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Esprit
Sommaire
- Définitions de « esprit »
- Étymologie de « esprit »
- Phonétique de « esprit »
- Fréquence d'apparition du mot « esprit » dans le journal Le Monde
- Évolution historique de l’usage du mot « esprit »
- Citations contenant le mot « esprit »
- Images d'illustration du mot « esprit »
- Traductions du mot « esprit »
- Synonymes de « esprit »
- Antonymes de « esprit »
- Combien de points fait le mot esprit au Scrabble ?
Variantes | Singulier | Pluriel |
---|---|---|
Masculin | esprit | esprits |
Définitions de « esprit »
Trésor de la Langue Française informatisé
ESPRIT, subst. masc.


Wiktionnaire
Nom commun - français
esprit \ɛs.pʁi\ masculin
- Substance incorporelle et immatérielle.
-
(Mythologie) Âme désincarnée douée de pensée et de vie.
- Château abandonné, château hanté, château visionné. Les vives et ardentes imaginations l’ont bientôt peuplé de fantômes, les revenants y apparaissent, les esprits y reviennent aux heures de la nuit. — (Jules Verne, Le Château des Carpathes, J. Hetzel et Compagnie, 1892, pages 17-27)
- Debout devant la porte du salon, la codia, secouant d’un geste large un encensoir, accueille les visiteuses et récite les formules qui doivent appeler les esprits. — (Out-el-Kouloub, « Nazira », dans Trois contes de l’Amour et de la Mort, 1940)
- Dans la nuit, la jeune targuia avait eu un sommeil agité. Surexcitée, les yeux brillants, elle avait fait alors comprendre à Lylianne qu'elle venait de parler aux esprits des anciens ; […]. — (Florence Ferrari, Le passeur d'âmes, Éditions Le Manuscrit, 2004, page 141)
-
(Philosophie) Principe de la pensée et de la réflexion.
- Pour élucider cette idée, je me propose d’embrasser l’Univers dans un seul coup d’œil, de telle sorte que l’esprit puisse en recevoir et en percevoir une impression condensée, comme d’un simple individu. — (Edgar Allan Poe, Eureka, 1848, traduction de Charles Baudelaire)
- Lorsque l’on ne peut faire autrement que d’affronter le mauvais temps, les forces humaines se décuplent et l’esprit devient plus clairvoyant. — (Dieudonné Costes et Maurice Bellonte, Paris-New-York, 1930)
- Une étrange contagion, en ces contrées, s’était emparée des esprits. Pas d’enfants ! Aujourd’hui, tous les biens, ici, tombent en déshérence ! — (Ludovic Naudeau, La France se regarde : le Problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)
- Le Parlement et les jurats de la ville avaient beau faire, les esprits étaient tellement surexcités qu’on était en droit de redouter le pire. — (Léon Berman, Histoire des Juifs de France des origines à nos jours, 1937)
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Aptitude intellectuelle particulière.
- Les Liméniennes ont toutes de belles couleurs […] des yeux noirs d’une expression indéfinissable d’esprit, de fierté et de langueur […] — (Flora Tristan, Les Femmes de Lima, dans Revue de Paris, tome 32, 1836)
- Le cabotinage était poussé par Murat jusqu’au grotesque, et les historiens n’ont pas assez remarqué quelle responsabilité incombe à Napoléon dans cette dégénérescence du véritable esprit guerrier. — (Georges Sorel, Réflexions sur la violence, chapitre VII, La Morale des producteurs, 1908, page 359)
- Nietzsche s'est dressé face au siècle. Et l’adversaire qu'il s'est choisi, c'est l’esprit de lourdeur, notre poids naturel, notre faculté naturelle de retombement dans la coutume. — (Denis de Rougemont, Comme toi-même : Essais sur les Mythes de l'Amour, Albin Michel, 1961, note n° 1, page 105)
- Gorbatchev y affirme bien que l'élargissement de l' OTAN constituerait une trahison de ce qu'était selon lui «l' esprit» des discussions de l'époque, mais réaffirme qu'aucun engagement formel n'avait été pris. Les Russes continuent d'affirmer que les Occidentaux auraient néanmoins offert des garanties informelles. Une théorie qui a l'avantage d'être par nature impossible à vérifier. — (Elie Guckert, Cette promesse de l'OTAN à la Russie qui n'a jamais existé, 14 décembre 2021)
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(En particulier) Vivacité dans la réflexion.
- Or dans le château de Genappe demeurait alors le dauphin Louis, fils de Charles VII, méditant son prochain règne au milieu d'une société de gens d’esprit qui n'étaient pas renommés pour professer les opinions de tout le monde. — (« Bulletin bibliographique » dans la Bibliothèque de l'École des Chartes, volume 4, Paris : chez Firmin Didot, 1842-1843, page 584)
- Un sot qui a un moment d’esprit, étonne et scandalise, comme des chevaux de fiacre au galop. — (Sébastien-Roch Nicolas de Chamfort, Maximes et pensées, caractères et anecdotes)
- — Wood, n’est-ce pas que vous n’avez pas d’esprit ? J’ai en horreur les gens d’esprit. — (Anatole France, L’Étui de nacre, 1892, réédition Calmann-Lévy, 1923, page 98)
- On fait volontiers honneur à « M. Tout-le-Monde » d’avoir plus d’esprit que M. de Voltaire ; on se trompe, c’est plus de bon sens qu’il faudrait dire : l’esprit est individuel, tandis que, ce qui appartient à la communauté, c’est le bon sens. — (Franc-Nohain [Maurice Étienne Legrand], Guide du bon sens, Éditions des Portiques, 1932)
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(Par extension) Mémoire, ensemble des pensées d’une personne.
- — Je le sais, fit-il ; rien n’est plus malaisé que de se désencombrer l’esprit des images qui l’obsèdent […] — (Joris-Karl Huysmans, La Cathédrale, Plon-Nourrit, 1915)
- Pendant toute une période, la motocyclette accapara à tel point l’esprit de Bert qu’il resta indifférent au nouveau genre d’exercice et de délassement que recherchait l’impatience humaine. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 15 de l’édition de 1921)
- À cette occasion, il me revient à l’esprit certain passage de Marcel Schwob, cet admirable artiste qu’il est toujours précieux de relire […] — (Francis Carco, Messieurs les vrais de vrai, Les Éditions de France, Paris, 1927)
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(Par extension) État d’esprit.
- Il lui était doux de les avoir auprès de lui, mais il désirait que leur attitude n’offusquât en rien le nouvel esprit qui se manifestait en France, et entendait leur imposer la simplicité qu'il s’imposait à lui-même par goût autant que par calcul. — (Adolphe Thiers, Histoire du Consulat et de l'Empire faisant suite à l’Histoire de la Révolution française, Paris : chez Lheureux & Cie, 1861, livre 58, tome 19, page 403)
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Caractéristique, sens d’un texte, d’un ensemble d’idées ou de sentiments, etc.
- Admettre cette préséance, c’est léser l’esprit républicain, porter atteinte aux principes de 89, faire fi des sacrifices consentis par les révolutionnaires de 1830 à 1871 […] ! — (Jean Rogissart, Passantes d’Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958)
- L’esprit de l’islam n’est pas rationnel, au sens grec du terme, puisque Dieu était au-delà de la raison et que « Son ordonnance de l’univers » devait être acceptée et non expliquée. — (Panayiotis Jerasimof Vatikiotis, L’Islam et l’État, 1987, traduction d’Odette Guitard, 1992)
- C’est sous l’emprise de cette introspection que je me suis abîmé dans la contemplation, habité par l’esprit des temps qui courent. […] — (Cornéliu Tocan, Aux confins de l'invisible. Haïkus d'intérieur illustrés, Créatique, Québec, 2020, page 8)
- Il faut prendre en compte l’esprit de la loi, et non s’attacher à la lettre.
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(Grammaire) Signe diacritique grec.
- C’est l’esprit doux du grec placé dans la ligne, qui servira à rendre l’élif hamzé ou le hamzah arabe, de même que l’élif des autres langues sémitiques, lorsque leur orthographe demande qu’on les exprime dans une transcription régulière. — (Andreas August Ernst Schleiermacher, De l’influence de l’écriture sur le langage, 1835)
- Les Latins ont changé l’esprit rude des Grecs en r, comme dans plusieurs autres mots. — (J-B. Morin, Dictionnaire étymologique des mots françois dérivés du grec, 1809)
- Ces deux prononciations, dans le Grec, sont distinguées par deux esprits, le doux et le rude. — (Pierre Joseph d’Olivet, Traité de la prosodie françoise, 1805)
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(Histoire de la chimie) Fluide très subtil, ou vapeur très volatile, dans l’ancienne nomenclature chimique.
- Ceux qui font métier, dit-il, de manier le feu et d’en tenir à la bouche emploient quelquefois un mélange égal d’esprit de soufre, de sel ammoniac, d’essence de romarin et de suc d’oignon. L’oignon est, en effet regardé par les gens de la campagne comme un préservatif contre la brûlure. — (Jacques-Albin-Simon Collin de Plancy, Dictionnaire infernal, 1818, page 359)
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(En particulier) Alcool.
- L’eau-de-vie ordinaire est généralement à 49°, et l’esprit connu sous le nom de trois-six à 84° ; cela signifie que ces esprits contiennent respectivement 49 et 84 % d’alcool pur. — (Edmond Nivoit, Notions élémentaires sur l’industrie dans le département des Ardennes, E. Jolly, Charleville, 1869, page 142)
- Les fabricants et marchands d’appareils et de portions d’appareils propres à la distillation, à la fabrication ou au repassage d’eaux-de-vie ou d’esprits sont tenus d’inscrire sur le registre prévu par l’article 304 du code général des impôts […] — (Article 27, Code général des impôts, annexe 1, France, 2009)
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(Par métonymie) Être humain dans ses activités intellectuelles.
- Dans l’espèce humaine, la Parthénogénèse n’a été vue que par les yeux de la foi ; il n’en est pas ainsi dans les rangs inférieurs de l’animalité, et même à ce degré, la chose est si extraordinaire qu’elle a dû, au début, être accueillie par les esprits prudents avec certaines réserves, sinon même avec incrédulité […] — (Yves Delage et Marie Goldsmith, La Parthénogénèse naturelle et expérimentale, Flammarion, 1913, page 2)
- Pour les Martiens, Arcvad représentait le Messie. Pendant 130 ans cet esprit gigantesque avait enfanté inventions, poèmes, visions, harmonies nouvelles construites sur les débris d’esprits moins doués. — (Benjamin De Casseres, Arcvad le terrible, traduction d’Émile Armand, dans Les Réfractaires, n° 1, janvier 1914)
Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)
Substance incorporelle. Il se dit de Dieu. Dieu est un esprit. Esprit incréé. Le Saint-Esprit, l'Esprit-Saint, l'Esprit consolateur, l'Esprit vivifiant, Noms que l'on donne à la troisième personne de la Sainte-Trinité. L'ordre du Saint-Esprit, Ordre de chevalerie institué par Henri III. Les chevaliers du Saint-Esprit. Il se dit aussi des Anges. Esprits célestes. Esprits bienheureux. Cette dernière locution sert également à qualifier les Âmes qui sont en paradis. Il se dit pareillement des Mauvais anges ou diables. Esprit de ténèbres. Esprit immonde. Malin esprit. Il se dit également des Prétendus revenants. On leur dit qu'il revenait des esprits dans cette maison-là. Avoir peur des esprits. Évoquer les esprits. Esprit follet, Sorte de lutin familier qui, selon le préjugé populaire, est plus malin que malfaisant. On prétendait qu'il y avait dans cette maison un esprit follet. Esprit familier, Sorte de génie que l'on croyait attaché à une personne, pour la guider, l'inspirer, la servir. On a dit que Socrate avait un esprit familier. Il signifie aussi Inspiration. Ce n'est point l'esprit de Dieu qui agit en lui, c'est l'esprit du démon. Quand l'esprit du Seigneur remplissait, inspirait les prophètes. L'esprit de Dieu descendit sur eux, s'empara d'eux. Il se dit encore de l'Âme et s'oppose à la matière. L'esprit est plus noble que le corps. Rendre l'esprit, Mourir. En esprit, Par la pensée, en imagination. Je suis en esprit au milieu de vous. Saint Paul fut ravi en esprit. En termes d'Écriture sainte, et pris absolument, il se dit par opposition à Chair. Marchez selon l'esprit, et non selon la chair. L'esprit est prompt et la chair est faible. Les fruits de la chair sont l'adultère, l'impureté, etc., et les fruits de l'esprit sont la charité, la tempérance, la joie, la paix, etc. Il se dit aussi de l'Ensemble des facultés intellectuelles. Esprit ferme, mâle, solide. Esprit éclairé, net, subtil. Esprit faible, confus, distrait. Esprit orné. Esprit étendu, vaste. Petit esprit. Esprit superficiel. Esprit faux. Esprit droit. Esprit juste. Il a l'esprit de travers. Esprit méthodique. Esprit systématique. Appliquer, mettre, exercer, occuper, employer son esprit à quelque chose. Cultiver son esprit. Ôtez cela de votre esprit. Esprit brillant. Esprit ouvert, bouché. Ne vous mettez point cela dans l'esprit. Avoir l'esprit timide, audacieux. Les mauvaises compagnies et les mauvais livres lui ont gâté l'esprit. Force, netteté, justesse d'esprit. Présence d'esprit. Élévation d'esprit. Les dons de l'esprit. Les ouvrages de l'esprit. Former l'esprit et le cur d'un jeune homme. Se transporter en esprit dans un pays lointain. S'emparer de l'esprit de quelqu'un, Lui inspirer une confiance extrême qui permet de le diriger comme on veut. Être bien dans l'esprit de quelqu'un, se mettre bien dans l'esprit de quelqu'un, Avoir, obtenir son estime, sa bienveillance. Il se dit quelquefois, simplement, de l'Attention, de la présence d'esprit. Où avait-il donc l'esprit quand il a fait une question si déplacée? Perdre l'esprit signifie Devenir fou. Que faites-vous? Perdez-vous l'esprit? Fig. et fam., Il a l'esprit aux talons, se dit d'un Homme qui, par étourderie ou par préoccupation, ne pense point à ce qu'il dit. On dit aussi dans ce sens Avoir l'esprit ailleurs. Il signifie souvent Faculté de concevoir entre les choses des rapports superficiels qui échappent aux autres et qui donnent du piquant à la conversation. Il a plus d'esprit que de véritable intelligence, plus d'esprit que de jugement. Il a l'esprit vif, l'esprit pesant, lourd, paresseux. Montrer de l'esprit. C'est un homme d'esprit, de beaucoup d'esprit. Elle a de l'esprit comme un ange. Fig. et fam., Avoir de l'esprit au bout des doigts, Être adroit aux ouvrages de la main. Avoir de l'esprit jusqu'au bout des doigts, jusqu'au bout des ongles, Avoir beaucoup d'esprit, faire paraître de l'esprit jusque dans les plus petites choses. Il se dit encore des Pensées fines, ingénieuses, piquantes. Il n'y a point d'esprit dans ce livre, dans cette réponse, dans ce discours. L'auteur de cette pièce a dépensé beaucoup d'esprit pour rien. Un trait d'esprit. Des mots d'esprit. Faire de l'esprit, courir après l'esprit, Chercher à montrer de l'esprit. Il se prend aussi pour Humeur, caractère. Esprit doux. Esprit souple. Esprit facile. Esprit modéré. Esprit fâcheux. Esprit chagrin, Esprit pointilleux. Esprit remuant, turbulent, factieux. Esprit dangereux, inquiet, brouillon. Esprit insinuant. Esprit volage. Il se dit également de la Disposition, de l'aptitude qu'on a à quelque chose; ou du Principe, du motif, de l'intention, des vues par lesquelles on est dirigé dans sa conduite. Cet homme a l'esprit des affaires, du commerce. Esprit de conduite. Esprit de système. Esprit de charité. Esprit de paix. Cela n'a pas été fait dans cet esprit-là. Ce n'est pas là l'esprit de cette compagnie. Tel est l'esprit de son enseignement. Avoir mauvais esprit, Avoir un caractère difficile, être porté à la contradiction systématique et malveillante. Esprit de vertige, État d'égarement, d'erreur, de fascination. Esprit du monde, Humeur égale, manières affables, habitude de politesse et de ménagement. Esprit national, Les opinions, les dispositions qui dominent dans une nation. On dit dans un sens analogue L'esprit du siècle pour indiquer les Tendances générales d'une époque. Esprit public, Opinion qui se forme dans une nation sur les objets d'intérêt général. L'esprit est bon, l'esprit est mauvais, se dit des Dispositions d'une nation, d'une ville à l'égard du gouvernement et des institutions publiques. Esprit de corps, Attachement des membres d'une corporation aux opinions, aux droits, aux intérêts de la compagnie. Esprit de retour, Désir qu'une personne éloignée de son pays conserve d'y retourner un jour. Cette locution s'emploie surtout en termes de Droit. La qualité de français se perd par tout établissement fait en pays étranger sans esprit de retour. Avoir l'esprit de son état, l'esprit de son âge, Avoir les idées, les sentiments qui conviennent à la situation, à l'âge où l'on est. Il désigne en outre le Sens d'un auteur, d'un texte. Vous n'avez pas saisi l'esprit de cet auteur. Ce n'est pas là l'esprit de ce passage. Il faut consulter l'esprit de la loi, et non s'attacher à la lettre. L'esprit d'un traité, d'un contrat. C'est dans ce sens qu'on dit proverbialement La lettre tue et l'esprit vivifie. Il désigne aussi la Manière qui caractérise un auteur. Il a voulu imiter cet auteur, mais il n'en a pas saisi l'esprit. L'esprit d'un auteur, en termes d'Édition, s'est dit d'un Recueil de pensées choisies, extraites des ouvrages d'un auteur. L'Esprit de Montaigne, de J.-J. Rousseau. Il se dit quelquefois de Ce qui tend à donner une idée sommaire de l'intention dans laquelle une lettre a été écrite, dans laquelle un livre a été composé, etc. Si ce n'est là le texte de sa lettre, c'en est du moins l'esprit. Il se dit quelquefois d'une Personne, considérée par rapport au caractère de son esprit. C'est un bon esprit, un mauvais esprit, un esprit dangereux. C'est un grand esprit. C'est un des meilleurs esprits de l'assemblée. C'est un petit esprit. C'est un bien pauvre esprit. Un bel esprit. Voyez BEAU. Un esprit fort, Une personne qui se pique de ne pas ajouter foi aux dogmes de la religion; et, en général, Quiconque veut se mettre au-dessus des opinions et des maximes reçues. C'est un esprit fort. Il fait l'esprit fort. Au pluriel, il se dit souvent d'une Réunion de personnes, considérées par rapport aux opinions ou aux passions. Une grande fermentation régnait alors dans les esprits. Échauffer, remuer, égarer les esprits. Calmer les esprits. Il se fit une grande révolution dans les esprits. Éclairer les esprits. Dans l'ancienne Nomenclature chimique, il se disait d'un Fluide très subtil, ou d'une vapeur très volatile. Esprit-de-vin, ou Alcool. Esprit-de-soufre. Esprit-de-bois. Esprit-de-sel. Esprit-de-vitriol. Esprit volatil. En termes de Commerce, Les esprits, Les liqueurs alcooliques. Au pluriel, il se disait d'Éléments légers, subtils et invisibles, qu'on supposait doués de la faculté de porter la vie et le sentiment dans les diverses parties de l'animal. Esprits vitaux. Esprits animaux. La perte, la dissipation des esprits animaux, des esprits. On dit encore maintenant, dans le langage ordinaire, par allusion à cette erreur des anciens physiologistes : La peur glace les esprits. Il fut longtemps, après sa chute, après sa blessure, avant que de reprendre ses esprits. Reprendre ses esprits signifie aussi figurément Se remettre du trouble, de l'émotion, de l'embarras, de la surprise que l'on éprouvait. Laissez-le reprendre ses esprits. En termes de Grammaire grecque, Esprit rude, Signe qui marque aspiration; et Esprit doux, Signe qui se fait en sens contraire et qui marque absence d'aspiration.
Littré (1872-1877)
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1Souffle. L'esprit souffle où il veut.
La terre était informe et toute nue, les ténèbres couvraient la face de l'abîme, et l'esprit de Dieu était porté sur les eaux
, Sacy, Bible, Genèse, I, 2.L'esprit de Dieu descendit sur les prophètes, ils reçurent l'inspiration divine.
- 2Aspiration. Usité seulement en cet emploi dans la grammaire grecque : esprit rude, signe d'aspiration ; esprit doux, signe qui marque absence d'aspiration.
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3Substance incorporelle et intellectuelle ; le souffle ayant servi, comme ce qu'il y a de plus subtil, à désigner dans les langues l'immatérialité, ainsi qu'on le voit dans la Bible où il est dit que Dieu souffla dans l'homme un souffle de vie pour l'animer.
Qui ne croirait, à nous voir composer toutes choses d'esprit et de corps, que ce mélange nous serait compréhensible ?
Pascal, Pensées, t. I, p. 263, édit. LAHURE.Le premier de tous les esprits, c'est Dieu, souverainement intelligent
, Bossuet, Conn. v, 13.Dieu est esprit, dit notre Seigneur, et ceux qui l'adorent doivent l'adorer en esprit et en vérité, c'est-à-dire que cette suprême intelligence doit être adorée par l'intelligence
, Bossuet, ib.L'idée d'un être supérieur à tous les autres êtres, qui les a tous faits, et à qui tous se doivent rapporter ; un être souverainement parfait, qui est pur, qui n'a point commencé et qui ne peut finir, dont notre âme est l'image, et, si j'ose le dire, une portion, comme esprit et comme immortelle
, La Bruyère, XVI.De ce que je pense, je n'infère pas plus clairement que je suis esprit, que je conclus de ce que je fais ou ne fais point, selon qu'il me plaît, que je suis libre
, La Bruyère, ib. -
4Le Saint-Esprit, l'Esprit vivifiant, l'Esprit consolateur (avec une s et un e majuscules), la troisième personne de la Trinité.
Docteurs, dites-moi donc, quand nous sommes absous, Le Saint-Esprit est-il ou n'est-il pas en nous ?
Boileau, Épît. XI.C'est le Saint-Esprit qui est en nous le principe immédiat et substantiel de toutes les opérations de la grâce
, Bourdaloue, Mystère, Pentecôte, t. I, p. 465.Le Saint-Esprit est essentiellement ferveur et amour
, Bourdaloue, ib. p. 472.On dit aussi l'Esprit-Saint.
L'ordre du Saint-Esprit, ordre institué par Henri III en 1597 ; le nombre des chevaliers était borné à cent, sans y comprendre les commandeurs ecclésiastiques et les officiers de l'ordre.
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5Les esprits, les substances incorporelles, telles que les anges et les démons.
Il me semble que la science des esprits appartient bien plus à la théologie révélée qu'à la théologie naturelle
, D'Alembert, Encycl. Disc. prélim.Les esprits célestes, les anges.
Pareil à ces esprits que ta justice envoie, Quand son roi lui dit : pars, il s'élance avec joie
, Racine, Esth. Prol.Les esprits de ténèbres, les anges déchus.
Il y a à Endor une femme qui a un esprit de Python
, Sacy, Bible, Rois, I, XXVIII, 7.J'irai et je serai un esprit menteur dans la bouche de tous ses prophètes
, Sacy, ib. III, II, 22.Il n'était bruit aux champs comme à la ville Que d'un manant qui chassait les esprits
, La Fontaine, Belph.Ceux qui sont possédés du malin esprit
, Bossuet, Nouv. myst. 17.Je veux raconter la victoire que les fidèles remportèrent sur les esprits de l'abîme
, Chateaubriand, Mart. III.Revenants, lutins, noirs esprits, Sorciers, malignes influences, à tout croire on m'avait appris
, Béranger, Feux foll.Les esprits immondes, les diables.
Fig. L'esprit du démon, pensée malfaisante qui germe en nous et qui se révèle par quelque action méchante. Il est animé par l'esprit du démon.
Esprit follet, sorte de lutin familier qui, selon le préjugé populaire, est plus espiègle que méchant.
J'espère que les zéphyrs, qui sont du nombre des esprits doux, me seront favorables, et que, devant que cette lettre soit en France, je pourrai être en Angleterre
, Voiture, Lett. 42.Esprit familier, sorte de génie que l'on croyait attaché à une personne pour la guider, l'inspirer. Le démon ou esprit familier de Socrate.
Revenant, apparition d'un mort.
L'hôtesse… Soutient toujours qu'il revient des esprits
, La Fontaine, Rém.L'hôtesse, étant alors sans chambrière, Court à la cave, et, de peur des esprits, Mène avec soi madame Simonette
, La Fontaine, ib.Sa femme [à d'Heudicourt] avec tout son esprit craignait les esprits jusqu'à avoir des femmes à gages pour la veiller toutes les nuits
, Saint-Simon, 218, 183.Esprits frappeurs, esprits écrivains, âmes de morts que, depuis quelques années, certaines gens s'imaginent venir frapper aux portes et aux murailles, ou conduire la plume ou le crayon de personnes qui écrivent, et substituer leur pensée à celle de ces personnes.
-
6La vie considérée, suivant l'opinion ancienne, en tant qu'elle est le souffle.
Un esprit vit en nous et meut tous les ressorts
, La Fontaine, Fabl. x, 1.Rendre l'esprit, mourir.
Et fais que sur ma tombe Arcas rende l'esprit
, Rotrou, Hercule mour. v, 1. -
7Les corps légers et subtils qu'on regardait comme le principe de la vie et des sentiments. Esprits vitaux.
Enfin il se trahit lui-même Par les esprits sortant de son corps échauffé ; Miraut, sur leur odeur ayant philosophé, Conclut que c'est son lièvre…
, La Fontaine, Fabl. v, 17.M. de Turenne reçut le coup au travers du corps, vous pouvez penser s'il tomba et s'il mourut ; cependant le reste des esprits fit qu'il se traîna la longueur d'un pas et que même il serra la main par convulsion, et puis on jeta un manteau sur son corps
, Sévigné, 201.Des armées médiocres à la vérité, mais semblables à ces corps vigoureux où il semble que tout soit nerfs et où tout est plein d'esprits
, Bossuet, Hist. III, 5.Le philosophe use ses esprits à démêler les vices des hommes
, La Bruyère, I.Rendre à mon sang glacé son ancienne chaleur, à mon corps, à mes sens leur première vigueur, Et d'esprits tout nouveaux réchauffer ma pensée
, Chaulieu, à Mme de Lassay.Reprendre ses esprits, revenir à soi, sortir de syncope.
J'ai senti défaillir ma force et mes esprits : Ses femmes m'entouraient quand je les ai repris
, Racine, Bajazet, v, 1.Moi qui n'ai pu tantôt, de ta mort menacée, Retenir mes esprits prompts à m'abandonner
, Racine, ib. v, 12.On le porta au château, où l'on n'épargna rien pour lui faire reprendre ses esprits
, Lesage, Diable boit. 15.Je me meurs. - Dieux puissants ! rappelez ses esprits
, Voltaire, Mérope, III, 4.En un sens moins restreint, se remettre.
Mais n'appréhende plus, je reprends mes esprits
, Molière, l'Ét. IV, 3.Permettez, messieurs, que je reprenne ici mes esprits
, Fléchier, Lam.Esprits animaux, fluide imaginaire qu'on supposait formé dans le cœur et dans le cerveau et distribué, par le moyen des nerfs, dans toutes les parties du corps.
Ce qu'il y a de plus remarquable, c'est la génération des esprits animaux, qui sont comme un vent très subtil, ou plutôt comme une flamme très pure et très vive, qui, montant continuellement en grande abondance du cœur dans le cerveau, se va rendre de là par les nerfs dans les muscles et donne le mouvement à tous les membres
, Descartes, Méth. v, 8.Ce que tous les anatomistes ont nommé esprits animaux…
, Mairan, Éloges, Petit.Je me sers ici d'expressions qui ne doivent pas être prises à la lettre : nous ignorons la nature des esprits animaux ; ils sont encore plus hors de la portée de nos sens et de nos instruments que les vaisseaux qui les filtrent ou les préparent
, Bonnet, Ess. anal. âme, ch. 4.Les petits esprits, s'est dit quelquefois pour esprits animaux.
Je vous aime trop pour que les petits esprits ne se communiquent pas de vous à moi, et de moi à vous
, Sévigné, 5 juill. 1671. -
8 Terme de chimie. Substance qui s'échappe des corps soumis à la distillation et qui, à cause de sa subtilité, fut comparée au souffle. Esprit-de-vin. Les esprits alcooliques.
Il s'agissait des droits sur l'esprit-de-vin, et de la manière d'avoir égard, dans les droits d'entrée, aux différents degrés de force de cette liqueur
, Condorcet, Monsigni.Terme de commerce. Absolument. Les esprits, nom des liqueurs alcooliques, et, en particulier, de l'esprit-de-vin.
Terme d'ancienne chimie. Esprit volatil, nom donné à tous les sous-carbonates d'ammoniaque provenant de la distillation de matières animales. Esprit de sel, solution d'acide chlorhydrique dans l'eau. Esprit de nitre, acide azotique étendu d'eau. Esprit de vitriol, acide sulfurique étendu d'eau. Esprit ardent, l'alcool très rectifié. Esprit alcalin, le gaz ammoniac.
Esprits ou eaux spiritueuses, nom donné par les anciens chimistes à des alcools chargés, par distillation, des principes médicamenteux de drogues simples.
Esprit recteur, nom que Boerhaave avait donné au liquide odorant qu'on obtient de la distillation directe des végétaux aromatiques.
Terme d'alchimie. Esprit fugitif, le mercure. Esprit universel, substance subtile et rare qui, réunie à son solide, régit et vivifie toute la nature.
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9L'âme de l'homme. L'esprit et le corps.
Saint Paul appelle Dieu le père de tous les esprits, c'est-à-dire de toutes les créatures intellectuelles, capables de s'unir à lui
, Bossuet, Conn. v, 13.Encore que notre esprit soit de nature à vivre toujours, il abandonne à la mort tout ce qu'il consacre aux choses mortelles
, Bossuet, Duch. d'Orl.Être ravi en esprit, avoir une vision qui transporte l'âme dans les régions célestes.
Terme de l'Écriture sainte. L'esprit, par opposition à la chair. L'esprit est prompt et la chair est faible.
Ne demande jamais à ta chair infidèle Ce qu'elle veut ou ne veut pas ; Range-la sous l'esprit, et fais qu'en dépit d'elle Son esclavage ait pour toi des appâts
, Corneille, Imit. III, 11.Ceux qui vivaient selon l'esprit, ceux qui vivaient selon la chair
, Bossuet, Hist. I, 1.Quand saint Paul dit que la chair convoite contre l'esprit, et l'esprit contre la chair, il entend que la partie intelligente combat la partie sensitive ; que l'esprit, capable de s'unir à Dieu, est combattu par le plaisir sensible attaché aux dispositions corporelles
, Bossuet, Conn. v, 13. En esprit, spirituellement.Les Gentils s'unissent en esprit aux Juifs
, Bossuet, Hist. II, 7.Vous n'adoreriez pas le Seigneur en esprit
, Massillon, Car. Culte.Les esprits bienheureux, les âmes qui sont en paradis.
Des esprits bienheureux la troupe l'environne
, Tristan, Mariane, v, 3. -
10Grâce et don de Dieu. L'esprit de prophétie. L'esprit d'Elie se reposa sur Élisée.
L'esprit du Seigneur fut en lui et il jugea Israël
, Sacy, Bible, Juges, III, 10.Ce roi qui avait l'esprit de prophétie
, Pascal, Prov. 18.Des hommes à qui l'Esprit-Saint n'avait pas été donné ce semble avec mesure
, Massillon, Car. Culte.Le Seigneur a retiré son esprit du milieu de cette Église infidèle
, Massillon, Myst. Assompt.Le fanatique recevait l'esprit ; on le lui conférait en lui soufflant dans la bouche
, Voltaire, Louis XIV, 36.Chercher l'esprit, se disait, entre les puritains, d'un recueillement mental de dévotion où l'on attendait quelque inspiration du Seigneur.
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11En particularisant le sens d'esprit, l'âme considérée comme l'agent des pensées, des souvenirs, des volontés.
L'esprit dépend si fort du tempérament et de la disposition des organes des corps, que, s'il est possible de trouver quelque moyen qui rende communément les hommes plus sages et plus habiles qu'ils n'ont été jusqu'ici, je crois que c'est dans la médecine qu'il faut le chercher
, Descartes, Méth. VI, 2.Mais la pudeur peut tout sur l'esprit d'une fille Dont la vertu répond à l'illustre famille
, Corneille, Théod. II, 7.Et j'ai l'esprit, seigneur, d'autant plus satisfait, Que mon sang rompt le cours du mal que j'avais fait
, Corneille, Nicom. v, 10.Vous ne me dites rien que ce que j'en ai dit, Lorsqu'à Léon tantôt j'ai dépeint son esprit
, Corneille, Pulch. IV, 1.Peut-il dans ton esprit passer pour innocent ?
Mairet, Mort d'Asdr. I, 4.Et mettre en ton esprit cet éternel effroi Que le crime en tous lieux met aux âmes sans foi
, Mairet, ib. v, 3.Le temps m'a de l'esprit son portrait effacé
, Rotrou, Bélis. I, 2.Mais combien mon esprit répugne à ce devoir !
Rotrou, Hercule mour. v, 2.Tout en tout est divers ; ôtez-vous de l'esprit Qu'aucun être ait été composé sur le vôtre
, La Fontaine, Fabl. IX, 12.Le cœur a son ordre ; l'esprit a le sien qui est par principes et démonstrations ; le cœur en a un autre
, Pascal, Pensées, t. I, p. 288, édit. LAHURE.Quoi ! toujours Andromaque occupe votre esprit
, Racine, Androm. II, 5.Où laissé-je égarer mes vœux et mon esprit ?
Racine, Phèd. I, 3.Toi-même en ton esprit rappelle le passé
, Racine, ib. II, 5.Ce qui est arrivé dans une même secte, c'est ce qui arrive à toute heure dans un même esprit ; et l'expérience nous fait voir qu'il se divise lui-même et qu'il se confond, dès qu'il est assez malheureux pour ne s'attacher pas à la simplicité de la foi
, Bourdaloue, Carême, Sur la paix chrétienne.Il pesait les esprits et donnait à chacun le rang qu'il méritait
, Fléchier, M. de Montausier.Par le mot esprit, j'entends tout être pensant
, Boullainvilliers, Réfut. de Spinosa, p. 90.De quelque côté qu'il tourne son esprit, soit qu'il rappelle le passé, soit…
, Massillon, Av. Mort du péch.S'emparer de l'esprit de quelqu'un, gagner sa confiance au point de pouvoir le diriger.
Être bien dans l'esprit de quelqu'un, posséder ses bonnes grâces, sa bienveillance.
Se mettre bien dans l'esprit de quelqu'un, gagner son amitié, sa bienveillance.
Songez seulement à bien vous mettre dans l'esprit de mon père
, Molière, l'Avare, I, 1.Pour se bien mettre dans l'esprit du roi
, Hamilton, Gramm. 7.Se dit aussi dans le même sens au pluriel, en poésie.
Junie … S'est vue en ce palais indignement traînée ; Hélas ! de quelle horreur ses timides esprits à ce nouveau spectacle auront été surpris !
Racine, Brit. I, 3.Quoi donc ! à me gêner appliquant mes esprits, J'irai faire à mes yeux éclater ses mépris !
Racine, Bajaz. IV, 4.D'horreur et de pitié mes esprits déchirés
, Voltaire, Mort de Cés. III, 2.Un sexe dangereux dont les faibles esprits…
, Voltaire, Tancr. I, 1.Mettre en l'esprit, suggérer, inspirer.
Et les tristes discours Que te met en l'esprit l'amitié paternelle
, Malherbe, IV, 18.N'y a-t-il point quelque Dieu qui me met en l'esprit ces pensées ?
Descartes, Médit. II, 3.Tu te mets en l'esprit une crainte frivole
, Corneille, Suivante, II, 9.Venir en l'esprit, se dit des pensées qui surviennent.
Chacun disait ce qui lui venait dans l'esprit
, Fénelon, Tél. v.Perdre l'esprit, devenir fou.
J'aurais perdu l'esprit si j'osais me vanter Qu'avec ce peu de gens nous puissions résister
, Corneille, Rodog. III, 2.Elle a besoin de six grains d'ellébore, Monsieur, son esprit est tourné
, Molière, Amph. II, 2.C'est une radoteuse, elle a perdu l'esprit
, La Fontaine, Fabl. x, 2.Où avait-il l'esprit quand… ? à quoi pensait-il quand… ?
Je ne sais pas où j'avais l'esprit
, Sévigné, 202.En esprit, par la pensée, en imagination.
Il voyait en esprit le rang qu'ils devaient tenir
, Bossuet, Serm. Sept.Jacob vit en esprit le secret de cette élection
, Bossuet, Hist. II, 2.La lettre dont Votre Majesté m'honore m'a transporté en esprit à Orembourg
, Voltaire, Lett. à Cath. 136.Là, pesant mes projets, de Néron massacré Je foulais en esprit le corps défiguré
, Legouvé, Épich. et Néron, 1, 3.Familièrement. Il a l'esprit au talon, se dit quand quelqu'un fait une lourde faute, ou quand il est distrait, préoccupé.
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12Présence d'esprit, qualité de l'esprit par laquelle on fait ou dit sans hésitation ni délibération ce qui est à propos.
Dans le même sens.
J'ai eu bon esprit de la laisser là
, Sévigné, 155. -
13Il se dit en particulier des facultés intellectuelles, de l'aptitude à comprendre, à saisir, à juger. Esprit solide, orné. Cultiver son esprit. Avoir un esprit vif et pénétrant. Avoir l'esprit ouvert. Avoir l'esprit borné, bouché. Il n'a pas l'esprit de régler ses affaires.
Je n'ai jamais fait beaucoup d'état des choses qui venaient de mon esprit
, Descartes, Méth. VI, 2.Bien que j'aie expliqué mes opinions à des personnes de très bon esprit et qui, pendant que je leur parlais, semblaient les entendre fort distinctement
, Descartes, ib. VI, 6.L'esprit est toujours la dupe du cœur
, La Rochefoucauld, Max. 102.Tous ceux qui connaissent leurs esprits ne connaissent pas leur cœur
, La Rochefoucauld, ib. 103.Il y a deux sortes d'esprits : l'une de pénétrer vivement et profondément les conséquences des principes, et c'est là l'esprit de justesse ; l'autre, de comprendre un grand nombre de principes sans les confondre, et c'est là l'esprit de géométrie ; l'un est force et droiture d'esprit, l'autre est amplitude d'esprit
, Pascal, Pensées, art. VII, 2.Tout l'éclat des grandeurs n'a point de lustre pour les gens qui sont dans les recherches de l'esprit ; la grandeur des gens d'esprit est invisible aux rois, aux riches, aux capitaines, à tous ces grands de chair
, Pascal, Pensées, art. XVII, 1, édit. HAVET.Archimède, sans éclat, serait en même vénération ; il n'a pas donné des batailles, mais il a fourni à tous les esprits ses inventions
, Pascal, ib.Mon esprit diminue, au lieu qu'à chaque instant On aperçoit le vôtre aller en augmentant
, La Fontaine, Fabl. XII, 1.L'homme du meilleur esprit est inégal ; il souffre des accroissements et des diminutions
, La Bruyère, XI.Le mot esprit, quand il signifie une qualité de l'âme, est un de ces mots vagues, auxquels tous ceux qui les prononcent attachent presque toujours des sens différents : il exprime autre chose que jugement, génie, goût, talent, pénétration, étendue, grâce, finesse, et il doit tenir de tous ces mérites : on pourrait le définir raison ingénieuse
, Voltaire, Dict. phil. Esprit, II.On a émis la question, si tous les hommes sont nés avec le même esprit, les mêmes dispositions pour les sciences, et si tout dépend de leur éducation et des circonstances où ils se trouvent
, Voltaire, ib. v.Il n'y avait de réel que l'esprit, dont en effet il avait beaucoup, c'est-à-dire une conception aisée, une grande pénétration, beaucoup de discernement, de la mémoire et de l'éloquence
, Mme de Caylus, Souv. p. 243, dans POUGENS.L'esprit ne crée rien, mais il opère sans cesse sur cette multitude presque infinie de perceptions diverses qu'il acquiert par le ministère des sens
, Bonnet, Paling. XXII, 2.Un esprit élevé ne daigne apercevoir dans son objet que les rapports qui l'agrandissent
, Marmontel, Élém. litt. Œuvres, t. x, p. 198, dans POUGENS.Un esprit profond ne s'arrête jamais aux apparences superficielles, sa méditation s'exerce à sonder son objet et à tirer comme de ses entrailles, ex visceribus rei, ce qu'il y a de plus riche et de plus enfoui
, Marmontel, ib. p. 197.L'esprit et le cœur, la partie intellectuelle et la partie morale de l'homme.
J'appelle mondains, terrestres ou grossiers, ceux dont l'esprit et le cœur sont attachés à une petite portion de ce monde qu'ils habitent, qui est la terre
, La Bruyère, XVI.Rollin ayant fait un ouvrage à l'usage de la jeunesse pour se former l'esprit et le cœur, un grand nombre d'auteurs avaient imité ce titre, et c'est d'eux que Voltaire se moque :
Que je vous sais bon gré, dit-il, de n'avoir point dit l'esprit et le cœur ; car on n'entend que ces mots dans les conversations de Babylone, on ne voit que des livres où il est question du cœur et de l'esprit, composés par des gens qui n'ont ni de l'un ni de l'autre
, Voltaire, Zadig, 15.Bon esprit, un esprit qui a les qualités requises.
Il a un bon esprit ; il sait bien ce qu'il sait
, Sévigné, 548.Le bon esprit consiste à retrancher tout discours inutile et à dire beaucoup en peu de mots
, Fénelon, Éduc. filles, ch. 9.Elle savait que le bon esprit consiste à se conformer à sa situation
, Voltaire, Princ. de Babyl. 4.Il y a bien loin du grand talent au bon esprit
, Voltaire, Lett. la Touraille, 12 mai 1766.Votre esprit est vif et curieux, C'est le bon esprit à votre âge
, Saint-Lambert, à Mlle ***.Avoir le bon esprit de, être assez raisonnable pour. Il eut, dans cette affaire, le bon esprit de céder.
Avoir l'esprit bien fait, avoir un bon esprit.
Il a l'esprit bien fait
, Sévigné, 286.La nièce aura l'esprit mieux fait que le neveu
, Regnard, Légat. III, 6. En un autre sens, il a l'esprit bien fait, il ne se fâche pas des contrariétés, des plaisanteries.Esprit faux, esprit qui ne sait pas démêler l'erreur d'avec la vérité.
Les plus grands génies peuvent avoir l'esprit faux sur un principe qu'ils ont reçu sans examen : Newton avait l'esprit très faux quand il commentait l'Apocalypse
, Voltaire, Dict. phil. Esprit, VI.Un esprit faux est un esprit très borné : c'est un esprit qui n'a pas contracté l'habitude d'embrasser un grand nombre d'idées ; vous voyez par là qu'il doit souvent en laisser échapper les rapports
, Condillac, Art d'écr. I, 1.Le caractère de l'esprit juste, c'est d'éviter l'erreur, en évitant de porter des jugements ; il sait quand il faut juger, l'esprit faux l'ignore et juge toujours
, Condillac, ib.Esprit particulier, se dit parmi les protestants, de la connaissance que chacun peut avoir sur le véritable sens des Écritures et des dogmes.
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14L'esprit humain, l'esprit de l'homme en général.
Lorsque j'ai voulu descendre aux choses qui étaient plus particulières, il s'en est tant présenté à moi de diverses, que je n'ai pas cru qu'il fût possible à l'esprit humain de distinguer les formes ou espèces de corps qui sont sur la terre, si ce n'est qu'on vienne au-devant des causes par les effets et qu'on se serve de plusieurs expériences particulières
, Descartes, Méth. VI, 3.Si l'esprit humain est si peu de chose, même lorsqu'il s'agite et qu'il cherche la vérité, que sera-ce lorsqu'il s'abandonne au poids de son corps et qu'il n'agit presque que par les sens ?
Nicole, Ess. mor. 1er traité, ch. 10.L'esprit humain a son enfance et sa virilité ; plût au ciel qu'il n'eût pas aussi son déclin, sa vieillesse et sa caducité !
Diderot, Opin. des anc. phil. (éclectisme). -
15En un sens plus particulier que celui d'ensemble des facultés intellectuelles, vivacité d'esprit qui fait trouver des saillies piquantes, des mots spirituels, des aperçus ingénieux. Il n'y a point d'esprit dans ce livre. Traits d'esprit.
Vous avez de l'esprit si vous n'avez du cœur
, Corneille, Nicom. III, 4.Peu d'esprit avec de la droiture ennuie moins à la longue que beaucoup d'esprit avec du travers
, La Rochefoucauld, Max. 502.Eh ! mon Dieu, il y en a beaucoup que le trop d'esprit gâte, qui voient mal les choses à force de lumière, et même qui seraient bien fâchés d'être de l'avis des autres pour avoir la gloire de décider
, Molière, Crit. 6.Ah ! certes, le détour est d'esprit, je l'avoue
, Molière, Femmes sav. I, 4.Nul n'aura de l'esprit, hors nous et nos amis
, Molière, ib. III, 2.C'est un homme qui me paraît avoir de l'esprit
, Sévigné, 41.Je dînai avec des gens qui ont bien de l'esprit
, Sévigné, 423.À mesure qu'on a plus d'esprit, on trouve qu'il y a plus d'hommes originaux ; les gens du commun ne trouvent pas de différence entre les hommes
, Pascal, Pensées, t. I, p. 284, édit. LAHURE.Considérez la princesse, représentez-vous cet esprit qui, répandu par tout son extérieur, en rendait les grâces si vives
, Bossuet, Duch. d'Orl.Ceux qui se piquaient d'avoir de l'esprit
, Bossuet, Var. 9.Rire des gens d'esprit, c'est le privilége des sots ; ils sont dans le monde, ce que les fous sont à la cour, je veux dire sans conséquence
, La Bruyère, V.Il est moins rare de trouver de l'esprit que des gens qui se servent du leur, ou qui fassent valoir celui des autres et le mettent à quelque usage
, La Bruyère, II.Incapable de savoir jusqu'où l'on peut avoir de l'esprit, il croit naïvement que ce qu'il en a est tout ce que les hommes en sauraient avoir
, La Bruyère, ib.Mme de Longueville était alors dans cette grande piété où elle a fini ses jours, et l'on sait que dans l'un et dans l'autre temps de sa vie elle a fait un cas infini de l'esprit, non pas seulement de cet esprit qui rend un homme habile dans un certain genre et qui y est attaché, mais principalement de celui qu'on peut porter partout avec soi
, Fontenelle, Dodart.Son plus beau feu [de l'esprit] se convertit en glace Dès qu'une fois il luit hors de sa place, Et rien enfin n'est plus froid qu'un écrit Où l'esprit brille aux dépens de l'esprit
, Rousseau J.-B. Ép. II, 3.Qu'est-ce qu'esprit ? raison assaisonnée
, Rousseau J.-B. ib. I, 3.Son esprit [de Pellisson] lui servait non pas à en montrer, mais à en donner ; et l'on sortait d'avec lui, non pas persuadé qu'il eût plus d'esprit qu'un autre, mais se flattant d'en avoir pour le moins autant que lui
, D'Olivet, Hist. Acad. t. II, p. 285, dans POUGENS.Ce qu'on appelle esprit est tantôt une comparaison nouvelle, tantôt une allusion fine ; ici c'est l'abus d'un mot qu'on présente dans un sens et qu'on laisse entendre dans un autre ; là un rapport délicat entre deux idées peu communes ; c'est une métaphore singulière ; c'est une recherche de ce qu'un objet ne présente pas d'abord, mais de ce qui est en effet dans lui ; c'est l'art, ou de réunir deux choses éloignées, ou de diviser deux choses qui paraissent se joindre, ou de les opposer l'une à l'autre ; c'est celui de ne dire qu'à moitié sa pensée pour la laisser deviner ; enfin je vous parlerais de toutes les différentes façons de montrer de l'esprit, si j'en avais davantage
, Voltaire, Dict. phil. Esprit, I.Loin que j'aie reproché à Voiture d'avoir mis de l'esprit dans ses lettres, j'ai trouvé, au contraire, qu'il n'en avait pas assez, quoiqu'il le cherchât toujours
, Voltaire, ib.Au peu d'esprit que le bonhomme avait, L'esprit d'autrui par supplément servait
, Voltaire, Pauvre diable.L'esprit qu'on veut avoir gâte celui qu'on a
, Gresset, Méch. IV, 7.On n'applaudit guère dans un cercle que le genre d'esprit que l'on croit avoir
, Genlis, Mme de Maintenon, t. I, p. 170, dans POUGENS.Faux esprit.
Le faux esprit est autre chose que de l'esprit déplacé ; ce n'est pas seulement une pensée fausse ; car elle pourrait être fausse, sans être ingénieuse ; c'est une pensée fausse et recherchée
, Voltaire, Dict. phil. Esprit, II.Avoir de l'esprit en argent comptant ou argent comptant, en montrer sans préparation et aussitôt que la circonstance l'exige.
Il [Panard] n'avait de l'esprit que quand il écrivait ; il ne l'avait point en argent comptant, comme disait M. de Marivaux
, Collé, Journal, t. III, p. 197.Avoir de l'esprit jusqu'au bout des doigts, faire paraître de l'esprit jusque dans les petites choses.
Avoir de l'esprit au bout des doigts, être adroit aux ouvrages de la main.
Faire de l'esprit, se fatiguer à montrer de l'esprit.
On dit de même courir après l'esprit.
Bureau d'esprit, se dit d'un salon qui passe pour recevoir des causeurs très spirituels.
PROVERBE
L'esprit court les rues, rien n'est plus commun que l'esprit, tout le monde se pique d'en avoir.Cet enfant a trop d'esprit, il ne vivra pas, se dit d'un enfant qui a beaucoup d'esprit, et, plus souvent, ironiquement, d'un enfant qui n'a guère de dispositions.
C'est dans le sens de ce dicton que la Fontaine a dit :
Cette réflexion embarrassant notre homme : On ne dort pas, dit-il, quand on a tant d'esprit,
† Fabl. IX, 4.Vive les gens d'esprit, se dit, soit sérieusement, soit en se moquant, des gens qui s'imaginent avoir trouvé un bon expédient.
On dit dans un sens analogue que l'amour fait venir l'esprit aux filles.
Comment l'esprit vient aux filles
, La Fontaine, Titre d'un de ses contes.Et mort de ma vie, madame, ce n'est pas l'esprit qui donne de l'amour ; c'est l'amour qui fait venir de l'esprit
, Dancourt, la Parisienne, sc. 7. -
16En particularisant autrement esprit pris au sens d'âme, les sentiments de l'âme.
Ton esprit amoureux n'aura-t-il point d'ombrage ?
Corneille, Cid, II, 3.Votre amour en tous deux fait ce combat d'esprits
, Corneille, Cinna, II, 1.Depuis que mon esprit est capable de flamme, Jamais un trouble égal n'a confondu mon âme
, Corneille, Méd. I, 2.Ah ! cruels déplaisirs à l'esprit d'une amante
, Corneille, Cid, IV, 3.Ce que j'ai dans l'esprit, je ne le puis celer
, Corneille, Gal. du palais, II, 9.Ne vous entr'appeler que mon âme et ma vie, C'est montrer que tous deux vous n'avez qu'une envie, Et que d'un même trait vos esprits sont blessés
, Corneille, Veuve, I, 3.Madame, puissiez-vous lire dans mon esprit ; Vous verriez jusqu'où va ma pure obéissance
, Corneille, ib. I, 3.Ainsi que la naissance, ils ont les esprits bas
, Corneille, Pomp. IV, 2.Ainsi, de vos désirs toujours reine absolue, Les plus grands changements vous trouvent résolue ; De la plus forte ardeur vous portez vos esprits Jusqu'à l'indifférence et peut-être au mépris
, Corneille, Poly. II, 2.Changer d'esprit, changer de sentiment, de disposition.
Avec votre jalouse elle a changé d'esprit ; Et je l'avais laissée à l'hymen toute prête
, Corneille, Perth. III, 3.Le temps, qui change tout, a changé mes esprits
, Voltaire, Oreste, I, 5. -
17Humeur, caractère. Un esprit remuant, turbulent, inquiet, brouillon. Un esprit souple, volage, faible.
Je ne suis point d'humeur à vouloir contre vous Faire éclater, madame, un esprit trop jaloux
, Molière, Sgan. 22. -
18Bel esprit, la culture des belles-lettres, de la littérature.
Et pour l'homme au sonnet qui s'est jeté dans le bel esprit et veut être auteur malgré tout le monde
, Molière, Mis. v, 4.Ô vous donc qui, brûlant d'une ardeur périlleuse, Courez du bel esprit la carrière épineuse
, Boileau, Art poet. I.Le faux bel esprit tient de plus près qu'on ne croit à la barbarie
, D'Alembert, Éloges, Terrasson.Un bel esprit, de beaux esprits, ceux qui se distinguent par l'élégance et la délicatesse, parfois affectées.
Il [Boisrobert proposant à Balzac de le mettre de l'Académie française nouvellement créée] me parlait seulement, en termes vagues et généraux, d'une académie des beaux esprits, et m'ordonnait d'écrire une lettre pour demander d'y être reçu
, Guez de Balzac, Lett. à Conrart, 2 nov. 1653.L'ambition de passer pour bel esprit
, Hamilton, Gramm. 6.Une femme bel esprit, une femme qui a des prétentions aux connaissances qui constituent le bel esprit.
Une femme bel esprit est le fléau de son mari, de ses enfants, de ses amis, de ses valets, de tout le monde
, Rousseau, Émile, V. Esprit, absolument, pour bel esprit.Le duc de Charost fut attrapé par une madame Martel, vieille bourgeoise de Paris, qui était un esprit et qui voyait assez bonne compagnie
, Saint-Simon, 221, 241.Le vieux Caderousse avait fait l'esprit et l'important, puis le dévot
, Saint-Simon, 383, 169.Il [Louis XIV] préférait la soumission aux lumières, et disait quelquefois qu'il craignait les esprits
, Duclos, Règne de Louis XIV, Œuvres, t. v, p. 175, édit. DELAUNAY. -
20Il se dit des personnes considérées par rapport au caractère de leur esprit.
Les esprits généreux jugent tout par eux-mêmes
, Corneille, Théod. IV, 1.Et ces esprits légers, approchant des abois, Pourraient bien se dédire une seconde fois
, Corneille, Nicom. IV, 2.Faites quelque indulgence à de jeunes esprits
, Rotrou, Antig. v, 4.Tout ce que vous avez été durant vos jours, C'est-à-dire un esprit chaussé tout à rebours
, Molière, l'Étour. II, 14.Un de ces esprits remuants et audacieux qui semblent être nés pour changer le monde ; que le sort de tels esprits est hasardeux, et qu'il en paraît dans l'histoire à qui leur audace a été fatale !
Bossuet, Reine d'Anglet.Mais je ne puis souffrir qu'un esprit de travers, Qui, pour rimer des mots, pense faire des vers, Se donne en te louant une gêne inutile
, Boileau, Disc. au roi.Je sais qu'un noble esprit peut sans honte et sans crime Tirer de son travail un tribut légitime
, Boileau, Art p. IV.L'honneur seul peut flatter un esprit généreux
, Racine, Esth. II, 5.Ciel ! verra-t-on toujours par de cruels esprits Des princes les plus doux l'oreille environnée ?
Racine, Esth. III, 4.Il y a des esprits, si j'ose le dire, inférieurs et subalternes qui ne semblent faits que pour être le recueil, le registre ou le magasin de toutes les productions des autres génies
, La Bruyère, I.Pour trois ou quatre esprits mal timbrés, de travers, N'allez pas, emporté d'une critique vaine, Faire ici le procès à la nature humaine
, Regnard, Épît. I.Il est de ces esprits favorisés des cieux Qui sont tout par eux-même et rien par leurs aïeux
, Voltaire, Fanat. I, 4.Personne ne conviendra que tous les esprits soient également propres aux sciences, et ne diffèrent que par l'éducation
, Voltaire, Lett. Gallitzin, 19 juin 1773.Un grand esprit, un homme dont les pensées ont étendue, portée, profondeur, non sans générosité d'âme.
Il y a bien de la différence entre un bel esprit, un grand esprit et un bon esprit
, Fénelon, t. XVIII, p. 35.Un bon esprit, un homme qui juge, apprécie sainement.
Communiquer au public le peu que j'aurais trouvé, et convier les bons esprits à tâcher de passer plus outre, en contribuant, chacun selon son inclination et son pouvoir, aux expériences qu'il faudrait faire
, Descartes, Méth. VI, 2.Mais les meilleurs esprits font des fautes extrêmes
, Tristan, Mariane, v, 3.C'est un bon esprit qui ne se mettra pas au bien à demi
, Bossuet, Lett. abb. 144.Un bon esprit n'est pas autant qu'un autre le maître de penser comme il voudrait
, Fontenelle, Saurin.Je vis qu'un bon esprit peut suffire à tout ; notre grand Locke était médecin ; il fut le seul métaphysicien de l'Europe, et il rétablit les monnaies de l'Angleterre
, Voltaire, Jenni, 4.Un petit esprit, un homme dont les pensées sont dépourvues d'étendue, de portée.
À peine les petits esprits ont-ils appris quelque chose qu'ils croient tout savoir, et il n'y a sorte de sottise que cette persuasion ne leur fasse dire et faire
, Rousseau, Rép. au roi de Pologne.Un esprit fort, celui qui affecte de se mettre au-dessus des opinions reçues, surtout en matière religieuse.
Qui font les esprits forts, parce qu'ils croient que cela leur sied bien
, Molière, Fest. I, 2.Les esprits forts savent-ils qu'on les appelle ainsi par ironie ? quelle plus grande faiblesse que d'être incertain quel est le principe de son être, de sa vie, de ses sens, de ses connaissances, et quelle en doit être la fin ?
La Bruyère, XVI.Ceux qui se donnaient pour esprits forts dans le monde
, Massillon, Car. Doutes. -
21Opinions, sentiments communs à un certain nombre de personnes et aux grands corps. L'esprit de famille. L'esprit de parti. L'esprit républicain. L'esprit monarchique.
Qu'à la cour je m'engage, Je n'en ai pas l'esprit ainsi que le courage
, Régnier, Sat. III.Il ne sort jamais aucun ouvrage de chez nous [jésuites] qui n'ait l'esprit de la société
, Pascal, Prov. 9.L'Église distribue des grâces toute l'année, en diverses saisons, et la dévotion des fidèles devrait être de suivre son esprit, comme les êtres naturels ne manquent jamais de suivre l'esprit général qui règle le cours de toute la machine du monde
, Nicole, Ess. de mor. 3e traité, ch. 7.Il prend l'esprit des lieux où il est
, Sévigné, 336.L'esprit de l'Église n'est pas de vous décharger de la croix
, Massillon, Car. Jeûne.De l'esprit de parti je sais quelle est la rage
, Voltaire, Tancr. III, 3.Esprit d'un corps, d'une société, s'emploie pour exprimer les usages, la manière de parler, de se conduire, les préjugés d'un corps ; esprit de parti est à l'esprit d'un corps ce que sont les passions aux sentiments ordinaires
, Voltaire, Dict. phil. Esprit, II.L'esprit est bon, l'esprit est mauvais, se dit des dispositions bonnes ou mauvaises d'une population, de la troupe, d'une ville, etc. À l'égard du gouvernement.
Esprit de corps, attachement des membres d'une corporation aux opinions, aux intérêts, aux droits de la compagnie, à l'honneur d'un corps de troupes, etc.
L'esprit des corps porte malheur aux meilleurs esprits
, D'Alembert, Lett. à Volt. 14 juillet 1767.Admis enfin, aurai-je lors, Pour tout esprit, l'esprit de corps ? Il rend le bon sens, quoi qu'on dise, Solidaire de la sottise
, Béranger, l'Acad. et le Caveau.La plupart arrivaient par détachements, formés en bataillons provisoires, sous des officiers nouveaux pour eux, qu'ils devaient quitter au premier jour, sans aiguillon de discipline, d'esprit de corps ni de gloire, et traversant un sol dévoré que la saison et le climat allaient rendre chaque jour plus nu et plus rude
, Ségur, Hist. de Napol. VI, 10.Esprit public, opinion qui se forme dans une nation sur les objets qui l'intéressent.
Anglais, dont on nous vante ici l'esprit public, ayant fait le mot, vous avez la chose sans doute…
, Courier, Lett. X.Bureau d'esprit public, salon, réunion dont les habitués paraissent avoir la prétention de diriger l'opinion en fait de politique.
Bureau de l'esprit public, s'est dit d'une division du ministère de l'intérieur ou de la police où l'on s'occupe de faire ou de diriger l'esprit public par des pièces de théâtre, des fêtes, par la presse, etc.
Esprit national, général, social, les opinions, les dispositions qui dominent dans une nation.
Les lois sont établies, les mœurs sont inspirées ; celles-ci tiennent plus à l'esprit général, celles-là tiennent plus à une institution particulière ; or il est aussi dangereux, et plus, de renverser l'esprit général que de changer une institution particulière
, Montesquieu, Esp. XIX, 12.Il faudrait que l'effet pût devenir la cause ; que l'esprit social, qui doit être l'ouvrage de l'institution, présidât à l'institution même
, Rousseau, Contrat, II, 7.On dit dans un sens analogue l'esprit du siècle.
Esprit du monde, habitudes de politesse et de ménagement.
L'esprit du monde est un esprit de souplesse et de ménagement
, Massillon, Myst. Pentecôte. -
22Les esprits, les hommes d'un état, d'un corps, d'une assemblée, considérés par rapport aux dispositions collectives qui les animent. Les esprits étaient irrités. Calmer les esprits.
Cette fureur mit la compassion Dans les esprits d'une autre nation [les pigeons] Au cou changeant, au cœur tendre et fidèle
, La Fontaine, Fabl. VII, 8.Exercé dans la connaissance des hommes et dans l'art de manier les esprits, le cardinal d'Estrées en fit un usage heureux dans plusieurs conclaves
, D'Alembert, Éloges, Card. d'Estrées. -
23Principes, motifs, impulsions, tendances, d'après lesquels on se dirige. L'esprit d'une législation.
Je crois pouvoir dire qu'un maître qui voudrait être honoré et servi, comme ayant en lui-même une autre puissance que celle de Dieu, serait un démon ; et que ceux qui le serviraient dans cet esprit seraient des idolâtres
, Malebranche, Rech. vér. Éclairc. liv. VI, t. IV, p. 331, dans POUGENS.Et dans tout ce qu'il dit De vous et de Joad je reconnais l'esprit
, Racine, Athal. II, 7.Comprends l'esprit de Rome et connais le sénat
, Voltaire, Brutus, v, 2.L'esprit de Mahomet par ma bouche a parlé
, Voltaire, Fanat. II, 2.L'esprit de la monarchie est la guerre et l'agrandissement ; l'esprit de la république est la paix et la modération
, Montesquieu, Esp. IX, 2.Plusieurs choses gouvernent les hommes : le climat, la religion, les lois, les maximes du gouvernement, les exemples des choses passées, les mœurs, les manières ; d'où il se forme un esprit général qui en résulte
, Montesquieu, ib. XIX, 4.Des lois dont l'esprit généreux Aguerrit aux dangers ce peuple valeureux
, Lemierre, Barnevelt, I, 2.Avoir l'esprit de son état, de son âge, connaître et pratiquer ce qui convient à son état, à son âge.
Qui n'a pas l'esprit de son âge, De son âge a tout le malheur
, Voltaire, dans le Dict. de BESCHERELLE.Entrer dans l'esprit de son rôle, jouer un rôle comme il doit être joué.
Dans l'esprit de, dans l'intention de.
Tout le monde était nourri dans l'esprit d'observer les lois
, Bossuet, Hist. III, 3.Il nourrit ce peuple dans l'esprit de tout entreprendre
, Bossuet, ib. III, 7.Enfin dans l'esprit de contenter ceux…
, La Bruyère, Disc. s. Théophr.M. d'Amiens dit au P. de la Chaise qu'il n'avait acheté une charge d'aumônier que dans l'esprit de se faire évêque
, Saint-Simon, 46, 25.Esprit de retour, le désir qu'une personne éloignée de son pays a d'y retourner. S'établir aux colonies sans esprit de retour.
Esprit de retour, se dit aussi de certains animaux à demi domestiques qui vont et qui viennent, notamment les pigeons et les abeilles ; ils appartiennent à leur propriétaire, même étant hors de chez lui, tant qu'ils n'ont pas perdu l'esprit de retour.
-
24Esprit de, se dit pour caractériser la force avec laquelle un sentiment, une passion, une idée agissent.
Ils [les papes] n'usent pas de domination ; mais l'esprit qui paraît en toute leur conduite est celui de paix et de vérité
, Pascal, Prov. 18.La chute serait trop horrible, de tomber dans une réforme où l'esprit d'illusion domine si fort
, Bossuet, Var. XIII, § 36.Dieu, notre dieu sans doute, a versé dans son cœur Cet esprit de douceur
, Racine, Esth. II, 9.Répandre cet esprit d'imprudence et d'erreur De la chute des rois funeste avant-coureur
, Racine, Athal. I, 2.Elle répandait au dedans de lui l'esprit de sagesse
, Fénelon, Tél. XI.Tant un esprit d'emportement et de fureur avait alors saisi toute la nation et même les premiers magistrats des Étoliens
, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. VIII, p. 351, dans POUGENS.Ces grâces qui minent la force des lois et qui achèvent d'épuiser ces esprits primitifs d'ordre et de régularité qui…
, Massillon, Or. fun. Villars.On vient recueillir, même sur de viles cendres, des esprits de grandeur et d'élévation
, Massillon, Or. fun. Villeroy.Nous l'allons voir … répandre sur la contrée de sa dépendance des esprits de foi et religion
, Massillon, Panég. St François.De leur esprit de rage ils ont su m'animer
, Voltaire, Triumv. IV, 3.L'esprit de système est dans la physique ce que la métaphysique est dans la géométrie
, D'Alembert, Introd. précess. équin. Œuvres, t. XIV, p. 45, dans POUGENS.Cet esprit de tyrannie et d'oppression qui n'estime dans la fortune que le moyen d'acheter des esclaves, et dans l'autorité que le droit odieux de faire trembler ou gémir
, Marmontel, Élém. de litt. t. VI, p. 49, dans POUGENS.L'esprit de la prière et de la solitude Qui plane sur les monts, les torrents et les bois…
, Lamartine, Harm. I, 11.Esprit de vertige, état d'égarement, d'erreur, de fascination.
-
25Aptitude, disposition. Il a l'esprit des affaires, du commerce. L'esprit de chicane. L'esprit mathématique.
Il [Leibnitz] réunissait deux grandes qualités presque incompatibles, l'esprit d'invention et celui de méthode
, Diderot, Opin. des anc. philos. (Leibnitzianisme).Le genre d'esprit qui fait chercher et trouver des routes nouvelles est encore plus rare que le talent de l'invention, avec lequel il ne faut pas le confondre
, Condorcet, Margraaf.L'esprit de commerce est un esprit d'intérêt, et l'intérêt produit toujours la division
, Raynal, Hist. phil. II, 23.Ses projets portaient l'empreinte du génie, et l'esprit de détail qu'il avait supérieurement ne rétrécissait pas ses vues
, Raynal, ib. IV, 20. -
26Le sens d'un auteur, d'un texte, etc. Ils n'ont pas saisi l'esprit de ce poëte. Ils ont faussé l'esprit de la loi.
Voici quel est l'esprit de notre contrat
, Patru, Plaid. 3, dans RICHELET.Ils ne font que prendre le vrai esprit de la réforme
, Bossuet, Avert. 6.Prenez l'esprit et l'intention des promesses de Jésus-Christ
, Bossuet, Instr. 2.L'esprit des grands écrivains doit se chercher non dans un passage seul, qui pourrait n'être qu'une faute d'impression, mais dans l'usage constant et uniforme auquel nous les voyons attachés partout ailleurs
, D'Olivet, Ess. gramm. I, 2.Le caractère d'un auteur. Il a voulu imiter cet auteur, mais il n'en a pas saisi l'esprit.
La lettre tue et l'esprit vivifie, c'est-à-dire il faut s'attacher au sens même, non aux mots.
-
27Choix de pensées extraites d'un auteur. L'Esprit de Montesquieu, de Voltaire.
Dans ce siècle où l'on a mis le nom d'Esprit à la tête de tant d'ouvrages qui souvent démentent leur titre, la plupart de nos compilations périodiques pourraient être intitulées, l'Esprit des ignorants et des sots
, D'Alembert, Éloges, L. Cousin. -
28Aigrette de plumes que les femmes mettent dans leur coiffure.
Puis des dentelles, des fleurs, un esprit, une aigrette
, Picard, Manie de briller, III, 10. - 29Tulle point d'esprit, voy. POINT.
SYNONYME
1. OUVRAGE DE L'ESPRIT, OUVRAGE D'ESPRIT., Tout ce que les hommes inventent dans les sciences et dans les arts est un ouvrage de l'esprit. Les compositions des gens de lettres sont des ouvrages d'esprit.
2. ESPRIT FAUX, FAUX ESPRIT., Un esprit faux est un esprit qui ne sait pas discerner la vérité de l'erreur. Le faux esprit consiste en pensées fausses et recherchées.
3. ESPRIT, GÉNIE., Quand l'esprit s'oppose au génie, il est toujours pris, dans le sens du n° 15, pour cette disposition qui fait saisir vivement des rapports que tout le monde n'aperçoit pas ; le génie indique alors quelqu'une de ces grandes créations dans les sciences ou les arts qui honorent une nation, une époque. Entre l'esprit et le génie, Malgré ce qu'ils ont de pareil, La différence est infinie ; Un éclair n'est pas le soleil
, Pons, (de Verdun).
HISTORIQUE
XIIe s. Fus [feu], gresille, neif, glace, espiriz de tempestez
, Liber psalm. p. 229. Sainz Thomas returna ; si s'assist sur sun lit, Devint tels cum s'il fust tres tut en esperit
, Th. le mart. 143. Et quant li espirs moi present trespassevet [passait devant moi]
, Job, 483.
XIIIe s. Que du pere et du fils et du saint esperite…
, Berte, LIV.
XIVe s. La nutrition et digestion se fait mieux en dormant, car les espriz et la chaleur sont retraiz dedens
, Oresme, Eth. 30.
XVe s. Car ils n'estoient ni angels ni esprits, mais hommes
, Froissart, II, II, 106. Trop de gens sont qui honourent l'abit Et ne tiennent compte de esperit
, Deschamps, L'habit ne fait pas l'homme. Dieu Pere et fils et saint Esprit, Sauve et gars ceste compaignie
, Mart. de St Étienne. Cela allege le cuer et le reconforte [de se confier à un ami], et les esperitz reviennent en leur vertu pour parler en ung conseil ou prendre autre labeur
, Commines, v, 5. Esprit subtil, à besoing, vaut digeste
, Faifeu, p. 72.
XVIe s. Pour gouverner les esperitz loyaux
, Marot, I, 162. Car je suis tant, ô Pan, de deuil espris Que presque suis hors de tous mes esprits
, Marot, I, 310. Tranquillité d'esprit
, Montaigne, I, 219. Androclus ayant repris ses espritz
, Montaigne, I, 193. L'on disoit qu'il y revenoit des espritz, et y apparoissoit des fantosmes
, Amyot, Solon, 19. Rendre l'esprit
, Amyot, Arist. 41. Une femme de Syrie nommée Marthe, que l'on disoit avoir l'esprit de prophetie
, Amyot, Marius, 29. Par iceulx [nerfs] influe l'esprit animal en toutes les parties du corps humain
, Amyot, Moral. épît. p. 7. De la maniere de distiller l'eau de vie, appelée l'ame ou l'esprit de vin
, Paré, XXVI, 8. On ouvre mieulx l'esprit qu'on ne le clost
, Génin, Récréat. t. II, p. 246. Si est-ce sans le corps qu'il [l'homme] seroit ocieux… L'esprit incorporé devient ingenieux
, Ronsard, 251. Les ungz le disoyent estre inspiré du saint esprit, et les aultres le disoyent estre inspiré des espritz du cellier
, Palsgrave, p. 537. L'esprit foible ne sait pas posseder la science, s'en escrimer, et s'en servir comme il faut
, Charron, Sagesse, Préf. de la 2e édit.
SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE
ESPRIT.
4° Ajoutez : Un Saint-Esprit, voy. SAINT, n° 4.
20° Esprit fort. Ajoutez :
Esprit fort, s'est dit de ceux qui faisaient opposition au roi. Ces gens qu'on appelle esprits forts, parce qu'ils sont toujours contre le roi
, Mme de Motteville, Mém. p. 239.
Encyclopédie, 1re édition (1751)
ESPRIT, s. m. terme de Grammaire greque, Le mot esprit, spiritus, signifie dans le sens propre un vent subtil, le vent de la respiration, un soufle. En termes de Grammaire greque, on appelle esprit, un signe particulier destiné à marquer l’aspiration comme dans l’article ὁ, le, ἡ, la. On prononce ho, hé, comme dans hotte, héros, ce petit ῾ qu’on écrit sur la lettre, est appellé esprit rude.
L’esprit des Grecs répond parfaitement à notre H ; car comme nous avons une h aspirée que l’on fait sentir dans la prononciation, comme dans haine, héros, & que de plus nous avons une h qu’on écrit, mais qu’on appelle muette, parce qu’on ne la prononce point, comme dans l’homme, l’heure, de même en grec il y a esprit rude qu’on prononce toujours, & il y a esprit doux qu’on ne prononce jamais. Nous avons dit que l’esprit rude est marqué comme un petit ῾ qu’on écrit sur la lettre ; ajoutons que l’esprit doux est marqué par une petite virgule ᾿ ; ainsi l’esprit rude est tourné de gauche à droite ῾, & le doux de droite à gauche ᾿.
Que nos h soient aspirées ou qu’elles ne le soient pas, il n’y a aucun signe qui les distingue ; on écrit également par h le héros & l’héroïne, mais les Grecs distinguoient l’esprit rude de l’esprit doux : je trouve que les Italiens sont encore plus exacts, car ils ne prennent pas la peine d’écrire l’h qui ne marque aucune aspiration ; homme, uomo ; les hommes, uomini ; philosophe, filosofo ; rhétorique, rettorica ; on prononce les deux t.
L’esprit rude étoit marqué autrefois par h, eta, qui est le signe de la plus forte aspiration des Hébreux, comme l’h en latin & en françois est la marque de l’aspiration. Ainsi ils écrivirent d’abord ηεκατον, dit la Méthode de Port royal, & dans la suite ils ont écrit ἑκατὸν en marquant l’esprit sur l’e.
La même méthode observe, page 23, que les deux esprits sont des restes de h qui a été fendue en deux horisontalement, en sorte qu’une partie c a servi pour marquer l’esprit rude, & l’autre c pour être le signe de l’esprit doux.
Le mécanisme des organes de la parole a souvent changé l’esprit rude, & même quelque fois le doux en s ou en v. Ainsi de ὑπὲρ, dessus, on a fait super ; de ὑπὸ, dessous, on a fait sub ; de oἶνος, vinum ; de ἴς, vis ; de ἅλς, sal ; de ἑπτὰ, septem ; de ἕξ, sex ; de ἥμισυς, semis ; de ἕρπω, serpo. (F)
Esprit, mens, s. f. (Métaphys.) un être pensant & intelligent. Voyez Pensée, &c.
Les philosophes chrétiens reconnoissent généralement trois sortes d’esprits, Dieu, les anges, & l’esprit humain.
Car l’être pensant est ou fini ou infini : s’il est infini, c’est Dieu ; & s’il est fini, ou bien il n’est joint à aucun corps, ou bien il est joint à un corps : dans le premier cas c’est un ange, dans le second c’est une ame. Voyez Dieu, Ange & Ame.
On définit avec raison l’esprit humain, une substance pensante & raisonnable. Comme pensante, elle est distinguée du corps, & comme raisonnable, ou plutôt raisonnante, elle est distinguée de Dieu & des anges, qu’on suppose voir les choses intuitivement, c’est-à-dire sans avoir besoin d’aucune déduction ou raisonnement. Voyez Raisonnement & Jugement.
Esprit signifie aussi un être incorporel. Dans ce sens on dit Dieu est un esprit, le démon est un esprit de ténebres. Le pere Malebranche remarque qu’il est extrèmement difficile de concevoir ce qui pourroit faire la communication entre un corps & un esprit ; car, dit-il, si l’esprit n’a point de parties matérielles, il ne peut pas mouvoir le corps : mais cet argument est faux par les conséquences qui en résultent ; car nous croyons que Dieu peut mouvoir les corps, & cependant nous n’admettons en lui aucunes parties matérielles. Chambers. Voyez Evidence.
Esprit, en Théologie. C’est le nom qu’on donne par distinction à la troisieme personne de la sainte Trinité qu’on appelle l’Esprit, le Saint-Esprit. Voyez Trinité, Personne.
Les Macédoniens ont nié la divinité du Saint-Esprit, les Ariens ont soûtenu qu’il n’étoit pas égal au pere, & les Sociniens nient son existence. Mais l’Ecriture, la tradition & les décisions de l’Église établissent uniformément les trois dogmes contraires à ces erreurs.
Le Saint-Esprit procede du pere & du fils comme d’un seul & même principe, ainsi que l’ont enseigné les peres, & qu’il a été défini au concile général de Lyon sous Grégoire X. contre les Grecs qui nioient que le Saint-Esprit procédât du fils ; & c’étoit un des prétextes de leur schisme sous Michel Cérularius ; cependant ils reconnurent ce dogme dans la réunion qui se fit au concile de Florence.
Les Théologiens expliquent la maniere avec laquelle le Saint-Esprit est produit de toute éternité par la spiration active du pere & du fils. C’est de-là que lui vient le nom d’esprit, spiritus, quasi spiratus. Voyez Spiration.
Ils se servent aussi du mot esprit pour signifier la vertu & la puissance divine, & la maniere dont elle se communique aux hommes. C’est en ce sens qu’il est dit, Genese, chap. j. v 2, que l’esprit étoit répandu sur la surface de l’abysme, que les prophetes ont été inspirés par l’esprit de Dieu. C’est aussi dans ce sens qu’on dit que la providence divine est cet esprit universel par lequel Dieu fait agir toute la nature, & que le corps de Jesus-Christ a été formé dans le sein d’une vierge par l’opération du Saint-Esprit.
On donne encore le nom d’esprit aux substances créées & immatérielles connues sous celui d’anges & de démons. Les premiers sont appellés esprits célestes, esprits bienheureux, on appelle les autres les esprits de ténebres. (G)
Esprit Particulier, spiritus privatus, terme célebre dans les disputes de religion des deux derniers siecles. Il signifie le sentiment particulier & la notion que chacun a sur les dogmes de la foi & sur le sens des écritures, suivant ce qui lui est suggéré par ses propres pensées & par la persuasion dans laquelle il est par rapport à ces matieres.
Les premiers réformateurs niant qu’il y eût aucun interprete infaillible des Ecritures ni aucun juge des controverses, soûtinrent que chacun pouvoit interpreter & porter son jugement des vérités revélées, en suivant ses propres lumieres assistées de la grace de Dieu ; & c’est ce qu’ils appellent esprit ou jugement particulier. C’étoit lâcher la bride au fanatisme : aussi sans parler des variations innombrables que cette opinion a introduites parmi les prétendus-reformés, elle a donné naissance au Socinianisme & à plusieurs sectes également dangereuses ausquelles les reformés ont fourni des armes dont ils ne peuvent eux-mêmes parer les coups. En effet, de quelle autorité Calvin faisoit-il brûler Servet à Geneve, si l’esprit particulier étoit le seul interprete des Ecritures ? quelle certitude avoit-il de les entendre mieux que cet anti-trinitaire ? Voyez Tolérance.
Les Catholiques au contraire prétendent que les vérités revélées étant unes & les mêmes pour tous les fideles, la regle que Dieu nous a donnée pour en juger doit nous les représenter d’une maniere uniforme, ce qui ne se peut faire que par la voie d’autorité qui réside dans l’Église ; au lieu que l’esprit particulier sur le même point de doctrine inspire Luther d’une façon, & Calvin d’une autre. Il divise Œcolampade, Bucer, Osiandre, &c. & la doctrine qu’il découvre aux partisans de la confession d’Augsbourg, est diamétralement opposée à celle qu’il enseigne aux Anabaptistes, aux Mennonites, &c. sur le même passage de l’écriture. C’est un argument ad hominem auquel les protestans n’ont jamais répondu rien de solide. (G)
Esprit, (Saint-) Ordre du Saint-Esprit, (Hist. mod.) est un ordre militaire établi en France sous le nom d’ordre & milice du Saint-Esprit, le 31 Décembre 1578, par Henri III. en mémoire de trois grands évenemens arrivés le jour de la Pentecôte & qui le touchoient personnellement ; savoir sa naissance, son élection à la couronne de Pologne, & son avenement à celle de France. L’ordre du Saint-Esprit doit n’être composé que de cent chevaliers, qui sont obligés pour y être admis de faire preuve de trois races.
Le roi est grand-maître de cet ordre, & prête en cette qualité serment le jour de son sacre, de maintenir toûjours l’ordre du Saint-Esprit ; de ne point souffrir, autant qu’il sera en son pouvoir, qu’il tombe, ou diminue, ou qu’il reçoive la moindre altération dans aucun de ses principaux statuts.
Tous les chevaliers portoient autrefois une croix d’or au cou, pendant à un ruban de couleur bleu céleste : maintenant elle est attachée sur la hanche au bas d’un large cordon bleu en baudrier. Tous les officiers & commandeurs portent toûjours la croix cousue sur le côté gauche de leurs manteaux, robes, & autres habillemens de dessus.
Avant que de recevoir l’ordre du S. Esprit, ils reçoivent celui de S. Michel ; ce qui fait que leurs armes sont entourées de deux colliers ; l’un de S. Michel, composé d’SS & de coquilles entrelacées ; l’autre du S. Esprit, qui est formé de fleurs-de-lis d’or, d’où naissent des flammes & des bouillons de feu, & d’HH couronnées avec des festons & des trophées d’armes.
Parmi les chevaliers sont compris neuf prélats, qui sont cardinaux, archevêques, évêques, ou abbés, du nombre desquels est toûjours le grand-aumônier, & ils sont nommés commandeurs de l’ordre du Saint-Esprit. Henri III. avoit aussi projetté d’attribuer à chacun des chevaliers des commanderies ; mais son dessein n’ayant pas eu d’exécution, il assigna à chacun d’eux une pension de mille écus d’or, réduite depuis à 3000 liv. qui sont payées sur le produit du droit du marc d’or affecté à l’ordre. (G)
Esprit, (Saint-) Ordre du Saint-Esprit du droit Desir, (Hist. mod.) ordre de chevalerie institué à Naples dans le château de l’Œuf en 1352, par Louis d’Anjou dit de Tarente, prince du sang de France, roi de Jérusalem & de Sicile, & époux de Jeanne Ire reine de Naples. Les constitutions de cet ordre étoient en vingt-cinq chapitres, dont voici le préambule dans le style de ce tems-là : « Nous Loys, par la grace de Dieu roi de Jérusalem & de Sicile, allonneur du Saint-Esprit ; lequel jour par la grace nous fumes couronnés de nos royaumes, en essaucement de chevalerie & accroissement d’onneur, avons ordonné de faire une compagnie de chevaliers qui seront appellés les chevaliers du Saint-Esprit du droit desir, & les dits chevaliers seront au nombre de trois cents, desquels nous, comme trouveur & fondeur de cette compagnie, serons princeps, & aussi doivent être tous nos successeurs, rois de Jérusalem & de Sicile, &c. »
Mais la mort de ce prince sans laisser d’enfans, & les révolutions qui la suivirent, firent périr cet ordre presque dès sa naissance. On ne sait comment les constitutions en tomberent entre les mains de la république de Venise, qui en fit présent à Henri III. lorsqu’il s’en retournoit de Pologne en France. On dit que ce prince en tira l’idée & les statuts de l’ordre, qu’il institua ensuite sous le nom du Saint-Esprit ; & que pour ne pas perdre le mérite de l’invention, il remit ces constitutions du roi Louis d’Anjou au sieur de Chiverni, avec ordre de les brûler ; ce que celui-ci ayant cru pouvoir négliger sans préjudice de l’obéissance dûe à son souverain, elles se sont conservées dans sa famille, d’où elles avoient passé dans le cabinet du président de Maisons, & M. le Laboureur les a données au public dans ses additions aux mémoires de Castelnau. Mais en comparant ces statuts avec ceux qu’Henri III. fit dresser pour son nouvel ordre du Saint-Esprit, on n’y trouve aucune conformité qui prouve que ceux-ci soient une copie des premiers. (G)
Esprit, (Saint-) terme de Blason : Croix du Saint-Esprit, est une croix d’or à huit raies émaillées, chaque rayon pommeté d’or, une fleur-de-lis dans chacun des angles de la croix, & dans le milieu un Saint-Esprit ou colombe d’argent d’un côté, & de l’autre un Saint-Michel. La croix des prélats-commandeurs porte la colombe des deux côtés ; parce qu’ils n’ont que l’ordre du Saint-Esprit, & non celui de Saint-Michel. (G)
Esprit, (Philos. & Belles-Lettr.) ce mot, en tant qu’il signifie une qualité de l’ame, est un de ces termes vagues, auxquels tous ceux qui les prononcent attachent presque toûjours des sens différens. Il exprime autre chose que jugement, génie, goût, talent, pénétration, étendue, grace, finesse ; & il doit tenir de tous ces mérites : on pourroit le définir, raison ingénieuse.
C’est un mot générique qui a toûjours besoin d’un autre mot qui le détermine ; & quand on dit, voilà un ouvrage plein d’esprit, un homme qui a de l’esprit, on a grande raison de demander duquel. L’esprit sublime de Corneille n’est ni l’esprit exact de Boileau, ni l’esprit naïf de Lafontaine ; & l’esprit de la Bruyere, qui est l’art de peindre singulierement, n’est point celui de Malebranche, qui est de l’imagination avec de la profondeur.
Quand on dit qu’un homme a un esprit judicieux, on entend moins qu’il a ce qu’on appelle de l’esprit, qu’une raison épurée. Un esprit ferme, mâle, courageux, grand, petit, foible, leger, doux, emporté, &c. signifie le caractere & la trempe de l’ame, & n’a point de rapport à ce qu’on entend dans la société par cette expression, avoir de l’esprit.
L’esprit, dans l’acception ordinaire de ce mot, tient beaucoup du bel-esprit, & cependant ne signifie pas précisément la même chose : car jamais ce terme homme d’esprit ne peut être pris en mauvaise part, & bel-esprit est quelquefois prononcé ironiquement. D’où vient cette différence ? c’est qu’homme d’esprit ne signifie pas esprit supérieur, talent marqué, & que bel-esprit le signifie. Ce mot homme d’esprit n’annonce point de prétention, & le bel-esprit est une affiche ; c’est un art qui demande de la culture, c’est une espece de profession, & qui par-là expose à l’envie & au ridicule.
C’est en ce sens que le P. Bouhours auroit eu raison de faire entendre, d’après le cardinal du Perron, que les Allemands ne prétendoient pas à l’esprit ; parce qu’alors leurs savans ne s’occupoient guere que d’ouvrages laborieux & de pénibles recherches, qui ne permettoient pas qu’on y répandît des fleurs, qu’on s’efforçât de briller, & que le bel-esprit se mêlât au savant.
Ceux qui méprisent le génie d’Aristote au lieu de s’en tenir à condamner sa physique qui ne pouvoit être bonne, étant privée d’expériences, seroient bien étonnés de voir qu’Aristote a enseigné parfaitement dans sa rhétorique la maniere de dire les choses avec esprit. Il dit que cet art consiste à ne se pas servir simplement du mot propre, qui ne dit rien de nouveau ; mais qu’il faut employer une métaphore, une figure dont le sens soit clair & l’expression énergique. Il en apporte plusieurs exemples, & entre autres ce que dit Periclès d’une bataille où la plus florissante jeunesse d’Athenes avoit péri, l’année a été dépouillée de son printems. Aristote a bien raison de dire, qu’il faut du nouveau ; le premier qui pour exprimer que les plaisirs sont mêlés d’amertumes, les regarda comme des roses accompagnées d’épines, eut de l’esprit. Ceux qui le répéterent n’en eurent point.
Ce n’est pas toûjours par une métaphore qu’on s’exprime spirituellement ; c’est par un tour nouveau ; c’est en laissant deviner sans peine une partie de sa pensée, c’est ce qu’on appelle finesse, délicatesse ; & cette maniere est d’autant plus agréable, qu’elle exerce & qu’elle fait valoir l’esprit des autres. Les allusions, les allégories, les comparaisons, sont un champ vaste de pensées ingénieuses ; les effets de la nature, la fable, l’histoire présentes à la mémoire, fournissent à une imagination heureuse des traits qu’elle employe à-propos.
Il ne sera pas inutile de donner des exemples de ces différens genres. Voici un madrigal de M. de la Sabliere, qui a toûjours été estimé des gens de goût.
Eglé tremble que dans ce jour
L’hymen plus puissant que l’amour,
N’enleve ses thrésors sans qu’elle ose s’en plaindre.
Elle a négligé mes avis.
Si la belle les eût suivis,
Elle n’auroit plus rien à craindre.
L’auteur ne pouvoit, ce semble, ni mieux cacher ni mieux faire entendre ce qu’il pensoit, & ce qu’il craignoit d’exprimer.
Le madrigal suivant paroît plus brillant & plus agréable : c’est une allusion à la fable.
Vous êtes belle & votre sœur est belle,
Entre vous deux tout choix seroit bien doux ;
L’amour étoit blond comme vous,
Mais il aimoit une brune comme elle.
En voici encore un autre fort ancien ; il est de Bertaud évêque de Sées, & paroît au-dessus des deux autres, parce qu’il réunit l’esprit & le sentiment.
Quand je revis ce que j’ai tant aimé,
Peu s’en fallut que mon feu rallumé
N’en fît le charme en mon ame renaître,
Et que mon cœur autrefois son captif
Ne ressemblât l’esclave fugitif,
A qui le sort fit rencontrer son maître.
De pareils traits plaisent à tout le monde, & caractérisent l’esprit délicat d’une nation ingénieuse. Le grand point est de savoir jusqu’où cet esprit doit être admis. Il est clair que dans les grands ouvrages on doit l’employer avec sobriété, par cela même qu’il est un ornement. Le grand art est dans l’à-propos. Une pensée fine, ingénieuse, une comparaison juste & fleurie, est un défaut quand la raison seule où la passion doivent parler, ou bien quand on doit traiter de grands intérêts : ce n’est pas alors du faux bel-esprit, mais c’est de l’esprit déplacé ; & toute beauté hors de sa place cesse d’être beauté. C’est un défaut dans lequel Virgile n’est jamais tombé, & qu’on peut quelquefois reprocher au Tasse, tout admirable qu’il est d’ailleurs : ce défaut vient de ce que l’auteur trop plein de ses idées veut se montrer lui-même, lorsqu’il ne doit montrer que ses personnages. La meilleure maniere de connoître l’usage qu’on doit faire de l’esprit, est de lire le petit nombre de bons ouvrages de génie qu’on a dans les langues savantes & dans la nôtre.
Le faux-esprit est autre chose que de l’esprit déplacé : ce n’est pas seulement une pensée fausse, car elle pourroit être fausse sans être ingénieuse ; c’est une pensée fausse & recherchée. Il a été remarqué ailleurs qu’un homme de beaucoup d’esprit qui traduisit, ou plûtôt qui abrégea Homere en vers françois, crut embellir ce poëte dont la simplicité fait le caractere, en lui prétant des ornemens. Il dit au sujet de la réconciliation d’Achille :
Tout le camp s’écria dans une joie extrème,
Que ne vaincra-t-il point ? Il s’est vaincu lui-même.
Premierement, de ce qu’on a dompté sa colere, il ne s’ensuit point du tout qu’on ne sera point battu : secondement, toute une armée peut-elle s’accorder par une inspiration soudaine à dire une pointe ?
Si ce défaut choque les juges d’un goût sévere, combien doivent révolter tous ces traits forcés, toutes ces pensées alambiquées que l’on trouve en foule dans des écrits, d’ailleurs estimables ? comment supporter que dans un livre de mathématiques on dise, que « si Saturne venoit à manquer, ce seroit le dernier satellite qui prendroit sa place, parce que les grands seigneurs éloignent toûjours d’eux leurs successeurs » ? comment souffrir qu’on dise qu’Hercule savoit la physique, & qu’on ne pouvoit résister à un philosophe de cette force ? L’envie de briller & de surprendre par des choses neuves, conduit à ces excès.
Cette petite vanité a produit les jeux de mots dans toutes les langues ; ce qui est la pire espece du faux bel-esprit.
Le faux goût est différent du faux bel-esprit ; parce que celui-ci est toûjours une affectation, un effort de faire mal : au lieu que l’autre est souvent une habitude de faire mal sans effort, & de suivre par instinct un mauvais exemple établi. L’intempérance & l’incohérance des imaginations orientales, est un faux goût ; mais c’est plûtôt un manque d’esprit, qu’un abus d’esprit. Des étoiles qui tombent, des montagnes qui se fendent, des fleuves qui reculent, le Soleil & la Lune qui se dissolvent, des comparaisons fausses & gigantesques, la nature toûjours outrée, sont le caractere de ces écrivains, parce que dans ces pays où l’on n’a jamais parlé en public, la vraie éloquence n’a pu être cultivée, & qu’il est bien plus aisé d’être empoulé, que d’être juste, fin, & délicat.
Le faux esprit est précisément le contraire de ces idées triviales & empoulées ; c’est une recherche fatigante de traits trop déliés, une affectation de dire en énigme ce que d’autres ont déjà dit naturellement, de rapprocher des idées qui paroissent incompatibles, de diviser ce qui doit être réuni, de saisir de faux rapports, de mêler contre les bienséances le badinage avec le sérieux, & le petit avec le grand.
Ce seroit ici une peine superflue d’entasser des citations, dans lesquelles le mot d’esprit se trouve. On se contentera d’en examiner une de Boileau, qui est rapportée dans le grand dictionnaire de Trévoux : C’est le propre des grands esprits, quand ils commencent à vieillir & à décliner, de se plaire aux contes & aux fables. Cette réflexion n’est pas vraie. Un grand esprit peut tomber dans cette foiblesse, mais ce n’est pas le propre des grands esprits. Rien n’est plus capable d’égarer la jeunesse, que de citer les fautes des bons écrivains comme des exemples.
Il ne faut pas oublier de dire ici en combien de sens différens le mot d’esprit s’employe ; ce n’est point un défaut de la langue, c’est au contraire un avantage d’avoir ainsi des racines qui se ramifient en plusieurs branches.
Esprit d’un corps, d’une société, pour exprimer les usages, la maniere de penser, de se conduire, les préjugés d’un corps.
Esprit de parti, qui est à l’esprit d’un corps ce que sont les passions aux sentimens ordinaires.
Esprit d’une loi, pour en distinguer l’intention ; c’est en ce sens qu’on a dit, la lettre tue & l’esprit vivifie.
Esprit d’un ouvrage, pour en faire concevoir le caractere & le but.
Esprit de vengeance, pour signifier desir & intention de se vanger.
Esprit de discorde, esprit de révolte, &c.
On a cité dans un dictionnaire, esprit de politesse ; mais c’est d’après un auteur nommé Bellegarde, qui n’a nulle autorité. On doit choisir avec un soin scrupuleux ses auteurs & ses exemples. On ne dit point esprit de politesse, comme on dit esprit de vengeance, de dissention, de faction ; parce que la politesse n’est point une passion animée par un motif puissant qui la conduise, lequel on appelle esprit métaphoriquement.
Esprit familier se dit dans un autre sens, & signifie ces êtres mitoyens, ces génies, ces demons admis dans l’antiquité, comme l’esprit de Socrate, &c.
Esprit signifie quelquefois la plus subtile partie de la matiere : on dit esprits animaux, esprits vitaux, pour signifier ce qu’on n’a jamais vû, & ce qui donne le mouvement & la vie. Ces esprits qu’on croit couler rapidement dans les nerfs, sont probablement un feu subtil. Le docteur Méad est le premier qui semble en avoir donné des preuves dans la préface du traité sur les poisons.
Esprit, en Chimie, est encore un terme qui reçoit plusieurs acceptions différentes ; mais qui signifie toûjours la partie subtile de la matiere. Voyez plus bas Esprit, en Chimie.
Il y a loin de l’esprit, en ce sens, au bon esprit, au bel esprit. Le même mot dans toutes les langues peut donner toûjours des idées différentes, parce que tout est métaphore sans que le vulgaire s’en apperçoive. Voyez Eloquence, Elégance, &c. Cet article est de M. de Voltaire.
Esprit, (Chimie.) ce nom a été employé dans sa signification propre, par les Chimistes comme par les Philosophes & par les Medecins, pour exprimer un corps subtil, délié, invisible, impalpable, une vapeur, un souffle, un être presque immatériel.
Tous les chimistes antérieurs à Stahl & à la naissance de la Chimie philosophique, ont été grands fauteurs des agens de cette classe, qui ont été mis en jeu dans plusieurs systèmes de physique. Un esprit du monde, un esprit universel, aérien, éthérien, ont été pour eux des principes dont ils se sont fort bien accommodés, & ils ont enrichi eux-mêmes la Physique de plusieurs substances de cette nature : l’archée, le blas, la magnale de Vanhelmont, les ens de Paracelse, &c. sont des phantômes philosophiques de cette classe, si ce ne sont point cependant des expressions énigmatiques, ou simplement figurées.
Des êtres très-existans qui mériteroient éminemment la qualité d’esprit, ce sont les exhalaisons qui s’élevent des corps fermentans & pourrissans de certaines cavités soûterraines, du charbon embrasé, & de plusieurs autres matieres. Ces corps sont véritablement incoercibles, invisibles, & impalpables ; mais on n’a pas coûtume dans le langage chimique, de les désigner par ce nom. Nous les connoissons sous celui de gas. Voyez Gas.
Depuis que notre maniere plus sage de philosopher nous a fait rejetter tous ces esprits imaginaires dont nous avons parlé au commencement de cet article, nous ne donnons plus ce titre qu’à différentes substances beaucoup plus matérielles même que les gas ; savoir à certains corps expansibles ou volatils, dont l’état ordinaire sous la température de nos climats est celui de liquidité, & dont les différentes especes qui sont classées par ce petit nombre de qualités communes, sont d’ailleurs essentiellement différentes, ensorte que c’est ici une qualification très-générique, exprimant une qualité très-extérieure très-vaguement déterminée.
Les diverses substances qu’on trouve désignées dans les ouvrages des Chimistes, par le nom d’esprit, sont :
Premierement, un être fort indéterminé, connu plus généralement sous le nom de mercure, qui est compté dans l’ancienne Chimie parmi les principes ou produits généraux de l’analyse des corps. Voyez Mercure & Principe.
Secondement, la plûpart des liqueurs acides retirées des minéraux, des végétaux, des animaux, par la distillation. Voyez Vitriol, Nitre, Sel marin, Analyse végétale, au mot Végétal, Vinaigre, Substances animales, & Fourmi.
Troisiemement, les sels alkalis volatils sous forme liquide. Voyez. Sel alkali volatil.
Quatriemement, les liqueurs inflammables retirées des vins. Voyez à l’article Vin.
Cinquiemement, les eaux essentielles ou esprits recteurs. Voyez Eaux distillées.
Sixiemement, les huiles essentielles très subtiles, retirées des baumes par la distillation à feu doux. Voyez Huile & Terebenthine.
Septiemement, enfin les esprits ardens chargés par la distillation de la partie aromatique, ou alkali volatil de certains végétaux. Voy. Eaux distillées, Esprit ardent, Citron, Cochléaria, & Esprit volatil aromatique huileux.
Nota. Que dans le langage ordinaire, on ne désigne le plus souvent les esprits particuliers que par le nom de la substance qui les a fournis, sans déterminer par une qualification spécifique la nature de chaque esprit. Ainsi on dit esprit de vitriol, & non pas esprit acide de vitriol ; esprit de soie, & non pas esprit alkali de soie ; esprit-de-vin, (c’est-à-dire de suc de raisin fermenté, selon la signification vulgaire du mot vin), & non pas esprit ardent de vin de raisin ; esprit de terebenthine, & non pas esprit huileux de terebenthine ; esprit de citron, & non pas esprit-de-vin chargé de l’aromate du citron. Ainsi toute cette nomenclature est presque absolument arbitraire ; & d’autant plus que diverses substances, comme le sel ammoniac, la terebenthine, le citron, &c. peuvent fournir plusieurs produits qui mériteroient également le nom d’esprit, quoiqu’il ne soit donné qu’à un seul dans le langage reçu : on se familiarise cependant bien-tôt avec ces dénominations vagues ; on les apprend comme des mots d’une langue inconnue. (b)
Esprit ardent, (Chimie.) Voyez Esprit-de-Vin, sous le mot Vin.
Esprit recteur, (Chimie.) Voyez Eaux distillées.
Esprit-de-Vin, (Chimie.) Voyez au mot Vin.
Esprit volatil, (Chimie.) Toutes les substances auxquelles les Chimistes ont donné le nom d’esprit, sont volatiles (voyez Esprit) ; il a plû cependant à quelques-uns de prendre la dénomination qui fait le sujet de cet article, dans un sens particulier ; de l’attribuer aux alkalis volatils sous forme fluide ; & de les distinguer par ce titre, des alkalis volatils, concrets, qu’ils ont appellés tout aussi arbitrairement, sels volatils. Voy. Sel alkali volatil. (b)
Esprit-de-Vinaigre, spiritus aceti. Voyez Vinaigre distillé, au mot Vinaigre.
Esprits sauvages, (Chimie.) spiritus sylvestres de Vanhelmont. Voyez Gas, Fermentation, & Vin.
Esprit volatil aromatique huileux, (Pharmac. & Mat. med.) On a donné ce nom à une préparation officinale, qui n’est proprement qu’un mêlange d’esprit volatil de sel ammoniac, & d’un esprit aromatique composé. Voici cette préparation, telle qu’elle est décrite dans la nouvelle pharmacopée de Paris.
Prenez six dragmes de zestes récens d’oranges, autant de ceux de citron ; deux dragmes de vanille, deux dragmes de macis, une demi-dragme de gérofle, une dragme de canelle, quatre onces de sel ammoniac : coupez en petits morceaux les zestes & la vanille : concassez le macis, le gérofle & la canelle : pulvérisez le sel ammoniac, & mettez le tout dans une cornue de verre, versant par-dessus quatre onces d’eau simple de canelle, & quatre onces d’esprit-de-vin rectifié : fermez le vaisseau, & laissez digérer pendant quelques jours, ayant soin de remuer de tems en tems.
Ajoûtez, après deux ou trois jours de digestion, quatre onces de sel de tartre ; & sur le champ ajoûtez au bec de la cornue un récipient convenable, que vous luterez selon les regles de l’art : faites la distillation au bain de sable. Vous garderez la liqueur qui passera, dans une bouteille bien bouchée.
L’esprit volatil aromatique huileux, est un cordial très-vif, un sudorifique très-efficace, un bon emménagogue, un hystérique assez utile. On le fait entrer ordinairement à la dose de trente ou de quarante gouttes, dans des potions de quatre à cinq onces, destinées à être prises par cuillerées. (b)
Esprits animaux. Voyez Nerfs, Fluide nerveux, &c.
Étymologie de « esprit »
Bourguig. esperi ; provenç. esperit, sperit ; espagn. espiritu ; portug. espirito ; ital. spirito, spirto ; du latin spiritus, esprit, proprement souffle, de spirare, souffler, respirer. Quoique la dérivation de ce mot soit certaine, il fait difficulté : espir est correct, de spiritus, avec l'accent sur spi ; mais esprit suppose ou une transposition de espir sous la forme espri ou esperi, ou une accentuation vicieuse, spiritus au lieu de spiritus.
- (début XIIIe siècle) Du latin spīrĭtus (« souffle »).
- L’interjection québécoise est la contraction de Saint-Esprit.
Phonétique du mot « esprit »
Mot | Phonétique (Alphabet Phonétique International) | Prononciation |
---|---|---|
esprit | ɛspri |
Fréquence d'apparition du mot « esprit » dans le journal Le Monde
Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.
Évolution historique de l’usage du mot « esprit »
Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.
Citations contenant le mot « esprit »
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Il en est de certains esprits comme de certaines maisons sordides ; ils ouvrent sur des basses-cours.
Joseph-Marie, dit Joséphin Soulary — Promenade autour d'un tiroir -
C'est souvent la pauvreté de l'esprit qui rend les gens studieux.
Poul Martin Moller — Pensées détachées -
Les personnes d'esprit sont-elles jamais laides ?
Alexis Piron — La Métromanie, II, 8, Damis -
Nous n'aurons jamais trop de ces fiers esprits qui jugent, critiquent et résistent. Ils sont le sel de la cité.
Émile Chartier, dit Alain — Propos d'un Normand, tome I , Gallimard -
Il y a une forte raison de ne pas dire au premier arrivant ce qui vient à l'esprit, c'est qu'on ne le pense point.
Émile Chartier, dit Alain — Éléments de philosophie, Gallimard -
Pour les prédicateurs […], ce n'est pas la religion mais leur bel esprit qu'ils ont intérêt de persuader au monde.
François de Salignac de La Mothe-Fénelon — Lettre à l'Académie -
Si l'on ne commence pas par assurer l'équilibre de son esprit, comment gouverner le monde ?
Sima Qian — Traduction D. Tsan -
Il ne suffit pas d'avoir de l'esprit. Il faut en avoir encore assez pour s'abstenir d'en avoir trop.
André Maurois — De la conversation -
L'instinct, c'est l'âme à quatre pattes ; la pensée c'est l'esprit debout.
Victor Hugo — Tas de pierres, Éditions Milieu du monde -
J'appelle vices des maladies de l'âme, qui ne sont point si aisées à connaître que les maladies du corps, parce que nous faisons assez souvent l'expérience d'une parfaite santé du corps, mais jamais de l'esprit.
René Descartes — Cogitationes privatae
Images d'illustration du mot « esprit »
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Traductions du mot « esprit »
Langue | Traduction |
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Anglais | spirit |
Espagnol | mente |
Italien | mente |
Allemand | verstand |
Chinois | 心神 |
Arabe | روح |
Portugais | mente |
Russe | разум |
Japonais | マインド |
Basque | gogoan |
Corse | mente |
Synonymes de « esprit »
Source : synonymes de esprit sur lebonsynonyme.frAntonymes de « esprit »
Combien de points fait le mot esprit au Scrabble ?
Nombre de points du mot esprit au scrabble : 8 points