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Boucher

Variantes Singulier Pluriel
Masculin boucher bouchers

Définitions de « boucher »

Trésor de la Langue Française informatisé

BOUCHER1, verbe trans.

I.− [Avec une idée d'emplissage]
A.− [Le compl. d'obj. désigne un orifice, un creux souvent accidentel] Remplir, combler. Boucher un trou :
1. À l'étage supérieur, (...) on bouchait avec du plâtre les petits trous que les opérations précédentes avaient laissés. Flaubert, L'Éducation sentimentale,t. 1, 1869, p. 250.
2. Il est possible que les Turcs, en convertissant la plupart des églises grecques en mosquées, aient fait combler ou boucher des cryptes... A. Lenoir, Archit. monastique,t. 1, 1852, p. 360.
P. métaph. :
3. Mathématiciens, physiciens, philosophes et politiques ont, tous, les yeux hors de la tête; au lieu d'ouvrir des passages, ils bouchent tous les trous. « Avec un sac de plâtre, disait le maçon, on fait tenir pour dix ans une maison qui branle ». Ainsi, confondant les métiers, les penseurs plâtrent et replâtrent, ... Alain, Propos,1931, p. 990.
4. L'autre [Rodolphe] continuait à parler culture, bestiaux, engrais, bouchant avec des phrases banales tous les interstices où pouvait se glisser une allusion. Flaubert, Madame Bovary,t. 2, 1857, p. 207.
5. ... eux-mêmes baptisaient du mot monstres leurs vers à l'état d'ébauche et de premier jet et où les trous sont bouchés avant la reprise et le parfait achèvement du travail par des mots sans signification. E. et J. de Goncourt, Journal,1890, p. 1168.
1. Emplois spéc., DR., vieilli. Boucher les vues d'une maison. ,,Murer celles de ses fenêtres qui voient de trop près sur une propriété voisine, contrairement à la coutume, à la loi`` (Ac. 1835-1932).
Rem. Également attesté dans Besch. 1845, Lar. 19e-20e, Guérin 1892 et Quillet 1965.
MAR. Boucher une voie d'eau. Synon. Aveugler* une voie d'eau :
6. Le rocher, jusqu'à un certain point, bouchait l'avarie et gênait le passage de l'eau. Il faisait obstacle. L'ouverture désobstruée, il serait impossible d'aveugler la voie d'eau et de franchir les pompes. Hugo, Les Travailleurs de la mer,1866, p. 207.
TECHNOL. [Chez les doreurs] Boucher d'or moulu. ,,Réparer les ouvrages qui ont quelque petit défaut après avoir été brunis`` (Littré).
Rem. Également attesté dans Besch. 1845, Lar. 19e, Nouv. Lar. ill. et Guérin 1892.
2. Loc. fig. Boucher un trou
a) Remplir une place restée inoccupée ou devenue vacante (cf. bouche*-trou) :
7. Impossible de l'oublier, on l'a trop vu; il habite dans l'imagination de chacun, (...) la maîtresse de la maison le trouve sous sa plume quand, dans sa liste d'invités, elle a besoin de boucher un trou. Taine, Notes sur Paris,Vie et opinions de M. F.-T. Graindorge, 1867, p. 183.
8. Madame de Gueldre fit de son mieux pour boucher les nombreux trous de la conversation languissante. Gyp, Une Passionnette,1891, p. 240.
9. Je suis en train de déjeuner. On sonne. C'est le jeune Simond qui me sollicite pour boucher le trou que fait à l'Echo la désertion de Mendès et de Silvestre. E. et J. de Goncourt, Journal,1895, p. 784.
P. transpos. abstr. :
10. Quelle digne femme que cette mère abandonnée, qui ne demandait rien, qui ne voulait rien accepter, qui était toute bardée de fierté blessée... et repinçait le gosse, en douce pour boucher les silences. H. Bazin, La Part du pauvre,1954, p. 11.
b) Payer, rembourser une dette :
11. 333 000 fr. de droit d'auteur, cela bouchera juste tous les grands trous. Je n'aurai plus qu'à entamer le remboursement de ma mère, et après, ma foi, je serai bien à l'aise. Balzac, Correspondance,1833, p. 393.
B.− P. ext.
1. [Le compl. d'obj. désigne une ouverture aménagée dans un bâtiment] Fermer :
12. La fenêtre, un volet la bouche; ... T. Gautier, Émaux et camées,1852, p. 63.
2. [Le compl. d'obj. désigne qqc. qui est vide ou qui apparaît comme tel]
a) [Dans l'organisme] En boucher un coin (pop.). Remplir l'estomac, le charger.
P. métaph. :
13. Pour les repas de corps, les noces, les festins, La Revue des deux mondes Peut en boucher deux coins aux pires intestins, Ou le ciel me confonde! Ponchon, La Muse au cabaret,1920, p. 119.
Emploi pronom. d'aut. :
14. Manger ... c'est s'approprier par destruction, c'est en même temps se boucher avec un certain être. Sartre, L'Être et le Néant,1943, p. 706.
Fig. En boucher un coin, une surface à qqn. Le remplir d'étonnement :
15. « Oh! Ben alors! ... Oh! Ben alors! ... » Il était couillonné le gendarme de retrouver un piston pareil... « Ah! Ça c'est un particulier! ... » Il savait pas quoi conclure... ça lui en bouchait plusieurs coins... Céline, Mort à crédit,1936, p. 673.
b) [Concerne l'espace] Occuper. Le salon était plein ... des hommes, immobiles le long des murs, bouchaient les intervalles (Zola, Une Page d'amour,1878, p. 893):
16. Sur les pins plantés pour boucher les vides, les pousses de 1933 ont été rongées par les lapins alors qu'elles émergeaient de la neige, ... Larbaud, Journal,1934, p. 304.
17. Sa beauté rayonnait sur un monde trop grand pour mon cœur et où ma place n'était prévue que pour boucher un coin, ... J. Bousquet, Traduit du silence,1936, p. 243.
Partic., néol. [Dans le domaine des phénomènes atmosphériques] Couvrir, obscurcir :
18. Philippe ne se remet pas tout de suite à faucher. Il souffle un peu, appuyé sur la faux, regarde si le temps ne menace pas, si des nuages ne bouchent pas l'horizon... Renard, Nos frères farouches,1910, p. 186.
P. métaph. :
19. ... au lieu d'emplir le siècle de lumière, il [Hugo] a failli le boucher de la masse épaisse de sa rhétorique. Zola, Doc. littér.,Études et portraits, 1881, p. 70.
Emploi pronom. à sens passif [Le sujet désigne le ciel] Se couvrir, se charger de nuages, s'obscurcir. P. méton. [Le sujet désigne le temps] Se couvrir, devenir mauvais. Le temps va se boucher (Gracq, Le Rivage des Syrtes,1951, p. 241):
20. Le ciel se bouchait de plus en plus. Une cavalerie de nuages galopait dans le jour tombant, en suivant les crêtes : du mauvais temps pour le lendemain. Pourrat, Gaspard des Montagnes,La Tour du Levant, 1931, p. 267.
Au fig. Mais tout ce qu'il disait prenait un air faux, dit pour boucher du vide (Pourrat, Ibid.,1931, p. 84):
21. D'ailleurs, les rayons poussaient toujours, on en avait essayé deux nouveaux en décembre, afin de boucher les vides de la morte-saison d'hiver : ... Zola, Au bonheur des dames,1883, p. 789.
22. Pour boucher bien vite cette lacune, je dirai très vite qu'aussitôt sorti du « dépôt » des Petits-Carmes, je fus mis, dans la même prison, en cellule, ... Verlaine, Mes prisons,1893, p. 382.
II.− [Avec une idée d'obstacle]
A.− Faire obstacle au passage de quelque chose, en partic. d'un liquide.
1. [Le compl. d'obj. désigne une bouteille, un flacon...] Introduire un bouchon* dans le goulot. Boucher une bouteille. Boucher un flacon à l'émeri* (cf. bouchon* à l'émeri également) :
23. Ayant rempli d'eau bouillante un flacon d'un litre, puis l'ayant hermétiquement bouché, il le renverse sur une cuve à mercure; l'eau une fois refroidie, il le débouche sous le métal, pour y introduire un demi-litre d'oxygène pur... J. Rostand, La Genèse de la vie,1943, p. 84.
P. anal. :
24. Je compte, au contraire, obstruer ce déversoir à son orifice, le boucher hermétiquement, ... Verne, L'Île mystérieuse,1874, p. 171.
2. [Le sujet désigne une chose, le compl. d'obj. désigne un tuyau, une conduite, une canalisation...] Engorger, obstruer en gênant ou empêchant le passage de qqc., en partic. d'un liquide. Le chauffeur, (...) dit que le sable avait dû boucher le carburateur (Camus, L'Exil et le royaume,1957, p. 1560).
P. métaph. :
25. ... enfin tout ce qui peut servir aux hommes, au lieu de leur boucher l'esprit, de les rendre superstitieux et de les aider à tuer le temps. Erckmann-Chatrian, Hist. d'un paysan,t. 2, 1870, p. 388.
26. Les connaissances qu'on entonne de force dans les intelligences les bouchent et les étouffent. A. France, Le Crime de Sylvestre Bonnard,1881, p. 430.
Emploi pronom. à sens passif :
27. − Jamais contents les locataires, on dirait des prisonniers, faut qu'ils fassent de la misère à tout le monde! ... C'est leurs cabinets qui se bouchent... Un autre jour c'est le gaz qui fuit... C'est leurs lettres qu'on leur ouvre! ... Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 334.
P. métaph. :
28. Vainement, Pierre s'efforça de l'instruire [le cardinal Sarno] de l'émouvoir, désolé de le sentir si fermé, si indifférent. Et il s'aperçut que cette intelligence, vaste et pénétrante dans le domaine où elle évoluait depuis quarante ans, se bouchait dès qu'on la sortait de sa spécialité. Zola, Rome,1896, p. 275.
Spéc., MÉD. [Le compl. d'obj. désigne un canal, un conduit naturel de l'organisme] Synon. oblitérer* :
29. Les rapports anatomiques des fosses nasales et de l'arrière-gorge avec le conduit lacrymal permettent de rendre compte des divers accidents, (...) Rien ne prouve le moins du monde qu'il y eût carie; il y avait le conduit naturel que bouchait un obstacle incomplet, et cet obstacle cédait en partie si l'on pressait. De tels cas sont assez simples. Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 3, 1848, p. 114.
30. Un soir, à Mürren, par exemple. Au pied de la montagne, on boit vite une bière froide qui vous fracasse les tempes à bout portant. Le funiculaire part entre les mûriers. Peu à peu, les oreilles se bouchent, le nez se débouche; on arrive. Cocteau, Le Grand écart,1923, p. 11.
31. Tant que l'expectoration peut libérer l'arbre bronchique des mucosités qui le bouchent, et tant que le cœur tient, l'animal peut vivre calmement et avec un exercice très modéré. E. Garcin, Guide vétér.,1944, p. 99.
Emploi pronom. à sens passif :
32. La phlébite, surtout visible à la jugulaire, se traduit par un engorgement chaud et douloureux sur une partie du trajet de la veine au bord inférieur de l'encolure. Au niveau de la plaie de saignée apparaît un peu de suppuration. Dans les cas graves, la veine peut se boucher complètement par un caillot assez long qui remonte vers l'auge. E. Garcin, Guide vétér.,1944p. 193.
B.− P. anal. avec l'emploi supra II A 2
1. [Le compl. d'obj. désigne une voie de circulation] Encombrer, barrer en gênant ou empêchant le passage de quelque chose ou de quelqu'un :
33. ... il se produit alors comme un reflux dans toute la ligne, les bêtes épouvantées se pressent, s'empilent; non-seulement la rue est barrée, mais elle est bouchée, et l'on a devant soi une sorte d'obstacle confus, hérissé de jambes, surmonté de têtes, ... Fromentin, Un été dans le Sahara,1857, p. 141.
34. ... comme la Méchain bouchait la porte, il [Saccard] dut la bousculer, l'enjamber, pour sortir. Zola, L'Argent,1891, p. 313.
35. Les soldats de Crucha, s'étant retirés à la hâte, bouchèrent avec des quartiers de roches toutes les issues du monastère... A. France, L'Île des pingouins,1908, p. 144.
36. Un défilé d'hurluberlus (...) il en surgissait toujours d'autres! ... Ils bouchaient la circulation. Céline, Mort à crédit,1936, p. 531.
37. Pour les corps pesants, opaques, ceux qui vous bouchent l'entrée du métro ou vous froissent les côtes les soirs de feu d'artifice, je me fie à peu près [dans les statistiques] aux fonctionnaires de dénombrement... A. Arnoux, Paris-sur-Seine,1939, p. 126.
P. métaph.
Boucher la voie, les routes ... à qqn. Semer, sur son chemin, des obstacles qui rendent sa progression difficile ou impossible :
38. Je ne connaissais qu'eux. Ils me fermaient l'horizon, ils me bouchaient le ciel, le cœur, toutes les avenues de la vie. G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Vue de la Terre promise, 1934, p. 240.
39. Ne vous obstinez pas dans ma direction; vous vous y épuiseriez. (...). Mais, si cette voie-vous est bouchée, elle n'est pas la seule. Montherlant, Les Jeunes filles,1936, p. 931.
Boucher les issues à qqn. Lui fermer toute possibilité de faire quelque chose :
40. La période qui suivit fut pour Rambert à la fois la plus facile et la plus difficile. C'était une période d'engourdissement. Il avait vu tous les bureaux, fait toutes les démarches, les issues de ce côté-là étaient pour le moment bouchées. Camus, La Peste,1947, p. 1306.
Boucher (une carrière). Encombrer (une carrière) et en gêner ou en empêcher l'accès :
41. Nous sommes inondés de fils, enfin! On ne voit que cela : ils bouchent toutes les carrières; ce sont des survivances qui barrent tout... C'est que les mœurs, voyez-vous, défont terriblement les lois... E. et J. de Goncourt, Renée Mauperin,1864, p. 229.
Emploi pronom. à sens passif :
42. Puis toutes les carrières s'encombrent et se bouchent par cette vulgarisation des aptitudes, des capacités. Un jour viendra où il n'y aura plus que des têtes, des plumes. Nous marchons à n'avoir plus de bras... E. et J. de Goncourt, Journal,1861, p. 871.
Boucher l'avenir (à qqn). Lui borner ou lui fermer ses perspectives d'avenir :
43. − C'est trop fort, grondait-il. On dirait que tout complote pour m'empêcher de percer, de prendre mon vol, de débuter avec éclat. On dirait que tout le monde se ligue pour me boucher l'avenir. Et voilà pourtant un bouquin qui devrait partir tout seul avec son titre épatant : le vent dans les voiles. G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Cécile parmi nous, 1938, p. 196.
Emploi pronom. à sens passif :
44. Un homme ... n'a pas le droit, sous peine de se boucher l'avenir, d'accepter certaines fonctions subalternes; il s'y dévalorise... A. Arnoux, Roi d'un jour,1956, p. 202.
2. [Le mot est utilisé pour signifier qu'il est fait obstacle, dans les emplois concrets, au passage de qqc. jusqu'aux sens, et, dans les emplois figurés, au passage de qqc. jusqu'à la conscience] .
a) Boucher la vue. Faire obstacle, faire écran au regard; empêcher de voir :
45. Maintenant, (...) on voyait une immense éclaircie, un coup de soleil et d'air libre; et, à la place des masures qui bouchaient la vue de ce côté, s'élevait, sur le boulevard Ornano, un vrai monument, ... Zola, L'Assommoir,1877, p. 737.
Au fig. :
46. Il s'agissait de bien faire tourner l'enquête : poser surtout Gilbert en victime et boucher ainsi la vue de ceux qui voudraient regarder le passé de trop près. Pourrat, Gaspard des Montagnes,La Tour du Levant, 1931, p. 263.
Boucher les yeux de qqn (fig.). L'empêcher de s'apercevoir de quelque chose, lui masquer la réalité, l'aveugler :
47. [Josépha :] − ... Y a-t-il un de vous qui ait assez aimé une femme ... pour se laisser si bien bander les yeux qu'il n'ait pas pensé qu'on les lui bouchait afin de l'empêcher de voir le gouffre où ... on l'a lancé. Balzac, La Cousine Bette,1846, p. 375.
48. Oh, quand j'étais dans ce pays, avec une figure où tous les passants pouvaient me lire et ma voix qui muait, et mes désirs qui me bouchaient les yeux... comme j'étais peu le maître de moi-même, et comme j'étais inconscient même de mon esclavage! Larbaud, A. O. Barnabooth,1913, p. 299.
Emploi pronom., au fig. Se boucher les yeux. Refuser de voir les choses telles qu'elles sont :
49. C'était là l'évidence. Bien entendu, on pouvait toujours s'efforcer de ne pas la voir, se boucher les yeux et la refuser, mais l'évidence a une force terrible qui finit toujours par tout emporter. Camus, La Peste,1947, p. 1357.
P. méton. Boucher le jour. Le masquer, faire écran au passage de la lumière :
50. ... pendant que Buteau s'isolait dans un coin, contre le mur, et qu'Hyacinthe seul restait debout, devant la fenêtre, dont il bouchait le jour, de ses larges épaules. Zola, La Terre,1887, p. 26.
Au fig. Boucher l'horizon :
51. Mais le pire, quand on habite une prison sans barreaux, c'est qu'on n'a pas même conscience des écrans qui bouchent l'horizon. S. de Beauvoir, Mémoires d'une jeune fille rangée,1958, p. 277.
b) Boucher ses oreilles (à qqc.). Les obturer avec ses doigts, sa main (pour ne pas entendre quelque chose). Fig. Ne pas vouloir entendre pour ne pas savoir; vouloir ignorer :
52. François ne pouvait se mentir plus longtemps, ni boucher ses oreilles à la rumeur qui montait. Radiguet, Le Bal du comte d'Orgel,1923, p. 86.
Rem. Noter, sur ce modèle, un emploi d'aut. boucher son âme :
53. Il [l'artiste moderne] peint, il peint; et il bouche son âme, et il peint encore jusqu'à ce qu'il ressemble enfin à l'artiste et à la mode... Baudelaire, Curiosités esthétiques,1867, p. 219.
Au fig., emploi pronom. Se boucher les oreilles :
54. ... mais elle fermait les yeux, elle se bouchait les oreilles, elle voulait ignorer la conduite de son mari au dehors. Balzac, La Cousine Bette,1847, p. 24.
[Sur ce modèle] Rare :
55. Dans la cuisine chaude où Léonie me bousculait tendrement, je me défendais de ces mauvais souvenirs, j'aurais voulu me boucher la mémoire. Aymé, Le Vaurien,1931, p. 186.
56. Parce que tu le veux bien que tu te bouches l'oreille, l'intelligence et la bonne foi, que tu te prêtes bénévolement à cette élasticité commode à l'espace. A. Arnoux, Le Seigneur de l'heure,1955, p. 75.
Rem. Les expr. se boucher les yeux et se boucher les oreilles, qui rendent compte d'un même état d'esprit (refus de savoir, refus de la réalité, de l'évidence) se rencontrent associées :
57. Mais c'est le contraire, c'est exactement le contraire qui me frappe si fort. C'est notre immense bonne volonté à nous boucher les yeux et les oreilles. C'est notre lutte désespérée contre l'évidence. Saint-Exupéry, Pilote de guerre,1942, p. 308.
c) Boucher son nez, ses narines. Pincer son nez, comprimer ses narines, pour ne pas respirer quelque odeur désagréable.
P. métaph. :
58. ... mais la ferveur extasiée, l'aventure révolutionnaire ou religieuse bouchent les narines et rendent insensibles à la puanteur... A. Arnoux, Roi d'un jour,1956, p. 120.
Emploi pronom. Se boucher le nez
P. métaph. :
59. Diable! Je n'ai rien de la vieille dame sentimentale, je veux regarder la réalité en face, et sans me boucher le nez, si elle pue. Larbaud, A. O. Barnabooth,1913, p. 146.
Rem. On rencontre dans la docum. les composés a) Bouche-bouteilles, subst. masc. inv., néol., technol. Machine servant à effectuer le bouchage des bouteilles (cf. R. Brunet, Le Matériel vinicole, 1925, p. 496; Lar. encyclop. et Quillet 1965 qui écrit bouche-bouteille, subst. masc.; cf. d'autre part boucheur*). b) Bouche-four, subst. masc., technol. Synon. de bouchoir* (cf. L. Vincent, George Sand et le Berry, 1919, p. 356). c) Bouche-nez, subst. masc. inv., mét. : ,,Masque de cuir percé de trous et quelquefois recouvert de filasse que, dans certaines fabrications ou manipulations, les ouvriers se mettent sur le visage pour se garantir contre les émanations dangereuses`` (Guérin 1892; également attesté dans Ac. Compl. 1842, Besch. 1845, Lar. 19e, Littré, Nouv. Lar. ill. et Quillet 1965). d) Bouche-œil, subst. masc., fam., rare. ,,Somme d'argent que l'on donne à quelqu'un pour obtenir de lui qu'il ferme les yeux sur quelque chose, pour acheter son silence, sa complicité...`` Pour ne pas voir, il faut ou se boucher les yeux, ou avoir reçu un bouche-œil (L. Daudet, L'Avant-guerre, 1913, p. 211) (attesté dans Lar. Lang. fr. et comme terme arg., sous la forme bouche(-)l'œil dans Larch. 1880 : ,,Pièce de cinq, dix ou vingt francs dans l'argot des filles qui font allusion à la pantomime de certaines enchères`` et dans Esn. 1965 : ,,C'est une pantomime, pour se faire ouvrir une porte, de se poser une pièce d'or sur la paupière (campagnards, soldats, 1erEmpire)``. e) Bouche-pores, subst. masc. inv., néol., technol. : ,,Préparation à base de gomme − laque et de matières plastiques, destinée au remplissage des pores du bois avant vernissage, des rainures de parquet, etc.`` (Duval 1959; cf. également Ch. Coffignier, Couleurs et peintures, 1924, p. 744; Lar. encyclop. qui enregistre de plus bouche-porage : ,,Phase du vernissage du bois`` et bouche-porer : ,,Pratiquer le bouche-porage``).
PRONONC. : [buʃe].
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. a) Ca 1275 bouchiés (J. de Meung, Rose, éd. Fr. Michel, 4301 dans T.-L.); b) 1694 boucher la vue à quelqu'un « faire écran » (Ac.); 2. ca 1610 fig. se boucher les oreilles « ne pas vouloir entendre » (Régnier, Satires, II dans Littré); 3. a) 1690 part. passé adjectivé, fig. esprit bouché « esprit borné, obtus » (Fur.); b) av 1755 « (d'une pers.) inintelligent » (Saint-Simon, Mémoires, éd. Cheruel, t. IX, p. 141 dans Fr. mod., t. 17, p. 219). Dér., avec dés. -er, de l'a. fr. bousche « poignée de paille, fagot », attesté lui-même dep. 1461 au sens de « botte de chanvre » (Gdf.) et dès la 1remoitié du xives. par son dér. bouchon*; bousche est issu du lat. vulg. *bosca « broussailles, faisceau de branchages », plur. neutre, à côté du masc. plur. *bosci, v. bois.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 568. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 413, b) 976; xxes. : a) 1 152, b) 846.
BBG. − Brüch 1913, p. 61.

BOUCHER2, ÈRE, subst.

I.− Boucher, subst. masc.
A.− Vieilli. Homme qui abat lui-même le bétail dont il vend ensuite la viande au détail :
1. « Madame, l'agneau est gras; voilà le boucher qui vient le demander : faut-il le lui donner? » Je me récriai, je me précipitai sur l'agneau, je demandai ce que le boucher voulait en faire et ce que c'était qu'un boucher. La cuisinière me répondit que c'était un homme qui tuait les agneaux, les moutons, les petits veaux et les belles vaches pour de l'argent. (...). L'idée de ces scènes horribles et dégoûtantes, préliminaires obligés d'un de ces plats de viande que je voyais servis sur la table, me fit prendre la nourriture animale en dégoût et les bouchers en horreur. Lamartine, Les Confidences,1849, p. 77.
2. A partir de 1931, des camions enlevaient la viande dans les tueries particulières des bouchers limousins pour la déposer devant l'étal des détaillants parisiens; ... M. Wolkowitsch, L'Élev. dans le monde,1966, p. 178.
Rem. De nos jours, l'abattage du bétail n'est autorisé qu'aux abattoirs où il est pratiqué par des tueurs* également appelés, depuis peu, abatteurs de bestiaux (cf. Rob. Suppl. 1970).
P. anal., péj. [Le plus souvent en parlant d'un chef d'État ou d'armées] . Homme aux instincts sanguinaires, prodigue − ou du moins peu économe − de sang humain versé :
3. ... et ce que Jésus-Christ est pour l'église, Toussaint Turelure le sera pour moi, indissoluble. Lui, le boucher de 93, tout couvert du sang des miens, Il me prendra dans ses bras chaque jour et il n'y aura rien de moi qui ne soit à lui, ... Claudel, L'Otage,1911, II, 2, p. 270.
4. Henri V était une sorte de boucher. Il disait qu'une guerre sans massacres ressemblait à de l'andouille sans moutarde, et il fit égorger les chevaliers français qu'il retenait prisonniers, après leur avoir ôté leurs armes. Green, Journal,1943, p. 37.
P. exagér., fam. Chirurgien, médecin peu adroit :
5. C'est Jude par un seul cheveu qui sauve et qui tire au ciel L'homme de lettres, l'assassin et la fille de bordel. Il est le médecin à moitié boucher qui fend comme avec un couteau Le pécheur qui a le diable au corps et dont on n'aura l'âme qu'avec la peau. Claudel, Corona Benignitatis Anni Dei,1915, p. 409.
B.− Usuel. Homme qui tient un commerce de viande au détail (infra II bouchère). L'étal, l'étalage d'un boucher. Un couteau de boucher. Le corps des bouchers :
6. ... il me faisait arrêter devant toutes les boutiques de boucher et, me montrant avec orgueil les longes de veau et les quartiers de bœuf, il me disait en souriant d'admiration : − N'est-ce pas qu'il est joli? Il abusa même de ma confiante innocence jusqu'à me mener au marché des viandes. Du Camp, En Hollande,1859, p. 16.
7. ... le magasin est l'occasion d'un contact avec la campagne, renforcé très souvent par l'habitude des tournées : au passage, le boucher vend le beefsteak dominical, mais surtout il recense les lots des bêtes bientôt promises à la vente, au besoin il négocie un achat. L'idée d'abattre dans les régions de production et d'expédier la viande au lieu du bétail vif n'est pas nouvelle : ... M. Wolkowitsch, L'Élev. dans le monde,1966, p. 178.
Péj. [En tant que symbole d'un certain type humain] :
8. La scène du barbottage de la toilette, montrant le boucher dans l'homme du monde, avant qu'il ait endossé le plastron de soirée : c'est vraiment pas mal. E. et J. de Goncourt, Journal,1889, p. 1060.
9. Dans ces yeux clairs surmontés de sourcils touffus, ce nez écrasé et cette barre formidable de la bouche tombante, prolongée par des rides profondes qui, du nez, rejoignent le menton, dans ce large visage plat, dans ce cou massif, il y a du boxeur, du dogue et du boucher. Malraux, Les Conquérants,1928, p. 36.
Garçon boucher. Aide du boucher. Ouvrier boucher.
P. métaph. :
10. Cuvillier-Fleury. Une certaine ignobilité de visage et d'esprit. Michiels a une idée, dit-il; c'est possible, mais il la porte au bout d'une pique. Ce sont les garçons bouchers de la littérature. − Entrez dans la place l'épée nue, si vous voulez, et comme des gentilshommes, mais non pas le coutelas en main comme des valets de bourreau. Michiels, Pelletan : des critiques sans probité et sans pudeur... Sainte-Beuve, Mes poisons,1869, p. 33.
Boucher-charcutier. ,,Boucher (...) traitant également la viande de porc`` (Mét. 1955) (cf. viande de boucherie*).
II.− Bouchère, subst. fém. Épouse du boucher (supra I B); femme qui tient un commerce de viande au détail (supra I B) :
11. Une des curiosités de Francfort qui disparaîtra bientôt, j'en ai peur, c'est la boucherie. (...). Les bouchers sanglants et les bouchères roses causent avec grâce sous des guirlandes de gigots. Hugo, Le Rhin,1842, p. 253.
12. Le lendemain, elle dit à Christophe que la bouchère voulait le voir. Il alla chez elle. Il la trouva à son comptoir, au milieu des cadavres de bêtes. R. Rolland, Jean-Christophe,La Foire sur la place, 1908, p. 667.
ART CULIN. Loc. adv. À la bouchère ou, absol., bouchère :
13. ... le menu comportait ... des œufs aux rognons, dits « bouchère », dans un court-jus doré d'une perfection invraisemblable... L. Daudet, Vers le roi,1920, p. 89.
Rem. Lar. 19eet Nouv. Lar. ill. mentionnent entre-côte à la bouchère, ,,Entre-côte grillée et servie sans autre assaisonnement que du poivre et du sel`` Côtelettes à la bouchère, ,,Côtelettes qui n'ont pas été parées, c'est-à-dire rognées`` (repris dans sa seconde partie par Lar. 20e).
Emploi adj. Néol. Viande bouchère. Synon. péj. de viande de boucherie* :
14. Tout [dans le Triomphe de la mort, de Breughel] est rouge vin, noir verdâtre et du brun dés labours en dégel. Toutes ces couleurs sont les couleurs de l'intérieur d'un homme; des couleurs d'étal, de viande bouchère... Giono, Triomphe de la vie,1941, p. 53.
PRONONC. : [buʃe], fém. [-ʃ ε:ʀ].
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Entre 1180 et 1190 bochier « celui qui tue les animaux destinés à la consommation » (Le Roman de Renart, éd. M. Roques, X, 9818-19); 2. ca 1220 bouciers « marchand de viande » (Huon de Bordeaux, éd. Guessard et Grandmaison, 4076-79); fin xiies. bouchiere (Aiol, éd. J. Normand et G. Raynaud, 2730-31); 3. a) ca 1270 bouciers « bourreau » (Huon de Cambrai, St Quentin, éd. A. Langfors et W. Söderhjelm, 1533 dans T.-L.); b) 1668 « chirurgien maladroit » (La Fontaine, Fables, Le Cheval et le loup, Paris, Belles-Lettres, t. 1, 1934, p. 184). Dér. de bouc*; suff. -ier* (réduit à -er parce que précédé d'une palatale); le boucher étant à l'origine chargé d'abattre des boucs. À rapprocher du lat. médiév. *buccarius (buchariorium en 990 dans Nierm., s.v. bocharius), cf. l'ital. beccàio « boucher » dér. de bécco « bouc ». L'hyp. de EWFS2selon laquelle *buccarius serait (avec influence de bouc) un croisement entre bucola (glosé β ο υ θ υ ́ τ η ς « qui immole les bœufs » dans CGL t. 2, p. 31, 29; lui-même adaptation de ce mot gr. d'apr. le lat. sacricola « prêtre qui assiste au sacrifice ») et macellarius « boucher », ne repose pas sur des bases solides.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 690. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 701, b) 1 015; xxes. : a) 1 186, b) 1 076.
BBG. − Darm. Vie 1932, p. 61. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 218. − Lew. 1960, p. 210. − Perret (D.). Termes d'adresse et injures. À propos d'un dict. des injures. Cah. lexicol. 1968, no12, p. 10. − Sain. Sources t. 1 1972 [1925], pp. 15-16. − Thomas (A.). Nouv. essais de philol. fr. Paris, 1904, p. 29.

Wiktionnaire

Verbe - français

boucher \bu.ʃe\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison) (pronominal : se boucher)

  1. Fermer une ouverture ou ce qui présente une ouverture.
    • Boucher un trou.
    • L’ouverture s’est tout à fait bouchée.
    • Boucher les vues d’une maison, murer celles de ses fenêtres qui voient de trop près sur une propriété voisine, contrairement à la coutume, à la loi.
    • On l’a obligé à boucher ses vues.
    • Boucher la vue d’un objet, empêcher de l’apercevoir.
  2. (Figuré) Payer quelque dette et dédommager de quelque perte avec une somme d’argent.
    • Boucher un trou.
  3. (Pronominal) Se fermer.
    • Se boucher les yeux, ne vouloir point voir.
    • Se boucher les oreilles, ne vouloir point écouter.
    • Se boucher le nez.
  4. (Franche-Comté) Faire son lit. Ajuster les couvertures.
    • Boucher un enfant au lit.
    • Chaque fait de la vie quotidienne recelait des pièges linguistiques, comme par exemple « boucher son lit » le matin au lieu de « faire son lit ». — (Lionel Labosse, M&mnoux, Publibook, 2018, p. 445).

Adjectif - français

boucher \bu.ʃe\ masculin

  1. Relatif à la boucherie.
    • Il s’approcha d’elle, […], lui tâta le derrière, pour se rendre compte, sans doute, de ses qualités bouchères, s’amusa à regarder si les cornes étaient bien pointues du bout. — (Octave Mirbeau, Rabalan)

Nom commun - français

boucher \bu.ʃe\ masculin (pour une femme, on dit : bouchère)

  1. Artisan qui rend la viande (bœuf, mouton, etc.) propre à la consommation ou qui la commercialise.
    • Le vétérinaire surveille aussi minutieusement l’application du dahir du 4 août 1914 interdisant l’abatage pour le boucher des femelles de l'espèce bovine avant l’âge de huit ans et de celles des espèces ovine et caprine avant cinq ans. — (Maurice de Périgny, Au Maroc : Fès, la capitale du Nord, Paris : chez Pierre Roger & Cie, 1917, p. 26)
    • […]: l'abatage des animaux destinés à l’alimentation de la population se faisait encore en ville où chaque boucher possédait son écorcherie particulière; […]. — (Jean Valmy-Baysse, La curieuse aventure des boulevards extérieurs, Éditions Albin-Michel, 1950)
    • Deux catégories de bouchers existent. Les puristes, les vrais de vrai, ceux qui choisissent leurs bêtes sur pied, chez un éleveur de leur connaissance, qui accompagnent leurs bêtes à l’abattoir, font rassir les carcasses. Bref, des bouchers. Les autres se font livrer de la viande déjà piécée et se contentent de peser des morceaux prédécoupés. Leur outil de prédilection est la fourchette, tandis que celui du vrai boucher reste le couteau. — (Jean-Pierre Coffe, SOS Cuisine, Paris, Éditions Stock, 2006)
  2. (Figuré) Homme cruel et sanguinaire.
    • C’est un boucher, un vrai boucher.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

BOUCHER. v. tr.
Fermer une ouverture ou ce qui présente une ouverture. Boucher un trou. Boucher un tonneau. Boucher une bouteille. Boucher une porte. Boucher une fenêtre. Se boucher le nez. Se boucher les oreilles. Se boucher les yeux. L'ouverture s'est tout à fait bouchée. Boucher les vues d'une maison, Murer celles de ses fenêtres qui voient de trop près sur une propriété voisine, contrairement à la coutume, à la loi. On l'a obligé à boucher ses vues. Boucher la vue d'un objet, Empêcher de l'apercevoir. Ce bâtiment, ce bois, ce mur bouche la vue du jardin. Fig., Se boucher les yeux, Ne vouloir point voir; et Se boucher les oreilles, Ne vouloir point écouter. Fig. et fam., Boucher un trou, Payer quelque dette et dédommager de quelque perte avec une somme d'argent. Le participe passé s'emploie comme adjectif. Fig. et fam., Avoir l'esprit bouché, être bouché, Avoir peu d'intelligence, ne pouvoir comprendre les choses les plus simples. Il a aujourd'hui l'esprit si bouché qu'on ne peut rien lui faire comprendre. Il faut que ce garçon-là soit bien bouché pour n'avoir pas compris une chose si simple!

Littré (1872-1877)

BOUCHER (bou-ché) v. a.
  • 1Fermer une ouverture, un passage. Des chariots bouchaient le passage. Le conduit était bouché par une pierre. On boucha les fenêtres. Boucher les jours, les vues d'une maison, en murer les fenêtres.

    Boucher la vue, l'intercepter, l'empêcher. Ces arbres nous bouchent la vue.

  • 2Fermer avec un bouchon, avec un tampon. Boucher une fente. En bouchant le trou avec le pouce. Le procédé pour boucher les bouteilles de vin de Champagne. Le Nil bouche avec son limon les interstices de la terre.

    Se boucher le nez, se garantir contre une odeur forte ou délétère.

    Se boucher les yeux, les oreilles, ne vouloir point voir, entendre. Et se bouchant l'oreille au récit de ses vers, Régnier, Sat. II. La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles Et nous laisse crier, Malherbe, VI, 18. Je fermerai les yeux, je boucherai mes oreilles, Descartes, Médit. 3. L'opéra toujours Fait bruit et merveilles ; On y voit les sourds Boucher leurs oreilles, Béranger, Musique.

    Fig. et familièrement. Boucher un trou, payer une dette.

  • 3 Terme de doreur. Boucher d'or moulu, réparer les ouvrages d'or qui ont quelque petit défaut après avoir été brunis.
  • 4Se boucher, v. réfl. Se fermer. La voie par où les eaux s'écoulaient s'est tout à fait bouchée.

HISTORIQUE

XIIIe s. Et puis reclost l'en la porte et la boucha l'en bien, aussi comme l'en naye [noie, jette à l'eau] un tonnel, Joinville, 210. Assez près de Damiete trouvames un flum qui issoit de la grant riviere ; et fut acordé que l'ost sejourna un jour pour boucher ledit braz, Joinville, 219. Dont je vis un Coremyn [Chorasmien] qui fu des gens l'empereour de Perse, qui nous gardoit en la prison, que, quant il ouvroit son sac, nous nous bouchions, que nous ne povions durer pour la puneisie [puanteur] qui issoit du sac, Joinville, 265.

XIVe s. Il saigna tant de sanc, bouchier ne pout sa plaie, Girart de Ross. 4661.

XVe s. Sa cheminée il [l'avare] boschoit, Craignant perdre la fumée, Basselin, XLIV. Avoit la premiere les oreilles bouciées tant estroitement que à nulle rien fors qu'à propre affection ne voloit doner ascout, Chastelain, Expos. s. verité mal prise. Icelle femme dist que son mari estoit en ung lieu appelé les Arceiz, où il bouchoit son blé [mettait en gerbe], Du Cange, bouchellus.

XVIe s. Alors le grand pontife tire la patiente toute bouchée [voilée] hors de la littiere, Amyot, Numa, 18. Il n'y a d'autre difference entre cecy et cela, sinon que le corps qui fait ces tenebres est plus grand que mon manteau qui te bouche les yeux, Amyot, Péric. 67. Un caveau, lequel n'a porte ny demie, sinon une grosse pierre dont on bousche l'entrée, Amyot, Philop. 33.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

* BOUCHER, s. m. (Police anc. & mod. & Art.) celui qui est autorisé à faire tuer de gros bestiaux, & à en vendre la chair en détail.

La viande de boucherie est la nourriture la plus ordinaire après le pain, & par conséquent une de celles qui doit davantage & le plus souvent intéresser la santé. La police ne peut donc veiller trop attentivement sur cet objet : mais elle prendra toutes les précautions qu’il comporte, si elle a soin que les bestiaux destinés à la boucherie soient sains ; qu’ils soient tués & non morts de maladie, ou étouffés ; que l’apprêt des chairs se fasse proprement, & que la viande soit débitée en tems convenable.

Il ne paroît pas qu’il y ait eû des Bouchers chez les Grecs, au moins du tems d’Agamemnon. Les héros d’Homere sont souvent occupés à dépecer & à faire cuire eux-mêmes leurs viandes ; & cette fonction qui est si desagréable à la vûe n’avoit alors rien de choquant.

A Rome il y avoit deux corps ou colléges de Bouchers, ou gens chargés par état de fournir à la ville les bestiaux nécessaires à sa subsistance : il n’étoit pas permis aux enfans des Bouchers de quitter la profession de leurs peres, sans abandonner à ceux dont ils se séparoient la partie des biens qu’ils avoient en commun avec eux. Ils élisoient un chef qui jugeoit leurs différends : ce tribunal étoit subordonné à celui du préfet de la ville. L’un de ces corps ne s’occupa d’abord que de l’achat des porcs, & ceux qui le composoient en furent nommés suarii : l’autre étoit pour l’achat & la vente des bœufs ; ce qui fit appeller ceux dont il étoit formé, boarii ou pecuarii. Ces deux corps furent réunis dans la suite.

Ces marchands avoient sous eux des gens dont l’emploi étoit de tuer les bestiaux, de les habiller, de couper les chairs, & de les mettre en vente ; ils s’appelloient laniones ou lanii, ou même carnifices : on appelloit lanienæ, les endroits où l’on tuoit, & macella, ceux où l’on vendoit. Nous avons la même distinction ; les tueries ou échaudoirs de nos Bouchers répondent aux lanienæ, & leurs étaux aux macella.

Les Bouchers étoient épars en différens endroits de la ville ; avec le tems on parvint à les rassembler au quartier de Cœlimontium. On y transféra aussi les marchés des autres substances nécessaires à la vie, & l’endroit en fut nommé macellum magnum. Il y a sur le terme macellum un grand nombre d’étymologies qui ne méritent pas d’être rapportées.

Le macellum magnum, ou la grande boucherie, devint sous les premieres années du regne de Néron un édifice à comparer en magnificence aux bains, aux cirques, aux aquéducs, & aux amphithéatres. Cet esprit qui faisoit remarquer la grandeur de l’empire dans tout ce qui appartenoit au public, n’étoit pas entierement éteint : la mémoire de l’entreprise du macellum magnum fut transmise à la postérité par une médaille où l’on voit par le frontispice de ce bâtiment, qu’on n’y avoit épargné ni les colonnes, ni les portiques, ni aucune des autres richesses de l’architecture.

L’accroissement de Rome obligea dans la suite d’avoir deux autres boucheries : l’une fut placée in regione Esquilina, & fut nommée macellum Livianum ; l’autre in regione fori Romani.

La police que les Romains observoient dans leurs boucheries s’établit dans les Gaules avec leur domination ; & l’on trouve dans Paris, de tems immémorial, un corps composé d’un certain nombre de familles chargées du soin d’acheter les bestiaux, d’en fournir la ville, & d’en débiter les chairs. Elles étoient réunies en un corps où l’étranger n’étoit point admis, où les enfans succédoient à leurs peres, & les collatéraux à leurs parens ; où les mâles seuls avoient droit aux blens qu’elles possédoient en commun, & où par une espece de substitution, les familles qui ne laissoient aucun hoir en ligne masculine, n’avoient plus de part à la société ; leurs biens étoient dévolus aux autres jure accrescendi. Ces familles élisoient entr’elles un chef à vie, sous le titre de maître des Bouchers, un greffier, & un procureur d’office. Ce tribunal subordonné au prevôt de Paris, ainsi que celui des Bouchers de Rome l’étoit au préfet de la ville, décidoit en premiere instance des contestations particulieres, & faisoit les affaires de la communauté.

On leur demanda souvent leur titre, mais il ne paroît pas qu’ils l’ayent jamais fourni ; cependant leur privilége fut confirmé par Henri II. en 1550, & ils ne le perdirent en 1673, que par l’édit général de la réunion des justices à celle du Châtelet.

Telle est l’origne de ce qu’on appella dans la suite la grande boucherie ; l’accroissement de la ville rendit nécessaire celui des boucheries, & l’on en établit en différens quartiers ; mais la grande boucherie se tint toûjours séparée des autres, & n’eut avec elles aucune correspondance, soit pour la jurande, soit pour la discipline.

A mesure que les propriétaires de ces boucheries diminuerent en nombre & augmenterent en opulence, ils se dégoûterent de leur état, & abandonnerent leurs étaux à des étrangers. Le Parlement qui s’apperçut que le service du public en souffroit, les contraignit d’occuper ou par eux-mêmes ou par des serviteurs : de-là vinrent les étaliers Bouchers. Ces étaliers demanderent dans la suite à être maîtres, & on le leur accorda : les Bouchers de la grande boucherie s’y opposerent inutilement ; il leur fut défendu de troubler les nouveaux maîtres dans leurs fonctions ; ces nouveaux furent incorporés avec les Bouchers des autres boucheries : dans la suite, ceux même de la grande boucherie leur loüerent leurs étaux, & toute distinction cessa dans cette profession.

La premiere boucherie de Paris fut située au parvis Notre-Dame : sa démolition & celle de la boucherie de la porte de Paris fut occasionnée par les meurtres que commit sous le regne de Charles VI. un Boucher nommé Caboche. Ce châtiment fut suivi d’un édit du roi, daté de 1416, qui supprime la derniere, qu’on appelloit la grande boucherie, confisque ses biens, révoque ses priviléges, & la réunit avec les autres Bouchers de la ville, pour ne faire qu’un corps, ce qui fut exécuté : mais deux ans après, le parti que les Bouchers soûtenoient dans les troubles civils étant devenu le plus fort, l’édit de leur suppression fut révoqué, & la démolition des nouvelles boucheries ordonnée. Une réflexion se présente ici naturellement, c’est que les corps qui tiennent entre leurs mains les choses nécessaires à la subsistance du peuple, sont très-redoutables dans les tems de révolutions, sur-tout si ces corps sont riches, nombreux & composés de familles alliées. Comme il est impossible de s’assûrer particulierement de leur fidélité, il me semble que la bonne politique consiste à les diviser : pour cet effet, ils ne devroient point former de communauté, & il devroit être libre à tout particulier de vendre en étal de la viande & du pain.

La grande boucherie de la porte de Paris fut rétablie ; mais on laissa subsister trois de celles qui devoient être démolies ; la boucherie de Beauvais, celle du petit-pont, & celle du cimetiere S. Jean : il n’y avoit alors que ces quatre boucheries ; mais la ville s’accroissant toûjours, il n’étoit pas possible que les choses restassent dans cet état ; aussi s’en forma-t-il depuis 1418, jusqu’en 1540, une multitude d’autres accordées au mois de Février 1587, & enregistrées au Parlement, malgré quelques oppositions de la part de ceux de la grande boucherie qui souffroient à être confondus avec le reste des Bouchers ; dont les principales étoient celle de S. Martin des Champs, des religieuses de Montmartre, des religieux de S. Germain-des-Prés, les boucheries du Temple, de Ste Génevieve, &c. sans compter un grand nombre d’étaux dispersés dans les différens quartiers de la ville.

Ces établissemens isolés les uns des autres, donnerent lieu à un grand nombre de contestations qu’on ne parvint à terminer, qu’en les réunissant à un seul corps : ce qui fut exécuté en conséquence de lettres patentes sollicitées par la plûpart des Bouchers même.

Il fut arrêté en même tems 1°. que nul ne sera reçû maître, s’il n’est fils de maître, ou n’a servi comme aprenti & obligé pendant trois ans ; & acheté, vendu, habillé & débité chair, pendant trois autres années.

2°. Que les fils de maître ne feront point chef-d’œuvre, pourvû qu’ils ayent travaillé trois à quatre ans chez leurs parens.

3°. Que la communauté aura quatre jurés élus deux à deux, & de deux en deux ans.

4°. Que nul ne sera reçû, s’il n’est de bonnes mœurs.

5°. Qu’un serviteur ne pourra quitter son maître, ni un autre maître le recevoir, sans congé & certificat, sous peine d’un demi-écu d’amende pour le serviteur, & de deux écus pour le maître.

6°. Que celui qui aspirera à la maîtrise, habillera en présence des jurés & maîtres, un bœuf, un mouton, un veau, & un porc.

7°. Que nul ne fera état de maître Boucher, s’il n’a été reçû, & s’il n’a fait le serment.

8°. Qu’aucun Boucher ne tuera porc nourri ès maisons d’huiliers, barbiers ou maladreries, à peine de dix écus.

9°. Qu’aucun n’exposera en vente chair qui ait le fy, sous peine de dix écus.

10°. Que les jurés visiteront les bêtes destinées ès boucheries, & veilleront à ce que la chair en soit vénale, sous peine d’amende.

11°. Que s’il demeure des chairs, du jeudi au samedi, depuis Pâques jusqu’à la S. Remi, elles ne pourront être exposées en vente, sans avoir été visitées par les Bouchers, à peine d’amende.

12°. Que ceux qui sont alors Bouchers, continueront, sans être obligés à expérience & chef-d’œuvre.

13°. Que les veuves joüiront de l’état de leur mari, & qu’elles n’en perdront les priviléges, qu’en épousant dans un autre état.

14°. Que les enfans pourront succéder à leur pere, sans expérience ni chef-d’œuvre, pourvû qu’ils ayent servi sous lui pendant trois ans.

15°. Que les enfans de maître ne pourront aspirer à maîtrise avant dix-huit ans.

16°. Que les autres ne pourront être reçûs avant vingt-quatre.

De la Police des étaux. Lorsque les Bouchers furent tentés de quitter leur profession & de loüer leurs étaux, on sentit bien que plus ce loyer seroit fort, plus la viande augmenteroit de prix ; inconvénient auquel la police remédia en 1540, en fixant le loyer des étaux à seize livres parisis par an. Il monta successivement ; & en 1690, il étoit à neuf cents cinquante livres. Mais la situation, l’étendue, la commodité du commerce, ayant mis depuis entre les étaux une inégalité considérable, la sévérité de la fixation n’a plus de lieu, & les propriétaires font leurs baux comme ils le jugent à propos. Il est seulement défendu de changer les locataires, de demander des augmentations, de renouveller un bail, ou de le transporter, sans la permission du magistrat de police.

Il est aussi défendu d’occuper un second étal, sous un nom emprunté dans la même boucherie, & plus de trois étaux dans toute la ville.

De l’achat des bestiaux. La premiere fonction du Boucher après sa réception, est l’achat des bestiaux : les anciens dispensoient les Bouchers des charges onéreuses & publiques ; toute la protection dont ils avoient besoin leur étoit accordée ; on facilitoit & l’on assûroit leur commerce autant qu’on le pouvoit. Si nos Bouchers n’ont pas ces avantages, ils en ont d’autres : un des principaux, c’est que leur état est libre ; ils s’engagent avec le public tous les ans aux approches de Pâques ; mais leur obligation finit en Carême.

La police de l’achat des bestiaux se réduit à quatre points : 1°. quels bestiaux il est permis aux Bouchers d’acheter : 2°. en quels lieux ils en peuvent faire l’achat : 3°. comment ils en feront les payemens : 4°. la conduite des bestiaux des marchés à Paris, & leur entretien dans les étables.

Autrefois les Bouchers vendoient bœuf, veau, mouton, pore, agneau, & cochon de lait.

Des tueries ou échaudoirs. On a senti en tout tems les avantages qu’il y auroit pour la salubrité de l’air & la propreté de la ville, à en éloigner un grand nombre de professions ; & l’on a toûjours prétendu que le projet d’établir des tueries sur la riviere, le lieu qui leur convient le plus, n’étoit bon qu’en spéculation. M. le commissaire de la Mare n’a point pris parti sur cette question ; il s’est contenté de rapporter les raisons pour & contre.

Il observe 1°. que la translation des tueries du milieu de la ville aux extrémités des faubourgs, a été ordonnée par plusieurs arrêts, & qu’elle a lieu à Lyon, Moulins, Tours, Laval, Nantes, & d’autres villes.

2°. Que les embarras & même les accidens causés par les gros bestiaux dans les rues de la ville, semblent l’exiger.

3°. Que ce projet s’accorde avec l’intérêt & la commodité du Boucher & du public : du Boucher, à qui il en coûteroit moins pour sa quotité dans une tuerie publique, que pour son loyer d’une tuerie particuliere : du public, qui se ressentiroit sur le prix de la viande de cette diminution de frais.

4°. Qu’il est desagréable de laisser une capitale infectée par des immondices & du sang qui en corrompent l’air, & la rendent mal saine, & d’un aspect dégoûtant.

Malgré la justesse de ces observations, je croi que dans une grande ville sur-tout, il faut que les boucheries & les tueries soient dispersées. On peut en apporter une infinité de raisons : mais celle qui me frappe le plus, est tirée de la tranquillité publique. Chaque Boucher a quatre garçons ; plusieurs en ont six : ce sont tous gens violens, indisciplinables, & dont la main & les yeux sont accoûtumés au sang. Je croi qu’il y auroit du danger à les mettre en état de se pouvoir compter ; & que si l’on en ramassoit onze à douze cents en trois ou quatre endroits, il seroit très-difficile de les contenir, & de les empêcher de s’entrassommer : mais le tems amene même des occasions où leur fureur naturelle pourroit se porter plus loin. Il ne faut que revenir au regne de Charles VI. & à l’expérience du passé, pour sentir la force de cette réflexion, & d’une autre que nous avons faite plus haut. Loin de rassembler ces sortes de gens, il me semble qu’il seroit du bon ordre & de la salubrité, qu’ils fussent dispersés un à un comme les autres marchands.

De la vente des chairs. La bonne police doit veiller à ce que la qualité en soit saine, le prix juste, & le commerce discipliné.

En Grece, les Bouchers vendoient la viande à la livre, & se servoient de balance & de poids. Les Romains en userent de même pendant long-tems : mais ils assujettirent dans la suite l’achat des bestiaux & la vente de la viande, c’est-à-dire le commerce d’un objet des plus importans, à la méthode la plus extravagante. Le prix s’en décidoit à une espece de sort. Quand l’acheteur étoit content de la marchandise, il fermoit une de ses mains ; le vendeur en faisoit autant : chacun ensuite ouvroit à la fois & subitement, ou tous ses doigts ou une partie. Si la somme des doigts ouverts étoit paire, le vendeur mettoit à sa marchandise le prix qu’il vouloit : si au contraire elle étoit impaire, ce droit appartenoit à l’acheteur. C’est ce qu’ils appelloient micare ; & ce que les Italiens appellent encore aujourd’hui joüer à la moure. Il y en a qui prétendent que la mication des boucheries Romaines se faisoit un peu autrement : que le vendeur levoit quelques-uns de ses doigts ; & que si l’acheteur devinoit subitement le nombre des doigts ouverts ou levés, c’étoit à lui à fixer le prix de la marchandise, sinon à la payer le prix imposé par le vendeur.

Il étoit impossible que cette façon de vendre & d’acheter n’occasionnât bien des querelles. Aussi fut-on obligé de créer un tribun & d’autres officiers des boucheries ; c’est-à-dire d’augmenter l’inconvénient ; car on peut tenir pour maxime générale, que tant qu’on n’aura aucun moyen qui contraigne les hommes en place à faire leur devoir, c’est rendre un desordre beaucoup plus grand, ou pour le présent ou pour l’avenir, que d’augmenter le nombre des hommes en place.

La création du tribun & des officiers des boucheries ne supprima pas les inconvéniens de la mication : elle y ajoûta seulement celui des exactions, & il en fallut revenir au grand remede, à celui qu’il faut employer en bonne police toutes les fois qu’il est praticable, la suppression. On supprima la mication & tous les gens de robe qu’elle faisoit vivre. L’ordonnance en fut publiée l’an 360, & gravée sur une table de marbre, qui se voit encore à Rome dans le palais Vatican. C’est un monument très-bien conservé. Le voici.

Ex auctoritate Turci Aproniani, V. C. præfecti urbis.

Ratio docuit, utilitate suadente, consuetudine micandi summotâ, sub exagio potius pecora vendere quam digitis concludentibus tradere ; & adpenso pecore, capite, pedibus & sevo lactante (mactanti) & subjugulari (subjugulanti) lanio cedentibus, reliqua caro cum pelle & iteraneis proficiat venditori, sub conspectu publico fide ponderis comprobatâ, ut quantum caro occisi pecoris adpendat & emptor norit & venditor, commodis omnibus, & prœdâ damnatâ quam tribunus officium cancellarius & scriba de pecuariis capere consueverant. Quœ forma interdicti & dispositionis, sub gladii periculo perpetuo, custodienda mandatur.

« La raison & l’expérience ont appris qu’il est de l’utilité publique de supprimer l’usage de la mication dans la vente des bestiaux, & qu’il est beaucoup plus à propos de la faire au poids que de l’abandonner au sort des doigts : c’est pourquoi, après que l’animal aura été pesé, la tête, les piés & le suif appartiendront au Boucher qui l’aura tué, habillé & découpé ; ce sera son salaire. La chair, la peau & les entrailles seront au marchand Boucher vendeur, qui en doit faire le débit. L’exactitude du poids & de la vente ayant été ainsi constatées aux yeux du public, l’acheteur & le vendeur connoîtront combien pese la chair mise en vente, & chacun y trouvera son avantage. Les Bouchers ne seront plus exposés aux extorsions du tribun & de ses officiers ; & nous voulons que cette ordonnance ait lieu à perpétuité, sous peine de mort ».

Charlemagne parle si expressément des poids & du soin de les avoir justes, qu’il est certain qu’on vendoit à la livre dans les premiers tems de la monarchie. L’usage varia dans la suite, & il fut permis d’acheter à la main. La viande se vend aujourd’hui au poids & à la main, & les Bouchers sont tenus d’en garnir leurs étaux, selon l’obligation qu’ils en ont contractée envers le public, sous peine de la vie.

Les Bouchers sont du nombre de ceux à qui il est permis de travailler & de vendre les dimanches & fêtes : leur police demande même à cet égard beaucoup plus d’indulgence que celle des Boulangers, & autres ouvriers occupés à la subsistance du peuple. D’abord il leur fut enjoint d’observer tous les dimanches de l’année, & d’entre les fêtes celles de Pâques, de l’Ascension, de la Pentecôte, de Noël, de l’Epiphanie, de la Purification, de l’Annonciation, de l’Assomption, de la Nativité de la Vierge, de la Toussaint, de la Circoncision, du Saint-Sacrement, & de la Conception. Dans la suite, il leur fut permis d’ouvrir leurs étaux les dimanches depuis Pâques jusqu’à la Saint-Remi : le terme fut restraint, étendu, puis fixé au premier dimanche d’après la Trinité jusqu’au premier dimanche de Septembre inclusivement. Pendant cet intervalle ils vendent les dimanches & les fêtes.

Ces marchands sont encore assujettis à quelques autres regles de police, dont il sera fait mention ailleurs. Voyez les articles Tuerie, Viande, Échaudoir, Suif, Étal, &c.

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Étymologie de « boucher »

(Verbe) (XVIIe siècle) De l’ancien français bousche (« gerbe, poignée de paille, fagot »), attesté lui-même en 1461 au sens de « botte de chanvre » et au quatorzième siècle par son dérivé bouchon ; bousche est issu du latin vulgaire *bosca « broussailles, faisceau de branchages », → voir bois et bosquet.
(Nom commun et adjectif) (Fin du XIIe siècle) En ancien français bochier (« celui qui tue les animaux destinés à la consommation ») ou boucier (« marchand de viande ») ; attesté au treizième siècle au sens de « bourreau ». Dérivé de bouc avec le suffixe -ier, le boucher étant à l'origine chargé d'abattre des boucs.
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Ménage tire ce mot de βύζειν, boucher, mais on n'a aucun intermédiaire qui justifie l'introduction directe de ce mot grec dans le langage vulgaire. Diez, se reportant à bouchon, dit que ce mot est l'équivalent du provençal bocon, et de l'italien boccone, qui signifient bouchée (ancien français boucon) ; de là boucher, avec le sens de ce qui remplit la bouche, et, en particulier, la bouche de la bouteille. C'est avec raison que Diez rapproche boucher de bouchon ; mais est-ce bien à bocon, boccone qu'il faut rapporter bouchon ? L'orthographe boscher, boucier, bouscher n'y conduit guère ; le sens de mettre en botte que boucher a dans un de nos exemples n'y conduit pas non plus. Boucher ne peut venir de bouchon : l'un et l'autre supposent un substantif bouche, masculin ou féminin, qui voudra dire ce qui obture et ce qui fait gerbe ou botte ; substantif qui existe réellement, comme on le voit dans cet exemple du XVe siècle : Confessent iceulx habitans dovoir au dit prieur, pour cause du disme de toutes leurs chanves qui est de dix bouches [gerbes], ung bouchot, Du Cange, boteronus. Or un pareil substantif ne peut pas être rapporté à bouche, ouverture placée au visage ; mais il appartiendra sans peine (car il est le primitif de bouchon de cabaret, voy. BOUCHON 2) à un radical qui se trouve dans bois, dans bosquet, dans bouquet, dans bûche, et qui, signifiant bois ou morceau de bois, aura facilement le double sens de tampon ou de bouchon, sorte de faisceau. En définitive, l'étymologie reste indécise entre deux conjectures : 1° bouche, ouverture dans la face ; bouchée, ce qui emplit la bouche ; d'où boucher, obturer ; à quoi on objectera que, historiquement, ni bouchée n'a jamais eu le sens de ce qui obture, ni boucher celui de mettre en bouche (ce qui, si on l'avait trouvé, aiderait grandement cette étymologie), ni le provençal bocon et l'italien boccone celui de bouchon (ce qui aiderait l'assimilation, en montrant que bocon et boccone sont les mêmes que le français bouchon) ; 2° bouche, faisceau de paille, de javelle, de branchage, d'où bouchon de cabaret, ce qui s'applique sans difficulté à tout ce qui bouche, obture.

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Phonétique du mot « boucher »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
boucher buʃe

Fréquence d'apparition du mot « boucher » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « boucher »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « boucher »

  • Ancien libraire, ancien boucher, ancien coiffeur, ça veut rien dire : être un ancien quelque chose, c’est forcément devenir un nouveau quelqu’un !
    Daniel Pennac — La Fée carabine
  • Les porcs et les moutons, sous le couteau du boucher, ont-ils leur mot à dire ?
    Lao She — Quatre générations sous un même toit
  • Je n’aurai pas pu être boucher. J’avais pas le coeur. Je n’aurais pas pu être matador. J’avais pas les tripes. J’aurais pas pu être Bardot. J’avais pas les fesses.
    Pierre Desproges — Fonds de tiroir
  • Si un homme était immortel, réalisez-vous ce que serait sa note de boucher ?
    Woody Allen
  • Un moine et un boucher se bagarrent à l'intérieur de chaque désir.
    Emil Michel Cioran — Syllogismes de l’amertume
  • DANS LES ARCHIVES – Il y a 17 ans, l’ancien boucher de Salleboeuf, Michel Perroy, blessait sept personnes dont deux enfants du village, avec un de ses couteaux de travail, lors d’un coup de folie à l’heure de la rentrée des classes. Acquitté en 2005, il est décédé en 2007, avant son second procès en appel. 
    SudOuest.fr — Gironde : le 20 juin 2003, le coup de folie du boucher de Salleboeuf
  • Le jeune boucher de la commune de Salles a décidé d’aider les restaurants qui n’ont pu travailler pendant le confinement
    SudOuest.fr — Salles : un boucher solidaire avec les restaurants
  • Deux hommes ont été placés sous contrôle judiciaire ce vendredi. Ils sont accusés d'avoir tenté d’agresser des amis avec un couteau appelé "feuille de boucher".
    France Bleu — Dordogne : ils menacent leurs amis avec un couteau "feuille de boucher"
  • Avec tout ce qu'on nous dit sur la viande, pour continuer à en manger aujourd'hui, faut vraiment être boucher !
    Laurent Ruquier — Vu à la radio
  • Premier acte, dans la nuit du samedi 30 au dimanche 31 mai, dans le centre-ville de la commune. Le conteneur à poubelles d’un commerçant vient d’être incendié. D’après les premiers éléments de l’enquête, ce dernier, boucher de son état, aurait alors vu rouge et serait sorti dans la rue.
    Faits-divers - Justice | Saint-Jean-de-Bournay : un boucher, un couteau à la main, course un ado
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Images d'illustration du mot « boucher »

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Traductions du mot « boucher »

Langue Traduction
Anglais butcher
Espagnol carnicero
Italien macellaio
Allemand metzger
Portugais carniceiro
Source : Google Translate API

Synonymes de « boucher »

Source : synonymes de boucher sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « boucher »

Combien de points fait le mot boucher au Scrabble ?

Nombre de points du mot boucher au scrabble : 14 points

Boucher

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