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Sauver

Définitions de « sauver »

Trésor de la Langue Française informatisé

SAUVER, verbe trans.

I. − Empl. trans.
A. − [Le compl. désigne un être vivant]
1. Tirer quelqu'un d'un danger, de la mort. Sauver des blessés; sauver qqn au péril de ses jours. « Si le pouls revenait... », pensa Antoine. Il eût donné dix ans de sa propre vie pour ranimer ce petit cadavre. « Quel âge ça a-t-il? Sept ans? Si je la sauve, avant dix ans d'ici elle fera de la tuberculose, dans ce taudis. Mais la sauverai-je? (...) » (Martin du G.,Thib., Belle sais., 1923, p. 877).
Empl. passif. [Avec compl. introd. par de désignant le danger] C'était encore un petit enfant comme les autres héros, un petit enfant sauvé des eaux par la fille du pharaon, à l'heure du bain (Adam,Enf. Aust., 1902, p. 111).
Absol. Leur affaire à eux n'était pas de résister. On se laisse faire à qui sauve (Hugo,Travaill. mer, 1866, p. 436).
2. P. ext. Faire échapper, quelqu'un ou une collectivité, à un grave danger, lui épargner un grand malheur, une catastrophe. Sauver les Bourbons, la France, la patrie. Il y a des familles désignées pour sauver le pays. C'est un honneur. Après mon fils et mon frère, j'achèverai de le mériter (Bordeaux,Fort de Vaux, 1916, p. 83).Il ne songeait plus qu'à sauver Catherine, à la contraindre à être heureuse selon l'idée qu'il avait du bonheur (Nizan,Conspir., 1938, p. 154).
3. THÉOL. Assurer, procurer le salut éternel. Formule lapidaire de G. Crespy: « Alors que Dieu sauve les hommes en se faisant homme, les idéologies cherchent à sauver l'homme en le faisant idée » (Univ. écon. et soc., 1960, p. 66-2).
Empl. passif. Le monde peut être sauvé par un seul juste, dit l'Écriture (Flaub.,Corresp., 1871, p. 279).
Empl. pronom. Il porte le poids de tous les crimes. Il ne croit pas seulement à la société des âmes, il en fait la douloureuse et personnelle expérience. Nous sommes embarqués, mais tous ensemble... Vouloir se sauver tout seul c'est être certain de se perdre (Philos., Relig., 1957, p. 36-14).
Absol. On s'imagine que la foi est comme un talisman qui sauve par sa vertu propre; qu'on sera sauvé si l'on croit telle proposition inintelligible, sans s'embarrasser de la comprendre (Renan,Avenir sc., 1890, p. 484).
Il n'y a que la foi qui sauve! Ce que l'on croit prime sur la réalité:
... tu crois manger du turbot (...) c'est du carrelet que tu béquilles, c'est comme les choses qui seraient véritablement bonnes, ça n'existe pas! C'est décidément bien vrai qu'il n'y a que la foi qui sauve... et la bêtise... Huysmans,Marthe, 1876, p. 95.
4. Sauver qqn de + subst.Éviter, épargner quelque chose à quelqu'un, préserver quelqu'un de quelque chose. Sauver un créancier de la ruine; sauver qqn de l'échec, de la gêne, du désespoir. Je suis un ilote. Qui me donnera la liberté? Qui me sauvera de la déchéance? (Duhamel,Confess. min., 1920, p. 207).Souvent une fraternité heureuse a sauvé un enfant d'une parenté déplorable. Mais pas plus qu'aucun des autres liens familiaux le lien fraternel n'est franc de toute primitivité (Mounier,Traité caract., 1946, p. 103).
Sauver qqn de + inf.Nos aventures n'ont fin ni sens, et nous oublions les avanies. Notre médiocrité nous sauve de nous perdre (Guéhenno,Jean-Jacques, 1948, p. 12).Que la souffrance me sauve de mourir de bonheur! (Claudel,Poés. div., 1952, p. 316).
[Sans compl. d'obj. dir.] La disposition d'esprit dont vous parlez est dangereuse. Mais elle sauve de dangers plus grands, que vous ne soupçonnez même pas (Michelet,Journal, 1844, p. 882).Moins de vingt ans après, le chef de la nouvelle armée française, Bonaparte, prit aussi congé de ses compagnons; tant les hommes et les empires passent vite! Tant la renommée la plus extraordinaire ne sauve pas du destin le plus commun! (Chateaubr.,Mém., t. 1, 1848, p. 417).
[Sans compl. prép.] Votre petite fabrique de chocolat vous procure-t-elle au moins des bénéfices? − Oui, c'est elle qui nous sauve (Huysmans,En route, t. 2, 1895, p. 289).
B. − [Le compl. désigne un inanimé]
1. Éviter la perte, la disparition, la destruction de. Sauver des biens. Veux-tu que je chante? J'ai pu sauver ma guitare, mais elle n'a plus de cordes (Claudel,Soulier, 1944, 1repart., 2ejournée, 8, p. 1024).Jules Guichaoua perdit du temps à chercher du regard son camarade, à hésiter, à se demander s'il ne tenterait pas de sauver la barque (Queffélec,Recteur, 1944, p. 132).
Empl. passif. Nous arrivâmes à Château-Gontier, le matin au petit jour; là, je vis avec un véritable attendrissement nos deux pièces sauvées de la débâcle (Erckm.-Chatr.,Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 234).
Sauver qqc1. de qqc2.Éviter quelque chose à quelque chose. Prendre enfin de grandes mesures et sauver nos maisons du pillage (Marat,Pamphlets, Aux braves Paris., 1792, p. 302).À mon insu, je rendais l'honneur à leur père. C'est une histoire qui vaut qu'on la sauve de l'oubli (Barrès,Cahiers, t. 14, 1922, p. 53).
Empl. passif. Le conseil municipal, la ville ayant été sauvée de la peste, s'engageait à payer chaque année quatre taureaux qui seraient toréés « pour l'amour de Dieu » (Montherl.,Bestiaires, 1926, p. 515).
Sauver la vie de qqn. J'oubliais le principal. Il y a douze ans, vous m'avez sauvé la vie, ou peu s'en faut, vous et vos amis (Farrère,Homme qui assass., 1907, p. 6).
Sauver sa tête, sa peau. La vie errante du capitaine Lyrisse qui sauve à grand'peine sa tête (Adam,Enf. Aust., 1902, p. 468).Les lâches jadis se réfugiaient dans les églises pour s'y mettre en sûreté et sauver leur peau (Bernanos,Joie, 1929, p. 698).
2. Maintenir intact. Sauver la réputation de qqn. L'honneur? Tel gréviste le sauve en acceptant de continuer d'avoir faim (Guéhenno,Journal « Révol. », 1938, p. 184).
Sauver les apparences . V. apparence.Sauver la face*. Sauver l'honneur* (dans une compétition sportive). Fam. Sauver la mise* (à qqn), sauver les meubles. V. meuble1B 2.
3. Vieilli
a) Épargner, éviter quelque chose d'ennuyeux, de fâcheux à quelqu'un. Sauver un remords à qqn. Vous voyez qu'il reste encore une forte besogne à notre imprimerie, et que, de plus, ceci lui sauve l'achat de deux feuilles (64 pages) de caractères perle (Hugo,Corresp., 1853, p. 155).La marmotte est un mineur habile dans son oblique souterrain, qui lui sauve le vent de l'hiver (Michelet,Oiseau, 1856, p. 209).
Sauver de + inf.[En tournure nég.] Ne pas empêcher de. Il y a des images qui sont belles; il y en a qui sont laides; il y en a (...) que leur nouveauté ne sauve pas d'être ridicules (Gourmont,Esthét. lang. fr., 1899, p. 305).
b) Faire passer, excuser quelque chose en masquant les défauts. L'état de mari a cela de fâcheux, que le mari qui a le plus d'esprit peut être de trop partout, même chez lui, ennuyeux sans ouvrir la bouche, et ridicule en disant la chose la plus simple. Être aimé de sa femme sauve une partie de ces travers (Chamfort,Max. et pens., 1794, p. 64).
II. − Empl. pronom.
A. − Se tirer d'un mauvais pas, échapper à un danger, à la mort. Garde bien mes lettres, Ernest, je t'en conjure; un jour peut-être, au bord de nos solitaires étangs, ou sur nos froids rochers, nous les relirons, si toutefois ton ami se sauve du naufrage qui le menace (Krüdener,Valérie, 1803, p. 60).L'humanité s'est sauvée, dans le passé, des périls les plus graves (J.-R. Bloch,Dest. du S., 1931, p. 167).
B. − S'échapper, quitter rapidement l'endroit dans lequel on se trouve. Un bagnard nous offre un cahier de lettres et dessins amoureux, piqués avec l'épingle. Quelques-uns sont bien mis, avec des pantalons blancs (...). Ce qu'il y a de plus horrible, c'est cet accouplement de la chaîne. Ils paraissent abattus ou insouciants. Cependant il s'en sauve tous les jours (Michelet,Journal, 1831, p. 92).Réjane, qui vient de jouer le tableau des fortifications, est rappelée et applaudie à tout rompre... Je me sauve, de peur que ça se gâte (Goncourt,Journal, 1888, p. 883).
[Le suj. désigne une réalité concr.] Un peu de fumée se sauve, qui va bleuir un morceau de la pente (Pourrat,Gaspard, 1931, p. 298).
En partic. [En parlant d'un liquide que l'on chauffe] Le lait s'est sauvé. S'échapper du récipient, déborder. Il était tout à elle, lorsqu'un bruit d'eau qui se sauve arriva de la cuisine où le miel fondait au bain-marie (Pourrat,Gaspard, 1925, p. 139).
Se sauver de qqn.Fuir quelqu'un. C'est celui-là qui nous a tant fait courir après lui, dans le temps, de domicile en domicile de banlieue, pour porter un livre à sa critique. Il se sauvait de ses créanciers (Goncourt,Journal, 1864, p. 7).
Se sauver de + lieu que l'on quitte.Il s'est sauvé de Paris, après avoir été quatre mois caché dans une soupente, chez une blanchisseuse (Sénac de Meilhan,Émigré, 1797, p. 1681).Elle me contait les événements du bourg, l'histoire d'une vache qui s'était sauvée de l'étable (Maupass.,Contes et nouv., t. 2, Clochette, 1886, p. 662).
Se sauver à, dans + lieu dans lequel on va, se sauver chez qqn.Il s'est échappé, est monté à cheval, et s'est sauvé à Lunéville (Marat,Pamphlets, Relation fid. affaires Nancy, 1790, p. 248).Le roi est mort, les ducs aussi et le jeune Bougrelas s'est sauvé avec sa mère dans les montagnes (Jarry,Ubu, 1895, iii, 3, p. 60).La veille du premier de l'an, comme il s'était montré plus brutal encore que de coutume, la pauvre fille, exaspérée, s'était sauvée chez une amie (Gide,Journal, 1902, p. iii).
C. − S'enfuir, chercher refuge dans la fuite. Je crois qu'on me jette des pierres, je me sauve sans savoir, tout tourne, tout tourne. Quand on n'a pas mangé, c'est très drôle (Hugo,Misér., t. 1, 1862, p. 881).Je ne sais ce que tu comptes faire, dit-il, mais si tu ne te sauves pas, tu feras aussi bien de te livrer ce soir (Green,Moïra, 1950, p. 243).
Se sauver à toutes jambes. S'enfuir à toute vitesse. Sitôt qu'elle fut libre, elle se cracha sur le poignet, sur la main, sur sa plaie, partout où il l'avait touchée, et elle hurla qu'elle se confesserait quand même. Elle se sauvait à toutes jambes (Queffélec,Recteur, 1944, p. 183).
D. − Prendre congé, se retirer rapidement (de chez quelqu'un). Adieu, dit en souriant la jeune femme. Voyez comme tout le monde vous regarde, vous! C'est intimidant, je me sauve. Elle s'éloigna par le trottoir de la petite cour (Vogüé,Morts, 1899, p. 22).
REM. 1.
Sauvetable, adj.Qui peut être sauvé. Synon. sauvable (infra dér.).Pour échafauder quatre poutres au-dessus d'un navire échoué, pour découper et isoler dans ce navire la partie sauvetable (...) il eût fallu tant de préparatifs, tant de travaux, tant de tâtonnements (Hugo,Travaill. mer, 1866, p. 298).
2.
Sauveter, verbe trans.,synon. de sauver.César: Parce que tu as volé une médaille à Piquoiseau! Escartefigue: Ne plaisante pas avec ça. C'est ma médaille des sauveteurs du quai du Canal. César: Qu'est-ce que tu as sauveté? Escartefigue: Ce que j'ai sauveté? Le jour où l'omnibus du Faro est tombé dans le Vieux Port... eh bien, c'est moi!... César: C'est toi? Escartefigue: Oui, c'est moi qui ai donné l'alarme (Pagnol,Marius, 1931, IV, 2, p. 211).
3.
Sauvoir, subst. masc.Vivier, réservoir à poissons. On n'y voyait ni gibet seigneurial, ni moulin fortifié, ni sauvoir, ni colombier à piliers, ni four banal, ni grange à nef, ni châtelet, ni ponts fixes ou levis (Proust,Guermantes 2, 1921, p. 28).
Prononc. et Orth.: [sove], (il) sauve [so:v]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Trans. A. 1. a) 842 salvar « faire échapper (quelqu'un) à un grave danger » (Serments Strasbourg ds Bartsch Chrestomathie, p. 3); ca 1165 avec suj. de chose sauver (Troie, éd. L. Constans, 2570: onc li haubers nel pot sauver); b) 1remoit. xiies. sauver de (Psautier Oxford, éd. F. Michel, 58, 2: des humes de sanc salve-mei); 2. fin xes. salvar relig. « opérer le salut de » (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 68); ca 1050 salver trans. et pronom. (Alexis, éd. Chr. Storey, 11 et 547); ca 1535 part. passé subst. (Melin de Sainct-Gelays, Œuvres compl., éd. P. Blanchemain, t. 3, p. 87: Les saulvez). B. 1. a) Ca 1050 « empêcher la destruction, la ruine, la perte de (quelque chose) » (Alexis, 605: sunt lur anames [= âmes] salvedes); b) ca 1165 sauver la (les) vie(s) (Troie, 7988: a cui en sauvera les vies); 1830 p. exagér. « rendre un grand service » (Balzac, Gobseck, p. 410: tu me sauves la vie); c) 1580 sauver sa tête (Montaigne, Essais, I, 24, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 125: ma teste que j'ay sauvée de tant de guerres civiles); d) 1729 sauver sa peau (A. Piron, École des pères, éd. 1776, p. 56: à sauvé note piau [sic]); 1732 (A. Lesage, Hist. de Guzman, éd. 1825, t. 4, p. 250: sauver ma peau); 2. a) ca 1165 (Troie, 17834: vostre regne sauver); b) 1548 sauver l'honneur (N. Du Fail, Baliverneries, éd. J. Assézat, p. 158: sauver l'honneur des femmes); c) 1588 sauver les apparences (Montaigne, op. cit., III, 10, p. 1019); d) 1865 sauver la mise « (ici) chercher à se procurer une tenue présentable » (Vallès, Réfract., p. 17); 1866 sauver la mise à qqn « lui éviter une humiliation, un ennui; lui prêter à temps de l'argent » (Delvau, p. 406); 1903 sauver la mise « à défaut de bénéfices, retirer au moins l'argent engagé » (Nouv. Lar. ill., s.v. mise); e) 1914 sauver la face (Jaurès, Eur. incert., p. 78); f) 1918 sauver les meubles (d'apr. Esnault, Notes compl. Poilu, 1956: sauver les meubles [...] se sauver soi-même ou ses effets personnels); 1931 (Bernanos, Gde peur, p. 149), v. meuble1; 3. 1370 spéc. « faire accepter quelque chose de médiocre ou de mauvais » (Oresme, Éthiques, éd. A. D. Menut, p. 161: le moien la sauvast [la bonté de l'uevre]). II. Pronom. 1. ca 1280 « s'enfuir pour échapper à un danger » (Girard d'Amiens, Escanor, éd. H. Michelant, 784: qu'il se sauveroit); 2. 1673 « prendre congé promptement » (Molière, Malade imaginaire, II, 7); 3. 1795 « déborder (en parlant d'un liquide) » (Dorvigny, Jocrisse changé de condition, p. 31 ds Quem. DDL t. 32). Du b. lat. salvare « rendre bien portant; maintenir, conserver; délivrer », lat. chrét. « procurer le salut éternel »; dér. du lat. salvus « bien portant, sauf ». Fréq. abs. littér.: 11 143. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 16 673, b) 17 130; xxes.: a) 16 601, b) 14 000.
DÉR.
Sauvable, adj.a) Qui peut être sauvé. Synon. sauvetable (supra rem.).Peut-être m'auriez-vous sauvé, si j'avais été sauvable (Du Camp,Mém. suic., 1853, p. 304).b) Que l'on peut garder, conserver (intact). Plus, par le rayonnement propre de sa conscience, le vivant émerge des masses anonymes, plus grande se fait par voie d'éducation et d'imitation, la part transmissible, sauvable, de son activité (Teilhard de Ch.,Phénom. hum., 1955, p. 250). [sovabl̥]. 1resattest. a) 1remoit. xiies. salvable subst. « secours, salut » (Psautier Oxford, éd. F. Michel, 9, 15), ca 1165 sauvable adj. « salutaire, profitable » (Troie, éd. L. Constans, 27391: conseil [...] sauvables), sens att. jusqu'au xvies., b) 1853 « qui peut être sauvé » (Du Camp, loc. cit.); de sauver, suff. -able*.
BBG. Becker 1970, p. 319, 327. _ Quem. DDL t. 22 (s.v. sauver les apparences t. 32). − Verreault (Cl.). Les Adj. en -able en franco-québécois. Trav. de ling. québécoise. 3. Québec, 1979, p. 217 (s.v. sauvable).

Wiktionnaire

Verbe - français

sauver \so.ve\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison) (pronominal : se sauver)

  1. Garantir ; préserver ; tirer du péril ; mettre en sûreté.
    • Et si le monde contemporain ne renferme pas des racines pour une nouvelle morale, que deviendra-t-il ? Les gémissements d'une bourgeoisie pleurnicharde ne le sauveront pas, s’il a vraiment perdu ses mœurs pour toujours. — (Georges Sorel, Réflexions sur la violence, chapitre VII, La morale des producteurs, 1908, p.325)
    • Mais le seul nom qui ait été sauvé de l’oubli, dans la poésie profane, est celui de ce médiocre rimeur de Mathieu-le-Juif, d’Arras, qui vivait au XIIIe siècle […]. — (Léon Berman, Histoire des Juifs de France des origines à nos jours, 1937)
    • Un combat sanglant s’ensuivit, et les troupes chérifiennes finirent par s'emparer de la place. Le lieutenant du caïd, qui avait organisé la résistance, n'eut que le temps de se jeter sur un cheval et sauva sa tête par une fuite précipitée […]. — (Frédéric Weisgerber, Trois mois de campagne au Maroc : étude géographique de la région parcourue, Paris : Ernest Leroux, 1904, page 44)
    • Cette fois, ce fut Damen que les soldats congratulèrent. Il revêtait désormais un prestige nouveau à leurs yeux, en tant que celui dont les réflexes affûtés avaient sauvé la moitié des hommes et la totalité du vin. — (C.S. Pacat, Prince Captif, tome 2 : Le Guerrier, traduit de l'anglais (Australie) par Louise Lafon, éditions Milady/Bragelonne, 2017, chap. 8)
    • On considérait ce malade comme perdu, ce médecin l’a sauvé.
    • Il est sauvé se dit d’un malade, d’un blessé qui est hors de danger de mort.
  2. (Théologie) Soustraire aux peines de la vie future ; donner, assurer le salut éternel à.
    • Mais au moment où l’auguste pardon descendait sur elle, un sourire céleste illumina ses traits innocents : le prêtre pensa qu’elle se sentait sauvée et que d’obscures visions séraphiques transparaissaient pour elle sur les mortelles ténèbres de la dernière heure. — (Auguste de Villiers de L'Isle-Adam, Les Demoiselles de Bienfilâtre, dans les Contes cruels, 1883, éditions J. Corti, 1954, volume 1, page 12)
  3. Épargner une chose à quelqu’un, l’en exempter.
    • Cela lui a sauvé beaucoup de dépense.
    • Vous m’avez sauvé une grande peine, une grande fatigue, un grand travail. Il est vieux.
  4. (Familier)
    • Sauver le premier coup d’œil, Ne pas laisser paraître l’étonnement, l’impression désagréable que nous cause la première vue d’une personne ou d’une chose qui nous déplaît.
  5. Excuser ; justifier.
    • On ne peut sauver sa conduite.
    • Quelque excuse qu’on allègue, on ne peut sauver cette action. Il est peu usité en ce sens.
  6. (Anglicisme) (Informatique) Sauvegarder ; enregistrer.
  7. (Pronominal) S’échapper.
    • C'était lui, c'était Kernok qui frappait à la porte. Voilà un digne et brave compagnon, jugez-en. Il naquit à Plougasnou ; à quinze ans il se sauva de chez son père, s'embarqua sur un négrier, et là commença son éducation maritime. — (Eugène Süe, Plik et Plok, chapitre 2 : Kernok, 1831, Paris : chez Paulin, 1845, page 175)
    • Il s’est sauvé à toutes jambes. — Se sauver de sa prison.
  8. (Pronominal) (Spécialement) Se dérober d’un péril, d’un danger, etc., par la fuite ou autrement.
    • Dans leurs rangs éclata une furieuse colère : elles ne se sauvèrent pas, mais se jetèrent sur les cailloux et se mirent à bombarder les crânes de la cavalerie qui avait chargé. — (Un militant syndicaliste franco-polonais: La vie errante de Tomasz Olszański (1886-1959), traduit par Mylène Mihout, Presses universitaires de Lille, 1993, page 289)
  9. (Pronominal) (Familier) Et par ellipse,
    • Sauve qui peut, Se sauve qui pourra, se tire du péril qui pourra.
    • Le cri de sauve qui peut se fit entendre.
    • Sauve qui peut s’emploie aussi comme nom masculin.
    • Voyez « sauve-qui-peut ».
  10. (Pronominal) Aller dans un lieu pour y chercher un asile, s’y réfugier.
    • Il se sauva dans une église.
    • Il se sauva à l’ambassade.
    • Se sauver à l’étranger. Il vieillit en ce sens.
  11. (Pronominal) (Familier) Se retirer promptement.
    • Il se fait tard, il va pleuvoir, je me sauve.
  12. (Pronominal) Se dédommager.
    • Ce marchand vend à bas prix, mais il vend beaucoup, et il se sauve sur la quantité.
  13. (Pronominal) (Religion) Faire son salut éternel.
    • Il faut travailler à se sauver.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

SAUVER. v. tr.
Garantir, préserver, tirer du péril, mettre en sûreté. Il a sauvé la ville, sauvé son pays. Je l'ai sauvé des mains, d'entre les mains des ennemis. Sauver un homme du supplice, de l'infamie, de la misère. Sauver quelqu'un du naufrage. Le navire a échoué, on a sauvé les marchandises. On considérait ce malade comme perdu, ce médecin l'a sauvé. Sauver son nom de l'oubli. Vous m'avez sauvé la vie. Je lui ai sauvé l'honneur. Il est sauvé se dit d'un Malade, d'un blessé qui est hors de danger de mort.

SAUVER signifie spécialement, en termes de Théologie, Soustraire aux peines de la vie future; donner, assurer le salut éternel. Dieu a envoyé son Fils pour sauver tous les hommes, pour sauver le genre humain. Il signifie aussi Épargner une chose à quelqu'un, l'en exempter. Cela lui a sauvé beaucoup de dépense. Vous m'avez sauvé une grande peine, une grande fatigue, un grand travail. Il est vieux. Sauver les dehors, sauver les apparences, sauver la face, Faire en sorte qu'il ne paraisse rien au-dehors. Fam., Sauver le premier coup d'œil, Ne pas laisser paraître l'étonnement, l'impression désagréable que nous cause la première vue d'une personne ou d'une chose qui nous déplaît.

SAUVER signifie encore Excuser, justifier. On ne peut sauver sa conduite. Quelque excuse qu'on allègue, on ne peut sauver cette action. Il est peu usité en ce sens.

SE SAUVER signifie S'échapper. Il s'est sauvé à toutes jambes. Se sauver de sa prison. Se sauver d'un péril, d'un danger, etc., S'en tirer, s'y dérober par la fuite ou autrement. Fam. et par ellipse, Sauve qui peut, Se sauve qui pourra, se tire du péril qui pourra. Le cri de sauve qui peut se fit entendre. Sauve qui peut s'emploie aussi comme nom masculin. Voyez SAUVE-QUI-PEUT.

SE SAUVER signifie encore Aller dans un lieu pour y chercher un asile, s'y réfugier. Il se sauva dans une église. Il se sauva à l'ambassade. Se sauver à l'étranger. Il vieillit en ce sens. Il signifie aussi, familièrement, Se retirer promptement. Il se fait tard, il va pleuvoir, je me sauve. Il signifie en outre Se dédommager. Ce marchand vend à bas prix, mais il vend beaucoup, et il se sauve sur la quantité. Il signifie, dans le langage religieux, Faire son salut éternel. Il faut travailler à se sauver.

Littré (1872-1877)

SAUVER (sô-vé) v. a.
  • 1Tirer hors de péril, mettre en sûreté, avec un nom de personne ou objet personnifié pour régime direct. Josué sauva Rahab courtisane, et la maison de son père avec tout ce qu'elle avait, Sacy, Bible, Josué, VI, 25. Quand il [Dieu] voulut sauver la ville de Béthulie, Bossuet, Reine d'Anglet. Vous verrez avec quelle prudence elle traitait les affaires ; et une main si habile eût sauvé l'État, si l'État eût pu être sauvé, Bossuet, ib. Comment est mort cet homme puissant qui sauvait le peuple d'Israël ? Fléchier, Turenne. Lorsque avec jugement et avec fierté il sauvait les restes des troupes battues à Mariendal, Fléchier, ib. Sauvons-le malgré lui de ce péril extrême, Racine, Baj. IV, 7. Tout est perdu, seigneur, si vous ne nous sauvez, Racine, Iphig. III, 7. Tout ce que peut faire un grand homme d'État et un grand capitaine, Annibal le fit pour sauver sa patrie, Montesquieu, Rom. 5. Les Romains, ajoutait-il [Napoléon], donnaient des couronnes civiques à ceux qui sauvaient des citoyens ; le duc de Trévise [laissé à Moscou] en méritera autant qu'il sauvera de soldats, Ségur, Hist. de Nap. IX, 6.

    Avec un nom de chose pour régime direct, et de personne pour régime indirect. Vous m'avez sauvé l'honneur. Qu'il eût volontiers sauvé la vie au brave comte de Fontaines ! mais il se trouva par terre parmi ces milliers de morts dont l'Espagne sent encore la perte, Bossuet, Louis de Bourbon. N'y aurait-il pas moyen de me sauver les deux cent mille francs ? je vous parle à cœur ouvert, Marivaux, le Legs, 10.

  • 2Être cause de salut, en parlant d'une chose qui sauve. L'opération sauva le patient. Merci voit sa perte assurée ; ses meilleurs régiments sont défaits ; la nuit sauve les restes de son armée, Bossuet, Louis de Bourbon.
  • 3Il se dit simplement pour préserver. N'attaquez plus ma gloire avec tant de douleurs, Et laissez-moi sauver ma vertu de vos pleurs, Corneille, Hor. II, 5. Quelque maligne joie en son cœur s'élevait, Dont sa gloire indignée à peine le sauvait, Corneille, Pomp. III, 1. Sauve-moi de l'affront de tomber à leurs pieds, Corneille, Rodog. V, 4. Sauvez-moi des Romains, je suis encore à vous, Corneille, Sophon. III, 6. Je m'en vais… me disposer à faire demain mes pâques : il faut au moins tâcher de sauver cette action de l'imperfection des autres, Sévigné, 15 avr. 1672.

    Sauver de, avec un infinitif. La reine a sauvé la folle [une femme qui passait pour folle] d'être chassée, Sévigné, 22 octobre 1677.

  • 4Procurer le salut éternel. Sauver son âme. Il n'y a rien ici de rude pour elle, puisque Dieu la sauve par le même coup qui nous instruit, Bossuet, Duch. d'Orl. Je viens, dit Jésus-Christ, comme un voleur… comme un voleur, dites-vous, indigne comparaison ? n'importe qu'elle soit indigne de lui, pourvu qu'elle nous effraye, et qu'en nous effrayant elle nous sauve, Bossuet, Mar.-Thér. Pour être sauveur, rien ne lui paraît [à Jésus] difficile ; pour être sauvés, tout nous devient impossible, Bourdaloue, Myst. Circoncision de J. C. t. I, p. 67.
  • 5Empêcher d'être perdu. Le navire a échoué, on a sauvé les marchandises. Prends soin, je te prie, de m'en sauver le plus que tu pourras [des plats servis à table], pour le renvoyer au marchand, Molière, l'Avare, III, 15. J'y trouvai [dans la rue, pendant un incendie]… plusieurs meubles et vaisseaux d'argent qu'on sauvait chez lui [l'ambassadeur de Venise], Sévigné, 20 févr. 1671. Voulez-vous sauver quelque chose de ce débris si universel, si inévitable ? donnez à Dieu vos affections, Bossuet, Duch. d'Orl. Et tout ce que des mains de cette reine avare, Vous avez pu sauver et de riche et de rare, Donnez-le…, Racine, Ath. V, 1.

    Il se dit des personnes en un sens analogue. Le roi son fils n'a rien trouvé de plus ferme dans son service que ces catholiques si haïs, si persécutés, que lui avait sauvés la reine sa mère, Bossuet, Reine d'Anglet.

    Fig. Vouloir sauver la chèvre et le chou, vouloir ménager des intérêts différents ou opposés.

  • 6Sauver une chose à quelqu'un, faire qu'il ne la subisse pas. Je vous le dis encor, sauvez-moi cette honte, Corneille, Théod. III, 5. Troïle est utile à ceux qui ont trop de bien… il leur sauve la peine d'amasser de l'argent, La Bruyère, V. Nous ne manquerons pas de joueurs, sur ma parole ; et ton mari nous sauvera les amendes, Dancourt, Bourg. à la mode, III, 7. Cela suffit ; je vais vous sauver sa visite, Destouches, Philos. marié, I, 4. Est-ce qu'on désoblige Madame quand on lui rend service, et qu'on lui sauve les reproches de toute sa famille ? Marivaux, Marianne, part. VII. Je lui ai sauvé la Bastille [au libraire Jore] ; mais je n'ai pas été fort éloigné d'y aller moi-même, Voltaire, Lett. Formont, 10 déc. 1731. Il devint pour moi une espèce de gouverneur qui me sauva beaucoup de folies, Rousseau, Confess. V. Au toit du pauvre il [le chansonnier Béranger] répand l'allégresse, à l'opulence il sauve des ennuis, Béranger, Tailleur.

    En cet emploi, on dit souvent aussi éviter ; c'est mal parler (voy. la REM. à ÉVITER).

  • 7Conserver intact. On sauve en quelque façon la suite de l'histoire sainte, Bossuet, Hist. I, 7. Et je tâche en fuyant de sauver mon devoir, Quinault, Pausan. I, 7. Les dernières paroles de l'empereur à Lauriston furent [à Moscou] : Je veux la paix, il me faut la paix, je la veux absolument ; sauvez seulement l'honneur, Ségur, Hist. de Nap. VIII, 9.
  • 8Justifier. Quelque excuse qu'on allègue, on ne peut sauver cette action. Qui peut croire que M. de Paris, que M. de Chartres, avec qui je suis uni dans tous les actes publics, me fussent contraires en secret, jusqu'à détourner M. de Cambrai d'approuver mon livre, qu'ils ont eux-mêmes approuvé, jusqu'à s'unir pour sauver le sien qu'ils rejetaient avec moi comme plein d'erreurs ! Bossuet, Remarques sur la réponse de M. de Cambrai, avant-propos. Il sauvait son ignorance par un aveu libre et ingénu, qui, pour dire le vrai, ne devait pas coûter beaucoup à un homme plein de talents, Fontenelle, Renau.
  • 9Pallier, masquer ce qu'il y a de défectueux. Ils ont travaillé à sauver les inconvénients de ce système, Bossuet, Variat. Préf. Voyez que l'on vous amuse, non-seulement en vous proposant des questions hors de propos, mais encore en sauvant une erreur par une autre, au lieu de les condamner toutes deux, Bossuet, 2e instr. pastorale, 11. C'est qu'un abîme en attire un autre ; on ne tombe dans ces excès que pour sauver d'autres excès où l'on était déjà tombé, Bossuet, Var. XV, 81. Les anciens avaient imaginé je ne sais combien de cercles différemment entrelacés les uns dans les autres, par lesquels ils sauvaient toutes ces bizarreries [résultant de l'opinion que la terre était au centre du mouvement des corps célestes], Fontenelle, les Mondes, 1er soir. Virgile …dans ses Géorgiques, où il sauve le fond de sa matière, qui est tout à fait sèche, par des digressions fréquentes et souvent fort agréables, Fontenelle, Mond. Préf. On ne pouvait excuser de telles promesses [de Louis XII à Maximilien] que par le dessein de ne les pas tenir ; c'était sauver une imprudence par une honte, Voltaire, Ann. Emp. Maximilien, 1504. Le plus grand effort de l'art consiste souvent à sauver la difficulté, Diderot, Pensées sur la peint. Œuv. t. XV, p. 175 dans POUGENS. Où tout doit être pressenti, préparé, sauvé, montré, annoncé, Diderot, Salon de 1767, Œuv. t. XIV, p. 128. Ces hardiesses [en poésie], lorsqu'elles sont bien sauvées, comme les dissonances en musique, font un effet très brillant, Chateaubriand, Génie, II, I, 3.

    Sauver une contradiction, concilier deux passages, deux propositions contraires.

    Sauver les défauts de la taille d'une personne, cacher, par la manière de l'habiller, quelque défaut qui est dans sa taille.

  • 10 Terme de musique. Sauver une dissonance (voy. DISSONANCE).
  • 11 Terme de scolastique. Sauver les apparences, expliquer les phénomènes selon les principes de quelque hypothèse.

    Fig. Sauver les apparences, ne rien laisser paraître au dehors qui puisse blesser ou scandaliser. Tous ceux qui ont passé le Styx après moi m'ont assuré que tu n'as pas même sauvé les apparences, Fénelon, Dial. des morts anc. Romulus, Tatius. Pourquoi cherchez-vous toujours à mettre quelques raisons spécieuses de votre côté … et sauver, pour ainsi dire, encore les apparences avec Jésus-Christ ? Massillon, Carême, Salut.

    On dit dans un sens analogue : Sauver les dehors. Que tu perds lâchement de ruse et d'artifice, Pour… sauver les dehors d'une adroite vertu, Dont aux yeux éblouis tu parais revêtu ! Corneille, Perthar. IV, 4.

  • 12 Familièrement. Sauver le premier coup d'œil, ne pas laisser paraître l'étonnement, l'impression désagréable que cause la première vue d'une personne laide ou mal faite.

    Il faut sauver le premier coup d'œil, se dit d'une personne qui ne plaît pas au premier aspect, mais qui plaira quand on l'aura vue davantage. Le roi avait une impatience extrême de savoir comme elle [la Dauphine] était faite ; il envoya Sanguin comme un homme vrai et qui ne sait pas flatter : Sire, dit-il, sauvez le premier coup d'œil, et vous en serez fort content, Sévigné, 13 mars 1680.

  • 13Au jeu de paume, sauver la grille, sauver le dedans, parer les coups qui poussent la balle dans la grille ou dans le dedans.

    Sauver à quelqu'un la grille, le dedans, lui faire l'avantage de ne pas compter ce que l'on gagne quand on place la balle à la grille ou au dedans.

  • 14 Terme de jeu de billard. Sauver à quelqu'un une blouse, deux blouses, etc. lui faire l'avantage de ne pas compter les points que l'on gagne en faisant la blouse, les deux blouses, etc.
  • 15 Terme de jeu de trictrac. Sauver la bredouille, empêcher l'enfilade.
  • 16Se sauver, v. réfl. Se mettre en sûreté, à l'abri. Se sauver d'un péril. Sauvez-vous d'une vue à tous les deux funeste, Corneille, Poly. II, 2. Plus cruel que les Lombards même, il [Constant] ne vint à Rome que pour en piller les trésors : les églises ne s'en sauvèrent pas, Bossuet, Hist. I, 11. Après s'être sauvée des flots, une autre tempête lui fut presque fatale : cent pièces de canon…, Bossuet, Reine d'Anglet. J'adorerais un dieu sans force et sans vertu, Reste d'un tronc par les vents abattu, Qui ne peut se sauver lui-même ? Racine, Esth. II, 9. Quoi ! Pyrrhus, je te rencontre encore… Percé de tant de coups, comment t'es-tu sauvé ? Racine, Andr. V, 5. C'est une étrange chose que l'amour, répondit-elle en riant ; il se sauve de tout, il n'y a point de système qui lui puisse faire du mal, Fontenelle, Mond. 5e soir.

    Se sauver de quelqu'un, échapper à son souvenir qui nous obsède. Je ne sais où me sauver de vous ; notre maison de Paris m'assomme encore tous les jours, et Livry m'achève, Sévigné, à Mme de Grignan, 24 mars 1671.

    Se préserver. Une âme de rocher ne s'en fût pas sauvée [d'aimer une belle femme], Corneille, le Ment. II, 5. Ils se sauvent tout ensemble de la folie et de l'erreur, Pascal, Prov. II. La reine s'est sauvée de ces défauts, Fléchier, Mar.-Th. Charles de Sainte-Maure se sauva, par la miséricorde de Dieu, de cette corruption commune [ne pas se dire la vérité les uns aux autres], Fléchier, Duc de Mont. Tant il est difficile aux plus grands hommes et même aux plus modestes, de se sauver des illusions de l'amour-propre, Voltaire, Œdipe, lett. 4. Perdre sa jeunesse, sa beauté, ses passions, c'est le vrai malheur ; voilà pourquoi tant de femmes se font dévotes à cinquante ans, et se sauvent d'un ennui par un autre, Voltaire, Dial. 3.

  • 17Faire son salut éternel. En sauvant le prochain, vous vous sauverez vous-même, Bourdaloue, 4e dim. après Paq. Dominic. t. II, p. 63. S'engageant dans ces emplois avec une incapacité absolue, comment pourra-t-il s'y sauver ? Bourdaloue, Dim. de la Septuagés. Dominic. t. I, p. 371. Peu de gens se sauvent, parce qu'on ne peut comprendre dans ce nombre que deux sortes de personnes : ou celles qui ont été assez heureuses pour conserver leur innocence pure et entière ; ou celles qui, après l'avoir perdue, l'ont retrouvée dans les travaux de la pénitence, Massillon, Carême, Petit nomb. des élus.
  • 18Se tirer d'embarras. La cour romaine se sauvait par des équivoques, Voltaire, Mœurs, 48.
  • 19S'échapper. Il se sauva de prison. Vous allez voir par la nouvelle d'aujourd'hui, comme le roi d'Angleterre s'est sauvé de Londres, apparemment par la bonne volonté du prince d'Orange, Sévigné, 503. Je ne te retiens plus, sauve-toi de ces lieux, Racine, Andr. IV, 5. On a trouvé une clef en dedans de la petite porte du parc, par où sans doute elle s'est sauvée ; ainsi tout prouve que c'est sans violence, Genlis, Théât. d'éduc. Zélie, V, 10.

    Se sauver à la nage, s'échapper en nageant. Je me sauve à la nage et j'aborde où je puis, Boileau, Disc. au roi.

    Fig. et familièrement. Se sauver à travers les broussailles, se sauver par les vignes, par les marais, se tirer d'embarras comme on peut.

  • 20Prendre la fuite. Se sauver à toutes jambes. Un soldat qui se sauve quand il faut combattre est puni, Voltaire, l'H. aux quarante écus, sur les moines.

    Elliptiquement, sauve qui peut, se sauve, se tire du péril qui pourra. Les premiers qui dans l'aile de gauche de Miranda crièrent sauve qui peut et la débandèrent…, Louvet de Couvray, Mém. p. 67, dans POUGENS.

    Fig. Le duc de Villeroi a écrit ici des lettres dans le transport de sa douleur, qui sont d'une telle force qu'il les faut cacher ; il met au premier rang de toute sa fortune d'avoir été aimé de ce héros [Turenne], et déclare qu'il méprise toute autre sorte d'estime après celle-là : sauve qui peut, Sévigné, 204. Quelquefois de fâcheux arrivent trois volées, Qui du parc à l'instant assiégent les allées ; Alors sauve qui peut…, Boileau, Ép. VI. Ce monde-ci est un vaste naufrage ; sauve qui peut ; mais je suis bien loin du rivage, Voltaire, Lett. Cideville, 28 janv. 1754.

    Substantivement. Ce fut un sauve-qui-peut général (avec traits d'union).

  • 21 Familièrement. Se retirer promptement. En passant par devant la chambre d'Angélique, j'ai vu un jeune homme avec elle, qui s'est sauvé d'abord qu'il m'a vue, Molière, Mal. imag. II, 10. Mon Dieu, je me sauve, il est midi trois quarts, Genlis, Théâtre d'éduc. Tendresse matern. sc. 2. Je ne veux pas être témoin de ce que vous allez lui dire ; je me sauve, Picard, Manie de briller, II, 16.
  • 22Se réfugier en un lieu, y chercher un asile. Pendant que le choléra était à Paris, nous nous sauvâmes à la campagne. Toute l'Irlande est au roi [Jacques II], il eût bien fait de s'y sauver, Sévigné, 513. Déjà prenait l'essor, pour se sauver dans les montagnes, cet aigle dont le vol hardi avait d'abord effrayé nos provinces, Fléchier, Turenne.
  • 23Se dédommager. Un marchand qui vend à bas prix, se sauve sur la quantité. André : Hélas ! je suis fils d'un paysan, je l'ai été moi-même. - Hassan : Bon ! c'est sur ceux-là que je me sauve, Chamfort, Marchand de Smyrne, sc. 10.

SYNONYME

SAUVER QUELQUE CHOSE à QUELQU'UN, ÉPARGNER QUELQUE CHOSE à QUELQU'UN. Sauver, épargner quelque chose à quelqu'un, c'est l'en dispenser, l'en préserver. Ces deux locutions ont un sens extrêmement voisin. La seule nuance qu'on y remarque, c'est que épargner implique davantage l'idée de ménagement, et sauver celle de préservation.

HISTORIQUE

IXe s. Si salvarai eo [je] cist meon fradre Karlo, Serment.

XIe s. [Qu'ils] Salvent le rei e gardent la reïne, Ch. de Rol. CXCI.

XIIe s. Mais ore en convenoit un sul à mort livrer Al piler del mustier, pur le pueple salver, Th. le mart. 149. Por pecheors salver e mettre à salvaison, Rou, V. 4407. Il salt [qu'il sauve] Marsile et son barnage, Ronc. p. 121.

XIIIe s. Hé las ! se nuls se doit sauver [faire son salut] dolans, Quesnes, Romancero, p. 93. Si celui qui fait hommage, si comme est dessus dit, ou chief seignor, a fait avant hommage en ligesse à homme ou à femme, qui ne soit homme dou chief seignor, il le doit sauver [réserver] à l'hommage faire, pour ce que nul qui est homme d'autruy ne peut après faire hommage à autre, se il ne sauve son premier seignor, Du Cange, salvare. Li filz Dieu glorieus, par li sien nom saintisme, Me doint, se il li plaist, par toute ceste rime, Li loer, moi sauver, edefier mon prisme [prochain], J. de Meung, Test. 31.

XIVe s. Aussi comme se superhabundance et deffaute corrumpissent la bonté de l'œuvre et le moien [le juste milieu] la salvast, Oresme, Eth. 44.

XVe s. Saulve soy qui peult, Gerson, Harangue au roi Charles VI, p. 17.

XVIe s. Il feut impossible de la sauver [elle en mourut], Montaigne, I, 101. Pour se sauver de continuelles et curieuses recherches qu'on faiseit de luy, Montaigne, I, 138. C'estoit à se saulve qui peuit, Carloix, V, 25. Quelques Troyens, s'estant sauvez de l'espée, s'embarquerent sur des vaisseaux qu'ilz trouverent d'adventure au port, Amyot, Rom. 1. Si n'y eut rien qui la sauvast qu'elle ne fut promptement mise à mort que les prieres de la fille du roy, Amyot, ib. 4. Si par cas d'adventure elles [les vestales] rencontrent quelque pauvre criminel que l'on mene à la mort, elles luy sauvent la vie, Amyot, Numa, 18. Il se jetta dedans la riviere du Tybre, et se sauva à nage jusques à l'autre rive, Amyot, Public. 32. Quant à ses biens, ses amis en destournerent et sauverent une bonne partie, Amyot, Thém. 48. Les uns se sauverent de vistesse… ilz [les Romains] envoyerent ceulx qui s'estoient sauvez à fouir, en la Sicile, Amyot, Marcell. 18. En quoi faisant, il sauva la ville d'estre saccagée, Amyot, Flamin. et Philop. 6. Les larmes de l'enfant eussent sauvé la mere ! Ronsard, 673. L'empoisonneur se sauva à la fuitte, et ainsi fut-il descouvert, Grevin, Impost. des diables, 50.

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Étymologie de « sauver »

(842) salvar (Serments de Strasbourg) ; De l’ancien français salver, du latin salvare.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Wallon, sâvé ; provenç. et espagn. salvar ; ital. salvare ; du lat. salvare, dénominatif de salvus, avec le sens causatif.

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Phonétique du mot « sauver »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
sauver sove

Fréquence d'apparition du mot « sauver » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « sauver »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « sauver »

  • Il n’est pas permis de tuer le chien pour sauver la queue de la chatte.
    Proverbe québécois
  • Qui écrit pour se sauver est foutu d'avance.
    Georges Perros — Echancrures
  • Aucun être ne peut en sauver un autre. Il faut se sauver soi-même.
    Herman Melville — La Vareuse blanche
  • Il faut sauver les peuples malgré eux.
    Napoléon Bonaparte
  • Il faudrait pouvoir se sauver de l'amour comme on se sauve de la folie.
    Nadia Ghalem — Le Jardin de cristal
  • La tâche est donc immense pour Pekka Lundmark, qui succède à l'indo-singapourien Rajeev Suri, aux manettes depuis 2014. Le Finlandais a accepté l'un des jobs les plus difficiles du moment dans les télécoms. L'enjeu n'est autre que de sauver le soldat Nokia alors que des rumeurs évoquant le rachat par une entreprise américaine du troisième équipementier télécoms du marché (mais l'unique autre européen avec Ericsson) refont régulièrement surface.
    Les Echos — Pekka Lundmark, l'homme qui doit sauver le soldat Nokia | Les Echos
  • Il faut savoir sacrifier la barbe pour sauver la tête.
    J.D. Démétriades — Proverbes turcs
  • Sauver Paris, c'est plus que sauver la France, c'est sauver le monde.
    Victor Hugo — Depuis l'exil
  • Soyons ingrats si nous voulons sauver la patrie.
    Saint-Just — Fragments sur les institutions républicaines
  • La région des Hauts-de-France demande le soutien de l'État pour sauver sa production de betteraves. Le légume est menacé par la jaunisse. Il fait vivre près de 33 000 personnes dans la région, qui est le premier producteur français.
    France Bleu — Les Hauts-de-France veulent sauver leurs betteraves, menacées par la jaunisse
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Traductions du mot « sauver »

Langue Traduction
Anglais to save
Espagnol ahorrar
Italien salvare
Allemand speichern
Chinois 保存
Arabe للحفظ
Portugais salvar
Russe сохранить
Japonais 保存する
Basque gorde
Corse salvà
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Synonymes de « sauver »

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Antonymes de « sauver »

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Sauver

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