont été faites pour montrer l’ordre de mortalité du genre humain, ou les probabilités que les personnes de chaque âge ont de vivre jusqu’à un autre âge.


  Ordre établi par M. Smart, sur les registres mortuaires de Londres, et rectifié par M. Simpson. Ordre établi par M. Halley, sur les registres mortuaires de Breslau. Ordre établi par M. Kerseboom sur les rentiers viagers de quelques villes de la Hollande ; & autres observations. Ordre établi par l’auteur sur les listes des tontines de 1689 et 1696
Ages. Morts
de
chaque
âge.
Per-
sonnes
vi-
vantes
à
chaque
âge.
Vies
moyennes.
Morts
de
chaque
âge.
Per-
sonnes
vi-
vantes
à
chaque
âge.
Vies
moyennes.
Morts
de
chaque
âge.
Per-
sonnes
vi-
vantes
à
chaque
âge.
Vies
moyennes.
Morts
de
chaque
âge.
Per-
sonnes
vi-
vantes
à
chaque
âge.
Vies
moyennes.
ans. mois. ans. mois. ans. mois. ans. mois.
0 410 1280 19 4       275 1400 34 6      
1 170 870 27 3 145 1000 33 6 50 1125 41 9    
2 6 700 32 9 47 855 38 0 45 1075 42 8    
3 35 635 35 0 38 798 39 9 37 1030 43 6 30 1000 47 8
4 20 600 36 0 28 760 40 9 29 993 44 2 22 970 48 1
5 16 580 36 3 22 732 41 3 17 964 44 5 18 948 48 3
6 13 564   18 710   17 947 44 3 15 930 48 2
7 10 551   12 692   17 930 44 0 13 915 48 0
8 9 541   10 680   9 913 43 9 12 902 47 8
9 8 532   9 670   9 904 43 3 10 890 47 4
10 7 524 34 11 8 661 40 5 9 895 42 8 8 880 46 10
11 7 517   7 553   8 886 42 2 6 872 46 3
12 6 510   6 646   8 878 41 3 7 866 45 8
13 6 504   6 640   7 870 40 11 6 860 44 11
14 6 498   6 634   7 863 40 3 6 824 44 2
15 6 492 32 1 6 628 37 6 7 856 39 7 6 848 43 6
16 6 486   6 622   7 849 38 11 7 842 42 10
17 5 480   6 616   7 842 38 3 7 835 42 2
18 6 474   6 610   7 835 37 7 7 828 41 6
19 6 468   6 604   9 826 36 11 7 821 40 10
20 7 462 28 11 6 598 34 2 9 817 36 3 8 814 40 3
21 7 455   6 592   8 808 35 7 8 806 39 7
22 7 448   6 586   8 800 35 0 8 798 39 0
23 7 441   6 580   9 792 34 5 8 790 38 5
24 8 434   6 574   11 783 33 10 8 782 37 9
25 8 426 26 2 7 567 30 11 12 772 33 3 8 774 37 2
26 8 418   7 560   13 760 32 8 8 766 36 7
27 8 410   7 553   12 747 32 1 8 758 35 11
28 8 402   7 546   12 735 31 6 8 750 35 4
29 9 394   8 539   12 723 31 0 8 742 34 8
30 9 385 23 9 8 531 27 11 12 711 30 6 8 734 34 1
31 9 376   8 523   12 699 30 1 8 726 33 5
32 9 367   8 515   12 687 29 8 8 718 32 10
33 9 358   8 507   10 675 29 3 8 710 32 2
34 9 349   9 499   10 665 28 10 8 702 31 6
35 9 340 21 6 9 490 25 0 10 655 28 4 8 694 30 11
36 9 331   9 481   10 645 27 10 8 686 30 3
37 9 322   9 472   10 635 27 3 7 678 29 7
38 9 313   9 463   10 625 26 8 7 671 28 11
39 10 304   9 454   10 615 26 1 7 664 28 2
40 10 294 19 5 9 445 22 4 9 605 25 6 7 657 27 6
41 10 284   9 436   9 596 24 10 7 650 26 9
42 10 274   10 427   9 587 24 2 7 643 26 1
43 9 264   10 417   9 578 23 6 7 636 25 4
44 9 255   10 407   9 569 22 11 7 629 24 7
45 9 246 17 10 10 397 19 8 10 560 22 4 7 622 23 11
46 9 237   10 387   10 550 21 9 8 615 23 2
47 8 228   10 377   10 540 21 2 8 607 22 5
48 8 220   10 367   12 530 20 7 9 599 21 9
49 8 212   11 357   11 518 20 0 9 590 21 1
50 8 204 15 10 11 346 17 3 12 507 19 5 10 581 20 5

51 8 196   11 335   13 495 18 10 11 571 19 9
52 8 188   11 324   12 482 18 4 11 560 19 1
53 8 180   11 313   12 470 17 10 11 549 18 6
54 7 172   10 302   12 458 17 3 12 538 17 10
55 7 165 14 0 10 292 14 10 12 446 16 9 12 526 17 3
56 7 168   10 282   13 434 16 2 12 514 16 8
57 7 151   10 272   13 421 15 8 13 502 16 0
58 7 144   10 262   13 408 15 2 13 489 15 5
59 7 137   10 252   13 395 14 7 13 476 14 10
60 7 130 12 2 10 242 12 5 13 382 14 1 13 463 14 3
61 6 123   10 232   13 369 13 7 13 450 13 8
62 6 117   10 222   13 356 13 1 14 437 13 0
63 6 111   10 212   13 343 12 7 14 423 12 5
64 6 105   10 202   14 329 12 1 14 409 11 10
65 9 99 10 2 10 192 9 11 14 315 11 7 15 395 11 3
66 6 93   10 182   14 301 11 1 16 380 10 8
67 6 87   10 172   14 287 10 7 17 364 10 1
68 6 81   10 162   14 273 10 1 18 347 9 7
69 6 75   10 152   14 259 9 7 19 329 9 1
70 5 69 8 6 11 142 7 7 14 245 9 2 19 310 8 8
71 5 64   11 131   14 231 8 8 20 291 8 2
72 5 59   11 120   14 217 8 2 20 271 7 9
73 5 54   11 109   14 203 7 9 20 251 7 4
74 4 49   10 98   14 189 7 3 20 231 6 11
75 4 45 6 9 10 88 5 7 15 175 6 10 19 211 6 6
76 3 41   10 78   15 160 6 5 19 192 6 1
77 3 38   10 68   15 145 6 0 19 173 5 9
78 3 35   9 58   15 130 5 8 18 154 5 4
79 3 32   8 49   15 115 5 4 18 136 5 0
80   29 4 8 7 41 4 6 13 100 5 0 17 118 4 0
81       6 34   12 87 4 9 16 101 4 5
82 5 28 11 75 4 5 14 85 4 1
83 3 23 9 64 4 1 12 71 3 10
84   20 3 6 10 55 3 8 11 59 3 6
85       9 45 3 4 10 48 3 2
86             8 36 1 1 9 38 2 11
87 7 28 2 10 7 29 2 8
88 6 21 2 7 6 22 2 4
89 5 15 2 5 5 16 2 0
90 3 10 2 2 4 11 1 9
91             2 7 2 0 3 7 1 6
92 2 5 1 9 2 4 1 3
93 1 3 1 6 1 2 1 0
94 1 2 1 0 1 1 0 6
95 1 1 0 6   0 0 0
96               0        
97
98
99
100


Explication de cette table. Les nombres 1, 2, 3, 4, &c. jusqu’à 100, qu’on trouve dans la premiere colonne de la table, marquent les âges pour toutes les autres colonnes de la table.

La largeur de chacune des grandes colonnes qui ont pour titre ordre établi, &c. est divisée en trois autres petites colonnes. Les nombres de la premiere de ces trois colonnes, montrent l’ordre moyen de mortalité du nombre de personnes qu’on voit au haut de chaque colonne du milieu, selon les différentes observations que chaque auteur a eues ; les autres nombres de chaque colonne du milieu, montrent la quantité de personnes qui restent à chaque âge ; ainsi, selon M. Halley, qui est l’auteur du second ordre de 1000 personnes, qu’il suppose dans l’âge courant d’une année, il en doit communément mourir 145 pendant la premiere année, 57 pendant la seconde année, 38 pendant la troisieme année, & ainsi de suite, comme on le voit dans la colonne des morts de chaque âge. Par là, des 1000 personnes qu’il suppose à l’âge d’un an, il n’en doit communément rester que 855 à l’âge de deux ans, que 798 à l’âge de trois ans, que 732 à l’âge de cinq ans, & seulement la moitié ou environ à l’âge de 34 ans. M. Kerseboom, auteur du troisieme ordre, prétend que de 14000 enfans naissans, il n’y en a que 11025 qui arrivent à l’âge d’un an complet, 1075 à l’âge de deux ans, 964 à l’âge de cinq ans, &c.

Et selon l’ordre moyen établi d’après les listes des tontines, de 1000 rentiers qui ont l’âge de trois ans, il en meurt 30 pendant la premiere année, 22 pendant la seconde, & ainsi du reste, comme le montre la colonne des morts de chaque âge de cet ordre ; par là il n’en reste que 948 à l’age de cinq ans, que 880 à l’âge de dix ans, que 734 à l’âge de trente ans, &c. d’où l’on tire les probabilités qu’il y a qu’un rentier d’un âge déterminé ne mourra pas dans un tems donné.

Selon M. de Parcieux, l’ordre de mortalité de M. de Kerseboom peut servir de regle pour la mortalité du monde indistinctement, & le sien pour la mortalité des rentiers à vie.

M. de Parcieux ayant fait un recueil de plus de 3700 enfans nés à Paris, a trouvé que leur vie moyenne n’est que de 21 ans & 4 mois, en y comprenant les fausses couches, & de 23 ans & 6 mois, si on ne les compte pas ; c’est vraissemblablement de toute la France l’endroit où la vie moyenne est la plus courte.

J’ai remarqué, dit M. de Parcieux, & on pourra le remarquer comme moi lorsqu’on voudra y faire attention, qu’à Paris les enfans des gens riches ou aisés, y meurent moins en général que ceux du bas peuple. Les premiers prennent des nourrices dans Paris ou dans les villages voisins, & sont tous les jours à portée de voir leurs enfans, & les soins que la nourrice en prend ; au lieu que le bas peuple qui n’a pas le moyen de payer cher, ne peut prendre que des nourrices éloignées, les peres & meres ne voient leurs enfans que quand on les rapporte ; & en général il en meurt un peu plus de la moitié entre les mains des nourrices, ce qui vient en grande partie du manque de soins de la part de ces femmes.

M. de Parcieux a aussi donne les tables de la durée de la vie des religieux, & ces tables font connoître que les religieux vivent un peu plus à présent qu’ils ne vivoient autrefois ; que les religieux de Ste Génevieve vivent un peu moins en général que les bénédictins ; & que les religieuses vivent plus que les religieux ; ce qui paroît confirmer ce que dit M. Kerséboom, qu’un nombre quelconque de femmes vivent plus entr’elles qu’un pareil nombre d’hommes, selon le rapport de 18 à 17.

Tout le monde croit, continue M. de Parcieux, que l’âge de 40 à 50 ans est un tems critique pour les femmes : je ne sai s’il l’est plus pour elles que pour les hommes, ou plus pour les femmes du monde que pour les religieuses ; mais quant à ces dernieres, on ne s’en apperçoit point par leur ordre de mortalité comparé aux autres.

On remarquera encore en comparant les ordres de mortalité des religieux à celui des rentiers, & à celui de M. Kerseboom, que c’est un faux préjugé de croire que les religieux & religieuses vivent plus que les gens du monde.

Il y a de vieux religieux à la vérité, mais bien moins qu’on ne croit ; c’est un fait qu’on ne sauroit contester, sans nier l’exactitude de leurs nécrologes.

L’ouvrage de M. de Parcieux étoit déjà sous la presse & bien avancé, lorsque M. le curé de S. Sulpice de Paris a fait imprimer l’état des baptêmes & morts de sa paroisse pour les 30 dernieres années.

« On voit par cet état que dans l’espace de 30 ans, il est mort dans la paroisse de S. Sulpice dix-sept filles, femmes mariées ou veuves, à l’âge de 100 ans, & qu’il n’y est mort que cinq hommes du même âge ; qu’il y est mort neuf femmes à l’âge de 99 ans, & seulement trois hommes ; dix femmes à l’âge de 98 ans, & point d’hommes : enfin il y est mort cent vingt-six femmes, & seulement quarante-neuf hommes au-delà de 90 ans. Les femmes vivent donc plus long-tems que les hommes, ainsi que l’a remarqué M. Kerseboom, & qu’on a dû le conclure par l’ordre de mortalité des religieuses, comparé à ceux des religieux.

» Le nombre total des hommes, c’est-à-dire garçons & hommes mariés ou veufs, est moindre que celui des femmes de trois cent quatre-vingt-quatorze ; & il y a avant l’âge de 10 ans neuf cent quatre-vingt-seize garçons morts plus que de filles. Les nombres des femmes qui sont mortes dans les autres âges, doivent donc être plus grands que ceux des hommes ; il arrive pourtant qu’il y a encore plus de garçons morts entre 10 & 20 ans, que de filles ou femmes. Il ne paroît pas par cet état qu’il y ait entre 10 & 20 ans, un âge plus critique pour les filles que pour les garçons.

» Il y a dix mille cent trente-sept femmes & huit mille sept cent cinquante-un hommes morts après l’âge de 30 ans. Si les nombres des femmes mortes à chaque âge en particulier, étoient proportionnés à ceux des hommes, eu égard aux deux sommes totales dix mille cent trente-sept & huit mille sept cent cinquante-un, qui restent à mourir après l’âge de 30 ans, il devroit y avoir deux mille cinq cent cinquante-six femmes mortes depuis 30 ans jusqu’à 45 ans, & il n’y en a que deux mille trois cent quinze ; il devroit y en avoir trois mille quarante-deux depuis l’âge de 45 ans jusqu’à soixante, & il n’y en a que deux mille quatre cent quarante-deux. On n’apperçoit pas plus ici qu’auparavant qu’il y ait entre 30 & 60 ans un âge plus critique pour les femmes que pour les hommes, au contraire, à en juger par cet état, il seroit bien plus critique pour les hommes que pour les femmes.

» Le nombre total des garçons morts est plus grand que celui des filles, parce qu’il y a bien plus de garçons qui ne se marient pas que de filles ; d’ailleurs la paroisse de S. Sulpice est remplie d’une quantité prodigieuse d’hôtels ou grandes maisons, où il y a beaucoup plus de domestiques garçons que filles.

» On voit dans cet état moins d’hommes mariés morts, que de femmes mariées, parce qu’il y a bien plus d’hommes qui se marient deux ou trois fois que de femmes ; les premiers sont beaucoup plus sujets que les dernieres à se trouver veufs dans un âge peu avancé à cause des suites de couches, & parce qu’ils trouvent bien plus aisément à se remarier que les femmes veuves, sur tout si elles sont chargées d’enfans : aussi y voit-on plus de femmes veuves que d’hommes veufs.

» Il y a plus de femmes mariées mortes avant l’âge de 20 ans, que d’hommes mariés ; cela doit être par deux raisons : 1°. on marie bien plus de filles avant l’âge de 20 ans que de garçons : 2°. les suites de couches sont, comme je l’ai déjà dit plusieurs fois, très-fâcheuses aux femmes qui ne nourissent pas leurs enfans. Les deux mêmes raisons subsistent jusqu’à 30 ans, & même jusqu’à 45 ans, surtout la derniere, parce qu’il s’agit ici de femmes mortes dans une paroisse de Paris ; mais elle ne seroit pas recevable, ou elle seroit du moins bien foible à l’égard des femmes qui nourrissent leurs enfans.

» Il paroît ainsi qu’on a dû le sentir, ou le conclure de ce que j’ai dit ci-devant, qu’on vit plus long-tems dans l’état de mariage, que dans le célibat. Le nombre des garçons qui sont morts depuis l’âge de 20 ans, est un peu plus de la moitié de la somme des hommes mariés & veufs morts depuis le même âge de 20 ans, il n’y a cependant que six garçons qui aient passé l’âge de 90 ans, & il y a quarante-trois hommes mariés ou veufs qui ont passé le même âge. Le nombre de filles qui sont mortes depuis l’âge de 20 ans, est presque le quart de la somme des femmes mariées ou veuves mortes depuis le même âge ; il n’y a cependant que quatorze filles qui aient passé l’âge de 90 ans, & il y a cent douze femmes mariées ou veuves qui ont été au-delà du même âge.

» Pendant les 30 mêmes années, il a été baptisé dans la paroisse de S. Sulpice 69600 enfans, dont 35531 garçons, & 34069 filles ; ce qui est à très-peu de chose près, comme 24 est à 23.

» Depuis 1720 il a été baptisé à Londres année commune, 17600 enfans par an, ou environ ; & il est mort 26800 personnes. Là le nombre des morts surpasse de beaucoup celui des naissances ; & au contraire il y a Paris plus de baptêmes que de morts ; car année commune il a été baptisé dans la paroisse de S. Sulpice 2320 enfans, & il n’y est mort que 1618 personnes. Il est vrai que par l’état général qu’on imprime tous les ans pour toutes les paroisses de Paris, on ne trouve pas une si grande différence ; mais il y a toujours plus de naissances que de morts, puisque selon ces états on baptise à Paris, année commune, 18300 enfans ou environ, & il n’y meurt que 18200 personnes. Au reste, ces états ont été faits avec trop peu de soin pour qu’on doive y compter ».

On peut voir un plus grand détail dans l’ouvrage que M. de Parcieux nous a donné sur ce sujet, & auquel nous renvoyons nos lecteurs, après en avoir extrait tout ce qui précede. L’auteur a donné une suite de cet ouvrage en 1760, dans laquelle on trouve encore d’autres tables de mortalité ; l’une d’après les registres d’une paroisse de campagne, & l’autre d’après les dénombremens faits en Suede. M. Dupré de S. Maur, de l’académie françoise, fait actuellement sur ce sujet de grandes recherches qu’il se propose, dit-on, de publier un jour ; & c’est d’après ces recherches déjà commencées depuis plusieurs années, que M. de Buffon nous a aussi donné une table de mortalité dans le III. vol. in-4°. de son Hist. naturelle, qui est entre les mains de tout le monde. C’est pour cela que nous ne transcrivons pas ici cette table. Voyez Mortalité & Arithmétique politique.

Vie morale, (Philosoph.) on appelle vie morale, celle qui s’étend avec gloire au-delà du tombeau.

La comparaison de la briéveté de cette vie mortelle, avec l’éternité d’une vie morale dans le souvenir des hommes, étoit familiere aux Romains, & a été chez eux la source des plus grandes actions. Le christianisme mal entendu, a contribué à faire perdre ce noble motif, si utile à la société. Il est pourtant vrai que l’idée de vivre glorieusement dans la mémoire de la postérité, est une chose qui flatte beaucoup dans le tems qu’on vit réellement. C’est une espece de consolation & de dédommagement de la mort naturelle à laquelle nous sommes tous condamnés. Ce ministre d’état, ce riche financier, ce seigneur de la cour, périront entierement lorsque la mort les enlevera. A peine se souviendra-t-on d’eux au bout de quelques mois ? A peine leur nom sera-t-il prononcé ? Un homme célebre au contraire, soit à la guere, soit dans la magistrature, soit dans les sciences & les beaux arts, n’est point oublié. Les grands du monde qui n’ont que leur grandeur pour apanage, ne vivent que peu d’années. Les grands écrivains du monde au contraire, sont immortels ; leur substance est par conséquent bien supérieure à celle de toutes les créatures périssables. Quo mihi rectius videtur, dit Salluste, ingenii quam virium opibus glorium quærere, & quoniam vita ipsa qua fruimur brevis est, memoriam nostri quàm maxime longam efficere. Telle est aussi la pensée de Virgile.

Stat sua cuique dies : breve & irreparabile tempus
Omnibus est vitæ ; sed famam extendere factis,
Hoc virtutis opus !


(D. J.)

Vie, (Morale.) ce mot se prend en morale pour la vie civile & les devoirs de la société, pour les mœurs, pour la durée de notre existence, &c.

La vie civile est un commerce d’offices naturels, où le plus honnête homme met davantage ; en procurant le bonheur des autres, on assure le sien.

L’ordre des devoirs de la société est de savoir se conduire avec ses supérieurs, ses égaux, ses inférieurs ; il faut plaire à ses supérieurs sans bassesse ; montrer de l’estime & de l’amitié à ses égaux ; ne point faire sentir le poids de son rang ou de sa fortune à ses inférieurs.

Les mœurs douces, pures, honnêtes entretiennent la santé, donnent des nuits paisibles, & conduisent à la fin de la carriere par un sentier semé de fleurs.

La durée de notre existence est courte, il ne faut pas l’abréger par notre déréglement, ni l’empoisonner par les frayeurs de la superstition. Conduits par la raison, & tranquilles par nos vertus :


Attendons que la Parque
Tranche d’un coup de ciseau
Le fil du même fuseau,
Qui devide les jours du peuple & du monarque ;
Lors satisfaits du tems que nous aurons vécu,
Rendons graces à la nature,
Et remettons-lui sans murmure,
Ce que nous en avons reçu.

Quand l’ame n’est pas ébranlée par un grand nombre de sensations, elle s’envole avec moins de regret ; le corps reste sans mouvement, on jette de la terre dessus, & en voilà pour une éternité. (D. J.)

Vie privée des Romains, (Hist. romaine.) nous entendons par ce mot la vie commune que les particuliers au-dessus du peuple menoient à Rome pendant le cours de la journée. La vie privée de ce peuple a été un point un peu négligé par les compilateurs des antiquités romaines, tandis qu’ils ont beaucoup écrit sur tous les autres sujets.

Les mœurs des Romains ont changé avec leur fortune. Ils vivoient au commencement dans une grande simplicité. L’envie de dominer dans les patriciens, l’amour de l’indépendance dans les plébéiens occupa les Romains de grands objets sous la république ; mais dans les intervalles de tranquillité, ils se donnoient tout entiers à l’agriculture. Les illustres familles ont tiré leurs surnoms de la partie de la vie rustique qu’ils ont cultivée avec le plus de succès, & la coutume de faire son principal séjour à la campagne prit si fort le dessus, qu’on institua des officiers subalternes nommés viateurs, dont l’unique emploi étoit d’aller annoncer aux sénateurs les jours d’assemblée extraordinaire. La plûpart des citoyens ne venoient à la ville que pour leurs besoins & les affaires du gouvernement.

Leur commerce avec les Asiatiques corrompit dans la suite leurs mœurs, introduisit le luxe dans Rome, & les assujettit aux vices d’un peuple qu’ils venoient d’assujettir à leur empire. Quand la digue fut une fois rompue, on tomba dans des excès qui ne firent qu’augmenter avec le tems ; les esclaves furent chargés de tout ce qu’il y avoit de pénible au-dedans & au-dehors. On distingua les esclaves de ville des esclaves de la campagne : ceux-ci étoient pour la nécessité, ceux-là pour le luxe ; & on eut recours à des concussions pour fournir à des profusions immenses.

Les Romains ont été 450 ans sans connoître dans la journée d’autre distinction que le matin, le midi & le soir. Ils se conformerent dans la suite aux cadrans introduits par Papirius Cursor & par Martius Philippus, pour la distinction des heures, que Scipion Nasica marqua le premier par l’écoulement de l’eau. Ils avoient communément des esclaves, dont l’unique emploi étoit d’observer les heures. Il y en avoit douze au jour, tantôt plus longues, tantôt plus courtes, selon la diversité des saisons. Les six premieres étoient depuis le lever du soleil jusqu’à midi : les six dernieres depuis midi jusqu’à la nuit.

La premiere heure étoit consacrée aux devoirs de la religion.

Les temples étoient ouverts à tout le monde, & souvent même avant le jour pour les plus matineux, qui y trouvoient des flambeaux allumés. Ceux qui ne pouvoient pas aller au temple, suppléoient à ce devoir dans leur oratoire domestique, où les riches faisoient des offrandes, pendant que les pauvres s’acquittoient par de simples salutations.

Au surplus, on ne doit point s’étonner de ce que leurs prieres étant si courtes, il leur falloit cependant pour cela une heure, & quelquefois plus. Le grand nombre de besoins réels ou imaginaires, la multiplicité des dieux auxquels il falloit s’adresser séparément pour chaque besoin, les obligeoit à bien des pélérinages, dont ceux qui savoient adorer en esprit & on vérité, étoient affranchis.

Mais cette premiere heure n’étoit pas toujours pour les dieux seuls. Souvent la cupidité & l’ambition y avoient meilleure part que la piété. Elle étoit employée, ainsi que la seconde heure, à faire des visites aux gens de qui on espéroit des graces ou des bienfaits.

Pour la troisieme heure, qui répondoit à nos neuf heures du matin, elle étoit toujours employée aux affaires du barreau, excepté dans les jours que la religion avoit consacrés, ou qui étoient destinés à des choses plus importantes que les jugemens, telles que les comices. Cette occupation remplissoit les heures suivantes jusqu’à midi ou la sixieme heure, suivant leur maniere de compter.

Ceux qui ne se trouvoient point aux plaidoyeries comme juges, comme parties, comme avocats ou comme solliciteurs, y assistoient comme spectateurs & auditeurs, & pendant la république, comme juge des juges mêmes. En effet, dans les procès particuliers, comme ils se plaidoient dans les temples, il n’y avoit guere que les amis de ces particuliers qui s’y trouvassent ; mais quand c’étoit une affaire où le public étoit intéressé, par exemple, quand un homme au sortir de sa magistrature, étoit accusé d’avoir mal gouverné sa province, ou mal administré les deniers publics, d’avoir pillé les alliés, ou donné quelque atteinte à la liberté de ses concitoyens, alors la grande place où les causes se plaidoient, étoit trop petite pour contenir tous ceux que la curiosité ou l’esprit de patriotisme y attiroit.

Si ces grandes causes manquoient (ce qui arrivoit rarement depuis que les Romains furent en possession de la Sicile, de la Sardaigne, de la Grece, de la Macédoine, de l’Afrique, de l’Asie, de l’Espagne & de la Gaule), on n’en passoit pas moins la troisieme, la quatrieme & la cinquieme heure du jour dans les places, & malheur alors aux magistrats dont la conduite n’étoit pas irréprochable ; la recherche les épargnoit d’autant moins, qu’il n’y avoit aucune loi qui les en mît à couvert.

Quand les nouvelles de la ville étoient épuisées, on passoit à celles des provinces, autre genre de curiosité qui n’étoit pas indifférente, puisque les Romains regardoient les provinces du même œil qu’un fils de famille regarde les terres de son pere ; & d’ailleurs elles étoient la demeure fixe d’une infinité de chevaliers romains qui y faisoient un commerce aussi avantageux au public, que lucratif pour eux particuliers.

Quoique tous les citoyens, généralement parlant, donnassent ces trois heures à la place & à ce qui se passoit, il y en avoit cependant de bien plus assidus que les autres. Horace les appelle forenses, Plaute & Priscien subbasilicani, & M. Cœlius ecrivant à Cicéron, subrostrani ou subrostrarii. Les autres moins oisifs s’occupoient suivant leur condition, leur dignité & leurs desseins. Les chevaliers faisoient la banque, tenoient registres des traités & des contrats. Les prétendans aux charges & aux honneurs mendioient les suffrages. Ceux qui avoient avec eux quelque liaison de sang, d’amitié, de patrie ou de tribu, les sénateurs mêmes de la plus hauté considération, par affection ou par complaisance pour ces candidats, les accompagnoient dans les rues, dans les places, dans les temples, & les recommandoient à tous ceux qu’ils rencontroient ; comme c’étoit une politesse chez les Romains d’appeller les gens par leur nom & par leur surnom, & qu’il étoit impossible qu’un candidat se fût mis tant de différens noms dans la tête, ils avoient a leur gauche des nomenclateurs qui leur suggéroient tous les noms des passans.

Si dans ce tems-là quelque magistrat de distinction revenoit de la province, on sortoit en foule de la ville pour aller au-devant de lui, & on l’accompagnoit jusque dans sa maison, dont on avoit pris soin d’orner les avenues de verdure & de festons. De même, si un ami partoit pour un pays étranger, on l’escortoit le plus loin qu’on pouvoit, on le mettoit dans son chemin, & l’on faisoit en sa présence des prieres & des vœux pour le succès de son voyage & pour son heureux retour.

Tout ce qu’on vient de dire, s’observoit aussi bien pendant la république que sous les Césars. Mais dans ces derniers tems il s’introduisit chez les grands seigneurs une espece de manie dont on n’avoit point encore vu d’exemple. On ne se croyoit point assez magnifique, si l’on ne se donnoit en spectacle dans tous les quartiers de la ville avec un nombreux cortege de litieres précédées & suivies d’esclaves lestement vêtus. Cette vanité coutoit cher ; & Juvenal qui en a fait une si belle description, assure qu’il y avoit des gens de qualité & des magistrats que l’avarice engageoit à grossir la troupe de ces indignes courtisans.

Enfin venoit la sixieme heure du jour, c’est-à-dire midi ; à cette heure chacun songeoit à se retirer chez soi, dinoit légérement, & faisoit la méridienne.

Le personnage que les Romains jouoient après diner, étoit aussi naturel que celui qu’ils jouoient le matin, étoit composé. C’étoit chez eux une coutume presque générale de ne rien prendre sur l’après-midi pour les affaires, comme de ne rien donner de la matinée aux plaisirs. La paume ou le ballon, la danse, la promenade à pié ou en char remplissoient leur après-midi. Ils avoient des promenoirs particuliers & de publics, dans lesquels les uns passoient quelques heures en des conversations graves ou agréables, tandis que les autres s’y donnnoient en spectacle au peuple avec de nombreux corteges, & que les jeunes gens s’exerçoient dans le champ de Mars à tout ce qui pouvoit les rendre plus propres au métier de la guerre.

Vers les trois heures après-midi, chacun se rendoit en diligence aux bains publics ou particuliers. Les poëtes trouvoient là tous les jours un auditoire à leur gré, pour y débiter les fruits de leurs muses. La disposition même du lieu étoit favorable à la déclamation. Tout citoyen quel qu’il fût, manquoit rarement aux bains. On ne s’en abstenoit guere que par paresse & par nonchalance, si l’on n’étoit obligé de s’en abstenir par le deuil public ou particulier.

Horace qui fait une peinture si naive de la maniere libre dont il passoit sa journée, se donne à lui-même cet air d’homme dérangé qu’il blame dans les autres poëtes, & marque assez qu’il se soucioit peu du bain.

Secreta petit loca, balnea vitat.

La mode ni les bienséances ne me gênent point, dit-il, je vais tout seul où il me prend envie d’aller, je passe quelquefois par la halle, & je m’informe de ce que coutent le blé & les légumes. Je me promene vers le soir dans le cirque & dans la grande place, & je m’arrête a écouter un diseur de bonne avanture, qui débite ses visions aux curieux de l’avenir. De-là je viens chez moi, je fais un souper frugal, après lequel je me couche & dors sans aucune inquiétude du lendemain. Je demeure au lit jusqu’à la quatrieme heure du jour, c’est-à-dire jusqu’à dix heures, &c.

Vers les quatre heures après-midi que les Romains nommoient la dixieme heure du jour, on alloit souper. Ce repas laissoit du tems pour se promener & pour vaquer à des soins domestiques. Le maître passoit sa famille & ses affaires en revue, & finalement alloit se coucher. Ainsi finissoit la journée romaine. (D. J.)

Vies, (Histoire.) on appelle vies, des histoires qui se bornent à la vie d’un seul homme, & dans lesquelles on s’arrête autant sur les détails de sa conduite particuliere, que sur le maniement des affaires publiques, s’il s’agit d’un prince ou d’un homme d’état.

Les anciens avoient un goût particulier pour écrire des vies. Pleins de respect & de reconnoissance pour les hommes illustres, & considérant d’ailleurs que le souvenir honorable que les morts laissent après eux, est le seul bien qui leur reste sur la terre qu’ils ont quittée, ils se faisoient un plaisir & un devoir de leur assurer ce foible avantage. Je prendrois les armes, disoit Cicéron, pour défendre la gloire des morts illustres, comme ils les ont prises pour défendre la vie des citoyens. Ce sont des leçons immortelles, des exemples de vertu consacrés au genre humain. Les portraits & les statues qui représentent les traits corporels des grands hommes, sont renfermés dans les maisons de leurs enfans, & exposés aux yeux d’un petit nombre d’amis ; les éloges placés par des plumes habiles représentent l’ame même & les sentimens vertueux. Ils se multiplient sans peine ; ils passent dans toutes les langues, volent dans tous les lieux, & servent de maîtres dans tous les tems.

Cornelius Nepos, Suétone & Plutarque ont préféré ce genre de récit aux histoires de longue haleine. Ils peignent leurs héros dans tous les détails de la vie, & attachent surtout l’esprit de ceux qui cherchent à connoître l’homme. Plutarque en particulier a pris un plan également étendu & intéressant. Il met en parallele les hommes qui ont brillé dans le même genre. Chez lui Cicéron figure à côté de Démosthène, Annibal à côté de Scipion. Il me peint tour-à-tour les mortels les plus éminens de la Grece & de Rome ; il m’instruit par ses réflexions, m’étonne par son grand sens, m’enchante par sa philosophie vertueuse, & me charme par ses citations poétiques, qui, comme autant de fleurs, émaillent ses écrits d’une agréable variété.

« Il me fait converser délicieusement dans ma retraite gaie, saine & solitaire, avec ces morts illustres, ces sages de l’antiquité révérés comme des dieux, bienfaisans comme eux, héros donnés à l’humanité pour le bonheur des arts, des armes & de la civilisation. Concentré dans ces pensées motrices de l’inspiration, le volume antique me tombe des mains ; & méditant profondément, je crois voir s’élever lentement, & passer devant mes yeux surpris ces ombres sacrées, objets de ma vénération.

« Socrate d’abord, demeure seul vertueux dans un état corrompu ; seul ferme & invincible, il brava la rage des tyrans, sans craindre pour la vie ni pour la mort, & ne connoissant d’autres maîtres que les saintes lois d’une raison calme, cette voix de Dieu qui retentit intérieurement à la conscience attentive.

« Solon, le grand oracle de la morale, établit sa république sur la vaste base de l’équité ; il sut par des lois douces réprimer un peuple fougueux, lui conserver tout son courage & ce feu vif par lequel il devint si supérieur dans le champ glorieux des lauriers, des beaux arts & de la noble liberté, & qui le rendit enfin l’admiration de la Grece & du genre humain.

« Lycurgue, cette espece de demi-dieu, sévérement sage, qui plia toutes les passions sous le joug de la discipline, ôta par son génie la pudeur à la chasteté, choqua tous les usages, confondit toutes les vertus, & mena Sparte au plus haut degré de grandeur & de gloire.

« Après lui s’offre à mon esprit Léonidas, ce chef intrépide, qui s’étant dévoué pour la patrie, tomba glorieusement aux Thermopiles, & pratiqua ce que l’autre n’avoit qu’enseigné.

« Aristide leve son front où brille la candeur, cœur vraiment pur, à qui la voix sincere de la liberté, donna le grand nom de juste : respecté dans sa pauvreté sainte & majestueuse, il soumit au bien de sa patrie, jusqu’à sa propre gloire, & accrut la réputation de Thémistocle, son rival orgueilleux.

« J’apperçois Cimon son disciple couronné d’un rayon plus doux ; son génie s’élevant avec force, repoussa au loin la molle volupté : au-dehors il fut le fléau de l’orgueil des Perses ; au-dedans il étoit l’ami du mérite & des arts ; modeste & simple au milieu de la pompe & de la richesse.

« Périclès, tyran désarmé, rival de Cimon, subjugua sa patrie par son éloquence, l’embellit de cent merveilles ; & après un gouvernement heureux, finit ses jours de triomphe, en se consolant de n’avoir fait prendre le manteau noir à aucun citoyen.

« Je vois ensuite paroître & marcher pensifs, les derniers hommes de la Grece sur son déclin, héros appellés trop tard à la gloire, & venus dans des tems malheureux : Timoléon, l’honneur de Corinthe, homme heureusement né, également doux & ferme, & dont la haute générosité pleure son frere dans le tyran qu’il immole.

« Pélopidas & Epaminondas, ces deux thébains égaux aux meilleurs, dont l’héroïsme combiné éleva leur pays à la liberté, à l’empire, & à la renommée.

« Le grand Phocion, dans le tombeau duquel l’honneur des Athéniens fut enseveli ; Severe comme l’homme public, inexorable au vice, inébranlable dans la vertu ; mais sous son toit illustre, quoique bas, la paix & la sagesse heureuse adoucissoient son front ; l’amitié ne pouvoit être plus douce, ni l’amour plus tendre.

« Agis le dernier des fils du vieux Lycurgue, fut la généreuse victime de l’entreprise, toujours vaine de sauver un état corrompu ; il vit Sparte même perdue dans l’avarice servile.

« Les deux freres achaiens fermerent la scène : Aratus qui ranima quelque tems dans la Grece la liberté expirante.

« Et l’aimable Philopaemen, le favori & le dernier espoir de son pays, qui ne pouvant en bannir le luxe & la pompe, sut le tourner du côté des armes ; simple & laborieux à la campagne, chef habile & hardi aux champs de Mars.

« Un peuple puissant, race de héros, paroît dans le même paysage pour m’offrir des pieces de comparaison, & me mettre en état de juger le mérite entre les deux premieres nations du monde.

« Il me semble que le front plus severe de ce dernier peuple, n’a d’autre tache qu’un amour excessif de la patrie, passion trop ardente & trop partiale. Numa, la lumiere de Rome, fut son premier & son meilleur fondateur, puisqu’il fut celui des mœurs. Le roi Servius posa la base solide sur laquelle s’éleva la vaste république qui domina l’univers. Viennent ensuite les grands & véritables consuls.

« Junius Brutus, dans qui le pere public du haut de son redoutable tribunal, fit taire le pere privé.

« Camille, que son pays ingrat ne put perdre, & qui ne sut venger que les injures de la patrie.

« Fabricius, qui foule aux piés l’or séducteur.

« Cincinnatus, redoutable à l’instant où il quitta sa charue.

« Coriolan, fils soumis, mari sensible, coupable seulement d’avoir pris le parti des Volsques contre les Romains.

« Le magnanime Paul Emile rend la liberté à toutes les villes de Macédoine.

« Marcellus défait les Gaulois, & s’empare de Syracuse en pleurant la mort d’Archimede.

« Et toi sur-tout Regulus, victime volontaire de Carthage, impétueux à vaincre la nature, tu t’arraches aux larmes de ta famille pour garder ta foi, & pour obéir à la voix de l’honneur ».

Les vies du philosophe de Chéronée, offrent encore à mes réflexions, « Marius fuyant, & se cachant dans les marais de Minturne ; Sylla son successeur, dont l’abdication noble, hardie, sensée, vertueuse, rendit son nom célebre dans Rome jusqu’à la fin de sa vie.

« Les Gracches doués du talent de la parole, sont pleins de feu, & d’un esprit d’autorité des tribuns qui leur fut fatal ; esprit toujours turbulent, toujours ambitieux, toujours propre à produire des tyrans populaires.

« Lucullus est malheureux de n’être pas mort dans le tems de ses victoires.

« Scipion, ce chef également brave & humain, parcourt rapidement tous les différens degrés de gloire sans tache ; ardent dans la jeunesse, il sut ensuite gouter les douceurs de la retraite avec les muses, l’amitié, & la philosophie.

« Sertorius, le premier capitaine de son tems, tout fugitif qu’il étoit, & chef de barbares en terre étrangere, tient tête à toutes les forces de la république, & périt par l’assassinat d’une de ses créatures.

« Cicéron, ta puissante éloquence arrêta quelque tems le rapide destin de la chute de Rome !

« Caton, tu es la vertu même, dans les plus grends dangers !

« Et toi malheureux Brutus, héros bienfaisant, ton bras tranquille, poussé par l’amour de la liberté, plongea l’épée romaine dans le sein de ton ami ! Voilà les hommes dont Plutarque a fait le tableau ! » (D. J.)

Vies des saints, (Hist. ecclésiastique.) voyez Legende.

Ajoutez ici avec l’auteur de l’esprit des lois, que si les vies des saints ne sont pas véridiques sur les miracles, elles fournissent du-moins de grands éclaircissemens sur l’origine des servitudes, de la glèbe, & des fiefs : d’ailleurs les mensonges qui s’y trouvent peuvent apprendre les mœurs & les lois du tems, parce qu’ils sont relatifs à ces mœurs & à ces lois. On lit, par exemple, dans les vies des saints, que Clovis donna à un saint personnage la puissance sur un territoire de six lieues de pays, & qu’il voulut qu’il fut libre de toute jurisdiction quelconque. Il est vraissemblable que ce trait d’histoire est une fausseté, mais elle nous prouve que les mensonges se rapportent aux mœurs & aux lois du tems, & ce sont ces mœurs & ces lois qu’il faut chercher dans la lecture des vies des saints. (D. J.)

Vie, (Jurisprud.) en cette matiere se distingue en vie naturelle & vie civile.

On entend par vie naturelle le cours de la vie selon la nature.

La vie civile est l’état que tient dans l’ordre politique, celui qui n’en est pas déchu par quelque changement arrivé dans sa personne : ce changement arrive ou par ingression en religion, ou par quelque peine qui emporte mort civile. C’est en conséquence de la vie civile, que le citoyen jouit des droits qui sont émanés de la loi, & dont cesse de jouir celui qui est mort civilement. Voyez Cité, Mort, Profession religieuse. (A)

Vie, Vivre, Vivant, (Crit. sacr.) l’Ecriture parle au propre & au figuré de la vie du corps & de celle de l’ame, de la vie temporelle & de la vie éternelle. La vie temporelle étoit la récompense de l’observation de l’ancienne loi. Le seigneur est appellé le Dieu vivant, parce que lui seul vit essentiellement. Le Seigneur est vivant, est une formule de serment par la vie de Dieu ; laquelle formule se trouve souvent dans l’Ecriture. Vous jurerez en vérité, selon votre conscience & en justice ; le Seigneur est vivant, dit Jérémie, iv. 2. La terre des vivans, par rapport à ceux qui sont morts, c’est le monde ; dans le sens spirituel, c’est le ciel où la mort ne regne plus.

Les eaux vivantes, sont les eaux pures, les eaux de source, Lévitiq. 14.

Jesus-Christ est la vie, parce que la pratique de ses préceptes nous conduit à une vie heureuse. (D. J.)

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Étymologie de « vie »

Wallon, veie ; provenç. vita, vida, via ; espagn. vida ; ital. vita ; du lat. vita (voy. VIVRE) ; gaél. bith ; bas-breton, buez.

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(Nom 1) (980) Du moyen français vie, de l’ancien français vie, vide, vida, du latin vīta (« vie »).
(Nom 2) (Date à préciser) Du latin via (« voie, chemin »).
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « vie »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
vie vi

Fréquence d'apparition du mot « vie » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Citations contenant le mot « vie »

  • Les feuilles Qu'on foule Un train Qui roule La vie S'écoule.
    Guillaume Apollinaire de Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire — Alcools, Automne malade , Gallimard
  • J'ai voulu être capable de me faire aimer de ma vie.
    Joë Bousquet — Lettres à Poisson d'Or, Gallimard
  • La vie est faite de marbre et de boue.
    Nathaniel Hawthorne — La Maison aux sept toits
  • Nous ne devenons pas autres pour mourir. J'interprète toujours la mort par la vie.
    Michel Eyquem de Montaigne — Essais, II, 11
  • La tragédie de la mort est en ceci qu'elle transforme la vie en destin.
    André Malraux — L'Espoir
  • Consacrer sa vie à la vérité.
    Juvénal en latin Decimus Junius Juvenalis — Satires, IV, 91
  • Les êtres extraordinaires ont la vie courte et vieillissent rarement.
    Martial — Livre VI
  • La vie est un voyageur qui laisse traîner son manteau derrière lui, pour effacer ses traces.
    Louis Aragon — Les voyageurs de l’impériale
  • Nous, nés d'hier, nous ne savons rien, notre vie sur terre passe comme une ombre.
    Ancien Testament, Job VIII, 9
  • Le soir de la vie apporte avec soi sa lampe.
    Joseph Joubert — Pensées
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Images d'illustration du mot « vie »

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Traductions du mot « vie »

Langue Traduction
Anglais life
Espagnol vida
Italien vita
Allemand leben
Chinois 生活
Arabe الحياة
Portugais vida
Russe жизнь
Japonais 生活
Basque bizitza
Corse a vita
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Synonymes de « vie »

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Antonymes de « vie »

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Vie

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