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Condamner

Définitions de « condamner »

Trésor de la Langue Française informatisé

CONDAMNER, verbe trans.

Déclarer quelqu'un ou quelque chose coupable par un jugement officiel.
I.− [Le compl. d'obj. désigne une pers.]
A.− [Le suj. désigne une ou plusieurs pers. ayant autorité en matière de justice] Déclarer quelqu'un coupable à l'issue d'une sentence judiciaire et le frapper d'une peine. Condamner qqn à mort, aux travaux forcés à perpétuité, à x jours (mois, ans) de prison. Anton. acquitter, gracier, amnistier.Pilate condamne un innocent, afin d'être ami de César (Barrès, Mes cahiers, t. 2, 1898, p. 37):
1. ... l'évidente bonne foi d'Hamelin, l'héroïque attitude de Saccard qui tint tête à l'accusation pendant les cinq jours, les plaidoiries magnifiques et retentissantes de la défense, n'empêchèrent pas les juges de condamner les deux prévenus à cinq années d'emprisonnement et à trois mille francs d'amende. Zola, L'Argent,1891, p. 418.
Rem. Autrefois, en style judiciaire, existait la constr. condamner en + une somme d'argent, supplantée par condamner à. Condamner en des dommages et intérêts (cf. Code de procédure civile, 1806, art. 128, p. 349).
SYNT. Condamner qqn à la réclusion criminelle, à des peines afflictives, infamantes, à un supplice, à l'exil, à une amende, aux galères, aux frais, aux dépens, à des dommages et intérêts; condamner sans appel; être condamné par défaut, par contumace, pour crime, pour meurtre, pour vol.
Spéc. [En parlant du Jugement dernier] Damner. Anton. sauver.Ça en fait toujours une de sauvée. Il n'aura point à condamner cette âme (Péguy, Le Porche du mystère de la 2evertu,1911, p. 216):
2. Parfois, elle résumait, ses lectures dans une parole sinistre; elle condamnait ainsi que Jéhova; son fanatisme sans miséricorde jetait voluptueusement les pécheurs à l'abîme. Frapper les coupables, les tuer, les brûler, lui semblait une besogne sainte... Zola, Madeleine Férat,1868, p. 124.
B.− P. anal. [En parlant du jugement, du diagnostic des médecins] Condamner un malade. Déclarer que son état de santé est désespéré. Une femme tuberculeuse que les docteurs condamnaient (Abellio, Heureux les pacifiques,1946, p. 296):
3. − « Ce qui aggrave, c'est que, depuis un an, mon père est condamné. Le mal progresse. Quelques semaines encore, et ce sera la fin. (...) » R. Martin du Gard, Les Thibault,La Sorellina, 1928, p. 1165.
C.− P. ext. et au fig. [Le suj. désigne une pers. ou un inanimé concr. ou abstr.] Condamner à + subst. ou inf. (désignant qqc. de difficile à faire ou à supporter).Astreindre à, obliger à. Synon. vouer à.
Condamner qqn (plus rarement qqc.) à + subst.Condamner qqn au silence, à la solitude, au repos; condamner un ouvrage à l'oubli (Ac. 1835) :
4. Louis XVIII avait vécu avant l'émigration dans la familiarité des écrivains sérieux ou futiles de sa jeunesse. Les longs loisirs de l'émigration, la vie immobile et studieuse à laquelle l'infirmité de ses jambes le condamnait, avaient accru en lui ce goût des entretiens. Lamartine, Nouvelles Confidences,1851, p. 302.
Condamner qqn (plus rarement qqc.) à + inf.Une déplorable myopie qui le condamnait à porter des lunettes (About, Le Nez d'un notaire,1862, p. 9).Que faire, lorsque des famines inévitables condamnent des millions de malheureux à mourir de faim? (Bergson, Les Deux sources de la mor. et de la relig.,1932, p. 239).
Se condamner à
Verbe pronom. réfl. S'obliger à, s'astreindre volontairement à. S'il se trouvait au contraire surpris au milieu de très grandes fatigues, il se condamnait à vingt-quatre heures de repos absolu (Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 1, 1823, p. 226).Ils [les athlètes grecs] se condamnent à la continence (H. Taine, Philosophie de l'art,t. 2, 1865, p. 191):
5. Dans plusieurs religions, et même dans le christianisme primitif, un prêtre se condamnoit à une réclusion volontaire où il passoit toute sa vie à prier pour le peuple, et à s'offrir pour lui en holocauste. Chateaubriand, Génie du christianisme,t. 2, 1803, p. 300.
Verbe pronom. passif. Être contraint, réduit à. Pour être vraiment réaliste, une description se condamne à être sans fin (Camus, L'Homme révolté,1951, p. 333).
II.− [Le compl. d'obj. désigne une chose concr. ou abstr.] Frapper d'une sanction sévère.
A.− [En parlant d'un tribunal civil ou ecclésiastique] Déclarer quelque chose mauvais, erroné, parce que contraire à la morale ou à la religion. Condamner une doctrine, une hérésie, un ouvrage (et p. méton. l'auteur de l'erreur). Synon. censurer, interdire, prohiber, proscrire.L'Inquisition a poursuivi et fait condamner sans rémission auteurs et livres hétérodoxes (La Civilisation écrite,1939, p. 1405).Le pape condamne cinq propositions hérétiques dans le livre de Jansénius (Montherlant, Port-Royal,1954, p. 1018):
6. Peu importe la date précise qu'on assigne à l'origine de la Réforme; on peut prendre l'année 1520, où Luther brûla publiquement à Wittenberg la bulle de Léon X qui le condamnait, et se sépara ainsi officiellement de l'Église romaine. Guizot, Hist. gén. de la civilisation en Europe,leçon 12, 1828, p. 6.
7. Faut-il croire que les juges qui condamnèrent Les Fleurs du Mal et Madame Bovary s'employaient pour le confort intellectuel de leurs contemporains? Aymé, Le Confort intellectuel,1949, p. 12.
P. anal., CRIT. LITTÉR. Déclarer non conforme aux règles, interdire l'usage de. C'est un mot dont l'usage a condamné l'emploi; les grammairiens condamnent ces façons de parler (Lar. 19e). Synon. bannir, proscrire.Parce qu'on fait tous les jours de mauvais vers, faut-il condamner tous les vers? (Chateaubriand, Les Martyrs, t. 1, 1810, p. 24):
8. Malgré leur défense, on continua à dire comme devant : « Je ferme ma porte1. » ... (1) Il est exact que l'Académie condamna cette locution. A. France, Les Opinions de Monsieur Jérôme Coignard,1893, p. 189.
B.− P. ext. Déclarer quelque chose et p. méton. quelqu'un blâmable, répréhensible, par un jugement de valeur individuel ou collectif sévère, énergique. Condamner d'avance, en bloc, absolument. Synon. blâmer, critiquer, déplorer, désapprouver, s'élever contre, rejeter. Anton. approuver, bénir, glorifier, louer.
1. [Le suj. désigne une pers. ou un groupe de pers.]
Condamner qqn (le comportement de qqn, et, p. méton., condamner qqn).On ne condamne point les gens sans les entendre (Collin d'Harleville, Le Vieux célibataire,1792, p. 129):
9. ... je me trouve pourtant comme en compagnie où une personne vous approuve, l'autre vous condamne; l'une est bienveillante, l'autre juge avec sévérité et critique tout ce que vous pouvez faire ou dire; l'une vous conseille de suivre telle direction, l'autre vous en détourne. Maine de Biran, Journal,1818, p. 168.
Condamner qqc. :
10. Faut-il donc condamner la civilisation de l'image? Ce serait méconnaître les possibilités qu'elle offre en contre-partie de ses dangers. Huyghe, Dialogue avec le visible,1955, p. 57.
Se condamner, verbe pronom. réfl.Avouer qu'on a tort. Vous avez raison, et je me condamne moi-même (Balzac, Le Médecin de campagne,1833, p. 229).
2. [Le suj. désigne un inanimé abstr. ou concr. (un indice, etc.)]
Condamner la conduite de qqn, et p. méton., condamner qqn. Faire apparaître le tort de quelqu'un, servir de preuve contre quelqu'un. Synon. accabler.Voilà des preuves qui vous condamnent (Besch. 1845); vos propres paroles vous condamnent (Lar. 19e). Il le faut avouer, les apparences me condamnoient (Chateaubriand, Les Martyrs,t. 1, 1810, p. 268).Aucune circonstance, absolument aucune ne plaidait en sa faveur. Tout le condamnait (Zola, Le Bête humaine,1890, p. 204).
Condamner qqc.Servir, par comparaison, à la condamnation de quelque chose. Cette expérience paraissait condamner l'ancienne électrodynamique (H. Poincaré, La Théorie de Maxwell et les oscillations hertziennes,1899, p. 54).Les petits portraits de l'école des Clouet (...) constituaient un ensemble parfait qui condamnait la prétention des autres ouvrages (Lhote, Peint. d'abord,1942, p. 123).
Rem. Pt Rob. signale le dér. condamnatoire, adj., dr. Qui condamne. Sentence condamnatoire.
C.− Déclarer l'usage d'une chose dangereux et par voie de conséquence l'interdire.
1. MAR. Condamner un navire. Interdire l'usage d'un navire parce qu'il est abîmé, trop vieux et donc dangereux.
Rem. Attesté ds Ac. Compl. 1842, Besch. 1845, Lar. 19e-20e, Littré, DG, Guérin 1892 et Quillet 1965.
2. Condamner un lieu (principalement une ouverture, un passage). Interdire l'accès, l'usage de. Synon. barrer, boucher, fermer, murer.Condamner une porte, une fenêtre :
11. Il y avait une porte donnant directement de la chambre dans le jardin, mais MmeLoiseau avait préféré la condamner, parce que quand elle était ouverte cela faisait de tels courants d'air avec la porte d'entrée, que déjà deux fois il avait fallu remplacer les vitres brisées, et maintenant pour remplacer les vitres! E. Triolet, Le Premier accroc coûte deux cents francs,1945, p. 211.
Au fig. Condamner sa porte (à qqn). Refuser de recevoir des visites. Ils se murèrent du monde, ils condamnèrent leur porte, ils n'acceptèrent plus aucune invitation (R. Rolland, Jean-Christophe,Les Amies, 1910, p. 1143).
Prononc. et Orth. : [kɔ ̃dɑne] ou [kɔ ̃da-], (je) condamne [kɔ ̃dɑ:n] ou [kɔ ̃dan]. a) Timbre de la 2esyll. [ɑ] post. ds Passy 1914 et Barbeau-Rodhe 1930; cf. aussi de Fér. 1768, Fér. Crit. t. 1 1787, Gattel 1841; en ce qui concerne les ouvrages, cf. Rouss.-Lacl. 1927, p. 127, Buben 1935, § 99 et Kamm. 1964, p. 94, 97. [a] ant. ds Pt Lar. 1968, Dub., Larg. Lang. fr.; cf. aussi ds Land. 1834, Nod. 1844, Besch. 1845, Fél. 1851, Littré et DG (qui transcrit damne(r), damnation, au contraire avec [ɑ] post.). [ɑ] ou [a] ds Pt Rob. et ds Warn. 1968. G. Straka (La Prononc. parisienne ds B. de la Faculté des Lettres de Strasbourg, 1952, pp. 15-16) écrit au sujet de condamne(r) : ,,Dans la prononciation soignée, on maintient encore un [ɑ] postérieur long (en syllabe inaccentuée demi-long) tandis que la prononciation familière le remplace par un [a] antérieur.`` Il ajoute en note : ,,Cette tendance n'est pas d'origine populaire, mais propre à la prononciation des classes cultivées, elle est aussi régionale. À notre avis, c'est une réaction, chez des gens qui veulent bien parler, contre la tendance populaire à exagérer la différence entre les deux a.`` L'allongement de la 2esyll. du mot s'explique par la dénasalisation d'une anc. nasale. b) Non-prononc. de [m] implosif. Fér. Crit. t. 1 1787 s'élève contre l'orth. condanner, condannable, rencontrée ds Rollin et ds Richelet, qui traduit dans la graph. l'assimilation régressive s'étant produite dans des mots sav. introd. av. le xvies., dont l'orth. orig. fut conservée ou restituée sans altérer la prononc. dans laquelle [m] n'est pas prononcé. (À ce sujet cf. aussi automne). Enq. : /kõdan/ (il) condamne. Ds Ac. depuis 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 2emoitié xes. piez condemnets part. passé adjectivé « blessé » (St Léger, éd. J. Linskill, 166); b) 4equart xives. « mettre hors de service, rendre inutilisable (ici un pont) » (Froiss., II, II, 176 ds Littré); en partic. 1678, 20 juill. condamner un vaisseau (Colbert ds Jal1, s.v. Arqué); 2. début xiies. « frapper quelqu'un d'une peine judiciaire » (Psautier Oxford, 108, 6 ds T.-L.); a) av. 1577 p. anal. (Montluc, Lettres, 9 [IV, 18] ds Hug. : Je suis condemné par les médecins de ne recouvrer d'un an, ne par adventure de ma vie, ma sainté); 1669 « [en parlant d'un écrit] déclarer non conforme à une orthodoxie » (Pasc., Pens., XXIV, 66 bis ds DG); av. 1704 « déclarer un malade perdu » (Boss., Lib. arb., II, Penit. 3 ds Littré); b) 1578 p. ext. « contraindre quelqu'un à quelque chose de pénible » (Ronsard, Les amours d'Eurymedon et de Callirée, 24 ds Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 17, p. 145); 3. 2emoitié xives. [date ms.] « considérer comme répréhensible, blâmer » (Légende dorée, Maz. 1333, fo29dds Gdf., s.v. descondamner); 4. 1810 « porter témoignage contre » (Chateaubriand, Les Martyrs, t. 1, p. 269 : Les apparences me condamnoient). Empr. au lat. class. condemnare « condamner (à une peine), déclarer (quelqu'un) coupable », « blâmer quelque chose » avec infl. de damnare, damnum pour le vocalisme en -a-(cf. la forme condam(p)nare des gloses, TLL s.v.) et pour le sens 1 de « rendre inutilisable », cf. le b. lat. condemnare terram « rendre une terre inculte, la dévaster » (Loi Salique ds Du Cange). Fréq. abs. littér. : 2 580. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 140, b) 2 754; xxes. : a) 4 084, b) 3 504. Bbg. Goug. Mots t. 1 1962, p. 236.

Wiktionnaire

Verbe - français

condamner \kɔ̃.dɑ.ne\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison)

  1. (Droit) Déclarer quelqu’un, par décision de justice, coupable d'un délit ou d'un crime et lui infliger la peine correspondante.
    • Arrêt de la Cour du Parlement, qui condamne une quidane, connue sous le nom de la femme des Ormes, à être attachée au carcan à la place Saint-Michel, et au bannissement pendant neuf ans, pour avoir escroqué différentes marchandises chez une lingère. (Du 24 janvier 1775.) — (Hippolyte Monin, L'état de Paris en 1789: études et documents sur l'ancien régime à Paris, Paris : chez D. Jouaust, Charles Noblet & Maison Quantin, 1889, p. 95)
    • Un jour, la fille de ma femme de basse-cour, Rosalie Rigard, —une enfant de seize ans— fut violée dans mon bois par un colporteur qui passait […] l’on arrêta le colporteur, qui fut envoyé aux Assises et condamné à cinq ans de réclusion. — (Octave Mirbeau, Le Colporteur)
    • Deux jours après, je passai devant le conseil de guerre, qui, après plaidoirie d’un avoué allemand, me condamna à mort pour espionnage […] — (Jacques Mortane, Missions spéciales, 1933, p. 31)
    • Il s’agissait d’une redoutable gouape, au regard vif, au teint livide. Ancien sous-off’ de la Légion, il avait d’abord été cassé de son grade, puis ayant « passé au falot », il s’était vu condamner à trente ans. — (Francis Carco, Les Hommes en cage, Éditions Albin Michel, Paris, 1936, p. 50)
    • Durandus eut beau exciper de son ignorance, il ne fut libéré qu’après s’être vu condamner à une amende. — (Léon Berman, Histoire des Juifs de France des origines à nos jours, 1937)
    • Le pauvre n'est plus tout à fait l'image du Christ sur terre mais un profiteur sans vergogne et paresseux, dont la paresse est fortement combattue ; une ordonnance de 1351 de Jean II condamne les vagabonds qui refusent de poursuivre une activité salariée. — (Dominique Ancelet-Netter, La Dette, la dîme et le denier: Une analyse sémantique du vocabulaire économique et financier au Moyen Âge, Presses Univ. du Septentrion, 2010, page 82)
  2. (Par extension) Blâmer, critiquer, désapprouver, rejeter.
    • Harland, qui a fort bien connu Vavilov, condamne sans réserves les théories mitchouriniennes, taxe Lyssenko de charlatan et dénonce les odieuses manœuvres qui ont abouti à la révocation des principales figures de la génétique soviétique. — (Joël et Dan Kotek, L’Affaire Lyssenko, Éditions Complexe, 1986, page 196)
    • Nous avons déja vu ailleurs que le Concile de Trente a condamné cette erreur. — (Jean Laurent Le Semelier, Conférences ecclésiastiques de Paris sur plusieurs points importans de la morale chrétienne, 1759 (orthographe du texte original respectée))
    • Martov ne condamnait pas la révolution d'Octobre, mais la monopolisation du pouvoir par le Parti bolchévique et sa façon de gouverner, la « commissariocratie ». — (Jean Elleinstein, D'une Russie à l'autre: vie et mort de l'URSS, éd. Messidor/Éditions sociales, 1992, page 143)
  3. (Par hyperbole) Obliger.
    • Mon Dieu, en quel martyre vous m’avez condamnée à vivre, enveloppée de duplicités, environnée d’embûches, cernée de chausses-trapes. — (Jean Rogissart, Hurtebise aux griottes, L’Amitié par le livre, Blainville-sur-Mer, 1954)
  4. (Par analogie) (Médecine) Déclarer que quelqu’un est atteint d’une maladie mortelle.
    • C’est un homme perdu, il a été condamné par tous les médecins qui l’ont vu.
  5. (Figuré) Fermer une porte, une fenêtre, de telle sorte qu’elle ne puisse plus s’ouvrir ; en empêcher, en interdire l’usage.
    • Quant au couloir, on le condamna en clouant la porte située au haut de l’escalier. — (Michel Zévaco, Le Capitan, 1906, Arthème Fayard, collection « Le Livre populaire » no 31, 1907)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

CONDAMNER. v. tr.
Déclarer par un jugement que quelqu'un est coupable d'un crime, d'un délit. Condamner un criminel, Condamner quelqu'un à mort, à la mort, aux travaux forcés, à la réclusion, au bannissement. Condamner aux dépens, à l'amende. Il fut condamné à lui payer telle somme. Fig., Voilà des preuves qui vous condamnent. Condamner quelqu'un au silence. Par analogie, Condamner un malade, Déclarer qu'il ne guérira point, que sa maladie est mortelle. C'est un homme perdu, il a été condamné par tous les médecins qui l'ont vu. Un malade condamné. Par extension, Condamner une porte, une fenêtre, Fermer une porte, une fenêtre, de telle sorte qu'elle ne puisse plus s'ouvrir ; en empêcher, en interdire l'usage. Une porte condamnée. Il signifie aussi Blâmer, désapprouver, rejeter. Il condamne tout ce que les autres font. Je condamne cette opinion. Une doctrine condamnée. Cette façon de parler est condamnée par tous les gens de goût. Son livre a été condamné par le Saint-Office. Cette maxime est condamnée de tout homme sage. Il ne faut pas le condamner sans l'entendre. Il se condamna lui-même en avouant ses torts. Le participe passé

CONDAMNÉ, ÉE, se dit comme nom, en Matière criminelle, de Celui, de celle contre qui une peine afflictive ou infamante a été prononcée. Le condamné s'est pourvu en cassation. Un condamné à mort.

Littré (1872-1877)

CONDAMNER (kon-da-né) v. a.
  • 1 Terme de jurisprudence. Prononcer un jugement contre quelqu'un. Condamner quelqu'un à la mort, à l'exil, aux dépens, à l'amende. Dieu condamne et punit ceux qui l'offensent, La Bruyère, XVI. … Un peuple infortuné Qu'à périr avec moi vous avez condamné, Racine, Esth. III, 4. L'un défenseur zélé des bigots mis en jeu Pour prix de ses bons mots le condamnait au feu, Boileau, Épît. VII.

    En style judiciaire, on dit condamner en, quand il s'agit d'une somme d'argent. La cour l'a condamné en mille francs d'amende. C'est un archaïsme.

    On a dit condamner de, en place de condamner à, qui est seul usité présentement. Quelqu'un vient d'être condamné en justice de payer pour un autre, La Bruyère, Théophr. 12.

  • 2 Par extension, il se dit des choses qui portent condamnation. Voilà les preuves qui l'ont condamné.
  • 3Condamner un livre, en parlant des tribunaux ecclésiastiques ou civils, en interdire la lecture et en ordonner la saisie ou la destruction.
  • 4 Fig. Réduire, astreindre, vouer. Ses fonctions le condamnent à une extrême assiduité. Il est condamné par ses infirmités à quitter le service militaire. Un rigoureux devoir me condamne au silence, Racine, Mithr. II, 6. Quel champ couvert de morts me condamne au silence ? Racine, Iphig. IV, 4. Apprendre à quel mépris Titus l'a condamnée, Racine, Bérén. III, 2. Est-ce qu'à faire peur on veut vous condamner ? Boileau, Sat. X.
  • 5 Par analogie, blâmer, désapprouver, réfuter. Polydamas a condamné les entreprises d'Adraste, il en a prévu les suites funestes, Fénelon, Tél. XX. Vous-même condamnant vos injustes desseins, Tantôt à vous parer vous excitiez mes mains, Racine, Phèd. I, 3. Je condamnai mes pleurs, et jusques aujourd'hui Je l'ai pressé de feindre et j'ai parlé pour lui, Racine, Baj. I, 4. Des témoins de sa mort viennent à tous moments Condamner votre doute et vos retardements, Racine, Mithr. I, 3. Je condamnai les dieux ; et, sans plus rien ouïr, Fis vœu sur leurs autels de leur désobéir, Racine, Iphig. I, 1. Je ne vois que malheurs qui condamnent les dieux, Racine, Andr. III, 1.

    Condamner de…, taxer, accuser. Les ornements ne la font point condamner de trop d'artifice, Corneille, Ex. de Cinna. Il n'oserait condamner d'aucun péché un homme qui …, Pascal, Prov. 7. Et c'est trop condamner ma bouche d'imposture, Molière, Tart. IV, 3. Ne me condamnez point d'un deuil hors de saison [ne m'accusez pas d'avoir un deuil hors de saison], Molière, Sgan. 16. Le peu de théologiens qui s'opposent à ce concours sont condamnés de témérité par tous les autres, Bossuet, Libre arb. 8.

  • 6Condamner un malade, prononcer qu'il ne réchappera pas de la maladie dont il est atteint. Ils attendent que les médecins les aient condamnés, Bossuet, II, Pénit. 3. Est-il quelque espérance [pour le duc de Berry blessé] ? Hélas ! un lugubre silence A condamné son triste époux [de la duchesse], Hugo, Odes, I, 7.

    Terme de marine. Condamner un navire, le rayer, comme trop vieux, de la liste des navires qui peuvent faire un service actif ; décider qu'il ne prendra plus la mer, qu'il servira de ponton, ou qu'il sera démoli.

  • 7Condamner une porte, une fenêtre, la clore de manière qu'elle ne puisse être ouverte. On condamna la cave, on ferma la cuisine, Boileau, Sat X. Quand par votre ordre exprès elle a vu travailler Ce maudit serrurier venu pour nous griller, Qu'elle a vu ces barreaux et ces grilles paraître Dont ce noir forgeron condamnait sa fenêtre…, Regnard, Folies amour II, 6.
  • 8Se condamner, v. réfl. Être condamné. Car, selon l'intérêt, le crédit ou l'appui, Le crime se condamne ou s'absout aujourd'hui, Régnier, Sat. III.

    Donner des preuves contre soi. Il se condamne par son propre récit.

    Se condamner l'un l'autre. Au dernier jour, tous vos auteurs s'élèveront en jugement les uns contre les autres, pour se condamner réciproquement dans leurs effroyables excès contre la loi de Jésus-Christ, Pascal, Prov. 13.

    S'astreindre, s'obliger. Il se condamnait, en rendant les sceaux, à rentrer dans la vie privée, Bossuet, le Tellier. Quelle serait la puissance des rois s'ils se condamnaient à en jouir tout seuls ? Massillon, Pet. Car. Humanité.

HISTORIQUE

XIIe s. [Ils] Cuveiterunt en l'aneme [âme] del juste, e sanc nunnuisant [innocent] condemnerunt, Liber psalm. p. 138.

XIIIe s. Li apostoles assanla [assembla] un grant concille pour condempner l'empereour, Chr. de Rains, 127. Et maistres Pierre de la Vigne revint de Lions, et conta à l'empereour coment il estoit condempnés de tiere, ib. Tuit cil qui moerent avant qu'il soient condampné de vilain cas de crieme, Beaumanoir, VII, 8.

XIVe s. Aucuns dotteurs font ici ceste question assavoir mon se le juge doit condempner celui que il scet certainement estre innocent, Oresme, Eth. 162. Il condempne un larron à mort non pas comme prestre mais comme juge, Oresme, ib. 164.

XVe s. Le pape et les prelats contournerent du tout la roine d'Angleterre et condamnerent en son tort, et mirent le roi d'Angleterre et son conseil à son droit, Froissart, I, I, 11. Mais encore ne volt il mie [Piètre du Bois] le pont condamner [fermer] de tous points, Froissart, II, II, 176. Et ainsi se condempna le roy en ceste amende, congnoissant qu'il avoit trop parlé, Commines, IV, 10.

XVIe s. Gardons-nous d'imposer le nom de justice aux œuvres qui sont condamnées de pollution par la bouche de Dieu, Calvin, Instit. 609. Estre condemné à mort, Montaigne, I, 54. Ceux qui condemnent les punitions capitales aux heretiques [ceux qui blâment ces condamnations], Montaigne, I, 55. Prins et condemné à la mort, Montaigne, I, 65. J'ay tousjours accusé d'impertinence ceulx qui condamnent ces esbattemens, Montaigne, I, 198. Condamner ces choses impossibles, c'est se faire fort de…, Montaigne, I, 202. Les condamnez qui attendoient l'execution…, Montaigne, II, 39. Ceux qui condamnent les autres par orgueil, il avient après que Dieu les condamne par justice, Lanoue, 72. Ne retirant point du tout nostre dilection de leurs personnes, encore que leurs erreurs et meschancetez soient condamnées de nous, Lanoue, 76. On en condamne aussi quelques uns d'aller aux guerres de Barbarie, Lanoue, 256. Quant à moy je ne veulx point ainsi rejetter ny condemner une histoire si renommée, Amyot, Solon, 56. Il condemna les Corinthiens en une amende de vingt talents envers eulx, Amyot, Thém. 45. On feit condemner et murer la porte de l'estuve, Amyot, Cimon, 5. En quoy il ne merite point d'estre blasmé ny condemné d'ingratitude, ains…, Amyot, Pomp. 29. Le roi fit condamner de pierres et autres meubles la porte ordinaire, D'Aubigné, Hist. III, 151. Tel a bonne cause qui est condempné, Cotgrave

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Étymologie de « condamner »

Provenç. condampnar ; espagn. condemnar ; ital. condennare, condamnare ; du latin condemnare, de cum, et damnare (voy. DAMNER).

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(XIe siècle) D’abord condemner (jusqu’au XVIe siècle). Du latin condemnare, composé de con- et de damnare (« damner »). Le mot est passé à condamner par influence de damner.
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Phonétique du mot « condamner »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
condamner kɔ̃dane

Fréquence d'apparition du mot « condamner » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « condamner »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « condamner »

  • Les jurés sont toujours réticents à condamner sur des présomptions.
    Elizabeth Gaskell — Mary Barton
  • Comprendre avant de juger, expliquer avant de condamner.
    Edwy Plenel — Secrets de jeunesse
  • Il vaut mieux enseigner les vertus que condamner les vices.
    Baruch Spinoza
  • Il ne faut pas condamner sans entendre.
    Clotaire II
  • La volonté de condamner emploie toujours l'arme qu'elle a sous la main.
    Gaston Bachelard — La Psychanalyse du feu
  • C'est pathétique de condamner le cours des choses. On n'arrête pas le futur.
    Will Self — Télérama, 4 février 2015
  • Les femmes les plus galantes deviennent sincèrement vertueuses quand il s'agit de condamner leurs rivales.
    Paul Bourget — Physiologie de l'amour moderne
  • Tous les griefs ont été retenus à l’unanimité par la Cour européenne des droits de l’homme pour condamner la France : traitement dégradant, détention irrégulière, atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale, violation de l’interdiction d’expulser collectivement des étrangers et absence de recours effectif.
    La CEDH condamne l’expulsion de mineurs isolés à Mayotte - Citoyenneté - Nationalité - Étranger | Dalloz Actualité
  • Le bon juge condamne le crime sans condamner le criminel.
    Sénèque
  • Nier la foi, c'est se condamner soi-même ainsi que l'esprit qui engendre nos forces créatrices.
    Charlie Chaplin — Ma vie
Voir toutes les citations du mot « condamner » →

Traductions du mot « condamner »

Langue Traduction
Anglais condemn
Espagnol condenar
Italien condannare
Allemand verurteilen
Chinois 谴责
Arabe ادانة
Portugais condenar
Russe осуждать
Japonais 責める
Basque gaitzesten
Corse cundannà
Source : Google Translate API

Synonymes de « condamner »

Source : synonymes de condamner sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « condamner »

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Condamner

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