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Misère

Variantes Singulier Pluriel
Féminin misère misères

Définitions de « misère »

Trésor de la Langue Française informatisé

MISÈRE1, subst. fém.

A. −
1. Vx, littér. Condition pénible de nature physique, matérielle ou morale, susceptible d'inspirer la pitié. Synon. détresse, infortune, malheur.Il [l'homme] apprit à distinguer les plantes utiles des nuisibles, à combattre les élémens, à saisir une proie, à défendre sa vie; et il allégea sa misère (Volney,Ruines,1791, p.43):
1. Si misérable qu'il se connût, il se connaissait pourtant supérieur à ceux-là qui avaient préféré la plume d'oie de l'écrivain à la palme du martyr. Car dans sa misère la plus grande, il portait encore le germe de la vie, au lieu que les autres, dans leur grandeur, portaient le germe de la mort. Psichari,Voy. centur.,1914, p.54.
[Sous forme d'exclam.] Misère! Misère de moi Et, bien malgré moi, misère du bon Dieu! Je suis nommé maire au premier tour de scrutin, avec une écrasante majorité!! (Gide,Corresp.[avec Valéry], 1896, p.264).Est-ce que je pouvais me douter qu'un jour... Misère de misère... D'autant qu'on ne sait jamais avec ces galopins (Bernanos,M. Ouine,1943, p.1399).
2. RELIG. État de faiblesse de l'être humain. Ce dialogue est un véritable poëme lyrique entre le prêtre et le cathécumène; le premier, plein de jours et d'expérience, gémissant sur la misère de l'homme (Chateaubr.,Génie,t.2, 1803, p.303).L'histoire du Christ est la preuve expérimentale que la misère humaine est irréductible (S. Weil,Pesanteur,1943, p.123):
2. Le Christ de Pascal n'a pas su racheter le monde, lequel, s'il en fallait croire les Pensées, attesterait, aujourd'hui encore, par une misère sans nom, soit le venin tenace de la blessure originelle, soit la nécessité persistante d'un «Réparateur». Bremond,Hist. sent. relig.,t.4, 1920, p.399.
3. Ce qui rend une condition pénible, difficile:
3. À lire la description de cette maison légendaire, on pourrait croire que les menues et grandes misères de la vie lui étaient épargnées par l'effet d'une bénédiction nominale, et ce serait une erreur. Duhamel,Suzanne,1941, p.126.
Loc., région. (Ouest, Canada). Avoir de la misère à. Avoir de la peine à. Ils ont chaviré un des canots à la descente en sautant un rapide et nous avons eu de la misère à repêcher les pelleteries (Hémon,M. Chapdelaine,1916, p.84).Sans misère. Sans difficulté. Parlez-moi d'un thé assez fort qu'il porte la hache, sans misère (Guèvremont,Survenant,1945, p.12).
Le plus souvent au plur.
(Petites) misères. Ennuis de santé, douleurs physiques. Toutes ces misères de santé sont un des plus grands chagrins de la vie (Gobineau,Corresp.[avec Tocqueville], 1854, p.221).Vous ne savez pas quelles misères nous avons subies, nous sommes tous malades (Sand,Hist. vie,t.2, 1855, p.218).L'hystérie, la suggestion, tout le cortège des misères nerveuses (Curel,Nouv. idole,1899, i, 6, p.182).Lit de misère. ,,Lit où l'on étend une femme qui va accoucher ou un malade`` (Lar. 19e).
Souffrances morales. Ajoutez à nos misères morales les massacres de la Pologne, la guerre d'Amérique, etc. (Flaub.,Corresp.,1863, p.112).Ceux qui voyagent sans repos, ceux qui errent solitaires (...) ceux-là connaissent la périodicité, le retour normal des crises de misère morale, la maladie de l'isolement (Colette,Music-hall,1913, p.99).
Faire des misères à qqn. Causer des ennuis à quelqu'un. − Vous avez donc fait des misères au jeune vicomte? − Non, dit-elle en jetant un regard à la dérobée sur Rodolphe (Murger,Scènes vie boh.,1851, p.290).
Région. (Belgique). Chercher misère à qqn. ,,Faire des misères à quelqu'un`` (Baet. 1971, p.397). Att. aussi en Lyonnais.
B. −
1. Extrême pauvreté. Synon. besoin, dèche (pop.), mouise (pop.), pénurie; anton. aisance, luxe, richesse.Tomber, vivre dans la misère; réduire qqn à la misère; plonger qqn dans la misère; sortir qqn de la misère. Son but [à l'héroïsme moderne], qui est la découverte du vrai et la diminution de la misère universelle (Lemaitre,Contemp.,1885, p.62).La misère prolétarienne a cessé, pour un temps, d'être cette évidence massive, flagrante, universelle, qui avait assiégé notre jeunesse de sa clameur et de son objurgation (J.-R. Bloch, Dest. du S.,1931, p.173):
4. Marius depuis cinq ans avait vécu dans la pauvreté, dans le dénuement, dans la détresse même, mais il s'aperçut qu'il n'avait point connu la vraie misère (...) qui n'a vu que la misère de l'homme n'a rien vu, il faut voir la misère de la femme; qui n'a vu que la misère de la femme n'a rien vu, il faut voir la misère de l'enfant. Hugo,Misér.,t.1, 1862, p.882.
Misère noire. Le coron tombait à la misère noire (Zola,Germinal,1885, p.1354).
Misère dorée*.
MÉD. Misère physiologique. ,,État d'amaigrissement extrême par dénutrition générale`` (Carr.-Dess. Psych. 1976).
Locutions
avec valeur d'adj. De misère. Misérable. Maurice de Fleury vient me voir, au moment de partir pour contracter un mariage de misère à Bordeaux (Goncourt,Journal,1888, p.750).Nous avons toujours tout payé en monnaie de misère (Camus,État de siège,1948, 3epart., p.276).
Crier, pleurer misère. Se plaindre. Sa femme est venue crier misère chez moi lundi dernier (Flaub.,Corresp.,1865, p.24).Elle est gentille, maman Coupeau, de pleurer misère partout! (Zola,Assommoir,1877, p.522).
2. P. méton., littér. Ensemble des miséreux. La misère invente et la propriété recueille (Proudhon ds Lar. Lang. fr.).
3. Au fig. Indigence dans le domaine de l'esprit. Tout alla bien jusqu'au dessert, la misère des propos ne gênant personne (Maupass.,Contes et nouv.,t.1, Dimanches bourg. Paris, 1880, p.326).Au cours de ce siècle (...) on n'a pas vu une période d'une misère intellectuelle comparable à celle que pour l'instant nous vivons (Barrès,Cahiers,t.1, 1897, p.158):
5. C'est cette pauvreté, cette misère spirituelle et cette richesse temporelle qui a tout fait, qui a fait le mal. Péguy,Notre jeunesse,1910, p.136.
C. − Caractère de ce qui est digne de mépris, et p. méton., chose de peu d'importance. Synon. bagatelle, broutille (pop.), foutaise (pop.), futilité, vétille.L'éternelle misère de tout. La question argent n'est-elle pas une misère, un rien dans ces grands rouages préparés? (Balzac,Contrat mar.,1835, p.356).Je viens seulement parler à (...) Kean d'une affaire de théâtre, une misère, rien du tout (Dumas père, Kean,1836, iii, tabl. 3, 9, p.147).Misères que le papier, l'encre, le verbe, la cadence. Ces riens plus durables que l'essentiel (Valéry,Tel quel I,1941, p.203).
REM.
-misère, élém. de compos.V. cache-misère, pleure-misère, traîne-misère.
Prononc. et Orth.: [mizε:ʀ]. Ac. 1694 et 1718: -se-; 1740: -sé-; dep. 1762: -sè-. Étymol. et Hist. 1. a) 1remoitié du xiies. miserie «malheur, disgrâce, état malheureux» (Psautier Oxford, 39, 2 ds T.-L.); ca 1165 misere (Benoît de Ste-Maure, Troie, 25073, ibid.); b) 1690 collier de misère (Fur); c) 1849 misère de moi! (Flaub., Tentation, p.481); 2. a) début xives. «souffrances physiques» (Guillaume de Saint-Pathus, Miracles de Saint Louis, éd. Percival B. Fay, LII, 39); b) 1798 lit de misère (Ac.); 1868 faire des misères à qqn (Littré); 3. ca 1460 «la faiblesse et le néant de l'homme» (Chastellain, Œuvres, éd. Kervyn de Lettenhove, t.1, p.2); 4. a) 1611 «extrême pauvreté, privation des choses nécessaires à la vie» (Cotgr.); b) 1676 crier misère (Mmede Sévigné, Lettre à Mmede Grignan, 21 juin ds Lettres de Mmede Sévigné, éd. Ad. Régnier, t.4, p.498); 5. av. 1710 «les gens qui sont dans la misère» (Fléchier, Aiguillon ds Littré); 6. a) 1677 «action, chose moralement petite» (Mmede Sévigné, op. cit., 22 oct., éd. citée, t.5, p.374); b) av. 1719 «bagatelle, chose de peu d'importance» (Mmede Maintenon, Lettre à M. d'Aubigné ds Littré). Empr. au lat. miseria «malheur, adversité, souci, peine», dér. de miser «misérable, malheureux». Fréq. abs. littér.: 6902. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 9558, b) 11598; xxes.: a) 12185, b) 7653. Bbg. Dub. Pol. 1962, p.344. _ Quem. DDL t.1, 2, 6.

MISÈRE2, subst. fém.

Plante herbacée vivace, à rameaux rampants et feuilles ovales de différentes couleurs. Les suspensions, vues de bas en haut, contiendront surtout des plantes retombantes (...) lierres, lobélias, bégonias et misères (Savoir tout faire au jardin, Paris, Sélection du Reader's Digest, 1980, p.25).
Prononc.: [mizε:ʀ]. Étymol. et Hist. 1908 «orpin» (Verr.-On.). V. misère1.

Wiktionnaire

Interjection - français

misère \mi.zɛʁ\

  1. S’emploie pour marquer la consternation, le désespoir ou l’exaspération.
    • Qu’est-ce qu’il y a ? Ah ! misère, le pauvre enfant est blessé ! — (Colette Vivier, La maison des petits bonheurs, 1939, éditions Casterman Poche, page 16)
    • La concierge, Mme Misère. C’est papa qui l’appelée comme ça, parce qu’elle gémit tout le temps : « Misère, misère ! ». — (Colette Vivier, La maison des petits bonheurs, 1939, éditions Casterman Poche, page 20)
    • Misère, misère !… Ah, vous ne pouvez pas comprendre, vous les soldats qui êtes en plein dans l’action, les sentiments qui nous animent à l’arrière. — (Jean Charbonnel, ‎Étienne Borne, Edmond Michelet, 1987)
    • La décision initiale de Radio-­Canada de censurer un épisode d’une série-culte est complètement ridicule. Misère ! On parle ici d’une série ubuesque, où les lits sont verticaux et les vidanges sont sacrées ! — (Sophie Durocher, Radio-Canada s’est couverte de ridicule, Le Journal de Montréal, 11 novembre 2020)

Nom commun - français

misère \mi.zɛʁ\ féminin

  1. Condition, état de celui qui inspire la pitié.
    • L’attitude de la théologie chrétienne à l’égard des juifs a été fixée dans le début du IVe siècle (concile de Nicée, 325) : le judaïsme ne doit pas disparaître, il doit vivre, mais dans un état d’avilissement et de misère tel qu’il fasse nettement apparaître aux yeux des croyants comme des incroyants le châtiment infligé par Dieu à ceux qui n’ont pas voulu reconnaître la divinité de Jésus. — (Léon Berman, Histoire des Juifs de France des origines à nos jours, 1937)
  2. (En particulier) (Religion) État de faiblesse et de néantise de l’homme.
    • […] il est également dangereux à l'homme de connaître Dieu sans connaître sa misère, et de connaître sa misère sans connaître le Rédempteur qui peut l'en guérir. — (Blaise Pascal, Pensées)
    • Le dogme de l’incurable méchanceté de l’homme a, d’ailleurs, chez certains de ses adeptes, une autre racine : un plaisir romantique à évoquer la race humaine murée dans une misère fatale et éternelle. — (Julien Benda, La trahison des clercs, 1927, édition revue et augmentée, Grasset, 1946, page 194)
  3. (Spécialement) Privation des choses nécessaires à la vie.
    • La misère qui règne est indescriptible. Les troupes ont transformé les environs en un vaste désert, où il ne reste plus un habitant, plus une tête de bétail, plus un boisseau de grain. L'intendance ne réussit plus à pourvoir aux besoins de tous les ventres affamés dont elle a la charge. — (Frédéric Weisgerber, Trois mois de campagne au Maroc : étude géographique de la région parcourue, Paris : Ernest Leroux, 1904, page 96)
    • Comme approchait le jour de l’inauguration du nouveau président, le désordre, la crainte et la misère étendaient leur empire. — (André Maurois, Chantiers américains, 1933)
    • Ayant une suffisante connaissance des taudis de Marseille, je m’imaginais que leur misère n’était guère dépassable. — (Ludovic Naudeau, La France se regarde : le Problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)
    • Ainsi toute cette philosophie sert à voiler les misères de l’époque […] Elle sert à détourner les exploités de la contemplation périlleuse pour les exploiteurs, de leur dégradation, de leur abaissement. — (Paul Nizan, Les Chiens de garde, 1932)
    • La misère, quoi qu’on en pense, n’incite pas au crime […] — (Francis Carco, L’Homme de minuit, Éditions Albin Michel, Paris, 1938)
    • La Pauvreté, ah ! la garce ! Elle va dans un cortège d’humiliations, de basses rancunes, de fangeuses abdications. Elle traîne, derrière elle, sa sœur la Misère, au rire édenté, aux orbites desséchées, aux doigts mous. — (Victor Méric, Les Compagnons de l’Escopette, Éditions de l’Épi, Paris, 1930, page 34)
  4. (En particulier) (Histoire, Musique) Au XVIIIe siècle, chanson anonyme décrivant les épreuves et malheurs de certaines professions.
    • Au XVIIIe siècle est apparu un nouveau genre, celui des complaintes des métiers, poèmes populaires anonymes qui décrivaient les épreuves et malheurs de certaines professions. Ces textes qui firent le bonheur des éditeurs de colportage étaient intitulés Misères. Je possède quelques-uns de ces livrets : La Misère des clercs de procureurs, La Misère des garçons chirurgiens, La Misère des apprentis imprimeurs […]. — (Gérard Oberlé, La vie est ainsi fête, Grasset, 2007, chronique du 1er mai 2003, pages 63-64)
  5. (Figuré) Bagatelle, chose de peu d’importance et de valeur.
    • On ne s’étonnera donc pas du sang-froid avec lequel il accueillit les applaudissements de la Société Royale ; il était au-dessus de ces misères, n’ayant pas d’orgueil et encore moins de vanité […] — (Jules Verne; Cinq semaines en ballon)
    • C’est une vieille R5 blanche qui agonise. Je l’ai achetée parce qu’elle valait une misère. — (Boris Tzaprenko, Noti Flap, volume 1 : Rien à dire, c’est du grand Art, 2008, chapitre 20)
    • Alphonse lui-même, qui semblait encore le meilleur de tous, eh bien ! ma chère, il s’est brouillé avec moi pour une misère. — (Perlette, chapitre 4, dans l’Artiste : Revue de Paris, 1847, 4e série, volume 9, page 198)
    • Il a l’air de se bien porter, mais il a toujours quelques misères de santé.
  6. Métaphore pour désigner le sexe masculin.
    • « Cachez votre misère, père Milon, allons il y a des enfants. » — (Annie Ernaux, La femme gelée, 1981, réédition Quarto Gallimard, page 346)
  7. (Botanique) Nom usuel d’une plante ornementale de la famille des commélinacées.
    • Ces formations filamenteuses, observées pour la première fois dans les cellules du pollen de Tradescantia (nom populaire: misère), furent baptisées chromosomes par Waldeyer en 1888. — (Marc Maillet, Biologie cellulaire, 2006)
  8. Difficulté. → voir avoir de la misère
    • Mais j'eus bien des misères à l'école avec tous ces nombres ! Avec le calcul c'était encore pire. — (Heinrich Heine, Le Livre de Le Grand, chap.7, traduit de Ideen, das Buch le Grand (1827) par Claire Placial, Le festin de Babel : Bibliothèque de traductions (https:/ /lefestindebabel.wordpress.com), 2012)
    • Je partis de Paris, j'y revins et, me trouvant sans place, j'eus beaucoup de misère. […]. Les années 1865-66-67 ne furent pas brillantes pour les coiffeurs, et surtout pour moi, qui exerce cette profession. — (Thésée Pouillet, La Spermatorrhée, Delahaye, 1877, page 141)
    • Il y avait une jeune fille qui servait comme domestique chez des gens riches et qui avait à supporter mille misères. — (Le Courrier du Vietnam, Contes du temps d’avant, lecourrier.vn, 27 décembre 2020)
    • C’est une grande misère que les meilleurs procès.
    • C’est une misère que d’avoir affaire à lui.
  9. Malchance.
    • C’était la poisse, la pouille, la misère, la débine. — (Raymond Queneau, Loin de Rueil, Gallimard, 1944, Édition Folio, 2003, page 200)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

MISÈRE. n. f.
Condition, état de celui qui inspire la pitié. Être sensible aux misères d'autrui. Les misères de la vie. Ce monde est une vallée de misères. Par extension, C'est une grande misère que les meilleurs procès. C'est une misère que d'avoir affaire à lui. Fig. et fam., Collier de misère, Travail pénible, qu'on ne peut interrompre que pour le reprendre bientôt. Le voilà au terme de son congé : il va falloir reprendre le collier de misère. La misère des temps, Le mauvais état des affaires. Il ne vend rien, c'est la misère des temps qui en est la cause.

MISÈRE se dit spécialement de la Privation des choses nécessaires à la vie. Il est mort dans une extrême misère. Il est tombé dans la misère. Fam., Crier misère, Se plaindre vivement de sa situation matérielle. Il sert particulièrement à exprimer la Faiblesse et le néant de l'homme. Ce qui nous paraît de plus grand dans le monde n'est que misère et que vanité. On n'est jamais content de son état : rien ne marque davantage la misère de l'homme. Il signifie figurément Bagatelle, chose de peu d'importance et de valeur. Ne vous inquiétez pas de cela, c'est une misère, ce n'est qu'une misère. Il s'est fâché pour une misère. Il a l'air de se bien porter, mais il a toujours quelques misères de santé.

Littré (1872-1877)

MISÈRE (mi-zè-r') s. f.
  • 1État malheureux. Le regret du passé, du présent la misère, Régnier, Sat. X. Que je te plains, ma fille ! hélas ! pour ta misère Les destins ennemis ont fait naître ce frère, Corneille, Veuve, III, 8. Ciel qui vois ma misère et qui fais les heureux, Prends pitié d'un devoir qui m'est si rigoureux, Corneille, ib. IV, 10. Nos crimes sont pareils ainsi que nos misères, Corneille, Hor. IV, 7. Le soir, le matin et à midi, je raconterai mes misères, et j'annoncerai ses miséricordes : et il exaucera ma voix, Sacy, Bible, Psaume LIV, 18. L'effroi que j'aurais de les voir [certaines personnes] en cet état éternel de misère, Pascal, Lett. à Mlle de Roannez, 3. Misère de l'homme sans Dieu, Pascal, Pens. XXII, 1, éd. HAVET. Les hommes, n'ayant pu guérir la mort, la misère, l'ignorance, se sont avisés, pour se rendre heureux, de ne point y penser, Pascal, ib. IV, 5. Malgré les misères qui sont extrêmes, on ne laisse pas de se marier : M. le prince de Rohan et Mme de Turenne…, Sévigné, 12 février 1694. M. de la Rochefoucauld a la goutte ; si, malgré le lait, la goutte prend cette liberté tous les ans, ce sera une grande misère, Sévigné, 6 nov. 1675. Contrainte de paraître au monde, et d'étaler, pour ainsi dire, à la France même et au Louvre où elle était née avec tant de gloire, toute l'étendue de sa misère, Bossuet, Reine d'Anglet. Être promptement délivré des misères de cette vie, Bossuet, Yol. de Monterby. Toutes les extrémités des choses humaines la félicité sans bornes, aussi bien que les misères, Bossuet, Reine d'Anglet. Cette capitale du royaume qui renferme tant de grandeurs et tant de misères tout ensemble, Fléchier, Aiguillon. Dans Florence jadis vivait un médecin, Savant hâbleur, dit-on, et célèbre assassin ; Lui seul y fit longtemps la publique misère, Boileau, Art p. IV. Hécube près d'Ulysse acheva sa misère, Racine, Andr. I, 2. D'un ennemi respecter la misère, Sauver des malheureux… Seigneur, voilà des soins dignes du fils d'Achille, Racine, ib. I, 4. …Les amis de mon père Sont autant d'inconnus que glace ma misère, Racine, Brit. I, 4. Peut-être je devrais, plus humble en ma misère…, Racine, Mithrid. I, 2. J'ai tantôt, sans respect, affligé sa misère, Racine, Iphig. III, 4. Il y a une espèce de honte d'être heureux à la vue de certaines misères, La Bruyère, XI. Les misères publiques, en augmentant les murmures, semblent augmenter les profusions, Massillon, Carême, Mauv. riche. Il n'est pas inutile de dire aux étrangers que misère est en poésie un terme noble, qui signifie calamité et non indigence, Voltaire, Sur Horace. C'est bien par cet exemple aussi cruel que mémorable, qu'il faut déplorer les misères de la grandeur, Rousseau, Confess. XI. Tenez, dit-il, en me montrant des paysans qui traversaient le parc et se rendaient à l'ouvrage en chantant, que ne donnerais-je pas pour partager leurs travaux et leurs misères ! Scribe, le Prix de la vie dans les Historiettes et proverbes.

    La misère du temps, des temps, le mauvais état des affaires.

  • 2Faiblesse et néant de l'homme. Ce sont [les misères de l'homme] misères de grand seigneur, misères d'un roi dépossédé, Pascal, Pens. I, 3, éd. HAVET. Orgueil, contrepesant toutes les misères ; ou il cache ses misères, ou, s'il les découvre, il se glorifie de les connaître, Pascal, ib. II, 2. Malgré la vue de toutes nos misères, qui nous touchent, qui nous tiennent à la gorge, Pascal, ib. II, 4. La misère persuade le désespoir, l'orgueil persuade la présomption, Pascal, ib. XII, 14. Tout le corps des justes qui prie, et qui est toujours exaucé, rend le Seigneur bien plus attentif aux besoins de l'Église, et aux misères de nos âmes, Massillon, Carême, Mot. de conv.
  • 3Souffrances physiques, incommodités. Vous ne sauriez croire combien je suis devenu vieux ; toutes mes misères ont augmenté, et un apothicaire est beaucoup plus nécessaire à mon être qu'un général d'armée, Voltaire, Lett. Richelieu, 18 juin 1757.
  • 4Lit de misère, lit sur lequel est une femme en travail d'accouchement.
  • 5Indigence, privation de ressources, des choses nécessaires. Sa misère est sans doute une honnête misère, Molière, Tart. II, 2. Je serai au désespoir, s'il faut que je reprenne encore les pensées de la guerre… il est triste de s'avancer dans le pays de la misère ; c'est ce qui est indubitable dans votre métier [militaire], Sévigné, à Bussy, 12 octobre 1678. À force de vouloir soutenir mon vieux château, il me fera tomber dans la misère de n'avoir pas de quoi souper cet hiver, Sévigné, 15 novembre 1677. Mme Bernard : Mais vous prêchez toujours misère. - M. Bernard : C'est que vous m'y plongez, dans la misère, Dancourt, Mais. de camp. sc. 14. Ceux qui n'ont des yeux que pour les misères d'éclat, Massillon, Or. fun. Villars. L'homme aux quarante écus : Quoi ! le moyen de vivre commodément est d'associer ma misère à celle d'un autre ? - Le géomètre : Cinq ou six misères ensemble font un établissement très tolérable, Voltaire, l'H. aux quarante écus, Entret. avec un géom. On touche au temps de vérifier ce qui a été dit, qu'il y avait une puissance qui donnerait la paix, et que cette puissance c'était la misère, Voltaire, Lett. d'Argent. nov. 1759. Ah ! la misère entraîne aux plus affreux malheurs ! Elle ôte le courage et dégrade le cœur, Chénier M. J. Gracques, III, 10.

    Mal de misère, la pellagre.

    La misère, les gens qui sont dans la misère. Ces tristes demeures où se retirent la misère et la pauvreté, Fléchier, Aiguillon.

    Le bonhomme Misère, personnage principal d'un conte populaire. Comment le bonhomme Misère vainquit la mort.

  • 6Peine, difficulté. C'est une grande misère que les procès. C'est une misère que d'avoir affaire à lui.

    Fig. et familièrement. Collier de misère, travail pénible, qu'on ne peut interrompre que pour le reprendre bientôt, par allusion soit au collier du cheval qui tire, soit à l'ancien collier de l'esclave.

    Familièrement. Faire des misères, causer de la peine, des contrariétés, du tourment.

    Paroles de médisance. Il a dit toutes sortes de misères de vous. On joue, on bâille, on s'ennuie, on ramasse quelque misère les uns des autres, on se hait, on s'envie, on se caresse et on se déchire, Maintenon, Lett. à Mme de Caylus, 17 juillet 1701.

  • 7Action, chose moralement petite. Elle ne fait point de ces petites misères-là, Sévigné, 370. Quel besoin n'aurais-je pas… d'un courage et d'une vertu comme la vôtre ?… c'est ce qui ne m'est pas donné ; je suis livrée à la misère d'une grande faiblesse, Mme de Grignan, dans SÉV. t. X, p. 406, éd. RÉGNIER. Quelle misère de s'offenser de tout ce que la Providence divine fait pour les autres ! Fléchier, Serm. II, 2. M. le Duc ne demanda pas mieux que de faire les avances du raccommodement ; le comte de Fiesque eut la misère de les recevoir, Saint-Simon, 99, 54. Chamillart fit la sottise de le mettre [son frère] de l'Académie française en sa place, qui avait eu la misère de l'élire, Saint-Simon, 355, 183. Il avait les misères des femmes qui l'avaient fait subsister ; il ne craignait rien tant qu'une salière renversée, Saint-Simon, 447, 241. Le bel intérieur de conscience à montrer ! que de misères mises au jour ! et quelles misères encore ! Marivaux, Paysan parv. 5e part. Écrivez, vous dis-je, à Mme du Châtelet ; point de politique, point de ces lâches misères, Voltaire, Lett. Thieriot, 18 janv. 1739.
  • 8Bagatelle, chose de peu d'importance et de valeur. Vous ne voudriez pas que j'entretinsse le roi de ces misères, Maintenon, Lett. à M. d'Aubigné, t. I, p. 168, dans POUGENS. Il n'est pas permis à une femme auteur de donner des misères, Mme de Puisieux, Ridic. à la mode, p. 250, dans POUGENS. Vous ne vous êtes donc pas présenté à la caisse ? - Ah ! monsieur, c'est une misère, Picard, Duhautcours, I, 5.
  • 9Terme du jeu de boston. Coup que l'on gagne, quand on parvient à se débarrasser de toutes ses cartes, sans relever une seule main. Demander une misère en pique.

    Petite misère, celle dans laquelle on écarte préalablement une carte à son choix.

    Misère sur table, celle qui se fait en montrant son jeu (voy. BOSTON).

  • 10Misère, rouge-gorge ; on dit aussi bonhomme-misère.

HISTORIQUE

XIIe s. Si fust tun plaisir que veisses ma miserie, Rois, p. 3.

XIIIe s. Par le peché Adam no pere Sommes nous mis en grant misere, Gui de Cambrai, Barl. et Jos. p. 42. Je crien que ceste pitiez et ceste douçor ne nos tort [tourne] à misere et à amertume, Latini, Trésor, p. 514. Come ladite Amile eust esté en si grant misere [souffrance, maladie] par trois mois, Miracles St Loys, p. 177.

XIVe s. Et après en sa vieillesse il chiet [tombe] en très grant misere, Oresme, Eth. 22. Disant que moult courtoisement il les avoit traitié en temps de leur misere, Bercheure, f° 35, verso.

XVe s. Les premiers agousteurs [ceux qui goûtèrent les premiers] de ceste humaine misere, Chastelain, Chron. du duc Philippe, Proesme.

XVIe s. Aimer mieulx mourir, que vivre en cette misere, d'avoir à se garder mesme de ses amis, Montaigne, I, 133. Il suffit au jour de sa misere, Cotgrave

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

MISÈRE. Ajoutez :
11Misère et compagnie, gens qui n'ont avec eux que la misère. Misère et compagnie, comme on dit ; eh bien, avec une apparence d'établissement, le public s'y laisse prendre tout de même, Gaz. des Trib. 3-4 mars 1873, p. 215, 3e col.
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Étymologie de « misère »

Prov. esp. et ital. miseria ; du lat. miseriam, dérivé de miser, dont on pense que les relations étymologiques sont avec le lat. mœstus, triste, μῖσος, haine.

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(Date à préciser) Du latin miseria, de miser, « malheureux ». (XIIe siècle) miserie.
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Phonétique du mot « misère »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
misère misɛr

Fréquence d'apparition du mot « misère » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « misère »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « misère »

  • Le snobisme fait faire aux gens du monde autant de vilaines actions que la misère aux malheureux.
    Robert Pellevé de La Motte-Ango, marquis de FlersFrantz Wiener, dit Francis de Croisset — Les Précieuses de Genève, Les Portiques
  • La misère a cela de bon qu'elle supprime la crainte des voleurs.
    Alphonse Allais — Le Chat noir, La Table Ronde
  • La misère me fait plus peur que la solitude, parce qu'elle est l'humiliation et l'abaissement, et que celle-ci est seulement l'ennui ou la tristesse.
    Henri Frédéric Amiel — Journal intime, 5 janvier 1866
  • Il faut peut-être plus de force d'âme encore pour résister à la solitude qu'à la misère ; la misère avilit, la retraite déprave.
    Denis Diderot — La Religieuse
  • La meilleure preuve de la misère de l'existence est celle qu'on tire de la contemplation de sa magnificence.
    Søren Aabye Kierkegaard — Ou bien ou bien
  • Le vrai secours aux misérables, c'est l'abolition de la misère.
    Victor Hugo — Actes et paroles
  • Je ne puis pas oublier la misère de ce temps, Ô siècle pareil à ceux qui campèrent sous les tentes ! […] Peu à peu notre destin nous ruisselle sur le dos.
    Jules Romains pseudonyme littéraire devenu ensuite le nom légal de Louis Farigoule — Ode génoise, Camille Bloch
  • La misère n’a pas de frontière. La misère, elle est in-ter-na-tio-nale.
    Jamel Debbouze — Les Inrocks - 31 Juillet 2002
  • L'homme entre deux néants n'est qu'un jour de misère.
    Jules Laforgue — Poèmes posthumes, Sonnet pour éventail
  • Si je ne sentais pas ma misère, comment pourrais-je sentir ma joie qui est fille aînée de ma misère et qui lui ressemble à faire peur ?
    Léon Bloy
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Traductions du mot « misère »

Langue Traduction
Anglais misery
Espagnol miseria
Italien miseria
Allemand elend
Chinois 苦难
Arabe بؤس
Portugais miséria
Russe страдания
Japonais 惨め
Basque miseria
Corse miseria
Source : Google Translate API

Antonymes de « misère »

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Nombre de points du mot misère au scrabble : 7 points

Misère

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