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Peine

Variantes Singulier Pluriel
Féminin peine peines

Définitions de « peine »

Trésor de la Langue Française informatisé

PEINE, subst. fém.

I.
A. −
1. Ce que l'on fait subir à l'auteur d'un délit, d'une faute ou d'un crime pour le punir, le châtier. Synon. châtiment, punition.Il est dans l'ordre qu'une peine inévitable suive une faute volontaire (Joubert, Pensées, t.1, 1824, p.359).Eh bien, monsieur, vous copierez trois fois (...) le paragraphe 38 de la grammaire latine; et vous offrirez cette peine au seigneur, en le remerciant de vous éprouver ainsi ! (Adam, Enf. Aust., 1902, p.180):
1. Si, comme nous l'avons dit, il y a toujours eu dans un groupe humain d'une certaine ampleur, des hommes ayant une conduite anti-sociale, il est aisé de constater que ce ne sont pas les actes de même nature qui ont toujours été regardés comme criminels, qui ont provoqué cette réaction passionnelle qu'est la peine. Traité sociol., 1968, p.214.
Peine du talion. Châtiment infligé selon la loi du talion. La peine si générale du talion n'est-elle pas une satisfaction accordée à la passion de la vengeance? (Durkheim, Divis. trav., 1893, p.53).V. infracteur ex. de Karr.
Âme en peine. V. âme I A 2.
THÉOL. CHRÉT. Châtiment infligé par Dieu à ceux qui ont commis une faute. Les peines de l'enfer, du purgatoire; les peines éternelles. [Les démons] y souffrent [dans l'enfer] (...) la peine du feu (...) parce que le feu de l'enfer, rendu par Dieu capable de brûler un esprit, a reçu aussi la puissance d'agir à distance par un contact virtuel (Théol. cath.t.4, 11920, p.400).
Peine du dam*, du sens*.
2. En partic.
a) Sanction édictée et appliquée par un tribunal à l'encontre de celui qui a contrevenu aux lois de la société. La seule organisation qui se rencontre partout où il y a peine proprement dite se réduit donc à l'établissement d'un tribunal (Durkheim, op.cit., p.63).
b) DR. PÉNAL. Sanction pénale applicable à une personne ayant commis une infraction. L'on vous défendra, sous des peines sévères, de vous concerter ensemble pour obtenir une augmentation de (...) salaire (Lamennais, Paroles croyant, 1834, p.174).Nul ne peut être détenu sans qu'un jugement ait prononcé une peine à raison de la culpabilité reconnue (Belorgey, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p.48).V. appliquer ex. 17:
2. À l'expiration de leur peine, les individus condamnés à moins de deux ans d'emprisonnement, sont mis à la disposition du ministre de la guerre pour tout le temps du service militaire qu'ils doivent à l'État... J.O., Loi rel. recrut. arm., 1928, p.3823.
[Suivi d'un déterm. pour former le nom d'un type de peine en dr. fr.]
[Le déterm. stipule la juridiction qui applique la peine] Peine correctionnelle. Peine de gravité moyenne (notamment l'emprisonnement durant deux mois à cinq ans, une forte amende) qui imprime à l'infraction qu'elle sanctionne le caractère de délit correctionnel (d'apr. Cap. 1936 et Barr. 1974).
Peine criminelle*.
Peine de (simple) police. Peine légère (notamment un emprisonnement pendant moins de deux mois, une amende) qui imprime à l'infraction qu'elle sanctionne le caractère de contravention de simple police (d'apr. Cap. 1936 et Barr. 1974):
3. ... il faut avoir présente à l'esprit la classification en trois catégories des diverses infractions telle qu'elle résulte du Code pénal. Celui-ci (Artier) distingue les contraventions punies de peines de police (par exemple, le tapage nocturne), les délits punis de peines correctionnelles (par exemple, le vol simple) et les crimes punis de peines afflictives ou infamantes (par exemple, le meurtre). Vedel, Dr. constit., 1949, p.343.
[Le déterm. stipule le statut de la peine dans le verdict du juge]
Peine accessoire*.
Peine complémentaire. ,,Peine que les juges ont le droit ou même le devoir de prononcer à côté d'une autre peine`` (Cap. 1936). V. accessoire ex. 24.
Peine principale. Peine formant l'essentiel de la sanction. V. accessoire ex. 24.
[Le déterm. stipule le contenu de la peine]
[Le déterm. est un adj.] Peine afflictive* et infamante; peine (seulement) infamante*. Peine capitale (v. ce mot A; peine pécuniaire). Peine corporelle. Peine qui porte atteinte à l'intégrité corporelle du condamné ou qui l'atteint dans son intégrité ou sa liberté corporelle (d'apr. Cap. 1936).
[Le déterm. est un groupe nom.] Peine d'emprisonnement, de mort, de prison, de travaux forcés. Les demandes en relèvement de leur peine que peuvent introduire les instituteurs, aussi bien privés que publics, condamnés à une peine d'interdiction (Encyclop. éduc., 1960, p.123).V. agent ex. 52.
SYNT. Requérir une peine contre qqn; sanctionner par une peine; appliquer, édicter, établir, exécuter, infliger une peine; adoucir, aggraver, commuer, mitiger, remettre une peine; faire grâce d'une peine; commutation, exécution, prescription d'une peine; remise de peine; encourir une peine; être passible d'une peine; subir, purger une peine; une peine expire; durée d'une peine; peine légère, lourde, rigoureuse, juste; juge d'application des peines.
B. − P. ext., littér. Conséquence fâcheuse qui semble sanctionner une action ou une situation condamnable d'un point de vue moral. Je (...) trouvais dans leur visage, ou souriant ou sombre, le loyer de ma sagesse ou la peine de mes fautes (A. France, Pt Pierre, 1918, p.92).
Porter la peine de qqc. Nous pouvons porter aujourd'hui la peine physique d'un excès commis il y a plus d'un siècle (J. de Maistre, Soirées St-Pétersb., t.1, 1821, p.53).Madame de Meximieu portait, à quarante-huit ans, la peine de son éducation première, qui avait été ce qu'on appelle toute mondaine, c'est-à-dire cruellement vide (R. Bazin, Blé, 1907, p.160).
C. − Loc. prép.
1. À peine de + subst., verbe à l'inf.(dr., vieilli). Si l'on ne veut pas être passible de (telle peine). Ce registre contiendra une notice sommaire de chaque affaire, et de la condamnation, à peine de cinquante francs d'amende pour chaque omission (Code instr. crim., 1808, p.789).L'électeur doit, à peine de nullité de son vote, voter pour une liste complète et sans panachage (Vedel, Dr. constit., 1949, p.383).
P. ext. Si l'on ne veut pas courir le risque de. Ils ne peuvent plus l'être [sincères et honnêtes], à peine de recommencer l'impuissance du gouvernement provisoire (Sand, Corresp., t.3, 1852, p.314).Le Centre [Méditerranéen] ne peut vivre que de l'opinion et de l'intérêt qu'il excitera, à peine de languir et de se réduire à une vie tout artificielle et administrative sans avenir (Valéry, Regards sur monde act., 1931, p.307).
2. Sous peine de + subst., verbe à l'inf.(dr.). Si on ne veut pas être passible de (telle peine). Tout juge de paix (...) est tenu d'office (...), sous peine d'être poursuivi comme complice de détention arbitraire, de s'y transporter aussitôt (Code instr. crim., 1808, p.792).L'enseignement primaire devint obligatoire, sous peine, pour les parents et leurs complices, de sanctions pénales (Encyclop. éduc., 1960, p.96).
P. ext. Si l'on ne veut pas courir le risque de. Le médecin lui enjoint, sous peine de mort, de rentrer à Paris (Lemaitre, Contemp., 1885, p.330).Il est temps de songer à remettre de l'essence, sous peine de tomber en panne «sèche» 20 ou 30 km plus loin (Chapelain, Techn. automob., 1956, p.338).
Sous peine de vie (vx). Sous peine de mort. [Ils] écartent les soldats, leur défendent sous peine de vie d'approcher du roi (Chateaubr., Ét. ou Disc. hist., t.4, 1831, p.157).
Rem. Sous peine que + prop.au subj. (rare). Le vent du changement souffle en rafales sur la France libérée. Mais la règle doit s'y imposer sous peine que rien ne vaille rien (De Gaulle, Mém. guerre, 1959, p.91).
II.
A. − État affectif, durable, fait de tristesse, de douleur morale ou d'un profond sentiment d'insatisfaction (généralement à la suite ou à cause d'un événement déterminé). Anton. bonheur, joie, plaisir, satisfaction.De courtes interjections témoignaient de son bonheur actuel qui avait fait cesser cette peine atroce (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p.427).La joie venait toujours après la peine Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure (Apoll., Alcools, 1913, p.45):
4. ... c'étaient les yeux d'un homme que l'idée fixe obsède et que l'aiguillon d'une peine intolérable touche sans cesse à la fibre la plus sensible de son âme. Cette peine datait du jour où il avait reçu la terrible lettre par laquelle sa soeur lui révélait son projet de suicide. Bourget, Disciple, 1889, p.225.
Au plur.
[Plur. d'amplification] Littér., vieilli. J'entrai dans ses peines; je partageai sa douleur; j'essuyois de nouveau ses larmes (Crèvecoeur, Voyage, t.2, 1801, p.370).V. ex. infra passim.
Moments de peine (qui peuvent être liés à plusieurs événements). J'ai eu cette année de vives peines accompagnées de grandes lumières (Dupanloup, Journal, 1868, p.297).Jamais encore, au cours de cette journée capitale, il ne s'était senti plus loin de l'enfance, des joies et des peines d'hier, de toute joie, de toute peine (Bernanos, M. Ouine, 1943, p.1365).
Dans le vocab. de la philos., de la psychol. Le plaisir et la peine sont les principaux objets du désir et de l'aversion, et ce n'est point la raison, c'est le sentiment immédiat qui les discerne (Cousin, Philos. écoss., 1857, p.205).La peine naît donc d'une action partielle qui n'exerce que certaines des énergies disponibles et les exerce parfois avec excès, en même temps que d'un sacrifice des tendances refoulées (Blondel, Action, 1893, p.161).
Rem. Peine n'est pas empl. dans le discours de la psychol. contemp.; on y utilise le syntagme douleur morale.
SYNT. Éprouver, ressentir de la peine, une peine profonde; être accablé, chargé, rempli de peine(s); qqc. accroît la peine de qqn, cause de la peine à qqn; compatir à la peine de qqn; confier ses peines à qqn; partager, soulager la peine de qqn; distraire qqn de sa peine; le poids de la peine; peine cruelle, lourde, violente.
1. En partic.
a) [Dans un cont. décrivant les manifestations ou les différents moments de cet état] Elle lut sur ses traits une peine apitoyée, la torture du remords (Vogüé, Morts, 1899, p.410).Il me semble, à moi, que vous n'êtes pas un triste: vous n'êtes qu'un homme qui souffre. La peine vient et elle s'efface (R. Bazin, Blé, 1907, p.144).
b) [Constr. avec la prép. de + inf. désignant ce qui cause la peine]Rare. Entre les larmes de l'adieu, qu'on verse sur un foyer de famille, et la peine légère de voir se rapetisser dans l'éloignement les girouettes d'un toit sous lequel on a passé quelques beaux étés, la comparaison serait absurde (Coppée, Bonne souffr., 1898, p.62).Ce n'est rien, va: c'est la peine de ne pas être reconnu (J. Bousquet, Trad. du sil., 1936, p.118).
c) [Constr. avec un groupe déterm. désignant le siège de la peine]Vieilli. Peine d'âme, de l'âme; peines d'esprit. Éviter pareillement les douleurs du corps et les peines de l'esprit (Laclos, Éduc. femmes, 1803, p.445).Les peines morales peuvent aussi laisser des impressions ineffaçables (Senancour, Obermann, t.2, 1840, p.212).
Peine de coeur. Synon. chagrin* d'amour.«Oh! J'ai eu une grande peine de coeur cet hiver» (...) «Louis, −c'est son mari −m'a trompée (...)» (Goncourt, Journal, 1865, p.178).Tout en me racontant ses peines de coeur, Nancy s'amusa à me déguiser d'une grande robe mexicaine (Beauvoir, Mandarins, 1954, p.307).
d) [Formant un groupe prép.]
Avec peine (vieilli). Dans ce mouvement de solliciteurs, je vis avec peine que les électeurs n'étaient pas nombreux (Reybaud, J. Paturot, 1842, p.323).V. frimaire ex. de Napoléon.
Dans la peine. Marie fut vaillante, confiante, presque gaie dans sa peine (Vogüé, Morts, 1899, p.277).Messieurs, vous me voyez dans une grande peine (Audiberti, Mal court, 1947, iii, p.193).V. justice A 1 ex. de Weill.
De peine. [Combiné avec un verbe ou un adj. décrivant un état ou un comportement] Je tremble de honte et de peine. Il est temps que nous nous retirions (Audiberti, Mal court, 1947, ii, p.161).
En peine. Nous irons donc à la louée de Bazolles, bien que j'aie le coeur tout en peine de me séparer de toi (R. Bazin, Blé, 1907, p.44).
Mettre en peine qqn (rare). Un peintre, habitant d'une petite ville, mis en peine par la niaiserie provinciale, et obligé d'organiser comme une opération clandestine l'utilisation d'un modèle (J. Bousquet, Trad. du sil.,1936,p.230).
Être, errer (ou un verbe équivalent) comme une âme en peine. V. âme I A 2.
2. Loc. verb.
a) [Combiné avec avoir] Avoir de la peine, une peine (+ un groupe déterm.), (expr. quantifiante) + peine; avoir des peines (vieilli). Il passa la matinée à s'imaginer que Ninon aurait de la peine à le voir partir (Boylesve, Leçon d'amour, 1902, p.156).J'eus de la peine de ne point apercevoir la tunique de soie rouge de la petite Tanit-Zerga (Benoit, Atlant., 1919, p.197).J'ai eu de la peine en entendant une femme que j'aimais me déclarer qu'elle s'ennuyait (J. Bousquet, Trad. du sil.,1936,p.100).Je souffre parce que Paul a de la peine, je suis en colère parce qu'il est en colère (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p.409).V. chagriner A ex. de Restif de la Bretonne:
5. C'est bien la pire peine De ne savoir pourquoi, Sans amour et sans haine, Mon coeur a tant de peine. Verlaine, Romances sans par., 1874, p.15.
Avoir de la peine pour qqn. Un jour je me suis trouvé à voir jouer Faust et j'ai eu de la peine pour Marguerite (Aymé, Nain, 1934, p.275).
b) [Combiné avec faire] Faire peine, de la peine, une peine (+ un groupe déterm.), (expr. quantifiante) + peine à qqn.
Causer de la peine, une peine (à quelqu'un). Il y a dans tout ce que tu m'as dit des choses qui me font peine, et d'autres qui me font plaisir (Musset, Lorenzaccio, 1834, iii, 3, p.195).Monsieur Codomat, vous me faites de la peine en ayant de moi une si mauvaise opinion... et en pensant que je ne suis pas digne de me marier (Tr. Bernard, M. Codomat, 1907, ii, 9, p.177):
6. Ça lui avait d'abord fait une grosse peine; elle voulait même aller se jeter à l'eau; mais, à présent, elle s'était raisonnée, tout se trouvait pour le mieux. Zola, Assommoir, 1877, p.407.
Inspirer un sentiment de pitié triste, de compassion. Je ne cesse de cracher le sang. Oh! Je vous ferais peine si vous me voyiez (Dumas fils, Dame Cam., 1848, p.280).Elle ne retrouvait pas sa respiration... Elle me faisait une peine infinie (G. Leroux, Parfum, 1908, p.30).
Faire (de la) peine à voir, à entendre, etc. Il entra tout pâle, (...) d'un air tellement effrayé que cela faisait de la peine à voir (Erckm.-Chatr., Ami Fritz, 1864, p.213).Le vautour de Monsieur de Meillan faisait peine à voir. Mélancolique et affectueux, il se traînait avec lenteur (Miomandre, Écrit sur eau, 1908, p.39).
c) [Combiné avec être] Qqc. est une peine (+ un groupe déterm.) pour qqn. Le départ pour Combourg qui fut une grande peine pour ma mère fut une grande joie pour sa petite famille (Chateaubr., Mém., t.1, 1848, p.549).Le médecin (...) ne put en conscience autoriser l'abbé Berthet à continuer son enseignement. Ce lui fut, à nouveau, une peine énorme. «Un coup mortel», écrit son frère (L. Febvre, Dom B. Berthet, [1950] ds Combats, 1953, p.414).
B. − [Dans les loc. infra] Souci, inquiétude.
1. En peine. Synon. en souci.MmeSimons me dit à l'oreille: «Vous paraissez bien en peine! Y a-t-il là de quoi faire une grimace pareille?» (About, Roi mont., 1857, p.191).
[Combiné avec être, mettre] Être, mettre en peine (de, pour qqc., qqn). Je ne suis pas en peine de sa conduite avec vous; il vous respecte trop pour vous rien dire qui vous embarrasse (Sénac de Meilhan, Émigré, 1797, p.1657).Non, je ne suis pas en peine de ce qu'ils deviendront. (...) ils suivront la même voie que leurs pères (Lacretelle, Silbermann, 1922, p.166).
Empl. pronom. Ne vous mettez pas en peine pour cela. Dites-moi que vous acceptez. C'est tout ce que je vous demande (Billy, Introïbo, 1939, p.124).Ne vous mettez pas en peine de moi, j'irai m'étendre sur le divan de la bibliothèque (Bernanos, M. Ouine, 1943, p.1371):
7. ... dans les arbres, dans les fleurs, frémissaient les mélodies, de sorte que, tout pareil à ceux-là qui suivaient les pas de Jésus, il ne se mettait point en peine. Châteaubriant, Lourdines, 1911, p.68.
En partic. Être en peine de qqc. Ressentir cruellement le manque de quelque chose. C'est par milliers qu'on les compte, ceux qui, parmi nous, sont en peine de leur vêtement, de leur nourriture et de leur gîte (L. Blanc, Organ. trav., 1845, p.v).Des millions d'êtres, çà et là, sont en peine de leur nécessaire (Valéry, Variété IV, 1938, p.185).
2. Se faire de la peine pour qqc., qqn (rare). Voyons, Monsieur le curé, faut pas vous faire de peine pour si peu de chose; on ne va pas à la messe, mais on n'est pas tout de même du mauvais monde (R. Bazin, Blé, 1907, p.187).
III.
A. − Vieilli ou fam. [Au sing. et précédé de l'art. déf.]
1. Travail physique très pénible. Nous qui suons le jour et couchons sur la dure, Qui n'avons ici-bas que la peine et le mal (Barbier, Ïambes, 1840, p.154).Ce sera toujours le mineur qui aura la peine, sans l'espoir d'un gigot de temps à autre, en récompense (Zola, Germinal, 1885, p.1277).
Dur* (ou un adj. équivalent) à la peine. Ils sont avares et durs à la peine comme les Auvergnats (Mille, Barnavaux, 1908, p.178).Résistants à la peine, capables de souffrir longtemps. Ce sont de simples hommes (Barbusse, Feu, 1916, p.53).
Mourir, tuer qqn à la peine. Synon. mourir, tuer à la tâche.(Faire) travailler durement et sans relâche jusqu'à la mort. Ce gredin de gouvernement qui tuait ses employés à la peine, sans leur assurer seulement de quoi mourir (Zola, Ventre Paris, 1873, p.704).V. gros1II C 2 ex. de Zola.
De peine, loc. adj. Il n'avait d'autre ressource que le métier de hasard ou le travail de peine (Vallès, Réfract., 1865, p.64).L'argent qui leur pleut dessus [les artistes] avec le succès, ça garde dans leurs mains la vilenie et la crasse de ces argents de peine qu'on gagne avec de la sueur (Goncourt, Man. Salomon, 1867, p.254).
Subst. (désignant une pers.) + de peine(vieilli). Personne qui effectue des travaux pénibles et subalternes. Garçon de peine. Nous demandions qu'on fît nos lits; nous étions fatigués. Il fut impossible de trouver une femme de peine pour les faire (Sand, Prom. autour vill., 1860, p.63).David (...) avait été homme de peine en fabrique (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p.158).
2. P. méton.
a) Douleur provoquée par un déplacement, un travail physique pénible. Le père alors le prit en ses bras, et, accélérant encore son allure, se mit à souffler de peine en montant le trottoir incliné (Maupass., Contes et nouv., t.2, M. Parent, 1886, p.587).La fatigue de leurs dos toujours pliés devenait telle vers le soir qu'ils ne se redressaient qu'avec des grimaces de peine (Hémon, M. Chapdelaine, 1916, p.97).
P. métaph. V. convoi ex. 1.
b) [Dans un syntagme locatif] Vieilli. Situation pénible par manque de ressources. Synon. besoin, gêne, misère.Aider des amis dans la peine; se tirer, sortir qqn de la peine. Ces pauvres gens ont pourtant vendu (...) leurs quinze actions (...) pour compléter la somme. De braves gens dans la peine, cela serre le coeur (Balzac, C. Birotteau, 1837, p.132).Ce jeune chevalier ayant su que la marquise était dans la peine eût donné sa croix de Malte pour lui venir en aide (Boylesve, Leçon d'amour, 1902, p.29).
B. − P. ext.
1. Ce qui a été ou doit être dépensé en fait de fatigue, d'effort, d'attention pour effectuer un travail, une activité quelconque.
a) Être récompensé de sa peine, de ses peines; ménager, perdre son temps, son argent et sa peine; ne pas plaindre sa peine. Faustine commence à faire de l'argent (...), je suis payé de mes peines qui n'ont pas été médiocres (Flaub., Corresp., 1864, p.130).Le travail est préparé de telle sorte que chacun puisse l'exécuter convenablement avec le minimum de peine (Brunerie, Industr. alim., 1949, p.189).V. coûter B 1 ex. de Balzac et de Gide et information ex. 2:
8. −Ces messieurs de Paris, ça danse pas comme par ici. −Ça, c'est vrai! On dirait que ça a peur de se casser, si peu que ça remue. À la bonne heure, les gars d'ici, ils se donnent du plaisir sans regarder à leur peine! Colette, Cl. école, 1900, p.307.
Ne pas être au bout de ses peines. Avoir encore beaucoup de travail, d'effort à faire pour surmonter une difficulté. V. bout ex. 28:
9. Enfin, après bien des délais et des explosions d'impatience, à onze heures nous partîmes. Nous n'étions pas au bout de nos peines. Pour arriver au Carrousel, il fallut prendre la file le long de la rue de Rivoli: les voitures entraient lentement, une à une; le ciel versait des cataractes sur le pavé. Reybaud, J. Paturot, 1842, p.225.
En être pour sa peine. Synon. en être pour ses frais*.
Pour la peine, sa (...) peine. [Formule empl., souvent de façon iron., pour remercier qqn d'un travail, d'un service ou d'une action obligeante] La herse fut donc levée, le concierge reçut un louis pour sa peine, et l'on passa (Dumas père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.543).Quand il m'a eu quittée, Lord voulait le rappeler pour l'inviter à dîner avec nous. Je l'ai embrassé pour la peine (Murger, Scènes vie boh., 1851, p.233):
10. ... l'apothicaire certifia qu'il le guérirait lui-même, avec une pommade antiphlogistique de sa composition, et il donna son adresse: −M. Homais, près des Halles, suffisamment connu. −Eh bien, pour la peine, dit Hivert, tu vas nous montrer la comédie. Flaub., MmeBovary, t.2, 1857, p.153.
− Dans le domaine de la crit. esthét.Sentir la peine. Laisser paraître le travail, la recherche. Rien n'y sentait la peine [dans la Caravane de Boucher]; la touche était hardie et spirituelle (Nolhac, Boucher, 1907, p.192).
En partic.
[Constr. avec un compl. prép. de spécifiant l'activité] Vieilli. L'opération qui détruit un enfant dans le sein de sa mère, afin de la dispenser des peines de l'allaitement (J. de Maistre, Soirées St-Pétersb., t.1, 1821, p.143).
Empl. attributif. (C'est) peine(s) perdue(s), inutile(s). Il en aurait appelé en cassation que c'eût été peines perdues (Murger, Scènes vie boh., 1851, p.272).Il se tourna dans sa couchette, résolu à ne plus penser à cela. Peine inutile. Il alluma l'électricité, prit un livre et essaya de lire (Peisson, Parti Liverpool, 1932, p.106).
Proverbes
Toute peine mérite salaire. V. mériter I A.
À chaque jour (suffit) sa peine. V. jour II B 2 b α.
b) Loc. verb.
[Combiné avec donner] Donner à qqn de la peine, une peine (+ un syntagme déterm.), (expr. quantifiante) + peine, les, des peines (suivi d'un syntagme déterm.) à, pour faire qqc. Souvent une simple lettre me donne de la peine et je m'en fais une affaire (Maine de Biran, Journal, 1816, p.243).Ses deux enfants, Alice et Firmin, bien mignons et donnant bien de la peine à élever (A. France, Vie fleur, 1922, p.301).Un régulateur donnera peu de peine s'il est régulièrement entretenu (Quéret, Industr. gaz, 1923, p.131).
Empl. pronom. réfl. On ne peut faire autrement que de se donner une peine immense pour manger un morceau de pain (R. Bazin, Blé, 1907, p.107).Ainsi donc, les mille petites peines que Léon s'était données, pour maintenir cet équilibre, avaient été inutiles! (Montherl., Célibataires, 1934, p.894).
[Combiné avec mettre] Se mettre en peine de faire qqc. Synon. se soucier de.[Les Messieurs de Port-Royal] se sont bornés à nous dire en quatre mots que tous les philosophes enseignent qu'il y a trois opérations de notre esprit, concevoir, juger, et raisonner, sans se mettre du tout en peine d'examiner, ni de développer cette doctrine (Destutt de Tr., Idéol. 2, 1803, p.7).Je me mets en peine de rechercher à quoi nous reconnaissons qu'un objet donné est ou non fait par un homme (Schaeffer, Rech. mus. concr., 1952, p.157).
[Combiné avec prendre] Prendre peine, prendre de la peine, prendre une peine (Un syntagme déterm.) + peine, (expr. quantifiante) + peine, les, des peines (+ un syntagme déterm.) à, pour faire qqc. Ils aiment beaucoup l'argent, mais ils méritent d'en gagner, car ils prennent assez de peine (Chênedollé, Journal, 1812, p.70).Notre compagne de voyage (...) te remercie des peines que tu as prises (Hugo, Corresp., 1865, p.500).Ces faits sont «tout pleins de géographie» même dans les pays civilisés −et c'est à le démontrer que nous avons pris peine (Brunhes, Géogr. hum., 1942, p.266).
2. La peine de [suivi d'un verbe à l'inf., d'une prop. au subj., d'un subst. exprimant une idée verbale (rare)].Ce que représente en fait de fatigue, d'effort, d'attention l'accomplissement d'un travail, d'une activité (désigné par le compl. prép. de ou par la prop. complét. ou par l'inf. dans la combinaison avec valoir ou être). Vous allez aux Tuileries? Faites-moi le plaisir de donner cette dépêche à Sa Majesté; vous m'éviterez la peine du voyage (Chateaubr., Mém., t.3, 1848, p.300).Des milliers de malheureux qui sont au désespoir de ce petit froid, qui ne vous coûte tout au plus que la peine de souffler votre feu (Delacroix, Journal, 1854, p.177).Je ne me crus plus astreint à la peine de le comprendre (Proust, Guermantes 2, 1921, p.328).
Loc. verb.
[Combiné avec avoir, se faire (rare), prendre, se donner] Après avoir fermé la porte au verrou, elle dit: −Faites-vous la peine de vous asseoir, Madame (Sue, Juif errant, 1844-45, p.51).On n'avait que la peine de réquisitionner les chevaux et les voitures du pays, et de les faire escorter par de petits détachements (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t.2, 1870, p.49).On n'a plus le temps, on ne prend plus la peine d'étudier (Barrès, Cahiers, t.5, 1906, p.73).Quel remarquable journaliste eût été Gide, s'il avait voulu s'en donner la peine (L. Daudet, Brév. journ., 1936, p.236).
Loc. [P. allus. à la tirade de Figaro dans Le Mariage de Figaro de Beaumarchais (acte 5, scène 3)] Avoir (prendre, se donner) la peine de naître. J'ai gagné cette fortune, Messieurs, non pas en me donnant la peine de naître, comme mes jolis adversaires, mais à force de visites, payées trente sous (Stendhal, L. Leuwen, t.3, 1836, p.241).
Rem. Les constr. prendre la peine, se donner la peine sont fréq. empl. dans les formules de politesse pour inviter qqn à faire qqc. Donnez-vous la peine d'entrer, de vous asseoir. Je serais heureux si vous vouliez bien prendre la peine de me faire adresser un télégramme à Arbois (Pasteur, Corresp., 1883, p.376).
[Combiné avec valoir] Il fallait attendre, au contraire, tâter ce gaillard-là. La chose valait la peine d'un voyage (Flaub., MmeBovary, t.2, 1857, p.122).Les exemples de lapsus cités (...) laissent une impression nouvelle qui vaut la peine qu'on s'y arrête (Freud, Introd. psychanal., trad. par S. Jankélévitch, 1959 [1922], p.45).Dans le temps, il avait eu un tas de copains, au temps où la vie valait encore la peine d'être vécue (Triolet, Prem. accroc, 1945, p.261).
[Sans compl. prép.] Synon. valoir le coup*, la chandelle* (fam.), le déplacement*.Ça (ne) vaut pas la peine (fam.). Ma seule utilité est de nous empêcher de passer trop vite en négligeant des détails qui «vaudraient la peine» (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1907, p.250).
[Combiné avec être] Être la peine. [Le suj. est obligatoirement en fin de phrase; l'énoncé est gén. interr., nég. ou orienté négativement] Est-ce bien la peine, pour un si faible résultat, d'introduire la métaphysique dans la symphonie? (P. Lalo, Mus., 1899, p.359).Je ne crois pas que ce soit la peine d'en parler (Malraux, Cond. hum., 1933, p.237).C'était bien la peine qu'il eût pris tant de soin de ces pelouses! (Montherl., Célibataires, 1934, p.876).
[P. ell. de valoir ou être] Il regarda son fils pour la première fois de sa vie avec respect: «Bon, bon, ça va. Pas la peine de se chamailler» (Aragon, Beaux quart., 1936, p.226).V. décider ex. 10.
IV. − [Dans les loc. infra] Difficulté d'ordre matériel, psychologique, moral rencontrée dans l'accomplissement de quelque chose, dans le déroulement d'un processus.
A. − Loc. verb.
1. [Combiné avec avoir] Avoir peine, de la peine, une peine (+ un syntagme déterm.), (expr. quantifiante) + peine, les, des peines (suivi d'un syntagme déterm.) à faire qqc.Avoir grand'peine, n'avoir aucune peine, toutes les peines (du monde) à faire qqc.
[Le suj. désigne une pers.]
[L'inf. désigne une action accomplie par la pers. désignée par le suj.] Synon. avoir du mal* (à faire qqc.).Les naturalistes ont une peine extrême à former une classification stable d'espèces (Renouvier, Essais crit. gén., 3eessai, 1864, p.152).Il eut surtout de la peine à monter l'escalier de pierre (Zola, Débâcle, 1892, p.616).V. compte II C 2 a ex. de Marat:
11. ...«Ô mon ami, s'écria-t-il [Littré], ne faites jamais de dictionnaire.» On a peine, en effet, à se figurer une telle somme de travail. Lui-même a eu la coquetterie de compter que si le dictionnaire, sans le supplément, était composé sur une seule colonne, cette colonne aurait 36 kilomètres 525 mètres 28 centimètres, à peu près la distance de Paris à Meaux. Pasteurds Travaux, 1882, p.425.
Rem. Avoir peut être remplacé par éprouver, ressentir. Ils commencent par ressentir plus de peine à respirer, ils toussent, leur voix devient enrouée (Geoffroy, Méd. prat., 1800, p.130). La peine qu'on éprouve à le définir [le sentiment du beau] tient-elle surtout à ce que l'on considère les beautés de la nature comme antérieures à celles de l'art (Bergson, Essai donn. imm., 1889, p.24).
[L'inf. désigne un processus intéressant la pers. désignée par le suj.] On aura bien de la peine à gagner le mois de mai prochain (...) sans que nous arrivions à quelque phase révolutionnaire (Tocqueville, Corresp.[avec Gobineau], 1851, p.177).Germaine pense qu'elle aura de la peine, plus tard, à éviter les varices (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p.119).
[Le suj. désigne un inanimé] Le feu avait beaucoup de peine à échauffer et à faire bouillir l'énorme quantité d'eau de la chaudière (P. Rousseau, Hist. techn. et invent., 1967, p.260).V. gargarisme ex. 1.
2. [Combiné avec il y a] −Vous savez ce qu'elle va y faire? −Il n'y a aucune peine à deviner... On voit que vous n'êtes pas une femme, Commissaire (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p.155).
B. − [Dans un syntagme locatif sans art.] Synon. embarras.Se tirer de peine. Laurent feignit d'être un commissionnaire en peine de se rappeler le nom d'une personne à laquelle il devait remettre un paquet (Balzac, Fille yeux d'or, 1835, p.354).−Ne parlons pas de moi, lui dis-je en lui faisant comprendre que mes propres affaires n'étaient point en jeu, et que récriminer n'était pas se donner raison. −Soit; c'est à celui qui se trouve en peine de s'en tirer (Fromentin, Dominique, 1863, p.228).
Être en peine de faire qqc.; être fort en peine de faire qqc. Si vous trouvez qu'c'est trop cher, j'suis pas en peine d'trouver d'autres clients pour c'te chambre (Barbusse, Feu, 1916, p.78).Nombre de petites ouvrières nipponnes seraient bien en peine de se payer tous ces peignes de luxe (Rousset, Trav. pts matér., 1928, p.73).
C. − Loc. adv.
À grand'peine. Avec beaucoup de difficulté. On lui arracha à grand'peine la promesse d'un suprême effort (Vogüé, Morts, 1899, p.405).
[Var. graph.] Le bruit (...) perçant à grand-peine cet horrible tumulte (Dumas père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.528).Le pauvre Duc se leva péniblement (...), descendit à grand peine, le marchepied (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p.328).
Avec peine. Synon. difficilement, péniblement.Les flammes résineuses grésillaient avec peine parmi cet air épais (Gautier, Rom. momie, 1858, p.164).L'auditeur non averti distinguera avec peine l'originalité de ce dernier mouvement (Samuel, Art mus. contemp., 1962, p.182).
Avec grand'peine (rare). Les fumées ne sortaient plus qu'avec grand'peine des cheminées (Ramuz, Gde peur mont., 1926, p.259).
Sans peine. Synon. aisément, facilement.Il (...) se rendit à Vincennes. Il trouva sans peine le cabaret indiqué (Ponson du Terr., Rocambole, t.3, 1859, p.433).Un vaccin polyvalent contre la grippe (...), vaccin dont on imagine sans peine l'immense importance (R. Schwartz, Nouv. remèdes et mal. act., 1965, p.134).V. fosse ex. 2.
Non sans peine. Avec beaucoup de difficulté. Nous escaladâmes non sans peine la cheminée de pierres croulantes qu'était le lit du petit ruisseau (Gracq, Syrtes, 1951, p.161).
REM. 1.
Peine-à-jouir, subst.,arg. [Corresp. à supra IV] Personne qui, dans le coït, ne parvient au plaisir que lentement et difficilement; p.ext., fam., personne lymphatique, triste (d'apr. Cellard-Rey 1980). Le Pen a remisé le peine-à-jouir sur son second rayon. Alors que tout le monde ressasse le malheur de l'époque, lui parle du bonheur d'être Français (Libération, 18 juin 1984, p.4, col. 5).
2.
Pénologie, subst. fém.[Corresp. à supra I] ,,Étude des mesures pénales et des effets qui en résultent, tout particulièrement en ce qui concerne la protection de la société et la réintégration sociale des délinquants`` (Thinès-Lemp. 1975).
Prononc. et Orth.: [pεn]. Ds Martinet-Walter 1973, 7 sujets disent [pε:n]. Homon. pêne et éventuellement penne. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. 2emoitié xes. plur. poenas «souffrances (surtout physiques) infligées à quelqu'un» (St Léger, éd. J. Linskill, 151); ca 980 penas «id.» (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 62); 2. a) ca 1050 peine «mal que l'on se donne, souffrance voulue pour un but, un idéal» (Alexis, éd. Chr. Storey, 611); b) ca 1165 se mettre en peine de «se donner du mal pour» (Troie, 23951 ds T.-L.); c) 1176-81 être en peine de (Chrétien de Troyes, Chevalier lion, éd. M.Roques, 2878); d) 1176-81 perdre sa peine «se donner du mal inutilement» (Id., ibid., 892); ca 1260 painne perdue, v. perdre étymol. I 2 a; e)1409 «travail, tâche» (Trésor des Chartes de Rethel, 629, 25 ds Runk., p.49); 1690 homme de peine (Fur.); f) 1461-69 prendre la paine (de) (Pathelin, éd. R. T. Holbrook, 310); g) 1461-69 pour ma paine (ibid., 1214); h) ca 1485 mourir à la peine (Vieil Testament, XXXVI, 33263, éd. J. de Rothschild, V, 271); i) 1540 se donner peine (de) (Nicolas Herberay des Essars, Amadis, éd. H. Vaganay, 30 ds IGLF); j)1587 valoir la peine (N. du Fail, Contes d'Eutrapel, OEuvres facétieuses, éd. J.Assézat, t.2, p.128); k) 1656 ce n'est pas la peine (Pascal, Provinciales, IV, OEuvres, éd. L. Lafuma, Seuil, 1972, p.385); 3. a) déb. xiies. peines «souffrances infligées en enfer en châtiment du péché» (St Brendan, 66 ds T.-L.); b) ca 1165 «punition, châtiment infligé par la justice rendue par les hommes» mortel peine (Troie, 28358, ibid.); xiiies. painne capital (Cout. d'Artois, 79, Tardif d'apr. A. Delboulle ds R. Hist.litt. Fr. t.6, p.292); c) 1301 seur la peine de «en encourant la peine (ici, une amende) de» (Trésor des Chartes de Rethel, I, 481, 9 ds Runk., p.87); 1303 sur peine de «id.» (Mém. de la Sté de l'hist. de Paris et de l'Ile-de-France, 1882, 109 ds IGLF); ca 1340 a paine de «id.» (Tombel de Chartrose, éd. E. Walberg, IV, 369); 1541 sous peine de (Calvin, Institution chrét., éd. J.-D. Benoît, IV, X, par. 2, p.187); 4. a) ca 1100 «souffrance morale, profonde affliction» (Roland, éd. J. Bédier, 2519); ca 1180 (être) en paine (Thomas, Tristan, éd. J. Bédier, XXXI, Le Mariage, 69); b) 1601 faire peine à voir (Montchrestien, David, Tragédies, éd. Petit de Julleville, p.219 ds IGLF); 5. a) déb. xiies. «difficulté, souffrances ou obstacles s'opposant à la réalisation de quelque chose» sanz peine (St Brendan, 440 ds T.-L.); b) ca 1100 a peine «avec difficulté, dans la souffrance» (Roland, éd. J. Bédier, 1787); 1160-77 a painne «difficilement» (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, II, 445, t.1, p.30), a grant peine (Id., ibid., III, 8206, t.2, p.190); xives. a peine «tout juste, pas encore tout à fait» (Chevalier papegau, 7, 14 ds T.-L.); 1559 a peine rien «presque rien» (J. Grevin, La Trésorière, Théâtre complet, éd. L. Pinvert, p.62 ds IGLF); c) av. 1538 avoir peine de «avoir du mal de» (P. Gringore, OEuvres compl., éd. A. de Montaiglon et Ch. d'Héricault, I, 306, ibid.); 1553 avoir peine à «id.» (Bible de l'imprimerie Jean Gerard, Marc 6, 48, p.15); 1587 avoir de la peine à «id.» (N. du Fail, op.cit., t.2, p.72); 1656 avoir peine à croire «ne pas vouloir croire» (Pascal, op.cit., V, ibid., p.387). Du lat. poena «réparation, expiation, châtiment» (gr. π ο ι ν η ́ «id.») d'où, en lat. de l'époque impériale «souffrance, affliction». Fréq. abs. littér.: 15904. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 26212, b) 20751; xxes.: a) 22193, b) 20803. Bbg. Gemmingen Arbeit 1973, pp.104-107. _ Kleiber (G.). Le Mot ire en anc. fr. (xie-xiiies.). Essai d'analyse sém. Paris, 1968, pp.235-237.

Wiktionnaire

Nom commun - français

peine \pɛn\ féminin

  1. Punition, sanction ou châtiment infligé(e) pour une faute commise, pour un acte jugé répréhensible ou coupable.
    1. (Droit) Punition pour une infraction à la loi et prononcée par un jugement.
      • Les peines ne sont pas faites pour tourmenter les coupables, mais pour prévenir le crime par la crainte de les encourir. — (Robespierre, Discours sur la peine de mort, le 30 mai 1791 au sein de l’Assemblée constituante.)
      • Si cette peine, compliquée des aggravations successives pour les tentatives d’évasion, ne finissait pas par être une sorte d’attentat du plus fort sur le plus faible, un crime de la société sur l’individu, un crime qui recommençait tous les jours, un crime qui durait dix-neuf ans. — (Victor Hugo, Les Misérables, Tome I - Fantine, Livre deuxième - La chute)
      • La Révolution abolit la peine du pilori que, quelques années plus tard, le Code pénal remplaça par celle de l’exposition. Elle-même fut abolie en 1848. — (Le pilori des Halles, dans Hippocrate revue d'humanisme médical, janvier 1949, n° 1, page 32)
    2. (Religion) Sanction de l’Église pour une faute morale.
      • Les jours de jeun sont comptés. [...] Ceux qui, pouvant supporter l'abstinence, la rompront, auront pour peine expiatoire la nourriture d’un pauvre. — (F.F. Brunet, Parallèle des religions, Troisième partie - Le Mahométisme, 1792)
    3. (Religion) Châtiment après la mort pour expier ses péchés et ses fautes durant sa vie terrestre.
      • Aussitôt après la mort, [les âmes] des méchants ne subissent pas encore les mêmes peines qu’elles souffriront après le jugement — (R.P. Mauduit, Dissertations sur l’Apocalypse, Dissertation X)
  2. Souffrance physique ou morale, sentiment de quelque mal dans le corps ou dans l’esprit.
    1. Douleur, affliction, chagrin, déplaisir.
      • Vous comprenez que de si sensibles obligations et une si longue habitude font souffrir une cruelle peine, quand il est question de se séparer pour jamais. — (marquise de Sévigné, Lettre de madame de Sévigné, au comte de Bussy-Rabutin, Lettre LXXXVII, 2 septembre 1687)
      • Son ami Miguel Caballero dit avoir « beaucoup de peine » et trouve « injuste que quelqu’un qui avait le cœur sur la main attrape la COVID apparemment dans des mauvaises conditions ». — (Nicolas Saillant, COVID-19: le préposé aux bénéficiaires décédé s'est éteint seul chez lui, Le Journal de Québec, 5 janvier 2021)
      • Les dernières nouvelles que j’ai reçues me mettent fort en peine.
    2. Souci, embarras.
      • Ça pouvait lui faire arriver de la peine, ce soldat tué près de chez lui. — (Alphonse Daudet, Le Prussien de Bélisaire, dans Contes du lundi, 1873, Fasquelle, réédition Le Livre de Poche, 1974, page 70)
  3. Difficulté ; empêchement.
    1. Travail, fatigue, effort qui coûte.
      • Travaillez, prenez de la peine : c’est le fonds qui manque le moins. — (Jean de La Fontaine, Le laboureur et ses enfants, Fables, Livre V, 9)
      • L’entaille n’était pas assez profonde. Je dus me replacer sur le dos et reprendre la besogne, ce qui me coûta beaucoup de peine. — (Émile Zola, La mort d’Olivier Bécaille, 1884)
      • En raison du changement d’heure, survenu la même nuit, la déposante hésitait : elle avait, en se mettant au lit, retardé sa pendule pour s’épargner la peine d’y penser le lendemain, […]. — (Francis Carco, L’Homme de minuit, Éditions Albin Michel, Paris, 1938)
      • Sa peine n’a pas été inutile, n’a pas été infructueuse.
    2. Difficultés et obstacles que l’on trouve à quelque chose.
      • Peu préparé à la politique, mais d’opinions légitimistes , il se révèle politicien sans horizon. Les de Broglie et Cie n'ont pas de peine à le circonvenir. — (Alexandre Zévaès, Histoire de la Troisième République 1870 à 1926, Éditions Georges-Anquetil, 1926, page 108)
      • Je voudrais vous épargner cette peine.
    3. Répugnance d’esprit qu’on a à dire ou à faire quelque chose.
      • J’ai de la peine, j’ai peine à lui annoncer une si fâcheuse nouvelle.
  4. Salaire d’un artisan.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

PEINE. n. f.
Souffrance infligée pour une faute commise; châtiment, punition. Il a commis la faute, il en portera la peine. Ce bannissement est la peine de son crime. On ordonne cela sous peine de la vie. Peine corporelle, capitale, afflictive, infamante, pécuniaire. Prononcer, appliquer, infliger une peine. Subir une peine. Proportionner les peines aux délits. Établir, déterminer des peines. Condamner à une peine. Encourir une peine. Il y a peine de mort contre ceux qui contreviendront à cet ordre. L'abolition de la peine de mort. Cela est défendu sous peine d'une amende, sous peine d'amende. La peine du talion. Le maximum de la peine. En termes de Jurisprudence, Sous les peines de droit, Sous les peines portées par la Loi. La réimpression de ce livre avait été défendue sous les peines de droit. En termes de Théologie, La peine du sens, Les douleurs que les damnés souffrent par les tourments de l'enfer. La peine du dam, Ce que la privation de la vue de Dieu leur fait souffrir. Les peines éternelles, Ce que les damnés souffrent en enfer. Les peines du purgatoire, Ce que les âmes souffrent dans le purgatoire. Âme en peine, Âme qui subit les peines de l'enfer ou du purgatoire. Fig. et fam., Il est comme une âme en peine, c'est une âme en peine se dit d'un Homme fort inquiet, très tourmenté de quelque chose.

PEINE signifie aussi Douleur, affliction, souffrance physique ou morale, sentiment de quelque mal dans le corps ou dans l'esprit. Peines de cœur. Les peines de la vie. C'est de lui que sont venues mes plus grandes peines. Je n'ai jamais éprouvé une peine si cruelle. Il m'a fait une grande peine, bien de la peine. Cela fait peine. Cela fait peine à voir. Adoucir, partager les peines de quelqu'un. Consoler quelqu'un dans la peine. Cacher ses peines. Être dans la peine, Être dans l'affliction. Il signifie aussi Être dans le besoin, dans une grande pénurie.

PEINE signifie encore Inquiétude d'esprit. J'étais fort en peine de ce qu'il était devenu. Vous m'avez tiré de peine. Me voilà hors de peine. On est extrêmement en peine de lui. Je suis en peine de n'avoir point de ses nouvelles. Les dernières nouvelles que j'ai reçues me mettent fort en peine. Il ne se met guère en peine de ce qui peut lui arriver.

PEINE signifie aussi Travail, fatigue, effort qui coûte. Il n'a pas fait cela sans peine. Il n'a ouvert cette porte qu'avec peine. Sa peine n'a pas été inutile, n'a pas été infructueuse. Puisque je vous ai obligé, je ne regrette pas ma peine. Je voudrais vous épargner cette peine. Prendre, se donner de la peine, bien de la peine. Il ne se donna pas la peine d'y penser. Cela ne demande pas, n'exige pas beaucoup de peine. Vous n'aurez pas grande peine à faire cet ouvrage. Je n'y ai pas eu grand-peine. Prov., Toute peine mérite salaire. À chaque jour suffit sa peine. Faire une chose sans peine, La faire facilement et, par extension, La faire de bon cœur. Mourir à la peine, Mourir après avoir travaillé jusqu'au bout au succès d'une œuvre ou d'une entreprise. Il est mort à la peine avant d'avoir vu l'achèvement de l'œuvre à laquelle il s'était consacré. Fig., Je réussirai dans cette entreprise, ou je mourrai à la peine, Je ne veux point me désister de ce que j'ai entrepris, rien ne m'y fera renoncer. Perdre sa peine, ses peines, Travailler inutilement à quelque chose. On dit dans le même sens : C'est peine perdue. Plaindre sa peine. Voyez PLAINDRE. En être pour sa peine, Ne pas réussir dans un travail, dans une entreprise. Voilà pour votre peine se dit à Quelqu'un à qui l'on donne un pourboire. Pour la peine, En récompense, en remerciement, en dédommagement. Par politesse, Prenez la peine, donnez-vous la peine de faire cela, Je vous prie de faire cela. Il a pris la peine de venir me voir, Il est venu me voir. Fam., La chose en vaut bien la peine, La chose mérite qu'on ne néglige rien afin d'y réussir. On dit dans le sens contraire : Cela n'en vaut pas la peine, ce n'est pas la peine. Ce n'est pas la peine d'attendre si longtemps pour si peu de chose. Fam., Cela ne vaut pas la peine d'en parler, se dit d'une Chose qui est peu importante, ou à laquelle on veut paraître attacher peu d'importance. Il se dit aussi ironiquement pour souligner l'importance de la chose dont on parle. Il ne lui a volé qu'un million; c'est un rien : ce n'est pas la peine d'en parler. En valoir la peine se dit aussi des Personnes. Presque tous les auteurs étrangers qui en valent la peine ont été traduits en français. Vous avez tort de vous occuper de lui, il n'en vaut pas la peine. Un homme de peine, des gens de peine, Celui, ceux qui gagnent leur vie en exécutant de gros ouvrages.

PEINE se dit aussi des Difficultés, des obstacles que l'on trouve à quelque chose. Il aura bien de la peine à gagner ce procès. Il a eu beaucoup de peine à faire sa fortune, à venir à bout de cette tâche. Il aura de la peine à me convaincre. J'ai peine à voir clair dans tout ceci. Je n'ai pas de peine à vous croire. Avoir de la peine à parler, Avoir de la difficulté à parler par quelque empêchement naturel. On le dit aussi figurément. Répondez donc; vous avez bien de la peine à parler. Avoir de la peine à marcher, Se servir difficilement de ses jambes. On dit figurément : Cette affaire; cette entreprise a bien de la peine à se mettre en train.

PEINE se dit encore de la Répugnance d'esprit qu'on a à dire ou à faire quelque chose. J'ai de la peine, j'ai peine à lui annoncer une si fâcheuse nouvelle.

À PEINE, Locution adverbiale qui a différentes significations, selon les différentes façons de parler avec lesquelles on l'emploie. Elle sert à désigner Le peu de temps qui s'est écoulé, depuis que la chose dont on parle est arrivée. À peine est-il hors de son lit, à peine il est hors du lit; À peine sommes-nous entrés, Il ne fait que sortir du lit; Il n'y a qu'un moment que nous sommes entrés. À peine le soleil est-il levé, on se met en marche. Dans ce cas, on met quelquefois que au commencement du second membre de la phrase. À peine le soleil était-il levé, à peine le soleil était levé qu'on aperçut l'ennemi. On s'en sert aussi dans la signification de Presque pas; on dit, par exemple : À peine est-il jour, à peine a-t-il le nécessaire, à peine sait-il lire, Il n'est presque pas encore jour, il n'a presque pas le nécessaire, il ne sait presque pas lire. On dit de même : Cela est à peine indiqué, à peine esquissé. Il a à peine touché à ce point dans son discours. Il nous regarde à peine.

À PEINE signifie aussi Difficilement. On peut à peine passer dans cet étroit couloir. À peine y voit-on assez pour se conduire. On trouverait à peine de l'eau pour boire. À peine si on peut le comprendre. À grand-peine, Très difficilement. À grand-peine lui persuaderez-vous cela.

Littré (1872-1877)

PEINE (pè-n') s. f.
  • 1Ce qu'on fait subir pour quelque chose jugée répréhensible ou coupable. Les dieux ne tardèrent guère à faire payer la peine de ce crime à celui qui en était l'auteur, Vaugelas, Q. C. III, 13. Tu redoubles ta peine avec cette insolence, Corneille, Médée, V, 7. Vous qui savez son crime, ordonnez de sa peine, Corneille, Nicom. V, 7. Enfin je l'ai fait fuir, et sous ce traitement De beaucoup d'actions il a reçu la peine, Molière, Amph. I, 2. Il [Jésus-Christ] a porté en sa personne la peine de mes iniquités, Pascal, Prière. Les hommes portèrent la peine de s'être soumis à leurs sens, Bossuet, Hist. II, 2. Pour y subir la peine de leur infidélité, Bossuet, ib. II, 9. Où a-t-on pris que la peine et la récompense ne soient que pour les jugements humains, et qu'il n'y ait pas en Dieu une justice dont celle qui reluit en nous ne soit qu'une étincelle ? Bossuet, Anne de Gonz. Il est essentiel que les peines aient de l'harmonie entre elles, parce qu'il est essentiel que l'on évite plutôt un grand crime qu'un moindre, ce qui attaque plus la société que ce qui la choque moins, Montesquieu, Esp. VI, 16. Les peines pécuniaires ne peuvent-elles pas se proportionner aux fortunes, et enfin ne peut-on pas joindre l'infamie à ces peines ? Montesquieu, ib. VI, 18. Lorsque la peine est sans mesure, on est souvent obligé de lui préférer l'impunité, Montesquieu, ib. VI, 13. L'expérience a fait remarquer que, dans les pays où les peines sont douces, l'esprit du citoyen en est frappé, comme il l'est ailleurs par les grandes, Montesquieu, ib. 12. Un juge qui, autorisé par la loi à punir d'une moindre peine, prononce la peine de mort, est un assassin et un barbare, Voltaire, Pol. et lég. Relat. mort chev. de la Barre. J'étais plein de la lecture du petit livre des Délits et des Peines, qui est en morale ce que sont en médecine le peu de remèdes dont nos maux pourraient être soulagés, Voltaire, Pol. et législ. Comm. sur délits et peines, Occasion. Quand M. Beccaria fut applaudi pour avoir démontré que les peines doivent être proportionnées aux délits, Voltaire, Dictionnaire philos. Supplices. Je ne lui dissimulai pas [à Beccaria, auteur du livre des Délits et des Peines] que je n'étais pas de son avis sur la conclusion qui tend à proscrire la peine de mort pour quelque crime que ce puisse être, Duclos, Œuv. t. VII, p. 201.

    Courir à sa peine, courir au châtiment. Qui se venge à demi court lui-même à sa peine, Corneille, Rodog. V, 1.

    Peine arbitraire, celle dont l'application est laissée à l'arbitrage du juge.

    Peine arbitraire, se dit aussi de celles qu'on fait subir par abus d'autorité, et sans qu'elles soient prononcées par une loi.

    En théologie, peine du sens, les douleurs que souffrent les damnés dans l'enfer. Peine du dam, celle que la privation de la vue et de la jouissance de Dieu fait souffrir.

    Les peines éternelles, les peines de l'enfer, celles que les damnés souffrent en enfer ; les peines du purgatoire, celles que les âmes souffrent dans le purgatoire.

    Âme en peine, âme qui souffre dans l'enfer ou dans le purgatoire. Hé ! ne nous faites point de peur, monsieur ; si votre âme est en peine…, Dancourt, Diable boit. SC. 17.

    Familièrement. Il est comme une âme en peine, il est très inquiet. Il avait l'air d'un homme dont l'âme est en peine ; il descendait d'un pas mal assuré, Marivaux, Pays. parv. part. 2.

    Sous peine de, en encourant la peine de. Sous peine d'amende, d'une amende. Un arrêt qui défendait à César, sous peine de punition, de faire aucune libéralité contraire aux lois, Vertot, Révol. rom. XIV, 313.

    Fig. Un poëte dramatique est obligé sous peine de chute…, D'Alembert, Œuv. t. V, p. 429.

    Sous peine de la vie, en encourant la perte de la vie. On ordonnait sous peine de la vie à tous les citoyens de sortir en armes hors de leurs maisons, Voltaire, Louis XV, 21.

    Sous peine de mort, même sens. Cela fut défendu sous peine de mort.

    Fig. Leur ordonner, sous peine de mort, la participation à votre corps et à votre sang, Massillon, Carême, Communion.

    En jurisprudence, sous les peines de droit, en encourant les peines portées par la loi.

    Sur peine, dans le même sens (locution qui n'est plus aussi usitée que sous peine). On ne doit de rimer avoir aucune envie, Qu'on n'y soit condamné sur peine de la vie, Molière, Misanthr. IV, 1. On les a obligés, sur peine de péché mortel…, Pascal, Provinc. v. Voulez-vous savoir des nouvelles de Rennes… on a chassé et banni toute une grande rue, et défendu de les recueillir [les habitants] sur peine de la vie, Sévigné, 30 oct. 1675.

    À peine de, même sens. Vous avez obligé les prêtres à les absoudre sur une opinion probable, à peine de péché mortel, Pascal, Prov. VI. Quand on les voulut forcer à y souscrire, à peine de perdre leurs prébendes…, Pascal, ib. XIX. Les parties contestèrent devant le roi, et s'engagèrent de part et d'autre, à peine de la vie, à justifier leurs prétentions par les termes de la loi de Moïse, Bossuet, Hist. I, 9.

    En peine de, sous peine de (inusité aujourd'hui). Le péril en est grand, courons-y toutefois ; Une prison si belle est trop digne d'envie ; Puissé-je vous devoir plus que je ne vous dois, En peine d'y languir le reste de ma vie ! Corneille, Poés. div. Madrigal.

    Familièrement. et fig. Pour peine de, en châtiment de (avec une nuance de plaisanterie). Il faut un peu que je vous dise des nouvelles de nos états pour votre peine d'être Bretonne, Sévigné, 5 août 1671.

  • 2Souffrance physique ou morale. Les peines du corps, de l'esprit. Ses chagrins le rendaient pourtant méconnaissable… Tant la peine et l'amour l'avaient défiguré ! La Fontaine, Filles de Minée. Voilà nos gens rejoints ; et je laisse à penser De combien de plaisirs ils payèrent leurs peines, La Fontaine, Fabl. IX, 2. Mon cœur souffre, à vous voir, une peine incroyable, Molière, Amph. II, 6. Il faut ces deux choses pour sanctifier, peines et plaisirs, Pascal, Lett. à Mlle de Roannez, 6. Je me repens de vous avoir écrit mes douleurs ; elles vous donneront de la peine quand je n'en aurai plus, Sévigné, 21 juin 1671. J'ai mes peines, j'ai les vôtres encore bien vivement, Sévigné, 13 oct. 1688. C'est toujours un bien De changer de peine, Quinault, Proserp. II, 1. Toute votre peine C'est de voir que la paix rend votre attente vaine, Racine, Théb. I, 5. Peines à la campagne, peines à la ville, peines partout ; celui qui ne connaît pas la peine n'est pas à compter parmi les enfants des hommes, Diderot, Mém. t. I, p. 209, dans POUGENS. Ne trouves-tu pas que ses longues peines et l'habitude de les sentir ont rendu sa physionomie encore plus intéressante qu'elle n'était autrefois ? Rousseau, Hél. IV, 9. Il n'y a de sûr que la peine, il n'y a qu'elle qui tienne impitoyablement ce qu'elle promet, Staël, Corinne, XVIII, 5. Levez donc vos regards vers les célestes plaines, Cherchez Dieu dans son œuvre, invoquez dans vos peines Ce grand consolateur, Lamartine, Méditat. I, 7. Ici-bas la douleur à la douleur s'enchaîne, Le jour succède au jour, et la peine à la peine, Lamartine, ib. I, 2.

    Faire peine, causer une souffrance physique ou morale. On peut tirer du fruit de tout ce qui fait peine, Corneille, Pulch. III, 1. La seule comparaison que nous faisons de nous au fini fait peine, Pascal, Pens. I, 1, éd. HAVET. Il [Adam, après la chute] se fait peine à lui-même, lui qui s'était tant aimé, Bossuet, Hist. II, 1.

    Impersonnellement. Il me fait peine de… je souffre à… Il nous fait peine à présent d'admettre de petites divinités là où nous ne voyons que de grands espaces, Chateaubriand, Génie, II, V, 3.

    Faire quelque peine, causer du déplaisir, déplaire. Que, dans tout le Thibet, on pense qu'il existe un homme immortel, cela peut faire quelque peine à un philosophe, Voltaire, Lett. chinoises, X.

    Par politesse et exagération. Si je ne me faisais une peine de vous importuner trop souvent, Rousseau, Lett. au curé d'Amberieu, 15 déc. 1763.

    Faire peine, en parlant des personnes, exciter une compassion profonde. Ce pauvre homme a l'affliction sur la figure, il me fait peine.

    Faire de la peine à quelqu'un, lui susciter des difficultés, des embarras, lui faire subir des vexations. On m'a dit qu'il y a un certain M. Nicolas, qui est procureur du roi de la commission : il vaudrait mieux lui donner double taxe, et qu'il ne nous fit point de peine, Corneille, Lett. à Jacques Goujon.

    Être dans la peine, être dans le besoin.

  • 3 En termes de galanterie, les souffrances des amants. …Que sent-on [dans l'amour] ? Des peines près de qui le plaisir des monarques Est ennuyeux et fade : on s'oublie, on se plaît Toute seule en une forêt, La Fontaine, Fabl. VIII, 13. … J'ai couru partout où ma perte certaine Dégageait mes serments et finissait ma peine, Racine, Andr. II, 2.
  • 4Inquiétude, souci, embarras. Je suis fort en peine de savoir que c'est qui fait aujourd'hui soupirer tous les gens de bien, Guez de Balzac, liv. IV, lett. 18. Voilà, mes chers amis, ce qui me met en peine, Corneille, Cinna, II, 1. C'est mettre un jaloux hors de peine, Corneille, Sertor. IV, 2. …Ce n'est pas, seigneur, ce qui me tient en peine, Corneille, ib. IV, 3. Ne saurais-tu trouver quelque moyen pour me tirer de peine ? Molière, Fourber. III, 2. Ne soyez point en peine où je vais vous mener, Molière, Éc. des f. V, 3. Je suis en peine du jugement que vous ferez de moi, Molière, Princ. d'Él. IV, 1. Il m'ôta de peine en disant…, Pascal, Prov. IX. La question de fait dont je ne me mets guère en peine, Pascal, ib. I. Ne vous mettez point en peine jamais de me faire réponse, Sévigné, 4. Ils lisaient dans ma pensée, et trouvaient que j'étais en peine de vous ; et de quoi veulent-ils donc que je sois en peine ? Sévigné, 333. Je suis en peine de vous savoir à Aix, à cause de la petite vérole qui y était, Sévigné, 118. Je suis en peine du paquet dont vous me parlez, Sévigné, 20. Elle a été dans des peines de votre santé qui ne sont pas concevables, Sévigné, 6 août 1670. Telle était l'agréable histoire que nous faisions pour Madame ; et, pour achever ces nobles projets, il n'y avait que la durée de sa vie dont nous ne croyions pas devoir être en peine, Bossuet, Duch. d'Orl. Sans se mettre en peine si…, Fénelon, Tél. X. Ne soyez point en peine, je ne dirai rien que de vrai, Fénelon, ib. XI. Je suis en peine de la santé de M. d'Alembert, Voltaire, Lett. la Harpe, 4 juin 1777. Être en peine que, avec le subjonctif, craindre que. Je ne suis point en peine que vous ne fassiez tout ce qui sera nécessaire pour nous empêcher de tomber dans le panneau, Sévigné, 13 août 1687. J'étais en peine qu'une petite demoiselle représentât le roi [à Saint-Cyr, dans Esther] : on dit que cela est fort bien, Sévigné, 28 janv. 1689.

    Être en peine, ne savoir où prendre. Nous étions en peine d'ornements pour notre chambre, Rousseau, Ém. II.

    Être en peine de sa personne, être fort embarrassé de ce que l'on deviendra. On me laissa sur le perron, où je demeurai fort en peine de ma personne, Lesage, Guzm. d'Alf. I, 5.

  • 5Travail, fatigue. Travaillez, prenez de la peine, C'est le fonds qui manque le moins, La Fontaine, Fabl. V, 9. Toute peine, dit-on, est digne de loyer, La Fontaine, ib. XII, 22. Il est vrai qu'il y a de la peine en entrant dans la piété ; mais cette peine ne vient pas de la piété qui commence d'être en nous, mais de l'impiété qui y est encore, Pascal, Pens. XXIV, 61 ter, éd. HAVET. Rien n'est égal à l'étendue de ses soins, aux peines qu'il prend, Sévigné, 531. Approche donc et viens ; qu'un paresseux t'apprenne, Antoine, ce que c'est que fatigue et que peine, Boileau, Ep. X. Quand il [Pygmalion] trouvait un homme faux et corrompu, il ne se donnait pas la peine d'en chercher un autre, Fénelon, Tél. III. Quelle horrible peine à un homme qui est sans prôneurs et sans cabale… de se faire jour à travers l'obscurité où il se trouve, et de venir au niveau d'un fat qui est en crédit ! La Bruyère, II.

    Voilà pour votre peine, se dit à un homme de peine, à un ouvrier à qui on donne une gratification.

    Être en peine de faire, s'occuper à faire (emploi qui a vieilli). Je veux croire que la Seine Aura des cygnes alors Qui pour toi seront en peine De faire quelques efforts, Malherbe, VI, 30.

    Perdre sa peine, ses peines, travailler inutilement à quelque chose. J'essayai d'expliquer pourquoi cette union si convenable ne me convenait pas ; j'y perdis ma peine, Staël, Corinne, XIV, 2.

    C'est peine perdue, se dit dans le même sens. Aussi tout ce qu'elle fit à cet égard fut-il, peu s'en faut, peine perdue, Rousseau, Confess. V. C'est peine perdue que l'éloge ou la satire d'un homme en place, D'Alembert, Lett. à Voltaire, 17 nov. 1762.

    En être pour sa peine, ne pas réussir.

    Mourir à la peine, mourir avant de recueillir le fruit d'un travail long et pénible. L'homme vertueux qui, sur le trône, a passé sa vie à faire le peu de bien qui dépendait de lui, meurt à la peine, sans avoir jamais su s'il avait un ami sincère, Marmontel, Bélis. VIII.

    Il se dit aussi, par exagération, de quelque projet qu'on a en tête. Ah ! je jure que nous en serons vengées, ou que je mourrai en la peine, Molière, Préc. 18.

    Plaindre sa peine, voy. PLAINDRE.

    La chose en vaut bien la peine, elle mérite qu'on ne néglige rien afin d'y réussir.

    Ironiquement. Cela valait bien la peine de la déshonorer, Sévigné, 420.

    En sens contraire, cela n'en vaut pas la peine, ce n'est pas la peine, cela ne mérite pas qu'on en tienne compte. Viens donc ; et de ce bien, ô douce volupté, Veux-tu savoir au vrai la mesure certaine ? Il m'en faut tout au moins un siècle bien compté, Car trente ans, ce n'est pas la peine, La Fontaine, Psyché, II, p. 217.

    Cela ne vaut pas la peine d'en parler, voy. PARLER, n° 7.

    En valoir la peine, se dit aussi des personnes. Il faut rendre service aux hommes tant qu'on le peut, bien qu'ils n'en vaillent guère la peine, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 10 oct. 1760. Les auteurs d'entre les modernes qui en valent la peine ont été traduits dans notre langue, Diderot, Lett. sur la chirurg.

    Par politesse. Prenez la peine de vous asseoir, c'est-à-dire asseyez-vous, je vous prie. Prenez la peine, monseigneur, de relire l'endroit que vous m'objectez, Bossuet, Rép. à quatre lettres, 23.

    Il a pris la peine de venir me voir, il est venu me voir.

  • 6Homme de peine, gens de peine, homme, gens qui, sans avoir un métier déterminé, gagnent leur vie par des travaux pénibles de corps.
  • 7Salaire du travail d'un artisan. Il ne faut pas retenir la peine du mercenaire.
  • 8Difficulté, empêchement. Avec fort peu de peine Un flux de pleine mer jusqu'ici les amène, Corneille, Cid, II, 7. On a eu toutes les peines du monde à empêcher Monsieur de passer les nuits à la tranchée, et d'y être à toute heure, Pellisson, Lett. hist. t. I, p. 203, dans POUGENS. Comment ? il semble que vous ayez peine à me reconnaître ? Molière, Pourc. I, 6. Je n'aurai pas grande peine à m'en défendre, Pascal, Prov. XVII. Vous aviez donc ce joli visage que j'aime tant ; conservez-le tout le plus que vous pourrez : vous auriez peine d'en trouver un pareil, Sévigné, 24 juillet 1675. Le maître de la maison malade d'une fièvre dont le quinquina a eu toutes les peines du monde à le tirer, Sévigné, 12 juillet 1691. Elle avait tellement perdu les lumières de la foi, que, lorsqu'on parlait sérieusement des mystères de la religion, elle avait peine à retenir ce ris dédaigneux…, Bossuet, Anne de Gonzague. Quand mon rang fut venu, je n'eus pas de peine à répondre, parce que je n'avais pas oublié ce que Mentor m'avait dit souvent, Fénelon, Tél. v. On eut bien de la peine à empêcher qu'elle ne fût déchirée, Fénelon, ib. VIII. Les hommes ont tant de peines à s'approcher sur les affaires, La Bruyère, XI. Le maréchal de Villeroy avait consenti avec grande peine à un conseil de guerre, Saint-Simon, 159, 87.

    Avoir de la peine à parler, parler difficilement, en raison de quelque empêchement naturel.

    Il se dit aussi au fig. Répondez donc, vous avez bien de la peine à parler.

    Avoir de la peine à marcher, se servir difficilement de ses jambes.

    Il se dit aussi au fig. Cette affaire, cette entreprise a de la peine à marcher.

    Telle chose me fait peine à comprendre, j'ai peine à la comprendre (locution vieillie). Ta libéralité me fait peine à comprendre ; Tu parles de donner quand tu ne fais que rendre, Corneille, Héracl. I, 2.

    Faire peine à, avec un nom de chose pour sujet, permettre difficilement de (locution vieillie). Mais dessus ce vieillard plus je porte les yeux, Plus je crois l'avoir vu jadis en d'autres lieux ; Ses rides me font peine à le bien reconnaître, Corneille, Œdipe, IV, 4.

  • 9Manque de disposition à, de volonté pour. On a peine à haïr ce qu'on a bien aimé, Corneille, Sertor. I, 3. Si contre lui j'ai peine à croire ces témoins, Corneille, Nicom. III, 8. Nous avons considéré, à l'égard des valets, la peine qu'ils ont, quand ils sont gens de conscience, à servir des maîtres débauchés, Pascal, Prov. VI. J'ai peine à contempler son grand cœur [de Charles Ier] dans ces dernières épreuves, Bossuet, Reine d'Anglet. Il eut une peine extrême à m'aborder, Fénelon, Tél. X. Je n'aime point les gens qui renversent les lois de leur patrie : mais j'aurais de la peine à croire que César et Cromwell fussent de petits esprits, Montesquieu, Déf. Espr. lois, part. 1. On a de la peine à croire que le parlement, en 1621, défendit, sous peine de mort, de rien enseigner de contraire à Aristote, Voltaire, Mœurs, 180.

    Faire de la peine, se dit d'une chose qui déplaît. Si l'on eût été moins religieux à le donner tel qu'on le trouvait [le texte de la Bible], et qu'on eût pris la liberté d'y corriger ce qui faisait de la peine, Bossuet, Hist. II, 13. Ses fréquentes contradictions [de Rollin dans son Traité des Études] font de la peine au lecteur attentif, L'Abbé Desfontaines.

    On dit en termes familiers et avec une nuance d'ironie à quelqu'un qui dit ou fait une sottise : Vous me faites de la peine.

  • 10À peine, loc. adv. Depuis peu, depuis un moment. À peine le soleil fait ouvrir les boutiques, Boileau, Sat. VIII. À peine son sang coule et fait rougir la terre, Les dieux font sur l'autel entendre le tonnerre, Racine, Iphig. V, 6. Seigneur, à peine sur le trône, La crainte, le soupçon déjà vous environne, Voltaire, Mérope, III, 6. La vie eut bien pour moi de volages douceurs ; Je les goûtais à peine, et voilà que je meurs, Chénier, Élég. VII.

    Quelquefois le second membre de phrase prend que. À peine est-il amant qu'il est amant heureux, Quinault, Rol. III, 6. Pharnace entrait à peine, Qu'il courut de ses feux entretenir la reine, Racine, Mithr. II, 3. À peine une résolution était-elle prise, que…, Fénelon, Tel. XVI.

    À peine, presque pas. À peine est-il jour. Il a à peine le nécessaire. À peine parle-t-on de la triste Octavie, Racine, Brit. I, 1. Elle tombe et ne vit plus qu'à peine, Racine, Bajaz. IV, 3. À peine est-elle jolie au premier aspect, mais plus on la voit et plus elle s'embellit, Rousseau, Ém. v.

    À peine, tout juste, peu s'en faut. Ma sœur, l'heure s'avance, et nous serons à peine, Si nous ne retournons, au lever de la reine, Corneille, Clit. I, 9. Elle [Isabelle de France] avait à peine quarante-deux ans, quand l'Espagne la pleura, Bossuet, Mar.-Thér. Le poëme tragique vous serre le cœur dès son commencement, vous laisse à peine dans tout son progrès la liberté de respirer et le temps de vous remettre, La Bruyère, I.

    À peine, difficilement. La victoire entre eux deux n'était pas incertaine ; L'Albain percé de coups ne se traînait qu'à peine, Corneille, Hor. IV, 2. Ils furent à peine arrachés des mains du peuple, Bossuet, Hist. II, 12. Je n'ai percé qu'à peine Les flots toujours nouveaux d'un peuple adorateur, Racine, Bérén. I, 3. Je vous donne un conseil qu'à peine je reçois, Racine, Iphig. IV, 4. Télémaque suivait à peine, regardant toujours derrière lui, Fénelon, Tél. VII.

    À grand'peine, très difficilement (voy. pour l'apostrophe GRAND ,° 22). Il rappelle un amour à grand'peine banni, Corneille, Polyeucte, III, 5.

    À grand'peine, presque pas, tout au plus. Hélas ! qu'avez-vous fait de cette amour parfaite Que vous me souhaitiez et que je vous souhaite ? S'il vous en reste encor, n'êtes-vous point jaloux Qu'à grand'peine chrétien, j'en montre plus que vous ? Corneille, Poly. II, 6.

  • 11Sans peine, aisément, sans regret. Toutes les dignités que tu m'as demandées, Je te les ai sur l'heure et sans peine accordées, Corneille, Cinna, V, 1. Vous consentez sans peine à ne me plus revoir, Racine, Phèdre, V, 1. Apprends donc que ton fils, non sans peine, protége Tes remparts impuissants que le Rutule assiége, Delille, Énéide, x.

    Avec peine, à regret, difficilement. Il allait porter son encens avec peine sur les autels de la fortune, Fléchier, Duc de Mont.

    À toute peine, très difficilement. Mme de Maintenon obtint à toute peine, que la princesse d'Harcourt, qui allait toujours à Marly, n'en fût pas exclue le lendemain, Saint-Simon, 64, 71.

PROVERBES

Peine de vilain n'est comptée pour rien.

À chaque jour suffit sa peine.

Nul bien sans peine.

Quelquefois la peine passe le plaisir.

HISTORIQUE

XIe s. Mult [ils] ont eu et peines et ahans, Ch. de Rol. XI. L'olifan [il] sone à dolur et à peine, ib. CXXXIII. Las est li reis, car la peine est mult grant, ib. CLXXX.

XIIe s. Moult m'a amors atornée Douce poine et biau labor, Couci, I. Toute leur paine [ils] ont mise en moi trahir, ib. XII. À paine [je] suis sans mourir eschapés, ib. XI. Grans fust ma joie et ma poene legere, ib. XVIII.

XIIIe s. Et li baron en furent si lié [joyeux], que il ne le pooient croire se à peine non, Villehardouin, LXXX. Moult orent li baron de peine toute la nuit et toute cele semaine, et li dus de Venise aussi, pour faire la pais, Villehardouin, L. Car de paine [douleur] [elle] clochoit com cheval qu'on encloe, Berte, XXXIII. À painnes ert [était] dont [donc] nus preudom Ki conneüst Diu ne son nom, Gui de Cambrai, Barl. et Jos. p. 43. Et si n'en reprendrés plus ma parole, car ce seroit paine perdue, Chr. de Rains, p. 56. Li maistres perd sa poine toute, Quand li disciples qui escoute Ne met s'entente au retenir, la Rose, 2063. Resons est que noz parlons des seurtés qui sunt fetes por arbitrages tenir, c'on apele paine, Beaumanoir, XLII, 1. Cascune justice doit metre paine que li testament qui sont à droit fet, soient tenu et aempli, Beaumanoir, XII, 27.

XIVe s. Les poines que l'en impose à ceulx qui pechent et font mal, Oresme, Eth. 38.

XVe s. Et veux bien que chacun sache que jamais la mer en Angleterre ne repasserai, tant que je aurai ma pleine suffisance du royaume de Castille ; ou je mourrai en la peine, Froissart, II, III, 33. Si que nous vous prions et conseillons que vous y veuilliez mettre peine [vous efforcer], et pourchasser son accord pour notre paix et honneur, et nous y mettrons peine avec vous à notre loyal pouvoir, Froissart, I, I, 73. Avoit alors en la ville de Peronne grant garnison de gens du roy Charles… et faisoient assez paine aux gens du duc Jehan, Fenin, 1417.

XVIe s. Sous peine de damnation eternelle, Calvin, Instit. 945. Il feit crier que ung chascun, sus poine de la hart…, Rabelais, Garg. I, 26. Madame, attendez moy icy, je les voys querir moy mesme, n'en prenez la poine, Rabelais, Pant. II, 21. Calvin se conduisit tellement au gouvernement de l'Eglise, qu'il mit peine que rien ne demeurast en arriere, Bèze, Vie de Calvin, p. 54. Espoir de gain diminue la peine, Leroux de Lincy, t. II, p. 298. Mettre en peine ses amis [leur donner de l'inquiétude], Montaigne, I, 95. Il ne se pouvoit garder, s'il passoit prez d'une boutique où il y eust chose de quoy il eust besoin, de la desrobber, en peine de [quitte à] l'envoyer payer aprèz, Montaigne, II, 72. Ils estoient si durcis à la peine [fatigue]…, Montaigne, II, 96. Il vouloit voir le soleil de prez, peine d'en estre bruslé soubdainement, Montaigne, I, 243. À peine [difficilement] me feroit on accroire que…, Montaigne, II, 246. Vostre lettre par où j'ay sceu de vostre santé m'a esté ung merveilleux plaisir, pour autant que j'en estois en peyne, Marguerite de Navarre, Lett. 4. Madame a esté merveilleusement malade ; vous povez penser la paine et l'ennuy que ce nous a esté ! Marguerite de Navarre, ib. 11. De sorte que jà à male peine pouvans soustenir ceulx qu'ilz avoient sur les bras…, Amyot, Marcel. 15. Il y avoit plusieurs autres signes et presages celestes, qui d'ailleurs le tenoient en peine, Amyot, ib. 46. Il en jetta l'ung dedans les carrieres où l'on mettoit les criminels et serfs de peine, Amyot, De la tranq. d'âme, 25. Nul pain sans peine, Cotgrave

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Étymologie de « peine »

De l’ancien français paine, peine (« douleur, peine »), du latin poena (« peine, punition »).
Note : L’adverbe à peine est issu du latin paene (« presque, à peu près »).
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Bourg. pone ; picard, peigne, poine ; wallon, pônn ; Berry, poine ; prov. esp. et ital. pena ; du lat. pœna ; grec ποίνη, suivant les uns du même radical grec (avec aspiration) que φονός, meurtre : proprement le prix du sang ; suivant d'autres, tenant au sanscrit , purifier.

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Phonétique du mot « peine »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
peine pɛn

Fréquence d'apparition du mot « peine » dans le journal Le Monde

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Évolution historique de l’usage du mot « peine »

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Citations contenant le mot « peine »

  • Je passais au bord de la Seine Un livre ancien sous le bras Le fleuve est pareil à ma peine Il s'écoule et ne tarit pas Quand donc finira la semaine.
    Guillaume Apollinaire de Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire — Alcools, Marie , Gallimard
  • Ce n'était pas la peine Non pas la peine assurément De changer le gouvernement.
    Louis François Nicolaïe, dit ClairvillePaul SiraudinVictor Koning — La Fille de Madame Angot (musique de Charles Lecocq)
  • Ici-bas, la douleur à la douleur s'enchaîne. Le jour succède au jour, et la peine à la peine.
    Alphonse de Prât de Lamartine — Premières Méditations poétiques, l'Homme
  • La joie comme la peine se mesurent au centigramme.
    Benjamin Péret — Le Grand Jeu, As de pique , Gallimard
  • La joie venait toujours après la peine.
    Guillaume Apollinaire de Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire — Alcools, le Pont Mirabeau , Gallimard
  • « Oh ! ne parlez pas de ma peine, » dit la Duchesse ; « je vous fais cadeau de tout ce que j’ai dit jusqu’à présent. » « Voilà un cadeau qui n’est pas cher ! » pensa Alice. « Je suis bien contente qu’on ne fasse pas de cadeau d’anniversaire comme cela ! » Mais elle ne se hasarda pas à le dire tout haut.
    Lewis Carroll — Alice au pays des merveilles
  • L’être ou le néant, voilà le problème. Monter, descendre, aller, venir, tant fait l’homme qu’à la fin il disparaît. Un taxi l’emmène, un métro l’emporte, la tour n’y prend garde, ni le Panthéon. Paris n’est qu’un songe, Gabriel n’est qu’un rêve (charmant), Zazie le songe d’un rêve (ou d’un cauchemar) et toute cette histoire le songe d’un songe, le rêve d’un rêve, à peine plus qu’un délire tapé à la machine par un romancier idiot (oh ! pardon)...
    Raymond Queneau — Zazie dans le métro
  • La peine emporte le profit.
    Proverbe québécois
  • Les adversaires de la peine de mort guillotineraient volontiers les partisans de la peine de mort.
    René Barjavel
  • Toute peine mérite salaire.
    Proverbe français
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Traductions du mot « peine »

Langue Traduction
Anglais pain
Espagnol dolor
Italien dolore
Allemand schmerzen
Chinois
Arabe ألم
Portugais dor
Russe боль
Japonais 痛み
Basque mina
Corse dolore
Source : Google Translate API

Synonymes de « peine »

Source : synonymes de peine sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « peine »

Combien de points fait le mot peine au Scrabble ?

Nombre de points du mot peine au scrabble : 7 points

Peine

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