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Gras

Variantes Singulier Pluriel
Masculin gras
Féminin grasse grasses

Définitions de « gras »

Trésor de la Langue Française informatisé

GRAS, GRASSE, adj.

I. − [Dans des syntagmes figés] Qui est constitutivement en rapport avec la graisse (v. ce mot A 1).
A. − Qui est de la nature même de la graisse.
1. CHIMIE
a) Corps gras (plus rarement corps gras neutre). Substance d'origine organique, liquide ou plus ou moins solide à l'état naturel, constituée par un mélange d'esters de glycérol et de certains acides particuliers, pauvres en oxygène, dits acides gras (infra b). Synon. glycéride (d'apr. Duval 1959).Corps gras naturel, d'origine animale; industrie des corps gras alimentaires; pénurie de corps gras. Il faut très peu de suc pancréatique sans doute pour donner à la bile la possibilité d'agir sur les corps gras (C. Bernard, Notes,1860, p. 41).En chauffant cet acide [sulfurique] avec les corps gras neutres, − dans l'espèce la graisse de phoque, − il pouvait isoler la glycérine (Verne, Île myst.,1874, p. 182) :
1. Un jeune savant français réussit ainsi à prouver, dans ses Recherches chimiques sur les corps gras (1823), que ces derniers (huile, graisse, suif, beurre, etc.) étaient des individus chimiques parfaitement définis, composés d'un acide gras (acide margarique, oléique, stéarique, etc.) et de glycérine. P. Rousseau, Hist. techn. et invent.,1967, p . 228.
Huile grasse. V. huile I A 6.
b) Acide gras. Acide qui entre dans la composition d'un corps gras et en détermine la spécificité. Acides gras essentiels, non saturés. Les acides gras peuvent se former en certaine proportion dans le canal intestinal (C. Bernard, Notes,1860, p. 41).V. ex. 1 et 2.
c) Série grasse. ,, Partie de la chimie organique qui comprend les corps développés en chaîne ouverte, et, en particulier, les corps gras `` (Duval 1959). Synon. série aliphatique, série acyclique (usuel).Parmi les composés auxquels les carbures acycliques peuvent conduire (...), se trouve le groupe très important des corps gras naturels (...); c'est de là que vient le nom de série grasse ou encore de série aliphatique, par lequel on désigne souvent l'ensemble des carbures acycliques et de leurs dérivés (Ch. Moureu, Notions fondamentales de chim. organique, Paris, Gauthier-Villars, 1913, p. 69).
2. Cour. Matière grasse (plus rarement substance grasse). Toute substance lipidique quelle que soit sa consistance. Synon. corps gras.Matières grasses alimentaires, concrètes. [L'olivier] accumule lentement dans son fruit les substances grasses, riches en carbone (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 135).Le jeûne mobilise les protéines et les matières grasses des organes (Carrel, L'Homme,1935, p. 373).En partant de lait contenant de 3,5 à 4 % de matière grasse, on arrive à obtenir une crème à environ 40 % de matière grasse (Brunerie, Industr. alim.,1949, p. 42) :
2. Lipides d'origine animale/Lipides d'origine végétale. − Pour ne pas manquer des acides gras indispensables il est recommandable de consommer des matières grasses animales et des matières grasses végétales en quantités à peu près équivalentes... Lalanne, Alim. hum.,1942, p. 47.
B. − Qui est en relation étroite avec la graisse.
1. Foie gras. V. foie B 1 en partic.
2. MÉD. Diabète gras. ,, Type classique de diabète sucré débutant généralement dans la deuxième moitié de la vie chez les obèses`` (Méd. Biol. t. 2 1971). On s'est beaucoup occupé à une certaine époque de différencier le diabète gras et le diabète maigre (Le Gendre dsNouv. Traité Méd., fasc. 7, 1924, p. 422).
II. − Qui comprend de la graisse ou un corps gras.
A. − [Le corps gras entre dans la composition de l'élément envisagé]
1. [Correspond à graisse A 1] .
a) [En parlant d'un être animé] Qui a de la graisse (v. ce mot A 1 a) en abondance, ce qui lui donne une apparence épaisse. Synon. (partiel) adipeux; anton. maigre.
α) [En parlant d'une pers.]
[En parlant de la pers. entière] Gras capucin, marchand, personnage; gens, rentiers gras; gros et gras; dodu et gras; gras et bien portant. Au premier coup d'œil, c'était un peu aussi le même homme, gras et d'une physionomie très-fine sous un masque empâté (Sand, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 184).Les enfants gras livrés vivants à la furie des enfants maigres (Michelet, Insecte,1857, p. 283).La dame est un peu grasse et l'on entre en carême (Apoll., Casanova,1918, I, 9, p. 980).Il est costaud mais un peu gras (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 209).[Avec un compl. prép. de désignant une partie du corps] [Le fils de pacha] Pieds, tête énorme, gras de figure, air stupide (Delacroix, Journal,1832, p. 123).Je veux te voir (...) rebondi! gavé! gras du bide! (Céline, Mort à crédit,1936, p. 689).
[Avec compl. prép. de désignant la graisse qui cause l'embonpoint] :
3. Il a engraissé. Il est gras et blême; gras d'une graisse toute en blancheur et en ballotements. Il en a les yeux presque cachés, de cette graisse. Giono, Gd troupeau,1931, p. 224.
Loc. fam. N'être pas gras de lécher les murs. Être bien nourri (v. Zola, Terre, 1887, p. 389).
Expr. compar. usuelles (pour insister sur l'embonpoint de la pers.).
Gras à lard. Gras à lard comme te voilà, tu ferais pas mal sur un cheval! (Céline, Mort à crédit,1936p. 694).
Gras comme... (plus rarement aussi gras que...).Gras comme un loir, un moine; grasse comme une caille (v. caille1B 2 a). Mais, sur mon honneur, le voilà devenu aussi gras qu'un cochon (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 801).Quand Jean-Jacques revint à Paris, gras comme un chanoine (Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 246).
Expr. compar. pop. ou fam. (pour insister, par antiphrase, sur la maigreur). Gras comme une belette à jeun (Carabelli, Lang. pop.). Gras comme un cent de clous (Lar. Lang. fr.).
Emploi subst.
masc. ou fém. Personne grasse. De cette lecture [de Darwin] mal comprise, il se faisait une idée révolutionnaire du combat pour l'existence, les maigres mangeant les gras, le peuple fort dévorant la blême bourgeoisie (Zola, Germinal,1885, p. 1524).Les membres d'une même famille (...) pouvaient n'avoir pas les mêmes goûts en amour, le père préférer les blondes ou les grasses, le fils les brunes et les maigres (Aymé, Jument,1933, p. 239).
masc. à valeur de neutre, rare. Embonpoint. Son profil qui (...) ressemble étonnamment à celui de Georges Sand, moins le gras de Georges Sand (Balzac, Lettres Étr., t. 3, 1850, p. 94).
[En parlant d'une partie du corps] Bras, corps, cou, visage, seins, tissus gras; main, cuisses, épaules grasse(s). Enfin Madame elle-même tendit sa jambe, une belle jambe normande, grasse et musclée (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Mais. Tellier, 1881, p. 1187).Avec ses doigts gras et ronds comme des boudins (Mirbeau, Journal femme,1900, p. 34).C'est un gros homme, son cœur trop gras a cédé tout à coup (Bernanos, Journal curé camp.,1936, p. 1195) :
4. Dame Léonarde, la mère noble de la troupe, était vêtue tout de noir comme une duègne espagnole. Des coiffes d'étamine encadraient sa figure grasse à plusieurs mentons, pâlie et comme usée par quarante ans de fard. Des tons d'ivoire jauni et de vieille cire blêmissaient son embonpoint malsain, venu plutôt de l'âge que de la santé. Gautier, Fracasse,1863, p. 27.
β) [En parlant d'un animal] Brochet, mouton, poulet gras; gras bestiaux, troupeaux; caille, marmotte grasse. Dont la bouche donnait assez bien l'aspect d'un gros et gras limaçon vu par-dessous et rampant (Boylesve, Leçon d'amour,1902, p. 211).De beaux champs nus des deux bords de la maison aussi loin qu'on peut voir, un jardin de légumes, de belles vaches grasses dans le clos (Hémon, M. Chapdelaine,1916, p. 239).V. capitaliste ex. 7.
[Avec compl. prép. de désignant la cause] Nous avons appâté nos lignes d'un de ces vers gras de terreau, rouge et rebondi (Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 231).
[À la suite d'un engraissement] Chapon gras. Un petit homme (...) qui tenait sous chacun de ses bras une oie grasse dont la tête pendait et lui tapait sur les cuisses (Zola, Ventre Paris,1873, p. 635).
En partic.
Bœuf gras. V. bœuf B 2 a spéc.
Les sept vaches* grasses.
Tuer le veau* gras.
b) [En parlant d'une chose] Qui contient une certaine quantité de graisse ou de matière grasse, naturellement ou sous l'effet de certaines opérations.
α) [En parlant de choses non-comestibles] Enduit, liquide, parfum gras; pâte grasse. Elle lui présenta un peigne et des épingles pour corriger sa coiffure, ainsi que des fards gras et secs pour ses lèvres et ses joues (Louÿs, Aphrodite,1896, p. 127).Une peinture grasse, bien chargée en huile, sera (...) une peinture convenant le mieux pour une longue durée (Coffignier, Coul. et peint.,1924, p. 578).C'était une grosse brune dont le bras nu laissa sur le veston noir du docteur une trace de crème grasse autour du col (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 225).
Eaux grasses. V. eau I B 2 a.
Emploi subst. masc. Matière grasse ou substance qui contient une certaine quantité de graisse. Vaisselle épaisse, tournant au jaune, où le gras des eaux de l'évier restait en noir dans les égratignures des couteaux (Zola, Assommoir,1877, p. 451).Le fard et le gras, dont elle enduisait ses bras, sa gorge et son visage (Rolland, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 479).
Gras de cadavre. Synon. de adipocire (v. adipo-).
β) [En parlant de choses comestibles; avec nuance valorisante] Depuis quelque temps, je déjeune avec une bonne soupe grasse (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 219).[Avec nuance dépréciative] Elle avait fabriqué avec de la céréaline et du saindoux fondu des espèces de beignets gras et lourds qu'ils mangeaient avec un peu de cassonade (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 326).
Qui contient une assez grande quantité de matières grasses. Anton. maigre.Jambon gras, viande grasse. Fromage gras. ,,Fromage renfermant au moins 40 grammes de matières grasses pour 100 grammes de fromage après complète dessication`` (Clém. Alim. 1978). Comme la servante apportait le dessert, un fromage gras et des fruits (Zola, Terre,1887, p. 152).Dans les fromageries où l'on fabrique des fromages absolument gras (...) on met en présure le lait vierge de tout écrémage (Pouriau, Laiterie,1895, p. 379).
Loc. fig. Faire ses choux gras de qqc. V. chou D.
Emploi subst. masc. Matière grasse, partie grasse de la viande (ou d'un mets). Le gras du jambon, d'une viande; dépourvu de gras. On rationnait tellement le bout de gras qu'on faisait plus la soupe qu'une seule fois par jour (Céline, Mort à crédit,1936, p. 622).Je conseille donc aux jeunes d'adopter la méthode des jolies femmes et de soigner leur ligne, de préférer le maigre au gras (Cocteau, Diff. d'être,1947, p. 219) :
5. − Auguste, donnez-moi les gras, cria Quenu. Et lorsqu'il tint le plat, il fit glisser doucement dans la marmite les gras de lard, en les délayant du bout de la cuiller. Les gras fondaient. Zola, Ventre Paris,1873, p. 687.
Au gras. Accommodé avec du gras ou du jus de viande. Le père Hucheloup mourut. Avec lui disparut le secret des carpes au gras (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 314).Le riz n'est même plus au gras maintenant (Queneau, Loin Rueil,1944, p. 160).
Loc. fig. Discuter le bout de gras avec qqn. V. bout II B 1 arg.
P. ext., pop. À base de graisse ou d'aliments comportant de la graisse, essentiellement animale. Régime gras.
En partic. [Dans le domaine des prescriptions de l'Église] :
6. Et puis, vous vous imaginez que les Bénédictins se nourrissent constamment de viandes et c'est absolument faux; la vérité est que nous usons d'aliments gras, plusieurs fois la semaine, sauf en Carême et en Avent. Ajoutez à ces deux saisons, où nous sommes voués au maigre, les Quatre-Temps, les Vigiles, la Semaine Sainte, d'autres fêtes et vous constaterez que nous pratiquons l'abstinence, les deux tiers de l'année, et endurons au moins une centaine de jeûnes. Huysmans, Oblat, t. 1, 1903, p. 219.
[En parlant de jours ou de périodes] Où la consommation d'aliments carnés est permise. Lundi, mardi* gras; semaine grasse. Les jours maigres, les légumes et les poissons revenaient au même prix que la viande les jours gras (Goncourt, Journal,1894, p. 547).
Emploi adv. Manger gras. Manger des aliments carnés. Il était très pieux, à la différence des deux Krafft, père et fils, qui faisaient les esprits forts, tout en se gardant bien de manger gras le vendredi (Rolland, J.-Chr., Aube, 1904, p. 96).
Emploi subst. masc. Mets à base d'aliments carnés; p. ext., repas où l'on sert de tels mets. On servait pour eux du gras et un souper qui tentait violemment les jeûneurs (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 247).Le substitut s'aperçut de la stricte observance des lois ecclésiastiques que sa femme lui imposait les jours maigres, et il ordonna à ses gens de lui servir du gras pendant toute l'année (Balzac, Double fam.,1830, p. 281).À l'abbaye de Saint-Wast il y avait un réfectoire pour le gras. Il (...) n'était pas aussi grand que celui où l'on mangeait maigre (Lenoir, Archit. monast.,1852, p. 341).Faire gras. Manger de la viande ou des mets préparés avec de la graisse animale. Le grand homme d'Aps avait une dispense de Monseigneur et faisait gras, seul de la famille (A. Daudet, Roumestan,1881, p. 64).Mais, si Miraut faisait gras le vendredi saint, je m'imaginerais qu'il est juif et je le prendrais en horreur (A. France, Opinions J. Coignard,1893, p. 92).
2. P. anal.
a) [L'accent est mis sur l'idée de consistance onctueuse et/ou visqueuse]
α) [En parlant d'une matière plus ou moins malléable]
Qui a une consistance visqueuse, souvent sous l'effet de l'humidité. Boue grasse, sable gras. À travers l'eau des ornières, la terre grasse, les mottes molles, les prés détrempés et gluants, nous sommes arrivés au bois (Goncourt, Journal,1866, p. 300).Le terrain était gras (Auto,1937).
Argile grasse. Argile très plastique. On a cru pouvoir distinguer les argiles grasses des argiles maigres en attribuant 60 de silice et 40 d'alumine aux premières, et 80 de silice et 20 d'alumine aux secondes (Brongniart, Arts céram., t. 1, 1844, p. 318).
Spécialement
INDUSTR. DU CHARBON. Charbon, houille gras(se). Charbon riche en produits bitumeux, caractérisé par une fusion pâteuse avec gonflement qui donne le coke, après disparition des matières volatiles. Anton. charbon, houille maigre.Une autre classe des charbons proprement dits (charbons gras pour les forges, houilles à gaz, ou houilles flambantes), formés à plus grande profondeur que les houilles cellulosiques (E. Schneider, Charbon,1945, p. 294) :
7. La houille brûle facilement; elle est dite grasse [it. ds le texte], demi-grasse [it. ds le texte] ou maigre, suivant qu'elle est plus ou moins riche en matières volatiles et qu'elle s'agglutine plus ou moins en brûlant. Ce sont les houilles grasses qui servent à fabriquer le gaz d'éclairage. Boule, Conf. géol.,1907, p. 100.
CONSTRUCTION. Mortier gras. Mortier qui contient beaucoup de liant (chaux ou ciment). Anton. mortier maigre.Les artistes du XIIedessinaient à l'ocre rouge sur fond de mortier gras (Maillet, Peint. relig.,1934, p. 39).
β) ŒNOLOGIE. [En parlant d'un vin]
Moelleux, qui a de la chair. Si l'on fait tourner du vin gras et charnu dans un verre, des gouttes adhèrent aux parois et descendent lentement comme des larmes (R. Dumay, Guide du vin, Paris, Stock, 1967, pp. 382-383).
Atteint de graisse (v. ce mot B 1).
Rem. Ce dernier sens n'est guère attesté dans les ouvrages spécialisés actuels, mais apparaît dans les dict. gén. qui signalent aussi l'emploi subst. masc., synon. de graisse B 2.
γ) [En parlant de phénomènes atmosphériques] Le brouillard gras des nuits d'hiver leur glaçait la peau (Flaub., 1reéduc. sent.,1845, p. 171).La nuit est trouble, l'air chargé d'une humidité grasse (Genevoix, Nuits de guerre,1917, p. 219).Un vol pesant d'oiseaux passait dans le matin brumeux et gras, au-dessus des terres gluantes (Camus, Env. et endr.,1937, p. 94).
Temps gras. Temps humide et brumeux (cf. Bonn.-Paris 1859, Soé-Dup. 1906). Le temps était si gras qu'il n'avait été possible de les distinguer [des îles] que lorsque nous en fûmes très-près (Voy. La Pérouse,t. 2, 1797, p. 374).
[En parlant du ciel] Couvert. Et à l'entrée de la nuit, l'horizon était si gras, que j'aurais pu en être très-près sans la voir [la côte] (Voy. La Pérouse,t. 2, 1797p. 241).
δ) [En parlant d'une surface] Visqueux. Trottoir gras. Une petite pluie fine, pénétrante, avait rendu le pavé gras et glissant (Ponson du Terr., Rocambole, t. 5, 1859, p. 82).Mais la berge grasse, indéfiniment plate laisse voir sous sa tourbe une terre noire (Barrès, Cahiers, t. 6, 1907, p. 177).
b) [L'accent est mis sur l'idée de volume]
α) [En parlant d'une matière ou d'un objet palpable, ou d'une forme]
Plante grasse. Plante à tiges et feuilles épaisses, charnues. Toutes les espèces de plantes grasses dont les feuilles semblent être des éponges pleines d'eau (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 181).L'arbre entier était couvert de cette bizarre plante grasse grimpante, qui semble un cactus, lance en tous sens des rameaux, tous exactement de même grosseur (Gide, Voy. Congo,1927, p. 849) :
8. L'enfant revient; surpris, il voit la plante grasse Sur les débris du pot brandir ses verts poignards; Il la veut arracher, mais la tige est tenace; Il s'obstine, et ses doigts s'ensanglantent aux dards. Gautier, Poés.,1872, p. 225.
Chaux grasse. Chaux qui foisonne beaucoup. Anton. chaux maigre.Les chaux grasses proviennent de la calcination des calcaires presque purs (Bourde, Trav. publ.,1928, p. 155).L'emploi des mortiers bâtards obtenus par mélange de Portland et de chaux grasse est d'un usage courant (Cléret de Langavant, Ciments et bétons,1953, p. 154).
CONSTRUCTION et MENUIS. [En parlant d'une pierre taillée ou d'une pièce de bois] Trop épais pour la place qu'elle doit occuper. Tenon gras (Jossier 1881). Emploi subst. masc. à valeur de neutre. Avoir du gras, être en gras (cf. Chabat t. 2 1876 et Chabat 1881). On taille en gras une clef, pour ne la terminer qu'à la pose afin d'être certain d'obtenir des joints réguliers dans un arc ou dans une platebande (Noël1968, s.v. gras (en)).
IMPRIMERIE
Encre grasse. Encre épaisse. Fréquemment il arrive que les lettres des saints parchemins, écrites d'une encre grasse et plutôt collées qu'imprimées sur la peau imperméable, se détachent et tombent (Tharaud, Ombre de la Croix,1917, p. 280).Transformer la photographie fugitive en une image supérieure, susceptible d'être imprimée aux encres grasses (Prinet, Phot.,1945, p. 53).
[En parlant d'un caractère ou d'un filet] Dont l'épaisseur est plus importante que celle du caractère ou du filet normal. Répertoires des hommes et des chevaux de l'escadron, en belle ronde et en deux couleurs, rehaussés çà et là d'accolades vigoureuses, d'accouplements de filets gras et maigres où se sentait la main artiste du tambour (Courteline, Train 8 h 47,1888, III, p. 30).Deux affiches, imprimées par Roll, reproduisant, en caractères gras, la péroraison de la lettre de Zola (Martin du G., J. Barois,1913, p. 373).
Emploi subst. masc. Typographie en caractères gras. Le gras doit être utilisé sans excès, pour un mot ou une phrase que l'auteur veut faire ressortir (Impr.1977).
BEAUX-ARTS
[En parlant d'une matière]
Crayon gras. Crayon à mine tendre donnant un trait large et noir. Les mêmes lettres majuscules au crayon gras, bleu (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 56).
Couleur grasse. Couleur de consistance épaisse. [Dans un tableau de Frans Hals à Harlem] pâtes épaisses et coulantes, fermes et pleines, grasses et minces suivant les besoins (Fromentin, Maîtres autrefois,1876, p. 283).[Rousseau peint par petites taches] il met ainsi une vibration lumineuse que Dupré et Huet empâtaient dans leur couleur grasse (Hourticq, Hist. art, Fr., 1914, p. 362).
[En parlant d'une teinte] [Sur la plage de Scheveninguen] Les noirs y sont pleins, les blancs savoureux, simples et gras (Fromentin, Maîtres autrefois,1876p. 149).La lumière est précisément le contraire de celle de l'Île-de-France, cette dernière enveloppante et comme matérielle où le moindre objet se nuance de mille teintes grasses (Gilles de La Tourette, L. de Vinci,1932, p. 2).
[En parlant de l'aspect d'une œuvre, d'une forme] [La technique de Roll] s'en tient (...) à une facture grasse et franche (Mauclair, De Watteau à Whistler,1905, p. 227).En glissant paisiblement, le pinceau [de Chardin] a tracé sur la grosse toile des contours gras (Hourticq, Hist. art, Fr., 1914p. 274).[Des dessins de Maxime Delhomas] d'un trait gras qui contourne et, en même temps, précise (Toulet, Notes art,1920, p. 9).
Emploi subst. masc. Trait gras. Il s'y trouve, dans ces croquis [japonais], tous les contrastes amusants des gras et maigres (E. de Goncourt, Mais. artiste, t. 1, 1881, p. 223).
Emploi adv. Peindre gras. ,,Peindre par couches épaisses`` (Ac. 1835-1932).
Emploi subst. masc. Le gras de. La partie charnue de. Le gras du bras, de la main, des fesses, du mollet, du pouce. Ces muscles sont très-considérables dans l'homme qui a les gras de jambe plus forts qu'aucun quadrupède (Cuvier, Anat. comp., t. 1, 1805, p. 383).Il avait une balle dans le gras de la cuisse, tout en haut (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Prisonn., 1884, p. 286).J'avais le gras d'une paume mis à vif (Montherl., Olymp.,1924, p. 248).
Emploi abs., pop. Le jour que je me suis marié, la mienne [ma femme] se faisait déjà pincer le gras par le cousin de mon beau-frère, un nommé Gustave (Aymé, Rue sans nom,1930, p. 199).
β) Domaine des sons
Sourd, comme empâté. Bruit, timbre gras. À partir du premier fa jusqu'au si aigu, sonorité grasse et pleine [de la harpe] (Widor, Techn. orch. mod.,1904, p. 162).La queue de la corvée refluait dans un gras clapotis de boue agitée (Dorgelès, Croix de bois,1919, p. 255).
[Bruit d'orig. hum.]
Articulé avec l'arrière-gorge et des vibrations de la langue et/ou de la luette. Parole grasse, patois gras. Ceci prononcé par un employé (...) avec l'accent gras, lent et doux et têtu des Picards (Verlaine, Œuvres compl., t. 5, Quinze jours en Holl., 1893, p. 207).Son ton bas et confidentiel de vieux diplomate contrastait avec la voix grasse et surexcitée de Viviani (Morand, Londres,1933, p. 58).J'entends (...) son rire débonnaire, gras et prolongé (Arnoux, Solde,1958, p. 12).
Emploi adv. Parler gras. ,,Grasseyer`` (Ac. 1835-1932). Rire gras. ha! Ha! Ha! ... Il riait gras (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 28).
Toux grasse. Toux qui révèle la présence de mucosités dans la gorge. Anton. toux sèche.Sa voix éteinte faisait entendre le sifflement gras de l'asthme (Balzac, Cabinet ant.,1839, p. 123).Sorte de gros polichinelle turc qui n'avait rien de remarquable qu'un nez énorme, une toux grasse et constante, une main estropiée (Du Camp, Nil,1854, p. 98).Elle toussa deux ou trois fois par quintes dures et grasses (Arnoux, Suite var.,1925, p. 77).Emploi adv. Jérôme Savrit se retourna sur son oreiller, toussa gras, éternua, cracha du bitume, puis il s'assoupit à demi, rêvassant (Arnoux, Nuit St-Avertin,1942, p. 9).
c) [L'accent est mis sur l'idée d'abondance, de richesse]
α) [Abondance et richesse matérielles]
[En parlant d'une région et de ce qu'elle produit] Sol, pays gras; gras pâturages, grasses récoltes. Après les guerres de religion, cette grasse Flandre, si longtemps dévastée, avait fini par atteindre la paix et la sécurité civile (Taine, Philos. art, t. 1, 1865, p. 32).Même au milieu des plus riches, des plus grasses campagnes normandes, j'ai la nostalgie de la lande (Mirbeau, Journal femme,1900, p. 57).Nous sommes en Normandie, la terre est grasse et facile (Maeterl., Vie abeilles,1901, p. 239).
[En parlant d'une pers. ou d'un établissement] Opulent, riche/enrichi. Grasse métairie. Une femme de droguiste, lequel droguiste s'était retiré gras d'une fortune (Balzac, Mais. Nucingen,1838, p. 628).Visiter sur une mule les grasses abbayes (Flaub., Tentation,1849, p. 439).
En être plus gras. En être plus riche, plus content, plus avantagé. En serez-vous plus gras, pour m'avoir dit des injures? (Vidocq, Mém., t. 3, 1828-29, p. 117).Et je le nourris toujours, monsieur, je le nourris plus que jamais, aujourd'hui. (Avec amabilité.) Sans savoir, hélas! si j'en serai plus gras! (Labiche, Deux papas,1845, 10, p. 406).V. enfuir (s') ex. 4.
[En parlant d'une vie ou d'une situation] Confortable à cause de la richesse. Saleur (...), craignant de gâter sa vie grasse d'enrichi, retournait à l'église (Zola, Vérité,1902, p. 228).
[En parlant d'une somme d'argent] Important, généreux. Gras pourboire, grasse prébende. Une grasse subvention ne se ferait pas attendre (Coppée, Contes en prose,1882, p. 168).Il ne s'agissait que de toucher un mois de gras salaire (Peyré, Matterhorn,1939, p. 110).Or qui donc est avec l'Angleterre (...)? (...) des officiers mués en aventuriers (...). Et qui, en attendant, touchent les soldes grasses de l'Empire britannique (L'Œuvre,2 févr. 1941).
Arg. Argent ou bénéfice. Soixante balles de gras [pour ma semaine de travail] (Le Breton, Loi,1955, p. 122).
Expr. pop. ou arg.
Il y a gras. Il y a beaucoup (à gagner). Fougères regarda la pratique sans rire, car monsieur Vervelle présentait un diamant de mille écus à sa chemise. Fougères regarda Magus et dit : « Il y a gras! » en employant un mot d'argot, alors à la mode dans les ateliers (Balzac, P. Grassou,1840, p. 449).Elles ne manquent jamais d'examiner les lieux dans lesquels elles se trouvent, et s'il y a gras (s'il y a du butin à faire), elles renseignent le mari ou l'amant, qui a bientôt dévalisé la maison (Vidocq, Voleurs, t. 1, 1886, p. 33).
Il n'y a pas gras. Il n'y a pas beaucoup. Il n'y a jamais gras dans une caisse de ce genre (Ponson du Terr., Rocambole, t. 1, 1859, p. 690).Il ne restera pas gras pour le dîner (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 912).
C'est pas gras (ou var.). Ce n'est pas beaucoup. Montespan et sa femme doivent avoir cent cinquante ou cent soixante mille francs de rente (...) ça ne fera pas gras pour chacun (Gyp, Cœur Ariane,1895, p. 79).[Le garçon :] C'est pas gras, cinq ronds de pourboire (Magnane, Bête à concours,1941, p. 448).
β) [Idée de temps (agréablement) prolongé] Faire (plus rarement dormir) la grasse matinée. Dormir tard, se lever tard dans la matinée. Pour la première fois depuis trois ans, j'avais dormi la grasse matinée (Sand, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 257).Elle se levait la première et, comme nous faisions la grasse matinée, elle nous apportait le petit déjeuner au lit (Sartre, Huis clos,1944, 5, p. 142).
[Sans le verbe faire/dormir] Plaisir de la grasse matinée :
9. Plus jamais redorant tes ombres satinées, La vieille aux doigts de feu qui fendent les volets Ne viendra t'arracher aux grasses matinées Et rendre au doux soleil tes joyeux bracelets... Valéry, Alb. vers anc.,1900, p. 91.
P. anal. Il y avait un divan où j'ai dormi de grasses après-midi (Zola, T. Raquin,1878, I, 2, p. 55).
3. Au fig. Truculent, licencieux. L'autre [avait] le récit gras et merveilleusement salé (Goncourt, Journal,1864, p. 11).Tandis que le gendarme et le brigadier, riant toujours et lui criant, de loin, de grasses plaisanteries de caserne (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Crime père Bonif., 1884, p. 157).Cet entretien [entre Zola et Goncourt] dut être d'un comique assez gras (Sartre, Sit. I,1947, p. 300) :
10. La cuite, la rixe, les propos gras, les pinçages de fesses, quand il y en avait, voilà comment chez moi, on manifestait son contentement. Arnoux, Zulma,1960, p. 26.
Vx. Cause grasse. ,,Cause que les clercs du palais choisissaient ou inventaient pour plaider entre eux, aux jours gras, et dont le sujet était plaisant`` (Ac. 1798-1932).
B. − [Le corps gras n'est pas considéré comme entrant dans la composition de l'élément envisagé]
1. Enduit ou imprégné de graisse (v. ce mot A 1) ou d'un corps gras.
a) [Sous l'effet d'un phénomène naturel; en parlant des cheveux ou de la peau] Qui présente un aspect luisant dû à une sécrétion graisseuse, plus ou moins abondante, de la peau. Anton. sec.Soins pour les peaux grasses (Quillet Méd.1965, p. 315).Les cheveux gras nécessitent des shampooings hebdomadaires, parfois même plus rapprochés, alors que les cheveux secs ont assez de deux shampooings mensuels (Quillet Méd.1965p. 317).
b) [Sous l'effet d'une action humaine] MÉGISSERIE. Cuir gras, peausserie grasse. ,,Cuir auquel on a fait absorber, au cours des opérations de corroyage, une quantité importante de corps gras, généralement en vue d'imperméabilisation`` (Rama 1973). D'autres délivraient de la ficelle qui les entortillait leurs portefeuilles de cuir gras (Gozlan, Notaire,1836, p. 262).
Corroyage en gras. Le corroyage en gras qui produit les cuirs à empeigne, à équipement, à bourrellerie, à courroie et l'ensemble des cuirs dits cuirs industriels (Bérard, Gobillard, Cuirs et peaux,1947, p. 97).
2. Enduit, imprégné, taché de graisse (v. ce mot A 1) ou d'un corps gras. Il est venu lentement un petit pauvre vieillard, le collet de son paletot gras et lustré, monté jusqu'aux yeux (Gongourt, Journal,1860, p. 857).On y [dans des fosses] trouve aussi, tantôt une poire à poudre avec des balles, tantôt un vieux jeu de cartes gras et roussi qui a évidemment servi aux diables (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 439) :
11. Il y avait des débits de vin et d'huile au litre, fort ténébreux, car le peu de lumière qui y pénètre n'y rencontre que des douves brunes et violettes, ou par endroits du métal gras oint de vieille huile, incapable de reflets. Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 41.
[Avec compl. prép. de désignant ce qui rend gras] Gras de sueur. Le décolleté gras de cold-cream (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 354).V. estafilade ex. de Gautier.
REM.
Grasset, -ette, adj. dimin. de gras,fam. Un peu gras. C'est la plus fraîche des grand-mamans, encore blonde et déjà grassette (Amiel, Journal,1866, p. 441).Variante grassot. Air grassot de la mère (Flaub., Champs et grèves,1848, p. 267).
Prononc. et Orth. : [gʀ ɑ], fém. [-ɑ:s]. Le timbre [ɑ] dans le masc. est anal. du fém. Homon. grâce. Le mot est admis ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Adj. 1. ca 1170 « bien en chair, fort, gros » (Chr. de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 1805); 2. a) 1erquart xiiies. « riche, fait avec de la graisse » le crasse cuisine (Renclus de Molliens, Miserere, éd. A. G. Van Hamel, CXLI, 9); b) 2emoitié xiiies. gras fromages (Chr. de Troyes, Erec, var. ms. H., éd. W. Foerster, 3128); 3. a) xiiies. « de consistance semblable à la graisse, riche, fertile » (Chron. en prose, Récits d'un ménestrel de Reims ds Bartsch Chrestomathie, 73, 5 : de voir que la terre est si crasse) cf. aussi dès le début xiiies. au fig. (Renclus de Molliens, Charité, 70, 8 ds T.-L. : Prestre n'as pas l'ame assez crasse); b) 1478-80 en faire ses choux gras (G. Coquillart, Plaidoyer, éd. M. J. Freeman, vers 214); c) 1478-80 grasses matinees (Id., Enquête, ibid., vers 804); 4. [xiiies. « qui a beaucoup de graisse, de basse qualité, grossier » grasses viandes (G. de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, var. ms. B, éd. E. Walberg, 3617)]; 1401 « grossier, licencieux » (Lit. remiss. ann. 1401 ex Reg. 156 Chartoph. reg. ch. 447 ds Du Cange, s.v. grassus), d'apr. Tabarin, le sens de « licencieux, libre » se rattacherait au sens 5, certains écarts de lang. étant permis les jours gras (cf. G. Raibaud ds Fr. mod. t. 6, p. 360 et cause grasse « cause plaidée le mardi gras parce qu'elle porte sur des sujets licencieux » Est. 1549 et Ac. 1694); 5. xves. dimanche gras (Stat. de l'abb. de Déols, Mél. d'arch. et d'hist. de l'Ecole de Rome, p. 23 ds Gdf. Compl.); av. 1538 jours gras (P. Gringore, Œuvres complètes, éd. A. de Montaiglon et Ch. d'Héricault, I, 206); 6. av. 1540 parler gras (R. de Collerye, Œuvres complètes, éd. Ch. d'Héricault, 76); 7. 2emoitié xvies. « sali, taché de graisse » (Amyot, Nicias, 1 ds Littré); 8. a) 1676 (d'une pièce de charpente ou d'une pierre de construction) « trop épais » (Félibien, p. 611); b) 1775 « épais, d'encrage large » (infra subst. 3). B. Subst. 1. ca 1265 « partie grasse, graisse » (Brunet Latin, Trésor, 222 ds T.-L.); 2. 1666 « partie charnue » le gras de la jambe (Furetière, Roman bourgeois, éd. Colombey, 78); 3. 1775 « épaisseur d'encrage » (d'un caractère) (Ms. Anisson, 22188, 188 vo, Mémoire sur la fonte des caractères ds IGLF : Dans les [filets] gras qu'on a employés jusqu'à ce jour, la régularité manque, ils n'ont pas tous le même gras). Du lat. crassus signifiant à l'orig. « épais », mais employé comme terme expressif pour signifier « gros »; le terme a évincé pinguis. La sonorisation de l'initiale, attestée dès le b. lat., est peut-être due elle-même à l'infl. de grassus. Fréq. abs. littér. : 2 751. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 933, b) 5 938; xxes. : a) 5 668, b) 3 458. Bbg. Grimaud (Fr.). Petit gloss. du jeu de boules. Vie Lang. 1973, p. 294. - Grundt (L.-O.). Ét. sur l'adj. invarié en fr. Bergen-Oslo-Tromsø, 1972, p. 220, 224, 225, 226, 231, 236. - Quem. DDL t. 16.

Wiktionnaire

Nom commun - français

gras \ɡʁɑ\ masculin

  1. Substance grasse.
    • En dépit des réticences qu’il suscite, le gras, indispensable à l’organisme, est aussi au cœur de nombreuses recettes. — (Camille Labro, Le gras, précieux révélateur de saveurs, Le Monde. Mis en ligne le 26 juillet 2019)
  2. Substance de graisse.
    • Le gras du jambon.
    • Le gras du bras, de la jambe, L’endroit le plus charnu du bras, de la jambe.
  3. (Cuisine) Dans une viande, tout ce qui est autre que la partie rouge des tissus musculaires : la partie grasse, les tendons, les nerfs, et les gros vaisseaux sanguins.
    • Les viandes qui ne sont pas de premier choix ont beaucoup de gras, et sont donc plus difficiles à manger, à moins qu’on ne les fasse bouillir longtemps.
    • Je ne sais où me fourrer ; on ne voit que moi, on n’entend que nous ; je trouve un biais, et d’un air espiègle et boudeur, (je crois même que je mords mon petit doigt) :
      « Moi qui aime tant le gras !
      — Tu l’aimes donc, maintenant ? Qu’est-ce que je te disais, quand j’étais forcée de te fouetter pour que tu en manges ? que tu en serais fou un jour. Tiens, mon enfant, régale-toi. »
      Je déteste toujours le gras, mais je ne vois que ce moyen pour ne pas reporter la côtelette, puis je pourrai peut-être escamoter ce gras-là. En effet, j’arrive à en fourrer un morceau dans mon gousset, et un autre dans ma poche de derrière.
      — (Jules Vallès, L’Enfant, G. Charpentier, 1889)
  4. (Cuisine) Faire gras, manger gras : manger de la viande les jours maigres.
    • Nous demandâmes qu’au moins elle [l’omelette] fût au lard [...] ; mais notre hôtesse refusa obstinément parce que c’était samedi et que M. le curé défendait de faire gras. — (Gustave Flaubert et Maxime Du Camp, Par les champs et les grèves (Voyage en Bretagne), 1886, Le Livre de poche, 2012, page 161)
  5. (Peinture) Qualité moelleuse.
    • Le gras de ce tableau.

Adverbe - français

gras \ɡʁɑ\

  1. Avec lourdeur.
    • Parler gras, grasseyer.
    • Peindre gras, peindre par couches épaisses.

Adjectif - français

gras \ɡʁɑ\

  1. Qui est formé de graisse.
    • Les parties grasses du corps.
  2. (Cuisine) Qualifie des mets où il y a plus ou moins de graisse.
    • Ce bouillon est trop gras. — Cette soupe n’est pas assez grasse. — Cette sauce est trop grasse.
  3. (Par extension) Qui a beaucoup de graisse.
    • En effet, ces aliments sont très riches en calories car ils sont à la fois gras et sucrés : un pain au chocolat ou un croissant vous apportent plus de calories qu’une demi-baguette ; […]. — (Jacques Fricker, Simple comme maigrir, éditions Odile Jacob, 2008)
  4. (En particulier) Qualifie un animal d’embouche.
    • Le concours d’animaux gras de Nevers est créé par le comte de Bouille en 1865, en riposte à celui de Villeneuve-sur-Allier (1864). — (Bernadette Lizet, La Bête noire: À la recherche du cheval parfait, Paris : Editions de la MSH / Ministère de la Culture et de la communication, 1989, page 156)
  5. (En particulier) (Vieilli) Qualifiait des mets, des aliments qui consistent en viande, ou qui sont préparés avec de la viande.
    • Un mets gras. — Bouillon gras. — Soupe grasse. — Dîner gras.
  6. (Religion) Qualifie, dans l’Église catholique romaine, les jours où il est religieusement licite de manger de la viande.
  7. Qui est onctueux, qui ressemble à la graisse.
    • Le fromage gras n’a pas plus de consistance que le beurre.
  8. Qualifie une terre est forte, tenace et argileuse.
    • Cette plante demande une terre grasse. — Ces terres sont fort grasses.
  9. Qualifie des terres fertiles et abondantes.
    • La région que nous parcourons est une vaste plaine monotone, […]. Son sol est formé d'une couche presque ininterrompue d'une terre végétale noire et grasse qui, au printemps, se couvre de blé, d'orge, de maïs, de fèves, de pois chiches. — (Frédéric Weisgerber, Trois mois de campagne au Maroc : étude géographique de la région parcourue, Paris : Ernest Leroux, 1904, page 36)
  10. Qualifiait les argiles dont on se servait pour dégraisser les habits et pour en ôter les taches.
  11. (Familier) Boueux.
    • Le pavé est gras, il est couvert d’une boue qui fait glisser.
    • Il fait mauvais marcher, ce pavé est fort gras.
  12. (Œnologie) Qualifie un vin qui file comme de l’huile.
    • Figues grasses : Figues qui avec le temps ont contracté une espèce de graisse.
    • Encre grasse : Encre qui s’épaissit avec le temps, ou dont on se sert pour certaines impressions grossières.
  13. (Par extension) Sali, imbu de graisse ou de quelque autre matière onctueuse.
    • Il a les mains toutes grasses.
    • Son habit, son chapeau est gras.
    • Cheveux gras.
  14. (Figuré) Qui a de la consistance, qui est épais.
    • Plantes grasses : Plantes dont les feuilles sont épaisses, charnues et juteuses.
    • La joubarbe, les cactus sont des plantes grasses.
    • Avoir la langue grasse : Avoir la langue épaisse, éprouver quelque embarras dans la prononciation prononcer mal certaines consonnes et principalement les r. On dit plus ordinairement et adverbialement Parler gras, grasseyer.
    • (Par analogie) Avoir la poitrine grasse, une toux grasse : (Médecine) Être sujet à une toux suivie de l’expectoration de mucosités épaisses.
    • Couleur grasse, Couleur qui est couchée avec abondance.
  15. (Peinture) Moelleux.
    • Contours gras
    • Peindre à gras : Retoucher avant que la couleur soit sèche.
  16. (Vieilli) (Figuré) Qui est grossier, en parlant de paroles ou d'écrits licencieux.
    • Et elle me bombarde, d'une voix mauvaise, avec un accent crapuleux, d'une bordée d'injures grasses. — (Victor Méric, Les Compagnons de l’Escopette, Éditions de l’Épi, Paris, 1930, page 159)
    • Un humour bien gras.
  17. (Topologie) Se dit d’une partie contenant une intersection dénombrable d’ouverts denses.
  18. (Typographie) Type des caractères larges, épais et écrasés.
    • On voyait dans un coin un piano droit étalant sur son porte-musique un album de chansons en vogue dont les titres en lettres grasses faisaient l’effet d’un rire vulgaire. — (Julien Green, Moïra, 1950, réédition Le Livre de Poche, page 8)
  19. (Taille de pierre) Qualifie un défaut provenant d’une taille qui penche vers l’extérieur de la pierre et à tendance à bosser celle-ci empêchant ainsi la formation d’une surface plane.
    • Cette ciselure est grasse il faut encore retirer de la matière sur son extrémité intérieure pour qu’elle soit bonne.
    • Lorsque l’on taille il vaut mieux être gras que maigre ; car dans le premier cas on peut rectifier, alors que dans le second l’unique solution est souvent de tout recommencer.
  20. Qualifie une quantité d’argent.
    • Les mêmes connaissances, les mêmes soucis, ce tiroir-caisse qu’il vide chaque soir, elle le regarde compter, ils disent, lui ou elle, « c’est pas gras », d’autres fois, « on a bien fait ». Demain, l’un des deux ira porter de l’argent à la poste. — (Annie Ernaux, La femme gelée, 1981, réédition Quarto Gallimard, page 330)
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

GRAS, ASSE. adj.
Qui est formé de graisse. Les parties grasses du corps. Substantivement, Le gras du jambon. Le gras du bras, de la jambe, L'endroit le plus charnu du bras, de la jambe. En termes de Chimie, Corps gras, Corps onctueux, solubles dans l'éther et l'alcool, insolubles ou très peu solubles dans l'eau, et qui brûlent avec une flamme volumineuse. L'huile, le suif, le beurre sont des corps gras. Il se dit aussi des Mets où il y a plus ou moins de graisse. Ce bouillon est trop gras. Cette soupe n'est pas assez grasse. Cette sauce est trop grasse. Substantivement, Riz au gras. Fig. et fam., Faire ses choux gras de quelque chose. Voyez CHOU. Dormir la grasse matinée. Voyez DORMIR. Par extension, il signifie Qui a beaucoup de graisse. Il est gros et gras. Bœuf gras. Chapon gras. Oie grasse. Poulet gras. Cette carpe est fort grasse. Tuer le veau gras, Fêter par un copieux repas le retour de quelqu'un. Voilà votre fils revenu, il faut tuer le veau gras. Le bœuf gras. Voyez BŒUF. Fam., Être gras comme un moine, être gras à lard, Être fort gras. Il se dit particulièrement des Mets, des aliments qui consistent en viande, ou qui sont préparés avec de la viande. Un mets gras. Bouillon gras. Soupe grasse. Dîner gras. Substantivement, Faire gras, Manger gras, Manger de la viande les jours maigres. Jours gras se dit, dans l'Église catholique, des Jours où l'on mange de la viande, à la distinction des jours où il n'est pas permis d'en manger, et qu'on appelle Jours maigres. Cause grasse, Cause que les clercs du Palais choisissaient ou inventaient pour plaider entre eux, aux jours gras, et dont le sujet était plaisant. Les jours gras signifie particulièrement Les Jours du Carnaval, qui sont le dimanche, le lundi et le mardi qui précèdent le carême. Pendant les jours gras. Passer les jours gras en quelque endroit. On dit aussi le Dimanche gras, le lundi gras, le mardi gras. Par analogie,

GRAS signifie qui est onctueux, qui ressemble à la graisse. Fromage gras, Fromage mou qui n'a pas plus de consistance que le beurre. Terre grasse, Terre forte, tenace, argileuse. Cette plante demande une terre grasse. Ces terres sont fort grasses. Terre grasse se dit aussi de l'Argile dont on se sert pour dégraisser les habits et pour en ôter les taches. On dit de même Argile grasse, Argile qui contient un peu de silice. Terres grasses, au pluriel, se dit souvent des Terres fertiles et abondantes. On dit de même Ce sol, ce terroir, ce pays est gras, Il abonde en blés et en pacages. Fam., Le pavé est gras, Il est couvert d'une boue qui fait glisser. Il fait mauvais marcher, le pavé est fort gras. Figurément aussi, il se dit de Propos licencieux. Conte gras. Adverbialement, Parler gras. Vin gras, Vin qui file comme de l'huile. Figues grasses, Figues qui avec le temps ont contracté une espèce de graisse. Encre grasse, Encre qui s'épaissit avec le temps, ou dont on se sert pour certaines impressions grossières. Caractères gras, en termes de Typographie, Type des caractères larges, épais et écrasés. Par extension, il se dit des Choses salies, imbues de graisse ou de quelque autre matière onctueuse. Il a les mains toutes grasses. Son habit, son chapeau est gras. Cheveux gras. Figurément, il signifie Qui a de la consistance, qui est épais. Plantes grasses, Plantes dont les feuilles sont épaisses, charnues et juteuses. La joubarbe, les cactus sont des plantes grasses. Avoir la langue grasse, Avoir la langue épaisse, éprouver quelque embarras dans la prononciation prononcer mal certaines consonnes et principalement les r. On dit plus ordinairement et adverbialement Parler gras, Grasseyer. Par analogie, Avoir la poitrine grasse, une toux grasse, Être sujet à une toux suivie de l'expectoration de mucosités épaisses. Peindre gras, Peindre par couches épaisses. Couleur grasse, Couleur qui est couchée avec abondance. En termes de Beaux-Arts, il signifie aussi Moelleux. Contours gras. Dans ce sens il s'emploie comme nom. Peindre à gras, Retoucher avant que la couleur soit sèche.

Littré (1872-1877)

GRAS (grâ, grâ-s') adj.
  • 1Semblable, analogue à la graisse. L'huile, le beurre sont des substances grasses. Les parties grasses du corps.

    Terme de chimie. Corps gras, corps neutres, acides ou salins, solubles dans l'éther et l'alcool, insolubles ou fort peu solubles dans l'eau, et qui brûlent avec une flamme volumineuse en donnant du noir de fumée sans ammoniaque ni autres produits azotés.

  • 2Qui est fourni de graisse. Poularde grasse. Une carpe très grasse. Il ne tiendra qu'à vous, beau sire, D'être aussi gras que moi, La Fontaine, Fabl. I, 5. Vous moquez-vous ? il faut un roi qui soit gros et gras comme quatre, Molière, Impr. de Vers. 1. Vous n'êtes point grasse ; mais vous avez un beau teint, vous êtes blanche, vous êtes tranquille, Sévigné, Lett. du 26 août 1677. Elle n'avait pas dans ses mouvements la pesanteur des femmes trop grasses ; son embonpoint ni sa gorge ne l'embarrassaient pas, Marivaux, Pays. parv. 4e part. Comme ils sont dodus et gras Ces bons citoyens du Maine [chapons] ! Béranger, Chapons.

    Fig. Tuer le veau gras, voy. VEAU.

    Le bœuf gras, bœuf choisi qui figure dans la pompe du carnaval.

    Être gras comme un moine, être gras à lard, c'est-à-dire être fort gras. Où j'avale tant de nectar Que je m'en trouve gras à lard, Scarron, Virg. I. On y faisait très bonne chère ; j'y devins gras comme un moine, Rousseau, Confess. VII.

    Gras du bec, qui mange de bons morceaux. Non, car ces gens si gras du bec Votent l'eau claire et le pain sec, Béranger, Enrh.

    Dormir la grasse matinée, dormir bien avant dans le jour. On vit avec horreur une muse effrénée Dormir chez un greffier la grasse matinée, Boileau, Ép. V.

    Fig. Sortir bien gras, sortir fort gras, d'un emploi, d'une affaire, s'y être enrichi.

    Fig. et familièrement. En serez-vous plus gras ? c'est-à-dire en serez-vous plus riche, plus heureux, plus avancé ? Quand j'aurai fait le brave, et qu'un fer pour ma peine M'aura d'un mauvais coup transpercé la bedaine, Dites-moi, mon honneur, en serez-vous plus gras ? Molière, Sganarelle, 17.

    On dit de même : Je n'en suis pas plus gras pour cela. Ah ! vous voilà bien gras avec votre chimère, Destouches, Phil. marié, III, 13.

  • 3Il se dit de la viande par opposition au poisson et aux légumes. L'Église défend les aliments gras en carême. Bouillon gras.

    La soupe grasse, la soupe faite avec du bœuf ou du lard.

    Choux gras, choux accommodés à la graisse ou au lard.

    Fig. et familièrement. Faire ses choux gras de quelque chose, en faire ses délices, en faire son profit.

    Jours gras se dit, chez les catholiques, des jours où il est permis de manger de la viande, par opposition aux jours maigres où il n'est pas permis d'en manger.

    Plus particulièrement, les jours gras, le jeudi et les trois jours qui précèdent le carême, c'est-à-dire le dimanche, le lundi et le mardi, ou même tous les jours du jeudi au mardi. Nous avons passé ici les trois jours gras, ma fille, Sévigné, 410.

    On joint l'épithète de gras à chacun de ces quatre jours : jeudi gras, dimanche gras, etc.

  • 4Où il y a plus ou moins de graisse. Cette sauce, cette soupe est trop grasse.
  • 5Sali, rempli de graisse. Essuyez-vous, vous avez le menton gras. On le trouva [Jacques Clément] dans un profond sommeil ; son bréviaire était auprès de lui, ouvert et tout gras au chapitre du meurtre d'Holopherne par Judith, Voltaire, Henr. V, note. Une multitude de gens à pied suivaient en cheveux gras et en silence, Voltaire, Princ. de Babyl. 11.
  • 6Qui s'épaissit trop avec le temps. De l'huile grasse.
  • 7Fromage gras, fromage qui est fait avec tout le lait non écrémé.

    Figues grasses, figues qui, avec le temps, ont contracté une espèce de graisse.

    Figue grasse, grosse figue sèche, dont on se sert pour faire des tisanes.

    Lessive grasse, lessive fortement chargée d'alcali.

    Vin gras, vin qui a pris la graisse, voy. GRAISSE, n° 5. Gras se dit aussi en ce sens de l'eau-de-vie et de la bière.

  • 8 Terme de marine. Le temps est gras quand il est humide et brumeux.

    Un navire court à grasses boulines quand le vent est assez favorable pour qu'on puisse se mettre sous l'allure du largue.

  • 9Éclat gras, éclat d'un corps qu'on dirait avoir été frotté avec une substance grasse.

    Terme de peinture. Couleur grasse, couleur qui est couchée avec abondance.

    Peindre à gras, retoucher avant que la couleur soit sèche ; ce qui produit un très bon effet.

    En mauvaise part. Dessin gras, dessin mou, sans vigueur et sans ton.

  • 10Avoir la poitrine grasse, être sujet à la toux suivie de l'exspuition de mucosités épaisses. Une poitrine grasse et flegmatique se trouvera bien de l'air de Ste-Geneviève et mal de celui des quais, Saint-Foix, Ess. Paris, Œuv. t. III, p. 415, dans POUGENS.

    Toux grasse, toux dans laquelle on rejette des mucosités, par opposition à toux sèche où l'on n'amène rien.

  • 11Terre grasse, terre forte, tenace et fangeuse. Il s'engagea dans des terres grasses où l'artillerie ne put s'avancer. La montée [à Miradoux] est assez droite et fort longue, et les terres y sont grasses en hiver, La Rochefoucauld, Mém. 215.

    Terre grasse est aussi le nom donné à l'argile qui sert à dégraisser les étoffes, à ôter les taches.

    Argile grasse, argile qui contient peu de silice.

    Mortier gras, mortier qui contient trop de chaux.

    Pierre grasse, pierre humide.

    Par extension. Le pavé est gras, quand on glisse dessus, qu'on y marche difficilement. On dit aussi : Il fait gras marcher.

  • 12Qui produit abondamment les moissons et les herbes. Aux frontières de la Gédrosie, pays gras et abondant, Vaugelas, Q. C. 540. Nous vîmes la grasse campagne, Scarron, Virg. III. L'électeur [de Bavière] se trouvait dans une abondance durable par les pays gras et neufs dont il était maître, Saint-Simon, 135, 245. Davoust, tout brûlant d'une colère qu'il concentre avec effort, répond qu'il propose une retraite à travers un sol fertile, sur une route vierge, nourricière, grasse, intacte, dans des villages encore debout et par le chemin le plus court, Ségur, Hist. de Nap. IX, 4.

    Terres grasses, terres très fertiles.

    Gras pâturages, lieux qui produisent de l'herbe en abondance et où les bestiaux s'engraissent.

  • 13 Terme de botanique. Plantes grasses, celles dont les tiges et les feuilles sont épaisses, charnues, succulentes, telles que les cactus.
  • 14Avoir un parler gras, ou bien avoir la langue grasse, parler comme si on avait quelque chose de gras, de pâteux dans la bouche. Un air de béatitude, avec un parler gras, lent et nasillard, faisait volontiers prendre sa physionomie [de l'évêque de Châlons] pour niaise, Saint-Simon, 78, 15.

    Parler gras signifie aussi grasseyer.

  • 15 Terme de vétérinaire. Ce cheval a la vue grasse, il a la vue trouble.
  • 16 Terme de charpente. Pièce de bois grasse, pièce plus forte qu'elle ne doit être.
  • 17 Fig. Licencieux, graveleux. Tenir des discours un peu gras. Le vieux commandeur, avec tous ses contes gras, quant à la substance, ne perdait jamais sa politesse de la vieille cour, Rousseau, Confess. VII.

    Cause grasse, une cause que les clercs du palais choisissaient pour plaider entre eux aux jours gras, et qui était remplie de choses plaisantes.

    Cause grasse, se disait aussi de quelque affaire plaisante qu'on réservait pour la plaider aux jours gras. De même que l'on plaidait et que l'on plaide encore, je crois, ces jours-là, une cause grasse au Châtelet et au parlement, Saint-Foix, Ess. Paris, Œuv. t. IV, p. 167.

  • 18 S. m. La partie grasse d'une viande. Le gras et le maigre d'un jambon. Donnez-moi du gras.

    Familièrement. Tourner au gras, prendre beaucoup d'embonpoint.

    Absolument. La viande. Il aime le gras.

    Riz au gras, riz qu'on a fait crever dans un bouillon gras.

    Légumes au gras, légumes accommodés avec de la graisse. Épinards au gras.

  • 19Particulièrement, chez les catholiques, la viande, les mets gras. Le gras et le maigre. Il faudra que le prince mange tout seul en gras à sa petite table, Maintenon, Lett. à M. d'Aubigné, 4 septemb. 1677.

    Manger gras, manger de la viande les jours maigres. Samedi 10 août 1686, le roi a dîné et soupé gras dans son appartement, Dangeau, I, 369. Ne pourrait-il pas manger gras à une table avec les personnes qui ont le même besoin ? Maintenon, Lett. au card. de Noailles, 1700, t. IV, p. 182, dans POUGENS. Les Dalécarliens demandèrent qu'on fît brûler tous les citoyens qui feraient gras le vendredi, Voltaire, Mœurs, 119.

  • 20Le gras de la jambe, la partie de la jambe qui est fort charnue, le mollet. Voilà ma justification, dont vous ferez part au gros abbé, si jamais, par hasard, il a mal au gras des jambes sur ce sujet, Sévigné, 16 oct. 1675.

    Gras de jambe, s'est dit autrefois pour faux mollet. Il m'a chassé de sa chambre, parce qu'il s'est mis de mauvaise humeur, et qu'il s'est imaginé que je lui avais mis de travers son gras de jambe, Dancourt, 2e chap. du Diable boit. I, 2.

  • 21Maladie des vers à soie
  • 22Tourner au gras, se dit du vin qui prend la graisse (voy. GRAISSE, n° 5).
  • 23 Terme de chimie. Gras des cadavres, corps gras qui se forme par saponification des tissus animaux restés longtemps plongés dans l'eau ou enfouis dans une terre humide.
  • 24Gras, adv. Parler gras, grasseyer. L'on ne peut être plus content de lui-même : il s'est acquis une voix claire et délicate, et heureusement il parle gras, La Bruyère, XIII. Elle affectait d'être languissante, de parler gras, Hamilton, Gramm. 10.

    Terme de peinture. Peindre gras, avoir le pinceau gras, peindre par couches épaisses.

    Pain gras-cuit, pain qui n'a pas levé, qui est pâteux faute de cuisson.

    Terme de fauconnerie. Voler haut et gras, se dit d'un oiseau dont le vol est hardi.

    Terme de vétérinaire. Ce cheval est gras-fondu, il est malade de gras-fondure.

HISTORIQUE

XIIe s. Dunc comença sun cors durement à grever, E les grasses [grossières] viandes, chous e nes [navets] à user, Th. le mart. 93. Nis dous feiz [même deux fois] descendirent jus des palefreiz cras, ib. 114.

XIIIe s. Tout li tavernier de Paris pueent vendre tel vin come il voelent, cras ou bouté, et à tel fuer come il voelent, Liv. des mét. 29. Grosses brebis et crasses vaches, Ren. 11473. Et sachiez que ses gras [de l'autruche] est molt profitables à toutes dolors que on ait en ses membres, Latini, Trésor, p. 222. Et ge les voi, les jengleors, Plus cras qu'abbés ne que priors, la Rose, 2568.

XIVe s. Le bras estoit dessous la manche Gras et roond, Lande dorée. Si le vin est gras [sorte de maladie du vin], Ménagier, II, 3.

XVe s. Le pays de Normandie est un des plus gras du monde, Froissart, I, I, 264. Icellui Henriet jura gras et detestables sermens qu'il ne buroit [boirait] point, Du Cange, grassus. Et n'est loisible aucunement à homme ou femme, hault ou bas, De le tenir secrètement, Ne aussi d'en faire ses choux gras, Coquillart, Plaid. de la simple et de la rusée. Notre hoste a aussi du bon fromage et bien gras, Louis XI, Nouv. XCIX.

XVIe s. Un fascheux corps vestu d'un satin gras, Un satin gras doublé d'un fascheux corps, Marot, III, 84. Se faire arracher des dents saines, pour en former la voix plus molle et plus grasse, Montaigne, I, 307. Un chien enragé luy emporta le gras de la jambe, Montaigne, III, 302. Je fois [fais] mes jours gras des maigres, Montaigne, IV, 288. On dit qu'il avoit la langue un peu grasse, ce qui ne luy seoit pas mal ; son parler gras…, Amyot, Alc. 2. Un jour blasmant quelqu'un qui estoit extrement gras et replet, Amyot, Caton, 18. Gras et souillé du suif de la Sicile, Amyot, Nicias, 1. Il descouvrit une source d'une humeur grasse et huileuse, qui ne differoit en rien de l'huile naturelle, ayant le lustre et la grassesse si semblable, que l'on n'y eust sceu…, Amyot, Alex. 96. Et à cause des terres qui sont fort grasses en-ce païs-là, homme ny cheval ne pouvoit marcher avant ny arriere, Carloix, II, 13. Au jeune le sang est plus gras et gluant pour faire prompte union et regeneration de chair, Paré, VII, 4. Matiere crasse et visqueuse, Paré, I, 29. Celle [maison] de son voisin, où la cuisine estoit plus grasse que la sienne, Noel du Fail, Contes d'Eutrap. f° 18, dans POUGENS.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

GRAS.
9Ajoutez :

Un faire gras, se dit d'un peintre qui couche la couleur avec abondance. Il [J. Duvivier] établissait savamment ses masses ; il entrait ensuite dans de très grands détails, en conservant un faire gras et large, L. Gougenot, dans Mém. inéd. sur l'Acad. de peinture, publ. par Dussieux, etc. t. II, p. 321.

25 Terme de forestier. Bois gras, celui dont le tissu est mou, poreux, peu résistant, dont le grain est peu serré, la fibre lâche et imparfaitement lignifiée, Nanquette, Expl. débit et estim. des bois, Nancy, 1868, p. 172.
26Emballage en gras et en maigre, emballage en toile grasse (voy. TOILE, n° 6) et en toile ordinaire.
27 Terme de filature. Filer en gras, filer en ajoutant de l'huile. Nous filons en gras, avec addition de 8 pour 100 d'huile, Enquête, Traité de comm. avec l'Anglet. t. III, p. 692.
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Encyclopédie, 1re édition (1751)

GRAS, adj. (Gramm.) Gras, qui a de la graisse. Voyez Graisse. Il se dit aussi de tous corps enduit de graisse, & de ceux qui donnent au toucher la même sensation que ces corps enduits de graisse, ou que la graisse même. Il s’oppose quelquefois à maigre ; on dit faire gras, faire maigre. Il désigne en d’autres circonstances la marque principale de l’embonpoint : cette femme est grasse. Il se prend substantivement : je n’aime pas le gras de la viande ; le gras de la jambe. Dans ce dernier exemple il est synonyme à charnu. On l’employe au figuré : il s’est engraissé dans cette affaire ; une cause grasse.

Gras, (Coupe des pierres.) signifie un excès d’épaisseur de pierre, ou de bois, ou d’ouverture d’angle plus grand qu’il n’est nécessaire pour le lieu où la pierre, où le morceau de bois doit être placé. Le défaut opposé s’appelle maigre.

Gras, s. m. parler, chanter gras, défaut qui vient plus souvent de l’éducation que de l’organe. Voyez la grammaire de Restaut, sur la lettre R.

Il est rare que les enfans ne parlent pas gras, il est rare aussi qu’avec des soins on ne vienne pas à-bout de les guérir d’un défaut de prononciation aussi desagréable. Voyez Grasseyer, Grasseyement. (B)

Gras, en Peinture & en Sculpture, est un terme dont l’acception revient à celle de moëlleux, de flou & de large. On dit gras large, &c.

Gras de la Jambe, est sa partie charnue, en latin sura.

Gras de Jambe, (Manége.) l’aide du gras de jambe est, après celle du pincer, la plus forte de toutes les aides des jambes du cavalier. Voyez Jambes & Manége. (e)

Gras fondu, épithete par laquelle on désigne un cheval atteint de la maladie que l’on nomme gras fondure. Voyez ci-après . (e)

Gras-Fondure, s. f. adipis fusio, (Manége & Maréchal.) maladie. Le nom qu’on lui a donné designant précisément ce qu’elle n’est pas, on ne sauroit former des doutes sur l’ignorance de ceux de qui elle l’a reçu.

Un travail forcé, un repos excessif l’occasionnent, Le dégoût, l’agitation, l’inquiétude, l’action de l’animal qui se couche, se releve, & regarde sans cesse son flanc, & le battement plus ou moins violent de cette partie, en sont des signes fréquens, mais équivoques. Celui qui lui appartient essentiellement résulte de la présence d’une matiere visqueuse, épaisse & blanchâtre, qui se trouve mêlée avec les excrémens, & qui, sous la forme d’une espece de toile, en enveloppe & en coeffe, pour ainsi dire, les parties marronnées. C’est ce symptome univoque qui en a grossierement imposé, lorsque l’on s’est persuadé que cette humeur muqueuse & cette prétendue membrane ne sont autre chose que la graisse fondue, comme si le tube intestinal en étoit intérieurement & considérablement garni, & comme si, du tissu cellulaire du péritoine dans lequel elle est répandue, elle pouvoit en se fondant se frayer une route dans ce canal, & être dès-lors & par ce moyen évacuée avec la fiente.

Quiconque envisagera la maladie dont il s’agit sous l’aspect d’une affection inflammatoire du bas-ventre, & spécialement du mésentere & des intestins, concevra une juste idée de son génie & de son caractere. En effet si l’on suppose, ensuite d’un exercice outré & de l’extrème accélération du mouvement circulaire, une phlogose fixée plus particulierement, & à raison de certaines dispositions, sur les parties de l’abdomen : ou, si l’on imagine, ensuite d’un repos trop long & conséquemment à la stase des humeurs, un engorgement dans le tissu vasculeux de ces mêmes parties, nécessairement enflammées, dès que leurs fibres nerveuses tiraillées, ou dès que les humeurs stagnantes ayant acquis un degré d’acrimonie susciteront des oscillations plus fréquentes & plus fortes, & donneront lieu à une effervescence ; tous les signes qui caractérisent la gras-fondure, ne présenteront rien qui ait droit de surprendre ; & l’on verra sans peine comment le mucus, toûjours abondant dans les intestins qu’il lubréfie, & qui d’ailleurs est de la nature des sucs albumineux que la chaleur durcit, peut, dans un lieu que la main même du maréchal trouve brûlant, être parvenu au point de consistance qu’il a acquis, lorsqu’il est entraîné avec les crotins qu’il recouvre.

La phlogose qui se manifeste violemment dans la région abdominale est-elle universelle ? la gras-fondure sera jointe à la courbature, ou à quelque autre maladie aiguë. Les engorgemens qui ont lieu dans le tissu vasculeux dont j’ai parlé, sont-ils accompagnés de celui des vaisseaux lymphatiques des parties membraneuses qui enveloppent les articulations ? il y aura fourbure & gras-fondure en même tems. L’inflammation enfin est-elle très-legere & bornée seulement aux intestins ? les desordres qu’elle suscitera seront à peine sensibles.

Du reste c’est une erreur née de la fausse idée que l’on s’est formée de cette maladie, de croire que les chevaux chargés de graisse soient les seuls qui puissent y être exposés ; la masse des humeurs contenant en eux, il est vrai, une grande quantité de parties sulphureuses, est très-susceptible d’alkalisation & d’explosion ; mais d’une autre part, la force & la rigidité des solides dans les chevaux maigres ne les y rend pas moins sujets.

Lorsque la gras-fondure est simple, il est rare que les suites en soient funestes. Elle est aussi plus ou moins dangereuse, selon ses diverses complications ; elle cede néanmoins, dans tous les cas, à un traitement méthodique, pourvû que les secours qu’elle exige ne soient pas tardifs. Ce traitement méthodique consiste uniquement & en général, dans des saignées plus ou moins multipliées, dans l’administration d’un plus ou moins grand nombre de lavemens émolliens, & dans le soin de tenir exactement l’animal à un régime, humectant & délayant ; car on doit absolument proscrire tous remedes cordiaux & purgatifs, capables d’enflammer, d’irriter encore davantage, & d’occasionner infailliblement la mort de l’animal. (e)

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Étymologie de « gras »

Picard, cras ; wallon, crâs, au fém. crâse ; namurois, crau, au fém. crause ; Hainaut, cras, au fém. crasse ; provenç. et catal. gras ; espagn. graso ; ital. grasso ; du bas-lat. grassus, qui est dans les Addenda de Quicherat avec le sens de gras, et qui représente le latin crassus, signifiant épais.

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Du latin crassus signifiant à l’origine « épais », mais utilisé expressivement pour dire « gros ». La passage de c initial à g (attesté en bas latin) est vraisemblablement analogique de grossus (« gros »).
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Phonétique du mot « gras »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
gras gra

Évolution historique de l’usage du mot « gras »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « gras »

  • Vous venez voir l'écrivain ? Méfiez-vous, c'est décevant... C'est comme si après avoir mangé le foie gras vous rencontriez l'oie en personne.
    Arthur Koestler
  • Liberté efflanquée vaut mieux que gras esclavage.
    Thomas Fuller — Gnomologia
  • Durant l'hiver, Francis prépare la tête de veau, chère à Chirac. C’est par excellence le plat qu’on adore ou qu’on déteste, tant son identité est forte. Une tête qu’il faut savoir parer, rendre la moins grasse possible, et mitonner un peu comme un pot-au-feu avec ses petits légumes. Mais la pleine saison du veau, c’est maintenant : fin du printemps, début de l’été. Pourquoi dès lors ne pas conclure une journée de ce mois de juillet par une belle côte de veau grillée ? Francis Teyssandier vous en dévoile la préparation.
    Franceinfo — À la carte. Portraits de chefs : Francis Teyssandier, corrézien d'adoption
  • On peut lire sur les boîtes de fromage : 45 % de matière grasse. Sur les couvertures de certains romans, on devrait lire : 1 % de matière grise !
    André Birabeau
  • Un jour par an, le Mardi gras par exemple, les hommes devraient retirer leur masque des autres jours.
    Claude Aveline — Avec toi-même, etc., Mercure de France
  • Mon idée du ciel : manger du foie gras au son des trompettes.
    Sydney Smith
  • Composition, teneur en fruits et en arômes, matières grasses... Il existe un code bien précis pour distinguer les sorbets et crèmes glacées des glaces. Explications.
    Femme Actuelle — Glace, sorbet, crème glacée : connaissez-vous la différence ? : Femme Actuelle Le MAG
  • Il est de l’intérêt du loup que les moutons soient gras et nombreux.
    Jeremy Bentham
  • Il vaut mieux être invité avec affection à manger des herbes, qu'à manger le veau gras lorsqu'on est haï.
    La Bible — Le livre des proverbes
  • Mardi gras ne t’en va pas ! Je ferai des crêpes et t’en mangeras !
    Proverbe français
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Vidéos relatives au mot « gras »

Traductions du mot « gras »

Langue Traduction
Anglais fat
Espagnol grasa
Italien grasso
Allemand fett
Chinois 脂肪
Arabe سمين
Portugais gordura
Russe жир
Japonais 太い
Basque potolo
Corse grassu
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Synonymes de « gras »

Source : synonymes de gras sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « gras »

Combien de points fait le mot gras au Scrabble ?

Nombre de points du mot gras au scrabble : 5 points

Gras

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