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Rouge

Variantes Singulier Pluriel
Masculin et féminin rouge rouges

Définitions de « rouge »

Trésor de la Langue Française informatisé

ROUGE, adj., adv. et subst.

I. − Adj. D'une couleur qui parmi les couleurs fondamentales se situe à l'extrémité du spectre, et rappelle notamment la couleur du coquelicot, du rubis, du sang.
A. − [Rouge est inhérent à la qualité, la nature, la fonction du qualifié] Couleur, teinte rouge. Regardons une carte géologique à petite échelle de la France (...). Nous voyons, correspondant au Massif Central, une large surface teintée de plusieurs nuances de rouge, du rouge vif au rose pâle (...) aux teintes de la gamme rouge, correspondent diverses appellations: archéen, cristallin, granite, roches éruptives (Combaluzier,Introd. géol., 1961, p. 57):
1. Pour Macbeth, Prassinos a voulu réaliser une symphonie noire et rouge, deuil et sang, flamme et nuit, où se détachent les thèmes aux couleurs contrastées des personnages centraux. Table infernale, la table du banquet flamboie pendant qu'autour d'elle se lient et se délient les passions protagonistes sous le signe distinct des couleurs: le bleu de Macbeth ou le vert de Lady Macbeth. Serrière,T.N.P., 1959, p. 114.
[En parlant d'une couleur] Qui tire sur le rouge. Le train est brun rouge, les roues jaunes (Goncourt,Journal, 1865, p. 213).
Rem. 1. Lorsque rouge est qualifié par un autre terme, adj. ou subst., il est considéré comme subst. et l'ensemble est inv.: Teintures rouge clair, foncé, sang (Thomas 1956); étoffes rouges ou rouge foncé (Hanse Nouv. 1983). V. infra 1 a α ex. de Bourde et III A 1 a rem. 2. Lorsque rouge fait partie d'un groupe coordonné, l'invariabilité est fréquente mais non constante et la substantivation est appelée en renfort pour justifier logiquement cette invariabilité d'usage: Les gros bouquins rouge et or (où l'on voit du rouge et de l'or) (d'apr. Grev. 1964 § 381, p. 315).
1. [En parlant d'un inanimé concr.]
a) [d'un élément de la nature]
α) Qui est naturellement de cette couleur, en tout ou en partie ; dont une variété est de cette couleur.
BOT. [d'un végétal et gén. p. oppos. à d'autres végétaux, d'une autre couleur dans la même espèce] Algue, betterave, chou, fleur, géranium, oignon, piment, pivoine, poivron, pomme, saponaire, tulipe rouge. Faites cuire des haricots rouges avec sel et deux ou trois oignons, passez en purée (Gdes heures cuis. fr., Ch. Monselet, 1888, p. 171).Il surprenait avec émoi une rose rouge entre des doigts d'enfant (Faure,Hist. art, 1921, p. 77).V. chou ex. 1.
En partic.
Fruit rouge. Fruit à pulpe rouge et juteuse. Le marché est fort mal approvisionné durant certaines périodes (manque de fruits rouges en avril-mai) (Boulay,Arboric. et prod. fruit., 1961, p. 38).Salade de fruits rouges. Dessert composé de cerises, fraises, framboises, mûres, etc.
Raisin rouge. [P. allus. aussi à la couleur rouge du vin produit] Raisin à pulpe d'un rouge foncé. Synon. raisin noir; anton. raisin blanc.Dans la langue de tous les jours les raisins noirs sont souvent appelés rouges, parce que leur vin est rouge; de même les raisins roses sont qualifiés de gris, parce que leur pellicule est généralement fumée de gris (Levadoux,Vigne, 1961, p. 36).
GÉOL., MINÉR.
[À propos de pierres, de métaux, de la nature du sol] D'une couleur vive tirant sur le rouge. Cuivre, grès, or, terre rouge. Un mélange mécanique d'argile rouge avec des grains de peroxyde de fer (Lapparent,Minér., 1899, p. 509).La fertilité des sols rouges est très variable: elle est liée essentiellement aux caractéristiques physiques (profondeur, cailloux, argile, structure) et à certains mécanismes chimiques (blocage du phosphore sous forme ferrique insoluble) (George1984).V. hématite ex. de Lapparent.
[P. réf. à l'anc. monnaie de cuivre] Loc. vieillie. N'avoir pas un rouge(-)liard. V. liard1.
[Le plus souvent en parlant de pierres précieuses] Rubis rouge. Les grenats sont des silicates alumineux doubles, vitreux, fusibles au chalumeau, transparents et rouges, noirs ou d'un vert brun (A. Pérès,Pierres et roches, 1896, p. 42).
β) [du ciel, de la lumière solaire, en partic. à l'aube, au couchant] Qui produit une lumière rouge. Ciel rouge; teintes rouges du couchant. Rien qu'à la couleur du ciel, devant nous, on a compris que c'était là que ça se tenait, l'enfer. C'était une lueur rouge, fauve, ininterrompue, avec des paroxysmes qui la portaient jusqu'au blanc du métal en fusion (Vialar,Morts viv., 1947, p. 306).
Rouge de + subst.Un après-midi rouge de soleil, de vin et de souvenirs sanglants (Beauvoir,Mandarins, 1954, p. 361).
Proverbe. Rouge au soir, blanc au matin, c'est la journée du pèlerin (Ac.).Présage de beau temps.
γ) [du feu] Feu, flamme rouge. V. flamme1ex. 1.
b) [d'un objet fabriqué, d'une matière première transformée] Qui est rouge en tout ou en partie.
α) [d'un élément de la décoration] Canapé, moquette, papier peint, rideau rouge. Une impériale de velours rouge; avec des rideaux de damas cramoisi, du passement et des crépines d'or (Bremond,Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 550).
[P. méton.; en parlant d'un lieu, d'une pièce] Où domine la couleur rouge; qui est décoré, meublé, tapissé de rouge. Pièce rouge. Il ne me faut pas oublier ce que j'ai éprouvé dans la chambre rouge. On aurait dit que la couleur des murs me protégeait contre la méchanceté de mon cœur (J. Bousquet,Trad. du sil., 1936, p. 203).Salon rouge de la villa d'Esther et de Florent à Chatou. Luxe d'acteurs (...). Tous les rouges s'y accordent et s'y heurtent (Cocteau,Monstres sacrés, 1940, ii, 1, p. 46).
β) Spécialement
HIST. Livre rouge
DR. ANC. Livre recouvert de basane rouge sur lequel on enregistrait autrefois les défauts prononcés à l'audience. (Dict. xixes.; ds Nouv. Lar. ill.-Lar. Lang. fr.).
Registre, relié en maroquin rouge, sur lequel étaient inscrites les dépenses secrètes de la Cour sous Louis XV et Louis XVI. (Dict. xixeet xxes.). Loc. Être (inscrit) sur le livre rouge. V. livre1III A 2 c loc.P. anal. [Les agents provocateurs et délateurs politiques] payés par on ne sait qui, assurément chiffrés et classés au livre rouge, concurrents des policiers des fonds secrets (Poulot,Subl., 1872, p. 372).
HIST. DES TEMPS MOD. Petit livre rouge (de Mao). Recueil d'aphorismes et de sentences extraits des œuvres de Mao Tse Toung, publié pendant la Révolution culturelle en Chine, et dont la couverture était rouge. Après le petit livre rouge de Mao, le livre vert de Kadhafi (Le Nouvel Observateur, 25 oct. 1976, p. 149, col. 1).
JEUX (dominos, roulette, etc.). Anton. noir.Jouer sur la couleur rouge. Et les boîtes! [des anciens dominos] composées de deux casiers symétriques! comprenaient un jeu rouge et un jeu noir (D'Allemagne,Récr. et passe-temps, 1904, p. 84).Supposons que j'aie devant moi une roulette avec nombre égal de cases rouges et de cases noires qui est en rotation et que j'aie la bille dans ma main (L. de Broglie,Bases interprét. mécan. ondul., 1963, p. 57).
ŒNOL. ou cour. [P. oppos. à vin blanc, vin jaune] Vin rouge. Vin de couleur plus ou moins foncée, issu de raisins rouges dont la maturation a été complète. Boire un verre de vin rouge; bordeaux, bourgogne rouge. Les coudes sur la table, en face l'un de l'autre, en buvant du petit vin rouge de ce pays (Erckm.-Chatr.,Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 195).Si l'on veut obtenir des vins rouges, les raisins broyés et le moût sont soumis à la fermentation en cuves, déclarée spontanément ou provoquée avec des levures sélectionnées (Brunerie,Industr. alim., 1949, p. 76).V. jaune I A 1 c ex. de Erckmann-Chatrian.
γ) En partic. [La couleur rouge a une signification et un rôle]
[La couleur rouge, par son intensité, sert à mettre en relief, à attirer l'attention] L'auto violette du préfet croise l'auto rouge des pompiers (Cendrars,Du monde entier, Au cœur du monde, 1957, p. 262).Il n'y a pas d'obligation pour un écrivain de tenir compte de l'Index. L'Index, c'est l'étiquette rouge sur une bouteille de pharmacie pour prévenir qu'il y a un poison, c'est tout (Green,Journal, 1957, p. 300).
[En parlant de lettres, d'inscriptions, etc.] Caractères, lettres rouges; corriger, noter à l'encre, au stylo rouge. Le roman blanc à titre rouge (...) qu'elle cache dans son panier (Colette,Cl. école, 1900, p. 244).
[En parlant d'un objet qui produit une lumière rouge] Phare rouge. Quelques petits agneaux (...) et un homme portant une lanterne rouge, fermaient la marche (Larbaud,Journal, 1934, p. 313).
Lanterne rouge. Lanterne qui produit une lumière rouge et que l'on plaçait à la porte des maisons de tolérance en signe de reconnaissance. Une lanterne rouge, drapeau du vice suspendue à l'extrémité d'une tringle, balançait sa carcasse au fouet des quatre vents, au-dessus d'une porte massive et vermoulue (Lautréam.,Chants Maldoror, 1869, p. 237).
Loc. fig. Être (la) lanterne rouge. V. lanterne I A 2.En appos. à valeur d'adj. Quant aux matières « lanterne rouge », celles où les professeurs sont considérés comme les moins valables, on y trouve surtout les langues vivantes: anglais, allemand et espagnol (Le Point, 2 sept. 1985, p. 61, col. 3).
[En parlant de feux de signalisation, la couleur rouge indique une interdiction; p. oppos. à feu orange, feu vert] Feu rouge. V. feu1II A 2.
[En parlant d'emblèmes, d'insignes]
Croissant-rouge. V. croissant2A 3 rem. 2.Croix-rouge. V. croix II C 1 syntagmes.
Drapeau bleu-blanc-rouge. Synon. de drapeau* tricolore.On voyait, traînant dans l'eau, tellement la soirée était chaude, le drapeau bleu-blanc-rouge (Benoit,Atlant., 1919, p. 242).P. méton. [Qualifie une pers. ou une chose] Bleu-blanc-rouge. Qui est nationaliste, patriote, chauvin. Un pays qui a engendré des Émile Allais (...) des Guy Périllat, des Jean-Claude Killy? Et encore, on ne cite pas tous ceux, de Léo Lacroix à François Bonlieu, en passant même par Augert, Duvillard et Russel, qui faisaient se ruer la France entière devant une télévision bleu-blanc-rouge (Le Nouvel Observateur, 16 févr. 1976, p. 41, col. 2).[P. oppos. à étranger] Qui est français. Une affiche à la mesure du défi lancé par Julien Clerc: remplir, du 24 avril au 4 mai, dix soirs consécutifs, la gigantesque bulle de Bercy. [...] Aucun artiste bleu-blanc-rouge n'avait osé. Jamais. Trop grand, trop de risques (Le Point, 11 mars 1985, p. 125, col. 1).Était-il possible de remplacer les départs [de la main-d'œuvre étrangère] par une force de travail bleu-blanc-rouge? La distance énorme entre les qualifications des immigrés et celles des chômeurs permettait d'en douter (L'Événement du jeudi, 14 nov. 1985, p. 37, col. 1).
Drapeau rouge. V. drapeau A 1 d.
Lis* rouge.
c) [En parlant d'un élém. du corps d'un animé] Chair, tumeur rouge; muscles rouges. Globule rouge. Anton. de globule* blanc.V. globule ex. 2.[P. oppos. à sang noir (v. noir I A 1 b ex. de Coupin)] Sang rouge. La plupart des viscères reçoivent, ainsi que le cerveau, le sang rouge par leur surface concave, comme on le voit au rein, au foie, à la rate, aux intestins, etc. (Bichat,Rech. physiol. vie et mort, 1822, p. 288).
ALIM. [P. oppos. à viande blanche, viande noire] Viande rouge. Viande de bœuf, de cheval, du mouton, etc. qui a un aspect rouge après cuisson. Synon. chair rouge (v. chair I B 1).Le bœuf, le cheval sont de la viande rouge. On l'a mise au vin de quinquina, au malaga et aux viandes rouges pour lui redonner des forces (Flaub.,Corresp., 1865, p. 177).La viande rouge et saignante vaut mieux que toutes les plantations du monde (Maran,Batouala, 1921, p. 148).
2. [En parlant d'un animé]
a) [d'une pers.]
α) [de son aspect physique] Ses belles lèvres rouges à demi ouvertes frémissaient (Gautier,Rom. momie, 1858, p. 253).
[de la couleur de la peau et p. méton., d'une pers.] (Qui a la peau) d'un rouge cuivré. Ne passons-nous pas pour les plus spirituels des hommes rouges? En est-il en effet, qui ait plus de valeur et de moyens que nous? (Baudry des Loz.,Voy. Louisiane, 1802, p. 41).Des portraits dédicacés de chefs sioux amis du grand-prêtre, ses frères rouges (Montherl.,Bestiaires, 1926, p. 570).
ETHNOL., vieilli. Race rouge. Race humaine formée d'amérindiens, caractérisée par une pigmentation rouge cuivrée de la peau. Dans une seconde classification, Kant considère le groupe originel comme blanc de couleur brunette, d'où sont issus les quatre groupes suivants: race très claire (Europe septentrionale) due à un climat chaud et humide, race rouge-cuivre (Amérique) due au froid sec, race noire (Sénégambie) due à la chaleur humide, race olive (Indous) due à la chaleur sèche (Hist. sc., 1957, p. 1360).
Peau-rouge*. Anton. face, visage pâle*.
[du système pileux, en partic., des cheveux] D'un rouge vif; extrêmement roux. Il était blême, avait les cheveux roux, les favoris rouges, les yeux caverneux (Borel,Champavert, 1833, p. 27).V. highlander ex. de Haddon.[P. méton.; en parlant d'une pers.] Dont la chevelure est d'un roux vif. Des créatures blondes, brunes, rouges (Zola,Pot-Bouille, 1882, p. 189).
β) [de ses vêtements; p. réf. parfois au fait que la couleur rouge a été autrefois associée à une fonction honorifique, une dignité et a été utilisée comme emblème révolutionnaire] Chemisier rouge; robe rouge (de cardinal); habits rouges. Quiconque aura été condamné à mort pour crime d'assassinat, d'incendie ou de poison, sera conduit au lieu de l'exécution, revêtu d'une chemise rouge (Procès conspir. 1erConsul, t. 2, 1801, p. 338).D'où viennent ces petits bonshommes, ces « bonhomets » coiffés d'un bonnet rouge et pointu, que l'on voit grouiller et bruire dès que l'on soulève toutes nos vieilles pierres légendaires? (Dévigne,Légend. de Fr., 1942, p. 13).
[P. allus. au conte de Perrault] Le petit chaperon* rouge.
Spécialement
Ruban* rouge.
HIST., MODE. Talon* rouge.
HIST. POL. Bonnet rouge. V. bonnet A 2.Églantine rouge. V. églantine B 2.
MAR. Pompon rouge. V. pompon A 1.
[P. méton.; en parlant d'une pers., d'un groupe de pers.] Vêtu de vêtements rouges, en tout ou partiellement. Regardez tous: voilà l'homme rouge [Richelieu] qui passe (Hugo,Marion Del., 1831, p. 332).V. coquelicot ex. de Coppée.
[Avec allus. à la symbolique du rouge en pol. (v. infra I C 4)] L'homme rouge venait En sabots, en bonnet. M'endormais-je un peu sur ma chaise, Il entonnait la Marseillaise (Béranger,Chans., t. 3, 1829, p. 226).
HIST. ECCL. Chapeau rouge. V. chapeau A 1 a.
HIST. et HIST. POL. Bonnet rouge. Révolutionnaire coiffé du bonnet phrygien. P. méton. Ce qu'il représente; idées révolutionnaires (supra ex. de Vigny). Églantine rouge. V. églantine B 2.Enfant rouge (vieilli). (Dict. xixes.; ds Lar. 19e-Lar. Lang. fr.). Escadron rouge. Le rouge, unique couleur de la Garde Royale à cheval de Louis XIV, fit donner le nom d'escadrons rouges à ces troupes (Leloir1961).Mousquetaire rouge. V. mousquetaire A 2 ex. de Hugo.Pantalon rouge (fam., vieilli). V. pantalon A 1 b.
b) [d'un animal, d'une partie de son corps] Qui est rouge ou d'un roux vif. Poil, plumage rouge. À Noël, la descente avec les vaches blanches et rouges au village (Peyré,Matterhorn, 1939, p. 80).L'oiseau rouge et tiède comme le sang (Prévert,Paroles, 1946, p. 183).
ZOOL. [Rouge caractérise un groupe ou une espèce partic.] Fourmi, grondin, poisson, thon rouge. Un coq de perdrix rouge magnifique, haut en couleur, le bec et les pieds rouges et durs comme du corail (Fromentin,Dominique, 1863, p. 6).Les araignées rouges, qui appartiennent à plusieurs espèces d'acariens, n'avaient jamais beaucoup préoccupé le viticulteur jusqu'à ces dernières années (Levadoux,Vigne, 1961, p. 73).
Becs rouges, pattes rouges. ,,Comme chez la perdrix la couleur des pattes et du bec caractérise l'espèce, cette particularité sert parfois à la désigner. Pattes rouges (...) et becs rouges (...) sont synonymes de perdrix rouges`` (M. Lenoble-Pinson, Le Lang. de la chasse, Bruxelles, Facultés universitaires Saint-Louis, 1977, pp. 237-238).
Âne rouge. Âne sauvage aux poils d'un roux vif. Synon. hémione.Il y avait (...) un bébé de cinq ou six mois qui criait comme un âne rouge (Genevoix,Avent. en nous, 1952, p. 43).[En parlant d'une pers.; peut-être p. réf. à la défaveur attachée à la couleur rouge des poils] Par injure. Que tu m'agaces! À la fin, qu'est-ce que tu as? Qu'est-ce qu'il te faut? Qu'est-ce que tu veux? Âne rouge! (Renard,Lanterne sourde, 1893, p. 225).Proverbe vieilli. Être méchant comme un âne rouge. ,,Se dit d'un homme ou d'un enfant méchant`` (Ac. 1878, 1935).
B. − [Rouge n'est pas essentiel à la qualité, à la nature, à la fonction du qualifié]
1. [En parlant d'une pers., de la couleur de la peau dans certaines circonstances] Qui devient rouge sous un afflux de sang passager.
a) [sous l'effet d'une cause physique ou physiol. (conditions atmosphériques, larmes, boissons alcoolisées, maladie, etc.)] Front, nez rouge; joues, oreilles rouges; être rouge comme une écrevisse, un homard, une tomate. Il y a les yeux rouges qu'on ne peut pas cacher; les larmes, c'est comme le feu, ça brûle, et elle a pleuré, j'en suis sûr (Dumas père, L. Bernard, 1843, iv, 3, p. 259).Ça ne sent pas la vieille femme enfermée, ici? Je suis rouge? Il va me trouver moins bien qu'hier (Colette,Mais. Cl., 1922, p. 206).V. gris2A ex. de Zola.
Rouge de + compl. (indiquant la cause de cet aspect).Nez rouge d'avoir trop bu, de froid; paupières, yeux rouges d'avoir pleuré; être rouge d'avoir trop couru. Vasile, rouge de vin, s'avança en chancelant (About,Roi mont., 1857, p. 125).Le visage rouge de soleil (Larbaud,Jaune, 1927, p. 107).
PATHOL. Coloration rouge très accentuée et locale sous l'effet de certaines maladies. Gorge rouge. Elle toussait quelquefois, et avait des plaques rouges aux pommettes (Flaub.,MmeBovary, t. 2, 1857, p. 205).
[P. méton.; en parlant d'une affection] Qui se caractérise par une coloration rouge de la peau. Mosché prit deux poignées de suie et les lança vers le ciel devant le pharaon; et aussitôt une peste rouge, des feux ardents s'attachèrent à la peau du peuple d'Égypte, respectant les hébreux (Gautier,Rom. momie, 1858, p. 333).L'apparition de poussées rhumatismales aiguës ou traînantes (...) dans les suites d'une angine rouge (...) est d'observation assez banale (Ravault, Vignon,Rhumatol., 1956, p. 519).
Fièvre rouge (vieilli). Tantôt cette éruption [lors des fièvres éruptives ou exanthématiques] forme des pustules élevées (...) tantôt il n'y a point d'élévations sur la peau, mais seulement des taches, qui en altèrent et changent la couleur. C'est ce qu'on voit dans la rougeole, le pourpre, la scarlatine ou fièvre rouge (Geoffroy,Méd. prat., 1800, p. 57).
P. anal., ART VÉTÉR. [À propos d'un animal] Maladie rouge. Synon. de rouget.V. ce mot ex. de Garcin.
b) [sous l'effet d'une cause psychol., d'une vive émotion] Anton. blanc, blême, livide, pâle.Visage rouge; joues rouges; devenir, être tout rouge; être rouge comme une cerise, un coq, un coquelicot, une écrevisse, une pivoine, une tomate. Quand elle regarda son cousin, elle était bien rouge encore, mais au moins ses regards purent mentir et ne pas peindre la joie excessive qui lui inondait le cœur (Balzac,E. Grandet, 1834, p. 129).Touchez mes mains, je brûle... je suis rouge, n'est-ce pas?... J'étais toujours rouge quand j'entrais ici et que je savais que j'allais l'y trouver! (G. Leroux,Parfum, 1908, p. 17).V. pâle A 1 ex. de Sue.
Rouge de + compl. (indiquant la cause de cet aspect).Être rouge de colère, de confusion, de dépit, de honte, de plaisir. Il prit familièrement le bras du commandant, rouge de bonheur (A. Daudet,Tartarin de T., 1872, p. 133).Simon et Gérard étaient gênés, ils se regardaient à la dérobée, tout rouges de timidité (Peisson,Parti Liverpool, 1932, p. 169).
[P. méton.; en parlant d'une émotion, d'un sentiment] Fam. Qui est très vif, intense et produit une coloration rouge du visage. Célestine ouvrit la lettre, et le plaisir le plus rouge anima ses traits (Balzac,Employés, 1837, p. 205).V. entrer ex. 12:
2. Pareil au foyer que l'huile exaspère, Son courroux croissait, rouge, et l'on aurait Dit d'une lionne à l'âpre forêt Communiquant sa terrible colère Quand Marco pleurait. Verlaine,Poèmes saturn., 1866, p. 87.
2. [En parlant d'un inanimé concr.]
a) [d'un végétal]
α) Qui passe naturellement par cette couleur. Anton. vert.
[Rouge est signe de maturité] Cerise, fraise rouge. Cinq pieds de tomates portaient leurs fruits rouges accrochés à des tuteurs (Simenon,Vac. Maigret, 1948, p. 94).
[Rouge est signe de dessèchement] La feuille rouge des cerisiers tremblant dans le rouge matin de novembre (Colette,Apprent., 1936, p. 138).
β) BOT. Qui est atteint d'une maladie qui provoque une coloration rouge. V. rougeaud II A ex. de Levadoux.[P. méton.] Maladie rouge. Synon. de rougeot.V. maladie A 2 b ex. de Brumpt.
b) [d'une chose concr., d'un élément du corps] Qui est rougi par le sang; qui est souillé, taché, recouvert de sang. Baïonnette, épée rouge (de sang). J'ai questionné un des soldats, qui a daigné me répondre, parce qu'il ignorait sans doute pourquoi ma casaque et ma charrette sont rouges (Hugo,Han d'Isl., 1823, p. 450).Il se lava les mains, rouges de sang (Montherl.,Bestiaires, 1926, p. 547).
[P. méton.; en parlant d'un moment, d'un événement] Pendant lequel le sang coule. Ils guettent le sang; chacun attend l'heure rouge (L. Daudet,Morticoles, 1894, p. 66).Jupiter: (...) C'était une fête [l'assassinat du roi], hein? La Vieille: Ah! Seigneur, c'était (...) une horrible fête. Jupiter: Une fête rouge dont vous n'avez pu enterrer le souvenir (Sartre,Mouches, 1943, i, 1, p. 17).
Loc. arg., fig. Manger du pain rouge (v. pain B).
c) Rouge de + compl. (indiquant la cause de cet aspect), littér.Dont la teinte rouge est donnée par des éléments surajoutés de couleur rouge. Sur les pentes sèches, c'était tout rouge d'oseille sauvage (Genevoix,Raboliot, 1925, p. 308).Il s'engagea dans le verger, au milieu des cerisiers rouges de cerises (Billy,Introïbo, 1939, p. 48).V. filet1A 5 b ex. de Hamp.
d) En partic. Qui est devenu rouge au feu et dégage un rayonnement calorifique. Charbon, poêle rouge; cendres, tisons rouges. Le bouleau (...) qui ne se consume que lentement et montre encore des braises rouges à l'aube d'une longue nuit d'hiver (Hémon,M. Chapdelaine, 1916, p. 114).
[En parlant d'un métal]
Fer rouge. V. fer B 2 c γ.
Arg. milit. Boulet rouge (v. boulet synt.). Loc. fig. Tirer à boulet(s) rouge(s) (sur qqn ou sur qqc.) (v. boulet A).
En compos. Infra-rouge*.
C. − Au fig.
1. [Rouge connote l'importance (avec l'idée sous-jacente d'un danger à parer et parfois une connotation pol., infra I C 6)]
POL. Téléphone rouge. Liaison directe, par télex, entre la Maison-Blanche et le Kremlin. Cette influence [l'existence de forces nucléaires indépendantes] est si puissante qu'elle a contraint les grands adversaires eux-mêmes à prendre des sécurités (comme le téléphone rouge) contre les malentendus possibles! (Beaufre,Dissuasion et strat., 1964, p. 103).
2. [Rouge connote la surcharge (et parfois l'idée sous-jacente de danger)]
CIRCULATION ROUTIÈRE. [En parlant d'un espace de temps] Pendant lequel la circulation est surchargée et donc dangereuse. Heures rouges. Les prévisions de trafic font apparaître (...) quatorze jours rouges, c'est-à-dire difficiles (Le Monde, 8 janv. 1985, p. 44).
POSTES ET TÉLÉCOMM., TRANSP. (aviat., S.N.C.F., etc.)
Heure, période etc. rouge. Heure, période etc. surchargée (représentée visuellement par la couleur rouge) pendant laquelle les usagers ne peuvent bénéficier de tarifs réduits. Afin de vous permettre de choisir les meilleures dates de voyages et de bénéficier des réductions (...) la S.N.C.F. a publié un calendrier où les jours sont inscrits en bleu, blanc ou rouge (...). Les jours rouges correspondent aux périodes de grands départs (Guide prat. du voyageur, Paris, SNCF, 1987, p. 11):
3. Communications locales: 1 unité toutes les 6 mn aux heures rouges; 1 unité toutes les 9 mn aux heures « blanches » (...). Lundi au vendredi: période « rouge » (plein tarif) de 8 h à 12 h 30 et de 13 h 30 à 18 h; période « blanche » (30% de réduction) de 12 h 30 à 13 h 30 et de 18 h à 21 h 30; période « bleue » (50% de réduction) de 21 h 30 à 22 h 30 et de 6 h à 8 h... Dossier familial, nov. 1986, n o146, p. 44.
AVIAT. Vol rouge. Vols rouges accessibles aux seuls passagers payant plein tarif ainsi qu'aux abonnés en possession de cartes (...). Ils sont mentionnés en rouge dans les colonnes jours des pages d'horaires (air inter,Horaires et tarifs, 1984, n o49, p. 98).
3. [Rouge connote le danger]
Alerte rouge. Danger particulièrement grave. Paris en alerte rouge pour le procès Abdallah. Quatre compagnies républicaines de sécurité (CRS) et huit escadrons de gendarmes mobiles, soit un millier d'hommes supplémentaires, seront déployés au cours de ce week-end à Paris, en prévision du procès Abdallah, qui s'ouvre dans une semaine (L'Est Républicain, 15 févr. 1987, p. 118, col. 1-2-3).
SPORTS (alpin., ski). Piste rouge. Piste classée dans la catégorie des pistes difficiles et dangereuses pour des personnes inexpérimentées. Les épithètes de verte, rouge, bleue, jaune pour désigner différentes pistes et les classer par rang de difficultés sont, comme les degrés de l'alpinisme, des expressions assez récentes. On entendra des: « J'ai fait la rouge en 3 minutes 10 secondes! et sans chuter. Il y a quinze jours, je mettais une demi-heure pour la verte » (Comment parlent les sportifsds Vie Lang.1953, p. 140).
4. [Rouge connote l'interdit]
[P. réf. à la signalisation ferroviaire, routière, etc.] Feu rouge. Obstacle, décision d'arrêter ou d'empêcher quelque chose. Le feu rouge que représentait la politique du (Brésil) pour certaines ambitions des États-Unis était en même temps un feu vert pour la politique française (Le Monde, 31 déc. 1964ds Gilb. 1980).
BANQUE. Liste rouge. Liste des personnes interdites de chéquier pour avoir émis des chèques sans provision. Lorsqu'un compte joint est mis sur la liste rouge de la Banque de France, les titulaires sont tous deux interdits de chéquier, aussi bien sur leur compte joint que sur leurs comptes individuels (Le Chasseur français, juin 1986, p. 98, col. 1).
ÉCON. Pétrole rouge. Pétrole de vente illégale. Il est peu probable que nous puissions interdire la commercialisation du pétrole rouge (Giraud-PamartNouv.1974).
POSTES ET TÉLÉCOMM. Liste rouge. Liste des personnes dont les noms et les numéros de téléphone ne sont pas communiqués et figurent dans une liste tenue secrète. − Ambroise, tu es bien sur la liste rouge du téléphone? (...) − Oui, je suis sur la liste rouge depuis un certain temps déjà. J'étais sans cesse dérangé nuit et jour, de nuit de préférence, au sujet de mes garçons... Quand j'en ai eu assez de recevoir des menaces pour eux ou pour moi, j'ai fait disparaître mon nom de l'annuaire téléphonique (Les Veillées des chaumières, 5 mars 1988, p. 18, col. 1).
[P. réf. au carton de couleur rouge qui, au cours d'un match de football, est donné à un joueur après une faute grave comme sanction et signe d'expulsion] Carton rouge. Mauvais point, jugement défavorable prononcé à l'encontre de quelque chose, de quelqu'un. Donner, mériter un carton rouge. [Dans un cont. méd.] Vignette bleue carton rouge (...). Les technocrates, les énarques, les politiques, ceux qui gouvernent en général (...) un produit comme celui-là [un « vasodilatateur »] ils appellent ça plutôt un « médicament de confort ». Le joli nom! (L'Est Républicain, 4 mai 1987, p. 414).
5. [Rouge connote l'intensité des émotions, des sentiments et qualifie le regard] Brûlant, intense, passionné. Il y eut alors entre elle et le journaliste un de ces regards rouges qui sont plus que des aveux (Balzac,Muse départ., 1844, p. 171).
6. POLITIQUE
a) Vieilli. [P. réf. au drapeau rouge pris pour emblème; en parlant d'une pers.] Qui est républicain; qui a des opinions de gauche; usuel, en partic., qui est communiste ou qui professe des opinions d'extrême-gauche. Bourgeoisie rouge; juge rouge; milliardaire rouge. Selon Claudel, rouge à souhait et aux yeux de qui Gambetta avait trahi le prolétariat, Mistral était un blanc, un réac, un clérical (L. Daudet,Qd vivait mon père, 1940, p. 73).C'était un de ces vieux militants qui consacrent avec un dévouement de saint-bernard, toute leur vie à une cause. Il était socialiste en un temps où c'était encore être rouge (Vialar,Rendez-vous, 1952, p. 207).
b) [P. méton.; en parlant d'un lieu] Dont les habitants sont partisans d'une action révolutionnaire, extrémiste; en partic., dont les habitants sont communistes. Athanase, né dans la banlieue rouge de Trélazé (H. Bazin,Vipère, 1948, p. 96).C'était [le Var] − comme on disait à l'époque − un département rouge (...). À côté d'eux [les communistes], les socialistes ont pâli et font figure de réactionnaires (Vialar,Débucher, 1953, p. 10).
c) [En parlant d'un inanimé] Qui se rapporte à l'action révolutionnaire, aux idées de l'extrême gauche, en particulier aux idées communistes, à l'U.R.S.S. Syndicat rouge; fascisme, terreur, terrorisme rouge. Le journal que j'ai laissé tous les matins [à l'hôpital] était vivement escamoté. Il paraît que j'ai justement choisi le journal rouge. Je n'ai pas eu la main heureuse (Giono,Gds chemins, 1951, p. 189).
En partic. Qui se rapporte aux pays communistes, à la Russie soviétique. Existait-il ce mystérieux fonctionnaire soviétique évadé de l'enfer rouge tout exprès pour divulguer ces informations? (Beauvoir,Mandarins, 1954, p. 290).L'espace rouge (...) le commandant Youri Romanenko (...) l'ingénieur Alexandre Laveirine (...) sont partis hier de Baïkonour, pour un séjour d'un an probablement dans la station orbitale Mir (L'Est Républicain, 7 févr. 1987, p. 401).
Armée rouge. Armée soviétique. L'est européen subjugué, l'Allemagne coupée en quatre et l'Armée Rouge dans le Thuringer Wald, c'était vraiment donner leur plus belle chance aux partis communistes de l'Europe occidentale (Billotte,Consid. strat., 1957, p. 40-12).P. ext. Toute armée révolutionnaire.
Étoile rouge. V. étoile II A 2.Garde rouge. V. garde2B 3.
Péril rouge. Danger que font courir les pays communistes aux pays capitalistes. Mon père qui était en train de manger son capital vouait à la ruine toute l'humanité; maman faisait chorus. Il y avait le péril rouge, le péril jaune: bientôt des confins de la terre et des bas-fonds de la société une nouvelle barbarie déferlerait; la révolution précipiterait le monde dans le chaos (Beauvoir,Mém. j. fille, 1958, p. 129).
II. − Adverbe
A. − En sa couleur rouge. Le coquelicot fleurit rouge (Davau-Cohen1972).
B. − Familier
1. Se fâcher (tout) rouge. V. fâcher B 1.
2. Au fig. Voir rouge. Se mettre très en colère, perdre le contrôle de ses actes. Les têtes, vidées par la famine, voyaient rouge, rêvaient d'incendie et de sang, au milieu d'une gloire d'apothéose, où montait le bonheur universel (Zola,Germinal, 1885, p. 1385):
4. Tout insensé (...) que cela puisse vous paraître, je vis rouge, rouge, entendez-vous! et pour la première fois de ma vie je connus le vertige du meurtre, le désir fou, impérieux, irrésistible, de fermer, coûte que coûte, une bouche qui défie... Courteline,Boubouroche, Madelon, 1893, IV, p. 226.
C. − POL. Voter rouge. Voter pour les partis d'extrême gauche, en particulier pour les communistes. Voilà ce que c'est que de voter rouge. Le Français est incorrigible: la guerre est à sa porte et il réclame des congés payés (Sartre,Sursis, 1945, p. 181).
III. − Substantif
A. − Subst. masc.
1. La couleur rouge, une des sept couleurs fondamentales, à l'extrémité du spectre visible et complémentaire du vert.
a) Caractère de ce qui est rouge. Le rouge du ciel; aimer le rouge; peindre en rouge. Un est aux nombres engendrés comme le rouge est aux couleurs, ou Adam aux générations humaines. Adam était le premier, et le mot Adam signifie rouge (Senancour,Obermann, t. 2, 1840, p. 7).V. bleu ex. 13:
5. ... je ne parle pas du rouge de l'orgueil mais de ce rouge des incendies, du lambeau d'andrinople qui flotte derrière les camions, du fanal, de la lanterne des bordels, de la colère qui enflamme un visage, des rixes et des abattoirs, des barricades et des rues louches, le rouge qui coiffe Marianne, rouge des crêtes de coqs et de l'andrinople, rouge des lèvres peintes, rouge du cri de la Marseillaise de Rude et somme toute, rouge du vin et du sang. Cocteau,Foyer artistes, 1947, p. 54.
Rem. Une nuance partic. de la couleur peut être précisée: a) [par un adj.] α) Rouge ardent, clair, cramoisi, éclatant, flamboyant, foncé, franc, pâle, pompéien, pur, safrané, sanguin, sanguinolent, sombre, tendre, vif, vineux. β) [par un adj. de couleur précédé parfois du trait d'union] Rouge(-)brun, carmin, noir, orangé, pourpre, rosé, violet. b) [par un subst. apposé précédé parfois du trait d'union] Rouge(-)brique, capucine, carotte, cerise, coquelicot, corail, écrevisse, feu, flamme, fraise, garance, géranium, grenat, groseille, lie de vin, rubis, safran, sang (de bœuf), tomate. c) [par un subst. complét.] Rouge de chair, de feu, de rubis, de sang. Dans tous ces cas rouge est inv. et fonctionne comme un subst.
Au plur. Nuances de rouge. Les roses de la rose ou les rouges de l'œillet, Velazquez et Goya ne nous les redonnent jamais à l'endroit où ils les ont vus (...) ils brillent dans ces cheveux sombres, ils piquent ce corsage d'une tache sanglante, ils empourprent cette bouche dans ce visage fardé (Faure,Espr. formes, 1927, p. 77).
b)
α) Matière colorante servant à teindre en rouge. Rouge organique, synthétique, végétal; rouge d'andrinople, de phénol, de rosaniline; broyer du rouge. Origine des rouges. − Il y en a d'origine minérale (...) surtout les rouges de fer (ocre, colcotar), de mercure (vermillon), de plomb (minium); d'origine animale: particulièrement celui que fournit un insecte, la cochenille, et qui sert à préparer le carmin et les laques; d'origine végétale, dont le type était la garance (Lar. mén.1926).
Rouge neutre. ,,Matière colorante utilisée comme indicateur de pH (coloration rouge à pH 6,8, coloration jaune à pH 8,0) et comme réactif colorimétrique pour le dépistage des colibacilles dans un milieu`` (Méd. Biol. t. 3 1972).
β) En partic.
Fard rouge utilisé autrefois pour se colorer le visage. Mettre du, son rouge; rouge à joues. C'était un de ces esprits que leur fierté met dans la position d'une jeune femme qui arrive sans rouge dans un salon où l'usage du rouge est général (Stendhal,Armance, 1827, p. 28).Le rouge fut surtout une grande affaire au siècle dernier. Il devait, selon la qualité de son enluminure, indiquer le rang de celle qui le portait. Pour la présentation à la cour, il était plus accentué que jamais (Cost.1899).
Loc. fam. Avoir un pied de rouge (sur les joues). Avoir une épaisse couche de fard rouge sur les joues. Mon cher, reprit le comte, vous voyez que j'ai un pied de rouge sur les joues, ménagez-moi (Feuillet,J. de Trécœur, 1872, p. 62).
Rouge à, aux lèvres et ell. rouge. Fard rouge utilisé pour se colorer les lèvres en rouge; p. ext., fard pour les lèvres de toute autre couleur. Bâton, crayon, tube de rouge (à, aux lèvres); dermite du rouge à/aux lèvres. Tu n'étais pourtant pas comme les autres, toi, à t'attifer toujours devant la glace, à te mettre du rouge aux lèvres, à chercher à ce qu'on te remarque (Anouilh,Antig., 1946, p. 140).Le rouge à lèvres. Deux tendances pour l'été: des lèvres tout à fait mates (dans ce cas, rien de tel que le crayon à lèvres en guise de rouge!) ou légèrement nacrées et brillantes. Voici les nouveaux rouges particulièrement adaptés à la saison chaude (Biba cosmétique, printemps-été 1987, n o1, p. 32, col. 4).
c) En partic.
α) [Corresp. à supra I B 1] Coloration rouge de la peau provoquée par un afflux de sang sous l'effet d'une irritation ou d'une vive émotion. Le rouge de la honte, de l'indignation; yeux bordés de rouge. Le visage de Mongeot se décompose (...) tout son sang lui monte à la tête; bientôt au rouge d'une colère concentrée succède une pâleur bleuâtre (Balzac, Œuvres div., t. 1, 1830, p. 526).
Locutions
Le rouge lui monte au front, aux joues, au visage. Rougir, piquer un fard. Pauvre Pierre! Comme le rouge lui est monté au front! Comme il a frémi en t'écoutant raconter l'insulte faite à sa sœur! (Musset,Lorenzaccio, 1834, ii, 5, p. 154).Faire monter, mettre le rouge au front. Faire rougir, et p. méton., faire honte. C'est une chose qu'il faut effacer de notre histoire et qui n'y a figuré que pour faire monter le rouge au front des Français qui la liront plus tard (Procès Pétain, t. 1, 1945, p. 21).
β) [Corresp. à supra I B 2 d] Température du feu qui produit une coloration rouge et un rayonnement calorifique; couleur, aspect du métal incandescent. Lorsque le feu a acquis une température qui varie entre le rouge sombre et le rouge cerise, on commence le grand feu (Al. Brongniart, Arts céram., t. 1, 1844, p. 225).Les plaques ou les pièces ayant solidement acquis la forme qu'elles doivent conserver sont de nouveau soumises à la température du rouge cerise afin de les nettoyer et de dégraisser les parties que le contact des mains a pu souiller et où l'émail n'adhérerait pas (A. Meyer,Art émail Limoges, 1895, p. 3).
TECHNOL., loc. Chauffer au rouge; porter au rouge (un métal). Faire chauffer au feu au point de rendre incandescent. Le fer possède la propriété de se combiner au carbone quand il est porté au rouge au contact de celui-ci (Barnerias,Aciéries, 1934, p. 64).
2. [Rouge sert à désigner toute chose caractérisée par la couleur rouge (en tout ou en partie)]
a) Vêtement de couleur rouge, ornement rouge. Pièce tendue de rouge; être habillé de rouge; être tout en rouge. Une femme coiffée de rouge se leva et tout le monde applaudit (Beauvoir,Mandarins, 1954, p. 321).Mince bourreau pâle vêtu de rouge (Cocteau,Poés. crit. I, 1959, p. 263).
[P. allus. à la couleur rouge de l'habit milit.] V. noir II A 2 ex. de Martineau.
b) Spécialement
ALIM. [Corresp. à supra I A 1b β] Vin rouge. Boire, servir du rouge, un verre de rouge. Il s'approche de la table, saisit le litre de « rouge », et se sert une bonne rasade (Dabit,Hôtel Nord, 1929, p. 59).Dubourg (...) décoiffait la bouteille, versait le rouge, l'avalait à grandes coulées (Arnoux,Roi, 1956, p. 287).
Pop., fam. Gros rouge. Synon. pop. gros bleu, gros qui tache (v. gros1III A).Gros rouge qui tache (plus rare). La qualité des vins s'est considérablement améliorée dans ce qui n'est plus aujourd'hui « la patrie du gros rouge qui tache » (L'Express, 27 mars 1967, p. 37, col. 2).Au fig., en appos. à valeur d'adj. 4 septembre: quai de la gare, une fois encore. Chansons gros rouge, mais chansons mornes et vin triste (Vialar,Carambouille, 1949, p. 296).
Vx, rare. Un rouge-bord. V. bord II C.Il (...) versait des rouges-bords à sa femme (...) et à moi, malheureux, qui avalais sans goûter, les vins rouges, roses, blancs (...) dont il proclamait (...) l'âge et le cru (A. France,P. Nozière, 1899, p. 111).
BOT. [Corresp. à supra I B 2 a β] ,,Toute maladie qui se manifeste par un rougissement, suivi d'une chute prématurée, des feuilles et en particulier des aiguilles de conifères`` (Métro 1975).
CHASSE. Chien de rouge. Chien spécialisé dans la recherche du grand gibier blessé. Synon. chien de sang*.Le chien de rouge peut arriver à retrouver son animal sans l'aide de rougeurs dans des conditions parfois stupéfiantes en raison du temps écoulé, de la température ou des distances parcourues (Duchartre1973).Rouge de rivière. Canard sauvage aux pattes et à la livrée rouges. Synon. souchet3.Après la bisque d'écrevisses, que dirions-nous d'un rouge de rivière aux oranges? (Dumas père, Dame Monsoreau, 1846, iii, 5etabl., 5, p. 206).
ZOOLOGIE
Bas-rouge. Variété de beauceron, au pelage noir, au bas des pattes rousses. Surnommé bas-rouge en raison des taches feu à l'extrémité de mes pattes, ma première qualité fut la garde des troupeaux. Ne m'appelle-t-on pas encore « berger de Beauce »? (Rustica, 30 sept. 1981, n o614, p. 52).
Rem. Dans des comp., v. rouge-gorge, rouge-queue.
PATHOL. ANIM. Maladie dermique du chien. Le rouge du chien débute comme la gale. Des vésicules apparaissent à la base des poils, se crèvent et couvrent la peau de croûtes denses et nombreuses. La peau, très-rouge au début, devient ensuite violette, et parfois ne présente plus qu'une large plaie dans les parties envahies dont les poils tombent (Littré-Robin1865).
Loc. Avoir une crise de rouge, pousser, prendre, tirer le rouge. [En parlant d'un dindonneau] Chez lequel la chair rouge des caroncules et de la fraise se développe. Les dindonneaux, jusqu'à leur puberté « où ils tirent le rouge », sont sensibles à tout: au froid, à la pluie, au vent, au moindre mal (Pesquidoux,Chez nous, 1921, p. 250).
3. [Rouge connote le danger ou l'interdit]
a)
α) CIRCULATION. [Corresp. à supra I A 1 b γ] Couleur rouge caractéristique des signaux d'arrêt ou de danger. Le feu est au rouge. Automobiliste qui a une contravention pour être passé au rouge (Dub.1980).
β) Loc. Mettre le rouge
COURSES (chevaux). Mettre le disque rouge qui signale sur un champ de courses que les jeux sont faits et ne peuvent plus être modifiés (d'apr. Le Breton 1960). Le rouge est mis. ,,Les jeux sont faits (Turf)`` (Car. Argot 1977).
SPECTACLES. Mettre une lampe rouge à l'extérieur d'un lieu de tournage pour signaler l'interdiction de pénétrer sur le plateau (d'apr. Le Breton 1960). Le rouge est mis. ,,Signal lumineux de couleur rouge que l'on place à l'entrée de chaque studio pour en interdire l'accès pendant l'enregistrement`` (Radio 1972).
b) Au fig.
BANQUE. [P. anal. des comptes tenus autrefois à la main et notés à l'encre rouge] Être dans le rouge, au rouge, en rouge. Être à découvert. Des chiffres à faire rêver les entreprises qui, par ces temps de crise, sont « au rouge » depuis longtemps chez leurs banquiers! (Le Nouvel Observateur, 17 mai 1976, p. 61, col. 1).Si votre compte est en rouge, vous paierez des agios assez élevés, mais cela peut valoir la peine. Un conseil toutefois; lors de votre discussion avec l'employé de banque, ne vous contentez pas d'un accord verbal (Le Chasseur français, juin 1986, p. 98, col. 3).
[Le plus souvent dans le domaine écon. et à propos d'une entreprise; rouge désigne une période d'alarme, de difficultés] Chômage au rouge; sociétés en rouge. 11 heures j'entre dans le rouge. Il me reste un quart d'heure pour terminer la mise en pages. Encore une foule de détails à régler. Il y a des jours comme ça où on se dit qu'on n'y arrivera jamais (Le Monde Aujourd'hui, 1er-2 déc. 1985, p. 1).Gaz de France est sorti du rouge. Gaz de France a réalisé en 1985 un bénéfice de 485 millions de francs, contre un déficit supérieur à 3 milliards en 1984 (Le Monde, 1ermars 1986, p. 30).
Mettre au rouge. Dénoncer les dangers de. Scooter des neiges: les verts mettent au rouge. Pontarlier. − La nouvelle mode des courses et des rallyes sur la neige avec des véhicules 4 X 4, des scooters ou autres engins à chenilles inquiètent un peu partout les écologistes qui dénoncent les impacts sur le milieu de ce genre d'épreuve (L'Est Républicain,7 févr. 1987, p. 412).
4. [Rouge connote l'intensité des émotions, des sentiments]:
5. Tout au long du conte [le Petit Chaperon Rouge], et dans le titre comme dans le nom de l'héroïne, l'importance de la couleur rouge, arborée par l'enfant, est fortement soulignée. Le rouge est la couleur qui symbolise les émotions violentes et particulièrement celles qui relèvent de la sexualité. Le bonnet de velours rouge offert par la grand-mère à la petite fille peut ainsi être considéré comme le symbole du transfert prématuré du pouvoir de séduction sexuelle... Br. Bettelheim, Psychanalyse des Contes de Fées, 1976, p. 221.
B. − Subst. masc. ou fém.
1. Celui, celle qui a le teint ou les cheveux rouges, qui est vêtu de rouge. La petite rouge. [Anatole] s'en ira, les mains dans les poches, retrouver sa nouvelle bonne amie, la rouge-carotte (Coppée,Contes rap., 1885, p. 245).Vous auriez pas vu entrer à l'hôtel un grand rouge à tête frisée, qui a toujours une belle façon? (Guèvremont,Survenant, 1945, p. 178).
2. Au fig., POL. Celui, celle qui est républicain (vieilli), qui professe des opinions d'extrême gauche et est partisan d'une action révolutionnaire; en partic., celui, celle qui est communiste. À l'Assemblée, il va de banc en banc (...) rit avec les bleus, avec les blancs, avec les rouges (Hugo,Choses vues, 1885, p. 202).Tous ces gens-là (...) étaient des révolutionnaires, des rouges, des égorgeurs de bourgeois, d'aristocrates (Vialar,Bête de chasse, 1952, pp. 79-80).
En partic., vieilli. [P. oppos. à jaune (vieilli)] Ouvrier, ouvrière adepte des idées des syndicats révolutionnaires. L'idée de Biétry était d'opposer les jaunes, c'est-à-dire les bons ouvriers, aux méchants, c'est-à-dire aux rouges (L. Daudet,Temps Judas, 1920, p. 215).
C. − Subst. fém., spéc.
1. JEUX
a) BILLARD. [P. oppos. à la blanche] Boule rouge. Sur la table verte, on poursuit la rouge et la blanche dont l'ivoire retentit en se choquant (Pesquidoux,Chez nous, 1923, p. 3).V. blanc. ex. 40.
b) DOMINOS, ROULETTE. [P. oppos. à la noire] Case de jeu de couleur rouge. Jouer, miser sur la rouge. Il s'enquérait auprès de quelques joueurs émérites de l'état de la Rouge et de la Noire, et jouait dix francs au moment le plus opportun (Balzac,Rabouill., 1842, p. 296).
2. ZOOL. Perdrix rouge. Synon. pattes rouges (supra I A 2 b zool.)Deux compagnies de rouges furent « arrêtées » encore. Raboliot, vers chacune, envoya ses deux coups, le premier sur les perdrix blotties, le second dès l'envol, à un mètre de terre (Genevoix,Raboliot, 1925, p. 257).V. gris1I B 1 b ex. du Chasseur français.
3. SPORTS (alpin., ski). Piste rouge (supra I C 3). Avant de se lancer sur une piste de descente ou dans un parcours de slalom, les champions passent longtemps sur le tracé pour étudier la trajectoire idéale. Quel rapport avec le skieur du dimanche qui se lance sur une « rouge »? (Le Monde Loisirs, 17 nov. 1984, p. ii).Supra I C 1 ex.
REM.
Rougement, adv.,hapax. Les boutiques de barbiers (...) avec leurs enseignes, sur leurs carreaux, de jambes et de bras dont le sang jaillit rougement dans un verre (Goncourt,MmeGervaisais, 1869, p. 233).
Prononc. et Orth.: [ʀu:ʒ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Adj. A. 1. ca 1130 « qui a la couleur caractéristique du sang, de certaines fleurs, etc. » (Paraphrase Cantique des Cantiques, éd. W. Foerster et E. Koschwitz, Alt fr. Übungsbuch, p. 165, vers 17); spéc. 2. a) 1228 rouge vin (Jean Renart, G. de Dole, éd. F. Lecoy, 494); 1649 verser à rouge bord (Richer, L'Ovide bouffon, 504 ds Brunot t. 4, p. 501); 1668 rouge bord « verre ou gobelet de vin rouge » (Boileau, Satires, III, 136, éd. A. Cahen, p. 54); 1754 p. ell. de vin, subst. « vin rouge » (L'Impromptu des harangères, 9 ds Quem. DDL t. 21); b) 1464 [éd. 1512] rouge chapel « chapeau de cardinal, dont la couleur est rouge » (Continuation des Chron. de Monstrelet, 3evol., t. II, f o256a ds Gdf. Compl.); 1690 (Fur.: On appelle un Cardinal un chapeau rouge, ou bonnet rouge, la calotte rouge, parce que ce sont les marques de sa dignité); c) 1690 livre rouge « livre de couverture rouge sur lequel on enregistrait les défauts prononcés à l'audience » être écrit sur le livre rouge « risquer une condamnation ou quelque mal de personnes puissantes » (Fur.); 1718 marqué en lettres rouges « signalé à la justice » (Dancourt, Déroute du pharaon, sc. 22 ds Littré); 1971 pétrole rouge « pétrole de vente illégale » (Combat ds Giraud-Pamart Nouv. 1974); 1972 subst. (Admin.: Rouge. Écriture comptable négative (perte) ou découvert); 3. qualifiant un objet destiné à attirer l'attention a) 1731 drapeaux rouges (de signalisation, repérage, etc.) (Terrasson, Sothos, t. 2, p. 36); b) 1870 croix rouges des ambulances (v. croix II C 1); c) 1879 lanternes rouges du dernier wagon (Huysmans, Sœurs Vatard, p. 122); d'où 1924 lanterne rouge « dernier » (Montherl., Olymp., p. 311); d) 1890 pour indiquer l'interdiction du passage feux rouges (Zola, Bête hum., p. 285); 4. 1789 drapeau rouge « drapeau de signalisation déployé d'abord pour indiquer la publication de la loi martiale et indiquant donc un état d'insurrection » (Le Moniteur, 21 oct. 1789, éd. 1863, t. 2, p. 79 d'apr. A. Geffroy, infra bbg.); 1792 bonnet rouge « bonnet des révolutionnaires » (Journal des théâtres, 10 mars d'apr. Id., infra bbg.); 1830 partis [...] rouges « partis révolutionnaires » (Lamart., Corresp., p. 83); 1835 subst. les rouges « les révolutionnaires » (Balzac, Goriot, p. 218) cf. aussi le Vieux Cordelier de C. Desmoulins, n o7, mars 1794, p. 247 d'apr. A. Geffroy, infra bbg.; 1924 armée rouge (Bainville, Hist. Fr., t. 2, p. 278). B. 1. a) 1180-1200 d'une couleur vive tirant sur le rouge » rouge or pour désigner l'or le plus pur (Alexandre de Paris, Alexandre ds Elliott Monographs, éd. E. C. Armstrong, vol. II, Branche I, 2437, p. 55); 1690 cuivre rouge (Fur.); 1831 sans un rouge liard (v. liard); b) 1368 « roux, tirant sur le roux » cheval bay royge (Cartons des rois, A.N. K 49, pièce 37 ds Gdf. Compl.); c) 1376 vén. bêtes rouges p. oppos. aux bêtes noires (Modus et Ratio, éd. G. Tilander, 2, 3); d) 1501 rouge terre « ocre » (Régisseur Mons, 515 ds IGLF); 2. 1611 « dont la peau prend la coloration du sang (p. ex. sous l'effet d'une émotion) » (Cotgr.); 3. 1755 la race rouge « les Indiens d'Amérique » (Mirabeau, Ami des hommes, t. 3, p. 394); 1781 subst. p. ell. de homme (Barruel, Les Helviennes, t. 1, p. 245). C. 1remoit. xives. « porté à incandescence » (Recettes méd., ms. Bibl. mun. Evreux, 23, 45, éd. P. Meyer ds Romania t. 18, p. 576); 1798 tirer à boulets rouges fig. (Ac.). D. 1. 1690 « dont certains éléments du corps sont rouges » perdrix rouge (Fur.); 1925 subst. fém. p. ell. de perdrix (Genevoix, Raboliot, p. 141); 2. 1748 la messe rouge « messe de rentrée du parlement où les magistrats portent leurs robes rouges » (Diderot, Bijoux indiscrets, p. 112); 3. 1791 « qui se manifeste par des rougeurs » fièvre rouge (Staël, Lettres jeun., p. 434). E. 1855 « vif, excessif » (Sand, Hist. vie, t. 3, p. 256). II. A. Subst. masc. 1. a) 1erquart déb. xiies. « teinte rouge de quelque chose » (Lapidaire de Marbode, 272, éd. P. Studer et J. Evans, Anglo-norman lapidaries, p. 38); b) ca 1180 avec un art. partitif, comme en parlant d'une matière (Fierabras, 61 ds T.-L.); 2. xiiies. « tissu de couleur rouge » (Du valet qui d'aise a malaise se met, 6, éd. W. Foerster ds Jahrbuch für romanische und englische Sprache und Literatur, t. 13, 1874, p. 295); 3. a) 1579 fard appelé rouge d'Espagne (A. Paré, Œuvres, éd. J.-Fr. Malgaigne, Médicaments, XXV, 44, t. 3, p. 606); 1606 Rouge à farder (Crespin, p. 355); b) 1636 « matière colorante rouge » (Monet); 4. 1636 « couleur du feu, de l'incandescence » (ibid.); 5. 1661 « couleur du visage à la suite d'une émotion » (Molière, Les Fâcheux, I, 1); 6. 1771 pousser le rouge (en parlant de dindonneaux) (Buffon, Hist. nat. des Oiseaux, t. 2, p. 143); 7. 1796 « maladie qui se manifeste par l'apparition de quelque chose de rouge ou des rougeurs » ici subst. fém. « maladie du ver à soie » (Fr. Rozier, Cours compl. d'agric. théor., prat., écon. et de méd. rurale et vétér., Paris, t. 9, p. 580); [1817] d'apr. FEW t. 10, p. 532b] subst. masc. « maladie du pêcher » (Gérardin de Mirecourt, Dict. raisonné de bot., éd. 1820, p. 493); 8. a) 1843 « sang » (Sue, Myst. Paris, t. 5, p. 175); b) 1970 chien de rouge (Burn.); 9. 1846 désignant un animal rouge de rivière « souchet » (Dumas père, Dame Monsoreau, III, 5, p. 206); 10. [1923 d'apr. Esn.] 1935 le rouge est mis « les jeux sont faits » p. allus. au disque rouge qui indique que la décision prise concernant une course de chevaux est irrévocable » (Simonin, J. Bazin, Voilà taxi! p. 186); 1952 (O. Uren, Le Vocab. du cin. ds Fr. mod. t. 20, p. 218: − lampe rouge qui indique qu'on est en train de tourner. « Silence, le rouge », « demandez le rouge »). B. Subst. fém. 1776 « bille rouge (dans les jeux d'argent) » (Restif de La Bret., Paysan perverti, t. 3, p. 68). III. Empl. adv. 1784 fâcher tout rouge (Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, II, 2); [1842-43 (E. Sue, Mystères de Paris d'apr. Littré)] 1843 voir rouge (Sainte-Beuve, Corresp., t. 5, p. 87); 1945 voter rouge (Sartre, Surois, p. 181). Du lat. rubeus, -a, -um « roux, rougeâtre » qui a souvent supplanté ruber, -bra, -brum « rouge » dans les lang. rom. sans toujours, comme en fr., prendre le sens de ce dernier. Fréq. abs. littér.: 13 222. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 10 300, b) 25 728; xxes.: a) 24 610, b) 18 855. Bbg. Bettelheim (B.). Psychanalyse des Contes de Fées, 1976, p. 221. − Bidu-Vrănceaunu (A.). Syst. des n. de couleurs. Bucuresti, 1976, p. 217. − Colón (G.). Un Cambio de perspectíva etímológica Rosicler y su mediato origen francés. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1971, t. 9, n o1, pp. 229-251 (s.v. rouge clair). − Dub. Pol. 1962, pp. 411-412. − Geffroy (A.). Ét. en rouge, 1789-1798. Cah. Lexicol., 1987, n o51, pp. 119-148. − Grundt (L.-O.). Ét. sur l'adj. invarié en fr. Bergen-Oslo-Tromsø, 1972, pp. 250-253. − Kristol (A.-M.). Color. Les Lang. rom. devant le phénomène de la couleur. Berne, 1978, pp. 146-212. − Laurian (J.-M.). Über die grüne Grenze ou la longue marche des lexies colorées. Contrastes. 1983, n o7, pp. 79-95. − Quem. DDL t. 9, 13, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 31, 33.

Wiktionnaire

Nom commun - français

rouge \ʁuʒ\ masculin[1]

  1. Couleur rouge.
    • Les Liméniennes ont toutes de belles couleurs, les lèvres d’un rouge vif, de beaux cheveux noirs et bouclés naturellement, des yeux noirs d’une expression indéfinissable d’esprit, de fierté et de langueur ; […]. — (Flora Tristan, Les Femmes de Lima, dans Revue de Paris, tome 32, 1836)
    • Il aimera toujours le rouge et la céruse, le chrysocale et les oripeaux de toute sorte. Il repeindrait volontiers les arbres et le ciel, et si Dieu lui avait confié le plan de la nature, il l’aurait peut-être gâté. — (Charles Baudelaire, La Fanfarlo, 1847 ; Gallimard, 2012, collection Folio, page 65.)
    • L’autre lanterne d’un rouge vermillon passé, un vermillon tombé dans les orangés pisseux, un rouge indigent et mistouflard. — (Alphonse Allais, Œuvres anthumes, volume 1, 1900, page 213)
    • La gamme de couleurs où elle est baignée est d’une somptuosité que l’on ne peut décrire. Depuis le rouge et l’or jusqu’au violet céleste, toutes les teintes frappent ses murailles […]. — (Pierre Louÿs, La Ville plus belle que le monument, dans Archipel, 1932)
    • Mais dans le même temps qu’elle admirait les robes, Francie éprouvait un étrange malaise. Ses yeux voyaient bien les couleurs, le cerise, l’orange, le bleu vif, le rouge et le jaune, mais elle avait l’impression qu’une chose sournoise se cachait derrière les costumes : […]. — (Betty Smith, Le lys de Brooklyn, traduit par Maurice Beerblock, 1947, Éditions Belfond, 2014, chapitre 4)
    • Il était petit, il avait le pied bot, il s’appelait Falchetto, il tenait une boutique de cordonnier rue Parrot, d’un beau rouge sali avec une grande botte du même rouge. — (Baptiste-Marrey, Rouge le vin, rouge mon cœur, Stock, 2006)
    • Les rameaux, les bourgeons, les fleurs, les fruits immatures, les pétioles et la coloration automnale des feuilles sont généralement d’un rouge vif. — (John Laird Farrar, Les Arbres du Canada, Les Éditions Fides, 1996, page 140)
  2. Afflux de sang qui colore la peau.
    • Et Jourgeot, d’un œil hagard, dilaté, le rouge au front, le sang aux tempes, voyait tout cela, un étrange pincement au cœur. — (Louis Pergaud, La Vengeance du père Jourgeot, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
    • Elle avait observé qu’au seul nom de Lorenzo le rouge montait au visage de sa fille: toutes les fois qu’il en était question, Antonia, timide, embarrassée, détournait la conversation et parlait d’Ambrosio. — (Matthew Gregory Lewis, Le moine, traduit de l’anglais par Deschamps & Desprez, éditions Gustave Havard, 1854, page 34)
  3. Substance minérale ou végétale qu’on emploie à divers usages et qui sont de couleur rouge.
    • II existe une multitude de produits synthétiques qui n’ont pas du tout pu supplanter le rouge kermès ni en ce qui concerne la teinte, ni sur le plan de la qualité. — (Between the Natural and the Artificial: Dyestuffs and Medicines, Brepols, 2000, page 105)
    • Pour des teintes plus chaudes, nous avons vu que le rouge cochenille est un des seuls tolérés dans la région de l’œil […]. — (Muriel Chiron-Charrier, Café, crème, savon et Cie : La Petite Chimie du matin de Marie Curieuse, EDP Sciences, 2012, page 171)
  4. Fard de couleur rouge.
    • Sa rivale comptait voir une femme pâle, languissante ; la marquise avait mis du rouge, et se présenta dans tout l’éclat d’une parure qui rehaussait encore sa beauté. — (Honoré de Balzac, La Femme de trente ans, Paris, 1832)
    • […] et, puisant dans un pot une épaisseur de rouge, il s’enlumina la trogne à la manière d’un clown ou plutôt d’un ivrogne, […]. — (Francis Carco, L’Homme de minuit, Éditions Albin Michel, Paris, 1938)
    • Elle en aura fait, non pas de ces petites poupées gentilles qui savent charlestonner, pianoter, se servir avec art de la poudre de riz et du rouge, mais sont incapables de faire un pot-au-feu réussi. — (La Réforme sociale, volume 88, 1928, page 315)
    • Je vis que sa beauté, comme son caractère, était absolument sans fard. Ni rouge aux lèvres, ni fer aux cheveux ; rien aux cils ni aux paupières. — (Pierre Louÿs, Trois filles de leur mère, René Bonnel, Paris, 1926, chapitre IV)
    • Elle était hideuse ainsi. On voyait derrière ses lèvres relevées, débarrassées de rouge, décolorées et molles, ses dents malpropres ; un bourrelet de graisse saillait sous le menton. — (Francis Carco, Brumes, Éditions Albin Michel, Paris, 1935, page 57)
  5. (Par métonymie) (Familier) Vin de la même couleur, issu de la macération de raisins noirs. — Note : Voir aussi blanc et rosé.
    • L’âme dilatée par l’horizon grandiose, sans doute, et peut-être aussi par les chopines de rouge, les rincettes et surincettes qu’il avait ingurgitées, il voulut être aimable avec son jeune et farouche tributaire […]. — (Louis Pergaud, Une revanche, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
    • Les deux routiers sont attablés, occupés à exterminer en silence un plateau de fromages et les deux kils de rouge qui vont avec. — (Pascal Perbet, Tribu Vivaldi, Éditions Julliard, 2015, chapitre 1)
  6. (Par ellipse) (Code routier) (Familier) Feu tricolore, lorsqu’il est de couleur rouge pour ordonner l’arrêt du véhicule.
    • Fallait-il que je fonce droit vers ces autres voitures qui, elles, avaient grillé le rouge en face et se retrouvaient captives au milieu de l’artère ? — (« Afrique rose », Africultures no 63, avril-juin 2005, page 235)
  7. (Figuré) Point critique ou dangereux par franchissement des limites possibles, permises ou admises.
    • J’en rajoute dans la confidence, je me mets dans le rouge, je lui donne la clé finale, la seule pièce qui lui manque encore avant même qu’elle m’interroge. — (Hervé Commère, Les Ronds dans l’eau, Editis, 2011)
  8. (Finance) Déficit.
    • Le dispositif aura donc ajouté 11,9 milliards en 7 ans aux charges de la CNAV, faisant passer ses comptes dans le rouge avec deux années d’avance sur ce qui se serait produit si aucune loi retraites n’avait été votée en 2003, […]. — (Jacques Bichot, Retraites, le dictionnaire de la réforme, L’Harmattan, 2010, page 54)
  9. (Zoologie) Nom vulgaire du souchet commun, canard sauvage à pattes rouges.
    • Exemple d’utilisation manquant. (Ajouter)
  10. (Agriculture, Botanique) Nom vulgaire de diverses maladies ou phases de maladies des plantes.
    • Exemple d’utilisation manquant. (Ajouter)
  11. (Politique) (Péjoratif) Nom que donnent les conservateurs et les réactionnaires pour désigner les républicains, puis les communistes.
    • […] ; il faut vous dire que c’était au moment du procès de Rennes et que, dans ce petit village qui compte tout juste trente-cinq électeurs, les deux partis étaient cependant bien tranchés. Naturellement, Nastase, qui a toujours été un rouge, tenait pour la révision ; on discutait dur ; […]. — (Louis Pergaud, Un point d’histoire, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
    • Au total, la Révolution n’est restée maîtresse du terrain qu’en Russie, après une lutte acharnée des Rouges contre les Blancs, ceux-ci soutenus par les puissances occidentales. — (Jacques Delpierrié de Bayac, Histoire du Front populaire, Fayard, 1972, page 13)
    • Pour la presse hostile aux rouges, le gréviculteur est un raté et un noceur. Insolent, rageur, violent, brutal, haineux, il sème l’illusion du paradis socialiste. — (Serge Bonnet et ‎Roger Humbert, La ligne rouge des hauts fourneaux: grèves dans le fer lorrain en 1905, éditions Denoël, 1981, page 87)
    • Son père, […], est surnommé « Camélinat le Rouge » pour ses convictions républicaines. Cet austère paysan a élevé ses enfants dans l’aversion de la monarchie, puis de l’Empire. — (Rosa Moussaoui, Zéphyrin Camélinat (1840-1932) Un long chemin, de la commune au communisme, dans L’Humanité, 7 septembre 2011)
  12. (Canada) (Québec) Membre, partisan ou député du Parti libéral du Canada ou du Parti libéral du Québec. Note : S’oppose à bleu : membre, partisan ou député du Parti conservateur du Canada ou (hist.) de l’Union nationale du Québec.
    • Si Alphone Desjardins a bénéficié des sollicitudes des « bleus » à son égard pour obtenir un emploi à Ottawa, Marc Sauvalle a profité, quant à lui, de l’appui des « rouges ». — (Alain Otis et Jean Delisle, Les douaniers des langues — Grandeur et misère de la traduction à Ottawa, 1867-1967, Presses de l’Université Laval, 2016, page 103)
    • Vert dehors et rouge en dedans. — (Richard Martineau, Le faux courage du PLQ, Le Journal de Québec, 29 novembre 2021)
  13. (Physique) Une des trois charges de couleur du quark, les deux autres étant le vert et le bleu.

Note : Parfois il est employé au singulier dans les cas où il est suivi d’un adjectif ou d’un complément qui indique la nuance exacte :

    • Ainsi, l’hôpital organise également de nombreuses autres activités : distribution de cadeaux du Têt et d’enveloppes rouge porte-bonheur (li xi) et organisation de festivals de fleurs printanières dans l’espoir d’apporter un peu de chaleur et de motivation aux malades. — (Le Courrier du Vietnam, Têt : de nombreuses activités pour venir en aide aux patients pauvres, site lecourrier.vn, 8 février 2021)

Adverbe - français

rouge \ʁuʒ\ invariable

  1. Avec colère.
    • Mais il était bien aussi un peu à Bernard; et Bernard se fâcha tout rouge le jour où, par une maladresse du facteur, il vint à s’apercevoir de ce manège; il se fâcha même si rouge qu’il y eut plus que des gros mots échangé. — (Paul Célières, La Mère Champagne : nouvelle, dans le Musée des familles: lectures du soir, 1876, volume 43, page 24)
    • Beauford-Delaney, maître ès-pâtes, sait inventer de savants et subtils contrepoints, jouer imperceptiblement avec une sous-dominante, s’alanguir dans un rêve trop gracieux, hurler rouge sans crier gare, puis s’éblouir dans une belle fête solaire. — (M.R., Beauford-Delaney, Downing, Caroline Lee, dans Cimaise, 1961, volume 8, n° 51-53, page 90)
    • Avec ma grosse voix de baroud et mon regard Dalí, vous savez, un sourcil en haut et un en bas :
      — Je vous donne dix secondes pour déguerpir, sinon je vais m’énerver rouge… Attention…
      Ils savent tous que si je m’énerve rouge, je suis capable d’engloutir dix chameaux d’un coup, découpés menu, s’entend, […].
      — (Aziz Chouaki, Les Coloniaux, éditions Mille et une nuits (Fayard), 2009)

Adjectif - français

rouge \ʁuʒ\ masculin et féminin identiques

  1. Qui est d’une couleur semblable à celle du sang, du coquelicot, de la fraise, etc., dont la longueur d’onde dominante est comprise entre environ 625 et 740 nm. — #E01010 #FF0000 #FF0040 #FF2000 #850606
    • Il y a des betteraves blanches, il y en a de jaunes, de rouges, et de marbrées, et quelquefois la pellicule est rouge et la chair est blanche. — (Jean-Antoine Chaptal, Mémoire sur le sucre de betterave, Mémoires de l’Académie des sciences, tome 1, pages 347-388, 1818)
    • La façade était peinte en blanc et les arêtes de la corniche se rehaussaient d’un filet rouge qui en accentuait le profil. — (Francis Carco, L’Homme de minuit, Éditions Albin Michel, Paris, 1938)
    • Couleur des temps de la violence, belle couleur issue des jeunes corps guerriers, ruisseau de vie d’un si tendre et dolent courant aux poitrines des fusillés, ô rouge, tu signes de ton paraphe l’histoire de la passion des hommes. — (Maurice Bedel, Traité du plaisir, 1945, page 179)
    • Des oiseaux d’un rouge de blessure volaient en criant dans les arbres d’une longue avenue qui fermait les jardins du côté de la ville. — (Julien Green, « Moïra », 1950, réédition Le Livre de Poche, page 21)
    • Je demandai à ma mère d’aller aux vergers cueillir la cerise. On en était aux griottes, rouges comme le sang caillé, translucides comme des pierres précieuses, […]. — (Jean Rogissart, Hurtebise aux griottes, L’Amitié par le livre, Blainville-sur-Mer, 1954, p. 33)
  2. (En particulier) Fortement irrigué de sang, en parlant de la peau humaine.
    • Mais la plus forte tête du salon jaune était à coup sûr le commandant Sicardot, le beau-père d’Aristide. Taillé en Hercule, le visage rouge brique, couturé et planté de bouquets de poil gris, il comptait parmi les plus glorieuses ganaches de la grande armée. — (Émile Zola, La Fortune des Rougon, G. Charpentier, Paris, 1871, chapitre III ; réédition 1879, page 93)
    • Et il descendit de sa chaire, plus rouge et plus excité que jamais, les yeux lançant des éclairs et brandissant vers la nef un poing terrible et vengeur. — (Louis Pergaud, Le Sermon difficile, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
    • L’épouse devient rouge et le poète devient pâle. Ils crient très fort. Le visage rouge devient pâle, la face pâle passe au rouge. Avec les mots, on en voit de toutes les couleurs. Mais le poète a beau tempêter, pour l’épouse, c’est décidé. C’est Thoricourt, Thoricourt, rien que Thoricourt. — (Amand Vereecke, La tête qui tourne, éditions André de Rache, 1969)
  3. (Par extension) Dont le sentiment est à son paroxysme. — Note : Le sentiment est indiqué à la suite de la préposition de.
    Rouge de honte
    • Le jour de Pâques amena deux visiteurs de marque. Johnny, que Sylvie, rouge de plaisir et qui dissimulait mal sa joie, alla chercher précipitamment en gare de Tarbes. — (Jean-Louis Quereillahc, Trois sillons de terre rouge, Éditions de Borée, 2008, page 458)
    • Gabrielle s’efforçait de passer crânement devant la maréchaussée et elle ne se retourna pas lorsque sa sœur se fit interpeller et dut, rouge de honte, ouvrir sa valise et abandonner un beau jambon aux mains des représentants de l’ordre, […]. — (Monique Pontault, Frères de sang, sœurs de lait : Anthropologie d’une marginalisation familiale et sociale, L’Harmattan, 2002, page 267)
    • Rouge de confusion, le médecin jeta un regard en coulisse à Éléonore. Il fut rassuré par le sourire dont elle le gratifia en disant :
      – Cette idée me serait venue à l’esprit si je m’étais trouvée à votre place.
      — (Béatrice Nicodème, Le Chacal rouge, Le Masque, 2000)
  4. (En particulier) Dont la température est telle que la couleur est rouge.
    • Après huit à neuf heures de chauffe, le bassin intérieur étant suffisamment plein, on fait la première coulée : pour cela le premier ouvrier, avec son ringard, enfonce le tampon d’argile & le plomb coule. Le métal liquide est rouge, probablement parce qu’il a séjourné long-tems [sic] dans l’intérieur du fourneau. — (Encyclopédie méthodique : Chymie, pharmacie et métallurgie, vol. 5, 1808, page 662)
    • Pour fabriquer 100 kilogrammes de barres de 0,03 à 0,04 de grosseur en carré, en laminant la fonte rouge sortant du fourneau d’affinerie. — (Stéphane Flachat, Traité élémentaire de mécanique industrielle, 1835, page 206)
  5. (Politique) Dont l’idéologie est symbolisée par un drapeau rouge, comme le communisme, l’extrême gauche, etc.
    • Les ouvriers sont répartis entre deux organisations syndicales : l’organisation rouge et l’organisation indépendante. Leur importance était, au moment où éclata la grève, de 250 adhérents environ pour le syndicat rouge et de 150 pour le syndicat indépendant. — (Léon de Seilhac, La Grève du tissage de Lille (octobre-décembre 1909), A. Rousseau, 1910, page 40)
    • Les petits chevaux des Cosaques escaladent les amas de décombres, entre des lambeaux de murs placardés d’affiches portant la dernière proclamation de Gœbbels : « Tout Allemand doit défendre sa capitale. Les hordes rouges seront arrêtées. » — (Georges Blond, L’Agonie de l’Allemagne 1944-1945, Fayard, 1952, page 326)
    • — Ce n’est pas si simple. Il est resté rouge, comme on dit ici… Il lui arrive encore de venir boire un verre à L’Aube sociale, les gars lui disent en riant : « Vieux renégat… toi, tu as « fait ta révolution tout seul. » Il se rengorge, parce qu’il est fier d’avoir été plus fort que les autres. Mais il dit : « Mon vieux cœur continue « de battre avec vous… », et cela aussi est sans doute vrai… — (Roger Vailland, 325.000 francs, 1954, réédition Le Livre de Poche, page 214)
  6. (Vieilli) Relatif aux peuples amérindiens.
    • […] et je reste convaincu, avec la grande majorité des américanistes, que la masse principale de la population américaine vient d’Asie et que ce sont ces émigrants qui ont imposé à l’ensemble les traits caractéristiques de la race rouge. — (René Thévenin et Paul Coze, Mœurs et Histoire des Indiens Peaux-Rouges, Payot, 1929, 2e édition, page 16)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

ROUGE. adj. des deux genres
. Qui est d'une couleur semblable à celle du sang humain. La couleur rouge est la première du Prisme. Avoir les lèvres rouges, les joues rouges, les yeux rouges, le nez rouge, l'oreille rouge. Rouge comme un coq. Rouge comme une écrevisse, comme une tomate. Cet homme devint tout rouge de colère. Cuivre rouge. Roses rouges. Vin rouge. Œufs rouges. Perdrix rouge, Espèce de perdrix qui a les pattes et le bec rouges. Fer rouge, Fer qui est devenu rouge au feu. On dit dans le même sens : Boulet rouge, Boulet qu'on faisait rougir avant d'en charger le canon et que l'on employait comme projectile incendiaire. Tirer à boulets rouges. Fig., Tirer sur quelqu'un à boulets rouges, L'attaquer sans ménagements, l'accabler de reproches, d'injures ou d'épigrammes. Le chapeau rouge, Le chapeau de cardinal. On dit plus ordinairement Le chapeau. Fam., Un rouge bord, Un verre de vin plein jusqu'aux bords. Boire un rouge bord. Se verser un rouge bord. Fig. et fam., N'avoir pas un rouge liard, Être sans argent. Le drapeau rouge, Le drapeau révolutionnaire. Arborer le drapeau rouge. On dit aussi par extension et substantivement : Les rouges, Les révolutionnaires ou les hommes appartenant aux partis d'extrême gauche, dont le drapeau rouge est l'emblème. Ce député est un rouge. Le bonnet rouge, Le bonnet dont on se coiffait dans les premières années de la Révolution, en signe de civisme et qu'on appelle aussi Bonnet phrygien. En termes de Jeu, La couleur rouge ou, elliptiquement, La rouge, La partie de la table du jeu de roulette opposée à la partie noire. Miser cent francs sur la rouge. Prov., Rouge au soir, blanc au matin, c'est la journée du pèlerin, Le ciel rouge au soir, et blanc au matin, présage un beau temps.

ROUGE se dit quelquefois en parlant des Cheveux, du poil; et alors il signifie Qui est très roux. Il a les cheveux rouges. Fig. et fam., Il est méchant comme un âne rouge se dit d'un Homme ou d'un enfant très méchant. Peaux Rouges, Indigènes de l'Amérique, ainsi nommés à cause de la couleur cuivrée de leur peau. On dit de même : La race rouge.

ROUGE est aussi nom masculin et signifie Couleur rouge. Beau rouge, rouge vif, éclatant. Rouge brun, foncé. Rouge cramoisi. Rouge écarlate. Rouge sanguin. Drap teint en rouge. Il est employé substantivement et au singulier dans les cas où il est suivi d'un autre adjectif ou d'un complément qui indique la nuance exacte. Des étoffes rouge foncé, rouge sang. Le rouge lui monte au visage se dit en parlant d'une Personne à qui le sang monte subitement au visage, par un effet de la pudeur, de la honte ou de la colère.

ROUGE se dit aussi de Certaines substances minérales ou végétales qu'on emploie à divers usages et qui sont de couleur rouge. Le rouge d'Angleterre sert à polir. Rouge d'Andrinople. Il se dit particulièrement d'une Sorte de fard rouge. Mettre du rouge et des mouches. Rouge végétal. Un bâton de rouge. Mettre son rouge. Les acteurs se mettent du rouge pour paraître sur la scène. Avoir du rouge aux lèvres. Par exagération, Cette femme a un pied de rouge, Elle est extrêmement fardée.

ROUGE est aussi employé adverbialement dans les expressions suivantes : Se fâcher tout rouge, Se fâcher sérieusement; Voir rouge, Avoir un violent accès de colère, qui incite au meurtre.

Littré (1872-1877)

ROUGE (rou-j') adj.
  • 1Qui est d'une couleur semblable à celle du feu, du sang, etc. J'étais tout rouge de honte d'avoir à traverser toute une ville avec tant d'appareil, Scarron, Rom. com. I, 18. Ayant pris la ville par la volonté du Seigneur, il [Judas Machabée] y fit un carnage incroyable, de sorte que l'étang d'après, qui avait deux stades de large, était tout rouge du sang des morts, Sacy, Bible, Machab. II, XII, 16. M. de Pompone sortit avec les yeux un peu rouges, Sévigné, 403. Je reviens aux dames : je trouve d'abord trois ou quatre de mes belles-filles [demoiselles entre qui Ch. de Sévigné cherchait une femme], plus rouges que du feu, tant elles me craignent ! Sévigné, 6 août 1680. La timide Aricie est alors arrivée… Elle approche, elle voit l'herbe rouge et fumante, Racine, Phèdre, V, 6, 2. Elle est devenue rouge comme un coq, Th. Leclercq, Prov. t. I, p. 243, dans POUGENS.

    Les diverses nuances s'expriment de la manière suivante : rouge ordinaire, pur, rouge sanguin, rouge pourpre, rouge carmin, rouge de cinabre, rouge coquelicot, rouge incarnat, rouge de feu, rouge safrané, rouge orangé, rouge de chair, rouge rosé ou rose.

    Perdrix rouge, espèce de perdrix qui a les pieds et le bec rouges.

    Maladie rouge, mal rouge, voy. MALADIE, n° 3.

    Terme de marine. Escadre rouge, celle des divisions d'une flotte qui est distinguée par le pavillon rouge (voy. ESCADRE, aux ADDITIONS et CORRECTIONS).

    Fig. Avoir le collet rouge, avoir la tête tranchée. Cinq-Mars n'y joua pas bien son rôle [auprès de Louis XIII], et voulut tromper son maître [Richelieu] qui l'avait mis là ; aussi en devint-il mauvais marchand, et en eut le collet rouge à Lyon, l'an 1642, Patin, Lett. t. II, p. 363.

  • 2Drapeau rouge, voy. DRAPEAU. [Dans la révolution] le drapeau rouge flotte aux remparts des cités ; la guerre est déclarée aux nations, Chateaubriand, Génie, III, III, 1.

    Chapeau rouge, chapeau de cardinal.

    Les enfants rouges, s'est dit quelquefois des mousquetaires.

    Anciennement. Livre rouge, livre sur lequel on enregistrait les défauts prononcés à l'audience.

    Fig. Il est écrit sur le livre rouge, il est écrit en lettres rouges, il est en danger d'être recherché pour quelque faute qu'il a faite. C'est lui qui vous attire l'attention de la justice ; il n'y est pas en bon prédicament, et l'on m'a fait voir un petit registre où il est marqué en lettres rouges, Dancourt, Déroute du pharaon, sc. 22.

    Fig. Les rouges charpentiers, voy. CHARPENTIER.

  • 3 Terme de jeu. Se dit, au trente et un, à la roulette, etc., de la couleur opposée à la noire. On dit substantivement : la rouge et la noire.
  • 4Fer rouge, fer chauffé au point de devenir rouge. La chaleur du fer rouge, qui est à très peu près égale à celle du verre en incandescence, est huit fois plus grande que la chaleur de l'eau bouillante, et vingt-quatre fois plus grande que celle du soleil en été, Buffon, Théor. terr. part. hyp. Œuv. t. IX, p. 96.

    Rouge obscur, rouge cerise, rouge blanc, se dit des différents degrés de chaleur dans le fer que l'on forge.

    Boulet rouge, voy. BOULET.

    Fig. Tirer à boulet rouge ou à boulets rouges, voy. BOULET.

  • 5Un rouge bord, un verre de vin plein jusqu'aux bords (lotion vieillie). Un laquais effronté m'apporte un rouge bord, Boileau, Sat. III.

    On a dit dans le même sens : boire à rouge bord.

  • 6Race rouge, se dit des Indiens de l'Amérique du Nord. On dit souvent : Peaux rouges.
  • 7Extrêmement roux. Cheveux rouges.

    Familièrement. Il est méchant comme un âne rouge, il est très méchant.

  • 8Adverbialement. Se fâcher tout rouge, se fâcher sérieusement. Puis les tient-on fâchés tout rouge, avec un brin d'intrigue on les mène où l'on veut, Beaumarchais, Mar. de Fig. II, 2.

    Fig. Voir rouge, être animé de passions violentes, sanguinaires.

  • 9 S. m. Couleur rouge. Un beau rouge. Un rouge vif. Rouge d'écarlate. Drap teint en rouge. Les rouges de teinture, c'est-à-dire les matières colorantes rouges qu'on peut extraire des végétaux, Fourcroy, Conn. chim. t. VIII, p. 70. Les principales substances dont on se sert pour obtenir les rouges sont la garance, la cochenille, le bois de Brésil et le carthame, Thenard, Traité de chim. t. III, p. 320, dans POUGENS.
  • 10Certaines substances de couleur rouge. Rouge de montagne.

    Rouge des Indes ou d'Andrinople, sorte de couleur rouge solide et brillante que l'on donne aux étoffes de coton.

    Rouge cinchonique, corps analogue au tannin, qu'on trouve dans les écorces de quinquina.

    Rouge végétal, matière rouge du carthame précipitée par un acide.

    Rouge à polir, dit aussi rouge indien, rouge de Prusse, colcothar, substance dont on se sert pour polir les métaux, les pierres dures, les glaces, etc.

  • 11Prendre le rouge, pousser le rouge, se dit des jeunes dindons, lorsque, à l'âge de six semaines ou de deux mois, la chair glanduleuse et les barbillons qui entourent leur bec commencent à se développer. Les dindonneaux lorsqu'ils poussent le rouge, Buffon, Ois. t. IV, p. 36. Ce n'est qu'après trois mois passés que les jeunes perdreaux poussent le rouge ; car les perdrix grises ont aussi du rouge à côté des tempes entre l'œil et l'oreille, Buffon, ib. t. IV, p. 182.
  • 12Maladie du pêcher.

    Maladie des vers à soie.

    Maladie des chiens et des oiseaux.

  • 13 Fig. Le sang, la colère, la honte qui montent au visage. Au visage sur l'heure un rouge m'est monté, Molière, Fâch. I, 1. Le rouge au visage et le feu aux yeux sont un signe de la colère, comme l'éclair qui nous avertit d'éviter la foudre, Bossuet, Connaiss. V, 5.
  • 14Fard rouge à l'usage des femmes. On veut parier que la princesse d'Harcourt ne sera pas dévote dans un an, à cette heure qu'elle est dame du palais, et qu'elle remettra du rouge ; car ce rouge c'est la loi et les prophètes ; c'est sur ce rouge que roule tout le christianisme, Sévigné, 181. Si c'est aux hommes qu'elles [les femmes] désirent de plaire, si c'est pour eux qu'elles se fardent et s'enluminent, j'ai recueilli les voix, et je leur prononce de la part de tous les hommes, ou de la plus grande partie, que le blanc et le rouge les rendent affreuses et dégoûtantes ; que le rouge seul les vieillit et les déguise, La Bruyère, III. Les Perses… commencèrent à leur imitation [des Mèdes] à se peindre les yeux et à se mettre du rouge au visage, afin d'avoir l'œil plus vif et le teint plus vermeil, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. II, p. 268. Auprès d'un pot de rouge on voit un Massillon, Voltaire, Gertrude. Dès que le rouge est quitté et que, par un extérieur d'éclat, une femme est déclarée dévote, Duclos, Œuv. t. VIII, p. 55. Lise a quitté le rouge, et l'on se dit tout bas Qu'elle ferait bien mieux de quitter Lycidas, Gresset, le Méch. III, 9. Tout au contraire des autres femmes, ce qu'elle avait de moins frais était le visage, et je crois que le rouge le lui avait gâté, Rousseau, Confess. VI. [Sur le théâtre] on voit Cornélie en pleurs avec deux doigts de rouge, Rousseau, Hél. II, 17. Les Athéniennes peignent leurs sourcils en noir, et appliquent sur leur visage une couche de blanc de céruse avec de fortes teintes de rouge, Barthélemy, Anach. ch. 20. Aussitôt qu'on a été vue de toute la salle, que le rouge se raye, que la coiffure se dérange, on bâille, on se plaint du chaud, et l'on va se coucher, Genlis, Ad. et Th. t. III, p. 417, dans POUGENS. C'est avec le carthame qu'on prépare le rouge dont les femmes se servent pour la toilette, Thenard, Traité de chim. t. III, p. 303.

    Par exagération. Cette femme a un pied de rouge, elle a du rouge comme une roue de carrosse.

    Fig. Vous mîtes du rouge à Virgile, Mettez des mouches à Milton, Chénier M. J. Épître à Delille.

  • 15Républicain avancé acceptant le drapeau rouge pour symbole (voy. DRAPEAU). Les Rouges.

    PROVERBE

    Rouge au soir et blanc au matin, c'est la journée du pélerin.

HISTORIQUE

XIIe s. Recordez en quel manere nos pere furent sauvé en la mer roge, Machab. I, 4.

XIIIe s. Qui est cil qui met fin en pechier [péché], puisque la rouge color s'en est alée une foiz de son front ? Latini, Trésor, p. 401.

XVe s. J'ay par ma convoitise Tout perdu, argent et chemise, Pour vingt francs que je vi si rouges ; Mettre les cuiday en mes bouges, Deschamps, Poésies mss. f° 375. Un jour vint que le roy le mena à la chasse, et recueillirent une rouge beste laquelle courut longuement…, Monstrelet, t. III, p. 89, dans LACURNE.

XVIe s. Là dessus les batries que nous avons designées, firent breche, et, les maisons estans à descouvert, plusieurs bales rouges y furent jetées, qui mirent en peine les assiegez, D'Aubigné, Hist. III, 437. On usera du rouge d'Espagne, Paré, XXV, 44. Ce fut un grand exploit et un grand heur de guerre ; dont ils en vinrent si rouges et si insolens, qu'ils mesprisoient toutes nations et pensoient battre tout le monde, Brantôme, Capit. franç. t. I, p. 291. Les plus rouges [les plus malins] y sont pris, Cotgrave Rouge visage et grosse panse ne sont signes de penitence, Cotgrave Ainsi donc, pour venir à conclure, c'est à toy, cardinal [le cardinal de Lorraine], plus rouge de nostre sang que d'autre teinture…, Régnier de la Planche, De l'Estat de France sous François II.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

1. ROUGE. Ajoutez :
16Rouge et blanc, s'est dit pour cuivre et argent, en termes de monnaie. Les carats, qui sont les degrés de la bonté [de l'or], diminuent à proportion de la quantité du blanc et du rouge qui y sont incorporés : ce sont les noms qu'on donne d'ordinaire à l'argent et au cuivre ; de sorte qu'un quart de blanc, un quart de rouge et deux quarts d'or alliés ensemble feraient de l'or à douze carats, Ch. Patin, Introd. à la connais. des médailles, ch. VII.
17 Terme de forestier. Le rouge, ou la pourriture rouge, maladie des bois qui les rend cassants, friables, ainsi dit de sa couleur brun cannelle ; il est le développement de la cadranure, Nanquette, Expl. débit et estim. des bois, Nancy, 1868, p. 186.
18Le rouge, et, plus souvent, le rouge de rivière, nom d'une espèce de gibier à plume. Consommation en 1853, gibier vendu sur le marché de la vallée, râles, rouges, sarcelles, A. Husson, les Consommations de Paris, p. 246.
19 L'arbre rouge, l'erythrophlaeum de Guinée, Baillon, Dict. de bot. p. 248.
20Voir rouge, être saisi de fureur, du désir de nuire, de tuer ; expression mise en vogue par Eug. Sue, dans les Mystères de Paris, personnage du Chourineur. Il plaisait à Palmerston de nourrir des griefs contre nous, de nous représenter comme des alliés peu sûrs, des modèles de fourberie, des abîmes d'ambition ; il voit rouge quand il est question du roi des Français, Laugel, cité dans Rev. des Deux-Mondes, 15 mars 1877, p. 343.

HISTORIQUE

XVe s. Ajoutez : S'ele est fine [une dame], soyez songneux Que de ses fins tours vous gardez ; Car souvent les plus rouges gueux Y sont surprins, bien l'entendez, Chansons du XVe siècle, publiées par G. Paris, p. 129. (les plus rouges gueux, les gueux les plus rusés, nous dirions les plus roués ; voy. un emploi semblable de rouge à l'historique dans le XIVe siècle).

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

ROUGE, adj. (Physiq.) est une des couleurs simples dont la lumiere est composée, & la moins réfrangible de toutes. Voyez Réfrangibilité & Couleur.

Les acides changent le noir, le bleu & le violet en rouge, le rouge en jaune, & le jaune en jaune-pâle. Les alkalis changent le rouge en violet ou pourpre, & le jaune en couleur de feuille-morte. Voyez Acide & Alkali.

Les matieres terrestres & sulphureuses deviennent rouges par l’action du feu, & même à la longue noires, comme la brique, la pierre ponce, la chaux, l’ardoise, qui deviennent noires quand elles sont fondues par le verre ardent.

Les écrevisses deviennent rouges, étant exposées à un feu modéré ; mais si le feu est violent, elles deviennent noires. Le mercure & le soufre mêlés & mis sur un feu modéré, deviennent d’un beau rouge, que l’on appelle cinabre artificiel. Voyez Cinabre. Un esprit acide étant versé sur une solution bleue de tournesol, le change en beau rouge ; un alkali lui restitue sa couleur bleue.

M. de la Hire a observé qu’un corps lumineux vu à-travers un corps noir paroît toujours rouge, comme quand on regarde le soleil à-travers un nuage sombre. Il ajoute que bien des gens qui voient parfaitement les autres couleurs, n’ont, pour ainsi dire, qu’une fausse sensation du rouge, & ne l’apperçoivent que comme noir. Voyez Bleu. Chambers. (O)

Rouge, s. m. (Cosmétiq.) espece de fard fort en usage, que les femmes du monde mettent sur leurs joues, par mode ou par nécessité. En d’autres termes, c’est

Cette artificieuse rougeur
Qui supplée au défaut de celle
Que jadis causoit la pudeur.

Le rouge dont on faisoit usage anciennement se nommoit purpurissus, sorte de vermillon préparé ; c’étoit un fard d’un très-beau rouge purpurin, dont les dames greques & romaines se coloroient le visage. Il paroît par sa composition qu’il avoit quelque chose d’approchant de ce que nos peintres appellent rose d’œillet, carnation d’œillet, en anglois rose-pink. Il étoit fait de la plus fine espece de craie-blanche, creta argentaria, dissoute dans un forte teinture pourpre, tirée de l’écume chaude du poisson purpura, du murex, ou à leur défaut des racines & des bois qui teignent en rouge ; quand la partie la plus crasse étoit tombée au fond du vaisseau, la liqueur, quoiqu’encore épaisse, se versoit dans un autre vaisseau, & ce qui alloit au fond de cette derniere liqueur étoit d’un beau pourpre pâle qu’on mettoit dans des vases précieux & qu’on gardoit pour l’usage.

L’usage du rouge a passé en France avec les Italiens sous le regne de Catherine de Médicis. On employoit le rouge d’Espagne, dont voici la préparation. On lave plusieurs fois dans l’eau claire les étamines jaunes du carthame ou safran bâtard, jusqu’à ce qu’elles ne donnent plus la couleur jaune ; alors on y mêle des cendres gravelées, & on y verse de l’eau chaude. On remue bien le tout, ensuite on laisse reposer pendant très-peu de tems la ligueur rouge ; les parties les plus grossieres étant déposées au fond du vaisseau, on la verse peu-à-peu dans un autre vaisseau sans verser la lie, & on la met pendant quelques jours à l’écart. La lie plus fine d’un rouge foncé & fort brillante se sépare peu-à-peu de la liqueur, & va au fond du vaisseau : on verse la liqueur dans d’autres vaisseaux ; & lorsque la lie qui reste dans ces vaisseaux, après en avoir versé l’eau, est parfaitement seche, on la frotte avec une dent d’or. De cette maniere on la rend plus compacte, afin que le vent ne la dissipe point lorsqu’elle est en fine poussiere. Le gros rouge se fait de cinabre minéral bien broyé avec l’eau-de-vie & l’urine, & ensuite séché.

Il n’y a pas long-tems que le beau sexe de ce pays a mis en vogue l’art barbare de se peindre les joues de ce rouge éclatant. Une nation voisine chez qui les regles de cet art ne sont pas de son institution, ne se sert encore de rouge que pour tromper agréablement, & pour pouvoir se flatter de n’en être pas soupçonné ; mais qui peut répondre que le beau sexe de ce peuple ne mette du rouge dans la suite par mode & par usage jusqu’à réjouir ou à effrayer, quoiqu’actuellement le peu de rouge dont quelques-unes des dames du pays se parent en secret, ne soit parvenu au degré de pouvoir supprimer l’apparence de ce rouge charmant qui décele les premieres foiblesses du cœur ?

Est-ce pour réparer les injures du tems, rétablir sur le visage une beauté chancelante, & se flatter de redescendre jusqu’à la jeunesse, que nos dames mettent du rouge flamboyant ? Est-ce dans l’espoir de mieux séduire qu’elles emploient cet artifice que la nature desavoue ? Il me semble que ce n’est pas un moyen propre à flatter les yeux que d’arborer un vermillon terrible, parce qu’on ne flatte point un organe en le déchirant. Mais qu’il est difficile de s’affranchir de la tyrannie de la mode ! La présence du gros rouge jaunit tout ce qui l’environne. On se résout donc à être jaune, & assûrément ce n’est pas la couleur d’une belle peau. Mais d’un autre côté, si l’on renonce à ce rouge éclatant, il faudra donc paroître pâle. C’est une cruelle alternative, car on veut mettre absolument du rouge de quelque espece qu’il soit, pâle ou flamboyant. On ne se contente pas d’en user lorsque les roses du visage sont flétries, on le prend même au sortir de l’enfance. Cependant, malgré l’empire de la coutume, je pense comme Plaute, & je répondrois comme lui à une jeune & jolie femme qui voudroit mettre du rouge : « Je ne vous en donnerai point, vous êtes à merveille, & vous iriez barbouiller d’une peinture grossiere l’ouvrage le plus beau & le plus délicat du monde : ne faites point cette folie, vous ne pouvez employer aucun fard qui ne gâte & n’altere promptement la beauté de votre teint ». Non dabo purpurissum, scita tu quidem es ; vis novâ picturâ interpolare opus lepidissimum. Nullum pigmentum debet attingere faciem, ne deturpetur.

Après tout, je ne serois pas fâché que quelqu’un plus éclairé que je ne le suis, nous fît une histoire du rouge, nous apprît comment il s’introduisit chez les Grecs & les Romains, par quelle raison il fut l’indice d’une mauvaise conduite, par quelle transition il vint à passer au théatre, & à dominer tellement que chacun jusqu’à Polyphème en mit pour s’embellir ; enfin comment il est depuis assez long-tems parmi nous une des marques du rang ou de la fortune. (D. J.)

Rouge de carmin ou Carmin, (Chimie & Peint.) c’est ainsi que l’on nomme une couleur ou fécule d’un beau rouge très-vif tirant sur le cramoisi. On a déja parlé de cette couleur à l’art. Carmin ; mais comme elle n’y a été décrite que très-imparfaitement, on a cru devoir y suppléer ici.

Voici le procédé suivant lequel on peut faire le carmin avec succès. On prend 5 gros de cochenille, un demi gros de graine de chouan, 18 grains d’écorce d’autour, 18 grains d’alun, & 5 livres d’eau de pluie ; on commencera par faire bouillir l’eau, alors on y jettera la graine de chouan, on lui laissera faire cinq ou six bouillons, après quoi on filtrera la liqueur. On la remettra sur le feu ; lorsqu’elle aura bouilli de nouveau, on y mettra la cochenille ; après qu’elle aura fait environ quatre ou cinq bouillons, on y joindra l’écorce d’autour & l’alun. On filtrera de nouveau la liqueur ; au bout de quelque tems, le carmin sous la forme d’une fécule rouge se précipitera au fond du vaisseau où l’on aura mis la liqueur filtrée ; les doses indiquées en donneront environ deux scrupules. On décantera la liqueur qui surnagera, & on fera sécher la couleur rouge au soleil.

Lorsqu’on voudra faire le rouge que les femmes emploient pour se farder, on pulvérisera l’espece de talc, connu en France sous le nom de craie de Briançon. Lorsqu’elle aura été réduite en une poudre très fine, on y joindra du rouge de carmin à proportion de la vivacité que l’on voudra donner à la couleur du rouge, & l’on triturera soigneusement ce mélange qui peut être appliqué sur la peau sans aucun danger.

La cherté du carmin fait que souvent on lui substitue du cinabre que l’on mêle avec le talc.

Rouge de Corroyeur, (Teint.) il se fait avec du bois de Brésil, dont il faut deux livres sur deux sceaux d’eau, à quoi l’on ajoute de la chaux, quand il est raisonnablement éboulli. (D. J.)

Rouge ou Rosette, encre d’Imprimerie, pour imprimer en rouge. Voyez Encre.

Rouge, (Maréchal.) un cheval rouge, est un cheval bai très-vif. Ce terme n’est plus en usage. Grisrouge. Voyez Gris.

Rouge, (Peinture.) très-beau pour le lavis. Réduisez en poudre subtile ce que vous voudrez de cochenille, versez-la dans un vaisseau où vous ayez mis de l’eau-rose assez pour surpasser de deux doigts cette poudre ; jettez ensuite de l’alun brûlé, & pulvérisé encore tout chaud dans de l’eau de plantin, dans laquelle vous mêlerez la liqueur qui aura servi à dissoudre la cochenille, & vous aurez un très-beau rouge, qui vaut mieux que le vermillon pour le lavis ; parce que le vermillon a trop de corps, & qu’il se ternit à cause du mercure dont il est composé.

Rouge d’Inde, (Teint.) ou terre de Perse, qu’on appelle aussi, quoique très-improprement, rouge d’Angleterre. C’est une ochre rouge, assez friable & très-haute en couleur, qui, bien broyée & réduite en poudre impalpable, fait un assez beau rouge. On tire cette ochre de l’île d’Ormus, dans le golfe persique. Le rouge d’inde ne s’emploie guere que par les Cordonniers, qui s’en servent pour rougir les talons des souliers qu’ils font, en le détrempant avec du blanc-d’œuf. (D. J.)

Rouge, (Teint) c’est une des cinq couleurs simples & matrices des Teinturiers.

Il y a deux especes de rouge ; l’une dont le jaune est le premier degre, & qui par le rapprochement de ses parties augmentant peu-à-peu de teinte, & passant par l’orangé devient couleur de feu, qui est l’extrème de la concentration du jaune. Le minium, le précipité rouge, le cinabre en sont des exemples que la Chimie nous fournit. L’autre rouge part de l’incarnat ou couleur de chair, & passe au cramoisi qui est le premier terme de sa concentration ; car en rapprochant davantage ses particules colorantes, on le conduit par degrés jusqu’au pourpre. L’encre symphatique bien dépurée prend sur le feu toutes ces nuances. Le rouge qui a une origine jaune ne prendra jamais le cramoisi, si l’on n’a pas ôté ce jaune qui le fait de la classe des couleurs de feu ; de même le rouge dont la premiere teinte est incarnate, ne deviendra jamais couleur de feu, si on n’y ajoute pas le jaune.

Cependant les Teinturiers distinguent sept sortes de rouge dans le grand teint ; savoir, 1°. l’écarlate des Gobelins ; 2°. le rouge cramoisi ; 3°. le rouge de garance ; 4°. le rouge de demi-graine ; 5°. le rouge demi-cramoisi ; 6°. le nacarat de bourre ; 7°. l’écarlate façon de Hollande. Le vermillon, la cochenille & la garance sont les drogues principales qui produisent ces diverses especes de rouge.

L’écarlate des Gobelins se fait avec de l’agaric, des eaux sûres, du pastel & de la graine d’écarlate ou de vermillon. Quelques Teinturiers y ajoutent de la cochenille. Le rouge cramoisi se fait avec les eaux sûres, le tartre & la fine cochenille. Le rouge de garance se fait avec la garance de Flandre. Le rouge de mi-graine se fait avec les eaux sûres, l’agaric, moitié graine d’écarlate & moitié garance. Le demi-cramoisi se fait avec moitié garance & moitié cochenille. Le nacarat de bourre exige que l’étoffe soit auparavant mise en jaune ; ensuite le nacarat se fait avec le bain de la bourre qui a été ébrouée sur un bouillon avec des cendres gravelées. L’écarlate façon d’Hollande se fait avec la cochenille, le tartre & l’amidon, après avoir bouilli avec de l’alun, du tartre, du sel gemme & de l’eau-forte où l’étain a été dissous ; mais cette couleur, quoique des plus éclatantes, se rose & se tache aisément.

Entre ces sortes de rouges, il n’y en a que trois qui ayent des nuances ; savoir le rouge cramoisi, le nacarat de bourre, & l’écarlate de Hollande.

Les nuances du rouge de garance sont couleur de chair, peau d’oignon, fiamette, ginjolin. Celles du cramoisi sont fleur de pommier, couleur de chair, fleur de pêcher, couleur de rose incarnadin, incarnat-rose, incarnat & rouge cramoisi. Les nuances de la bourre sont les mêmes que celles du rouge cramoisi. L’écarlate, outre celles du cramoisi & de la bourre, a encore pour nuances particulieres la couleur de cerise, le nacarat, le ponceau, & la couleur de feu.

Quant au rouge de Brésil, c’est une fausse teinture que n’employent point les Teinturiers du bon teint. Savary. Hellot. (D. J.)

Rouge d’Angleterre, chez les Vergettiers, est une espece de peau de couleur rouge qu’on tire d’Angleterre, & dont ils se servent pour couvrir le dos ou la poignée des brosses. On n’en emploie presque plus, parce qu’on en fait à Paris de meilleur.

Rouge, (Art de la Verrerie.) Néri a décrit la maniere de donner au verre un rouge transparent ; & comme son procédé réussit, je vais le transcrire. Prenez, dit-il, de la magnésie de Piémont réduite en une poudre impalpable ; mêlez-la à quantité égale de nitre purifié ; mettez ce mélange à calciner au feu de reverbere pendant vingt-quatre heures ; ôtez-le ensuite ; édulcorez-le dans de l’eau chaude, & faites-le secher, après en avoir séparé le sel par les lotions : cette matiere sera d’une couleur rouge : ajoutez-y une quantité égale de sel ammoniac ; humectez le tout avec du vinaigre distillé ; broyez-le sur le porphyre, & le faites sécher. Mettez ensuite ce mélange dans une cornue qui ait un gros ventre & un long col, & donnez pendant douze heures un feu de sable & de sublimation ; rompez alors la cornue ; mêlez ce qui sera sublimé, & ce qui sera resté au fond de la cornue ; pesez la matiere & ajoutez-y, de sel ammoniac, le poids qui en est parti par la sublimation ; broyez le tout comme auparavant : après l’avoir imbibé de vinaigre distillé, remettez-le à sublimer dans une cornue de la même espece ; réiterez la même chose, jusqu’à ce que la magnésie demeure fondue au fond de la cornue. Cette composition donne au crystal & aux pâtes un rouge transparent semblable à celui du rubis ; on en met vingt onces sur une de crystal ou de verre ; on peut cependant augmenter ou diminuer la dose selon que la couleur semblera l’exiger.

Le même Neri indique les procédés pour donner au verre la couleur d’un rouge-sanguin, & celle de rubis-balais ; mais il seroit trop long d’entrer dans ces détails. (D. J.)

Rouge, (Gloss. franç.) L’usage de l’écarlate affecté aux plus éminens personnages, tant dans la guerre que dans les lettres ; le privilege de porter la couleur rouge, reservé aux chevaliers & aux docteurs, introduisit probablement dans notre langue, le mot rouge, pour fier, hautain, arrogane ; surtout lorsqu’on vit Artérella, chef des Gaulois révoltés & victorieux, se revêtir de sanguines-robes & d’écarlate. Dans l’ouvrage en vers intitulé, l’Amant rendu cordelier, on lit, les plus rouges y sont pris, pour dire les plus glorieux ; Brantome s’est encore servi de ce mot dans le même sens, en parlant de l’affaire des Suisses à Novarre contre M. de la Freinville, qui fut un grand exploit & un grand heur de guerre, dont ils vinrent si rouges & si insolens, qu’ils méprisoient toutes nations, & pensoient battre tout le monde. Cette acception du mot rouge en a formé une autre par une legere transposition de lettres ; rogue au-lieu de rouge, est mis pour arrogance, vanité, insolence. Sainte-Palaye. (D. J.)

Rouge mer, grand golfe de l’Océan qui sépare l’Egypte & une partie de l’Afrique de l’Arabie.

« A l’extrémité de la mer Rouge, est cette fameuse langue de terre qu’on appelle l’isthme de Suez, qui fait une barriere aux eaux de la mer Rouge, & empêche la communication de la Méditerranée avec l’Océan. On peut croire que la mer Rouge est plus élevée que la Méditerranée ; & que si on coupoit l’isthme de Suez, il pourroit s’en suivre une inondation & une augmentation de la Méditerranée. Quand même on ne voudroit pas convenir que la mer Rouge fût plus élevée que la Méditerranée, on ne pourra pas nier qu’il n’y ait aucun flux & reflux dans cette partie de la Méditerranée voisine des bouches du Nil ; & qu’au contraire il y a dans la mer Rouge un flux & reflux très-considérable, & qui éleve les eaux de plusieurs piés, ce qui seul suffiroit pour faire passer une grande quantité d’eau dans la Méditerranée, si l’isthme étoit rompu. D’ailleurs, nous avons un exemple cité à ce sujet par Varenius, qui prouve que les mers ne sont pas également élevées dans toutes leurs parties. Voici ce qu’il en dit, p. 100 de sa géographie. Oceanus germanicus, qui est Atlantici pars, inter Frisiam & Hollandiam se effundens, efficit sinum qui, etsi respectu celebrium sinuum maris, tamen & ipse dicitur mare, alluitque Hollandiæ emporium celeberrimum, Amstelodamum. Non procul indè abest lacus harlemensis, qui etiam mare harlemense dicitur. Hujus altitudo non est minor altitudine sinûs illius belgici, quem diximus, & mittit ramum ad urbem Leidam, ubi in varias fossas divaricatur. Quoniam itaque nec lacus hic, neque sinus ille hollandici maris inundant adjacentes agros (de naturali constitutione loquor, non ubi tempestatibus urgentur, propter quas aggeres facti sunt) patet indè quòd non sint altiores quàm agri Hollandiæ. At verò Oceanum germanicum esse altiorem quàm terras hasce experti sunt Leidenses, cùm suscepissent fossam seu alveum ex urbe sua ad Oceani germanici littora prope Cattorum vicum perducere (distantia est duorum milliarium) ut, recepto per alveum hunc mari, possent navigationem instituere in Oceanum germanicum, & hinc in varias terræ regiones. Verùm enim verò cùm magnam jam alvei partem perfecissent, desistere coacti sunt, quoniam tùm demum per observationem cognitum est Oceani germanici aquam esse altiorem quàm agrum inter Leidam & littus Oceani illius ; undè locus ille, ubi fodere desierunt, dicitur Het malle Gat. Oceanus itaque germanicus est aliquanoùm altior quàm sinus ille hollandicus, &c. Ainsi on peut croire que la mer Rouge est plus haute que la Méditerranée, comme la mer d’Allemagne est plus haute que la mer de Hollande.

» Quelques anciens auteurs, comme Hérodote & Diodore de Sicile, parlent d’un canal de communication du Nil & de la Méditerranée avec la mer-rouge : & en dernier lieu M. de Lisse a donné une carte en 1704, dans laquelle il a marqué un bout de canal qui sort du bras le plus oriental du Nil, & qu’il juge devoir être une partie de celui qui faisoit autrefois cette communication du Nil avec la mer Rouge. Voyez les mém. de l’acad. des Sc. ann. 1704. Dans la troisieme partie du livre qui a pour titre, Connoissance de l’ancien monde, imprimé en 1707, on trouve le même sentiment ; & il y est dit d’après Diodore de Sicile, que ce fut Nécas roi d’Egypte, qui commença ce canal ; que Darius roi de Perse le continua, & que Ptolémée II. l’acheva & le conduisit jusqu’à la ville d’Arsioné ; qu’il le faisoit ouvrir & fermer selon qu’il en avoit besoin. Sans que je prétende vouloir nier ces faits, je suis obligé, dit M. de Buffon, d’avouer qu’ils me paroissent douteux ; & je ne sai pas si la violence & la hauteur des marées dans la mer Rouge ne se seroient pas nécessairement communiquées aux eaux de ce canal, il me semble qu’au-moins il auroit fallu de grandes précautions pour contenir les eaux, éviter les inondations, & beaucoup de soins pour entretenir ce canal en bon état ; aussi les historiens qui nous disent que ce canal a été entrepris & achevé, ne nous disent pas s’il a duré ; & les vestiges qu’on prétend en reconnoître aujourd’hui, sont peut-être tout ce qui en a jamais été fait.

» On a donné à ce bras de l’Océan le nom de mer Rouge, parce qu’elle a en effet cette couleur dans tous les endroits où il se trouve des madrépores sur son fond ». Voici ce qui est rapporté dans l’histoire générale des voyages, tome I. pag. 198 & 199. « Avant que de quitter la mer Rouge, D. Jean examina quelles peuvent avoir été les raisons qui ont fait donner ce nom au fleuve arabique par les anciens, & si cette mer est en effet différente des autres par la couleur ; il observa que Pline rapporte plusieurs sentimens sur l’origine de ce nom. Les uns le font venir d’un roi nommé Erythros qui régna dans ces cantons, & dont le nom en grec signifie rouge ; d’autres se sont imaginé que la réflexion du soleil produit une couleur rougeâtre sur la surface de l’eau ; & d’autres, que l’eau du golfe a naturellement cette couleur. Les Portugais qui avoient déja fait plusieurs voyages à l’entrée des détroits, assuroient que toute la côte d’Arabie étant fort rouge, le sable & la poussiere qui s’en détachoient & que le vent poussoit dans la mer, teignoient les eaux de la même couleur.

» Don Jean, qui pour vérifier cette opinion, ne cessa point jour & nuit depuis son départ de Socotora, d’observer la nature de l’eau & les qualités des côtes jusqu’à Suez, assure que loin d’être naturellement rouge, l’eau est de la couleur des autres mers, & que le sable ou la poussiere n’ayant rien de rouge non plus, ne donnent point cette teinte à l’eau du golfe ; la terre sur les deux côtes est généralement brune, & noire même à quelques endroits ; dans d’autres lieux elle est blanche : ce n’est qu’au delà de Suaquen, c’est-à-dire sur des côtes où les Portugais n’avoient point encore pénétré, qu’il vit en effet trois montagnes rayées de rouge, encore étoient-elles d’un roc fort dur, & le pays voisin étoit de la couleur ordinaire.

» La vérité donc est que cette mer, depuis l’entrée jusqu’au fond du golfe, est par-tout de la même couleur, ce qu’il est facile de se démontrer à soi-même, en puisant de l’eau à chaque lieu ; mais il faut-avouer aussi que dans quelques endroits elle paroît rouge par accident, & dans d’autres verte & blanche ; voici l’explication de ce phénomene. Depuis Suaquen jusqu’à Kossir, c’est-à-dire pendant l’espace de 136 lieues, la mer est remplie de bancs & de rochers de corail ; on leur donne ce nom, parce que leur forme & leur couleur les rendent si semblables au corail, qu’il faut une certaine habileté pour ne pas s’y tromper ; ils croissent comme des arbres, & leurs branches prennent la forme de celles du corail ; on en distingue deux sortes, l’une blanche & l’autre fort rouge ; ils sont couverts en plusieurs endroits d’une espece de gomme ou de glue verte, & dans d’autres lieux orange foncé. Or l’eau de cette mer étant plus claire & plus transparente qu’aucune autre eau du monde, de sorte qu’à 20 brasses de profondeur l’œil pénetre jusqu’au fond, sur-tout depuis Suaquen jusqu’à l’extrémité du golfe, il arrive qu’elle paroît prendre la couleur des choses qu’elle couvre ; par exemple, lorsque les rocs sont comme enduits de glue verte, l’eau qui passe par-dessus, paroit d’un verd plus foncé que les rocs mêmes, & lorsque le fond est uniquement de sable, l’eau paroît blanche ; de même lorsque les rocs sont de corail, dans le sens qu’on a donné à ce terme, & que la glue qui les environne est rouge ou rougeâtre, l’eau se teint, ou plutôt semble se teindre en rouge ; ainsi comme les rocs de cette couleur sont plus fréquens que les blancs & les verds, dom Jean conclut qu’on a du donner au golfe Arabique le nom de mer Rouge, plutôt que celui de mer verte ou blanche ; il s’applaudit de cette découverte, avec d’autant plus de raison, que la méthode par laquelle il s’en étoit assuré, ne pouvoit lui laisser aucun doute ; il faisoit amarrer une flûte contre les rocs dans les lieux qui n’avoient pas assez de profondeur pour permettre aux vaisseaux d’approcher, & souvent les matelots pouvoient exécuter ses ordres à leur aise, sans avoir la mer plus haut que l’estomac, à plus d’une demie lieue des rocs ; la plus grande partie des pierres ou des cailloux qu’ils en tiroient dans les lieux où l’eau paroissoit rouge, avoient cette couleur ; dans l’eau qui paroissoit verte, les pierres étoient vertes, & si l’eau paroissoit blanche, le fond étoit d’un sable blanc, où l’on n’appercevoit point d’autre mélange ». Hist. nat. gen. & partic. tom. I.

Rouge-bourse, Voyez Gorge rouge.

Rouge-gorge. Voyez Gorge rouge.

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Étymologie de « rouge »

Wallon, rog ; provenç. rog, au fém. roja ; cat. rotj ; espag. rojo, rubio ; ital. roggio, robbio ; du lat. rubeus, d'où rouge, comme rage, de rabies. Rubeus correspond au sanscrit rudhira, sang rouge, grec ἐ-ρυθρός.

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(Vers 1130) Du moyen français rouge, de l’ancien français roge, du latin rŭbĕus (« roux »).
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Phonétique du mot « rouge »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
rouge ruʒ

Fréquence d'apparition du mot « rouge » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « rouge »

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Citations contenant le mot « rouge »

  • Quand les Verts voient rouge, ils votent blanc.
    Raymond Devos
  • En France, le deuil des convictions se porte en rouge et à la boutonnière.
    Jules Renard — Journal
  • On ne peut pas décrire le rouge enfer des amours enfantines
    Françoise Sagan — Des yeux de soie
  • Le ciel n'est bleu que par convention, mais rouge en réalité.
    Alberto Giacometti
  • Au matin, bois le vin blanc. Le rouge au soir, pour faire le sang.
    Proverbe bourguignon
  • Je suis un vieux peau-rouge qui ne marchera jamais dans une file indienne.
    Achille Chavée — Décoctions
  • Mieux vaut rester rouge cinq minutes que jaune toute la vie.
    Proverbe brésilien
  • En touchant le vermillon, on se salit de rouge.
    Proverbe japonais
  • L’enfant noir, l’enfant blanc ont tous deux le sang rouge.
    Pierre Osenat — Le Sang rouge
  • L’été et le début des fortes chaleurs, peu de pluie, la quantité d’eau disponible diminue. Les préfectures de la région tirent la sonnette d’alarme, des niveaux par endroit passent au rouge.
    France 3 Pays de la Loire — Sécheresse : Vendée, Maine-et-Loire et Loire-Atlantique dans le rouge, le point sur les restrictions d'eau
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Traductions du mot « rouge »

Langue Traduction
Anglais red
Espagnol rojo
Italien rosso
Allemand rot
Chinois
Arabe أحمر
Portugais vermelho
Russe красный
Japonais
Basque gorria
Corse rossu
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Synonymes de « rouge »

Source : synonymes de rouge sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « rouge »

Combien de points fait le mot rouge au Scrabble ?

Nombre de points du mot rouge au scrabble : 6 points

Rouge

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