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Rendre

Définitions de « rendre »

Trésor de la Langue Française informatisé

RENDRE, verbe

I. − Rendre qqn/qqc. à
A. − Rendre qqn1/qqc. à qqn2.(Re)donner ce qui est dû ou attendu.
1. [Qqc. désigne l'obj. d'une restitution]
a) [Qqc. désigne un inanimé concr.] Restituer (à son propriétaire), remettre (à son destinataire). Rendre un livre prêté. Les Espagnols (...) ont toujours eu au fond l'intention de rendre la Louisiane (Baudry des Loz., Voy. Louisiane, 1802, p. 203).− Que lui voulez-vous, à ce garçon-là? − Je veux lui rendre un livre qu'il m'a prêté (Bertrand, Gaspard, 1841, p. 60):
1. Les bijoux qu'il contenait avaient été volés, puis rendus, mais par qui? « Qu'en penses-tu? » me dit ma mère. Je regardai les bijoux: plusieurs agrafes ornées les unes de pierre, les autres de petites aquarelles: « Je pense que voilà une injure du voleur! Il nous rend nos bijoux parce qu'ils ne valent rien. J'en aurais fait tout autant. (...) » Jacob, Cornet dés, 1923, p. 96.
Vieilli. Rendre une lettre, un paquet. Porter une lettre, un paquet. Le frère de Jenny qui part à l'instant pour Mayence vous rendra cette lettre (Sénac de Meilhan, Émigré, 1797, p. 1568).
P. anal. Rendre qqn à qqn.− Vous rendre Alfred, Monsieur Paturot! Mais vous n'y songez pas. Impossible, monsieur, impossible. Jamais, monsieur, jamais. − Mais, monsieur, c'est mon fils (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 420).Au bout de huit jours, on avait rendu le gamin à son père, parce qu'il avait déjà enseigné des expressions ordurières à M. Joanny (Larbaud, F. Marquez, 1911, p. 202).
En partic. Rendre la monnaie*. Rendre une marchandise, un article. Le rapporter (au vendeur) afin de l'échanger. MmeGuibal expliquait à MmeMarty sa tactique. Quand une robe lui plaisait dans un magasin, elle se la faisait envoyer, en prenait le patron, puis la rendait (Zola, Bonh. dames, 1883, p. 639).Rendre un cadeau. Le redonner à celui qui l'a offert. Je murmurai: « J'ai voulu vous rendre votre bague. − J'ai vu, dit-il d'une voix grave. J'ai pensé: je gâche tout (...) » (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 322).Rendre le livret (aux ouvriers) (au xixes.). Les congédier. La compagnie, irritée de l'entêtement des grévistes, parlait de rendre leurs livrets aux mineurs compromis (Zola, Germinal, 1885, p. 1362).
Rendre un travail, un ouvrage. Le remettre à la personne qui l'a commandé. Vers 1819, j'ai enseigné l'anglais en vingt-six jours à M. Antonio Clerichetti à Milan (...). Le trentième, il rendit à un libraire sa traduction des interrogatoires de la princesse de Galles (Stendhal, H. Brulard, t. 2, 1836, p. 102).
JEUX. Rendre des points (à un adversaire). Donner des points d'avance à un adversaire plus faible pour égaliser les chances. M. le préfet Worms-Clavelin était d'une jolie force au billard; mais M. le président Peloux lui rendait des points (A. France, Orme, 1897, p. 208).
HIPP. Rendre du poids, de la distance. Supporter un handicap (de poids, de distance) permettant à un adversaire plus faible de partir à égalité de chances. Trotteur rendant 25 mètres. Tel cheval peut rendre deux kilos à tel autre dans une épreuve courue assez lentement, mais la prochaine fois, si le train est très sévère, les deux kilos lui pèseront bien plus sur les reins et il ne pourra pas renouveler sa victoire (Zitrone, Courses, 1962, p. 271).
Expr. fig.
[P. allus. aux paroles du Christ] Rendre à César ce qui appartient à César. Rétrocéder à quelqu'un. Suivait un paragraphe destiné à rendre à César ce qui était à César (Schaeffer, Rech. mus. concr., 1952, p. 71).
Rendre sa parole, sa promesse à qqn. Délier quelqu'un de sa parole, de sa promesse. Dites-lui que je lui rends ses promesses, que moi-même je la prie de se donner au ciel (Cottin, Mathilde, t. 2, 1805, p. 304).Le Général, s'emportant: − Le polisson! Il me rend sa parole et il m'écrit qu'il part avec sa maîtresse!... (Feydeau, Dame Maxim's, 1914, ii, 13, p. 55).
b) P. ext.
α) [Qqc. désigne un témoignage de respect, de reconnaissance] S'acquitter d'un devoir moral. Rendre hommage, honneur; rendre les derniers hommages (v. hommage), les derniers honneurs (v. honneur), les honneurs militaires, les derniers devoirs (v. devoir2); rendre grâce(s) (v. grâce).
Rendre un culte. Honorer d'un culte. Insensés et criminels sont aussi ceux qui tiennent pour des dieux, des idoles insensibles, façonnées de main d'homme, ou rendent un culte aux animaux (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 1015).Au fig. Leurs rapines, tournées en science et en stratégie financières, leur avaient asservi ce temps, qui rend un culte au veau d'or (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p. 336).
β) [Qqc. désigne un discours] Faire savoir, prononcer (généralement au nom d'une loi, d'un pouvoir). Rendre une sentence, un témoignage, un verdict. Quelle est donc cette justice qui rend des arrêts comme celui-ci (Proudhon, Propriété, 1840, p. 181).Laplaigne demande à la Convention, qui rendit immédiatement un décret dans ce sens, l'abolition et l'interdiction de toute substitution (Jaurès, Ét. soc., 1901, p. 223).
Rendre (des) compte(s). V. compte.Rendre justice*. Rendre (une, cette) justice* à qqn.
Rendre des oracles. Prononcer des oracles. Dieu chérit de Sion les sacrés tabernacles Plus que les tentes d'Israël; Il y fait sa demeure, il y rend ses oracles (Lamart., Médit., 1820, p. 208).Dans la lutte des générations, enfants et vieillards font souvent cause commune: les uns rendent les oracles, les autres les déchiffrent (Sartre, Mots, 1964, p. 20).
Empl. pronom. à sens passif. La justice se rend, au nom de l'Empereur, par les officiers qu'il institue (Sénatus-consulte organique, 1804ds Rec. textes hist., p. 132).
2. [Qqc. désigne un inanimé abstr., obj. d'une perte] Redonner, faire recouvrer. Rendre la santé, la vie à qqn. Elle est déshonorée. Il n'y a qu'un mariage pour lui rendre sa réputation (Pagnol, Fanny, 1932, i, 2etabl., 1, p. 64):
2. Folly est jeune et piquante, et je sens que je me fais quelque peu vieille depuis notre dernière rencontre. Si vous trouvez votre bonheur à épouser Folly, je suis tout prête à vous rendre votre liberté au prix des plus chères espérances de ma vie. Nodier, Fée Miettes, 1831, p. 143.
3. [Qqc. désigne une manifestation phys. ou affective] Donner en retour. Dieu de bonté, m'écriai-je, elle m'aime! Elle m'avait rendu mon baiser (Musset, Confess. enf. s., 1836, p. 208).Il avait voulu rendre le mal pour le mal. Or, son mal devenait un bien. Il allait rendre le bien pour le bien au plus vite (Cocteau, Enfants, 1929, p. 142).
Loc verb.
Rendre (un) service. [Le suj. désigne une pers.] Offrir une aide bénévole. Je veux bien vous rendre service, mais je ne veux pas me ruiner (Lamennais, Paroles croyant, 1834, p. 117).Dire que personne ne veut nous rendre service et accepter que ce soit sans retour: retour d'ordre matériel ou d'ordre sentimental (Montherl, Malatesta, 1946, iv, 4, p. 515).[Le suj. désigne un inanimé] Apporter une aide. Les admirables services qu'ont rendus l'éther et le chloroforme (Baudel., Paradis artif., 1860, p. 384).S'il est un service que les arts du temps rendent à l'homme ou à la femme, c'est de lui faciliter sa propre découverte (Arts et litt., 1935, p. 88-01).
Rendre (une) visite. Aller voir. Une vieille tradition accorde un enfant à la première femme qui rend visite à une accouchée (Menon, Lecotté, Vill. Fr., 1, 1954, p. 77).
Expr. fig.
Rendre (à qqn) la monnaie* de sa pièce.
Rendre la pareille, rendre bien qqc. à qqn. Traiter quelqu'un comme il a fait lui-même de vous. Un libre penseur respecte la religion de sa femme; mais les femmes ne se croient pas tenues de nous rendre la pareille (Ménard, Rêv. païen, 1876, p. 183).Les officiers se méfiaient de leurs troupes indisciplinées qui le leur rendaient bien (Lefebvre, Révol. fr., 1963, p. 250).
B. − Rendre qqc.1à qqc.2Redonner (ce qui a été perdu, altéré).
[Qqc.1et qqc.2désignent des inanimés concr.] Quand les centaines de générations qui nous suivent auront rendu à la terre cette poignée de poussière qu'elles lui empruntent tour à tour (Lamart., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 35).La nécessité de longues jachères pour rendre au sol ses éléments nutritifs (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 310).
[Qqc.1désigne un inanimé concr., qqc.2un inanimé abstr.] Quand les travaux contraignirent à cloisonner (...) on rendit cette table à la consultation normale (Cain, Transform. B.N., 1959, p. 55).
[Qqc.1désigne un inanimé abstr., qqc.2un inanimé concr.] Le frottement avec un chiffon de laine suffit pour lui rendre son éclat [au meuble] (Nosban, Manuel menuisier, t. 2, 1857, p. 186).
C. − Rendre qqn à qqc.[Qqc. désigne un état antérieur] Faire passer. Qui que vous soyez (...), je vous rends à cette nudité lumineuse que ne ternissent ni les fumées de l'opulence, ni les poisons de l'envieuse pauvreté (Proudhon, Syst. contrad. écon., t. 1, 1846, p. 33).La mise en non-activité ne rend pas l'officier à la vie civile (Lubrano-Lavadera, Législ. et admin. milit., 1954, p. 74).
II. − Rendre qqc.
A. − [Qqc. désigne ce qui ne peut pas être gardé]
1. [Le suj. désigne un animé, ou une partie du corps d'une pers.] Évacuer par les voies naturelles, en partic., vomir. Si je dépassais le moins du monde mon tirant d'eau, disait-il, mon estomac rendait aussitôt le superflu (Fain, Mém., 1814-25ds Rec. textes hist., p. 128).Un superbe cheval entier, qui, rendant du sang par la bouche et par les naseaux, étouffait au bord du précipice (Cladel, Ompdrailles, 1879, p. 155).
Empl. factitif. On met le pouce sur l'extrêmité G, et on rend l'air peu à peu en soulevant le pouce (Lavoisier, Chim., t. 1, 1789, p. 46).
EQUIT. Rendre la main*.
P. anal. Rendre l'âme*, le dernier soupir, l'esprit. Mourir. La maladie ne dura que onze jours. Alexandre rendit l'esprit le 13 décembre 1825 (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 158).J'ai dit « oui » et, là-dessus, le pauvre Sam Watkin a rendu le dernier soupir (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 114).
Au fig. Faire rendre gorge*.
2. [Le suj. désigne une autorité milit., une armée] Laisser à l'ennemi, livrer ce que l'on ne peut pas garder. Les patriotes comprenaient bien que, si nous avions rendu la place, ce n'était pas de notre faute (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 152).
Rendre les armes. V. arme.Rendre son épée*.
3. [Le suj. désigne un inanimé concr.]
a) [En constr. dir. ou indir.] Laisser s'échapper. Rendre de l'eau. Madame Blondel jura que le gigot rendait le sang (Hamp, Champagne, 1909, p. 183):
3. ... les matelots pêchaient avec leurs lignes des damiers et des pétrels. On en voyait des rangées, écorchés comme des lapins, qui pendaient tout rouges dans les haubans de misaine, attendant leur tour pour être mangés. Au bout de deux ou trois jours, quand ils avaient rendu toute l'huile de leur corps, on les faisait cuire. Loti, Mon frère Yves, 1883, p. 79.
b) Rendre un son. Émettre, produire un son. Ne soyez pas sévère pour celui qui ne fait encore qu'essayer sa lyre: elle rend un son si étrange! (Lautréam., Chants Maldoror, 1869, p. 160).Une patte de derrière, mieux musclée, frappe le sol qui rend un son assourdi (Pergaud, De Goupil, 1910, p. 125).
c) Empl. intrans. [Dans un cont. sportif] Renvoyer (une balle, une boule). C'est une partie [de billard] vraiment intéressante. Les billes courent, se frôlent, croisent leurs couleurs. Les bandes rendent bien, le tapis s'échauffe (A. Daudet, Contes lundi, 1873, p. 15).
B. − [Qqc. désigne l'objet d'une opération intellectuelle, artistique, un concept, un affect]
1. Exprimer fidèlement, clairement. Rendre mot pour mot. Rendre imparfaitement une idée imparfaite, c'est interposer deux écrans opaques entre la vérité et le lecteur ou l'élève (Amiel, Journal, 1866, p. 225).J'y découvris un passage assez curieux dont je vais vous rendre le sens très exactement (A. France, P. Nozière, 1899, p. 156).
2.
a) Traduire par un mode d'expression artistique. Synon. représenter, reproduire.Le ciel et les lointains sont admirablement rendus (R. des Deux Mondes, t. 2, 1839, p. 102).La musique (...) ne peut rendre que des sentiments et des passions (T. Gautierds La Presse, 9 déc. 1844):
4. Le but le plus élevé qu'un chef d'orchestre doive se proposer est donc le suivant: traduire dans une forme sensible, de la façon la plus adéquate, la plus fidèle, la plus parfaite, le contenu, l'essence de l'œuvre qu'il doit rendre. Arts et litt., 1936, p. 60-12.
b) Traduire, exprimer dans une autre langue. C'est très difficile et plus que je ne croyais, non à comprendre, mais à rendre: ce vieux style allemand à la française résiste tant qu'il peut (Nerval, Corresp., 1851, p. 172).Cette exégèse indique le sens que lui accorde Commodien. Un troisième passage rend par mysterium le sens de sacrement (Théol. cath.t. 14, 11939, p. 492).
Empl. pronom. à sens passif. L'amour filial du fils d'Opheltes a électrisé celui du fils d'Énée: (...) Remarquez que l'amour filial, celui de la patrie, et même l'amour paternel, se rendent par le mot de pitié (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p. 312).
C. − [Qqc. désigne un gain, un produit attendu] Produire, rapporter. Calculer combien de boisseaux de froment ont rendu les épis (Gautier, Rom. momie, 1858, p. 268).[Cette agriculture] couvrait une bonne partie des besoins alimentaires des Allemands qui, loin de la sacrifier, essayaient de lui faire rendre le maximum (Lesourd, Gérard, Hist. écon., 1966, p. 407).
Empl. abs. Un homme qui ne pouvait s'attacher longtemps à une entreprise, même si cela rendait (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 111).Comment peut-on perdre du temps à faire de l'histoire − alors que tant de tâches fécondes, et qui « rendent », requièrent aujourd'hui toutes les énergies (L. Febvre, Vers une autre hist., [1949] ds Combats, 1953, p. 421).
III. − Rendre qqn/qqc. + attribut du compl.Faire devenir.
A. − [Le compl. désigne un animé, gén. une pers.] Le malheur extrême rend l'homme barbare en concentrant tout son intérêt sur lui-même (Sénac de Meilhan,Émigré,1797,p. 1609).Le fouet d'un ignorantin vous rend un enfant plus docile et plus aimable (Janin, Âne mort, 1829, p. 41).Dieu accorde à Anne d'autres enfants pour remplacer Samuel, et Dieu rendit Anne mère de trois fils et de deux filles (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 970).
Rendre colère. Mettre en colère. Je ne sais quoi m'empêchait de pouvoir prendre aucune note et me rendait colère (Goncourt, Journal, 1894, p. 616).
Fam. Rendre tout(e) chose (v. ce mot I B). Un chant d'orgue, ça m'emplit la poitrine, puis l'estomac... ça me rend toute chose... comme en amour (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 62).
B. − [Le compl. désigne un inanimé] La civilisation rend les esprits routiniers (Fourier, Nouv. monde industr., 1830, p. 30).Cette agglomération de sons dans la région grave ne rend pas la basse trop compacte (Arts et litt., 1935, p. 38-8).
Empl. pronom. réciproque. Un homme et une femme, dans une île déserte, contribueraient à se rendre la vie heureuse (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p. 333).
SYNT. Rendre qqn amoureux, attentif, fou, furieux, heureux, irritable, jaloux, malade, malheureux, meilleur, odieux, pensif, responsable, sensible, triste; rendre père; rendre qqc. difficile, durable, facile, familier, habitable, impossible, impropre, intéressant, intelligible, inutile, invisible, manifeste, possible, utile; rendre une œuvre accessible, une position difficile, la lecture agréable, la société meilleure, la terre fertile.
IV. − Se rendre
A. − Se rendre + compl. prép. désignant un lieu
1. [Le suj. désigne une pers.] Se déplacer, aller. Se rendre à l'église, au bureau, à la gare. Je sortis pour me rendre à mon atelier (Gobineau, Pléiades, 1874, p. 68).Il doit se rendre sur les lieux du sinistre et en noter les péripéties (Coston, A.B.C. journ., 1952, p. 112).
[P. méton. du n. désignant le lieu] Ma tante, dit-il, ma femme n'a pu se rendre à votre invitation (Karr, Sous tilleuls, 1832, p. 199).V. empressement ex. de Courteline.
2. [Le suj. désigne un inanimé] Aboutir, aller. L'eau de ruissellement et l'eau de pénétration se rendent à la mer, mais elles prennent des chemins différents (Boule, Conf. géol., 1907, p. 12).Un tube de plomb par où les vapeurs et les gaz mal odorants qui se dégagent sous la cloche, se rendent à la cheminée (Quéret, Industr. gaz, 1923, p. 271).
B. − Se rendre à qqc.Se laisser convaincre par quelque chose, se soumettre à quelque chose. Monsieur, cela suffit; je vais me rendre aux ordres de sa majesté (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 378).Elle se rendait à sa supplication, (...) elle renonçait à faire le Matterhorn (Peyré, Matterhorn, 1939, p. 249).
Se rendre à l'évidence*.
C. − Se rendre (à qqn).Se soumettre parce que l'on est vaincu. Synon. capituler, tomber.Le siége de Sens dura peu. La ville se rendit deux jours après que le roi d'Angleterre et le duc de Bourgogne se furent présentés (Barante, Hist. ducs de Bourg., t. 4, 1821-24, p. 309):
5. J'ai vu des jeunesses plus insolentes que la vôtre, et elles ont fini par se rendre... Elles se sont rendues corps et âme. − Est-il possible? fit-elle, en regardant le psychiatre avec une surprise indicible. Peut-on se rendre? (...). − Comprenez-moi, dit-elle. À qui se rend-on? À qui rendrait-on son âme? Je crois qu'on se refuse ou qu'on se donne, mais se rendre? Bernanos, Joie, 1929, p. 664.
En partic. (sans compl. prép.). Se livrer. [Le complice au meurtrier:] Pour éviter qu'on te poursuive, je vas me rendre [aux agents] (Méténier, Lutte pour amour, 1891, p. 151).
D. − Se rendre + attribut du suj.Devenir de son fait, par sa faute; faire qu'on se montre. Se rendre insupportable, malade, utile. Les hommes deviennent petits en se rassemblant: ce sont les diables de Milton, obligés de se rendre pygmées (Chamfort, Max. et pens., 1794, p. 23).Il faut être familier avec certaines règles de droit pour pouvoir raisonner sur ces questions: un profane s'exposerait à se rendre ridicule en en parlant (Sorel, Réflex. violence, 1908, p. 213).Peu de mortels furent d'abord assez heureux pour se rendre possesseurs d'un véhicule à roues (P. Rousseau, Hist. transp., 1961, p. 20).
Prononc. et Orth.: [ʀ ɑ ̃:dʀ ̥], (il) rend [ʀ ɑ ̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Conjug. ind. prés.: je rends, tu rends, il rend, nous rendons, vous rendez, ils rendent; imp.: je rendais; passé simple: je rendis; fut.: je rendrai; impér.: rends, rendons, rendez; subj. prés.: que je rende, que nous rendions; subj. imp.: que je rendisse; part. prés.: rendant; part. passé: rendu, -ue. Étymol. et Hist. A. « Donner en retour (une chose reçue ou prise, son équivalent, ou ce qui est dû) » 1. a) 2emoit. xes. « donner à nouveau » (St Léger, éd. J. Linskill, 26: Et cum il l'aut doit de ciel'art, Rende.l qui lui lo commandat); b) fin xes. (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 11: La sua morz vida nos rend); c) ca 1050 (Alexis, éd. Chr. Storey, 100: Se lui'n remaint [de l'aumosne], sil rent as poverins); 2. a) fin xes. « donner quelque chose de semblable » (Passion, 161: Jesús li bons ben red per mal); b) ca 1100 rendre colps, rendre cest asalt (Roland, éd. J. Bédier, 1397, 2142); c) ca 1140 (Voyage de Charlemagne, éd. G. Favatti, 166: Karlemaignes l'en rent saluz et amistez); d) ca 1590 rendre la pareille (Montaigne, Essais, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 533); e) 1690 part. passé subst. (Fur.: Ce n'est pas un presté, c'est un rendu); 3. a) fin xes. « donner en retour ce qui est dû » (Passion, 472: [Jesus] qui venra toz judicar A toz rendra e ben e mal); b) fin xes. (ibid., 513: Te posche retdrae graciae); c) ca 1100 rendre malvais servis « servir mal » (Roland, 1406); 1585 (N. Du Fail, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t. 1, p. 307: rendre quelque autre service signalé); d) ca 1100 (Roland, 3784: Ben set parler e dreite raisun rendre); e) ca 1120 (St Brendan, éd. I. Short et B. Merrilees, 1028: Cil en rendent Deu la glorie); f) ca 1130 (Lois de Guillaume, éd. J. E. Matzke, § 1: rendist ceo qu'il aveit pris); g) 1150 (Wace, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 1360: E grant loënge a Deu rendirent); h) 1155 rendre cunte de (Id., Brut, éd. I. Arnold, 6626); i) ca 1170 (Marie de France, Lais, éd. J. Rychner, Lanval, 543: Puis ad tuz ses baruns mandez, Que li jugemenz seit renduz); ca 1288 rendre sentence (J. de Journi, Dîme de penitence, 251 ds T.-L.); j) ca 1170 (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 2036: lor droit rendent a chascun manbre); k) 1176-81 rendre la promesse « exécuter » (Id., Chevalier Charrette, éd. M. Roques, 1154); l) ca 1240 rendre sa perte (à qqn) « dédommager » (Mort Aymeri, 2634 ds T.-L.); 4. a) 2emoit. xes. « produire, rapporter » (St Léger, 215: Rendet ciel fruit esperitiel); b) 1174-80 (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 4: Qui petit seme petit quialt, Et qui auques recoillir vialt, An tel leu sa semance espande Que fruit a cent dobles li rande); 5. a) ca 1200 rendre (un message) « répéter, rapporter » (Aiol, éd. Foerster, 5267); 1269-78 rendre par queur « répéter de mémoire (une leçon) » (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 4336); b) mil. xvies. « rapporter (un fait) » (Marguerite de Navarre, Nouv., XXI ds Littré). B. « Laisser échapper, redonner ce qu'on ne peut garder, céder, livrer » 1. a) ca 1100 (Roland, 2849: Li reis se drece, si ad rendet ses armes); b) ca 1160 se rendre « capituler » (Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 5459); c) déb. xiiies. renduz « fatigué » (Jean Renart, Galeran, éd. L. Foulet, 5800); d) ca 1240 fig. (Deux Coll. angl. norm. mir. Vierge, 14, 41, p. 68 ds T.-L.: Dame (Ste Marie), sëez moy socurs, Jeo me renc en ta duçurs); e) 1580 (Montaigne, Essais, p. 551: Il faut que nostre belle sagesse se rende en cet endroit et quitte les armes); f) 1588 (Id., ibid., p. 853: se rendre aux efforts de l'amour; p. 328: Tantost c'est le corps qui se rend le premier à la vieillesse); 2. a) 1130-40 (Wace, Vie Sainte Marguerite, éd. E. A. Francis, ms. A, 708: iluec chaï Les la virge l'ame rendi); b) 1306 (Joinville, Vie St Louis, éd. N. L. Corbett, p. 239: le saint Roy [...] rendi a Nostre Createur son esperit); 3. a) ca 1165 « vomir » (Benoît de Sainte-Maure, Troie, éd. L. Constans, 29291); b) ca 1210 (Herbert de Dammartin, Folque de Candie, éd. Schultz-Gora, 11480: Guichart [...] parmi le nes rent sanc, qui li cuevre le vis); 4. a) ca 1170 « émettre » (Chrétien de Troyes, Erec, 433: Si oel si grant clarté randoient Que deus estoiles ressanbloient); b) ca 1220 (Gautier de Coinci, Mir., éd. V. F. Koenig, II Mir 21, 149: quel son que rende la vïele); c) 1694 (Ac.: cette orange rend bien du jus). C. Empl. comme verbe d'état, avec compl. d'obj. et attribut du compl. 1. a) ca 1100 (Roland, 2198: La meie mort me rend si anguissus); b) ca 1180 (Marie de France, Fables, éd. K. Warnke, 68, 42: de vostre mal vus rendra sain); 2. 1174-78 spéc. se rendre a moine « entrer en religion » (Étienne de Fougères, Manières, éd. R. A. Lodge, 260) également trans., surtout att. aux xiiie-xives., v. T.-L. − xvies., v. Hug. D. « Remettre à destination » a) 1176-81 « mener » (Chrétien de Troyes, Chevalier Charrette, 855: point li uns ancontre l'autre Tant con cheval lor poerent randre); b) ca 1200 pronom. (Chanson de Guillaume, éd. Duncan Mac Millan, 291: Jo me rendrai al dolerus peril); c) 1283 en parlant de marchandises (Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, éd. A. Salmon, t. 1, p. 384: .X. muis de blé rendus a Clermont). E. Domaine intellectuel ou esthét. « présenter (après interprétation) » 1. a) 1549 (Du Bellay, Deffense et Illustration, éd. H. Chamard, p. 160: je veux aussi que tu t'eforces de rendre, au plus pres du naturel que tu pouras, la phrase et maniere de parler Latine); b) 1579 rendu mot pour mot (en traduction) (H. Estienne, Precellence, éd. E. Huguet, p. 41); 2. a) 1733 (Dubos, Réflexions crit., t. 1, p. 81: Ce que Cornelie dit à César [...] ne peut être rendu par un peintre; t. 3, p. 232: Roscius rendoit donc par un jeu muet le sens de la phrase que Ciceron venoit de composer); b) 1740 (Ac. Add.: Une glace qui rend nettement les objets); c) 1745 (Bosse, Manière de graver, p. 129: On dirigera la gravûre de façon que le blanc du papier, comme on l'a dit, rende le luisans du tableau); d) 1754 (Bonnet, Essai psychol., p. 146: des couleurs mal rendues). Du lat. pop. *rendere, altér., sous l'infl. de prendere « prendre » (v. ce mot), du class. reddere « donner en retour; s'acquitter de; restituer; traduire; répéter; émettre; transmettre; ramener à un état antérieur, amener d'un état à un autre; faire sortir » (comp. de re-, red- marquant un retour en arrière, un retour à un état antérieur et dare « donner »). Fréq. abs. littér.: 39 612. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 69 791, b) 53 314; xxes.: a) 44 577, b) 53 535.
DÉR.
Rendeur, -euse, subst.Personne qui rend (quelque chose). Je ne sais pas comment il se fait que Daudet, d'un commerce si séducteur, et si rendeur de services, récolte des inimitiés comme pas un (Goncourt, Journal, 1894, p. 646). [ʀ ɑ ̃dœ:ʀ], fém. [-ø:z]. 1resattest. a) ca 1220 « celui qui rend (ce qu'il a pris) » (Gautier de Coinci, Mir., éd. V. F. Koenig, II Dout 34, 734), b) av. 1544 « celui qui rend ce qu'on lui a prêté » (Marot, Épigrammes, CLXXVI, éd. C. A. Mayer, p. 235); de rendre, suff. -eur2*; l'a. et m. fr. ont empl. rendeor au sens de « garant, celui qui répond de » (du xiiies. à 1415, v. Gdf. et FEW t. 10, p. 172).
BBG.Breal (M.). Notes d'étymol. B. Soc. Ling. 1910-11, t. 16, p. 66. − Moignet (G.). Incidence et attribut du compl. d'objet. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1975, t. 13, n o1, p. 261. − Querido (A.). Les Séries verbales du type être, devenir, rendre. In: Congrès Internat. de Ling. et Philol. Rom. 13. 1971. Québec, 1976, t. 1, pp. 1107-1124.

Wiktionnaire

Verbe - français

rendre \ʁɑ̃dʁ\ transitif ou intransitif 3e groupe (voir la conjugaison) (pronominal : se rendre)

  1. Remettre une chose entre les mains de celui à qui elle appartient, de quelque manière qu’on l’ait eue.
    • On se rappelle que, ce que nous avions pris aux autres, il a fallu leur rendre, et on leur reprendra ce qu’ils nous ont pris sans raison en 1871. — (Émile Thirion, La Politique au village, Fischbacher, 1896, page 320)
    • Alors les retournant et les soupesant : « Charcot, me dit-il, y a-t-il de l’or ou de l’argent là-dedans ? » et devant ma négation, il me les rendit avec mépris. — (Jean-Baptiste Charcot, Dans la mer du Groenland, 1928)
    • En Assyrie, en Égypte, l’intermédiarat existait, et, aussi, le prêt avec intérêt. Les paysans, manquant de blé, empruntaient des lingots d’or ou d’argent pour s’en procurer ; puis, quand il leur fallait rendre ces lingots, ils vendaient la récolte à perte, naturellement, à des trusteurs qui devinrent peu à peu maîtres du marché. — (Victor Méric, Les Compagnons de l’Escopette, Éditions de l’Épi, Paris, 1930, page 172)
    • (Par extension) Bigre ! S’écria-t-il, avec un sentiment d’infinie vexation. Quel idiot je suis ! J’aurais dû leur faire rendre leurs épées… — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 359 de l’édition de 1921)
  2. Faire recouvrer certaines choses dont on était privé, qu’on avait perdues, comme la santé, les forces du corps, etc.
    • Cette constatation faite, nous n'en avons pas moins à compter avec la nombreuse cohorte des névropathes vraiment insomniaques, qui souffrent de ne pas dormir, et qui prient instamment que le sommeil leur soit rendu. — (Maurice de Fleury, Les grands symptômes neurasthéniques (pathogénie et traitement)., Éditions F. Alcan, 1910, page 102)
    • Rendre la santé, la vue, l’ouïe.
    • Ce remède lui a rendu la vie.
    • Ce régime lui rendra des forces.
    • Ce jugement lui a rendu l’honneur.
    • Cette nouvelle lui a rendu l’espoir, le courage, lui a rendu sa gaieté.
  3. Faire rentrer (des personnes) en possession d’une chose dont elles étaient privées, ou à laquelle elles avaient renoncé.
    • Il vient d’être rendu à la liberté.
    • Cela vous rend à l’honneur.
    • Vos conseils le rendront à la vertu.
    • Ce remède peut le rendre à la vie.
  4. (Vieilli) Remettre une chose à celui à qui elle est destinée.
    • Rendre un paquet. Rendre une lettre.
  5. (Par extension) (Commerce) Porter, faire voiturer, conduire, un paquet, des marchandises en un lieu.
    • Il m’a vendu tant de kilos de soie, et il doit me les rendre à Lyon.
  6. (Figuré) S’acquitter, de certaines marques de respect, de déférence, de civilité, etc., que l’on donne à quelqu’un.
    • Rendre ses devoirs, ses respects à quelqu’un.
    • Rendre les derniers devoirs à son ami.
    • Rendre les honneurs à un officier général, à un ambassadeur.
    • Rendre obéissance.
    • Rendre gloire, rendre grâce.
  7. Donner en échange, payer de retour, soit en bien, soit en mal.
    • Rendre la pareille.
    • Rendre avec usure.
    • Rendre le bien pour le mal.
    • Rendre le mal pour le bien.
    • Rendre injure pour injure.
    • Il m’a fait une cruelle offense, mais je le lui rendrai bien.
    • Capable de dissimulation, il [Émile Zola] détestait Edmond de Goncourt, qui le lui rendait bien. — (Léon Daudet, Souvenirs des milieux littéraires, politiques, artistiques et médicaux, Grasset, 1914, réédition Le Livre de Poche, page 54)
  8. (Agriculture, Économie) Produire ; rapporter.
    • Il y a de bonnes terres qui rendent deux récoltes par an.
    • Un grain de blé en rend quelquefois plus de soixante.
    • Cette affaire, ce métier rend peu, rend beaucoup.
    • Ce commerce ne rend pas, ne rend rien.
    • — La petite pêche ne rend pas… On vend le poisson trop bon marché… — (Georges Simenon, Les Demoiselles de Concarneau, Gallimard, 1936, réédition Folio, page 76)
  9. Donner l’effet recherché.
    • La chimie agricole est une science appelée à rendre d’immenses services aux cultivateurs. Elle a pour objet l’étude des terrains ; […]. — (Pierre Joigneaux, La chimie du cultivateur, 1850, page 1)
    • Si une partie de la propriété édulcorante du sucre lui est enlevée pendant la pulvérisation, elle lui est rendue pendant sa transformation en sirop. — (Jean-Baptiste Deschamps (d’Avallon), Compendium de pharmacie pratique: guide du pharmacien établi et de l'élève en cours d'études, París : ‎Germer Baillière , 1868, page 110)
    • Mais nous avons vu comment Saint Louis, poussé par ses convictions religieuses, voulut rendre l’usure impraticable. — (Léon Berman, Histoire des Juifs de France des origines à nos jours, 1937)
    • (Absolument)Eh bien, il est fort utile d’avoir tant et tant appris à l’École à dessiner des façades, à les « rendre », à y faire de belles ombres, à les entourer d’arbres et à mettre des grouillots et de petites autos par-devant, car ceux qui vous jugeront ne comprendront que cela. — (Michel Bataille, La Ville des fous, éditions Robert Laffont, 1966, page 114)
  10. Exprimer ; représenter.
    • Cette copie ne rend pas bien l’original.
    • Ce portrait rend bien l’expression de votre visage.
    • Ce mot rend mal votre idée.
    • Rendre nettement, clairement, vivement sa pensée.
    • Je ne saurais rendre, vous rendre à quel point j’ai souffert de votre indifférence, combien je suis touché de votre procédé.
  11. Traduire.
    • Il a mal rendu le sens de son auteur.
    • Rendre un passage mot à mot.
    • Cherchez à rendre le sens plutôt qu’à traduire chaque mot.
  12. Répéter.
    • L’écho rend les sons, rend les paroles.
    • Il ne vous a pas bien rendu ce que je l’avais chargé de vous dire.
    • Je vous rends son discours mot pour mot.
  13. Rejeter, par les voies naturelles ou autrement, en parlant du corps ; vomir.
    • Rendre un remède.
    • Rendre une médecine, un vomitif.
    • Rendre de la bile.
    • Il rend le sang par le nez.
    • On lui perça un abcès qui rendit quantité de pus.
    • (Absolument) Le malade a rendu plusieurs fois dans la journée.
  14. Livrer, céder.
    • Les uns allaient rendre leurs armes ; d’autres, qui les avaient abandonnées déjà, marchaient silencieusement, les mains ballantes. — (Paul et Victor Margueritte, Le Désastre, 86e éditions, Plon-Nourrit & Cie, page 451)
    • Les vivres venant à s’épuiser, le gouverneur se vit forcé de rendre la place.
  15. Faire devenir ; être cause qu’une personne, qu’une chose devient ce qu’elle n’était pas auparavant.
    • Ainsi l’éloquence, dans la bouche d’un Orateur vertueux, rend les hommes justes, & dans celle du méchant rend les autres comme lui. L’un fait le bonheur des peuples, l’autre est la peste des nations. — (J. Beauvais, L’art de bien parler et de bien écrire en français, Paris : chez Valade, 1773, page 33)
    • L’hypertrophie thyroïdienne dont est atteint le sujet, et peut-être aussi un certain degré de sthénose de la trachée, consécutive à la trachéotomie, rendirent la chloroformisation très difficile. — (Association française de chirurgie, Procès-verbaux, mémoires et discussions, F. Alcan, 1888, n° 3, page 500)
    • Les personnes qu’on nous amène ivres mortes et que l’ivrognerie a rendues violentes sont encore plus pathétiques. — (Patrick Pelloux, Histoire d’urgences, Le Cherche-Midi, 2012)
    • Cet amoncellement de mesures rend par conséquent cette politique peu lisible : qui pourrait aujourd'hui dresser la liste exhaustive des multiples dispositifs qui la constituent ? — (Patricia Loncle, ‎Valérie Becquet et ‎Cécile Van De Velde, Politique de jeunesse : le grand malentendu, Champ social Éditions, 2012)
  16. (Pronominal) Devenir, avec ou sans intention, mais par son propre fait.
    • Il veut se rendre agréable, nécessaire.
    • Il s’est rendu odieux, méprisable, ridicule par sa conduite, par ses manières.
    • À force d’excès, il s’est rendu malade.
    • Les ennemis se sont rendus maîtres de la place.
  17. (Pronominal) Céder, se mettre au pouvoir de quelqu’un, se soumettre.
    • Les assiégés ne voulurent point se rendre.
    • La citadelle ne s’est rendue qu’à la dernière extrémité.
    • Se rendre aux ennemis.
    • (Figuré) Se rendre à la raison, à l’évidence, à l’autorité, à des raisons, à des prières.
    • Cette femme s’est rendue à ses désirs.
  18. (Pronominal) Se diriger vers, aboutir.
    • Les fleuves se rendent à la mer.
    • Le sang se rend au cœur.
  19. (Pronominal) (En particulier) (Pour les personnes) Se transporter en endroit, y aller.
    • Il se rendra à Lyon tel jour.
    • Si vous voulez vous rendre en tel endroit, vous m’y trouverez.
    • Se rendre à son bord.
    • Se rendre à son poste.
    • Se rendre à une invitation.
  20. (En général au participe passé « rendu » (passé composé, forme passive…)) Arriver.
    • On n'est pas rendu.
  21. Émettre ou produire, en parlant d'un son.
    • J’avais acheté une vieille 4L dont les cardans exténués rendaient d’inquiétants sons de castagnettes et je roulais des journées entières sur des routes où la mort guettait à chaque virage. — (Bernard Fauconnier, Kaïros, Grasset, 1997, chapitre 3)
  22. (Sport) Accorder une certaine avance à un adversaire dont les performances sont inférieures, afin d'égaliser les chances de victoire.
    • Sur la troisième page, à la date du 29 août, on lisait :
      Rendu 4 brasses à Faby. – Et le lendemain : Rendu 12 brasses…
      Julius comprit qu’il n’y avait là qu’un carnet d’entraînement.
      — (André Gide, Les Caves du Vatican, 1914)
  23. (Sports hippiques) En parlant d'une distance dans une course de trot imposant ce désavantage aux chevaux ayant passé un certain seuil de gains, partir en recul de cette distance par rapport à la première ligne.
    • rendre 25 m, rendre 50 m, rendre la distance
    • Bon lauréat sur cette piste le 22 novembre, TROPHÉE DE JABA semble capable de doubler la mise, même s’il rend 25 m. — (Trophée vers un nouveau succès, Gilles Maarek, Le Parisien, 9 décembre 2014)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

RENDRE. (Je rends, tu rends, il rend; nous rendons, vous rendez, ils rendent. Je rendais. Je rendis. J'ai rendu. Je rendrai. Je rendrais. Rends, rendez. Que je rende. Que je rendisse. Rendant. Rendu.) v. tr.
Remettre une chose entre les mains de celui à qui elle appartient, de quelque manière qu'on l'ait eue. Rendre à quelqu'un l'argent qu'on lui a emprunté. Rendre une somme volée, touchée indûment. Rendre des livres qu'on a empruntés. Il ne rend jamais ce qu'on lui prête. Rendre un dépôt. Prov., Il faut rendre à César ce qui appartient à César, Il faut rendre à chacun ce qui lui est dû. Rendre la monnaie d'une pièce, Donner ce qui reste de la valeur d'une pièce, après avoir pris sur cette pièce ce qui était dû. Fig., Rendre à quelqu'un la monnaie de sa pièce, Lui rendre la pareille, répliquer, riposter.

RENDRE se dit aussi figurément. Je lui ai rendu mon amitié, mon estime, ma confiance. Rendre à quelqu'un sa parole, Le dégager de la promesse qu'il avait faite.

RENDRE signifie encore Faire recouvrer certaines choses dont on était privé, qu'on avait perdues, comme la santé, les forces du corps, etc. Rendre la santé, la vue, l'ouïe. Ce remède lui a rendu la vie. Ce régime lui rendra des forces. Rendre l'appétit. Rendre la liberté. Ce jugement lui a rendu l'honneur. Cette nouvelle lui a rendu l'espoir, le courage, lui a rendu sa gaieté. Fam. et par exagération, Vous me rendez la vie, Vous me tirez de peine, je vous ai une obligation extrême.

RENDRE se dit aussi, en parlant des Personnes, dans une acception à peu près semblable et signifie Les faire rentrer en possession d'une chose dont elles étaient privées, ou à laquelle elles avaient renoncé. Il vient d'être rendu à la liberté. Cela vous rend à l'honneur. Vos conseils le rendront à la vertu. Ce remède peut le rendre à la vie. On l'a rendu à ses amis. On dit dans un sens analogue : Cela le rendit à lui-même, Cela fit cesser l'illusion, la prévention, etc., qui troublait, qui égarait sa raison et qui l'empêchait de juger sainement.

RENDRE signifie aussi Remettre une chose à celui à qui elle est destinée. Rendre un paquet. Rendre une lettre. Il a vieilli en ce sens. Rendre un paquet, des marchandises en un lieu, Les y porter, les y faire voiturer, les y conduire. Il m'a vendu tant de kilos de soie, et il doit me les rendre à Lyon. Rendre de l'ouvrage, Le remettre à celui pour qui on l'a fait. Ce tailleur est bien long à rendre son ouvrage. Je lui ai donné de l'ouvrage, il ne me le rend pas.

RENDRE se dit figurément en parlant de Certains devoirs, de certaines obligations dont on s'acquitte, de certaines marques de respect, de déférence, de civilité, etc., que l'on donne à quelqu'un. Rendre ses devoirs, ses respects à quelqu'un. Je ne manquerai point de lui rendre ce que je lui dois. Rendre les derniers devoirs à son ami. Rendre les honneurs à un officier général, à un ambassadeur, à un prince étranger. Rendre obéissance. Rendre gloire, rendre grâce à Dieu. Grâces vous soient rendues. Rendre à chacun ce qui lui est dû. En termes de Féodalité, Rendre foi et hommage, rendre aveu s'est dit pour Remplir certains devoirs à l'égard de son suzerain. Rendre visite à quelqu'un, L'aller visiter. Rendre à quelqu'un sa visite, L'aller visiter après avoir reçu de lui une visite. Rendre ses visites, Faire les visites que l'usage prescrit dans certaines circonstances. Ces nouveaux mariés ont aimablement rendu leurs visites. Rendre service à quelqu'un, Servir, obliger quelqu'un. Rendre de bons offices, de mauvais offices à quelqu'un, Servir ou desservir quelqu'un par ses paroles ou par ses actions.

RENDRE signifie aussi Donner en échange, payer de retour, soit en bien, soit en mal. Rendre la pareille. Rendre avec usure. Rendre le bien pour le mal. Rendre le mal pour le bien. Rendre injure pour injure. Il m'a fait un plaisir, je le lui ai rendu. Il m'a fait une cruelle offense, mais je le lui rendrai bien. Dieu vous le rende, Expression de reconnaissance dont se servent ceux à qui on donne l'aumône, ceux à qui on fait quelque petit présent, à qui on rend quelque bon office. Rendre le salut, Saluer quelqu'un dont on vient de recevoir le salut. Je lui ai rendu son salut. Il ne m'a pas rendu mon salut. Rendre réponse à quelqu'un, Lui faire une réponse, par écrit ou oralement.

RENDRE signifie aussi Produire, rapporter. Il y a de bonnes terres qui rendent deux récoltes par an. Un grain de blé en rend quelquefois plus de soixante. Cette affaire, ce métier rend peu, rend beaucoup. Ce commerce ne rend pas, ne rend rien. Cet instrument rend un son harmonieux, Il en sort des sons harmonieux quand on en joue. Absolument, Cette raquette rend bien, rend mal, Elle est bien ou mal tendue, elle renvoie fortement ou faiblement la balle. On dit de même : Les bandes d'un billard rendent bien, ne rendent pas.

RENDRE signifie également Exprimer, représenter. Cette copie ne rend pas bien l'original. Ce portrait rend bien l'expression de votre visage. Ce mot rend mal votre idée. Rendre nettement, clairement, vivement sa pensée. Je ne saurais rendre, vous rendre à quel point j'ai souffert de votre indifférence, combien je suis touché de votre procédé. Rendre des oracles, Prononcer des oracles. Rendre témoignage, Témoigner. Rendre un arrêt, une sentence, Prononcer un arrêt, une sentence. Rendre la justice, Exercer, administrer la justice. Les tribunaux sont institués pour rendre la justice. Rendre justice à quelqu'un, Reconnaître son mérite, ses droits. Le public lui rend enfin justice. Tout le monde rend justice à son mérite. On dit dans un sens analogue : C'est une justice à lui rendre. Il faut lui rendre cette justice. Rendre raison, Expliquer pourquoi on fait quelque chose, pourquoi quelque chose est ou se fait. Rendez-moi raison de voire conduite, de votre procédé. Il y a des phénomènes, dans la nature, dont on ne peut rendre raison. Rendre raison à quelqu'un, Se battre en duel avec lui pour réparation d'une offense. Il faudra bien qu'il me rende raison de cette insulte. Je suis prêt à lui rendre raison quand il voudra. Rendre compte d'une chose, La détailler, en donner l'explication. Rendre compte d'un, événement. Rendre compte de sa gestion. Rendre un compte détaillé de sa gérance. Rendre ses comptes. On dit aussi : Se rendre compte d'une chose, Se l'expliquer, en prendre nettement connaissance. Je me rends parfaitement compte de votre situation. Il ne s'est pas bien rendu compte de ce qui se passait.

RENDRE signifie aussi Traduire. Il a mal rendu le sens de son auteur. Rendre un passage mot à mot. Cherchez à rendre le sens plutôt qu'à traduire chaque mot. Il signifie également Répéter. L'écho rend les sons, rend les paroles. Il ne vous a pas bien rendu ce que je l'avais chargé de vous dire. Je vous rends son discours mot pour mot.

RENDRE se dit encore en parlant de Ce que le corps rejette, par les voies naturelles ou autrement. Rendre un remède. Rendre une médecine, un vomitif. Rendre de la bile. Il rend le sang par le nez. On lui perça un abcès qui rendit quantité de pus. Rendre un aliment comme on l'a pris. Absolument, Le malade a rendu plusieurs fois dans la journée. Fig., Rendre gorge, Restituer par force ce qu'on a pris, ce qu'on a indûment acquis. On lui a fait rendre gorge. Fig., Rendre l'esprit, rendre l'âme, rendre le dernier soupir, Mourir, expirer.

RENDRE signifie aussi Livrer, céder. Les vivres venant à s'épuiser, le gouverneur se vit forcé de rendre la place. Fig., Rendre les armes, S'avouer vaincu dans une contestation, dans une discussion. En termes de Manège, Rendre la bride à son cheval, La tenir moins haute, moins ferme. On dit aussi : Rendre la main à un cheval, Lui lâcher un peu la bride. À certains jeux où l'on compte par points, Rendre des points, Consentir que son adversaire compte d'avance à son profit un certain nombre de points, de manière à compenser l'inégalité de force entre les deux joueurs. Fig., Rendre des points à quelqu'un, Être ou se croire plus fort que lui. En termes de jeu d'Échecs, Rendre un cavalier, une tour, un fou, Se priver volontairement d'une de ces pièces pour donner un avantage à son adversaire.

RENDRE signifie aussi Faire devenir; être cause qu'une personne, qu'une chose devient ce qu'elle n'était pas auparavant. Sa vertu l'a rendu illustre. Cette action l'a rendu odieux. Ses victoires l'ont rendu maître de tout le pays. La parure la rend plus belle. Le malheur l'a rendu sage. Cet accident l'a rendue sourde. L'exercice rend le corps plus vigoureux. Rendre un chemin praticable, une rivière navigable.

SE RENDRE signifie Devenir, avec ou sans intention, mais par son propre fait. Il veut se rendre agréable, nécessaire. Il s'est rendu odieux, méprisable, ridicule par sa conduite, par ses manières. Ce prince s'est rendu redoutable à tous ses voisins. À force d'excès, il s'est rendu malade. Les ennemis se sont rendus maîtres de la place. Se rendre maître de l'esprit de quelqu'un.

SE RENDRE signifie aussi Céder, se mettre au pouvoir de quelqu'un, se soumettre. Les assiégés ne voulurent point se rendre. La citadelle ne s'est rendue qu'à la dernière extrémité. Se rendre aux ennemis. Ils se sont rendus sans coup férir. La garnison s'est rendue à discrétion. Fig., Se rendre à la raison, à l'évidence, à l'autorité, à des raisons, à des prières. Cette femme s'est rendue à ses désirs. Je me rends se dit lorsque, dans une discussion, on finit par céder. Il ne se rend jamais, C'est un opiniâtre, un entêté qui ne cède jamais.

SE RENDRE signifie encore Se diriger vers, aboutir. Les fleuves se rendent à la mer. Le sang se rend au cœur. Se rendre en quelque endroit, lorsqu'il s'agit des Personnes, signifie Se transporter en quelque endroit, y aller. Il se rendra à Lyon tel jour. Si vous voulez vous rendre en tel endroit, vous m'y trouverez. Je me rendrai auprès de vous. Se rendre à son régiment. Se rendre à son bord. Se rendre à l'assignation. Se rendre à son poste. Se rendre à une invitation. Se rendre aux ordres d'un chef, d'un supérieur. Par formule de politesse, Je me rends à vos ordres. Se rendre à son devoir, Se rendre au lieu où le devoir appelle. Se rendre à son devoir se dit aussi de Quelqu'un qui se réforme, qui cède à l'empire de la raison. Mon fils, quand vous rendrez-vous à votre devoir? Le participe passé

RENDU s'emploie adjectivement et signifie Qui est remis à destination. Cette barrique de vin coûte tant, rendue à Paris, rendue à domicile. Compte rendu. Voyez COMPTE.

RENDU signifie aussi Qui est arrivé où l'on voulait aller. Il n'y a plus qu'un petit quart de lieue d'ici chez nous, nous voilà bientôt rendus. Il signifie encore Qui est las, fatigué, qui ne peut plus marcher. Je suis rendu, je ne saurais aller plus loin. Ce cheval est rendu. En termes de Beaux-Arts, il se dit des Objets ou des détails bien étudiés et rigoureusement exprimés. Dessin, modèle bien rendu. Dans ce sens il s'emploie aussi comme nom. Ce qu'il y a de plus remarquable dans ce tableau, c'est le rendu des draperies. Fig. et fam., C'est un prêté rendu se dit en parlant d'un Tour qu'on vient de jouer à quelqu'un et qui vaut bien celui dont on a été victime de son fait auparavant. Fig. et fam., C'est un prêté pour un rendu signifie que La victime d'un mauvais procédé saura prendre sa revanche.

Littré (1872-1877)

RENDRE (ran-dr'), je rends, tu rends, il rend, nous rendons, vous rendez, ils rendent ; je rendais ; je rendis ; je rendrai ; je rendrais ; rends, rendons ; que je rende ; que je rendisse ; rendant, rendu v. a.

Résumé

  • 1° Remettre une chose, une personne à celui à qui elle appartient, redonner.
  • 2° En marine, rendre son bâtiment après le désarmement ; rendre le quart.
  • 3° Remettre à son adresse.
  • 4° Voiturer, porter, conduire.
  • 5° Rendre de l'ouvrage, le remettre à celui à qui il est destiné.
  • 6° Transmettre.
  • Fig. S'acquitter, en parlant de certains devoirs.
  • 8° Rendre service, obliger. En un sens contraire, rendre des mépris, des déplaisirs.
  • 9° Rendre preuve, faire acte.
  • 10° Payer de retour.
  • 11° Rendre combat. Rendre résistance.
  • 12° Faire recouvrer ce qui a été perdu.
  • 13° Remettre en un certain état, avec un nom de personne pour régime.
  • 14° Faire devenir, faire qu'une chose ou une personne devienne ce qu'elle n'était pas auparavant.
  • 15° Produire, rapporter.
  • 16° Il se dit du suc qui sort de certaines choses.
  • 17° Exhaler. Rendre l'âme, l'esprit.
  • 18° Faire entendre.
  • 19° Rejeter par les voies naturelles ou autrement.
  • 20° Livrer, céder. Rendre les armes.
  • 21° Rendre la bride, la main à un cheval.
  • 22° À certains jeux, donner un avantage à l'adversaire.
  • 23° Représenter, exprimer.
  • 24° Traduire.
  • 25° Répéter.
  • 26° Rendre témoignage, certifier, témoigner.
  • 27° Rendre un arrêt, une sentence, un oracle. Rendre la justice, rendre justice.
  • 28° Rendre ses comptes, rendre compte.
  • 29° V. n. Aboutir.
  • 30° Cette raquette rend bien, rend mal.
  • 31° Rendre, en parlant d'un cordage.
  • 32° V. réfl. Se rendre, être rendu, donné en retour.
  • 33° Se rendre à quelque chose, reprendre quelque chose.
  • 34° Aller, se transporter.
  • 35° Aboutir.
  • 36° Devenir, se faire tel.
  • 37° Céder, se soumettre.
  • 38° Il se dit de l'amour qui obtient la victoire.
  • 39° À la guerre, il se dit de villes qui se soumettent, de troupes qui capitulent.
  • 40° N'en pouvoir plus.
  • 41° Être prononcé.
  • 42° Être traduit.
  • 1Remettre une chose, une personne à celui à qui elle appartient, redonner. Je ne pus m'empêcher de lui répondre [à un seigneur qui hésitait à se lancer dans un hasard] : vous devez tant à la fortune, vous avez tant reçu d'elle ; ce ne sera pas lui donner beaucoup, ce ne sera que lui rendre quelque chose, Guez de Balzac, De la cour, 4e disc. Bien loin d'interrompre le cours de mes desseins, tu ne fais qu'accomplir l'ouvrage que j'ai commencé… achève donc, ô mort favorable, et rends-moi bientôt à mon maître, Bossuet, Bourgoing. Allez, hypocrites, dit-il : rendez à César ce que vous confessez vous-mêmes être à César, et rendez à Dieu ce qui est à Dieu, Bourdaloue, Serm. 22e dim. après la Pentecôte, Dominic. t. IV, p. 318. Pour consumer autrui, le monstre [la chicane] se consume, Et, dévorant maisons, palais, châteaux entiers, Rend pour des monceaux d'or de vains tas de papiers, Boileau, Lutr. V. C'est un homme d'honneur, de piété profonde, Et qui veut rendre à Dieu ce qu'il a pris au monde, Boileau, Sat. IX. Gardons Proserpine, Les enfers ne rendent rien, Quinault, Proserp. V, 1. C'est l'usage parmi tous les honnêtes gens : Quand il est survenu rupture ou brouillerie… On se rend l'un à l'autre et lettres et portraits, Regnard, les Ménechm. IV, 3. D'un maudit lansquenet le caprice outrageant M'oblige à te prier de vouloir bien me rendre Cent louis que de moi le besoin te fit prendre, Regnard, ib. IV, 5. Nous rendrons aux quatre éléments ce que nous tenons d'eux, après avoir souffert quelque temps par eux, et après avoir été agités de crainte et d'espérance pendant les deux minutes de notre vie, Voltaire, Lett. à Mme du Deffant, 1er nov. 1773. Louis le Germanique avait pris l'Alsace à Lothaire, mais il la rendit ; Charles le Chauve la prit et ne la rendit point, Voltaire, Ann. Emp. Louis II, 869. Il [Frédéric III] rend le jeune Ladislas à ses peuples ; on l'a beaucoup loué d'avoir été un tuteur fidèle, quoiqu'il n'eût rendu ce dépôt que forcé par les armes, Voltaire, ib. Frédéric d'Autriche, 1450. Je n'ai guère vu dans les enfants que ces deux espèces de générosité : donner ce qui ne leur est bon à rien, ou donner ce qu'ils sont sûrs qu'on va leur rendre, Rousseau, Ém. II. Une autre difficulté encore plus grande, c'est l'argent que je n'ai pas ; beaucoup d'amis m'en offrent ; mais je ne serais pas en état de le rendre, et je ne veux l'aumône de personne, D'Alembert, Lett. à Voltaire, 4 août 1770.

    Rendre le pain bénit, voy. PAIN, n° 6.

    Rendre le reste d'une pièce de monnaie, donner ce qui reste de la valeur d'une pièce, après avoir pris sur cette pièce ce qui était dû.

    Rendre à quelqu'un sa parole, le dégager de l'engagement qu'il avait pris. Moi-même je vous rends le serment qui vous lie, Racine, Iph. IV, 6. Cléante m'a rendu ma parole de la meilleure grâce, Genlis, Théâtre d'éduc. la Cloison, sc. 18.

    Populairement. Quand il emprunte, c'est à ne jamais rendre, c'est-à-dire il ne rend pas volontiers ce qu'on lui a prêté.

    Fig. Je lui ai rendu mon estime, ma confiance, mon cœur. Une fois elle avait rendu son cœur à Dieu, Bossuet, Anne de Gonz. Mais si ce feu, seigneur, vient à se rallumer, S'il lui rendait son cœur, s'il s'en faisait aimer ? Racine, Andr. I, 3. Lysimaque, me dit-il, je te rends mon amitié, rends-moi la tienne, Montesquieu, Lysim.

    Dans un sens analogue, se rendre, rendre à soi-même. Rends-toi cette vertu pleine, haute, sincère, Qui t'affermit si bien au trône de mon frère, Corneille, Perth. V, 2.

    Rendre un dépôt, remettre ce qui a été confié.

    Fig. Philippe… examine d'un œil et d'un soin curieux Où les vagues rendront ce dépôt précieux, Corneille, Pomp. II, 2.

  • 2 Terme de marine. Rendre son bâtiment après le désarmement, le remettre et le laisser aux soins des directions du port.

    Rendre le quart, remettre le service du quart à celui ou à ceux qui le prennent après.

    Anciennement. Rendre le bord, revenir au port. Il [le capitaine] ne rendra le bord qu'après avoir consommé tous ses vivres, en sorte qu'il ne lui en reste au plus que pour quinze jours lorsqu'il entrera dans le port où il devra désarmer, Ordonn. de 1689, VII, 26.

  • 3Remettre à son adresse. Rendre un paquet. Le cardinal de Bouillon, à qui la lettre était adressée, ne l'a point rendue au roi, et lui en a seulement rendu compte, Pellisson, Lett. hist. t. II, p. 416. Ta lettre m'a été rendue à Erzeron où je suis, Montesquieu, Lett. pers. 8. Voici les lettres que j'ai reçues pour vous ; je suis bien fâché de ne vous les pas rendre en main propre, Voltaire, Lett. Rochefort, 28 janv. 1767.

    Rendre réponse, faire par écrit une réponse ou transmettre par un messager une réponse. Voici le fils qui me vient rendre réponse, Molière, Mar. forcé, X.

    Rendre un cartel, remettre un cartel. J'ai charge de sa part de lui rendre un cartel, Corneille, Suivante, V, 1.

  • 4Voiturer, porter, conduire. Rendre des marchandises en un lieu.

    Dans ce sens il se dit des personnes. Montez dans ma voiture, et dans une heure je vous rendrai chez vous. Sans reculer plus loin l'effet de ma parole, Je vous rends dans trois mois au pied du Capitole, Racine, Mithr. III, 1. M. d'Almare veut absolument que nous soyons rendus à Toulon vers les derniers jours d'avril, Genlis, Ad. et Th. t. II, p. 267, dans POUGENS.

    Rendre quelqu'un (avec un qualificatif), le ramener en tel ou tel état. Ne prétendez nous le rendre ni beau, ni spirituel ; rendez-nous le sain : c'est tout ce qu'on veut, Maintenon, Lett. à Mme de Ventadour, 30 juill. 1712.

    Rendre quelqu'un en quelque lieu, avec un nom de chose pour sujet, l'y faire arriver. Mais il faut que le ciel lui-même la renvoie, Cette belle rivale ; et tout notre discours Ne la saurait ici rendre dans quatre jours, Corneille, Tite et Bérén. I, 3.

  • 5Rendre de l'ouvrage, le remettre à celui à qui il est destiné. J'ai donné de l'ouvrage à mon tailleur qui ne me le rend pas.
  • 6Transmettre. Du prince, en apparence, elle reçoit les vœux ; Mais elle les reçoit pour les rendre à Roxane, Racine, Bajaz. I, 1.
  • 7 Fig. S'acquitter, en parlant de certains devoirs, de certaines obligations, de marques de respect, de civilité. Au nom de cette aveugle et prompte obéissance Que j'ai toujours rendue aux lois de la naissance, Corneille, Poly. III, 4. J'adore ce grand cœur qui rend ce qu'il doit rendre Aux illustres aïeux dont on vous voit descendre, Corneille, Sertor. II, 3. Vous n'avez point rendu gloire au Dieu qui tient dans sa main votre âme et tous les moments de votre vie, Sacy, Bible, Daniel, V, 23. Si on lisait dans le cœur du maître [Louis XIV], je crois que l'on y verrait qu'il estime plus les hommages de M. le Prince [Condé] que ceux que lui pourrait rendre tout le reste de l'univers, La Fontaine, Lett. XI. Et le mari benêt, sans songer à quel jeu, Sur les gains qu'elle fait rend des grâces à Dieu, Molière, Éc. des femmes, I, 1. Mais au moins sois complaisante aux civilités qu'on te rend, Molière, Princ d'Él. II, 4. Mais, quand on est du monde, il faut bien que l'on rende Quelques dehors civils que l'usage demande, Molière, Mis. I, 1. Les ministres lui rendent [à Mme de Maintenon] la cour que les autres leur font, Sévigné, 21 juin 1680. Mettez la foi et l'obéissance à la place de la raison, passez outre sur ma parole et rendez-moi cette obéissance, Bossuet, Lett. à Mme du Mans, 27 mai 1701. Elle que j'avais vue si attentive pendant que je rendais le même devoir [oraison funèbre] à la reine sa mère, devait être, sitôt après, le sujet d'un discours semblable, Bossuet, Duch. d'Orl. Le prince victorieux fléchit le genou, et, sur le champ de bataille [Rocroy], il rend au Dieu des armées la gloire qu'il lui envoyait, Bossuet, Louis de Bourbon. Il ne fallut pas emprunter la voix d'un prophète inconnu pour lui dire comme à Ézéchias : vous mourrez ; un fils osa rendre ce triste et charitable office à son père, et la fidélité de l'un fit voir la résignation de l'autre, Fléchier, le Tellier. Andromaque elle-même, à Pyrrhus si rebelle, Lui rend tous les devoirs d'une veuve fidèle, Racine, Andr. V, 5. [à Athènes] Au retour d'une bataille on rendait publiquement les derniers devoirs à ceux qui avaient été tués, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. XI, 2e part. p. 467, dans POUGENS. Quand même vous vous tromperiez… en rendant à une fausse vertu l'estime et l'honneur qui ne sont dus qu'à la vertu véritable, qu'eu serait-il ? Massillon, Carême, Injust. du monde. Je lui rends des respects et des soins, Dancourt, Parisienne, SC. 3. Il [Montézuma] met le comble à son avilissement, en rendant hommage de sa couronne au roi d'Espagne, Raynal, Hist. phil. VI, 9. Absolument. M. de Louvois, toute sa vie, avait une grande considération pour elle [Mme de Boisdauphin, mère de Mme de Louvois], et ses enfants après lui ; c'était une femme aussi qui savait se faire rendre, Saint-Simon, 129, 176.

    Rendre le devoir conjugal, ou, simplement, rendre le devoir, satisfaire à l'intention du mariage.

    Rendre une reconnaissance, témoigner de la reconnaissance. J'ai rendu jusqu'ici cette reconnaissance à ces soins tant vantés d'élever mon enfance, Corneille, Héracl. I, 2.

    Rendre des honneurs, accorder, décerner des honneurs. Il n'y a que les républiques qui rendent de tels honneurs [une statue] ; les rois ne donnent que des récompenses, Voltaire, Charles XII, 3.

    Terme de féodalité. Rendre foi et hommage, rendre aveu, reconnaître en qualité de suzerain.

    Rendre visite, aller visiter.

    Fig. Et quand la mort vient nous rendre visite, Achille est-il plus heureux que Thersite ? Rousseau J.-B. Épît. I, 1.

    Rendre ses visites, faire les visites que l'usage prescrit dans certaines circonstances.

    Rendre à quelqu'un sa visite, faire une visite à une personne qui est venue vous visiter. Les croyant de retour, elle avait été chez eux sans les trouver, et ils venaient lui rendre sa visite, Genlis, Veillées du château t. I, p. 424, dans POUGENS.

    Rendre le salut, saluer quelqu'un par qui on a été salué.

    On dit de même : Je lui ai rendu son salut. Il ne m'a pas rendu mon salut.

  • 8Rendre service à quelqu'un, l'obliger. L'important service qu'il rendait continuellement à l'État, en faisant connaître les hommes capables de remplir les grandes places, Bossuet, le Tellier. Voulez-vous être rare ? rendez service à ceux qui dépendent de vous, La Bruyère, VI. Richelieu était ingrat, ambitieux, tyrannique ; mais il avait rendu de très grands services, Voltaire, Hist. parl. L.

    Rendre de bons offices, de mauvais offices à quelqu'un, servir ou desservir quelqu'un de parole ou d'action. Ce grand pontife [Robespierre] aux indévots Rendit quelques mauvais offices, Chénier M. J. Épître à Delille.

    Il se dit parfois en un sens tout opposé. Rendre des mépris, témoigner des mépris. Telle rend des mépris qui veut qu'on l'importune, Corneille, Menteur, III, 6.

    Rendre un déplaisir, rendre déplaisir, causer un déplaisir, causer déplaisir. J'offre ces mêmes vœux et ces mêmes hosties Pour ceux dont la malice ou les antipathies M'ont rendu déplaisir, m'ont nui, m'ont offensé, Corneille, Imit. IV, 9. J'ai des parents et des amis parmi eux, à qui j'ai été bien aise de ne rendre pas ce déplaisir, Corneille, Lett. au P. Boulard, 10 juin 1656.

  • 9Rendre preuve, s'est dit pour faire acte de. La grande preuve qu'il avait rendue de sa vertu l'avait fait honorer de ses sujets et élever en l'état où il était, Mém. de Villeroy, t. V, p. 105, dans LACURNE. Ayant rendu toutes les preuves de générosité qu'on saurait attendre d'un prince, Arnauld D'Andilly, Lett. 71, dans GODEFROY, Lex. de Corneille.

    On a dit dans le même sens : rendre témoignage de. Les témoignages de valeur qu'il [Alexandre] y rendit vont au delà de toute l'imagination, La Fontaine, Lett. XI.

  • 10Payer de retour soit en bien, soit en mal. Rendre la pareille. Rendre le réciproque. Rendre le change. Et rendons le malheur à qui nous l'a donné, Mairet, M. d'Asdrub. III, 1. Et si c'est un bienfait qu'il faut rendre aujourd'hui, Comme il parla pour vous, vous parlerez pour lui, Corneille, Pomp. I, 1. L'effet a dû t'apprendre, Quand on feint avec moi, que je sais bien le rendre, Corneille, Veuve, IV, 8. Et je ne rendrai pas menace pour menace ! Corneille, Nicom. II, 3. Ici furent portés et rendus tant de coups…, Rotrou, Antig. III, 6. Enfin, ma fille, il faut que vous soyez ingrate : le moyen de rendre tout cela ? Sévigné, 48. Je ne rougis pas de pardonner une injure, jusqu'à rendre le bien pour le mal, Bourdaloue, Resp. hum. 2e avent, p. 403. Rendons-lui les tourments qu'elle me fait souffrir, Racine, Andr. II, 1. J'aurais vu massacrer et mon père et mon frère… Et moi… Je n'aurais pas du moins à cette aveugle rage Rendu meurtre pour meurtre, outrage pour outrage ! Racine, Ath. II, 7. Si vous ne haïssez pas de me parler, je vous le rends bien, ma chère Angélique, Marivaux, l'Épreuve, SC. 8. On tua prodigieusement de Russes, mais ils nous le rendirent bien, Voltaire, Candide, 12. Vous êtes prêtre papiste, je suis prêtre calviniste, vous m'avez ennuyé, et je vais vous le rendre, Voltaire, Quest. mir. 15. Je dis ce qui me vient, et l'on peut me le rendre, Gresset, le Méch. I, 4. Il faut convenir que sur ce point nous sommes un peu en avance avec eux, et qu'ils ne nous rendent pas fort exactement les louanges que nous leur donnons, D'Alembert, Ess. sur la soc. des g. de lett. Œuv. t. III, p. 56, dans POUGENS. Les coups qu'on sent le plus sont ceux qu'on ne peut pas rendre, D'Alembert, Éloges, l'abbé de St-Pierre. Cochin n'aime pas Greuze, et celui-ci le lui rend bien, Diderot, Lett. à Falconet, 1767. Alors il [l'homme statue] remarque que tout ce qu'il touche sur lui rend à sa main sentiment pour sentiment, Condillac, Trait. anim. ch. 6. Et pourquoi, lorsqu'il vous bat ainsi, ne le lui rendez-vous pas ? Genlis, Veillées du château t. I, p. 80, dans POUGENS.

    Au passif et impersonnellement. Au grand jour où il sera rendu à chacun selon ses œuvres, Massillon, Avent, Bonheur.

    Absolument. Le cheval sent autant qu'on le désire, et ne rend qu'autant qu'on veut, Buffon, Morc. choisis, p. 137.

    Le cheval rend à la main, il sent la bride et y obéit.

    Dieu vous le rende, phrase que prononcent d'ordinaire ceux à qui on fait l'aumône ou à qui on rend quelque service. Que le ciel vous le rende, madame, lui répondis-je, Marivaux, Pays. parv. part. 1.

  • 11Rendre combat, rendre le combat, résister à une attaque, combattre. Timée, après avoir rendu un glorieux combat, demeura sur la place, Vaugelas, Q. C. 591. Où sont-ils ces combats que vous avez rendus ? Racine, Iphig. IV, 4. La terreur de ses armes [de Charles XII] était si grande, que la moitié de l'armée saxonne s'enfuit à son approche sans rendre le combat, Voltaire, Charles XII, 2.

    Fig. Les péchés véniels où ils ont trouvé cette jeune âme rendant du combat et faisant de la résistance…, Guez de Balzac, 7e disc. sur la cour. C'en est fait, Angélique, et je ne saurais plus Rendre contre tes yeux des combats superflus, Corneille, la Place Roy. V, 4. J'ai si peu de combats à rendre contre moi-même, Rousseau, Hél. I, 8.

    On a dit de même : rendre résistance, opposer de la résistance. Des plus cruels tyrans j'emprunte le courroux, Pour tirer cet aveu de la reine ou de vous ; Mais partout je perds temps, partout même constance Rend à tous mes efforts pareille résistance, Corneille, Perth. V, 2.

  • 12Faire recouvrer ce qui a été perdu. Rendre la santé, la vue. Rendre la parole. Rendre la liberté. La mort de votre amant vous rendra-t-elle un père ? Corneille, Cid, V, 5. C'est ainsi que sa mort lui rend toute sa gloire, à vous toute l'Égypte, à César la victoire, Corneille, Pomp. V, 3. Et peut-on voir mensonge assez tôt avorté Pour rendre à la vertu toute sa pureté ? Corneille, Nicom. IV, 1. En achevant ces mots, la déesse guerrière… Rend aux trois champions leur intrépidité, Boileau, Lutr. III. Il faut à votre fils rendre son innocence, Racine, Phèdre, V, 7. Dieux, vous rendrez Oreste aux larmes de sa sœur, Voltaire, Oreste, I, 2. Le supplice d'un Dieu leur rendra l'innocence [aux humains], Delille, Paradis perdu, X. Éternité, néant, passé, sombres abîmes, Que faites-vous des jours que vous engloutissez ? Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes Que vous nous ravissez ? Lamartine, Médit. le Lac.

    Par exagération. Rendre la vie, tirer d'une grande peine. Et par cette nouvelle il m'a rendu la vie, Corneille, Cinna, III, 1.

  • 13Remettre en un certain état, avec un nom de personne pour régime. Ce médecin le rendit à la santé. Un arrêt de non-lieu l'a rendu à la liberté. Et vous n'avez, seigneur, qu'à vous y faire voir Pour rendre d'un coup d'œil chacun à son devoir, Corneille, Othon, V, 2. Au jour que je fuyais c'est toi qui m'as rendue, Racine, Phèdre, IV, 6. Tu ne ris du vice des hommes Que pour les rendre à la vertu, Lamotte, Odes, t. I, p. 504, dans POUGENS. Tu me rends à l'espoir, tu me rends à la vie, Ducis, Othello, II, 1.

    Cela le rendit à lui-même, cela le remit en son état ordinaire, fit cesser ses illusions, ses préventions. Ah ! je vous reconnais ; et ce juste courroux, Ainsi qu'à tous les Grecs, seigneur, vous rend à vous, Racine, Andr. II, 5. Il n'en fallait pas moins pour me rendre à moi-même ; mais j'y suis rendu, cela est sûr ; ou plutôt je suis tout à l'amitié…, Rousseau, Lettre à Mme d'Houdetot, Corresp. t. V, p. 6, dans POUGENS. Cet excès de fausseté me rend enfin à moi-même, Genlis, Théât. d'éduc. le Méchant par air, V, 2.

  • 14Faire devenir, être cause qu'une personne ou une chose devient ce qu'elle n'était pas auparavant. Qui peut rendre pur celui qui est né d'un sang impur ? Sacy, Bible, Job, XIV, 4. J'aime tout en vous, et même votre beauté… ayez pitié de votre portrait, ne le rendez point celui d'une autre [en devenant maigre par la maladie], Sévigné, 18 oct. 1688. Si vous ne me rendez cet endroit vraisemblable, je croirai que j'ai lu un roman, Sévigné, 19 juill. 1690. L'amitié qu'elle [Mme de la Fayette] a pour moi, qui la rend sur cette affaire [la nomination de Ch. de Sévigné à la députation] comme si c'était pour son fils, Sévigné, 4 sept. 1689. La mortification lui rend [au chrétien] la mort familière, Bossuet, Bourgoing. Ces juges sévères qui, selon le langage du prophète, rendent les fruits de la justice amers comme de l'absinthe, Fléchier, Lamoignon. De combien de remords m'ont-ils rendu la proie ! Racine, Andr. I, 4. Non, non, mon intérêt ne me rend point injuste, Racine, Brit. I, 1. Aimez, profitez du temps, Jeunesse charmante, Rendez vos désirs contents, Quinault, Isis, II, 7. Les images des ancêtres rangées en grand nombre dans une salle rendent-elles un homme plus estimable ? Rollin, Traité des Ét. V, 1re part. § 6. Vous eût-elle [l'Église] appelé à son secours par l'imposition des mains, et rendu participant de ses honneurs, si vous eussiez déclaré que vous ne prétendiez pas entrer en part de ses travaux ? Massillon, Confér. Zèle contre les scand. Le cardinal de Tencin, archevêque de Lyon, si connu par la manière dont il avait fait sa fortune, en rendant catholique ce Law ou Lass, auteur du système qui bouleversa la France, Voltaire, Comm. Œuv. aut. Henr. Rendez votre élève attentif aux phénomènes de la nature, bientôt vous le rendrez curieux ; mais, pour nourrir sa curiosité, ne vous pressez jamais de la satisfaire, Rousseau, Ém. III. Il lui rendit les bienfaits odieux, les bienfaiteurs insupportables, la reconnaissance importune, Marmontel, Mém. VIII. Rendre suivi d'un participe passé ; tournure moins usitée qu'avec un adjectif, mais autorisée par les meilleurs auteurs. Et rendra les desseins qu'ils feront pour lui nuire, Aussitôt confondus comme délibérés, Malherbe, II, 1. Rendre en si doux ébat les heures consumées, Malherbe, VI, 25. Sa réponse rendra nos débats terminés, Corneille, Veuve, V, 8. Un favorable aveu pour ce digne hymenée Rendrait ici sa course heureusement bornée, Corneille, Tois. d'or, I, 2. [Qu'il] N'ait rendu de nos dieux le courroux apaisé, Rotrou, St Gen. III, 2. Il pleut, le soleil luit, et l'écharpe d'Iris Rend ceux qui sortent avertis Qu'en ces mois le manteau leur est fort nécessaire, La Fontaine, Fabl. VI, 3. Tandis que le héros admire Cythérée, Elle rend par ces mots son âme rassurée, La Fontaine, Adonis. Vous me direz, pourquoi cette narration ? C'est pour vous rendre instruit de ma précaution, Molière, Éc. des f. I, 1. C'est que l'amie [Mme de Maintenon] est d'un orgueil qui la rend révoltée contre les ordres de l'autre [Mme de Montespan], Sévigné, 7 août 1675.
  • 15Produire, rapporter. Sa ferme lui rend dix mille francs par an. Quelques grains rendant cent pour un, d'autres soixante, et d'autres trente, Sacy, Bible, Évang. St Math. XIII, 8. Le cabinet de M. de Julienne a rendu à la vente beaucoup au delà de ce qu'il avait coûté, Diderot, Salon de 1767, Œuv. t. XIV, p. 7, dans POUGENS. Le revenu territorial, les douanes et les petites branches de commerce ne rendent pas annuellement, à Ceylan, plus de 2 200 000 livres, Raynal, Hist. phil. II, 15.

    Absolument. Le jeu rendait à merveille dans les commencements, Hamilton, Gramm. 2. J'ai grand nombre d'écoliers ; mais cela rend peu, Dancourt, le Prix de l'arquebuse, SC. 14. Comme il y a souvent des années où la chasse et la pêche rendent très peu, ils [les sauvages] sont désolés par des famines fréquentes, Montesquieu, Lett. pers. 120. Ce métier où l'on devrait mourir de faim ne laisse pas de rendre, Montesquieu, ib. 36. L'État ne peut subsister qu'autant que le travail des hommes rend au delà de leurs besoins, Rousseau, Contr. III, 8. Ce n'était [la mine d'Ucantaya, au Pérou] qu'une croûte d'argent presque massif, qui rendit d'abord beaucoup, mais qui fut bientôt épuisée, Raynal, Hist. phil. VII, 30.

    Fig. Les du Maine commencèrent à me faire mille avances ; lassés de ce que cela ne rendait pas, ils pressèrent Mme de Saint-Simon de m'amener à Sceaux, Saint-Simon, 258, 211.

    Ce fermier rend tant de sa ferme, il en paye tant. Je sais ce qu'un fermier nous doit rendre par an, Boileau, Lutr. IV.

  • 16Il se dit du suc qui sort de certaines choses. Cette orange, cette viande rend beaucoup de jus. Cette volaille a rendu de la graisse.
  • 17Exhaler. Cette fleur rend une odeur agréable.

    Fig. Rendre l'âme, l'esprit, le dernier soupir, la vie, mourir. Prêt à rendre l'âme, Bossuet, le Tellier. Quelques heures après il rendit doucement l'esprit, le dix-septième de janvier de l'année 395, l'an seizième de son empire et la cinquantième de son âge, Fléchier, Hist. de Théodose, IV, 77. Je rends dans les tourments une pénible vie, Racine, Phèdre, IV, 6. Ne me donnez plus de ces vilaines pilules ; elles ont failli à me faire rendre l'âme. - Je voudrais qu'elles t'eussent fait rendre mon drap ! Brueys, Avoc. Pat. II, 3.

  • 18Faire entendre. Cet instrument rend un son harmonieux. … Plainte Qu'encore ne rendrai-je en ces derniers efforts, Si…, Régnier, Élégie I. Le zinc rend, lorsqu'on le plie, un petit cri comme l'étain, Buffon, Min. t. V, p. 407. Son armure en marchant rend un son plus horrible, Delille, Én. IX.
  • 19Rejeter par les voies naturelles ou autrement. Rendre de la bile. Rendre par haut et par bas. [à Vichy] On tourne, on va, on vient, on se promène ; on entend la messe ; on rend les eaux, on parle confidemment de la manière qu'on les rend : il n'est question que de cela jusqu'à midi, Sévigné, 277. J'ai une médecine à prendre, à rendre et beaucoup de lettres à écrire, Maintenon, Lett. à Mme de Caylus, 1714, t. IV, p. 66, dans POUGENS. Le lamantin rend beaucoup de sang par ses blessures, Buffon, Quadrup. t. XI, p. 264. Ce paysan, âgé de trente-cinq ans, rendit par la bouche, en mai 1759, des salamandres de différentes grandeurs, les unes vivantes, les autres mortes, Bonnet, Consid. corps org. t. V, p. 144, dans POUGENS. Dans le commencement des fièvres et des maladies inflammatoires, les malades rendent ordinairement une urine rouge, très colorée, ardente, imitant presque la couleur de sang, chaude et âcre, Fourcroy, Connaiss. chim. t. X, p. 172. Nous retirâmes des flots le malheureux Paul sans connaissance, rendant le sang par la bouche et par les oreilles, Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virg.

    Cette plaie, ce vésicatoire rend beaucoup, il en sort beaucoup d'humeur.

    Populairement. Rendre gorge, vomir pour avoir trop bu ou trop mangé ; et fig. restituer par la force ce que l'on a mal acquis.

    Absolument, rendre, vomir.

    Fig. et familièrement. Il a bon cœur, il ne rend rien, c'est-à-dire il ne rend pas ce qu'on lui prête.

  • 20Livrer, céder. Le gouverneur, vieil et barbu, ne dit au roi que ces paroles : Je viens rendre Gand à Votre Majesté, c'est tout ce que j'ai à lui dire, Racine, Frag. hist. Elle trahit mon père, et rendit aux Romains La place et les trésors confiés en ses mains, Racine, Mithr. I, 1. Lorsque, en vertu du traité les troupes françaises qui étaient dans Damiette rendirent cette ville, Voltaire, Mœurs, 58. Une seconde lettre du roi [Xerxès] ne contenait que ces mots : " Rends-moi tes armes. " Léonidas écrivit au-dessous : " Viens les prendre, ", Barthélemy, Anach. Introd. II, 2.

    Fig. Enfin cette beauté m'a la place rendue, Que d'un siége si long elle avait défendue, Malherbe, V, 4.

    Fig. Rendre les armes, s'avouer vaincu dans une contestation, dans une discussion.

    Rendre les armes signifie aussi s'avouer charmé. À prudence endormie il faut rendre les armes, Molière, Fem. sav. III, 2.

    Rendre la main, céder le tour, céder la place. Ont-ils la main, ils dansent, ils se font danser les uns les autres, ils dansent encore, ils dansent toujours, ils ne rendent la main à personne de l'assemblée, La Bruyère, XVI.

  • 21 Terme de manége. Rendre la bride à son cheval, la tenir moins haute, moins ferme. Serrer les genoux, appuyer des éperons, rendre la bride, Voltaire, Bl. et noir.

    Rendre la main, lâcher un peu la bride.

  • 22À certains jeux, donner à l'adversaire un avantage. Aux échecs, rendre un pion, un fou, un cavalier, se priver soi-même d'un pion, d'un fou, d'un cavalier. Si je me suis laissé battre, c'est par pure courtoisie, et je vous rendrai la tour au lieu du fou tant qu'il vous plaira, Ch. de Bernard, le Gentilh. camp. II, § 13.

    Rendre des points dans les jeux où l'on compte par points comme les dominos, le billard, etc.

    Fig. Rendre des points, être plus fort, se croire plus fort que l'adversaire. En toutes choses, je suis homme à lui rendre des points, Ch. de Bernard, les Ailes d'Icare, § 1.

  • 23Représenter, exprimer. Est-ce une marque de supposition ou de nouveauté, que la langue de l'Écriture soit si ancienne, qu'on en ait perdu les délicatesses, et qu'on se trouve empêché à en rendre toute l'élégance ou toute la force dans la dernière rigueur ? Bossuet, Hist. II, 13. Pourvu qu'on forme un tout qui rende parfaitement l'original, Hamilton, Gramm. 1. Aucune expression n'y peut atteindre ; vous n'êtes fidèlement rendue que dans mon cœur, Marivaux, l'Heur. stratag. I, 12. Ces nuances-là étaient délicates à saisir ; je ne sais si je les ai bien exprimées, mais je sais qu'il sera difficile à une actrice de les rendre, Voltaire, Lett. d'Argental, 14 déc. 1751. Le livre [le conte du Tonneau de Swift] est très mal traduit en français ; il n'était pas possible de rendre le comique dont il est assaisonné, Voltaire, Mél. litt. Lett. à M. le prince de ***, 5. C'est la même idée, mais elle est grossièrement rendue dans Garnier, et admirablement dans Corneille ; l'expression fait la poésie, Voltaire, Comm. Corn. Rem. Pomp. V, 1. Thymèle, du temps de Domitien, fut à Rome ce que la fameuse Empuse avait été dans la Grèce ; il n'y avait point d'action théâtrale qu'elle ne rendît avec la force, la vivacité et l'énergie dont elle était susceptible, Cahusac, Dans. anc. et mod. I, III, 3. Pour rendre ces sortes d'effets, il faut un pinceau et non pas des paroles, Buffon, Ois. t. V, p. 436. Nous remarquerons que penser et bien rendre ce qu'on pense sont deux choses bien différentes, Condillac, Gramm. I, 9. Voilà ce que le papier ne peut jamais rendre ; voilà où le geste triomphe du discours ! Diderot, Lett. sur les sourds et muets. On rend avec netteté ce que l'on conçoit bien, D'Alembert, Œuv. t. I, p. 147. Les mots arrivent plus aisément pour rendre une émotion vive qu'une idée claire, D'Alembert, ib. t. III, p. 239. Si le traducteur ne rend pas ce style et ce goût, il n'a rien rendu ; il a anéanti son auteur en croyant le faire revivre, D'Alembert, Éloges, Saci. L'objet des arts est infini en lui-même : il n'est borné que par leurs moyens ; le modèle universel, la nature, est présent à tous les artistes ; mais le peintre, qui n'a que les couleurs, ne peut en imiter que ce qui tombe sous le sens de la vue ; le pinceau de Vernet ne rendra jamais dans une tempête le cri des matelots et le bruit des cordages, Marmontel, Œuv. t. IX, p. 410.

    Absolument. Bien écrire, c'est tout à la fois bien penser, bien sentir et bien rendre, Buffon, Disc. de récept.

  • 24Traduire. Rendre un passage mot à mot. Je suis bien éloigné de désapprouver qu'après avoir fait expliquer du latin pendant un certain temps et après avoir fait observer sur ce latin les principales règles de la syntaxe, on fasse rendre du français en latin, soit de vive voix, soit par écrit, Dumarsais, Œuv. t. I, p. 213.
  • 25Répéter. L'écho rend les sons. Chavigni en parla à Monsieur en ces propres termes en présence de Madame, qui me les rendit le lendemain, Retz, Mém. t. III, liv. IV, p. 192, dans POUGENS. Je vous rendrais vos paroles, et ma lettre ne serait que l'écho de la vôtre, parce que je suis assez heureuse pour penser comme vous dans cette occasion, Sévigné, à Moulceau, 6 janv. 1687. J'ai parlé à d'Alembert comme un ange ; je vous rendrai cette conversation au Grandval, Diderot, Lett. à Mlle Voland, 9 oct. 1759.
  • 26Rendre témoignage, certifier, témoigner. Merci, que le prince de Condé et le vigilant Turenne n'ont jamais surpris dans un mouvement irrégulier, et à qui ils ont rendu ce grand témoignage, que jamais il n'avait perdu un seul moment favorable, Bossuet, Louis de Bourbon. Ces hommes auparavant si timides… rendent hardiment témoignage devant les princes des prêtres assemblés à la résurrection de Jésus-Christ, Massillon, Confér. Zèle contre les scand.
  • 27Rendre un arrêt, une sentence, prononcer un arrêt, une sentence. Ce fut le 9 mars 1765 que fut rendu cet arrêt authentique qui justifia les Calas, et qui changea leur destinée, Voltaire, Comm. Œuv. aut. Henr.

    Rendre des oracles, prononcer des oracles. L'arche sainte est muette, et ne rend plus d'oracles, Racine, Athal. I, 1. On a cru dans les premiers siècles du christianisme, que les oracles étaient rendus par des démons, Fontenelle, Oracles, I, 4.

    Rendre la justice, administrer la justice. Affligea-t-il les malheureux, et leur fit-il acheter, par quelque dureté, la justice qu'il leur a rendue ? Fléchier, Lamoignon. [Ces juges] qui, fiers de leur pouvoir, et même de leur vertu, redoutables indifféremment aux innocents et aux coupables, font croire qu'ils ne rendent la justice aux uns qu'à regret, et aux autres qu'avec colère, Fléchier, ib. L'Écriture, après avoir représenté le courage de David dans ses combats… ajoute incontinent, comme la perfection de son règne, qu'il rendait justice et jugement à son peuple, Fléchier, le Tellier. Le devoir des juges est de rendre la justice, leur métier est de la différer, La Bruyère, XIV.

    Rendre justice à quelqu'un, reconnaître son mérite, ses droits. Si vous doutiez de ma sincère et parfaite joie, je douterais de la vôtre : ne nous offensons point, rendons-nous justice l'une à l'autre, Sévigné, 26 août 1685. Phèdre au fond de son cœur me rend plus de justice, Racine, Phèdre, IV, 2. Un brave chevalier peut être d'un parti différent d'un autre brave chevalier ; mais tous deux doivent se rendre justice, Voltaire, Lett. Richelieu, 20 mai 1771.

    On dit dans un sens analogue : C'est une justice à lui rendre. Il faut lui rendre cette justice.

    Avec cette locution on ne peut représenter justice par un pronom et dire par exemple : Vous lui avez rendu justice ; et il méritait que vous la lui rendissiez. Il faudrait prendre une autre tournure. Cependant cette règle, exacte en soi, n'est pas toujours observée, surtout si le sens ne reçoit aucun dommage. On ne lui avait pas assez rendu justice [à Mme du Châtelet] ; car, mon cher ami, à qui la rend-on ? il faut être mort, pour que les hommes disent enfin de nous un peu de bien, qui est très inutile à notre cendre, Voltaire, Lett. d'Aigueberre, 26 oct. 1749. Aux sentiments de qui rendriez-vous justice, si vous ne la rendiez pas aux miens ? D'Alembert, Lett. à Voltaire, 9 mars 1770.

  • 28Rendre ses comptes, rendre compte, soumettre à qui de droit les résultats d'une gestion. La Némésis des païens fait des avances et du crédit [à la jeunesse] ; elle agrée que les comptes soient rendus sans compensation ; mais elle se dédommage sur la vieillesse, Anal. de Bayle, t. III, p. 299. Il [Périclès] songeait à les rendre [ses comptes], lorsque Alcibiade dit qu'il ferait mieux de songer à ne les rendre pas ; et cette plaisanterie fut un conseil qu'il suivit, Condillac, Hist. anc. II, 5.

    Rendre compte d'une chose, en donner le détail. Rendre compte d'un événement. Rendre compte de sa gestion. Quand je dis qu'il n'est point besoin de rendre compte de ce que font les acteurs pendant qu'ils n'occupent point la scène, je n'entends pas dire qu'il ne soit quelquefois fort à propos de le rendre, mais seulement qu'on n'y est pas obligé, Corneille, 3e disc. Bien faire et bien rendre compte de tout, c'est la perfection ; mal faire et mal rendre compte, c'est l'abîme ; mais d'un homme qui ne rendrait pas bon compte ou d'un autre qui ferait mal et qui rendrait bon compte, celui-ci se sauverait plutôt que l'autre, Lett. etc. de Colbert, III, 2, p. 174.

    Rendre compte, être responsable de. Si nous contemplons le terme où elle [la vie] aboutit et le compte qu'il en faut rendre, Bossuet, Duch. d'Orl. J'ai paru devant les Romains, citoyen au milieu de mes concitoyens, et j'ai osé leur dire : Je suis prêt à rendre compte de tout le sang que j'ai versé pour la république, Montesquieu, Sylla et Eucrate.

    Avec inversion et familièrement. Elle [Thérèse] est sa maîtresse absolue, va, vient, sans compte rendre, Rousseau, à Mme d'Épinay, 13 déc. 1766.

    Rendre compte de quelqu'un, veiller sur sa conduite. Puis je rendrai de vous un très bon compte à l'avenir, et vous jure ma foi Que nuit et jour vous serez près de moi, La Fontaine, Gag.

    Se rendre compte à soi-même de quelque chose, y réfléchir et s'en faire une notion claire. Dirai-je… qu'il se rendait compte à lui-même de tous les jugements qu'il avait rendus, et repassait de temps en temps toutes les années de sa vie ?…, Fléchier, Lamoignon.

    Populairement et fig. Rendre ses comptes, mourir.

    Rendre raison d'une chose, en expliquer la cause. Rendre raison de différents phénomènes naturels.

    Rendre raison à quelqu'un, se battre en duel avec lui pour réparation d'une offense.

  • 29V. n Aboutir. Alors, ouvrant une porte secrète qui rendait dans le temple, ils l'assommèrent à coups de pierres lui et ceux qui l'accompagnaient, Sacy, Bible, Machab. II, 1, 1. Le petit degré qui rend à votre garde-robe, Hauteroche, Cocher supp. SC. 3. Elle s'attache à l'orteil dès le soir Un brin de fil qui rendait à la porte De la maison…, La Fontaine, Gag. Il faut vous dire que je logeais dans une aile du château assez retirée, et qui, par un escalier dérobé, rendait dans le jardin, d'où l'on pouvait venir à ma chambre, Marivaux, Marianne, 9e part.
  • 30Cette raquette rend bien, rend mal, elle est bien tendue, mal tendue.
  • 31 Terme de marine. Un cordage rend, donne ou adonne, quand il s'allonge sous l'effort qu'il subit.
  • 32Se rendre, v. réfl. Être rendu, donné en retour. Le mal se rend chez vous au centuple du bien, La Fontaine, Fabl. VIII, 3.
  • 33Se rendre à quelque chose, reprendre quelque chose. Et cette âme innocente, Qui brave impunément la fortune impuissante, Regarde avec dédain ce qu'elle a combattu, Et se rend tout entière à toute sa vertu, Corneille, Œd. V, 9. Je me rends à toute l'espérance que j'avais, et je suis persuadée que vous viendrez, comme vous me l'avez promis, Sévigné, 18 nov. 1676. Je me rends tout entier à ma grandeur suprême, Voltaire, Orph. de la Chine, III, 4.

    Se rendre à son devoir, se réformer, céder à l'empire de la raison.

  • 34Aller, se transporter. Se rendre aux ordres d'un chef, d'un supérieur. Dans deux heures Pompée en ce lieu doit se rendre, Corneille, Sertor. I, 2. J'entre un moment pour calmer son chagrin, Et me rendrai chez vous à l'heure du festin, Corneille, Sertor. IV, 3. Une jeune ingénue en ce lieu se vint rendre, Et goûter la fraîcheur sur ces bords toujours verts, La Fontaine, Scamandre. Où va donc se rendre cette multitude infinie de créatures qui disparaissent tous les jours à nos yeux ? Massillon, Carême, Élus. La veille de mon départ, nous soupâmes chez Platon ; je m'y rendis avec Apollodore et Philotas, Barthélemy, Anach. ch. 23.

    Par formule de politesse. Je me rends à vos ordres.

    Se rendre à son devoir, se rendre au lieu où le devoir appelle.

  • 35Aboutir. Le sang se rend au cœur. Où se rend ce chemin-là ? Cette rivière allait se rendre dans le grand port, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. III, p. 650, dans POUGENS.
  • 36Devenir, se faire tel. Aux dépens de Néarque il doit se rendre sage, Corneille, Poly. III, 3. S'il se rendait d'une humeur trop sévère, Corneille, Théod. I, 1. Le Seigneur s'est rendu le refuge du pauvre, Sacy, Bible, Psaum. IX, 10. Ce chétif animal [grenouille] Qui voulut en grosseur au bœuf se rendre égal, La Fontaine, Fabl. V, 1. Vers le Levant, le Vieil de la Montagne Se rendit craint par un moyen nouveau, La Fontaine, Fér. Il se rend complaisant à tout ce qu'elle dit, Molière, Tart. III, 1. Plusieurs, dans la crainte d'être trop faciles, se rendent inflexibles à la raison, Bossuet, Duch. d'Orl. Les inventions par lesquelles ils [les orgueilleux] s'imaginent forcer la nature, et se rendre différents des autres, malgré l'égalité qu'elle a ordonnée, Bossuet, Gornay. [Dans le protestantisme] Chacun s'est fait à soi-même un tribunal où il s'est rendu l'arbitre de sa croyance, Bossuet, Reine d'Anglet. Ils [les peuples] ont dans le fond du cœur je ne sais quoi qui s'échappe… et on ne leur laisse plus rien à ménager, quand on leur permet de se rendre maîtres de leur religion, Bossuet, ib. On se rend complice des injustes entreprises d'un grand, ou compagnon de ses débauches, Bourdaloue, Purif. de la Vierge, Myst. t. II, p. 273. Au fond de leur palais leur majesté terrible [des rois de Perse] Affecte à leurs sujets de se rendre invisible, Racine, Esth. I, 3. C'est nous le plus souvent qui nous rendons tendres, pour orner nos passions ; mais c'est la nature qui nous rend amoureux, Marivaux, Pays. parv. part. 5. Je défierais qu'on imaginât une personne plus chétive que je me suis rendue, Marivaux, Marianne, 6e part.

    Se rendre catholique, se rendre ermite, se faire catholique, se faire ermite. Ici la loi pardonne à qui se rend chrétien, Voltaire, Alz. V, 5. Rends-toi chrétien comme elle ; accorde-moi ce prix De ses jours et des tiens, et du sang de mon fils, Voltaire, ib.

    Terme de jurisprudence. Se rendre partie contre quelqu'un, se déclarer partie contre lui.

  • 37Céder, se soumettre. Dès le premier essai mon courage se rend, Régnier, Sat. I. Cette haute vertu qui règne dans votre âme, Se rend-elle si tôt à cette lâche flamme ? Corneille, Cid, II, 5. Vous ne vous rendez pas à la surprenante merveille de cette statue mouvante et parlante ? Molière, Festin, V, 2. Ah, monsieur, rendez-vous à tant de preuves, et jetez-vous vite dans le repentir, Molière, ib. V, 5. Tout le monde s'est rendu à son jugement, Pascal, Prov. XVII. Vous seriez bien difficile, si vous ne vous rendiez à de si bonnes raisons, Sévigné, 558. Ceux qui auraient été assez insensibles pour ne pas se rendre aux paroles du P. Bourgoing, auraient été forcés de se rendre à la force toute-puissante de ses exemples, Bossuet, Bourgoing. Je me rends, monsieur, à vos remarques, Bossuet, Lett. 157. Ces lâches combattants qui se sont rendus aux moindres assauts, Bourdaloue, Pensées, t. III, p. 105. Le maréchal de Villars a tant fait de représentations pour n'aller pas en Italie, que le roi s'y est rendu, Maintenon, Lett. à Mme des Ursins, 4 juill. 1706. Il est impossible qu'on ne se rende pas à cette vérité quand on la sent, Voltaire, Ingénu, 8. Je me rends avec plus de docilité que personne aux bonnes critiques ; mais les mauvaises ne m'épouvantent pas, Voltaire, Lett. d'Argental, 13 juill. 1751.

    Se rendre sur une chose, céder sur une chose. Une femme coquette ne se rend point sur la passion de plaire et sur l'opinion qu'elle a de sa beauté, La Bruyère, III. L'on ne se rend point sur le désir de posséder et de s'agrandir, La Bruyère, ib.

    Absolument. Je me rends, dit-elle, Psyché ; oubliez le mal que je vous ai fait, La Fontaine, Psyché, II, p. 212. Dorante : Il n'y a plus rien à dire, je me rends. - Climène : Rendez-vous ou ne vous rendez pas, je sais fort bien que vous ne me persuaderez pas de…, Molière, Critique, 7. Quoi ! vous ne vous rendez pas encore, et vous vous défendez d'être médecin ! Molière, Méd. m. lui, I, 6. …Souple à la raison, corrigez sans murmure ; Mais ne vous rendez pas dès qu'un sot vous reprend, Boileau, Art p. IV. J'ai promis à Burrhus ; il a fallu me rendre, Racine, Brit. IV, 4. Quand même, dit saint Chrysostome, tout le monde vous appellerait [à une dignité]… examinez les qualités de votre âme, et ne vous rendez point, si vous vous trouvez indigne de cet honneur, Massillon, Confér. Vocation, 1. Quelquefois les institutions les plus salutaires sont mal reçues, parce qu'elles ne viennent pas dans un temps favorable ; mais bientôt les bons esprits se rendent, Voltaire, Lett. Rochefort, 27 mars 1771.

    Il ne se rend jamais, c'est un opiniâtre qui ne cède jamais.

  • 38Il se dit de l'amour qui obtient la victoire. La plupart des femmes se rendent plutôt par faiblesse que par passion, La Rochefoucauld, Pens. 104. Ainsi mon cœur, Frosine, un peu trop faible, hélas ! Se rendit à des soins qu'on ne lui rendait pas, Molière, Dép. am. II, 1. Je ne viens point ici par de jalouses larmes Vous envier un cœur qui se rend à vos charmes, Racine, Andr. III, 4. Jeunes cœurs qui cherchez à vous rendre, N'aimez pas tant : Un amour trop tendre N'est jamais content, Quinault, Phaét. V, 4. On dit bien que des femmes se sont rendues à des dieux déguisés en hommes, et quelquefois en bêtes ; à plus forte raison devra-t-on se rendre à des hommes déguisés en dieux, Fontenelle, Dial. 2, Morts anc.
  • 39Il se dit, dans la guerre, des villes qui se soumettent, des troupes, des individus qui capitulent ou deviennent prisonniers. …Voyant à leurs pieds tomber tous leurs soldats, Et que seuls désormais en vain ils se défendent, Ils demandent le chef : je me nomme, ils se rendent, Corneille, Cid, IV, 3. Joachin, roi de Juda, sortit de Jérusalem, et vint se rendre au roi de Babylone avec sa mère, ses serviteurs, ses princes et ses eunuques, Sacy, Bible, Rois, IV, 24, 12. Un des gardes du prince d'Orange qui s'est venu rendre, Pellisson, Lett. hist. t. III, p. 56. Le roi n'est plus occupé qu'à recevoir les députés des villes qui se rendent, Sévigné, 150. Je me rends prisonnier, et demeure en otage, Voltaire, Zaïre, I, 4. Cette île de Minorque s'appelait autrefois l'île de Vénus ; il est juste que ce soit à M. de Richelieu qu'elle se rende, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 5 mai 1756. Avant ce jour [Pultava], seize mille soldats du roi Charles eussent attaqué toutes les forces de l'empire moscovite, et eussent péri jusqu'au dernier plutôt que de se rendre, Voltaire, Charles XII, 4. Pondichéry, livré aux horreurs de la famine, fut obligé de se rendre le 15 janvier 1761, Raynal, Hist. phil. IV, 23.

    Avec ellipse du pronom personnel. Les femmes de ceux qui s'y étaient retirés, ayant été prises dans la ville, ont beaucoup contribué, comme on croit, à la faire rendre, Pellisson, Lett. hist. t. II, p. 135.

  • 40Se rendre, n'en pouvoir plus. Je ne peux plus marcher, je me rends. Qui mange et qui boit mieux que Dracon en un seul repas ? il enivre toute une compagnie et se rend le dernier, La Bruyère, III.

    Ce cheval se rend, il est outré à force de fatigue, ou bien, il finit par obéir.

    Terme de chasse. Une bête se rend lorsqu'elle commence à être mal menée et à paraître sur ses fins.

  • 41Être prononcé. Les sentences criminelles se rendent dans la place publique par les syndics, avec beaucoup d'appareil, D'Alembert, Gouv. de Genève.
  • 42Être traduit. Cela se rend en latin ainsi.

PROVERBES

Ce qui est bon à prendre est bon à rendre.

Amis au prêter, ennemis au rendre.

Il faut rendre à César ce qui appartient à César, c'est-à-dire à chacun ce qui lui est dû.

SYNONYME

RENDRE, RESTITUER. Rendre est plus général : on rend quand on remet à qui de droit ce qui a été pris, prêté ou donné. Restituer est plus particulier : on restitue quand on remet ce qu'on a pris, volé, ou ce qu'on gardait par quelque raison que ce fût : Je vous restitue ce livre qu'on m'avait confié, sans me dire qu'il fût à vous.

HISTORIQUE

XIe s. [Que il] rendist ceo que il i avereit pris, Lois de Guill. 1. Franc e paien merveilus colps i rendent, Ch. de Rol. CVII. Malvais service le jur [ce jour] li rendit Guenes, ib. CVIII. Tant il le guardent que le rendent à Charlun, ib. CXXXV. À Rolant [ils] rendent un estur fort e pesme, ib. CLV. La meie mort me rent si anguissus, ib. CLX. Rendre [il] le quidet u mort u recreant, ib. CXCIII. Pais ne amor [je] ne dei à paien rendre, ib. CCLXI. Et Bramidone les turs li ad rendues, ib. CCLXVIII. Bien [il] set parler e dreite raisun rendre, ib. CCLXXV.

XIIe s. Et tuit [tous] li rendirent treü [tribut], Machab. I, 1. Dame, pour ce qu'à vous [je] me rent, merci, Couci, IV. À la plus bele du mont [monde] mon cuer [je] rent, ib. IX. Mais je ne puis moi ne mon cuer defendre De plus amer, qu' [car] amours ne me veut rendre, ib. XX. Cil qui premiers la trueve [dame Helissant], à Guiteclin la rant [remet], Sax. XI. Malemant [il] nos vuet randre [récompenser pour] les granz bones honors, Que li soliens [nous soulions] vaincre par tot les granz estors [combats], ib. XXVII. Li reis li a mandé qu'il seit prez l'endemain De respundre e de rendre sun acunte [rendre ses comptes] tut plain, Th. le mart. 33. Or veit [voit] bien sainz Thomas sun martire en present, Ses mains juint à ses oilz, à damne Deu se rent, ib. 149.

XIIIe s. Il nous dira la verité, Et si ne faudra ochaisons [occasion] De nous rendre le droit respons [réponse], Romanc. le Comte de Bretagne, p. 162. … Qui pou emprunte pou rent, Ren. 27805. Se la raison que li parleres rent est fause, Latini, Trésor, p. 561. Se li parleres rent foible raison de son dit, Latini, ib. Ensi fu la ville rendue en la merci le duc de Venise, sauves leur vies, Villehardouin, XLIX. Et puis [il] se rendi moine dedans une abeïe, Berte, II. Comme sage et courtoise, [à] chacun son salut [elle] rent, ib. IX. [Que Dieu] Doint qu'encor leur en soit li guerredons rendus, ib. XXIV. [Dieu] Qui vous rende les biens que vous fais nous avez, ib. CXXXII. Ne moine ne abbé, ordené ne rendu [entré dans une abbaye], ib. CXXXVII. Moult fu grans li assaus que li escuier rendirent au castiel en celui jour, H. de Valenciennes, XXXIV. Que li baron en rengent [rendent] [de la terre] à l'emperour son droit, H. de Valenciennes, XIII. Jhesus Criz, à qui li Jui rendirent mal pour bien, et pour amour haine, Psautier, f° 136. Et s'il waugoit [avait des nausées] ou rendoit par le [la] bouche, Alebrand, f° 30. Si i avoit trestout à taille De riches pierres grant plenté, Qui moult rendoient grant clarté, la Rose, 1074. Et [Papelardie] fu de simple contenance ; Et si fu chaucie et vestue Tout ainsinc cum fame rendue [nonne], ib. 422. Or vous levés un poi, soiés à genellon, Et si rendés vos coulpes, par grant affliction, Des peciés qu'avés fais par vo grant mesprison, Ch. d'Ant. I, 856. Or est à savoir se Jehans vent à Pierre en le [la] vile de Creeil dix muis de blé rendus à Clermont à certain jor, Beaumanoir, XXVI, 3. Et, en regardant vers le ciel, rendi à nostre createur son esperit, en celle hore meismes que li filz Dieu morut en la croix, Joinville, 303.

XIVe s. Aucuns jettent leurs armeures, ou se rendent, ou font aucunes autres choses laidement, Oresme, Eth. 99. Et ce dit-on : ou rendre ou pendre, Hist. des trois Maries, p. 267, dans LACURNE. Ch'est mierveille qu'il [deux chevaliers aux prises] ne s'estonnent Des grans coz qu'en peu d'eure donnent… Cors efforchent et bras estendent, Che qu'il enpruntent, tantost rendent, Jean de Condé, t. II, p. 21.

XVe s. L'assaut fut moult grant et très fier… aussi les chevaliers et escuyers qui estoient dedans rendoient grand entente de eux defendre, et bien le convenoit, Froissart, I, I, 103. Icellui Mangier fut esprouvé et rendu malade de lepre, Du Cange, reddere. Et près d'eulx jouoient plusieurs bas instrumens qui rendoient de grandes melodies, J. de Troyes, Chron. 1461. Des fusées qui rendent ung peu de flambe, Commines, I, 5. Il m'est avis que desormais vous vous rendez [ne voulez plus manger], Rec. de farces, p. 318. Quant le Daulphin veit que par son espée il ne le pourroit conquerre, il la rendit dedans le fourreau, et puis se lance au Badran, et le prent à bras, Perceforest, t. I, f° 139.

XVIe s. L'affaire ne sut estre menée si secretement, que quelque valet ne le vit entrer là-dedans un jour de jeune, et le rendist [rapportât] au lieu où il ne fut celé à personne, Marguerite de Navarre, Nouv. XX. J'ay estudié à rendre fidelement ce que l'autheur a voulu dire, Amyot, Épit. Chascune de ces parts pouvoit rendre à son maistre par chascun an soixante et dix minots d'orge, Amyot, Lyc. 12. Il ne defendoit de combats à ses citoyens, si non ceulx ès quelz on tend la main, c'est à dire où l'on se rend, Amyot, ib. 40. Les premieres filles qui furent rendues et vouées à cette religion [vestales] par Numa furent Gegania et Verenia, Amyot, Numa, 17. Ces armes rendoient un son qui donnoit quelque frayeur à l'ouir, Amyot, P. Aem. 56. Artemidorus promit à Lucullus, s'il le vouloit croire et suivre, qu'il le rendroit en un lieu fort et seur pour y loger son camp, Amyot, Lucul. 28. Sur la place à laquelle se rendent et aboutissent tous les grands chemins de l'Italie, Amyot, Galba, 30. Puis [Gargantua s'éveillant]… rendoit sa gorge [expectorait], baisloit, crachoit, toussoit…, Rabelais, I, 3. Rendre son païs entre les mains d'un tyran, Montaigne, I, 4. Rendre une place, Montaigne, I, 54. Rendre [accomplir] les vœux [qu'on a voués], Montaigne, I, 19. Il jecta dans ce qu'elle rendit [vomit] une espingle tortue, Montaigne, I, 100. Rendre tesmoignage d'une chose, Montaigne, I, 103. Se rendre à la verité, Montaigne, I, 167. Se rendre à la raison, Montaigne, II, 70. Rendre la gorge [vomir], Montaigne, I, 184. Rendre l'ame, Montaigne, I, 243. Ce pacquet lui ayant esté rendu pendant son souper…, Montaigne, II, 43. Mon pourpoint estoit taché du sang que j'avois rendu, Montaigne, II, 54. Les assiegeans gagnerent le fond des fossez par mines qu'ils rendirent [poussèrent] jusques dessous le rempart, D'Aubigné, Hist. I, 27. Cette grande armée ne rendit combat qui vaille, D'Aubigné, ib. II, 317. Si la sangsue est maniée à main nue, elle se rend desdaigneuse et despiteuse, et ne veut pas mordre, Paré, XV, 69. Qui a appris à prendre, sçait tard que c'est de rendre, Cotgrave Le rendre fait mal à la gorge, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 331. Qui prent doibt rendre, ou l'enfer attendre, Leroux de Lincy, ib. p. 403. Je blasme vostre inconsideration [de Henri IV] à vous jeter aux perils sans besoin ; cela seroit supportable à un jeune homme qui n'auroit jamais rendu preuve de son courage, Sully, Mém. t. IV, p. 159.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

RENDRE. Ajoutez :
43 S. m. Le rendre, l'action de rendre. L'un est diverti par une vilaine honte qu'il a que le rendre ne lui soit une confession d'avoir reçu, Malherbe, Lexique, éd. L. Lalanne.
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Étymologie de « rendre »

(1694) Du latin populaire *rendĕre (même sens), altération du latin classique reddĕre, très probablement par contamination de prendĕre (« prendre », « saisir »).
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Wallon, reind ; provenç. rendre, reddre, redre, retre ; catal. et espagn. rendir ; ital. rendere, du lat. reddere (par intercalation de la nasale n devant d), de re…, et dare, donner. On remarquera que quelques formes romanes n'ont pas intercalé l'n. D'après M. Baudry, dans reddere il y a deux racines confondues par homonymie : dare, radical , quand reddere signifie redonner ; et le radical dhā, poser, faire, quand reddere signifie faire ou faire devenir. Corssen aussi (Beitr. p. 117) reconnaît le radical dhā dans con-dere, ab-dere.

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Phonétique du mot « rendre »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
rendre rɑ̃dr

Fréquence d'apparition du mot « rendre » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « rendre »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « rendre »

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  • Ce qui est bon à prendre est bon à rendre.
    Proverbe français
  • Ce soir, nous sommes deux devant ce fleuve qui déborde de notre désespoir. Nous ne pouvons même plus penser. Les paroles s’échappent de nos bouches tordues, et, lorsque nous rions, les passants se retournent, effrayés, et rentrent chez eux précipitamment.On ne sait pas nous mépriser.« Nous pensons aux lueurs des bars, aux bals grotesques dans ces maisons en ruines où nous laissions le jour. Mais rien n’est plus désolant que cette lumière qui coule doucement sur les toits à cinq heures du matin. Les rues s’écartent silencieusement et les boulevards s’animent: un promeneur attardé sourit près de nous. Il n’a pas vu nos yeux pleins de vertiges et il passe doucement. Ce sont les bruits des voitures de laitiers qui font s’envoler notre torpeur et les oiseaux montent au ciel chercher une divine nourriture.Aujourd’hui encore( mais quand donc finira cette vie limitée) nous irons retrouver les amis, et nous boirons les mêmes vins. On nous verra encore aux terrasses des cafés.Il est loin, celui qui sait nous rendre cette gaieté bondissante. Il laisse s’écouler les jours poudreux et il n’écoute plus ce que nous disons.  » Est-ce que vous avez oublié nos voix enveloppées d’affections et nos gestes merveilleux? Les animaux des pays libres et des mers délaissées ne vous tourmentent-ils plus? Je vois encore ces luttes et ces outrages rouges qui nous étranglaient. Mon cher ami, pourquoi ne voulez-vous plus rien dire de vos souvenirs étanches? L’air dont hier encore nous gonflions nos poumons devient irrespirable. Il n’y a plus qu’à regarder droit devant soi, ou à fermer les yeux: si nous tournions la tête, le vertige ramperait jusqu’à nous.Itinéraires interrompus et tous les voyages terminés, est-ce que vraiment nous pouvons les avouer ? Les paysages abondants nous ont laisser un goût amer sur les lèvres. Notre prison est construite en livres aimés, mais nous ne pouvons plus nous évader, à cause de toutes ces odeurs passionnés qui nous endorment.
    André Breton et Philippe Soupault —  Les Champs magnétiques
  • Et je voudrais, Monsieur, que vous eussiez toutes les maladies que je viens de dire, que vous fussiez abandonné de tous les médecins, désespéré, à l’agonie, pour vous montrer l’excellence de mes remèdes, et l’envie que j’aurais de vous rendre service.
    Le Malade imaginaire — Molière
  • L'alcool permet de rendre l'eau potable.
    Anonyme
  • Savoir se rendre antipathique, c'est bien ; savoir se rendre odieux, c'est mieux.
    Pierre Dac
  • Lorsque je fus rentré au pays, j’estimai de mon devoir de me rendre aussitôt dans la ville d’Alberto afin de rapporter à sa mère et à son frère tout ce que je savais. Je fus accueilli avec courtoisie et cordialité, mais dès que j’eus commencé mon récit la mère me pria de l’interrompre, elle savait déjà tout, au moins en ce qui concernait Alberto, et il était inutile que je lui répète les sempiternelles et épouvantables histoires.
    Marcel Proust — À la recherche du temps perdu
  • Voilà. Ces personnages vont vous jouer l’histoire d’Antigone. Antigone, c’est la petite maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense. Elle pense qu’elle va être Antigone tout à l’heure, qu’elle va surgir soudain de la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux dans la famille et se dresser seule en face du monde, seule en face de Créon, son oncle, qui est le roi. Elle pense qu’elle va mourir, qu’elle est jeune et qu’elle aussi, elle aurait bien aimé vivre. Mais il n’y a rien à faire. Elle s’appelle Antigone et il va falloir qu’elle joue son rôle jusqu’au bout… Et, depuis que ce rideau s’est levé, elle sent qu’elle s’éloigne à une vitesse vertigineuse de sa sœur Ismène, qui bavarde et rit avec un jeune homme, de nous tous, qui sommes là bien tranquilles à la regarder, de nous qui n’avons pas à mourir ce soir.Le jeune homme avec qui parle la blonde, la belle, l’heureuse Ismène, c’est Hémon, le fils de Créon. Il est le fiancé d’Antigone. Tout le portait vers Ismène : son goût de la danse et des jeux, son goût du bonheur et de la réussite, sa sensualité aussi, car Ismène est bien plus belle qu’Antigone ; et puis un soir, un soir de bal où il n’avait dansé qu’avec Ismène, un soir où Ismène avait été éblouissante dans sa nouvelle robe, il a été trouver Antigone qui rêvait dans un coin, comme en ce moment, ses bras entourant ses genoux, et il lui a demandé d’être sa femme. Personne n’a jamais compris pourquoi. Antigone a levé sans étonnement ses yeux graves sur lui et elle lui a dit « oui » avec un petit sourire triste… L’orchestre attaquait une nouvelle danse, Ismène riait aux éclats, là-bas, au milieu des autres garçons, et voilà, maintenant, lui, il allait être le mari d’Antigone. Il ne savait pas qu’il ne devait jamais exister de mari d’Antigone sur cette terre et que ce titre princier lui donnait seulement le droit de mourir.Cet homme robuste, aux cheveux blancs, qui médite là, près de son page, c’est Créon. C’est le roi. Il a des rides, il est fatigué. Il joue au jeu difficile de conduire les hommes. Avant, du temps d’Œdipe, quand il n’était que le premier personnage de la cour, il aimait la musique, les belles reliures, les longues flâneries chez les petits antiquaires de Thèbes. Mais Œdipe et ses fils sont morts. Il a laissé ses livres, ses objets, il a retroussé ses manches, et il a pris leur place.Quelquefois, le soir, il est fatigué, et il se demande s’il n’est pas vain de conduire les hommes. Si cela n’est pas un office sordide qu’on doit laisser à d’autres, plus frustes… Et puis, au matin, des problèmes précis se posent, qu’il faut résoudre, et il se lève, tranquille, comme un ouvrier au seuil de sa journée.La vieille dame qui tricote, à côté de la nourrice qui a élevé les deux petites, c’est Eurydice, la femme de Créon. Elle tricotera pendant toute la tragédie jusqu’à ce que son tour vienne de se lever et de mourir. Elle est bonne, digne, aimante. Elle ne lui est d’aucun secours. Créon est seul. Seul avec son petit page qui est trop petit et qui ne peut rien non plus pour lui.Ce garçon pâle, là-bas, au fond, qui rêve adossé au mur, solitaire, c’est le Messager. C’est lui qui viendra annoncer la mort d’Hémon tout à l’heure. C’est pour cela qu’il n’a pas envie de bavarder ni de se mêler aux autres. Il sait déjà…Enfin les trois hommes rougeauds qui jouent aux cartes, leurs chapeaux sur la nuque, ce sont les gardes. Ce ne sont pas de mauvais bougres, ils ont des femmes, des enfants, et des petits ennuis comme tout le monde, mais ils vous empoigneront les accusés le plus tranquillement du monde tout à l’heure. Ils sentent l’ail, le cuir et le vin rouge et ils sont dépourvus de toute imagination. Ce sont les auxiliaires toujours innocents et toujours satisfaits d’eux-mêmes, de la justice. Pour le moment, jusqu’à ce qu’un nouveau chef de Thèbes dûment mandaté leur ordonne de l’arrêter à son tour, ce sont les auxiliaires de la justice de Créon.Et maintenant que vous les connaissez tous, ils vont pouvoir vous jouer leur histoire. Elle commence au moment où les deux fils d’Œdipe, Étéocle et Polynice, qui devaient régner sur Thèbes un an chacun à tour de rôle, se sont battus et entre-tués sous les murs de la ville, Étéocle l’aîné, au terme de la première année de pouvoir, ayant refusé de céder la place à son frère. Sept grands princes étrangers que Polynice avait gagnés à sa cause ont été défaits devant les sept portes de Thèbes. Maintenant la ville est sauvée, les deux frères ennemis sont morts et Créon, le roi, a ordonné qu’à Étéocle, le bon frère, il serait fait d’imposantes funérailles, mais que Polynice, le vaurien, le révolté, le voyou, serait laissé sans pleurs et sans sépulture, la proie des corbeaux et des chacals… Quiconque osera lui rendre les devoirs funèbres sera impitoyablement puni de mort.Pendant que le Prologue parlait, les personnages sont sortis un à un. Le Prologue disparaît aussi. L’éclairage s’est modifié sur la scène. C’est maintenant une aube grise et livide dans une maison qui dort. Antigone entr’ouvre la porte et rentre de l’extérieur sur la pointe de ses pieds nus, ses souliers à la main. Elle reste un instant immobile à écouter. La nourrice surgit.
    Jean Anouilh —  Antigone
  • Ami au prendre, ennemi au rendre.
    Proverbe français
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Traductions du mot « rendre »

Langue Traduction
Anglais return
Espagnol regreso
Italien restituire
Allemand rückkehr
Chinois 返回
Arabe إرجاع
Portugais retorna
Russe возвращение
Japonais 返す
Basque ordainetan
Corse ritorna
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Synonymes de « rendre »

Source : synonymes de rendre sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « rendre »

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Nombre de points du mot rendre au scrabble : 7 points

Rendre

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