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Justice

Variantes Singulier Pluriel
Féminin justice justices

Définitions de « justice »

Trésor de la Langue Française informatisé

JUSTICE, subst. fém.

A. −
1. [Gén. avec l'art. déf., sans adj. ou compl. déterm.] Principe moral impliquant la conformité de la rétribution avec le mérite, le respect de ce qui est conforme au droit. La justice, la distinction essentielle du bien et du mal, dans les relations des hommes entre eux, est la vérité première de la morale (Cousin, Vrai,1836, p. 351).Dans la lutte engagée pour la vérité contre le mensonge, pour la justice contre l'arbitraire, aucun des combattants n'est libre de s'arrêter (Clemenceau, Iniquité,1899, p. 276).La justice a toujours évoqué des idées d'égalité, de proportion, de compensation (Bergson, Deux sources,1932, p. 68).V. carrefour ex. 3; équité A 2 a ex. de Weill; indifférent ex. 4; injustice A 1 ex. de Clemenceau et ex. 1; injuste ex. 1 et 2 :
1. Le bon plaisir est l'un des attributs de la grâce. La monarchie sous sa forme théocratique est un gouvernement qui veut mettre au-dessus de la justice la grâce, en lui laissant toujours le dernier mot. La profession du vicaire savoyard, au contraire, n'a d'autre originalité que de soumettre Dieu à la justice et d'ouvrir ainsi, avec la solennité un peu naïve du temps, l'histoire contemporaine. Camus, Homme rév.,1951, p. 144.
Rem. À cause de la notion de rigueur connotée par le terme, justice est souvent opposée à charité, grâce, miséricorde (supra ex.; v. aussi charité ex. 11). [Le] psalmiste (...) invoque, dans la joie et dans la peine, le Dieu de justice et de miséricorde (Weill, op. cit., p. 100).
Subst. + justice.Si la paix à venir n'était pas une réconciliation, dans un commun souci de justice, pour la création d'une Europe solidaire, cette paix (...) ne serait rien d'autre qu'un traité de plus (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 930).V. charité ex. 6 et 12 :
2. ... l'exigence de justice est comme une faim et comme une soif. Cela signifie que la faculté de désirer est plus vaste que le souci vital. Je suis lacune et manque d'autre chose que de pain et d'eau. Ricœur, Philos. volonté,1949, p. 122.
SYNT. Avènement, ère, heure, règne, triomphe de la justice; voies de la justice, amour de la justice; combat pour la justice; acte, devoir, œuvre de justice; besoin, cri, espérance, esprit, idéal, passion, rêve, sentiment, souffle de justice; concept, idée, notion, principe, règle de justice.
[Dans la secte essénienne] Le Maître de Justice. Le législateur. [L'historien] constate certaines similitudes entre le maître de justice et Jésus le Nazaréen, entre le Messie essénien et le Messie chrétien (Philos., Relig., 1857, p. 42-4).
Verbe + justice :
3. Le droit est l'ensemble des principes qui régissent la société; la justice, dans l'homme, est le respect et l'observation de ces principes. Pratiquer la justice, c'est obéir à l'instinct social; faire acte de justice, c'est faire un acte de société. Proudhon, Propriété,1840, p. 300.
SYNT. Honorer, invoquer, satisfaire, servir la justice; être affamé, épris de justice; avoir la justice pour soi; être du côté de la justice; se réclamer de la justice; combattre, lutter pour la justice; plaider au nom de la justice; juger selon la justice; devoir à la justice de (+ inf.); bafouer, fouler aux pieds, offenser, violer la justice; manquer à la justice; pécher contre la justice.
2. Caractère, qualité de celui qui se comporte selon la justice (supra A 1). Être dénué, empreint de justice; avoir un fond de justice. Cette faveur publique que les Français prodiguent quelquefois avec si peu de justice et de discernement (Jouy, Hermite, t. 5, 1814, p. 280):
4. Si la France, autrefois si grande de justice et de générosité, pouvait supporter l'atrocité d'un tel spectacle sans réagir (...), elle ne serait plus la France... Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 466.
Justice + déterm.Le roi n'a cru, ni de sa justice, ni de sa dignité, ni de sa prudence, d'ouvrir des dépêches également adressés par le sieur Van-der-Noot (Le Moniteur,t. 2, 1789, p. 351).J'espère en la justice et la bonté céleste, qui sait tout ce que deux êtres innocens ont déjà épuisé de douleurs (Latouche, L'Héritier, Lettres amans,1821, p. 107):
5. ... il y avait vraiment un Dieu, ce Dieu juste dont tout cœur simple ne saurait se passer (...) et dont la justice garantissait que le désordre et les maux de la société seraient un jour guéris et consolés. Guéhenno, Jean-Jacques,1950, p. 145.
Vieilli. Caractère, qualité de ce qui est conforme à la justice (supra A 1). Justice d'une loi, d'une réclamation, d'une thèse. Le sire de Barbazan leur fit un discours pour rappeler la justice de leur cause (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 2, 1821-24, p. 282).Si l'on mettait en doute la justice du châtiment, ce serait mettre en doute l'équité des caresses (Karr, Sous tilleuls,1832, p. 78):
6. Lefranc prend la parole. Au bout de cinq minutes de son bredouillement, le juge, mon voisin, me dit : « Il faut que la partie ait été bien sûre de la justice de son droit pour lui confier sa cause... » Goncourt, Journal,1892, p. 315.
B. − [Avec art. déf. ou indéf., avec ou sans adj. ou compl. déterm.] Manière de concevoir, de promouvoir la justice (supra A 1); sa mise en application. Chercher, exiger, revendiquer la justice. L'âpre joie d'une âme droite qui applaudit aux rigueurs de la justice (France, Vie fleur,1922, p. 361).Il n'y a pas de justice en ce monde. Mais on en sent terriblement le besoin dans son cœur (Pourrat, Gaspard,1922, p. 246).Le monde s'agite, il ne lit plus guère La Croix, il se fout des index et imprimatur, il réclame la justice et non la pitié, son dû et non vos aumônes (H. Bazin, Vipère,1948, p. 240).V. équité ex. 1 :
7. Il n'y a pas de justice, en société, sans droit naturel ou civil qui la fonde. Il n'y a pas de droit sans expression de ce droit. Que le droit s'exprime sans attendre et c'est la probabilité que, tôt ou tard, la justice qu'il fonde viendra au monde. Camus, Homme rév.,1951, p. 359.
P. méton., au sing. ou au plur., vieilli. Acte de justice. L'exécution des lois est une dette et une justice (Le Moniteur,t. 2, 1789, p. 342).Don Quichotte, l'homme aux justices (Chateaubr., Corresp., t. 2, 1821, p. 183):
8. Il y a trente-cinq ans que je gouverne : c'est beaucoup trop. Ma fortune a vieilli. Je suis las de mon royaume. Je suis las de mes justices, et las de mes bienfaits... Montherl., Reine morte,1942, II, 1ertabl., 3, p. 182.
Justice + déterm.
1. [Le déterm. exprime une qualité] Un fils aîné qui vient, non réclamer sa part plus grande d'héritage, mais faire bonne justice à ses frères (Gozlan, Notaire,1836, p. 34).Il n'y a pas d'intérêt politique supérieur au besoin d'une égale justice pour tous (Clemenceau, Iniquité,1899, p. 244).D'ici l'homme ne peut plus appeler le bonheur, il ne peut qu'exiger la justice, la froide et tranchante justice (Arnoux, Gentilsh. ceinture,1928, p. 222).V. équité ex. de Jankélévitch :
9. Sa naissance avait déçu car toute la famille désirait un garçon; certes, nul ne lui en marqua de rancune (...). On s'appliquait à nous traiter avec une exacte justice; nous portions des toilettes identiques, nous sortions presque toujours ensemble, nous n'avions qu'une vie pour deux... Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 44.
SYNT. Justice absolue, éternelle, universelle; justice immuable, impartiale, implacable, inébranlable, inexorable, inflexible, intégrale, souveraine, stricte, supérieure, suprême, totale; justice dérisoire, élémentaire.
2. [Le déterm. exprime une relation]
a) [Le déterm. est un adj.] Justice providentielle, surnaturelle; justice évangélique; justice sociale; justice répressive. Fonder la justice humaine sur la justice divine (Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 185).Les lois de Dieu sont le code le plus parfait de la justice naturelle (Chateaubr., Génie, t. 2, 1803, p. 571).V. équité A 2 a ex. de Cousin, Vrai, 1836, p. 271 :
10. ... il me semble que la justice distributive a pour objet l'ordre, et n'est qu'un moyen; tandis que la justice mutuelle est par elle-même un idéal (...). Le vrai nom de la première serait police; et le beau nom de justice ne conviendrait qu'à l'autre. Alain, Propos,1912, p. 137.
Justice immanente*. Justice commutative*. Justice distributrice (v. distributeur rem.).
P. méton., littér. Celui, ceux qui dispense(nt) la justice. Malheur à l'homme (...)! Une aveugle fatalité se joue de sa destinée! Une nécessité funeste régit au hasard le sort des mortels. Mais non : ce sont les décrets d'une justice céleste qui s'accomplissent! (Volney, Ruines,1791, p. 16).Les châtimens décernés par la justice humaine (J. de Maistre, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 41):
11. Je n'admets pas comme rigoureuse la preuve de l'immortalité tirée de la nécessité où serait la justice divine de réparer, dans une vie ultérieure, les injustices que l'ordre général de l'univers entraîne ici-bas. Renan, Avenir sc.,1890, p. 523.
Loc. exclam. Justice divine! Justice divine!... M. Daniel n'a pas déjeuné!... (A. Daudet, Pt Chose,1868, p. 49).
b) [Le déterm. est un compl. de nom] Fort peu exact moi-même à donner de mes nouvelles, je suis cependant fort exigeant, et fort pressé d'en recevoir de mes amis. Voilà la justice de ce monde (Courier, Lettres Fr. et Ital.,1807, p. 746).Il me disait sa certitude que mon pourvoi serait accepté, mais je portais le poids d'un péché dont il fallait me débarrasser. Selon lui, la justice des hommes n'était rien et la justice de Dieu tout (Camus, Étranger,1942, p. 1206):
12. ... ce qui manque au berceau de la S. D. N., c'est la foi; peut-être même la bonne foi. Mais les institutions ont une vertu. La justice des tribunaux, tout impure qu'elle est, assure une circulation de la justice, un endiguement de la violence. Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 246.
P. méton., au plur., vieilli. Acte de justice. Et il y a l'autre Veuillot, celui qui s'amuse, qui, assis dans la tribune des journalistes ou étendu dans son fauteuil (...), exerce les justices du bon sens ou les avanies de sa passion, et mord à belles dents à même du prochain (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 1, 1861, p. 67).
Loc. verb.
1. Demander, obtenir justice
a) Absol. Nous avons demandé justice et on nous a couverts d'injures (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 538).
b) Demander, obtenir justice de qqn. Demander, obtenir à l'encontre de quelqu'un le châtiment mérité. Je suis venu avec un vieux chevalier demander justice de deux traîtres (Camus, Chev. Olmedo,1957, 3ejourn., 25, p. 815).
c) Demander, obtenir justice de/sur qqc. Demander, obtenir réparation d'un tort subi. M. Charles Gosselin, auquel je donnerai plein pouvoir d'obtenir justice de cette spoliation inouïe (Lamart., Corresp.,1835, p. 108):
13. ... un sous-préfet (...), l'air égaré, et tout hors de lui, (...) interpelle [l'empereur] de la voix la plus élevée, lui demandant justice sur sa destitution, soutenant qu'il avait été faussement accusé et condamné. Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 731.
2. Faire justice.
a) Absol. Châtier un coupable, exécuter une sentence. Reconnais-moi! Seigneur, j'embrasse tes genoux. Mon père est mort qui fut ton fidèle homme lige; Fais justice, Fernan, venge-le, venge-nous! (Hérédia, Trophées,1893, p. 167):
14. Si (...) [l'Angleterre] entre dans un conflit pour une cause juste, si la lutte est de celles qui mettent en jeu sa liberté, son indépendance ou son Empire, ses ressources sont, je le sens, inépuisables (...). Elle commence une lutte qu'elle ne terminera pas avant que justice soit faite. Maurois, Disraëli,1927, p. 288.
b) Faire justice à qqn. Reconnaître le bien-fondé de la plainte de quelqu'un, lui donner satisfaction. Et le rustre criait (...) : « À cinq sous les beaux pigeons! » (...). J'en portai plainte à M. le lieutenant-criminel, qui me fit justice en me débarrassant du vilain (France, Opinions J. Coignard,1893, p. 136).
c) Faire justice de qqn, de qqc. (crime, délit). Punir quelqu'un, quelque chose comme il le mérite. Faire justice d'un assassin, d'un coquin. Le prévôt n'osait faire justice de tous les crimes qui se commettaient (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 175):
15. Il nous faut sur-le-champ farines et fourrages; En votre qualité de podestat vous êtes Le seul capable ici de nous en procurer : Nous vous donnons encore une heure pour ce soin, Sinon, de vous ces gens feront prompte justice. Barbier, Satires,1865, p. 194.
Au fig. Juger, traiter à sa juste valeur quelque chose de mal venu. Abandonnons ces sophistes à leurs contradictions et à leur aveuglement; le bon sens populaire fera justice de leurs équivoques (Proudhon, Propriété,1840, p. 218).J'avais couvert des rames de papier (...). Dès le lendemain, j'en fis justice (Fromentin, Dominique,1863, p. 141).
d) Se faire justice
α) Se faire justice (soi-même). Se substituer aux représentants de la loi pour juger et châtier un coupable. En Allemagne (...) jusque sous Maximilien règne le droit du poing, c'est-à-dire l'appel à la force et l'habitude de se faire justice soi-même (Taine, Philos. art, t. 1, 1865, p. 127):
16. alfred : Mais, Monsieur le Président, il fallait bien que je l'expulse; il ne voulait pas s'en aller. le président : Il fallait envoyer chercher les agents de la force publique. Vous n'aviez pas le droit de vous faire justice vous-même. Courteline, Client sér.,1897, 3, p. 59.
[Avec compl. d'obj. indir.] Se faire justice de qqn. Ils venaient demander du pain, et se faire ensuite justice de ceux des membres de l'Assemblée nationale qui n'étaient pas dans les principes du peuple (Le Moniteur,t. 2, 1789, p. 550).
β) Se faire justice. Se punir soi-même; se suicider. Un individu a tué sa femme et s'est ensuite fait justice par le suicide (Janet, Obsess. et psychasth.,1903, p. 73).Un jeune Luxembourgeois d'Esch-sur-Alzette, pris de boisson, a blessé sa mère d'un coup de revolver, puis a retourné l'arme contre sa tempe pour se faire justice (L'Est Républicain,5 déc. 1980, p. 15).
3. Rendre justice à qqn, à qqc. Reconnaître les droits, les mérites, la valeur de quelqu'un, de quelque chose. Rendre justice à la loyauté, à la probité de qqn. Je suis sûre que tu rends justice à la dignité de mon attitude (Zola, DrPascal,1893, p. 98).V. amour ex. 286 :
17. Le plan de Turgot pour assainir les finances n'était pas nouveau et l'on a rendu justice aux contrôleurs généraux qui l'ont précédé. Bainville, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 10.
4. Rendre une /cette justice à qqn. Reconnaître par souci de justice un mérite particulier à quelqu'un. C'est une justice à vous rendre : on ne vous surprend jamais derrière une porte ou la main dans la corbeille à papier (Bernanos, Mauv. rêve,1948, p. 908):
18. « (...). Si la conduite des prisonniers ne justifie pas cette mesure exceptionnelle, elle sera suspendue ». Godchaux lève la tête avec un râle heureux : « Faut leur rendre cette justice : ils ne sont pas vaches ». Sartre, Mort ds âme,1949, p. 253.
5. Devoir à qqn la justice de + inf. Avoir à l'égard de quelqu'un l'obligation morale de. L'écrivain est loin d'être favorable à Napoléon; toutefois on lui doit la justice de convenir qu'une grande impartialité à cet égard honore son caractère (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 14).
6. C'est justice; ce n'est que justice. C'est conforme à la justice (supra A 1). Après avoir été impitoyablement refusé, pendant des années, aux salons annuels, M. Desboutin a enfin gagné une entrée et une médaille. C'était justice. Les dix-sept gravures exposées cette fois sont superbes (Huysmans, Art mod.,1883, p. 91).Bravo! Ce n'est que justice! Comme vous (...) avez mérité [cette citation] ! (Montherl., Exil,1929, II, 5, p. 63).
7. Il est de toute, de stricte justice de + inf. Il est absolument conforme à la justice (supra A 1) de. Je lui parlais de son portrait sur un de ses livres, portrait auquel il était de toute justice d'accoler celui de son frère (Goncourt, Journal,1892, p. 258):
19. Il ne pourrait plus pêcher comme auparavant et il lui fallait prévoir des ressources (...). Il était de stricte justice de ne pas le laisser mourir de faim dans le presbytère. Queffélec, Recteur,1944, p. 78.
Loc. adv.
a) Avec justice. À bon droit. Il se répandait en malédictions contre l'Allemagne, qu'il accusait avec justice d'avoir, de son lourd esprit domestique, attenté au bon sens des races latines (Bloy, Femme pauvre,1897, p. 119).
b) En bonne, en stricte, en toute justice. Selon la justice. On me pressait fort de le faire pendre; je ne le fis point, parce qu'en toute justice il eût donc fallu en faire autant de tous les habits brodés qui avaient sciemment acheté et bu le vin (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 916).En bonne justice, la facilité procurée par les machines doit profiter également au marchand et au consommateur (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 119).
C. − En partic.
1. Jugement, réparation, sanction légale des fautes commises contre un individu ou contre la société; exercice du pouvoir judiciaire. Je suis dépositaire d'un secret. Une part de ce secret m'appartient − j'entends par là que je puis en disposer dans l'intérêt de la justice (Bernanos, Crime,1935, p. 783).Les agents de l'autorité royale qui ont la charge de la justice et des impôts ont un rôle ingrat, qu'ils rendent encore plus ingrat par leur brutalité et par leurs excès (Faral, Vie temps st Louis,1942, p. 92).V. équité A 2 b ex. de Balzac, Gobseck, 1830, p. 417 :
20. la sœur françoise (...) : À quoi bon les interrogatoires, si le procès est jugé par avance? (...) le lieutenant civil : Ne dites pas que la justice du roi est jugée par avance, ma sœur. Voilà des paroles qui ne vous feraient pas de bien dans un procès-verbal. Montherl., Port-Royal,1954, p. 1033.
SYNT. Justice arbitraire, expéditive, sommaire; déni de justice; simulacre de justice; administration, appareil de la justice; (haute) cour de justice; métier de justice; frais, procédure, réparation, session de justice; dispenser, exercer la justice; avoir un droit de justice sur qqn; entraver le cours de la justice.
Rendre la justice. Exercer le pouvoir judiciaire; juger. Il écoute la plainte de ses sujets, ou plutôt de ses compagnons, et rend la justice avec équité (Chateaubr., Martyrs, t. 2, 1810, p. 20).Les seuls patriciens rendaient la justice et connaissaient les formules de la loi (Fustel de Coul., Cité antique,1864, p. 322).
HISTOIRE
Basse justice. Justice des seigneurs n'ayant compétence que pour les questions de propriété, de contrats ou de petits délits passibles d'amendes (d'apr. Lep. 1948) :
21. Représentez-vous le mécontentement d'un seigneur du Moyen Âge auquel on n'aurait laissé que le droit de basse justice, en lui enlevant sa hart et son bourreau... Mille, Barnavaux,1908, p. 175.
Haute justice. ,,Juridiction permettant à un seigneur de prononcer une condamnation entraînant la mort, une mutilation ou une peine corporelle`` (Lep. 1948). Le Comte : (...) mes aieux (...) avaient le droit (...) De rendre en leurs châteaux justice basse et haute (Dumas père, Charles VII,1831, II, 5, p. 262).
Justice par l'eau et par le feu. Synon. de jugement de Dieu (v. jugement C 1 hist.).V. feu I B a α ex. de Barrès.
Bois de justice. V. bois II C 2 a.
Fourches de justice et p. ell., justice (cf. Gay t. 2 1928). Synon. de fourches patibulaires.Les fourches de justice, les potences où les seigneurs de Roche-Savine faisaient pendre le monde dont le nez leur déplaisait (Pourrat, Gaspard,1922, p. 231).
Lettre de justice. V. justicier ex. 6.
Lit de justice. V. lit I B 7.
Main de justice. V. main 2esection I A 4. Synon sceptre de justice.Édouard VII (...), couvert des bijoux de la Tour de Londres, tenant la Main de Merci, le Sceptre de Justice, la Verge d'Équité et, sur sa tête (...) la couronne des Indes aux trois cents diamants (Morand, Londres,1933, p. 48).
Au plur., vieilli. Il était impitoyable dans ses justices, et ne souffrait pas qu'on s'écartât de ses ordonnances (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p. 371).La fortune, l'honneur et la vie des citoyens relevaient de lui : tout obéissait à ses arrêts, toute tête tombait sous le glaive de ses justices (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 194):
22. 3 Dimanche. Cherbourg. Il y aura des réactions, des justices... Il y a hâte pour mettre le peuple en garde contre l'imitation des justices atroces et injustes qu'il fit dans la Révolution et que le monde lui reproche encore. Michelet, Journal,1845, p. 612.
2. P. méton. Appareil de la justice; instance chargée de rendre la justice (cf. aussi supra B 2 a p. méton.). Vous êtes habitué à marcher et agir comme si vous étiez à vous seul la justice et la police. Et le procureur-général tourna le dos au chef de la police de sûreté (Balzac, Splend. et mis.,1847, p. 634).Le Comité de la libération décidant d'assurer l'action de la justice à l'égard des membres du « gouvernement » de Vichy, Pierre Pucheu était emprisonné (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 178):
23. ... nulle part, nul indice qui puisse mettre la justice sur les traces du coupable. Il paraît que ce crime fait l'admiration des magistrats et qu'il a été commis avec une habileté surprenante, sans doute par des professionnels... Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 174.
SYNT. Palais de Justice; ministre de la Justice; auxiliaire, représentant de la Justice; gens, officier de justice; intégrité, majesté de la justice; autorisation de la justice; arrêt, rapport, sentence de justice; repris de justice; action, assignation, citation, comparution, poursuite en justice; avertir, égarer, intéresser la justice; échapper à la justice; livrer qqn à la justice; comparaître en justice; attaquer, convoquer qqn en justice; poursuivre qqn/un crime en justice; traduire, traîner qqn devant la/en justice; avoir des démêlés avec la justice; être à la disposition de, tomber entre les mains de la justice; procéder à (une vente) par autorité de justice.
Ester* en justice.
Ministère de la justice et p. ell., la Justice. C..., sous-directeur à la Justice (Barrès, Cahiers, t. 7, 1909, p. 145).Il y a enfin plusieurs candidats pour la Justice, qui appartenait dans le précédent cabinet à Edgar Faure lui-même (L'Humanité,19 janv. 1952, p. 4, col. 4).
Au plur., vx. Nos grasses abbayes (...), nos justices et nos juridictions, nous ont été sans cesse disputé[e]s par de puissants ennemis, seigneurs, évêques et rois (France, Bergeret,1901, p. 355).
Justice + déterm.
a) [Le déterm. exprime une qualité] Justice légale, organisée, vendue. C'est un bel apanage pour une nation qu'une justice honorable (Chardonne, Éva,1930, p. 27):
24. ... Pyrot est condamné. S'il n'est pas condamné parce qu'il est coupable, il est coupable parce qu'il est condamné; (...) j'y croirai [à sa culpabilité] tant que la justice établie m'ordonnera d'y croire, car il n'appartient pas à un particulier, mais au juge, de proclamer l'innocence d'un condamné. France, Île ping.,1908, p. 279.
b) [Le déterm. exprime une relation]
α) [Le déterm. est un adj.] Justice internationale, nationale; justice capitaliste, républicaine, révolutionnaire; justice ducale, ecclésiastique, prévôtale, royale, seigneuriale (synon. justice subalterne); justice criminelle, pénale; justice maritime, militaire. Laissons la justice française débrouiller, comme elle le pourra, ce petit drame de famille que nous avons si bien combiné (Ponson du Terr., Rocambole, t. 4, 1859, p. 259).De l'Inquisition à la justice politique de la royauté et de celle-ci aux tribunaux révolutionnaires, il y avait eu constamment progrès dans le sens de l'arbitraire des règles, de l'extension de la force et de l'amplification de l'autorité (Sorel, Réflex. violence,1908, p. 150).Il en faisait [de son château] un refuge où tous ceux que poursuivait la justice séculière trouvaient un asile (France, Mir. Gd St Nicolas,1909, p. 64).V. défendre ex. 8 :
25. Il avait demandé à la justice civile de voir l'homme dont il avait accepté la défense, (...) la justice civile lui avait répondu qu'il avait (...) ce droit incontestable, mais que l'autorité militaire (...) mettait empêchement à l'exercice de ce droit. Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 386.
Au plur., vx. En unifiant le droit, [Saint-Louis] unira la nation. Il renforcera l'état en éliminant peu à peu les justices féodales (Bainville, Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 73).
β) [Le déterm. est un compl. de nom] Justice du roi. L'Université, soutenue de la voix publique, le traduisit devant la justice de l'évêque (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 1, 1821-24, p. 204).V. équitable ex. 3 :
26. Pour que l'étranger fût compté pour quelque chose aux yeux de la loi (...), pour que la justice de la cité pût le défendre efficacement, il fallait qu'il se fît le client d'un citoyen. Fustel de Coul., Cité antique,1864, p. 251.
En partic. Justice de paix (v. juge de paix, s.v. juge A 1a); greffier, huissier de la justice de paix. Avocat de justice de paix, sans plus, il était gentil garçon, jeune avocassier (Barrès, Cahiers, t. 1, 1897, p. 139).
D. − ALLÉGORIE, ICONOGR., La justice personnifiée (notamment au sens C 2). La Justice (...) dans le silence, compte les événements passés, observe le présent, et arrive à l'heure marquée pour la punition du crime (Chateaubr., Litt. angl., t. 1, 1836, p. 138).Dans la chambre du conseil (...) − où se trouve peinte la Justice un bandeau sur les yeux, − on entendait crier les numéros. De temps en temps un conscrit sortait (Erckm.-Chatr., Conscrit 1813,1864, p. 47).Un dais magnifique, supporté par quatre figures sculptées et peintes. Ces figures étaient la Justice, la Tempérance, la Force et la Chasteté (France, Puits ste Claire,1895, p. 185):
27. Le dieu, qui, selon la tradition orphique, est le commencement, le milieu et la fin de tous les êtres, va toujours droit devant lui; la Justice le suit, prête à récompenser les bons et à punir les méchants. Gilson, Espr. philos. médiév.,1932, p. 129.
[P. allus. à Horace (Ode III 2)] La justice arrive d'un pied boiteux. La punition, à laquelle on ne saurait échapper, ne suit pas toujours immédiatement la faute. Par instants (...) Comme on entend le bruit de quelqu'un qui vient voir, On entendait le pas boiteux de la justice (Hugo, Légende, t. 2, 1859, p. 860).
Subst. + justice.[Le subst. désigne un attribut ou l'instrument de la justice] Le glaive de la justice. Plus lourd que le Ciel et la Terre, plus pesant Dans les plateaux de la justice L'homme qui a posé sa vie pour ceux qu'il aime! (Claudel, Poèmes,1916, p. 540).V. irrévocabilité ex. :
28. Celui qui portera la main sur un de ses semblables, (...) qu'il n'espère point les effets de ma miséricorde, et qu'il redoute les balances de la justice. Lautréam., Chants Maldoror,1869, p. 247.
Loc. Lent, raide comme la justice. Thérèse, donnez-moi mon chapeau neuf (...). Mais Thérèse est sourde (...) et lente comme la justice (France, Bonnard,1881, p. 378).Non, je ne sortirai pas, raide comme la justice, en claquant les portes (H. Bazin, Huile sur feu,1954, p. 101).
Prononc. et Orth. : [ʒystis]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1050 « principe moral au nom duquel le droit doit être respecté » (Alexis, éd. Chr. Storey, 2 : Que feit i ert e justice ed amur); b) 1155 « vertu morale qui consiste à être juste, à donner à chacun selon son dû » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 3605); c) ca 1450 « caractère de ce qui est conforme au droit, juste » c'est justice « c'est juste » (Myst. Vieux Testament, éd. J. de Rothschild, XLII, 43943, V, 335); d) 1564 « conformité de la vie de l'homme juste avec la volonté de Dieu » (Indice et rec. universel de tous les mots principaux des livres de la Bible ds FEW, t. 5, p. 86 a); e) 1656-67 « façon particulière ou personnelle d'envisager le respect du droit » notre misérable justice (Pascal, Pensées, éd. L. Lafuma, 131, p. 515); f) 1690 « état de grâce d'avant le péché » (Fur.); 2. a) ca 1100 faire justise « punir, châtier » (Roland, éd. J. Bédier, 498); b) au plur. 1306 « actes par lesquels on obtient justice » les justices et les jugemens (Joinville, Vie de St-Louis, éd. N. L. Corbett, § 505); c) 4equart xives. « exécution capitale » (Froissart, Chron., I, § 14 ds éd. S. Luce, t. I, p. 31); d) 1656 rendre justice à qqn « être équitable à son égard » (Pascal VIIIeProvinciale, éd. L. Lafuma, p. 405); 3. a) 1130-40 « juge » (Wace, Ste Marguerite, éd. E. A. Francis, ms. A, 551); b) ca 1150 « institution chargée de rendre la justice » (Id., St Nicolas, 704 ds T.-L.); p. ext. 1585 les gens de justice « les juges et les personnes qui contribuent au fonctionnement du pouvoir judiciaire » (N. du Fail, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t. II, p. 359); c) ca 1170 « juridiction, droit de rendre la justice » (Chrétien de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 1836) en partic. 1260 petite justice « celle qui ne s'applique qu'à des affaires de peu d'importance » (Étienne Boileau, Métiers, 9 ds T.-L.); d) ca 1280 « chacune des juridictions » justice espirituel (Philippe de Beaumanoir, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, § 311); 4. 1275-80 « personnification à valeur plus ou moins allégorique » (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 5365). Empr. au lat.justitia « conformité avec le droit, sentiment d'équité; esprit d'équité »; en b. lat. « le droit, les lois » au plur. « jugements, préceptes »; en lat. médiév. « circonscription judiciaire, pouvoir judiciaire » (v. Nierm.). Fréq. abs. littér. : 9 620. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 17 097, b) 10 582; xxes. : a) 17 500, b) 10 125. Bbg. Dub. Pol. 1962, p. 329. - Wagner (R.L.). B. Soc. Ling. 1976, t. 71, p. 214.

Wiktionnaire

Nom commun - français

justice \ʒys.tis\ féminin

  1. Sentiment de donner à chacun ce qu'il mérite, de manière juste en respectant tous les droits d’autrui.
    • La justice, en tant qu’elle veut l’inviolabilité de la personne humaine par le seul fait qu’elle est humaine, ne saurait considérer l’homme que dans l’abstrait. — (Julien Benda, La trahison des clercs : Appendice des valeurs cléricales, 1927, éd. 1946)
  2. Institution ou pouvoir qui permet de faire respecter les droits de chacun, en punissant tout particulièrement ceux qui ont mal agi.
    • Un magistrat qui voulait exprimer d'une façon saisissante à quel degré de honteuse absurdité pouvait descendre la justice à ces époques déplorables (et heureusement rares dans notre histoire) où elle est sans force et ne fait plus qu'obéir à une tyrannie victorieuse, [...] disait : "Si l'on m'accusait d'avoir volé les tours de Notre-Dame, je commencerais par prendre la fuite". — (Alphonse Karr, De loin et de près (1862).)
    • Pour comble de malheur, il y avait à cette époque à Condé un juge qui rendait la justice comme les épiciers vendent de la chandelle, — en faisant pencher à son gré les plateaux de la balance. — (Charles Deulin, Cambrinus)
    • C’est juste, dit le juge, mais soyez tranquilles, mes amis, la justice le vengera. — (Gustave Aimard, Les Trappeurs de l’Arkansas, Éditions Amyot, Paris, 1858)
    • Il s'était formé à cette époque non pas des tribunaux — la justice se respectait, elle n’ordonne pas l’assassinat des innocents, — mais des cours prévôtales. — (Réponse de M. Raspail père à l'avocat général, lors du procès de François-Vincent Raspail le 12 février 1874)
    • Un jour les gens nerveux s’en mêleront, lassés de n’avoir pour les défendre contre les hommes sans justice qu’une justice sans équité, toujours prête à immoler le bon droit au droit légal et en proie à l’idée fixe de ménager les crapules. — (Courteline)
    • La justice française vient de trancher : des commerciaux de la société Ricard ont le droit de se plaindre de l’alcoolisme consubstantiel à l’exercice de leur métier. — (Renaud Lecadre, Chez Ricard, la révolte des saouls fifres, dans Libération du 18 juillet 2011, p. 15)
  3. (Religion) Rectitude que Dieu met dans l’âme par sa grâce.
    • La justice originelle. Persévérer dans la justice.
  4. (Religion) Observation exacte des devoirs de la religion.
    • Souffrir persécution pour la justice. — Marcher dans les voies de la justice. — Des œuvres de justice et de charité.
  5. (Droit) Bon droit.
    • Ne comptez pas sur la justice de votre cause. — J’ai la justice de mon coté. — Il a reconnu la justice de mes prétentions.
    • On le nomma à un poste plus élevé, c’était justice. — Il a bien servi, il faut le récompenser, c’est justice. — Votre réclamation est de toute justice.
    • Et ce sera justice : formule qui termine certains actes de procédure.
  6. Action de reconnaître le droit de quelqu’un à quelque chose, d’accueillir sa plainte, etc. Action d’accorder à une personne ce qu’elle demande et qu’il est juste qu’elle obtienne.
    • Faire justice à quelqu’un. — Soyez certain que justice vous sera faite. — Demander, obtenir justice. — Se faire rendre justice. — Nous ne pouvons obtenir justice.
    • Il n’y a plus de justice en ce pays. — N’y a-t-il donc plus de justice ?
  7. Les tribunaux, les officiers et magistrats qui sont chargés d’administrer la justice.
    • Les gens de justice. — Un homme de justice. — La justice en connaîtra. — Déférer quelqu’un à la justice. — Appeler en justice. — La justice est descendue en tel endroit. — La justice est à sa recherche. — Traduire en justice. — Avoir affaire à la justice de son pays.
  8. Juridiction.
    • Justice civile. — Justice criminelle. — Justice militaire. — Justice de paix.
    • On distinguait autrefois trois degrés de justice appelés haute, moyenne, basse justice.
  9. (Histoire) Lieu où étaient dressées les fourches de justice, c’est-à-dire le gibet.
    • On peut être surpris par la présence d’une « justice » (fourches patibulaires), celle de Guemecourt […] est ici assez éloignée des lieux d’habitation, placée en limite de finage. — (Paul Robaux, Bruyères et sa région vus par la carte des Naudin, Journées d'études vosgiennes, 2005)
  10. (Cartes à jouer) Huitième arcane du tarot de Marseille.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

JUSTICE. n. f.
Vertu morale qui fait que l'on rend à chacun ce qui lui appartient, que l'on respecte tous les droits d'autrui. Il désigne aussi la Rectitude que Dieu met dans l'âme par sa grâce. La justice originelle. Persévérer dans la justice. Il se prend aussi, dans le style de l'Écriture, pour l'Observation exacte des devoirs de la religion. Souffrir persécution pour la justice. Marcher dans les voies de la justice. Des œuvres de justice et de charité. Justice commutative. Voyez COMMUTATIF. Justice distributive. Voyez DISTRIBUTIF.

JUSTICE signifie aussi Bon droit. Ne comptez pas sur la justice de votre cause. J'ai la justice de mon coté. Il a reconnu la justice de mes prétentions. On le nomma à un poste plus élevé, c'était justice, Il a bien servi, il faut le récompenser, c'est justice. Votre réclamation est de toute justice. Et ce sera justice, Formule qui termine certains actes de procédure. Il se dit encore du Pouvoir de faire droit à chacun, de récompenser et de punir, ou l'exercice de ce pouvoir. La justice divine. La justice humaine. Avoir droit de justice. L'administration de la justice. Le garde des sceaux, ministre de la Justice. Il y a bonne justice en ce pays. La justice suivra son cours. Les magistrats chargés de rendre la justice. Avoir justice d'un juge, Obtenir qu'il s'occupe de l'affaire, qu'il la juge. Déni de justice. Voyez DÉNI. Faire justice de quelqu'un, Punir, châtier, traiter quelqu'un comme il le mérite. Il se dit au propre et au figuré. On a fait justice de ces bandits. On dit de même Faire justice de quelque chose, surtout au figuré. La comédie fait justice des ridicules et des travers de la société. L'opinion publique a fait prompte justice de ces impostures. La critique a fait bonne justice de ces doctrines absurdes.

JUSTICE signifie particulièrement Action de reconnaître le droit de quelqu'un à quelque chose, d'accueillir sa plainte, etc.; et, dans une acception plus étendue, Action d'accorder à une personne ce qu'elle demande et qu'il est juste qu'elle obtienne. Faire justice à quelqu'un. Soyez certain que justice vous sera faite. Demander, obtenir justice. Se faire rendre justice. Nous ne pouvons obtenir justice. On dit à peu près dans le même sens : Il n'y a plus de justice en ce pays. N'y a-t-il donc plus de justice? Se faire justice à soi-même, Se venger soi-même, se payer par ses mains, etc., sans avoir recours aux voies ordinaires de la justice. On ne doit pas se faire justice à soi-même. Absolument, Se faire justice, Se tuer pour se punir soi-même d'un crime, d'une mauvaise action dont on se reconnaît coupable. Le meurtrier se fit justice. Rendre justice à quelqu'un, lui rendre la justice qui lui est duc, etc., Apprécier ses bonnes qualités, sa conduite, etc. Je lui rends justice, il a fait tout ce qu'il pouvait faire. Le public lui rendra tôt ou tard justice. Au fond de son cœur, il me rend justice. Les historiens n'ont pas assez rendu justice à ce prince. On doit lui rendre cette justice, ou, simplement, On lui doit cette justice. C'est une justice que j'aime à lui rendre. On dit aussi Rendre justice au mérite, au courage, aux bonnes intentions de quelqu'un, etc.

JUSTICE désigne aussi les Tribunaux, les officiers et magistrats qui sont chargés d'administrer la justice. Les gens de justice. Un homme de justice. La justice en connaîtra. Déférer quelqu'un à la justice. Appeler en justice. La justice est descendue en tel endroit. La justice est à sa recherche. Un homme repris de justice ou, ordinairement et par ellipse, Un repris de justice. Traduire en justice. Avoir affaire à la justice de son pays. Bois de justice Voyez BOIS. Fam., Se brouiller avec la justice, S'exposer par quelque méfait aux poursuites de la Justice. On dit, dans un sens analogue, Ce qu'il a fait pourrait bien le brouiller avec la justice.

JUSTICE se prend aussi pour Juridiction. Justice civile. Justice criminelle. Justice militaire. Justice de paix. Justice seigneuriale se disait autrefois de la Justice qui s'exerçait au nom des seigneurs, par opposition à la justice royale exercée au nom du roi. On distinguait en outre trois degrés de justice appelés Haute, moyenne, basse justice.

Littré (1872-1877)

JUSTICE (ju-sti-s') s. f.
  • 1Règle de ce qui est conforme au droit de chacun ; volonté constante et perpétuelle de donner à chacun ce qui lui appartient. La justice n'est pas une vertu d'État, Corneille, Pomp. I, 1. La justice n'est qu'une vive appréhension qu'on ne nous ôte ce qui nous appartient ; de là vient cette considération et le respect pour tous les intérêts du prochain, La Rochefoucauld, Prem. pens. n° 22. Vous voyez, mes pères, que la moquerie est quelquefois plus propre à faire revenir les hommes de leurs égarements, et qu'elle est alors une action de justice, parce que, comme dit Jérémie, les actions de ceux qui errent sont dignes de risée, Pascal, Prov. X. L'affection ou la haine changent la justice de face ; et combien un avocat bien payé par avance trouve-t-il plus juste la cause qu'il plaide ! Pascal, Pens. III, 3, éd. HAVET. Plaisante justice qu'une rivière borne ! vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà ! Pascal, ib. III, 8. De cette confusion arrive que l'un dit que l'essence de la justice est l'autorité du législateur ; l'autre, la commodité du souverain ; l'autre la coutume présente, Pascal, ib. III, 8. L'empire de la raison et de la justice n'est non plus tyrannique que celui de la délectation : ce sont les principes naturels à l'homme, ib. VI, 40. Qu'y a-t-il de plus contraire à notre misérable justice que de damner éternellement un enfant incapable de volonté, pour un péché où il paraît avoir si peu de part, qu'il est commis six mille ans avant qu'il fût en être ?… et cependant, sans ce mystère… nous sommes incompréhensibles à nous-mêmes, ID. ib. VIII, 1. Où a-t-on pris que la peine et la récompense ne soient que pour les jugements humains, et qu'il n'y ait pas en Dieu une justice infinie dont celle qui reluit en nous ne soit qu'une étincelle ? que s'il est une telle justice, souveraine et par conséquent inévitable, divine et par conséquent infinie, qui nous dira qu'elle n'agisse jamais selon sa nature, et qu'une justice infinie ne s'exerce pas à la fin par un supplice infini et éternel ? Bossuet, Anne de Gonz. Non, non, ne le croyez pas, que la justice habite jamais dans les âmes où l'ambition domine, Bossuet, le Tellier. Je puis dire avec confiance que l'amour de la justice était comme né avec ce grave magistrat, et qu'il croissait avec lui dès son enfance, Bossuet, ib. Il est difficile, quand on aime la vérité, qu'on n'ait aussi du zèle pour la justice, tant par cette union qui lie toutes les vertus, que par certaines règles d'ordre et de proportion que l'esprit cherche dans les actions aussi bien que dans les paroles, Fléchier, Duc de Mont. La justice est la bienfaisance des rois, Mot de Lamoignon, dans BESENVAL, Mémoires, t. I, p. 404. Plutarque rapporte une action d'Aristide, qui fait voir que les Grecs, et il en faut dire autant des Romains, avaient une idée très limitée et très imparfaite de la justice : ils en bornaient l'usage à l'intérieur de la société civile, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. III, p. 309, dans POUGENS. Il n'y aurait eu aucune société, si les hommes n'avaient conçu l'idée de quelque justice qui est le lien de toute société, Voltaire, Philos. ignor. Quest. 31. La justice est entre l'excès de la clémence et la cruauté, Diderot, Pens. philos. n° 10.

    Justice commutative, celle qui regarde le commerce, les ventes, etc. et qui, dans l'échange d'une chose contre une autre, oblige à rendre autant qu'on reçoit.

    Justice distributive, celle par laquelle on adjuge à chacun ce qui lui appartient, on distribue les récompenses et les peines.

    Chevaliers de justice, chevaliers de Malte qui appartenaient à la première des cinq classes de l'ordre. Un chevalier de justice est celui qui a fait exactement ses preuves de noblesse, Trévoux.

  • 2 Terme de théologie. La justification que Dieu met dans l'âme par sa grâce. Persévérer dans la justice. Il [Dieu] a promis d'accorder la justice aux prières, Pascal, Pens. XXV, 55 bis. On demande à M. Jurieu et aux calvinistes si la certitude du salut, l'inamissibilité de la justice…, Bossuet, 6e avert. III, 43.

    Première innocence de l'homme avant son péché. Adam perdit sa justice originelle par son péché.

  • 3Dans le style de l'Écriture, observation exacte des devoirs de la religion. Marcher dans les voies de la justice. Des œuvres de justice et de charité. La charité ne détruit pas ce que la justice édifie, Massillon, Carême, Vérit. culte.
  • 4La Justice (avec un J majuscule), divinité. La Justice passa la balance à la main, Boileau, Épître II.
  • 5 Au plur. Justices, actes de justice. Il [le prince de Conti] jette l'argent héroïquement ; il a des bontés d'Henri IV, des procédés du chevalier Bayard, et des justices de Sylla, Sévigné, 24 janv. 1680. Cette lettre [une lettre de Bussy au roi] a été reçue, et ce n'est pas la faute de votre pauvre ami ni la vôtre, si elle ne vous attire pas des justices et des grâces, Sévigné, à Bussy, 17 juin 1687. Il [le juste] y paraîtra [devant le tribunal de Dieu au jour du jugement] et ses justices mêmes seront jugées, Massillon, Avent, Jugement. Que vous pouvez offrir au Seigneur comme vos propres justices, Massillon, Carême, Mélange.

    Les justices du ciel, les punitions qu'il inflige. Remarquons les justices du ciel : les députés qui avaient tué leur prince légitime… furent dispersés…, Chateaubriand, Stuarts, Républ. et protectorat. Prenons les droits du ciel, et chargeons-nous nous-mêmes Des justices de Dieu, Lamartine, Méd. I, 6.

  • 6Le pouvoir de faire droit à chacun, de récompenser et de punir ; l'exercice de ce pouvoir. La justice humaine. Par toute l'étendue du royaume chacun peut faire ses plaintes, assuré de la protection du prince ; et la justice ne fut jamais ni si éclairée ni si secourable, Bossuet, le Tellier. Ils [les conquérants] ne sont pour la plupart que des instruments de la vengeance divine ; Dieu exerce par eux sa justice, et puis il l'exerce sur eux-mêmes, Bossuet, Hist. II, 4. Tout tombe, tout est abattu par la justice divine, dont Nabuchodonosor est le ministre, Bossuet, ib. Il connaissait les deux visages de la justice : l'un facile dans le premier abord, l'autre sévère et impitoyable quand il faut conclure, Bossuet, le Tellier. Le pieux Lamoignon, que notre ministre proposait toujours comme digne de prononcer les oracles de la justice dans le plus majestueux de ses tribunaux, Bossuet, ib. La justice doit être attachée aux règles, ferme et constante ; autrement, elle est inégale dans sa conduite, et, plus bizarre que réglée, elle va suivant l'humeur qui la domine, Bossuet, Polit. VIII, IV, 1. Les juges exerceront sévèrement la justice sur les criminels, Bossuet, Hist. II, 7.

    Rendre la justice, exercer le pouvoir judiciaire. Tout était grand dans ces édifices, les salles… le tribunal où il [Salomon] rendait la justice, Bossuet, Hist. II, 4. Ici le droit de rendre la justice s'achète comme une métairie, Voltaire, Babouc.

    Avoir justice d'un juge, obtenir qu'il s'occupe de l'affaire, qu'il la juge.

    Déni de justice, le refus qu'un juge fait de juger.

    Il n'y a pas de justice en ce pays ; n'y a-t-il donc plus de justice ? se dit fig. et familièrement pour se plaindre des injustices qu'on éprouve.

  • 7Action de reconnaître le droit de quelqu'un à quelque chose, d'accueillir sa plainte, etc. Obtenir justice. Soyez certain que justice vous sera faite. Chimène : Il a tué mon père. - Don Diègue : Il a vengé le sien. - Chimène : Au sang de ses sujets un roi doit la justice, Corneille, Cid, II, 9. On ne voit dans ses jugements [du juge ambitieux] qu'une justice imparfaite, semblable, je ne craindrai pas de le dire, à la justice de Pilate, Bossuet, le Tellier.

    Demander justice, réclamer devant qui de droit réparation d'un tort.

    Rendre justice, redresser un tort. Philippe [père d'Alexandre] fut assassiné par Pausanias, jeune homme à qui il n'avait pas rendu justice, Bossuet, Hist. I, 8.

    Faire justice, prononcer un juste arrêt. Te voilà devenu esclave de tes esclaves mêmes ; les dieux sont lents à faire justice, mais enfin ils la font, Fénelon, Tél. XVIII.

    Fig. Faire justice de quelqu'un, punir, châtier, traiter quelqu'un comme il le mérite. Apprenez donc mon crime, et voyez s'il faut faire Justice d'un coupable, ou grâce aux vœux d'un frère, Corneille, Tite et Bérén. II, 2. La justice que Dieu fit des Juifs par Nabuchodonosor, Bossuet, Hist. II, 8. Justice en fut faite sur la terre ; que justice en soit faite aux enfers, Raynal, Hist. phil. XVIII, 21.

    Fig. Faire justice de quelque chose, infliger à quelque chose un juste blâme, une juste réprobation. L'opinion publique a fait justice, bonne justice de ces impostures.

    Faire justice à quelqu'un, examiner sa cause, prononcer en sa faveur un arrêt. Qu'on me cherche son fils ; je vous ferai justice, Corneille, Cid, II, 9.

    Fig. Après tant de malheurs, enfin le ciel propice S'est résolu, ma fille, à nous faire justice, Corneille, D. Sanche, I, 1.

    Faire justice au mérite, le reconnaître. Le roi [Louis XIV], qui dans ses choix, en faisant justice au mérite, a toujours fait honneur à sa sagesse, Fléchier, duc de Mont.

    Se faire justice à soi-même, se venger soi-même, se payer par ses mains, etc. sans avoir recours aux voies ordinaires de la justice. Mais ce n'est pas au peuple à se faire justice, Corneille, Œdipe, V, 1. L'Amour, par les Zéphyrs, s'est fait prompte justice De leur envenimée et jalouse malice, Molière, Psyché, V, 2. Il dit… que, si Son Altesse ne lui fait pas justice, il se la fera lui-même et vous donnera de son épée dans le ventre, Hamilton, Gramm. 10.

    Absolument. Se faire justice, se condamner quand on a tort. Dis-lui que je me fais justice, Que je n'ignore point ce que j'ai mérité, Corneille, Cinna, IV, 2. Je renonce à plaire à Mme de la Troche, sans renoncer à l'aimer ; car elle me trouvera toujours quand elle voudra se faire justice, Sévigné, 132. Il [Néron] se perdrait, madame. - Il se ferait justice, Racine, Brit. V, 8. Enfin j'ouvre les yeux et je me fais justice, C'est faire à vos beautés un triste sacrifice, Que de vous présenter, madame, avec ma foi, Tout l'âge et le malheur que je traîne après moi, Racine, Mithr. III, 5. Qui est-ce qui se fait justice ? les petits veulent passer pour médiocres ; tout le monde fait plus qu'il ne peut, Fénelon, Tél. XI.

  • 8Action d'accorder à une personne ce qu'elle demande et qu'il est juste qu'elle obtienne. Une circonstance de la justice qu'on doit aux autres, c'est de la faire promptement et sans différer ; la faire attendre, c'est injustice, La Bruyère, XII.

    Rendre justice à quelqu'un, lui rendre la justice qui lui est due ; reconnaître en lui ce qui est bon. Mme de Chevreuse me rendait justice ; elle ne put jamais persuader au cardinal de me la rendre, Retz, III, 121. Si le siècle rendait justice aux beaux esprits, Molière, Fem. sav. III, 5. Il faut que devant vous je lui rende justice, Racine, Bérén. III, 3. Phèdre au fond de son cœur me rend plus de justice, Racine, Phèdre, IV, 2. De quelque manière que vous ayez surpris son innocence [d'une jeune dame], on lui rend assez de justice pour croire qu'elle vous traiterait…, Hamilton, Gramm. 10. Il est vrai que je lui présente [à Stanislas] l'histoire de son ennemi [le czar Pierre] ; mais celui qui embellit Nancy rend justice à celui qui a bâti Pétersbourg, et le cœur de Stanislas n'a point d'ennemi, Voltaire, Lett. Tressan, 23 sept. 1760.

    On dit aussi rendre justice au mérite, au courage, etc. de quelqu'un.

    Rendre justice à, signifie aussi être équitable pour. Vous n'avez pas assez de compassion pour ceux qui sont mal à leur aise ; nos pères ont plus de charité que cela ; ils rendent justice aux pauvres aussi bien qu'aux riches, Pascal, Prov. VIII.

    Se rendre justice à soi-même, apprécier ce qu'on vaut. Quoique vous ne rendiez que justice à vous-même…, Corneille, Pomp. II, 4.

    Se rendre justice à soi-même, signifie aussi confesser ses torts. J'aime à voir que du moins vous vous rendiez justice, Racine, Andr. IV, 5. Il n'était point jeune, sa figure était désagréable… il se rendait justice sur son mérite, Hamilton, Gramm. 19.

    Faire justice, reconnaître le mérite, les bonnes qualités, etc. Faites-moi donc un peu de justice, et croyez…, Sévigné, Samedi avant Noël, 1689. Si l'on vous faisait, mon très injuste cousin, aussi peu de justice que vous m'en faites, Sévigné, à Bussy, 23 déc. 1682. Il n'y a point de famille où l'on fasse plus de justice à votre mérite, Sévigné, au président de Moulceau, 8 janv. 1683. L'histoire lui fera la justice [à un Rabutin] que la fortune lui a si injustement refusée, Sévigné, 7 janv. 1669. Nous parlions de vous l'autre jour… en vérité nous vous fîmes bien de la justice, et vous auriez été contente d'entendre tout ce que nous disions, Sévigné, 20 oct. 1679. On parla fort de vous… on vous faisait justice, Sévigné, 8 janv. 1674.

  • 9Bon droit, raison. Il comptait sur la justice de sa cause. Il vaut mieux n'avoir pas la vue si bonne et si pénétrante dans la discussion de ses droits, de peur d'y découvrir trop de justice, Guez de Balzac, De la cour, 6e disc. J'ai pour moi la justice, et je perds mon procès, Molière, Mis. V, 1.

    Pris sans article, justice s'emploie pour raison, convenance. On le nomma à un poste plus élevé ; c'était justice.

    Voltaire a dit, en cet emploi, la justice ; ce qui est peu usité. Il [Pluton] fut cocu, car c'était la justice, Cadenas.

    Sans justice, sans raison. Mais sans justice et sans raison vous m'avez pris…, Voiture, Poésies, Stances à une dame. Ses menaçants avis par son effroi dictés Peut-être sans justice étaient-ils rejetés, Lemercier, Agamemn. IV, 7.

    Avec justice, avec raison, avec droit. Et bien que je m'effraie avec peu de justice, Corneille, Poly. II, 3. Je suis surpris, sans doute, et c'est avec justice, Racine, Bérén. I, 3. Il faut que j'éclaircisse Un soupçon que je forme avec trop de justice, Voltaire, Œd. III, 5.

    En bonne justice, selon ce qui est de droit. En bonne justice ne devrait-on pas suivre les sentiments de son cœur ? Sévigné, 219.

    De toute justice, selon toute justice, même sens. Il est de toute justice de faire, ou qu'on fasse… Car on doit souhaiter, selon toute justice, Que le plus coupable périsse, La Fontaine, Fabl. VII, 1.

  • 10Juridiction considérée, quant aux personnes chargées de rendre la justice ; les tribunaux, les officiers et magistrats. Un repris de justice. Les gens de justice. Un homme de justice. Toute justice émane du roi, Loysel, Instit. cout. 4. (règle de notre ancien droit public signifiant que toute juridiction dépendait du roi et rendait la justice en son nom ; cette règle est encore suivie aujourd'hui à l'égard du souverain). Tirer quelqu'un de la justice du gouverneur de Rome, Perrot D'Ablancourt, Tacite, 462. Et d'un homme de bien il sait trop bien l'office Pour se vouloir du tout opposer à justice, Molière, Tart. V, 4. La justice, en ce pays-ci, est rigoureuse en diable contre cette sorte de crime [la bigamie], Molière, Pourc. II, 12. Un calomniateur qui vous poursuit en justice, Pascal, Prov. VII. On punit en justice ceux qui tueraient de cette sorte, Pascal, Prov. XI. Il a fallu ôter le corps [d'un homme mort dans l'impiété] habilement de la chapelle, et faire venir la justice pour défendre de faire insulte au curé, Sévigné, 27 mai 1672. Les pères étaient appelés en justice par les magistrats, Bossuet, Hist. III, 6. Depuis que la justice gémit sous un amas de lois et de formalités embarrassées, et qu'on s'est fait un art de se ruiner les uns les autres par la chicane, Fléchier, Lamoign. N'imite point ces fous dont la sotte avarice Va de ses revenus engraisser la justice, Boileau, Epît. II. Si la justice vient à connaître du fait, Elle est un peu brutale et saisit au collet, Regnard, Légat. IV, 3. On crie à la justice ; la justice vient, elle enfonce la porte, elle entre, et trouve deux de ces bretteurs étendus sur le plancher, Lesage, Diable boit. ch. VI, dans POUGENS. Elle était bien forte, cette voix [de l'opinion publique] ; elle montrait la nécessité du tribunal suprême du conseil d'État qui juge les justices, Voltaire, Polit. et législ. la Méprise d'Arras.

    Gens de justice, se dit quelquefois des officiers inférieurs de la justice.

    Familièrement. Se brouiller avec la justice, s'exposer aux poursuites des magistrats pour quelque méfait.

    On dit dans un sens analogue : Ce qu'il a fait pourrait le brouiller avec la justice. Je te conjure, au moins, de ne m'aller point brouiller avec la justice, Molière, Fourber. I, 7.

    Terme de marine. Barre de justice, barre de fer employée pour infliger la peine des fers à bord. Pavillon de justice, pavillon rouge qu'on arbore en tirant un coup de canon lorsqu'on inflige une peine afflictive.

  • 11Juridiction considérée quant à la nature des causes. Justice civile. Justice criminelle. Avez-vous lu un très bon discours sur l'administration de la justice criminelle, prononcé au parlement de Grenoble par un jeune avocat général nommé Servan ? D'Alembert, Lett. à Voltaire, 26 juin 1767.

    Justice de paix, fonction de juge de paix.

    Le lieu où le juge de paix se tient. Se rendre à la justice de paix.

  • 12La Justice (avec un J majuscule), le ministère chargé des sceaux en France. Employé à la Justice. Bureaux de la Justice.
  • 13Justice seigneuriale, celle qui s'exerçait au nom des seigneurs, dite aussi justice subalterne, par opposition à la justice exercée au nom du roi, qu'on appelait justice royale.

    On disait de même : La justice de ce seigneur, de cette terre s'étend sur tant de paroisses.

    Justice réglée, tribunal qui avait droit de contraindre.

    Par extension, on appelait aussi justice, les fourches patibulaires. On voit leurs armes sur le pilier de leur haute justice, La Bruyère, VII.

    Il s'est dit pour exécution. Louer une fenêtre pour cette justice, Molière, Pourc. III, 3.

    Au plur. Les justices, les juridictions seigneuriales. Une exécution vigoureuse dans les justices qui ne sont pas bien établies, Sévigné, 5 nov. 1684. M. de Lorraine, comme duc de Bar, était souverain, mais mouvant et dépendant de la couronne de toutes ses justices à lui, Saint-Simon, 62, 43. Il y avait des gens qui avaient imaginé d'abolir toutes les justices des seigneurs, Montesquieu, Espr. II, 4. Ils possédaient auprès de Rome des revenus et des châteaux qu'on appelait les justices de saint Pierre, Voltaire, Ann. Emp. Introd.

    Les justices seigneuriales étaient de trois sortes : la haute, la moyenne et la basse. La haute justice est celle d'un seigneur qui a pouvoir de faire condamner à une peine capitale, et de juger de toutes causes civiles et criminelles, excepté des cas royaux. La moyenne justice a droit de juger des actions de tutelle et injures dont l'amende ne peut excéder 60 sous. La basse justice connaît des droits dus au seigneur, du dégât des bêtes et injures dont l'amende ne peut excéder 7 sous 6 deniers, et on l'appelle autrement justice foncière.

    Fig. Les hautes justices du ciel, les fléaux que le ciel envoie. Quand ils [les Orientaux] sont longtemps sans voir paraître ces conquérants exécuteurs des hautes justices du ciel, Chateaubriand, Itin. 4e part.

    Justice manuelle, droit que le seigneur avait de saisir les meubles de ceux qui lui devaient des arrérages de rentes.

  • 14 S. m. Le justice, haut magistrat espagnol. Le nouveau roi d'Espagne prête le serment entre les mains du justice qui lui dit cette formule…, Saint-Simon, 176, 90.

REMARQUE

Corneille a dit : Permettez qu'il achève, et je ferai justice : J'aime à la rendre à tous, à toute heure, en tout lieu, Hor. V, 2. Et Pascal : La religion leur défend de se faire justice à eux-mêmes, et c'est par son esprit que les rois chrétiens ne se la font pas, Prov. XIV. Justice, étant pris sans article, ne peut, dans la règle, être représenté par le pronom la : sauf les cas où il n'en résulte aucun dommage pour la clarté ; cette tournure est donc ici justifiable.

HISTORIQUE

XIe s. E si n'ert faite la justice de larun, Lois de Guill. 4. Livrez le moi, j'en ferai la justise, Ch. de Rol. XXXVI. Quand l'emperere a faite sa justice, ib. CCXCIII.

XIIe s. À Loon tint sa court Charles, nostre justice [magistrat suprême], Sax. XXIII. Le premier roi de France fist Diex par son commant Couronner à ses anges dignement en chantant, Puis le comanda estre en terre son sergent, Tenir droite justice et la loi mettre avant, ib. I. E quant il s'en parti de la cambre le rei, Justices [magistrats] et baruns, tels que numer ne dei, L'escrierent en haut à hu e à desrei, Th. le mart. 46.

XIIIe s. Pierres Randoufles et Lieteris sa fame vindrent par devant la joutise et requenurent… Cartulaire de Provins, Bibl. des chartes, 4e série, t. II, p. 201. L'on prent, par droit, d'un larron, la justice, Quesnes, Romanc. p. 89. Il escria as siens qu'il le meissent à terre vistement, ou, se ce non, il feroit justice de leur cors, Villehardouin, LXXVIII. Et pour cose [cause] ot non li justicieres que il tenoit très bien justice, Chr. de Rains, 2. Bonne coze est et porfitable, et selonc Dieu et selon le siecle, que cil qui gardent le [la] justice espirituel, se mellassent de ce qui apartient à 'esperitualité tant solement, Beaumanoir, XI, 1. Toutes justices qui requises en sont doivent aidier as execuiteurs en cas de testament, Beaumanoir, XI, 10. On doit savoir que toz cas de crieme [crime] dont on pot et doit perdre vie, qui en est atains et condampnés, apartient à haute justice, excepté le larron, Beaumanoir, LVIII, 1. Et le [la] conoissance du larrecin et de toz autres meffès es quix [auxquels] il n'a nul peril de perdre vie, demorent à celi à qui le [la] basse justice apartient, Beaumanoir, LVIII, 2. [Il] a obligié lui, ses hoirs et touz leurs biens meubles et immeubles, où il soient et en quelque joustise [district], Du Cange, justicia. Li prevos saint Pierre doit tenir la justice et de champ et de bataille, Du Cange, ib. Ci après orrez les justices et les jugemens que je vis faire à Cezaire, tandis que le roy y sejournoit, Joinville, 267.

XIVe s. Chose qui estjuste selon la justice distributive, Oresme, Eth. 145. Voulant savoir si son oncle Charle le Chauve avoit raison et droit [dans ses prétentions contre lui], une justice fist faire de trente hommes par eau froide, Chr. de St Denis, t. I, f° 189.

XVe s. En devant ce temps estoit advenue une cruelle justice en la cité de Bordeaux, Froissart, II, II, 2. Et se roit requis [le roi d'Angleterre] que il en fist loi et justice, Froissart, II, II, 235. On le mene devers la justice [gibet], où il fut plus accompagné que beaucoup d'autres n'eussent esté, tant estoit haï en la ville, Louis XI, Nouv. LXXV.

XVIe s. Sur cela, envoya querir la justice, entre les mains de la quelle elle les mit tous deux, Marguerite de Navarre, Nouv. LVI. La coustume ne faict difference entre justice basse et fonciere, Coust. génér. t. II, p. 1034. Justice ploye, l'Eglise noye, le commun desvoye, Sathan quiert sa proye, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 133. La justice est patrimoniale, Loysel, Inst. coutum. 269. Tous sieurs justiciers doivent la justice à leurs despens, Loysel, ib. 270. Fief, ressort et justice n'ont rien de commun ensemble, Loysel, ib. 271. Il y a justice haute, moyenne et basse, Loysel, ib. 272.

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Étymologie de « justice »

Bourguig. jeustice ; provenç. et espagn. justicia ; portug. justiça ; ital. giustizia ; du lat. justitia, de justus, juste.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Du latin iustitia, de iustus (« juste »), lui-même dérivé de ius (« le droit »).
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « justice »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
justice ʒystis

Fréquence d'apparition du mot « justice » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « justice »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « justice »

  • La justice immanente est rarement imminente.
    Pierre Dac
  • La magnanimité consiste à rendre justice et à ne pas demander justice.
    Proverbe soufi
  • Sois juste envers le moment. Toute justice qui dure est injustice.
    Marcel Schwob — Le Livre de Monelle, Mercure de France
  • Faites-vous des semailles de justice, moissonnez une récolte de bonté.
    La Bible
  • Quand l'ordre est l'injustice, le désordre est déjà un commencement de justice.
    Romain Rolland — Le Quatorze Juillet, Albin Michel
  • Cherchez d'abord le Royaume et sa justice, et tout cela* vous sera donné par surcroît.
    Évangile selon saint Matthieu, VI, 33
  • Le tout est de tout dire, et je manque de motsEt je manque de temps, et je manque d’audaceJe rêve et je dévide au hasard mes imagesJ’ai mal vécu, et mal appris à parler clair.Tout dire les roches, la route et les pavésLes rues et leurs passants les champs et les bergersLe duvet du printemps la rouille de l’hiverLe froid et la chaleur composant un seul fruitJe veux montrer la foule et chaque homme en détailAvec ce qui l’anime et qui le désespèreEt sous ses saisons d’homme tout ce qui l’éclaireSon espoir et son sang son histoire et sa peineJe veux montrer la foule immense diviséeLa foule cloisonnée comme un cimetièreEt la foule plus forte que son ombre impureAyant rompu ses murs ayant vaincu ses maîtresLa famille des mains, la famille des feuillesEt l’animal errant sans personnalitéLe fleuve et la rosée fécondants et fertilesLa justice debout le pouvoir bien planté.
    Paul Eluard — Pouvoir tout dire
  • La justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique.
    Blaise Pascal — Pensées sur la religion
  • Quand on peut accomplir sa promesse sans manquer à la justice, il faut tenir sa parole.
    Confucius en chinois Kongzi ou Kongfuzi [maître Kong] — Entretiens, I, 1 (traduction S. Couvreur)
  • Malheureusement, il y a des moments où la violence est la seule façon dont on puisse assurer la justice sociale.
    Thomas Stearns Eliot — Meurtre dans la cathédrale
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Traductions du mot « justice »

Langue Traduction
Anglais justice
Espagnol justicia
Italien giustizia
Allemand gerechtigkeit
Chinois 正义
Arabe عدالة
Portugais justiça
Russe справедливость
Japonais 正義
Basque justizia
Corse ghjustizia
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Synonymes de « justice »

Source : synonymes de justice sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « justice »

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Justice

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