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Lointain

Variantes Singulier Pluriel
Masculin lointain lointains
Féminin lointaine lointaines

Définitions de « lointain »

Trésor de la Langue Française informatisé

LOINTAIN, -AINE, adj. et subst. masc.

I. − Adjectif
A. − [Dans l'espace]
1.
a) [En parlant d'un lieu] Gén. littér. Qui se trouve au loin. Synon. éloigné; anton. proche.Villes, quartiers lointain(e)s; contrées, régions, terres lointaines; astres, cieux, horizons lointains; îles, mers, montagnes lointaines; lointaines campagnes; lointains rivages. Au fond du ciel immense, (...) la lune, lointaine, solitaire et triste (Maupass., Mt-Oriol,1887, p. 101).
b) [En parlant de pers., de leurs attributs] Qui vit dans, qui vient de, qui est originaire d'une contrée éloignée. Madagascar (...) je suis content que le drapeau français flotte sur ces populations lointaines, quoique, personnellement, ça ne me fasse pas la jambe plus belle (Pagnol, Marius,1931, I, 1, p. 14):
1. Aujourd'hui encore, de très lointains étrangers y affluent [au Grand Hôtel], touchés par le bruissement de Paris comme le sont les astronomes par les lumières des étoiles mortes... Fargue, Piéton Paris,1939, p. 234.
[P. allus. à l'hist. et à la litt.] La princesse lointaine. La comtesse de Tripoli dont s'était épris le troubadour Jaufré Rudel. À Londres je connus Bella, Princesse moins lointaine Que son mari le capitaine Qui n'était jamais là (Toulet, Contrerimes,1920, p. 70):
2. J'aimai toujours la France, dit l'officier sans bouger. Toujours. J'étais un enfant à l'autre guerre et ce que je pensais alors ne compte pas. Mais depuis je l'aimai toujours. Seulement c'était de loin. Comme la princesse lointaine. Vercors, Silence mer,1942, p. 36.
c) [En parlant d'une action] Qui se déroule dans des régions situées à une grande distance. Enfermée en son ménage, elle ne connaissait guère que sa rue, et quand elle s'aventurait dans un autre quartier, il lui semblait accomplir un voyage lointain en une ville inconnue et étrangère (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Pardon, 1882, p. 657).
2. [En parlant de phénomènes visuels, sonores]
a) Qui provient de loin, dont l'origine se situe en un lieu éloigné. Lueur, lumière lointaine; chant, écho lointain; rumeur lointaine; bruit sourd et lointain. Je m'étais endormi au son lointain de ces airs de danse ronde (...) qui m'arrivaient assourdis, fondus, poétisés, à travers du tranquille silence (Loti, Rom. enf.,1890, p. 295).Et, tandis que Joigneau rentre dans le bourg, plusieurs grondements lointains annoncent enfin l'orage (Martin du G., Vieille Fr.,1933, p. 1062).
b) P. anal. Qui semble venir de loin. Il parla très bas, d'une voix lointaine, qui semblait monter du passé (Zola, Rêve,1888, p. 132).Mathilde se pencha sur le front de mon ami, l'embrassa et lui dit : « Au revoir, mon enfant » d'une voix si blanche, si triste, et en même temps si solennelle, que je crus entendre l'adieu déjà lointain d'une mourante (G. Leroux, Parfum,1908, p. 93).
3. PHYS., CHIM. (Rayonnement) infrarouge lointain. (Rayonnement) infrarouge dont la longueur d'onde est grande par rapport à celles du spectre visible. Anton. proche.Dans l'infrarouge proche et lointain existent des bandes très intenses (Schatzman, Astrophys.,1963, p. 13).
(Rayonnement) ultraviolet lointain. (Rayonnement) ultraviolet dont la longueur d'onde est très éloignée de celle du spectre visible. Anton. proche.L'absorption du NACI pur incolore ne commence que dans l'ultra-violet assez lointain et l'on n'observe pas d'effet photo-électrique dans l'ultra-violet moyen et dans le visible (M. Curie, Luminescence,1934, p. 71).
B. − Au fig.
1. Absent, détaché, distant, qui semble se situer ailleurs.
a) [En parlant d'une pers.] Méprisant et lointain, le garçon ne les regardait pas (Miomandre, Écrit sur eau,1908, p. 25):
3. Octave était devenu un amoureux. Je m'en aperçus dès notre première conversation, à sa manière de rappeler un souvenir, à sa façon d'être tout à coup présent ou lointain, aux questions qu'il me posait sur un ton brûlant comme si je l'intéressais beaucoup. Chardonne, Romanesques,1937, p. 30.
b) [En parlant de la physionomie] Regards lointains. Tous quatre me dévisagent, avec une expression lointaine... Je souffre à crier, je souffre d'un plaisir affreux, comme si ma robe fût tout à coup tombée (Colette, Cl. s'en va,1903, p. 7).Il avait revu ses yeux bleu de lin, curieusement lointains et idéalistes, en retrait des spectacles immédiats, réservés pour des technicités très élaborées (Malègue, Augustin, t. 1, 1933, p. 244).
c) [En parlant des activités, des attitudes] Cette ironie un peu lointaine que vous aimez chez les gens d'église (Toulet, Tendres mén.,1904, p. 109).Arthur Rance et moi étions seuls à discuter, car Rouletabille semblait parti pour quelque rêve lointain et ne s'occupait en aucune façon de ce que nous disions (G. Leroux, Myst. ch. jaune,1907, p. 121).
2. Qui n'a pas de rapport direct (avec quelque chose, quelqu'un).
a) Synon. de indirect.C'est dans la mesure où nous prendrons conscience des causes proches et lointaines de cet écroulement que nous aurons des chances de nous en relever (Mauriac, Journal occup.,1944, p. 307).
b) Synon. de faible.Les rats et les souris ne présentent que de lointaines analogies avec l'homme (Carrel, L'Homme,1935, p. 60).
c) Qui est mal connu, qui est étranger. Il admirait avec feu certains grands hommes; mais ceux-ci appartenaient à des sphères si lointaines qu'elles me paraissaient mythiques (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 108).
d) CHIM. Qui a été obtenu au terme de plusieurs réactions. La plasmoquine, dérivé lointain de la quinoléine, fut introduite en 1926 (Hist. gén. sc.,t. 3, vol. 2, 1964, p. 439).
C. − P. anal. [Dans le temps] Qui nous reporte à une grande distance.
1. [Au passé] Reculé. Anton. récent.Époques, événements, siècles lointains; souvenir vague et lointain; (dans) un lointain passé. Une femme qui fut de mes amies − je dis fut, non qu'elle ait cessé de l'être, mais parce qu'à mesure que la vie avance, tout nous apparaît sinon passé, du moins lointain (Montesquiou, Mém., t. 3, 1921, p. 229).L'asepsie était inconnue en ces temps très lointains (Bergson, Deux sources,1932, p. 158).
[En parlant de pers.] Éloigné. L'action présente et future de l'homme, maître désormais des distances, armé de tout ce que la science met à son service, dépasse de beaucoup l'action que nos lointains aïeux ont pu exercer (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 15).
2. [Au futur]
a) Éloigné. Avenir proche ou lointain. M. Fallières (...) préparait, disait-on, une candidature plus ou moins lointaine à la présidence de la République (Proust, Guermantes 2,1921, p. 317).Cette fatigue physique accumulée, dont je ne sais trop comment elle me permettra d'atteindre sans avoir fléchi, la date encore lointaine du 1erjuillet (Du Bos, Journal,1926, p. 35).
[P. méton., en parlant d'une pers.] Je voudrais que ce lecteur encore lointain [de l'an 2000] puisse se former une idée de ce qu'était un écrivain à notre époque (Green, Journal,1945, p. 184).
b) À long terme. À lointaine échéance. Le général D. Haig avait immédiatement accepté les directives que je lui avais envoyées le 23 septembre, fixant comme objectifs lointains Achiet-le-Grand, Bapaume et Bertincourt (Joffre, Mém., t. 2, 1931, p. 259):
4. J'ai toujours été pour ma part très sensible à l'influence de ces perspectives toutes proches (une suite de journée, une fin de journée qui promet; alors que les perspectives de joies lointaines m'excitent assez peu...). Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 129.
II. − Subst. masc.
A. − [Dans l'espace]
1. Lieu, plan situé à une grande distance (de celui où l'on se trouve, de celui dont on parle).
a) Dans le lointain. À une distance perçue comme éloignée. La nuit grandissait, des becs de gaz dans le lointain s'allumaient un à un (Zola, Nana,1880, p. 1474).J'entendis distinctement un grand bruit de forges dans le lointain (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Voy. Horla, 1887, p. 1326).Quelques coups de tonnerre grondèrent dans le lointain (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 136).
Au lointain (littér.). Au loin. Ô la Femme! Prudent, sage, calme ennemi, (...) Tuant tous les blessés, pillant tout le butin, Et répandant le fer et la flamme au lointain (Verlaine, Œuvres compl., t. 2, Amour, 1888, p. 78).Lui regardait au lointain (Fabre, Xavière,1890, p. 54).Seul, parfois, ils voyaient miroiter au lointain Dans sa vasque de pierre un lac couleur d'étain (Heredia, Trophées,1893, p. 190).
Rem. Au lointain est déconseillé par certains puristes, qui recommandent les équivalents au loin et dans le lointain.
b) [Dans des descriptions de paysages] Au plur., littér. Lointains bleus, bleuâtres, brumeux, vaporeux. En été, après dîner (...) toutes les voitures du pays (Milan) se rendent au Bastion di porta Rense, élevé de trente pieds au-dessus de la plaine (...) on aperçoit les Alpes (...). C'est un des plus jolis lointains dont l'œil puisse jouir (Stendhal, Rome, Naples et Flor.,1817, p. 111).La neige éphémère est jolie sous nos climats. Un moment, elle change les résonances et les perspectives, elle précise et rapproche les lointains (Chardonne, Claire,1931, p. 213).Quelques rochers, un maigre ruisseau (très bleu quand il faisait beau) et pas d'arbres, derrière quoi il y avait des lointains aussi durs et aussi rêveurs qu'en Espagne, à ce que j'imaginais (Jouve, Scène capit.,1935, p. 190).
c) Le lointain de. La partie éloignée, reculée de. Il fit quelques pas hors de l'hôtel; il vit l'Aar avec sa belle robe verte, et, dans le lointain du ciel, une cime blanche qui flottait : il en fut bouleversé de joie (Rolland, J.-Chr., Antoinette, 1908, p. 906).Des lampes s'éteignaient quelque part très loin dans les brumes de la nuit éplorée, très loin, très loin, plus loin que le lointain des mers (Milosz, Amour. initiation,1910, p. 172).
Au plur. Lui, il se déplaçait; on pouvait ainsi le suivre du regard : c'est vers en haut qu'il se déplaçait, vers les dessus et les lointains de la pierraille, du côté des grandes parois (Ramuz, Derborence,1934, p. 249).Habitué aux horizons torrides de la Méditerranée, j'ai été étonné de sentir que les lointains de l'Adriatique étaient froids (Giono, Voy. Ital.,1953, p. 145).
[Désigne un plan éloigné à l'intérieur d'une pièce, d'un local] Rare. Ici, à la ganterie et aux lainages, une masse épaisse de chapeaux et de chignons barrait les lointains du magasin (Zola, Bonh. dames,1883, p. 541):
5. Lahrier, du même coup, avait tourné la tête, et tous deux ils fouillaient le lointain de la pièce où se dandinait, saluant les murs de droite et de gauche, un petit vieux monsieur au crâne nu, au visage mangé de barbe grise. Courteline, Ronds-de-cuir,1893, 1ertabl., II, p. 37.
B. − Spécialement
1. PEINT., DESSIN. Plan le plus reculé (d'un tableau). Anton. premier plan.La magie des lointains, cette partie de la peinture qui attache les imaginations tendres, est peut-être la principale cause de sa supériorité sur la sculpture (Stendhal, Hist. peint. Ital., t. 1, 1817, p. 152).Breughel de Velours est le plus connu avec ses paysages qui s'évanouissent en lointains d'un azur idéal (Gautier, Guide Louvre,1872, p. 155).
2. THÉÂTRE, rare. Fond du théâtre, partie de la scène la plus éloignée du public. Anton. face.Chaque fois qu'un acteur quitte l'avant-scène pour aller au lointain où il doit parler, il est d'usage de lui envoyer d'avance les premiers mots (Thibaut, Manuel souffleur, s.d., p. 79):
6. La scène ou pour mieux dire le Plateau étant divisé en plans se partage en deux parties : celle comprenant les premiers plans se désigne par la Face; les derniers plans constituent le lointain. Face et lointain prennent également leurs désignations respectives de cour et jardin. Genin, Lang. planches,1911, p. 35.
C. − P. anal., souvent littér. [Gén. dans le temps]
[Dans le passé] Époque très reculée, contexte très ancien. Nous ne pouvons les situer [les personnages de Michel-Ange, Vinci, Raphaël] dans aucun point de l'histoire positive; nous sommes obligés, pour leur trouver un monde, de les reculer jusque dans les lointains vaporeux de la légende (Taine, Philos. art, t. 2, 1865, p. 311):
7. En d'autres temps, sans doute aurais-je été curieux du passé de madame Mauchon : mais alors, la tragédie était trop le lot commun, des heures manquaient pour s'occuper d'événements rétrospectifs que la guerre reculait vers un lointain de préhistoire. Estaunié, Appel route,1921, p. 206.
[Dans l'avenir] Oh! quelle réponse rauque, excédée, à peine intelligible, où l'on sentait l'effort du malade obligé de se retourner dans son lit, de détacher ses yeux d'un lointain déjà entrevu (A. Daudet, Nabab,1877, p. 88).Pour Yves, c'était là une question très sérieuse, arrêter l'emplacement de cette petite maison, où il entrevoit, au fond d'un lointain mélancolique et étrange, sa retraite, sa vieillesse et sa mort (Loti, Mon frère Yves,1883, p. 284).
Prononc. et Orth. : [lwε ̃tε ̃], fém. [-εn]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Adj. A. Dans l'espace 1. d'une chose ca 1140 un lointain reialme (Pèlerinage de Charlemagne, 68 ds T.-L.); 1269-78 loingtiens pelerinages (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 9848); 1762 « qui vient de loin » (J.-J. Rousseau, Emile, IV, éd. B. Gagnebin et M. Raymond, p. 679 : ma table couverte ... de charognes lointaines); b) 1283 fig. loingtien degré de lignage (Beaumanoir, Beauvaisis, éd. A. Salmon, § 446); 2. a) d'une pers. ca 1140 « qui demeure, qui vient de loin » (Geffrei Gaimar, Estoire des Engleis, éd. A. Bell, 4498); b) fig. α) 1erquart xiiies. estre a Dieu lointains (Renclus de Molliens, Miserere, 24, 12 ds T.-L.); β) 2emoitié xiiies. parente lontaigne (Institutes, BN fr. 1064, fol. 46 b ds Gdf.); γ) 1422 lointaing immitateur des orateurs (Alain Chartier, Quadrilogue invectif, éd. E. Droz, prol., p. 1, 6). B. Dans le temps ca 1160 « qui remonte loin » molt lointaing äage (Eneas, 543 ds T.-L.). II. Subst. 1. 1155 « pays lointain » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 3846), ex. isolé; 2. 1640 peint. (A. Oudin, Seconde partie des Rech. ital. et fr. d'apr. FEW t. 5, p. 406 b; éd. 1642, p. 342 b); 3. 1685 « plan situé dans l'éloignement » en lointain (La Fontaine, Filles de Minée ds Œuvres, éd. R. Groos et J. Schiffrin, t. 1, p. 334). D'un lat. vulg. *longitanus (également postulé par les dér. ital. et cat., FEW, loc. cit.), dér. de longe (v. loin), peut-être d'apr. *subitanus (v. soudain), class. subitaneus. Fréq. abs. littér. : 5 613. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 5 097, b) 6 970; xxes. : a) 11 605, b) 8 806.
DÉR.
Lointainement, adv.a) [Dans l'espace] Au loin, dans le lointain. Le ciel était d'un bleu profond et tendre. L'air était sec, léger. Je respirais avec délices et tout mon être s'exaltait à l'idée de cette longue marche, de cette traversée de l'immense pays qui s'étendait lointainement devant nous (Gide, Voy. Congo,1927, p. 736).Ces après-dînées de dimanche, la campagne est vide, sans même une fumée qui traîne, lointainement (Pourrat, Gaspard,1931, p. 83).P. anal. Avec les caractères de ce qui vient de loin. Les lourdes cloches de la Cathédrale voisine l'emplissent [un jardinet] de leurs volées, et le piano d'une inconnue, sonnent lointainement! (Valéry, Lettres à qq.-uns,1945, p. 23).b) Au fig. Faiblement, vaguement. Je souffre moins ce matin après une bonne longue nuit, tout en sentant depuis dix minutes que lointainement la douleur recommence à poindre (Du Bos, Journal,1927, p. 176).Quoi? quoi? s'écria Agnès d'une voix franchement étonnée, et à peine inquiète, très lointainement inquiète (Drieu La Roch., Rêv. bourg.,1937, p. 122).Presque aveugle et aux trois quarts sourd, on ne s'avise de rien, ou si lointainement, si obscurément qu'il vaut mieux n'en rien dire (Arnoux, Zulma,1960, p. 231).Dans une faible mesure, à un moindre degré. Une information lointainement analogue à l'information consciente est peut-être à la base des phénomènes d'interaction de la mécanique ondulatoire (Ruyer, Cybern.,1954, p. 29).c) [Dans le temps] De beaucoup, très. L'étrangeté de ce roman pharaonique, le passé lointainement reculé dont il venait (Goncourt, Journal,1889, p. 1086).[lwε ̃tεnmɑ ̃]. 1resattest. a) Ca 1140 dans le temps « pendant longtemps » (Geoffroi Gaimar, Estoire des Engleis, éd. A. Bell, 4309), b) 1155 dans l'espace « au loin » (Wace, Brut, éd. I Arnold, 3832) - xvies., Hug., rare à l'époque mod.; de lointain (suff. -ment2*) : 1 du sens temporel de l'a. fr. lointain « qui dure longtemps » ca 1220 (Gui de Cambrai, Barlaam et Josaphat, 10164 ds T.-L.). Fréq. abs. littér. : 20.

Wiktionnaire

Nom commun - français

lointain \lwɛ̃.tɛ̃\ masculin

  1. Lieu éloigné, éloignement.
    • En ne me voyant plus, Hélène parut inquiète ; ses yeux noirs me cherchèrent dans le lointain de l’allée. — (Honoré de Balzac, La Femme de trente ans, Paris, 1832)
    • Aux alentours et dans les lointains invisibles, les tintements joyeux des clochettes argentines et les bourdons graves des sonneaux indiquaient à Mimile que les autres petits bergers, ainsi que les bergères de son âge rapatriaient comme lui vers l’abreuvoir et vers l’étable leurs troupeaux repus. — (Louis Pergaud, Un satyre, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
    • Elle prenait ma main, nerveuse, sérieuse, son regard flottant par la galerie ouverte, comme sur un lointain de sous-bois. — (Julien Gracq, Le Rivage des Syrtes, José Corti, 1951)
  2. Ce qui paraît le plus reculé à la vue, dans le fond d’un tableau, d'un point de vue.
    • Voici, certes, le plus beau site que nous ayons vu, dit-elle. […]. Voyez donc, Victor, quels lointains, quelle étendue et quelle variété. — (Honoré de Balzac, La Femme de trente ans, Paris, 1832)
    • Un village, un ancien couvent bâti en forteresse, variaient ces sites d’une simplicité orientale, qui rappelaient les lointains du Joseph vendu par ses frères, de Decamps. — (Théophile Gautier, Voyage en Espagne, Charpentier, 1859)
    • Il alla faire une excursion au-dessus de l’Hudson et de l’East River ; il s’éleva à plusieurs reprises, comme pour voir par-delà les lointains bleus. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 231 de l’édition de 1921)
    • Car nous pouvons aussi, voyez-vous, derrière l’éther des lointains, blottis au coin de l’âtre ou perdus dans la tourmente, faire preuve de révérence sans pour autant mourir idiots ! — (Jean-Paul Pelras, « Lettre à Ségolène Royal du “fin fond de nos campagnes” ». Lagri.fr, 15 décembre 2020)
  3. (Théâtre) L'arrière de la scène d'un théâtre.
    • Les événements étaient pour lui en carton, comme les poulets de la Comédie-Française, les vivants des figurants et les meubles des toiles peintes. Il se promenait dans l’irréel avec sa chère bonne figure carrée et pâlichonne, ses vaines appréciations, les mains dans les poches de son paletot, les yeux sur la herse ou le deuxième lointain, et l’oreille au souffleur. — (Léon Daudet, Souvenirs des milieux littéraires, politiques, artistiques et médicaux/Salons et Journaux, Grasset, 1917, réédition Le Livre de Poche, pages 289-290)

Adjectif - français

lointain \lwɛ̃.tɛ̃\

  1. Qui est fort éloigné du lieu où l’on est ou dont on parle.
    • La poussière du Vieux-Port, chargée de salures, éparpille un relent lointain de choses épicées. — (Ludovic Naudeau, La France se regarde : le Problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)
    • Enfin les îles sorties des eaux (atolls) portent une flore extrêmement pauvre, venue par des apports lointains. — (Henri Gaussen, Géographie des Plantes, Armand Colin, 1933, page 69)
  2. Qui provient de loin.
    • On entendait vers Noisseville des hourras et des accents lointains d'une musique allemande. — (Paul et Victor Margueritte, Le Désastre, 86e édition, Plon-Nourrit & Cie, page 168)
    • […], et mon long sommeil réparateur n'est interrompu que pendant quelques instants par des aboiements furibonds répondant aux glapissements lointains d'un chacal. — (Frédéric Weisgerber, Trois mois de campagne au Maroc : étude géographique de la région parcourue, Paris : Ernest Leroux, 1904, p. 40)
  3. (Par extension) Qui est fort éloigné dans le temps.
    • Et nous autres, leurs fils lointains, à travers les milliers d'années, nous ne sommes guère moins touchés en lisant aujourd’hui ces vénérables enfances du genre humain. — (Jules Michelet, Bible de l'Humanité, Calmann-lévy, 1876, page 28)
    • Des jours lointains. - Les siècles les plus lointains.
  4. (Figuré) Qui semble être ailleurs, venir d'ailleurs, se diriger ailleurs.
    • On eût dit que son regard, triste et lointain comme le regard des hommes qui ont longtemps vécu sur la mer ou dans les solitudes immenses, gardait comme un reflet de l’infini. — (Octave Mirbeau, Les eaux muettes )
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

LOINTAIN, AINE. adj.
Qui est fort éloigné du lieu où l'on est ou dont on parle. Un pays lointain. Des terres, des régions lointaines. La princesse lointaine. Les étoiles lointaines. En parlant du Temps. Des jours lointains. Les siècles les plus lointains. Nos lointains ancêtres.

LOINTAIN est aussi nom masculin et signifie Éloignement. Apercevoir dans le lointain. En termes de Peinture, Le lointain d'un tableau, Ce qui paraît le plus reculé à la vue, dans le fond d'un tableau. Il y a dans ce tableau des lointains très harmonieux.

Littré (1872-1877)

LOINTAIN (loin-tin, tê-n') adj.
  • 1Qui est éloigné du pays où l'on est ou dont on parle. …De là nous sont venus Tant d'arbres excellents autrefois inconnus, Ou qui ne se plaisaient qu'aux plus lointaines terres, Perrault, Ép. à la Quintinye. Des entreprises lointaines réussissent rarement, Voltaire, Ann. de l'Emp. Charles-Quint, 1536. Il reviendra vainqueur de ces lointains rivages, Ducis, Othello, II, 1. Climats lointains, Ducis, Oscar, I, 2.

    Qui est à une grande distance. Quand, sorti vers le soir des grottes reculées, Il s'égare à pas lents au penchant des vallées, Et voit des derniers feux le ciel se colorer, Et sur les monts lointains un beau jour expirer, Chénier, Élég. XI.

    Il se dit aussi quelquefois du temps. Les siècles les plus lointains. Oh ! dans ces jours lointains où l'on n'ose descendre, Quand trois mille ans auront passé sur notre cendre, à nous, qui maintenant vivons, pensons, allons, Hugo, Voix intér. IV.

  • 2 S. m. Plan situé dans l'éloignement. On voyait en lointain une ville naissante, La Fontaine, Filles de Minée. Le goût des points de vue et des lointains vient du penchant qu'ont les hommes de ne se plaire qu'où ils ne sont pas, Rousseau, Hél. IV, 11. Voyez dans le lointain Capoue ; elle a vaincu le guerrier dont l'âme inflexible résista plus longtemps à Rome que l'univers, Staël, Corinne, XIII, 4. Il [le fleuve] serpente et s'enfonce en un lointain obscur, Lamartine, Médit. I, 1.

    En peinture, le lointain d'un tableau, le plan le plus reculé, celui qui montre les objets plus ou moins noyés dans le vague de la perspective. Le peintre, dit-on, aurait pu finir davantage ces carnations, ces lointains, Fénelon, Exist. 89. C'est une fumée qui s'élève et qui fait fuir les montagnes qui font le lointain [tableau du Poussin], Fénelon, t. XIX, p. 345. Les lointains de Vernet sont vaporeux, ses ciels légers, Diderot, Salon de 1765, Œuvres, t. XIII, p. 143, dans POUGENS. Sous l'arcade, un escalier qui conduit vers la rive du lac ; au delà, un lointain, une campagne, Diderot, Salon de 1767, Œuvr. t. XIV, p. 401.

HISTORIQUE

XIIe s. Si [je] m'i comfort [en son souvenir], quant ele m'est loingtaine [absente], Couci, VIII.

XIIIe s. En un lointain pays [qu'elle] en soit tantost menée, Berte, XVI. Selonc ce qu'elle estoit de ses amis lointaine [éloignée], ib. L. [Ma fille] Se fait ainsi haïr [de] gent voisine et lointaine, ib. LXXIV. Se tere eschiet de costé à celi qui est mariés comme d'oncle ou d'antain [tante], de frere ou de sereur, ou de plus lointaing degré de lignage, Beaumanoir, XIII, 13.

XIVe s. Ceulx [les chiens] qui sont trop hastifs, trop loingtains, Ménagier, III, 2.

XVe s. Conseillé fut que … les lointains des lointaines marches d'Auvergne, du Dauphiné … s'en retourneroient tout bellement en leur pays, Froissart, II, II, 203.

XVIe s. Les coups de leurs fondes n'estoient pas moins certains et loingtains, Montaigne, I, 363. Les exils loingtains et solitaires, les prisons perpetuelles, Montaigne, I, 228. Nous sentons un plaisir singulier à escouter ceulx qui retournent de quelque loingtain voyage, Amyot, Préf. XIV, 42. Elle vouloit s'en aller habiter en quelque terre sur l'Ocean, loingtaine de la mer Mediterranée, Amyot, Ant. 90.

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Étymologie de « lointain »

Provenç. lonhdan, lunhdan, loindan ; ital. lontano ; d'un latin fictif longitanus, dérivé de longus, long.

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Du latin *longitanus postulé d’après l’équivalent italien lontano, plus avant, dérivé de longe, avec le suffixe -itanus, littéralement « qui est au loin, qui habite au loin ».
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Phonétique du mot « lointain »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
lointain lwɛ̃tɛ̃

Fréquence d'apparition du mot « lointain » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « lointain »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « lointain »

  • ô amour rempli de larmes parce que le plus proche est à jamais lointain !
    Clemens Brentano — Le Rêve du désert Der Traum der Wüste
  • Un arbre est une alliance entre le proche et le lointain parfait.
    Erri Luca — Trois Chevaux
  • L'amour n'est pas seulement la plainte déchirante d'un lointain violon, c'est aussi le craquement triomphant d'un ressort de sommier.
  • Aimer sans doute est le possible le plus lointain.
    Georges Bataille — L'Alleluiah, Gallimard
  • Chacun de nous a un jour, plus ou moins triste, plus ou moins lointain, où il doit enfin accepter d'être un homme.
    Jean Anouilh
  • L'artiste habite un univers lointain peuplé d'illusions, alors que le politicien mure son coeur .
    Sahar Khalifa — L'Impasse de Bab Essaha
  • Les petits détails, nous croyons l'avoir dit, sont, pour ainsi parler, le feuillage des grands événements et se perdent dans le lointain de l'histoire.
    Victor Hugo — Les Misérables
  • C'est un mot obscur que celui de l'amour. Il résonne dans nos coeurs comme le nom d'un pays lointain dont, depuis l'enfance, on a entendu vanter les cieux et les marbres.
    Christian Bobin
  • L'humanité en chaque être reproduit un univers presque lointain
    Pierre Oster — La musique des pierres
  • Afin d’assurer un lancement réussi de la fusée porteuse Longue Marche-5 Y4, qui servira pour la première mission d’envoi de sonde sur Mars de la Chine, l'équipe de surveillance et de contrôle des engins spatiaux du pays a achevé les travaux de préparation, comprenant des ajustements adaptatifs aux satellites de communication relais Tianlian et aux stations au sol de recherche dans l'espace lointain situées dans le nord-est et le nord-ouest de la Chine.
    Les satellites relais et les stations au sol de la Chine prêts pour la prochaine mission sur Mars
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Traductions du mot « lointain »

Langue Traduction
Anglais distant
Espagnol distante
Italien lontano
Allemand entfernt
Chinois 遥远
Arabe بعيد
Portugais distante
Russe отдаленный
Japonais 遠い
Basque urrutiko
Corse distanti
Source : Google Translate API

Synonymes de « lointain »

Source : synonymes de lointain sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « lointain »

Combien de points fait le mot lointain au Scrabble ?

Nombre de points du mot lointain au scrabble : 8 points

Lointain

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