La langue française

Accueil > Dictionnaire > Définitions du mot « retenir »

Retenir

Définitions de « retenir »

Trésor de la Langue Française informatisé

RETENIR, verbe

I. − Empl. trans.
A. − Empêcher un mouvement d'éloignement, contrarier un élan.
1. Empêcher (quelque chose) de s'écarter, de s'éloigner, de tomber, en tenant, en tirant vers soi ou en bloquant.
a) [Le suj. désigne une pers.] Retenir ses cheveux avec une barrette; retenir la porte à deux mains. Elle a croisé les doigts et retient un de ses genoux dans ses mains (Sartre, Nausée, 1938, p. 181):
1. La navigation par éclusées qui consiste à retenir les eaux dans les parties hautes des vallées pour les lâcher périodiquement, de façon à constituer un flot qui entraîne un convoi de bateaux (...) a disparu. Bourde, Trav. publ., 1929, p. 334.
P. métaph. On aura beau dire: sans la musique enregistrée, quelle eût été notre souffrance de ne pouvoir retenir au passage la plainte insaisissable! Quand le rejouera-t-on à Paris, ce quintette? (Mauriac, Journal 2, 1937, p. 129).
b) [Le suj. désigne la chose qui retient] Julien, animé dans ce moment d'une force surhumaine, tordit un des chaînons de la chaîne qui retenait l'échelle (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 358).L'étranglement retient un tampon de coton imbibé d'eau physiologique supportant un organe vivant (Camefort, Gama, Sc. nat., 1960, p. 157).
Au fig. Attirer, fixer. Retenir l'intérêt. Il paraissait insignifiant, rien dans sa personne ne retenait le regard (Peisson, Parti Liverpool, 1932, p. 17).Une certaine carte retint mon attention (Sartre, Mots, 1964, p. 193).
2. Freiner (l'élan, la course d'un animal, d'un attelage). Il retint un peu son cheval et ses regards cherchaient la jeune femme entre les volets rapprochés (Mauriac, Baiser Lépreux, 1922, p. 190).
Au fig. Contenir. Les justes bornes dans lesquelles le luxe doit être retenu (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 257).
Retenir sa langue. S'abstenir de trop parler. Alphonsine, vexée, pensa à lui demander: − C'est-il là, fend-le-vent, que t'as fait ton apprentissage pour si ben savoir retenir ta langue (Guèvremont, Survenant, 1945, p. 47).
Retenir son souffle*, var., retenir son haleine. Toutes les bouches retenaient leur haleine, comme si elles eussent craint d'ajouter le moindre souffle au vent qui secouait les deux misérables (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 450).
MUS. [En parlant de l'émission d'un son, de l'exécution d'un morceau, d'un air] Dans la prononciation de cette lettre [g] le sifflement produit par le ton de la voix est d'abord retenu dans la bouche et poussé ensuite au dehors par une très petite ouverture (La Madelaine, Chant, 1852, p. 168).Empl. abs. Cette réalisation [d'un fragment de fugue cité par l'auteur] (...) demande à être jouée avec douceur et en retenant imperceptiblement (Koechlin, Écrit. fugue, 1933, p. 103).
3. Empêcher la manifestation extérieure d'une émotion. Synon. contenir, réprimer.Retenir un geste de colère, un mouvement d'énervement; retenir un cri, un rire, un sourire. À la vue de cette humble habitation où rien n'était changé, Bernard ne put retenir son émotion (Sandeau, Mllede La Seiglière, 1848, p. 183).Il fit le compte de ce qu'il avait en poche, et ne put retenir une grimace (Martin du G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 658).
Retenir ses larmes, ses sanglots. Ses paupières battirent sans pouvoir retenir une larme qui glissa jusqu'à son menton (Bernanos, Soleil Satan, 1926, p. 77).
4. Empl. abs. [En parlant d'une femelle de mammifères] Devenir grosse après une saillie. Je m'occupe à faire saillir ici sept belles juments que j'enverrai chez moi si elles retiennent (Cl. Simon, Les Géorgiques, Paris, éd. de Minuit, 1981, p. 56).
B. − Retenir qqn
1.
a) Tenir quelqu'un pour l'empêcher de partir, de s'éloigner. Marthe, voulant retenir Eric. Mon fils! Mon fils! S'il allait s'exposer!... (Scribe, Bertrand, 1833, ii, 6, p. 159).Ils ne se savaient point guettés de la sorte, lui la retenait pour la baiser derrière l'oreille, tandis qu'elle recommençait à s'attarder sous les caresses (Zola, Germinal, 1885, p. 1245).
Faire rester près de soi. Puis, comme elle s'esquivait discrètement, il la retint d'un geste de la main (Miomandre, Écrit sur eau, 1908, p. 96).Il ne voit rien, mais il reste en arrière et retient Jaume par le bras (Giono, Colline, 1929, p. 93).
b) Empêcher, par force, quelqu'un de quitter un lieu, de se déplacer:
2. Il y aura dans chaque arrondissement, près du tribunal de première instance, une maison d'arrêt pour y retenir les prévenus; et, près de chaque cour d'assises, une maison de justice pour y retenir ceux contre lesquels il aura été rendu une ordonnance de prise de corps. Code instr. crim., 1808, art. 603, p. 789.
Retenir captif, prisonnier. Elle est entre nos mains, faible, isolée et gisante: nous pouvons d'ailleurs, à la moindre apparence suspecte, la retenir prisonnière jusqu'au jour de la délivrance (Gautier, Rom. momie, 1858, p. 291).
[Le suj. désigne une cause] La fièvre me retint une semaine au lit (Musset, Confess. enf. s., 1836, p. 191).La cave [d'une pension anglaise] était célèbre. D'autres voluptés encore y retenaient mes compagnons (Blanche, Modèles, 1928, p. 217).Au passif. Être retenu par ses obligations.
c) Faire en sorte que quelqu'un reste auprès de soi, ne vous quitte pas. Synon. garder.Adrienne se gardait de m'attirer ou de me retenir. Ce n'est pas toujours par l'amour que la captation commence (Colette, Sido, 1929, p. 68).Et Richard ne l'avait pas arrêtée, il ne l'appelait pas. Il restait là, cloué. C'était Jeanne, pourtant. Jeanne. Il ne l'avait pas retenue: est-ce qu'on retient sa jeunesse? (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 230).
Retenir (qqn) à + inf.Elle me retenait à dîner, la soirée s'ensuivait par conséquent (Musset, Confess. enf. s., 1836, p. 272).
Je ne vous retiens pas! [Expr. par laquelle on congédie] Dieu ce que je suis fatigué! Je ne vous retiens pas, Mizzi, comme Henriette n'est pas là... (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 141).Rare. [Avec plus] Merckens: Vous me renvoyez? Judith: Je ne vous retiens plus. Merckens: Adieu, mademoiselle. Judith: Adieu, monsieur (Becque, Corbeaux, 1882, iv, 2, p. 221).
2. Empêcher quelqu'un de faire une chose qu'on juge inopportune. Synon. dissuader.Quelques-uns, des étourdis, le voyant qui s'en allait, avaient bien proposé de lui courir après; on les a retenus (Ramuz, Gde peur mont., 1926, p. 220).Rare, avec compl. de + inf.Retenir qqn de faire une bêtise. N'assoiffez pas qui vous voulez retenir de boire (Gide, Journal, 1943, p. 221).
P. iron. Retenez-moi, ou... [Exclamation par laquelle on feint de ne pouvoir se contenir] Les chefs s'agitent et se répandent en discours qui signifient, sommairement: « Retenez-moi, retenez-moi, ou je vais faire un malheur » (Duhamel, Refuges de la lecture, 1954, i ds Rob.).
[Le suj. désigne le motif, la cause] J'ai hésité à l'interroger et finalement je ne l'ai point fait. La crainte de le voir ajouter à un vol un mensonge, m'a retenue (Gide, Faux-monn., 1925, p. 1156).Il avait une espèce de panique qui le retenait de toucher à cette loque vagissante (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 320).
Je ne sais pas ce qui me retient de... J'ai bien envie de... Sale frappe, va! Je ne sais pas ce qui me retient d'amocher ta large petite gueugueule en or! (Maran, Batouala, 1921, p. 97).
C. − Au fig.
1. Garder en mémoire. Retenir une expression, un air. Nous coucherons (...) à Blaye, dont les remparts sont de Vauban (si j'ai bien retenu ma leçon), à Blaye, patrie de Jauffré-Rudel (H. Bazin, Vipère, 1948, p. 160).Empl. pronom. passif. Mallarmé de qui les vers se retiennent si aisément (Valéry, Variété III, 1936, p. 18).
Retenir que, ce que... Il ne faut pas parler tout haut!... Jamais!... Et autant que possible, il ne faut pas parler du tout... Retenez bien ça... (Gyp, Souv. pte fille, 1928, p. 108).Voyez-vous, Mademoiselle Céleste, un jeune prêtre comme moi, dans son premier contact avec une nouvelle paroisse, doit être très discret, très prudent (...). Retenez aussi que j'appartiens à un autre diocèse (Bernanos, Crime, 1935, p. 737).
Fam. Je la retiens, celle-là! [Expr. soulignant le caractère saugrenu d'une assertion] Le général: (...) avant de parler écus, ne doivent-ils pas vous faire la cour [vos prétendants]? Nina: La cour?... Ah! je la retiens, celle-là... (Villars, Précieuses du jour, 1866, p. 21).
Fam. Je te (vous/le/les) retiens! [Formule par laquelle on signifie à qqn qu'il a dépassé certaines bornes] Brotonneau: − Je le retiens, cet Honoré! Louise: − Qu'est-ce qu'il y a? (Flers, Caillavet, M. Brotonneau, 1923, iii, 3, p. 20).
ARITHM. Faire une retenue. Supposons que nous ayons à multiplier 372 par 465. (...) nous écrivons 465 au-dessous de 372 et procédons comme il suit: 5 fois 2 font 10, je pose 0 et je retiens 1, 5 fois 7 font 35, 35 et 1 font 36, je pose 6 et je retiens 3, 5 fois 3 font 15, 15 et 3 font 18, je pose 8 et je retiens 1 (Berkeley, Cerveaux géants, 1957, p. 242).
2. Conserver, après un examen critique, après une sélection. Retenir une candidature, un témoignage. Voici terminée notre exploration sur les finances communales. Il resterait beaucoup de choses à voir, il y aurait encore bien à dire. Nous avons voulu retenir l'essentiel, indiquant ce qui nous est apparu le plus important au cours de notre propre expérience (Fonteneau, Cons. munic., 1965, p. 102).
3. Garder une partie d'une somme due, d'un traitement, etc. Synon. opérer une retenue*.Il lui serait retenu mille livres sur son traitement (Maurois, Sil. Bramble, 1918, p. 184).
4. Ne pas mettre en circulation, ne pas rendre public. Retenir des informations, un rapport. Crois ce que tu veux; peut-être suis-je lasse de retenir ce secret, peut-être le remords? (Bernanos, Soleil Satan, 1926, p. 111).
5. Demander à l'avance la disposition d'un service. Synon. réserver.Retenir une chambre, une place de théâtre. Elle avait retenu tout un étage à l'Auberge de Guillaume pour s'assurer un silence relatif (Gyp, Souv. pte fille, 1928, p. 225).
Retenir qqn.S'assurer de la disponibilité de quelqu'un, l'engager à l'avance. Voilà-t-il pas une belle affaire que leur bal? Si vous êtes curieux de savoir ce qui s'y passe, je vous le dirai, moi; on m'a retenue pour être au vestiaire (Theuriet, Mariage Gérard, 1875, p. 71).
6. DR. Garder contre quelqu'un un chef d'accusation. On n'a rien retenu contre lui. Mais peut-être n'aura-t-elle rien dit, on ne pourra retenir contre lui que le fait de nous connaître, elle aura eu pitié... (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 256).
Retenir une cause. Se juger compétent pour un procès; maintenir ce procès au rôle pour le juger de suite (d'apr. Lar. encyclop.; dict. xixeet xxes.).
II. − Empl. pronom. réfl.
A. − Se retenir à.Se tenir à quelque chose de fixe pour ne pas tomber, ne pas être entraîné. Synon. se raccrocher.On pose les pieds au petit bonheur: on fait des faux pas, on se retient aux parois (Barbusse, Feu, 1916, p. 182).Elle se cabra. Il dut se retenir au pommeau de la selle (Montherl., Bestiaires, 1926, p. 416).
B. −
1. Se retenir de + inf.Ne pas exécuter ce qu'on a envie de faire. Synon. s'empêcher de, s'abstenir de.Des femmes, tout en tâchant d'offrir leur meilleur sourire, ne se retenaient pas de sangloter, et enfonçaient leur bouche dans leur mouchoir (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p. 93).
Rem. En raison de la valeur nég. inhérente de se retenir, la nég. du régime inf. est exclue. La nég. est possible en recourant à la prép. pour. Enfin, il quitta le banc, se retenant pour ne pas fuir de toute la longueur de ses grandes jambes, s'éloignant pas à pas (Zola, Ventre Paris, 1873, p. 630). Lui aussi se retenait pour ne pas rire (Vailland, op. cit., p. 46).
[Le verbe compl. de se retenir n'est pas exprimé mais il figure dans le cont.] On bâillait de faim, les hommes surtout, sans se retenir (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 163).Elle a une telle intensité de caractère que l'on a envie d'éclater en sanglots, mais on se retient (Jouve, Scène capit., 1935, p. 77).
2. Empl. abs.
a) Ne pas se livrer, ne pas se libérer. Décidément, Mérimée se retient trop; il est trop exempt par système: il l'est, à la longue, devenu par nature (Sainte-Beuve, Poisons, 1869, p. 101).
b) P. euphém. Différer de satisfaire un besoin naturel. L'enfant découvre le plaisir de « se retenir » mais y renonce pour faire à sa mère le plaisir d'aller régulièrement à la selle (Delay, Psychol. méd., 1953, p. 157).
Prononc. et Orth.: [ʀ ətni:ʀ], (il) retient [ʀ ətjε ̃]. Barbeau-Rodhe 1930: se retenir [sə ʀtəni:ʀ], [sʀ ətni:ʀ]. Et aussi je retiens [ʒ ə ʀtjε ̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Trans. 1. ca 1050 « garder pour soi une partie de ce qu'on a reçu » (Alexis, éd. Chr. Storey, 99); 2. 3equart xiiies. « garder à part, conserver (un chiffre) pour la suite du calcul » (Comput, ms. Bibl. Nat. fr. 7929 [actuellement 2021] f o9 ds Littré); 3. a) 1546 « recevoir et conserver (un trait caractéristique, ici, le nom) » (Rabelais, Tiers Livre, L, éd. M. A. Screech, p. 334, l. 70); b) 1588 « conserver, garder (un trait, une habitude, une tradition) » (Montaigne, Essais, III, 8, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 922); 4. 1585 « prélever (une partie d'une somme) » (Du Fail, Contes et discours d'Eutrapel, Œuvres facétieuses, éd. J. Assézat, t. 1, p. 317). B. Trans. 1. ca 1050 « réserver, garder (pour quelqu'un) » (Alexis, éd. Chr. Storey, 407); 2. fin xives. « réserver, garder ou faire garder pour mettre à la disposition de quelqu'un » (Froissart, Chron., éd. G. Raynaud, t. 9, p. 191); 3. 1694 retenir une datte (Ac.). C. Trans. 1. a) ca 1100 « prendre et garder auprès de soi à son service » (Roland, éd. J. Bédier, 789); b) ca 1315-17 « engager, louer » (ici, des marins) (Assises Jérusalem, éd. H. L. Zeller, 28 R.r. 27); 2. a) ca 1100 « ne pas laisser partir, faire prisonnier » (Roland, éd. J. Bédier, 3948); b) 1656 « maintenir (dans une disposition, un état), ne pas permettre de s'écarter, de sortir de » (Pascal, Pensées, Œuvres compl., éd. L. Lafuma, Seuil, 451-620, p. 559); 3. a) 1155 « garder près de soi, faire rester, inviter » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 6658-59 ds T.-L.); 1548 retenir à souper (Du Fail, Baliverneries ou contes nouveaux, op. cit., t. 1, p. 160); b) 1667 je ne te retiens plus « va-t-en » (Racine, Andromaque, IV, 5). D. Trans. 1. déb. xiies. « maintenir, tenir pour empêcher l'action de » (St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 1731 ds T.-L.); 2. a) xiiies. « empêcher la dégradation de, maintenir en bon état » (Les Lorrains, ms. Berne 113, f o38c ds Gdf.); b) 1690 « maintenir pour empêcher la chute de, fixer » (Fur.); 3. a) ca 1225 « ne pas laisser aller (un aliment, un liquide) » ici « garder en son corps » (Pean Gatineau, St Martin, 6375-6378 ds T.-L.); b) 1691 retenir le temps (Mmede Sévigné, Lettres, éd. Monmerqué, t. 10, p. 31); 4. a) ca 1485 retenir de « empêcher de » (Mistère Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 3160); b) 1538 retenir que « empêcher que » (Est., p. 632); 5. a) 1538 « réprimer, empêcher (quelqu'un) de s'emporter ou de fauter » (ibid., s.v. contineo et reprimo); b) 1538 retenir son haleine, ses larmes (ibid., s.v. comprimo et contineo); 1553 retenir sa langue (Bible, Imprimerie Jean Gérard, Sapience, I, p. 26); 6. a) 1694 absol. « freiner, empêcher la voiture d'aller trop vite » (Ac.); b) 1762 manège « ne pas vouloir se porter librement en avant » (Ac.). E. Pronom. 1. déb. XIIes. « s'empêcher de, s'abstenir de » (St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 648 ds T.-L.); 1726 se retenir « réprimer un besoin, une envie (ici, de rire) » (Lesage, Le Diable boiteux, p. 338); 2. 1538 absol. « se contenir » (Est., s.v. cohibeo). F. Pronom. ca 1130 « s'accrocher, se maintenir pour ne pas tomber » (Gormont et Isembart, éd. A. Bayot, 400). G. Trans. 1. ca 1165 « mettre et garder dans sa mémoire, ne pas oublier » (Troie, 28 ds T.-L.); 2. a) fin xives. « considérer, noter » (Froissart, Chron., éd. S. Luce, t. 4, p. 176); 1545 retenir les péchez (Calvin, Institution, IV, VI, 3, éd. J.-D. Benoit, t. 4, p. 108); 1690 retenir une cause (Fur.); b) 1866 (Villars, loc. cit.). H. Trans. 1174-76 « garder par devers soi ce qui appartient à autrui » (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 2668). I. 1311 « concevoir, en parlant des humains » (De la Houce, ms. Turin ds Fabliaux, éd. A. de Montaiglon et G. Raynaud, t. 2, p. 2); 1678 en parlant des chevaux (Guillet, 1repart., p. 200). J. Adj. retenu 1538 (Est., s.v. retineo); 1559 « circonspect, sage » (Amyot, Vie des hommes illustres, Périclès, XIV ds Littré). K. 1718 « tenir à nouveau » (Le Roux, p. 451). L. 1874 « susciter l'intérêt de, être l'objet de » retenir l'attention (Mallarmé, Dern. mode, p. 807). Du lat. retinere « retenir, arrêter, contenir ». Fréq. abs. littér.: 7 601. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 9 223, b) 9 724; xxes.: a) 10 453, b) 12 958. Bbg. Brademann (K.). Die Bezeichnungen für den Begriff des « Erinnerns » im Alt- und Mittelfranzösischen. Tübingen, 1979, pp. 276-290.

Wiktionnaire

Verbe - français

retenir \ʁət.niʁ\ ou \ʁə.tə.niʁ\ ou \ʁtə.niʁ\ transitif 3e groupe (voir la conjugaison) (pronominal : se retenir)

  1. Garder par-devers soi ce qui est à un autre.
    • Retenir le bien d’autrui.
    • Pourquoi retient-il mes papiers ?
    • retenir les gages d’un domestique, le salaire d’un ouvrier.
  2. Garder toujours, conserver ce que l’on a, ne point s’en défaire, ne point s’en dessaisir.
    • Auguste retint l’empire.
    • Ce prince retint toute son autorité jusqu’à la fin de sa vie.
    • En termes de Jurisprudence, "donner et retenir ne vaut" signifie qu'une donation n’est point valable, si on ne se dessaisit pas en effet de ce que l’on donne.
  3. Se dit, dans ce sens, en parlant des habitudes, des qualités bonnes ou mauvaises que l’on n’a point perdues.
    • Retenir l’accent de son pays.
    • retenir ses vieilles habitudes.
    • Les bêtes féroces que l’on a apprivoisées retiennent toujours quelque chose de leur naturel.
    • Ce vase retient quelque chose de l’odeur du vin que l’on y avait mis.
    • Cet homme est bien corrigé, il n’a rien retenu de ses défauts. Il est vieux.
  4. Se souvenir, garder en mémoire.
    • Puis il ajouta qu’il allait partir pour Paris afin de retrouver le musicien auquel il t’avait loué, et qui lui avait donné son adresse à Paris rue de Lourcine chez un autre musicien appelé Garofoli. J’ai bien retenu tous les noms, retiens-les toi-même. — (Hector Malot, Sans famille, 1878)
    • Les ivrognes, maintenant accoudés au comptoir, braillaient une chanson dont ils n’avaient retenu que quelques paroles. — (Francis Carco, L’Homme de minuit, Éditions Albin Michel, Paris, 1938)
  5. Réserver.
    • Il a vendu tout son vin, hormis tant de pièces, qu’il a retenues pour sa table.
    • Il a affermé sa terre, mais il s’est retenu les bois et les vignes.
    • Il a donné son bien, mais il s’en est retenu, il en a retenu l’usufruit. Il est vieux.
    • Les juges ont retenu cette cause : ils s’en sont réservé la connaissance en décidant qu’elle leur appartenait.
    • Retenir une cause signifie aussi La conserver au rôle pour qu’elle soit jugée à son rang et sans délai.
    • Le président a refusé la remise qu’on lui demandait et a retenu la cause.
  6. (Mathématiques) Réserver un chiffre pour le joindre aux chiffres de la colonne suivante.
    • Huit et neuf font dix-sept : je pose 7 et je retiens 1.
  7. Prélever, déduire d’une somme.
    • Le greffier, les huissiers, les procureurs, vinrent chez lui en grand appareil lui rapporter ses quatre cents onces ; ils en retinrent seulement trois cent quatre-vingt-dix huit pour les frais de justice, et leurs valets demandèrent des honoraires. — (Voltaire, Zadig ou la Destinée, III. Le chien et le cheval, 1748)
    • En me payant, il a retenu la somme qu’il m’avait prêtée.
    • Il a retenu tant pour les frais, pour les réparations, pour ses déboursés, pour ses peines.
    • retenir tant sur le paiement d’un coupon.
  8. S’assurer par précaution une personne, une chose.
    • Retenir quelqu’un pour une partie de plaisir.
    • Je vous retiens à dîner pour dimanche prochain.
    • retenir un domestique.
    • retenir une chaise au sermon, une loge à l’Opéra, une place dans un train.
    • Cette place est retenue.
    • retenir un logement.
    • retenir une chambre dans un hôtel, une fenêtre sur une rue pour voir une cérémonie publique.
    • retenir une date.
  9. Arrêter, maintenir, faire demeurer.
    • Après la consultation, le docteur C***, médecin de la préfecture, me fit l’honneur de me retenir à déjeuner chez lui, avec deux de mes confrères. — (Anatole France, L’Étui de nacre, 1892, réédition Calmann-Lévy, 1923, page 132)
    • Son ventre retombait en plis grassouillets sur une taillole de flanelle grège retenant le pantalon. — (Jean Siccardi, La Chênaie de Seignerolle, Presses de la Cité, 2010, chapitre 17)
    • On l’a retenu plus longtemps qu’il ne pensait.
    • Je ne vous retiens pas.
    • Retenez-le à dîner.
    • retenir prisonnier.
    • Ce rhume l’a retenu quinze jours à la chambre.
  10. Saisir, tenir, pour empêcher un accident, une chute, ou pour s’opposer à une mauvaise action.
    • En un tour de main, j'insérai une K7 vierge dans la caméra, attrapai mon voile noir et dévalai l'escalier, me retenant à la rampe tant mes jambes mollissaient. — (Anne-Isabelle Tollet, La mort n'est pas une solution: Asia Bibi condamnée à la pendaison pour blasphème, Éditions du Rocher, 2015)
    • Il serait tombé dans le précipice, si je ne l’eusse retenu.
    • Il allait le tuer, si je ne l’eusse retenu, si je ne lui eusse retenu le bras.
  11. Arrêter, contenir, ne pas laisser aller.
    • La langue est dure, déformée et relevée à la pointe : c'est la « langue de bois » des paysans allemands. La mastication est difficile, la salive n’est plus retenue dans la bouche et l’animal dépérit considérablement. — (J. Cruzel & François Peuch, Traité pratique des maladies de l'espèce bovine, Éditions Asselin et Houzeau, 1892, page 104)
    • J’essayais, en contractant le gosier, d’absorber le moins possible d’eau et de résister à l’asphyxie en retenant le plus longtemps que je pouvais l’air dans mes poumons. Mais je ne pus tenir plus de quelques instants. — (Henri Alleg, La Question, 1957)
    • On retient l’eau avec des écluses.
    • Il y a de certaines terres qui retiennent l’eau.
    • retenir son haleine, ses larmes, ses cris.
    • retenir une poutre, L’attacher avec un lien de fer pour l’empêcher de tomber.
  12. (Absolument) Pour des chevaux de trait qui empêchent la voiture d’aller trop vite à une descente.
    • Il faut enrayer, car ces chevaux-là ne retiennent pas.
    • Ce cheval a les reins bons, il retient fort bien.
  13. Réprimer ; modérer ; empêcher de s’emporter.
    • Pàtsa s'avance en traînant les pieds, prend la craie et commence, laborieusement, à tracer : « Il n'ai pas a l'école passe qu'il a la pécole. »
      Éclat de rire général dans la classe. Le maître a du mal à retenir un sourire.
      — (Robert Dagany, La Muette d'Arenc: Marseille 1950, Le Fioupélan éditions, 2011, chapitre 45)
    • Cette considération me retint.
    • Je ne sais ce qui me retient que je ne… Il allait le frapper, mais il s’est retenu.
    • Il n’est pas si emporté qu’il ne sache bien se retenir quand il le faut.
    • Je me suis retenu de lui répondre.
  14. Mettre, imprimer, garder quelque chose dans sa mémoire.
    • Retenir par cœur.
    • Il n’a entendu ces vers qu’une fois et il les a retenus.
    • Il retient tout ce qu’il entend.
    • Je n’ai pas retenu son nom.
    • Je retiendrai cela toute ma vie.
    • Cette leçon se retient aisément.
  15. (Absolument) En parlant de la génération des animaux et signifie concevoir.
    • On a mené cette vache au taureau, mais elle n’a pas retenu.
    • Les signes de la chaleur de la vache ne sont point équivoques, elle mugit alors très fréquemment et plus violemment que dans les autres temps, elle saute sur les vaches, sur les bœufs et même sur les taureaux, la vulve est gonflée et proéminente au dehors ; il faut profiter du temps de cette forte chaleur pour lui donner le taureau, si on laissait diminuer cette ardeur, la vache ne retiendrait pas aussi sûrement. — (Georges-Louis Leclerc de Buffon, Histoire naturelle des animaux, in Œuvres, Bibliothèque de la Pléiade, 2007, page 580)
  16. (Pronominal) S’arrêter avec effort.
    • Se retenir au milieu de sa course.
  17. (Pronominal) (Absolument) Ne pas satisfaire un besoin naturel
  18. (Pronominal) (Équitation) Pour un cheval, qui ne veut pas se porter librement en avant.
    • Jamais on n’a vu un cheval se retenir comme celui-là.
    • Tous les jeunes chevaux se retiennent.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

RETENIR. v. tr.
Garder par-devers soi ce qui est à un autre. Retenir le bien d'autrui. Pourquoi retient-il mes papiers? Retenir les gages d'un domestique, le salaire d'un ouvrier. Il signifie aussi Garder toujours, conserver ce que l'on a, ne point s'en défaire, ne point s'en dessaisir. Auguste retint l'empire. Ce prince retint toute son autorité jusqu'à la fin de sa vie. En termes de Jurisprudence, Donner et retenir ne vaut, Une donation n'est point valable, si on ne se dessaisit pas en effet de ce que l'on donne.

RETENIR se dit, dans ce sens, en parlant des Habitudes, des qualités bonnes ou mauvaises que l'on n'a point perdues. Retenir l'accent de son pays. Retenir ses vieilles habitudes. Les bêtes féroces que l'on a apprivoisées retiennent toujours quelque chose de leur naturel. Ce vase retient quelque chose de l'odeur du vin que l'on y avait mis. Cet homme est bien corrigé, il n'a rien retenu de ses défauts. Il est vieux. Il signifie aussi Réserver. Il a vendu tout son vin, hormis tant de pièces, qu'il a retenues pour sa table. Il a affermé sa terre, mais il s'est retenu les bois et les vignes. Il a donné son bien, mais il s'en est retenu, il en a retenu l'usufruit. Il est vieux. En termes d'Arithmétique, Retenir un chiffre, Le réserver pour le joindre aux chiffres de la colonne suivante. Huit et neuf font dix-sept : je pose 7 et je retiens 1. En termes de Procédure, Les juges ont retenu cette cause, Ils s'en sont réservé la connaissance en décidant qu'elle leur appartenait. Retenir une cause signifie aussi La conserver au rôle pour qu'elle soit jugée à son rang et sans délai. Le président a refusé la remise qu'on lui demandait et a retenu la cause.

RETENIR signifie aussi Prélever, déduire d'une somme. En me payant, il a retenu la somme qu'il m'avait prêtée. Il a retenu tant pour les frais, pour les réparations, pour ses déboursés, pour ses peines. Retenir tant sur le paiement d'un coupon.

RETENIR signifie encore S'assurer par précaution une personne, une chose. Retenir quelqu'un pour une partie de plaisir. Je vous retiens à dîner pour dimanche prochain. Retenir un domestique. Retenir une chaise au sermon, une loge à l'Opéra, une place dans un train. Cette place est retenue. Retenir un logement. Retenir une chambre dans un hôtel, une fenêtre sur une rue pour voir une cérémonie publique. Retenir une date. Fam., Je vous retiens se dit à Quelqu'un qui vous a rendu un mauvais service dont on lui promet de se souvenir.

RETENIR signifie aussi Arrêter, maintenir, faire demeurer. On l'a retenu plus longtemps qu'il ne pensait. Je ne vous retiens pas. Retenez-le à dîner. Retenir prisonnier. Ce rhume l'a retenu quinze jours à la chambre. Il signifie encore Saisir, tenir, pour empêcher un accident, une chute, ou pour s'opposer à une mauvaise action. Il serait tombé dans le précipice, si je ne l'eusse retenu. Il allait le tuer, si je ne l'eusse retenu, si je ne lui eusse retenu le bras. Il s'est retenu aux branches. Retenir un cheval qui s'emporte.

RETENIR se dit aussi en parlant des Choses et signifie Arrêter, contenir, ne pas laisser aller. On retient l'eau avec des écluses. Il y a de certaines terres qui retiennent l'eau. Retenir son haleine. Retenir ses larmes. Retenir ses cris. Fam., Retenir sa langue, Ne pas se laisser aller à parler, être discret. On dit plutôt aujourd'hui Tenir sa langue. Retenir une poutre, L'attacher avec un lien de fer pour l'empêcher de tomber.

RETENIR se dit absolument des Chevaux de trait qui empêchent la voiture d'aller trop vite à une descente. Il faut enrayer, car ces chevaux-là ne retiennent pas. Ce cheval a les reins bons, il retient fort bien.

RETENIR signifie aussi Réprimer, modérer, empêcher de s'emporter. Si la crainte de Dieu ne me retenait... La vue de la force armée retint les manifestants. Cette considération me retint. Je ne sais ce qui me retient que je ne... Il allait le frapper, mais il s'est retenu. Il n'est pas si emporté qu'il ne sache bien se retenir quand il le faut. Je me suis retenu de lui répondre. Absolument, Se retenir, Ne pas satisfaire un besoin naturel.

RETENIR signifie encore Mettre, imprimer, garder quelque chose dans sa mémoire. Retenir par cœur. Il n'a entendu ces vers qu'une fois et il les a retenus. Il retient tout ce qu'il entend. Je n'ai pas retenu son nom. Je retiendrai cela toute ma vie. Cette leçon se retient aisément. Il s'emploie absolument en parlant de la Génération des animaux et signifie Concevoir. On a mené cette vache au taureau, mais elle n'a pas retenu. Cette jument a retenu.

SE RETENIR signifie S'arrêter avec effort. Se retenir au milieu de sa course. Il se dit aussi, en termes de Manège, des Chevaux qui ne veulent pas se porter librement en avant. Jamais on n'a vu un cheval se retenir comme celui-là. Tous les jeunes chevaux se retiennent. Le participe passé

RETENU s'emploie comme adjectif et signifie Qui est circonspect, sage, modéré, réservé. Il est fort sage et fort retenu. C'est un homme fort retenu dans ses discours. Il faut être plus retenu sur ces matières-là. On ne saurait être trop retenu à blâmer la conduite des autres. Une jeune fille modeste et retenue.

Littré (1872-1877)

RETENIR (re-te-nir) v. a.

Il se conjugue comme tenir.

  • 1Tenir encore une fois, ravoir. Je voudrais bien retenir l'argent que je lui ai prêté.

    Il voudrait bien retenir ce qu'il a dit, il voudrait ne l'avoir pas dit.

  • 2Garder par devers soi ce qui est à un autre. Retenir le bien d'autrui. On lui a retenu cinq francs sur sa paye. C'est toi qui as retenu ma montre ? Molière, Scapin, II, 5. On allait vendre ou du moins retenir son linge et ses habits, quand cette femme dont je parle a payé pour elle, Marivaux, Marianne, 11e part.
  • 3Ne point se dessaisir d'une chose, la garder toujours. Cinna, par vos conseils je retiendrai l'empire ; Mais je le retiendrai pour vous en faire part, Corneille, Cinna, II, 1. La possession d'un cœur est fort mal assurée, lorsqu'on prétend le retenir par force, Molière, Sicil. sc. 6. Brutus et Cassius me suivront en Asie ; Antoine retiendra la Gaule et l'Italie, Voltaire, M. de César, I, 3.

    Terme de palais. Donner et retenir ne vaut, une donation n'est pas valable, si l'on ne se dessaisit pas en effet de ce que l'on donne ; c'est ce qu'on appelle un brocard de droit.

  • 4En parlant des habitudes, des qualités bonnes ou mauvaises, des observances, ne point perdre. Retenir l'accent de son pays. Ils retenaient encore beaucoup des mœurs de leur pays, Vaugelas, Q. C. 409. Dans la suite, on se dispensa de cette loi, mais c'était l'intention de Romulus qu'elle fût gardée, et on en retint toujours quelque chose, Bossuet, Hist. III, 7. Je puis être à lui [Dieu], et retenir toute mon indignité, parce que je puis être à lui et n'en être pas meilleur, Bourdaloue, Purif. de la Vierge, Myst. t. II, p. 263. Il n'est pas moralement possible que ce chrétien retienne la fréquente communion, sans être puissamment et continuellement excité à purifier son cœur, Bourdaloue, Dim. Oct. du St-Sacrement, Dominic. t. II, p. 325. Vous vous faites à vous-même un plan de conduite dont vous ne bannissez que vos malheurs passés ; vous retenez tout ce qui peut vous y conduire par d'autres routes, Massillon, Carême, Pâques. Il [Pyrrhon] ne retint de la doctrine de ses maîtres que les principes qui favorisaient son penchant naturel à ce doute, Diderot, Opin. des anc. philos. Pyrrhonisme philos.
  • 5Prélever, déduire d'une somme. En me payant il a retenu la somme qu'il m'avait prêtée. Sur cette somme annuelle, on retenait une partie pour les habits, les armes et les tentes, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. XI, 1re part. p. 371, dans POUGENS.
  • 6Réserver. Il a donné son bien, mais il en a retenu l'usufruit. Il a affermé sa terre, mais il a retenu les bois et les vignes.
  • 7 Terme de procédure. Retenir une cause, se dit des juges qui décident qu'une cause est de leur compétence.

    Il signifie aussi : la conserver au rôle pour qu'elle soit jugée à son rang et sans délai.

  • 8 Terme d'arithmétique. Retenir un ou plusieurs chiffres, les réserver pour les joindre aux chiffres de la colonne qu'on doit calculer après : je pose 7 et retiens 2 ; ou, elliptiquement : pose 7 et retiens 2. En 145, je pose 5 et retiens 14.
  • 9S'assurer par précaution de ce qu'un autre aurait pu prendre. Ce jour-là, les comédiens avaient été retenus pour représenter une comédie chez un des plus riches bourgeois de la ville, Scarron, Rom. com. I, 19. Les violons sont retenus, le festin est commandé, et ma fille est parée pour vous recevoir, Molière, Mar. forcé, 14. J'ai déjà retenu quatre laquais qui jouent parfaitement du violon, Brueys, Grondeur, II, 15. Cet appartement, j'irai dès ce soir le retenir pour vous, Marivaux, Marianne, part. 3. Je lui avais retenu un intendant, qui devait aujourd'hui entrer chez elle ; et cependant elle en a pris un autre, Marivaux, Fausses confid. II, 4. Il [Racine] était bien pardonnable d'être un peu fâché contre ceux qui envoyaient leurs laquais battre des mains à la Phèdre de Pradon, et qui retenaient les loges à la Phèdre de Racine, pour les laisser vides et pour faire accroire qu'elle était tombée, Voltaire, Mél. litt. Honnêt. litt. préambule. Enfin, quoiqu'il n'eût pas besoin de secrétaire, En cette qualité monsieur l'a retenu, Collin D'Harleville, Optim. I, 2.

    Fig. Attendez que nous partions ensemble, quand je me verrai prêt à mourir, je vous manderai, si je puis, le jour que j'aurai retenu ma place au coche, D'Alembert, Lett. à Volt. 25 janv. 1770.

    Familièrement et ironiquement. Je vous retiens, je le retiens, se dit à propos de quelqu'un qui dit ou fait une sottise. Je vous retiens pour faire des commissions, se dit à quelqu'un qui s'en est mal acquitté.

    Populairement. Je retiens part, j'en retiens part, se dit, quand on voit quelqu'un ramasser quelque chose, pour signifier qu'on prétend avoir part à ce qu'il a trouvé. Je n'ai pu résister au plaisir de me vanter de vos bontés, et un passant a dit : j'en retiens part, Voltaire, Lett. à d'Argenson, 7 mars 1739. Je lui dirai, comme les gens du peuple : j'en retiens part, tant ses satires me paraissent redoutables, D'Alembert, Lett. à Voltaire, 4 déc. 1770.

    Retenir date, indiquer à quelqu'un un jour, une époque où l'on exigera de lui telle chose.

    Retenir une date en cour de Rome, prendre une date, s'assurer d'une date en cour de Rome.

    Dans l'ancien style parlementaire, ce conseiller a retenu le bureau, il s'est assuré d'un jour fixe pour rapporter le procès dont il est chargé.

    Je retiens croix, je retiens pile, se dit, au jeu de croix ou pile, pour signifier que l'on gage que le côté de la pièce de monnaie qui paraîtra sera croix, sera pile.

    On dit dans un sens analogue, quand on joue à pair ou non : je retiens pair, je retiens non.

    Les enfants disent de même dans leurs jeux : je retiens de jouer le premier.

  • 10Ne pas laisser aller, en parlant des choses qu'on arrête, qui sont arrêtées. S'il retient les eaux, tout deviendra sec ; et, s'il les lâche, elles inonderont la terre, Sacy, Bible, Job, XII, 15. Ils se sont creusé des citernes entr'ouvertes, des citernes qui ne peuvent retenir l'eau, Sacy, ib. Jérémie, II, 13. C'est une chaussée qui suit les bords de la Loire et retient cette rivière dans son lit, La Fontaine, Lettres, 7. Le cœur vole au plaisir que l'instant a produit, Et cherche à retenir le plaisir qui s'enfuit, Delille, Hom. des ch. I.

    Garder dans sa bouche. La première chose que je fis en mettant pied à terre fut d'entrer dans le lac [la mer Morte] jusqu'aux genoux, et de porter l'eau à ma bouche ; il me fut impossible de l'y retenir ; la salure en est beaucoup plus forte que celle de la mer, Chateaubriand, Itinér. 3e part.

    Garder dans son corps. Retenir son urine. Retenir son eau.

  • 11Retenir son haleine, ne pas la laisser sortir. Il [Fox, fondateur de la secte des quakers] se mit à trembler, à faire des contorsions et des grimaces, à retenir son haleine, à la pousser avec violence ; la prêtresse de Delphes n'eût pas fait mieux, Voltaire, Dict. phil. Quakers, 2. Ils [les Prussiens] se lèvent, ils l'entourent [d'Assas], lui mettent vingt baïonnettes sur la poitrine : si vous criez, vous êtes mort ; il retient son souffle un moment pour crier plus fort : à moi, d'Auvergne, les voilà, et il tombe percé de coups, Voltaire, Lett. Choiseul, 12 nov. 1768.

    On dit de même : retenir ses soupirs, ses larmes. Et vous, madame, Retenez des soupirs dont vous me percez l'âme, Corneille, Nicom. IV, 1. Nous ne pûmes, en le remerciant, retenir nos larmes, Fénelon, Tél. VI. Il ne la faut donner [la tragédie des Scythes] que quand Mlle Durancy sera sûre de son rôle, et qu'elle aura appris à répandre et à retenir des larmes, Voltaire, Lett. Florian, 4 mars 1767.

    Fig. Que de fois dans ce cœur, honteux de la tromper, Je retins mon secret qui voulait m'échapper ! Delavigne, Paria, I, 1.

    Retenir le rire, s'empêcher de rire. Elle confesse qu'elle avait tellement perdu les lumières de la foi, que, lorsqu'on parlait sérieusement des mystères de la religion, elle avait peine à retenir ce rire dédaigneux qu'excitent les personnes simples, lorsqu'on leur voit croire des choses impossibles, Bossuet, Anne de Gonz.

    Retenir sa langue, ne pas se laisser aller à parler, à trop parler. Pourquoi ces retraites, ces veilles, ces jeûnes, ces continuelles prières, si nous ne laissons pas avec cela de nous damner en ne retenant pas notre langue ? Bourdaloue, 11e dim. après la Pentecôte, Dominic. t. III, p. 256.

  • 12Arrêter, ne pas laisser aller, en parlant des personnes. Je suis encore ici, M. et Mme de Chaulnes font de leur mieux pour m'y retenir, Sévigné, 76. Il ne m'a retenu que pour parler de vous, Racine, Bérén. III, 3. Et qui s'honorerait de l'appui d'Agrippine, Lorsque Néron lui-même annonce ma ruine, …Quand Burrhus à sa porte ose me retenir ? Racine, Brit. I, 2. Il était tous les jours retenu pour quelque repas, Hamilton, Gramm. 6. Et de voir qu'on retînt en prison une belle dame et deux amis pour un crime qu'il n'avait pas fait, Voltaire, Zadig, 4. Au lieu que le roi [Charles XII] avait renvoyé tous ces prisonniers moscovites qu'il ne craignait pas, le czar retint les Suédois pris à Pultava, Voltaire, Charles XII, 4. Il voulut s'en aller, elle le retint : Vous êtes de mes amis, lui dit-elle, et l'un de ceux que je vois avec plus de plaisir, Rousseau, Hél. VI, 11. Il me retint par ma robe, en me suppliant de lui accorder un moment d'entretien, Genlis, Ad. et Th. t. II, p. 337, dans POUGENS.

    Retenir à, avec un infinitif, garder quelqu'un pour qu'il couche, dîne dans la maison. Mme de la Fayette me retint à coucher, Sévigné, 153. Je retins mon frère à dîner, Marivaux, Pays. parv. part. 6.

    Je ne vous retiens plus, se dit à une personne qu'on renvoie, à qui on permet de prendre congé. Monsieur, peut-être ailleurs êtes-vous attendu ; Je ne vous retiens point, Boursault, Fabl. d'És. III, 4. Je ne te retiens plus, sauve-toi de ces lieux, Racine, Andr. IV, 5. Il se dit aussi des choses qui font séjourner, qui arrêtent. Ce rhume l'a retenu dans sa chambre. La goutte le retient au lit. La bonté du terroir y retint ceux du pays, Vaugelas, Q. C. VIII, 2. La cour ne le retint guère [le duc d'Enghien], quoiqu'il en fût la merveille, Bossuet, Louis de Bourbon. Ne prétendrais-tu point, par tes fausses couleurs, Déguiser un amour qui te retient ailleurs ? Racine, Baj. V, 4. Pourrai-je m'arracher de ce séjour plein d'illusion, où rien ne m'attache, où tout me retient ? Genlis, Mme de Maintenon, t. I, p. 257, dans POUGENS.

    Fig. Vos périls me retiendraient à la vie, Exil de Cicéron, dans DESFONTAINES. Un ami mourant a souvent voulu que son ami lui prît la main, pour le retenir dans la vie, tandis qu'il se sentait entraîné par la mort, Chateaubriand, Italie, Tivoli.

  • 13Empêcher de sortir. Des faveurs de l'hiver redoutez le danger, Et retenez vos fleurs qui se pressent d'éclore, Rousseau J.-B. Sur un arbrisseau.

    Fig. Renfermés dans leur criminelle timidité, ils gardent un profond silence : ils retiennent la vérité dans l'injustice, Massillon, Avent, Épiphanie.

    Empêcher d'avancer, de cheminer. J'ai bien tâché [pendant le temps que je viens de passer avec vous] à retenir tous les moments, et ne les ai laissés partir qu'à l'extrémité, Sévigné, à Mme de Grignan, 10 nov. 1673. Le temps vole et m'emporte malgré moi ; j'ai beau vouloir le retenir, c'est lui qui m'entraîne ; et cette pensée me fait grand'peur, Sévigné, à Bussy, 12 juillet 1691. Les jours vont si vite, et les mois et les années, que, pour moi, mon cher cousin, je ne puis plus les retenir, Sévigné, ib.

  • 14Fixer, empêcher de tomber, de retomber. Corinne souleva le rideau, et le retint pour laisser passer lord Nelvil, Staël, Corinne, IV, 3.

    Retenir une poutre, l'attacher avec un lien de fer pour l'empêcher de tomber.

  • 15S'opposer à l'effet prochain d'une action. Il serait tombé dans le précipice si je ne l'eusse retenu. Reviens me rendre compte, et voir s'il faut hâter Ou retenir les coups que je dois lui porter, Voltaire, Fanat. II, 4. Mérope allait verser le sang de l'assassin ; Ce vieillard, dites-vous, a retenu sa main, Voltaire, Mérope, IV, 1.

    Fig. Le bruit de son trépas D'un vainqueur trop crédule a retenu le bras, Racine, Alex. IV, 4.

  • 16Réprimer, modérer, empêcher, en parlant des personnes. La crainte des peines les retient, Patru, Plaidoyer, 6. Mon père, retenez des femmes qui s'emportent, Corneille, Hor. II, 8. Leur sexe aime à jouir d'un peu de liberté ; On le retient fort mal par tant d'austérité, Molière, Éc. des maris, I, 2. En vain les rois d'Angleterre ont cru les pouvoir retenir [les esprits] sur cette pente dangereuse [de la liberté religieuse] en conservant l'épiscopat, Bossuet, Reine d'Angleterre. Il [Théodose] épouvanta les hérétiques sans les punir ; il les retint dans l'obéissance, Fléchier, Hist. de Théodose, III, 26. Par combien de liens il était retenu [dans le protestantisme] ! Fléchier, Duc de Mont. La raison pourquoi le cardinal Mazarin différait tant à accorder les grâces qu'il avait promises, c'est qu'il était persuadé que l'espérance est bien plus capable de retenir les hommes dans le devoir que non pas la reconnaissance, Racine, Fragm. hist. Ne me retenez point, monsieur le marquis, ne me retenez point, Lesage, Turcaret, V, 9. Ce n'est plus le besoin que j'ai de lui qui me retient ; c'est moi que je ménage, Marivaux, Fausses confid. II, 12. Vous êtes pour moi le démon de Socrate ; mais son démon se bornait à le retenir, et vous m'inspirez, Voltaire, Lett. d'Argental, 12 avr. 1760. On peut éclairer celui qui s'abuse ; mais comment retenir celui qui se vend ? Rousseau, Gouv. de Polog. ch. 7. Il a autant besoin d'être poussé que l'autre d'être retenu, Rousseau, Projet d'éduc.

    Il se dit des sentiments que l'on contient. Si cet homme est à vous, imposez-lui silence, Madame, et retenez une telle insolence, Corneille, Nicom. I, 2. Il est aisé de conclure que, parmi cette foule de pécheurs qui provoquent la colère du ciel, il y a quelques justes cachés qui la retiennent, Fléchier, Panégyr. Franç. de Paule. Je sais… que la force peut agir… pour assurer la paix, pour protéger l'innocence, pour arrêter la malice qui se déborde, et pour retenir la cupidité dans les bornes de la justice, Fléchier, Turenne. Il allait porter son encens avec peine sur les autels de la fortune, et revenait chargé du poids de ses pensées qu'un silence contraint avait retenues, Fléchier, Duc de Montausier. Je m'observe sans cesse pour retenir mon impatience, et pour empêcher qu'on ne s'aperçoive que je la retiens, Maintenon, Lett. à Mme de Glapion, 31 juillet 1712. Rendez grâce au seul nœud qui retient ma colère ; D'Iphigénie encor je respecte le père, Racine, Iph. IV, 6. C'est vous qui retenez mes passions impétueuses, Fénelon, Tél. XVII. Cette dignité qui retient les saillies du tempérament, cette humanité qui rend plus sensible aux impressions de la grâce, Massillon, Pet. carême, Vic. vert. des grands.

    Retenir avec de et un infinitif. Vous-même êtes-vous sûr que ce nœud la retienne D'ajouter, s'il le faut, votre perte à la mienne ? Corneille, Oth. II, 4. Bien des raisons doivent me retenir de parler, Maintenon, Lett. au card. de Noailles, 13 août 1711. Cette considération ne m'a jamais retenu de faire ce que j'ai cru bon et utile, Rousseau, Lett. à Moultou, 25 avr. 1762.

    Retenir avec que et le verbe au subjonctif. Et le retiennent qu'il n'y fonde Ou son amour ou son espoir, Corneille, Imit. I, 12, éd. 1651.

  • 17Retenir dans, imposer, prescrire. La crainte de renouveler vos peines et, plus que tout, la confiance que vous connaissez mon cœur, m'a retenu dans un silence que je crois que vous avez entendu, Sévigné, à Pompone, 24 nov. 1695.

    Absolument. Retenir quelqu'un, lui faire observer la discrétion, des ménagements. Vous ne pouvez le retenir que par la confiance, Genlis, Ad. et Th. t. II, p. 438, dans POUGENS.

  • 18Mettre, garder dans sa mémoire. Quiconque a beaucoup vu Peut avoir beaucoup retenu, La Fontaine, Fabl. I, 8. J'ai ouï dire, il y a longtemps, une parole d'un ancien que j'ai toujours retenue, Molière, Scapin, II, 8. Elle retient comme un éloge admirable ce que vous dites de M. Rouillé, que la justice est sa passion dominante, Sévigné, 178. Non-seulement elle [la religion] a été bien enseignée par les apôtres, mais encore elle a été bien retenue par ceux qui les ont suivis, Bossuet, 1er avert. 5. Ce qui est sûr, c'est que j'ai toujours retenu leurs visages, je les vois encore, je les peindrais, Marivaux, Marianne, part. I. Le véritable éloge d'un poëte, c'est qu'on retienne ses vers, Voltaire, Louis XIV, 32. En général, nous retenons plus facilement les idées qui ont le plus de rapport aux matières qui nous ont souvent occupés, Bonnet, Ess. anal. âme, 25.

    Absolument. Pourquoi parle-t-on [dans la chaire], sinon pour persuader, pour instruire, et pour faire en sorte que l'auditeur retienne ? Fénelon, Dialogues sur l'éloquence, I.

    Retenir que. Retenons bien que les objets extérieurs ne renferment rien d'agréable ni de fâcheux, Malebranche, Rech. vér. I, 17.

    Familièrement. Retenir quelqu'un, retenir ce qu'il dit. Pour de la logique, si nature vous en avait départi, à égale mesure, il n'y aurait plus qu'à vous écouter et vous retenir par cœur, Diderot, Lett. à Falconet, sept. 1766.

  • 19Il se dit absolument pour être fécondées en parlant des femelles des animaux. Il serait mieux, pour avoir d'excellents chevaux, de ne laisser couvrir les juments que de deux années l'une ; elles dureraient plus longtemps et retiendraient plus sûrement, Buffon, Quadrup. t. I, p. 85.
  • 20 Absolument. Se dit des chevaux qui sont au timon ou dans les limons, et qui empêchent la voiture d'aller trop vite à une descente. Ce cheval a les reins bons, il retient fort bien.
  • 21Se retenir, v. réfl. S'empêcher de tomber. Il se retint aux crins du cheval. Il [le hérisson] monte sur les arbres, et se retient aux branches avec la queue, Buffon, Quadrup. t. VI, p. 16.
  • 22S'arrêter avec effort. Il se retint au bord du précipice. Dès qu'une fois on a commencé à glisser ou à rouler avec un peu de vitesse, cette vitesse s'accélère continuellement, et il devient impossible de se retenir, Saussure, Voy. Alpes, t. IV, p. 32, dans POUGENS.

    Il se dit des chevaux qui ne veulent point se porter librement en avant.

    Terme de manége. Un cheval se retient ou reste derrière la main, lorsque, par caprice, il ralentit son allure.

    Il se retient, quand au lieu d'avancer, il saute, et ne part pas facilement de la main.

  • 23 Fig. Se modérer. Allons… je ne pourrais me retenir, et il vaut mieux quitter la place, Molière, G. Dand. II, 4. Cela me parut si horrible que j'eus peine à me retenir, Pascal, Prov. VII. Ne vous retenez point quand votre plume veut parler de la Provence ; ce sont mes affaires, Sévigné, 22 déc. 1675. Retenez-vous sur le jeu, vous avez été souvent témoin des malheurs que l'amour du jeu attire, Maintenon, Lett. à Mme d'Havrincourt, 24 févr. 1705. J'ai peine à me retenir, quand je parle de cette horrible aventure [l'exécution du chevalier de la Barre], Voltaire, Lett. d'Argental, 24 oct. 1774.

    Il se dit des sentiments dans le même sens. Croyez-moi, les épanchements de l'amitié se retiennent devant un témoin quel qu'il soit, Rousseau, Hél. IV, 7.

  • 24Différer de satisfaire aux besoins, aux mouvements naturels. Retenez-vous, vous ne pouvez pleurer ici. Tâchez de vous retenir jusqu'à ce que vous soyez chez vous. Je l'aimais aussi moi, madame, et j'en pleurerais, je crois, si je ne me retenais, Picard, Ricochets, I, 15.
  • 25Être gardé dans la mémoire. Ces préceptes se retiennent facilement.

HISTORIQUE

XIe s. De la viande ki de l'herberc vint Tant an retint, dunt son cors en sustint, St Alexis, LI. Blanc ai le chef et la barbe canuthe [chenue] ; Ma grant honur [fief] t'aveie retenue, ib. LXXXII. Ki retient le dener saint Pere, le dener rendra per la justice de sainte eglise, Lois de Guill. 20. Retenez les [gardez-les avec vous], c'est vostre salvement, Ch. de Rol. LXI.

XIIe s. Se [elle] ne me veut retenir ou quiter, Couci, VI. Puiz que mes cuers [mon cœur] ne s'en veut revenir De vous, dame, pour qui il m'a guerpi, Aumosne aurez, sel daigniez retenir, ID. IX. Je lo [conseille] bien que il [les messagers] soient et retenu et pris, Sax. XXVI.

XIIIe s. Jacques d'Avesnes retenoit le siege [continuait à assiéger] Corinthe, si com li marchis li avoit laissié, Villehardouin, CXXXV. Li maistres perd sa poine toute, Quand li disciples qui escoute, Ne met s'entente au retenir, Si qu'il l'en puisse sovenir, la Rose, 2065. Habiz de chasteé est aquis par usage de retenir soi contre ses covoitises, Latini, Trésor, p. 267. On oste trente et retient le sorplus, Comput, f. 9. Et tex cozes qui les retient à soi, li sires l'en pot sivir comme d'espave concelée, Beaumanoir, XXV, 21. Et s'ele [la procuration] est soufisans, le justice le [la] retient par devers li, Beaumanoir, IV, 24. En toutes ces choses que nous avons ordenées pour le proufit de nos subjez et de nostre royaume, nous retenons à nous pooir d'esclaircir, d'amender, d'ajouster et d'amenuisier, selonc ce que nous aurons conseil, Joinville, 297. Sire clerc, fist le roy, vous avez perdu à estre prestre par vostre proesce, et pour vostre proesce je vous retieing à mes gages, Joinville, 209. Bien retient ce c'on li enseigne, Ren. 15183.

XIVe s. Que ce soit retenu en memoire de ceux qui emprès nous vendront [viendront], Bercheure, f° 73, recto. En son ostel a vilain oste Qui mauvais conseillier retient, Jean de Condé, t. II, p. 47. Et sont et seront tenu lesdits religieux de retenir [entretenir] bien et souffisamment lesdites voies, Du Cange, retinere.

XVe s. Je le remercie grandement des beaux presens qu'il m'a presentés ; mais ce n'est mie l'aise ni la paix du roi d'Angleterre mon seigneur que je les retienne, Froissart, I, I, 300. Et en y eut bien de morts quatre mille huit cens, et retenus [faits prisonniers] quatre cens, qui furent amenés à St-Omer et mis en prison, Froissart, liv. 1er, p. 79, dans LACURNE.

XVIe s. Les aultres plantes ont retenu le nom des regions desquelles feurent ailleurs transpourtées, Rabelais, Pant. III, 50. Madame a retenu ce porteur, jusques à ce qu'elle se trouve si bien que le savoir vous en fist contentement, Marguerite de Navarre, Lett. XXXII. Qui aura leu diligemment, bien entendu et fidelement retenu les histoires…, Amyot, Préf. IV, 29. Ceste lecture retient et arreste tellement les bons esprits, qu'elle leur fait bien souvent oublier tous autres plaisirs, Amyot, Préf. XV, 42. Il les gaigna, leur promettant qu'il se retiendroit la superintendance de la guerre, et la garde des loix seulement, Amyot, Thésée, 28. Il estoit fort retenu et reservé en son parler, Amyot, Péric. X. Les Turcs en retiennent quelque chose [de cet usage], Montaigne, I, 48. La jeunesse, qui est desireuse de nouveauté et ardante en ses affections, ne se peut retenir qu'elle n'aille gouster, voire se saouler de ces douces poisons, Lanoue, 120. L'ame bien reiglée ne se retient pas seulement de mal faire pour crainte de punition, mais…, Calvin, Instit. 6. …Pour nous monstrer que c'est à dire, lier et deslier : assavoir de retenir les pechez et les remettre, Calvin, ib. 885. Donner et retenir ne vaut, Loysel, 659. Il estoit bourgeois de Paris ; Et de faict par un long usage Il retenoit du badaudage, Sat. Ménippée, l'Asne ligueur.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

RETENIR.
16Retenir que, avec le subjonctif. Ajoutez cet exemple : Pour ce que les enfants sont en un âge qui a besoin de conduite, ils [les pères] leur ont été baillés comme magistrats domestiques, pour les retenir qu'ils ne fassent rien de mal à propos, Malherbe, Lexique, éd. L. Lalanne.
Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Étymologie de « retenir »

Re…, et tenir ; wallon, ritai ; génev ratenir ; provenç. retener, retenir ; espagn. retener ; portug. reter ; ital. ritenere.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Du latin retinere, famille de tenere (« tenir »).
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « retenir »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
retenir rœtnir

Fréquence d'apparition du mot « retenir » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « retenir »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « retenir »

  • Tu es assez fort pour me retenir et assez intelligent pour me laisser filer...
    Anna Gavalda — Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part
  • Plus une calomnie est difficile à croire, plus pour la retenir les sots ont de mémoire.
    Casimir Delavigne — Les Enfants d’Edouard
  • Le mort est encore en morceaux. Le jour où l’on enterre, nous nous dispersons en piétinements, en mains d’amis vrais ou faux à serrer, en préoccupations matérielles. Le mort mourra demain seulement, dans le silence. Il se montrera à nous dans sa plénitude, pour s’arracher, dans sa plénitude, à notre substance. Alors nous crierons à cause de celui-là qui s’en va, et que nous ne pouvons retenir. Je n’aime pas les images d’Épinal de la guerre.
    Antoine de Saint-Exupéry — Pilote de guerre
  • Je sais nager juste assez pour me retenir de sauver les autres.
    Jules Renard
  • Peut-être qu'à force de retenir le pire, on finit par oublier le meilleur.
    Jean Dion — Le Devoir - 8 Avril 1999
  • Qui veut tout retenir laisse tout échapper.
    Pierre Corneille — La place royale
  • Mes cheveux tombent. Mes poux n'ont plus rien pour se retenir.
    Jules Renard
  • Si on veut retenir un chat qu'on a blessé, il griffe et se sauve.
    Marcelle Sauvageot — Laissez-moi
  • A force de se retenir d’aimer on peut en perdre la capacité.
    Frédéric Beigbeder — Au secours pardon
  • Voici ce qu'il fallait retenir des 6 matches de la nuit dans la bulle NBA.
    BasketSession.com - Le meilleur de la NBA : news, rumeurs, vidéos, analyses — NBA : Ce qu'il fallait retenir des 6 matches de la nuit dans la bulle
Voir toutes les citations du mot « retenir » →

Traductions du mot « retenir »

Langue Traduction
Anglais hold back
Espagnol recordar
Italien trattenere
Allemand halte zurück
Chinois
Arabe رجوع
Portugais espera um pouco
Russe сдерживать
Japonais 差し控える
Basque eutsi
Corse tratteni
Source : Google Translate API

Synonymes de « retenir »

Source : synonymes de retenir sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « retenir »

Combien de points fait le mot retenir au Scrabble ?

Nombre de points du mot retenir au scrabble : 7 points

Retenir

Retour au sommaire ➦