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Renoncer

Définitions de « renoncer »

Trésor de la Langue Française informatisé

RENONCER, verbe trans.

I. − Empl. trans. indir.
A. − Qqn renonce (à qqc.)
1.
a) Cesser de revendiquer, de faire valoir la possession ou la jouissance de, abandonner son droit sur. Renoncer à un don. Et la mère (...), après s'être déclarée respectueuse des volontés de son fils, avait simplement renoncé à la succession (Zola,Dr Pascal, 1893, p. 329).Stanislas, évincé de Pologne, recevait la Lorraine qui, à sa mort, retournerait à la couronne de France, tandis que le duc François de Lorraine, pour épouser Marie-Thérèse, renonçait à ses droits sur le duché (Bainville,Hist. Fr., t. 1, 1924, p. 280).
Absol. Se dessaisir d'un droit. V. renonciation ex. 2.
b) Accepter que quelque chose ne se fasse pas, n'ait pas lieu, n'existe plus. Il devait être fatigué et avoir renoncé à l'idée d'aller voir le clair de lune car il me demanda de dire au cocher de rentrer (Proust,Guermantes 2, 1921, p. 565).Renoncer à l'amour me paraissait aussi insensé que se désintéresser de son salut quand on croit à l'éternité (Beauvoir,Mém. j. fille, 1958, p. 144).
En partic. Se résigner à ne pas faire ce que l'on projetait ou espérait. Renonçant au théâtre, il s'inscrit à la Faculté de théologie de la petite Université d'Erfurt (Béguin,Âme romant., 1939, p. 22):
1. ...mais, lorsque les impressions de mon songe me revenaient en mémoire, il me semblait que renoncer à ce projet, c'était renoncer sans retour à tout ce qu'il y a de plus doux au monde, et je retrouvais tout mon courage. Toepffer,Nouv. genev., 1839, p. 159.
c) Ne plus espérer, ne plus compter sur. Synon. abandonner.Les femmes (...) n'admettent pas qu'une conviction politique soit l'équivalent d'une religion. Elles ne renoncent jamais à l'espoir de nous convertir, fût-ce au dernier moment (Ménard,Rêv. païen, 1876, p. 183).Vial ne renonçait pas tout à fait à l'espoir de se conduire en énergumène (Colette,Naiss. jour, 1928, p. 56).
d) Renoncer à + verbe à l'inf.Cesser de vouloir, de prétendre à. Renoncer à agir, à comprendre, à savoir. Le geste humain est tout à fait autre; en son plus beau mouvement, il renonce à prendre; il met la chose en place et la considère (Alain,Propos, 1921, p. 271).Et après? Ce n'est pas gênant d'être mort si on renonce à faire semblant de vivre (Beauvoir,Mandarins, 1954, p. 159).
2.
a) Abandonner volontairement ce que l'on a. Synon. se défaire de, se départir de, se priver de, quitter.Notre mère m'écrit à la fin de me faire assavoir que tu penses encore renoncer à l'état de prêtrise. Cela lui cause beaucoup de chagrin (Adam,Enf. Aust., 1902, p. 305).Par la force des choses, Hoffmann avait renoncé à sa carrière de fonctionnaire et le hasard avait résolu pour lui le problème en l'obligeant à faire de la musique son gagne-pain (Béguin,Âme romant., 1939, p. 306).
b) Ne plus se faire le défenseur de ce que l'on pense, de ce que l'on croit, de ce à quoi l'on tient. Synon. renier.Renoncer à une croyance, à ses prétentions, à une idée. Pour devenir écrivain, il a été forcé de renoncer à la méthode scientifique, comme tout le monde (Péguy,Argent, 1913, p. 1190).Si elle [la révolution] ne renonce pas à ses principes faux pour retourner aux sources de la révolte, elle signifie seulement le maintien (...) d'une dictature totale sur des centaines de millions d'hommes (Camus,Homme rév., 1951, p. 290).
c) Exclure de sa vie ce à quoi l'on est attaché. Renoncer à l'alcool, au café, à la drogue, au tabac. Et c'est une grave responsabilité que de fonder une famille. C'est renoncer à tous les plaisirs de la jeunesse, de la liberté... je dirais même de la solitude (Drieu La Roch.,Rêv. bourg., 1937, p. 45).
− Domaine mor. ou relig.Cesser d'être attaché à. Renoncer au monde, aux biens de ce monde. Car, après avoir renoncé au monde, il me faut renoncer à une solitude qui m'était plus douce que le monde (M. de Guérin,Corresp., 1833, p. 98).En partic., vieilli. Renoncer au monde. Entrer dans la vie religieuse. Lors de l'invention du corps de saint Vulfran, les Bénédictins confièrent la garde de ses reliques à une dame qui avait renoncé au monde et revêtu un habit religieux (Huysmans,Oblat, t. 1, 1903, p. 207).
d) Cesser volontairement de poursuivre un effort. Renoncer au combat, à la lutte. Renonçant au travail et me couchant de bonne heure pour m'assurer une bonne nuit, je ne parviens pas au sommeil, malgré plusieurs pastilles de sonéryl (Gide,Journal, 1930, p. 979).Les autorités françaises qui (...) ont renoncé à la guerre et empêchent ceux qui dépendent d'elles d'y participer, sont dans l'erreur et hors du devoir (De Gaulle,Mém. guerre, 1954, p. 674).
e) Cesser volontairement d'exercer, de pratiquer. Renoncer à ses fonctions, au métier des armes. Elle avait dû renoncer à son métier de doreuse, qui avait failli lui coûter la vie (Bloy,Femme pauvre, 1897, p. 29).Rimbaud, qui avait renoncé à la littérature, fut canonisé comme un saint de la littérature (Thibaudet,Réflex. litt., 1936, p. 160).
f) JEUX DE CARTES. Ne pas fournir la couleur qui est demandée. (Dict. xixeet xxes.).
B. − Qqn renonce à qqn.
1. Cesser de fréquenter, exclure de sa vie. Je ne puis décidément renoncer à ma sœur (Delacroix,Journal, 1822, p. 10).
En partic. Renoncer aux femmes. Ne plus rechercher la fréquentation, le commerce des femmes. Il pâlissait dès qu'il songeait à renverser sa vie, à renoncer à jamais aux femmes (Huysmans,En route, t. 1, 1895, p. 167).
2. Au fig. Renoncer à soi-même
a) Sacrifier tout égoïsme, tout intérêt personnel:
2. Incapable de renoncer au Christ comme il [Gide] l'était de renoncer à lui-même, il lui restait de tirer à lui chaque parole du Seigneur: ce fut un jeu où il excella. Son Retour de l'Enfant prodigue est, de ce point de vue, un chef-d'œuvre de gauchissement. Mauriac,Mém. intér., 1959, p. 188.
b) Se désavouer, se renier. Aucune orthodoxie politique ne m'impose son carcan comme à Vercors. Ce serait à moi-même que je renoncerais, si je renonçais (Mauriac,Nouv. Bloc-Notes, 1961, p. 11).
3. Loc. verb. Renoncer à Satan, à ses pompes et à ses œuvres. V. œuvre I B 1 c.
C. − Qqn renonce (empl. abs. ou intrans.).Abandonner un projet, cesser une activité par impossibilité ou difficulté d'en venir à bout. Alors l'athlète renonce et trahit son cœur (Arnoux,Gentilsh. ceinture, 1928, p. 117).Dans ce domaine [la souveraineté française], je ne saurais le moins du monde renoncer, ni même transiger (De Gaulle,Mém. guerre, 1956, p. 321).
II. − Empl. trans. dir.
A. − Qqn renonce qqn.
1. Vx. Renoncer qqn pour + subst. exprimant une relation familiale ou personnelle.S'il fait telle chose, je le renonce pour mon parent (Ac.).
2. Ne plus reconnaître, exclure de la vie, de ses préoccupations, de son amour. Synon. désavouer, renier.Comment a-t-on pu renoncer le Fils de Dieu (Péguy,Myst. charité, 1910, p. 141).La Prieure (d'une voix basse et rauque): Je viens de voir notre chapelle vide et profanée − (...) Oh! oh! Dieu nous délaisse, Dieu nous renonce! (Bernanos,Dialog. Carm., 1948, 2etabl., 9, p. 1604).
B. − Qqn renonce qqc.
1. Littéraire
a) Abandonner ce que l'on désavoue, ce à quoi l'on répugne. Mais c'est qu'elle était comme les malades qui veulent la guérison par les moyens même qui entretiennent la maladie, qu'ils aiment et qu'ils cesseraient aussitôt d'aimer s'ils les renonçaient (Proust,Fugit., 1922, p. 604).Ai-je plus ou moins souffert que les autres hommes? C'est ma bassesse qui m'a défendu... Que de fois ai-je renoncé la douleur! (Mauriac,Écrits intimes, Journal homme trente ans, 1948, p. 135).
b) Abandonner, sacrifier ce à quoi l'on tient. Dans les choses de l'esprit et de l'histoire, il y a des héritages qu'on ne peut renoncer (Camus,Actuelles I, 1948, p. 190).V. mortifier ex. 2.
2. Région. (Belgique). ,,Résilier (un bail); donner congé (à un locataire)`` (Piron Belgique 1978, p. 54).
III. − Empl. pronom., littér. Sacrifier tout égoïsme, tout intérêt personnel. À mesure que Lacordaire se renonce, nous le voyons s'accroître (Mauriac,Essais psychol. relig., 1920, p. 15).Tel homme veut se renoncer, rester chaste, mener la vie chrétienne. La porte s'ouvre à deux battants: entre l'orgueil paré des dépouilles de toutes les vertus, l'humilité comprise (Green,Journal, 1955, p. 37).
REM.
Renonciateur, -trice, subst.,dr. Personne qui fait une renonciation en faveur d'un ou d'une renonciataire (infra dér. 1). La saisie (...) des immeubles du renonciateur (Hugo,Misér., t. 2, 1862, p. 189).
Prononc. et Orth.: [ʀ ənɔ ̃se], (il) renonce [-nɔ ̃:s]. Att. ds Ac. dep. 1694. Conjug. Prend une cédille devant a et o: renonçais, -çons. Étymol. et Hist. A. Verbe trans. 1. ca 1155 « annoncer, rapporter » (Wace, Roman de Brut, 440 ds T.-L.); 2. ca 1245 « abandonner l'usage de quelque chose » (Philippe Mousket, Chroniques, 1164, ibid.); 3. ca 1320 « renier » (Précieux Sang, éd. O. Kajava, 224). B. Verbe trans. indir. 1. 1255 renoncer à « cesser, par une décision volontaire de prétendre à quelque chose » (Les Plus anciennes Chartes, éd. L. Carolus-Barré, p. 20); ca 1260 renoncer à + inf. (Menestrel de Reims, 362 ds T.-L.); 2. 1541 « abandonner volontairement ce qu'on a » (Calvin, Institution Chrétienne, éd. J.-D. Benoit, livre III, chap. 3, § 8, p. 72: renoncer à nostre nature et à toute nostre volonté); id. renoncer à soy-mesme (Id., ibid., chap. 7, § 2, p. 167); id. renoncer au monde (Id., ibid., chap. 3, § 8, p. 73); 3. 1680 terme de jeu de carte (Rich. t. 2). C. 1541 verbe pronom. (Calvin, op. cit., chap. 15, § 8, p. 272). Empr. au lat.renuntiare « annoncer en retour »; « renvoyer, renoncer à », comp. du préf. re- marquant le mouvement en retour et nuntiare « annoncer, faire savoir ». Fréq. abs. littér.: 5 544. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 7 498, b) 6 206; xxes.: a) 6 954, b) 9 673.
DÉR. 1.
Renonciataire, subst.,dr. Personne en faveur de qui on fait une renonciation. (Dict. xixeet xxes.). [ʀ ənɔ ̃sjatε:ʀ]. 1reattest. 1823 (Boiste Add. et Corr.); dér. sav. de renoncer, suff. -ataire, v. -aire2.
2.
Renonciatif, -ive, adj.Propre à la renonciation juridique. Clauses renonciatives. (Dict. xixeet xxes.). [ʀ ənɔ ̃sjatif], fém. [-i:v]. 1reattest. 1961 (Lar. encyclop., s.v. clause); dér. sav. de renoncer, suff. -atif, v. -if.
BBG.Quem. DDL t. 29.

Wiktionnaire

Verbe - français

renoncer \ʁə.nɔ̃.se\ intransitif 1er groupe (voir la conjugaison)

  1. Se désister de quelque chose, soit par acte exprès, soit autrement.
    • Ayant acquis la preuve des relations qui existaient entre Césaire et les assiégeants, les habitants décidèrent de déposer l’évêque dans une barque et de le lâcher sur le Rhône. […] et, sans doute pour éviter que le fugitif ne renseignât les assiégeants sur la situation de la ville, on dût renoncer au projet. — (Léon Berman, Histoire des Juifs de France des origines à nos jours, 1937)
    • (Absolument) (Justice)Si néanmoins les enfans trouvent , que la communauté ne leur soit pas avantageuse , ils y peuvent renoncer , comme le peuvent leurs heritiers en cas de décès. — (Jean Pontas, Dictionnaire de cas de conscience, ou Décisions des plus considérables dificultez touchant la morale & la discipline ecclésiastique., tome 1, Paris : chez Pierre-Augustin Le Mercier (& de nombreux autres libraires), 1726, p. 754)
  2. Quitter, abandonner la possession, le désir de quelque chose, l’attachement à quelque chose.
    • Mais le frère Brian est entré dans notre ordre par caprice et désappointement, entraîné, je n’en doute pas, à prononcer nos vœux et à renoncer au monde, non par la sincérité d’une vocation sincère, mais comme un homme qu’un mécontentement léger aurait poussé vers la pénitence. — (Walter Scott, Ivanhoé, traduit de l’anglais par Alexandre Dumas, 1820)
    • Après la chute tragique des combattants qui avaient cherché à s’éperonner, on renonça de part et d’autre à cette dangereuse offensive, et Bert ne distingua plus aucune tentative d’abordage. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 311 de l’édition de 1921)
    • Ce n’est pas par lâcheté, c’est par une immense modestie que l’on renonce ce soir à la guerre, au carnage, à sa mort, à la mort surtout des autres, des camarades. — (Jean Giraudoux, Retour d’Alsace - Août 1914, 1916)
    • Un corbeau déjà dressé et comment (il buvait du vin), avait jugé bon néanmoins de renoncer aux bienfaits de la civilisation et de reprendre la clé des bois. — (Louis Pergaud, La Traque aux nids, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
    • En effet, le cadavre était froid. L’homme essaya de le soulever : la rigidité, la lourdeur des membres le firent renoncer à son projet. — (Francis Carco, L’Homme de minuit, Éditions Albin Michel, Paris, 1938)
  3. (Religion) Se dépouiller de tout amour-propre.
    • Renoncer à soi-même, ce n'est pas se détruire, c'est donner et se donner. — (Michel Quoist, Construire l'homme, Éditions de l'atelier, Paris, 1997, p. 117)
  4. (Jeu de carte) Mettre une carte d’une autre couleur que celle qui est jouée, soit qu’on ait de cette dernière, soit qu’on n’en ait pas.
    • Renoncer à trèfle.
    • Renoncer à pique.
    • On joue pique et vous jouez trèfle : vous renoncez.

renoncer transitif 1er groupe (voir la conjugaison)

  1. Renier, désavouer, ne vouloir plus reconnaître quelqu’un pour ce qu’il est ou pour ce qu’on le croyait.
    • Avant que le coq chante, tu me renonceras trois fois.
    • S’il fait telle chose, je le renonce pour mon parent.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

RENONCER. v. intr.
Se désister de quelque chose, soit par acte exprès, soit autrement. Renoncer à la couronne. Renoncer à la succession de son père. Renoncer à la communauté. J'avais telle prétention, tel droit, mais j'y ai renoncé. Absolument, en termes de Procédure, La veuve a renoncé, à cause des dettes, c'est-à-dire A renoncé à la communauté.

RENONCER signifie aussi Quitter, abandonner la possession, le désir de quelque chose, l'attachement à quelque chose. Renoncer aux honneurs, aux dignités. Renoncer à l'amour. Renoncer au monde. Renoncer à Satan et à ses pompes. Renoncer aux plaisirs. Renoncer à l'amitié de quelqu'un. Renoncer au bonheur. Renoncer à la vie. Renoncer à une entreprise. Renoncer à la poursuite de quelque chose. Je voulais assurer son bonheur, mais j'y ai renoncé. J'ai dû renoncer à lui faire entendre raison. En style de Dévotion, Il faut renoncer à soi-même, se renoncer, Il faut se dépouiller de tout amour-propre.

RENONCER, en termes de jeux de Cartes, signifie Mettre une carte d'une autre couleur que celle qui est jouée, soit qu'on ait de cette dernière, soit qu'on n'en ait pas. Renoncer à trèfle. Renoncer à pique. On joue pique et vous jouez trèfle : vous renoncez.

RENONCER est aussi verbe transitif et signifie Renier, désavouer, ne vouloir plus reconnaître quelqu'un pour ce qu'il est ou pour ce qu'on le croyait. Avant que le coq chante, tu me renonceras trois fois. S'il fait telle chose, je le renonce pour mon parent.

Littré (1872-1877)

RENONCER (re-non-sé. Le c prend une cédille devant a et o : renonçant, renonçons) v. n.
  • 1Se désister, se déporter de quelque chose, soit par acte exprès, soit autrement. Renoncer à la couronne. Il a renoncé à la succession de son père. Renoncer à son droit.

    Absolument. Sa veuve a renoncé à cause des dettes, c'est-à-dire a renoncé à la communauté. La femme qui renonce perd toute espèce de droit sur les biens de la communauté, et même sur le mobilier qui y est entré de son chef, Code Nap. art. 1498.

  • 2Quitter, abandonner la possession, le désir de quelque chose, la prétention à quelque chose. On ne renonce point aux grandeurs légitimes, On garde sans remords ce qu'on acquiert sans crimes, Corneille, Cinna, II, 1. Moi, renoncer au monde avant que de vieillir, Et dans votre désert aller m'ensevelir ! Molière, Mis. V, 7. Ciel ! me faut-il ainsi renoncer à moi-même, Et par un imposteur me voir voler mon nom ? Molière, Amph. I, 2. En un mot, je renonce à plaire à madame de la Troche, sans renoncer à l'aimer ; car elle me trouvera toujours quand elle voudra se faire justice, Sévigné, 132. Rome, fatiguée et épuisée par tant de guerres civiles, pour avoir du repos, est contrainte de renoncer à sa liberté, Bossuet, Hist. III, 7. Peut-on vivre, direz-vous, de cette sorte ? peut-on renoncer à ce qui plaît ? Bossuet, la Vallière. Vous aviez solennellement renoncé au démon et à toutes ses œuvres, au monde et à toutes ses pompes, renoncé à la chair et à tous ses désirs sensuels, Bourdaloue, 3e dim. après l'Épiphan. Dominic. t. I, p. 150. Si celle-là [la duchesse du Maine] m'échappe encore [ne retourne pas à la piété], je renonce aux princesses, persuadée qu'il n'est pas possible que le roi en trouve une dans sa famille qui se tourne au bien, Maintenon, Lett. à Mme de Brinon, 27 août 1693. Pour moi, je vous le dis encore, je me suis bien trouvé d'avoir renoncé aux affaires avant ma mort, Fénelon, Dial. des morts anc. Dial. 38 (Sylla, Catilina et César). La première chose qui arrive aux hommes après avoir renoncé aux plaisirs, c'est de les condamner dans les autres, La Bruyère, XI. Aimant mieux renoncer à la vie qu'à la pudeur, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VII, p. 252, dans POUGENS. J'aurai du moins le plaisir de voir mes amis soutenir le théâtre, auquel mon grand âge, mes maladies et peut-être encore plus mes ennemis me forcent de renoncer, Voltaire, Lett. Lekain, 17 juill. 1767. Mon estomac, qui ne digère presque plus, m'a contraint de renoncer aux soupers : je lis le soir, ou je fais conversation, Lett. du roi de Pr. à Voltaire, 31 juill. 1767. Les épigrammes [de Racine] contre cette même Judith de Boyer et contre l'Aspar de Fontenelle, faites dans le temps de sa plus haute dévotion, prouvent que, s'il avait renoncé au théâtre, il n'avait pas renoncé à la satire, D'Alembert, Élog. Ch. Boileau. Elle [Christine] renonça à la Suède pour jamais, et revint à Rome, où elle passa le reste de ses jours mécontente et mal payée de ses anciens sujets, D'Alembert, Mém. Christ. t. IV, p. 59.

    Absolument Vous n'avez pas de constance, il ne faut pas renoncer sitôt. C'est un homme entêté qui ne renonce jamais.

  • 3 Terme de dévotion. Renoncer au monde, se consacrer à la vie religieuse. Rien n'irrite davantage les gens raisonnables que des hommes qui ont renoncé au monde, et qui cherchent à le gouverner, D'Alembert, Dest. des jésuit. Œuv. t. V, p. 94, dans POUGENS.

    Renoncer à soi-même, se dépouiller de tout amour-propre. Après qu'on a fait l'effort de renoncer à soi-même, on commence à l'aimer véritablement [le prochain], non pour soi-même, mais comme soi-même, Bossuet, la Vallière.

  • 4Abjurer, renier. Lucrèce : Quoi ! il me faudrait renoncer aux dogmes d'Épicure ? - Posidonius : Il vaut mieux renoncer à Épicure qu'à la raison, Voltaire, Dial. 7. Le Conseil… s'enhardit, en 1681, à donner une déclaration par laquelle les enfants [des protestants] étaient reçus à renoncer à leur religion à l'âge de sept ans, Voltaire, Louis XIV, 36. Mais renoncer aux dieux que l'on croit dans son cœur, C'est le crime d'un lâche et non pas une erreur, Voltaire, Alz. V, 5.
  • 5 Terme de jeux de cartes. Couvrir une carte avec une carte d'une autre couleur qui ne soit pas un atout. Renoncer à trèfle, à pique. On joue cœur, et vous jouez carreau, vous renoncez.

    Il se conjugue avec l'auxiliaire avoir.

  • 6 V. a. Renier, désavouer. Le Christ sera mis à mort ; et le peuple qui le doit renoncer ne sera point son peuple, Sacy, Bible, Daniel, IX. Jésus lui repartit : Je vous dis en vérité, que cette même nuit, avant que le coq chante, vous me renoncerez trois fois, Sacy, Évang. St Math. XXVI, 34. Si vous dites vrai, nous la renoncerons pour notre sang, et l'abandonnerons à votre colère, Molière, G. Dand. II, 9. Que pouvaient faire les Juifs, ses ennemis [de Jésus] ? s'ils le reçoivent, ils le prouvent par leur réception… et, s'ils le renoncent, ils le prouvent par leur renonciation, Pascal, Pens. XV, 8 bis, édit. HAVET. Ah ! ne me parlez point de Mme de Meckelbourg ; je la renonce ; comment peut-on, par rapport à Dieu et même à l'humanité, garder tant d'or, tant d'argent… ? Sévigné, 3 fév. 1695. Coriolan : Quand ma patrie m'a renoncé, et ne veut plus me rien devoir, le contrat est rompu entre nous, Fénelon, t. XIX, p. 267. Ne mettez plus le pied dans ma maison ; je vous renonce pour mon neveu, Lamotte, Calend. des vieill. sc. 2. Je suis un malheureux, mon oncle me renonce, Piron, Métrom. III, 9. Aristocrate sous Robespierre, libéral en 1815, il [Courier] va être pour vous, et ne vous renoncera que quand vous serez forts, c'est-à-dire insolents, Courier, 2e lettre particulière.

    On dit aussi renoncer, en parlant de choses qu'on désavoue, que l'on abandonne. Tout lui est bon [à Jurieu], pourvu qu'il vienne à son but de porter le flambeau de la rébellion dans sa patrie qu'il a renoncée, Bossuet, Déf. Var. 1e disc. 14. Comment cet homme dont il parle a-t-il renoncé la foi ? Bourdaloue, Serm. Dim. t. II, p. 39. Si ma raison s'y oppose, je la renonce comme une raison séduite et corrompue, Bourdaloue, 5e dim. après Pâques, Dominic. t. II, p. 244. On assure qu'ils [les perroquets amazones] ne renoncent jamais leurs nids, et que, quoique on ait touché et manié leurs œufs, ils ne se dégoûtent pas de les couver, comme font la plupart des autres oiseaux, Buffon, Ois. t. XI, p. 287.

  • 7Se renoncer, v. réfl. Renoncer à soi-même, faire une abnégation complète de soi-même. Pour avoir une parfaite religion, il faut savoir parfaitement obéir, il faut savoir se sacrifier, il faut savoir se renoncer, Bourdaloue, Fête des saints, Myst. t. II, p. 477. L'Évangile, qui ne nous prêche que de nous renoncer nous-mêmes, Massillon, Carême, Pard. Il faut donc toujours avec les grands se renoncer soi-même et n'exister que pour eux, Corresp. du gén. Klinglin, I, 469.

HISTORIQUE

XIIIe s. Si menrés [mènerez] avoec vous un nostre latinier [interprète] Qui sache lor raison entendre et renonchier [expliquer], Ch. d'Ant. VII, 125. Neporquant, s'il n'est ainsi, ne renonce il pas au privilege de clerc, Beaumanoir, XI, 43.

XIVe s. Li hermites li dist… " Girars, renunce as armes et à chevalerie, Jusque ta penitence à sept ans soit finie. " Girars de très bon cuer, en plorant, y renonce, Girart de Ross. V. 2217.

XVe s. Servirons et conseillerons, En renunçant à tous les drois Que nous y avons par les lois Et establissemens de France, Deschamps, Miroir de mariage, p. 119. Fut habandonné du roy René et renoncé de toutes pars [le duc de Bourgogne], Commines, V, 2.

XVIe s. C'est le heraut, qui nous a annoncé, Que Dieu avoit de tout poinct renoncé De se venger contre nous de l'injure Que lui avoit fait nostre ame parjure, Marot, I, 270. Mon cher enfant, tu n'as point merité Que te renonce [désavoue], Marot, IV, 58. Il nous faut ceder de nostre volonté, resigner nostre cœur, renoncer et quitter toutes les cupiditez de nostre chair, Calvin, Inst. 295. Dieu ne se peut renoncer, il fera ce qu'il a promis, Calvin, ib. 622. Christ veut avoir des disciples, lesquels s'estans renoncez, et ayans prins leur croix pour porter, le suivent ; celui qui a renoncé à soy mesme, a desja coupé la racine de tous maux, Calvin, ib. 627. Femme veuve, renonçant à la communauté, jettoit jadis sa ceinture, sa bourse et ses clefs sur la fosse de son mari ; maintenant il faut renoncer en justice et faire inventaire, Loysel, 132. Nous enrichissons les aultres animaux des biens naturels, et les leur renonceons, pour nous honorer des biens acquis, Montaigne, II, 167. Je renonce dez à present aux favorables tesmoignages qu'on me vouldra donner, parce que je seray mort, Montaigne, III, 303. Alors il luy envoya denoncer qu'il la renonceoit et repudioit pour femme, Amyot, Pomp. 61. Abjurans et renonceans tous erreurs au contraire, D'Aubigné, Hist. II, 228.

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Étymologie de « renoncer »

Berry, renoncier ; provenç. et espagn. renunciar ; ital. rinunziare ; du lat. renunciare ; de re, et nunciare, annoncer (voy. NONCE).

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Du latin renuntiare, de nuntiare.
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Phonétique du mot « renoncer »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
renoncer rœnɔ̃se

Fréquence d'apparition du mot « renoncer » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « renoncer »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « renoncer »

  • Il est plus facile de renoncer à une passion que de la maîtriser.
    Friedrich Nietzsche
  • Il serait indécent de renoncer au jazz.
    Marc Gendron — Opération New York
  • Je sais que la bière fait grossir et que je devrais y renoncer. Mais j'ai préféré renoncer à la coquetterie.
    Michel Audiard — Extrait du film "Maigret et l'affaire Saint-Fiacre"
  • Ecrire, c'est renoncer au monde en implorant le monde de ne pas renoncer à nous.
    Georges Perros — Papiers collés
  • Il ne faut jamais renoncer, mais lécher ses plaies et se redresser fièrement.
    Moses Isegawa — Chroniques abyssiniennes
  • En amour, il est plus facile de renoncer à un sentiment que de perdre une habitude.
    Marcel Proust — À la recherche du temps perdu, la Prisonnière , Gallimard
  • La vie prend un sens lorsqu'on en fait une aspiration à ne renoncer à rien.
    José Ortega y Gasset — El espectador, I
  • La tempérance est l’art de renoncer aux plaisirs qu’on n’éprouve plus.
    Georges Elgozy
  • Le plus difficile n'est pas d'avoir mal, mais de renoncer au bonheur.
    Jean-Paul Pinsonneault — Jérôme Aquin
  • Choisir c'est renoncer. Qu'il est difficile et terrifiant de renoncer.
    Dominique Lévy-Chédeville — L'Homme aux passions tristes
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Traductions du mot « renoncer »

Langue Traduction
Anglais renounce
Espagnol renunciar
Italien rinunciare
Allemand verzichten
Chinois 放弃
Arabe تنازل
Portugais renúncia
Russe отрекаются
Japonais 放棄する
Basque uko
Corse rinunce
Source : Google Translate API

Synonymes de « renoncer »

Source : synonymes de renoncer sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « renoncer »

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Renoncer

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