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Refuser

Définitions de « refuser »

Trésor de la Langue Française informatisé

REFUSER, verbe

I. − Empl. trans.
A. − Refuser qqc.
1. Refuser qqc. (de qqn)
a) Ne pas accepter ce qui est proposé (par quelqu'un). Refusant toute nourriture, sans cesse elle appelait son père (Courier,Pamphlets pol., Pétition aux deux Chambres, 1816, p. 6).J'ai refusé pour demain une place dans une très belle loge à l'Opéra, où l'on joue Roland (Flaub.,Corresp., 1865, p. 165).
SYNT. Refuser absolument, carrément, nettement, obstinément, vivement une aide, un cadeau, un don, une invitation, une place, un poste, un pourboire, une proposition.
Refuser l'armistice. Repousser l'armistice proposé par l'ennemi. Le roi Frédéric-Guillaume ayant refusé l'armistice qu'on lui offrait (...), l'Empereur se décida à entrer en Pologne (Sand,Hist. vie, t. 2, 1855, p. 137).
Refuser un mariage, refuser la main de qqn. Repousser l'offre de mariage présentée par quelqu'un. Il s'est présenté bien des comtes, des barons, mais elle a refusé tous les partis (La Martelière,Robert, 1793, ii, 8, p. 26).Elle refusa la main du grand roi Salomon (Nodier,Fée Miettes, 1831, p. 113).
Part. passé en empl. adj. Les pièces refusées par le service du contrôle (Villemer,Organ. industr., 1947, p. 146).
Refuser de + inf.Repousser (ce qui est proposé par quelqu'un). Par Dieu, je leur ferais une cuisine de grande route, et je ne sache pas que parmi vous il soit un homme assez dégoûté pour refuser de manger de mon rôti assaisonné avec du piment (Janin,Âne mort, 1829, p. 110).
b) En partic. Ne pas accepter une chose que l'on juge défectueuse, inadéquate ou inopportune. Refuser un colis, une marchandise. Certaines critiques l'obligèrent à refuser une robe d'un noir trop soyeux, trop brillant (Mauriac,Baiser Lépreux, 1922, p. 210).
ARTS. Rejeter une œuvre (ne pas accepter d'éditer un roman, de faire jouer une pièce, d'exposer un tableau) parce qu'elle ne possède pas les qualités qu'on en attendait. Le jury n'eut pas assez de boules noires pour refuser le Passage de la Bérésina (Murger,Scène vie boh., 1851, p. 180).Beaucoup d'entre eux pensent qu'un manuscrit refusé par un ou plusieurs éditeurs aura plus de chances d'être accepté s'il est présenté par une agence littéraire (Civilis. écr., 1939, p. 16-3).
2. Refuser qqc. (à qqn)
a) Ne pas accepter ce qui est demandé (par quelqu'un). Refuser un accord, une autorisation, un consentement, une discussion, une faveur, une grâce, un pardon, un sacrement, un service. Vous me refusez une réponse à la seule question qui vaille la peine d'être posée (Bernanos,Joie, 1929, p. 693).Absol. Allons, il faut en finir: vous acceptez ou vous refusez! Si vous refusez comme les autres, je n'ai plus, je vous le répète, qu'à disparaître (Billy,Introïbo, 1939, p. 126).
Refuser sa porte à qqn. Ne pas laisser entrer quelqu'un, ne pas accepter de recevoir quelqu'un. Ce spectacle stupéfiant d'un enfant Rezeau refusant sa porte à la justice familiale (H. Bazin,Vipère, 1948, p. 196).
Refuser un mariage, refuser sa main (à qqn). Ne pas vouloir donner sa main, ne pas vouloir accorder le mariage (à quelqu'un). Je meurs si vous me refusez votre main (Leclercq,Prov. dram., MmeSorbet, 1835, 6, p. 155).David lui avait toujours refusé le mariage (Van der Meersch,Invas. 14, 1935, p. 154).
Part. passé en empl. adj. L'affichage (d'ailleurs refusé) de son discours (Barrès,Cahiers, t. 5, 1906, p. 40).Au fig. Or, l'abbé Donissan connaissait la joie. Non pas celle-là, furtive, instable, tantôt prodiguée, tantôt refusée − mais une autre joie plus sûre, profonde, égale, incessante, et pour ainsi dire inexorable − pareille à une autre vie dans la vie, à la dilatation d'une nouvelle vie (Bernanos,Soleil Satan, 1926, p. 141).
Refuser de + inf.Ne pas accepter de faire ce qui est demandé par quelqu'un. On refusait de la laisser entrer (Janin,Âne mort, 1829, p. 178).
b) Ne pas reconnaître chez une personne le talent, les qualités qu'il prétend ou semble revendiquer. Refuser du talent, des qualités à qqn. On ne pouvait lui refuser de la bravoure assurément (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 240).On ne peut refuser à David une grande science du dessin (Gautier,Guide Louvre, 1872, p. 6).
[Souvent à la forme passive, l'agent étant gén. sous-entendu] Être refusé.Ne pas être accordé, ne pas être donné. Nul de mes justiciers austères ne voulut ou n'osa prétendre que l'art d'écrire m'était refusé (Bloy,Journal, 1893, p. 98).
c) P. anal. [Le suj. désigne une chose] Ne pas fonctionner, ne pas faire son office. Son corps lui refusa le service, elle tomba à genoux (Jouve,Paulina, 1925, p. 248).Leurs vignes furent hachées quatre ans de suite. Les ceps à la fin refusaient de boutonner (Pesquidoux,Livre raison, 1928, p. 178).
3. [La demande est absente ou ne peut être explicitée que par rapport au locuteur lui-même] Refuser qqc.
a) Repousser, éviter ce qui semble, selon les valeurs dominantes, s'imposer à quelqu'un. Refuser l'aventure, la gloire, le présent, le réel, le risque. Claude Barrès, héritier unique d'un nom illustre, d'une grande fortune (...), refuse le monde, dit non au monde comme un religieux aurait pu le dire (Mauriac,Nouv. Bloc-Notes, 1961, p. 282):
1. ...le luxe vous choque, parce que vous ne supportez pas d'avoir mauvaise conscience. C'est redoutable, cette austérité, on refuse le luxe: et de fil en aiguille, on refuse la poésie et l'art. Beauvoir,Mandarins, 1954, p. 268.
Refuser le combat. Ne pas accepter de combattre, se dérober, battre en retraite. Cette façon de ruser (...), de fermer leur garde pour refuser le combat (Camus,Peste, 1947, p. 1275).
Refuser sa droite, sa gauche. Ne pas engager dans un combat l'aile droite (ou l'aile gauche) d'une armée. La 6earmée (...) résistait péniblement sur place, et se préparait à refuser sa gauche sous la pression croissante de Kluck (Joffre,Mém., t. 1, 1931, p. 409).
Gén. en empl. abs., HIPP. Refuser (un obstacle). Piler net devant un obstacle, ne pas le franchir. Vous voilà bien fière, parce que votre bête a sauté sans se faire prier! Un cheval qui refuse, cela se voit tous les jours (Augier,Fourchambault, 1878, p. 107).
b) Ne pas donner son adhésion à quelque chose, à quelqu'un. Refuser son admiration, son assentiment. L'immortalité de l'âme, il est vrai, préoccupe beaucoup de bons esprits. Mais c'est qu'ils refusent, avant d'en avoir épuisé la sève, la seule vérité qui leur soit donnée et qui est le corps (Camus,Noces, 1938, p. 74).
Refuser de + inf.Refuser d'admettre, de penser, de reconnaître qqc. Albert était tombé entre les mains du fameux chef de bandits à l'existence duquel il s'était si longtemps refusé de croire (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 537).
B. − Refuser qqn
1. Ne pas accéder aux demandes, aux exigences de quelqu'un. N'ayant pas trouvé une raison de déplaire à la marquise, fort embarrassé de savoir comment refuser la comtesse (Dumas pèreMariage sous Louis XV, 1841, iii, 4, p. 151).O rage! Il allait falloir encore s'humilier devant ce Risler, courir le risque d'être refusé, avouer qu'il avait manqué à sa parole (A. Daudet,Fromont jeune, 1874, p. 283).
2. En partic.
[Dans un spectacle, une réunion] On a refusé du monde. On a joué à guichets fermés. On a refusé du monde à la porte (DG).
Ne pas satisfaire à la demande d'emploi de quelqu'un. On ne voulut pas de moi sur le Northumberland. J'offris d'être soldat, matelot, valet (...). On me refusa (Dumas père, Napoléon, 1831, vi, 4, p. 149).
Ne pas recevoir un candidat à une épreuve, à un examen. Synon. coller, recaler2.Ils ont été tous refusés au service militaire! (Goncourt,Journal, 1894, p. 572):
2. « (...) Au milieu des exclamations, des poussées, des battements de mains, je lis, heureusement: Anaïs, Claudine, etc... toutes, donc! Hélas, non, pas Marie: Marie est refusée », murmure Luce. Colette,Cl. école, 1900, p. 237.
Part. passé. Les élèves refusés en juillet ne sont pas autorisés à se présenter à nouveau à la session d'octobre (Encyclop. éduc., 1960, p. 136).Empl. subst. Les équipes sociales existantes sont surtout composées d'élèves de Centrale qui, par exemple, donnent des cours de mathématiques aux « refusés » des Arts et métiers (Cacérès,Hist. éduc. pop., 1964, p. 81).
ARTS. Être refusé. Ne pas être admis à exposer, à éditer (en vertu des canons de l'art officiel). Refusé [aux Salons], accepté, refusé encore, il [Manet] donna l'assaut à un jury qui représentait la routine (Mauclair,Maîtres impressionn., 1923, p. 55).Empl. subst. masc. Salon des refusés. Salon qui regroupait des peintres impressionnistes dont les toiles avaient été refusées par le jury officiel. Si la chose économique avait joué aussi durement que de nos jours, peut-être le légendaire salon des refusés n'aurait-il jamais existé? (Arts et litt., 1936, p. 76-1).
Repousser la demande d'union, de mariage de quelqu'un. Cette misérable femme se venge sur vous de ce que j'ai refusé sa fille! (Theuriet,Mariage Gérard, 1875, p. 153).Toi seul, tu ne me verras jamais. Je te refuse, je te refuse! De ce que je suis, de ce que je sens, de ma beauté, de mon amour, tu ne sauras jamais, jamais rien! (Louÿs,Aphrodite, 1896, p. 51).
C. − Empl. abs. C'est en refusant jusqu'à ce que nous ne puissions plus refuser que nous sommes libres. Ainsi le doute méthodique devient le type même de l'acte libre (Sartre,Sit. I, 1947, p. 326).
II. − Empl. pronom.
A. − réfl. dir.
1. Se refuser.Ne pas s'accepter en tant que tel. Un refus radical qui les contraindrait peut-être de proche en proche à ne plus accepter ce qui fonde leur confort, leur sûreté, leur ordre, cela sur quoi repose leur vie même. À se refuser eux-mêmes. À souhaiter l'annulation de leur propre nature (Nizan,Chiens garde, 1932, p. 117).
2. Se refuser à qqn.Se garder du contact d'autrui, ne pas se donner à quelqu'un. On n'a pas le droit de se refuser aux hommes; quand le diable y serait, nons vivons en société (Sartre,Mur, 1939, p. 53).
En partic. Ne pas accorder ses faveurs, repousser les avances de quelqu'un. Et ce n'est pas le désir de me posséder − je ne me serais jamais refusée à vous − c'est le désir de me déformer (Maupass.,Contes et nouv., t. 1, Inutile beauté, 1890, p. 1149).La femme mariée, en se dévouant à un homme qui la trompe, en se refusant à tout autre (...) perd sa vie sans mérite (Louÿs,Aphrodite, 1896, p. 142).
3. Se refuser à qqc.Ne pas accepter quelque chose, repousser quelque chose. Je ne puis me refuser à l'adoration, à la joie (Gide,Journal, 1943, p. 250).De nos jours encore, des nègres, des indiens se refusent avec crainte à la photographie (Huyghe,Dialog. avec visible, 1955, p. 121).
B. − réfl. indir. Se refuser qqc.Se priver volontairement de quelque chose. Il est vrai qu'en fait de création religieuse les siècles sont portés à se calomnier eux-mêmes, et à se refuser le privilège qu'ils accordent libéralement aux âges reculés! (Renan,Avenir sc., 1890, p. 487).Il se refusa la douceur de baiser cette tempe que déjà ses lèvres effleuraient (Martin du G.,Thib., Mort père, 1929, p. 1350).
Ne rien se refuser. Ne se priver de rien. Automobiles, collections, villas sur la côte méditerranéenne, demeures estivales, il ne se refuse rien (Arts et litt., 1936, p. 72-7).
C. − passif. Qqc. se refuse à qqc.Quelque chose n'est pas susceptible de subir quelque chose. Source de l'émotion la plus humaine dans une pensée incommunicable, dans des sentiments dont l'objet se refuse à l'analyse (J. Bousquet,Trad. du sil., 1936, p. 200).
Fam. Ça ne se refuse pas. Il faut de toute évidence accepter quelque chose. Dudley: (...) Voulez-vous gagner vingt livres sterling? Samuel: Ça ne se refuse pas (Dumas père, Halifax, 1842, prol., 9, p. 14).
D. − Se refuser à/de + inf.Ne pas vouloir faire quelque chose. Du reste, elle se refusait à voyager cette nuit! (G. Leroux,Parfum, 1908, p. 30).Seul le mot « allemand » et le mot « français » se refusent à composer (Giraudoux,Siegfried, 1928, iv, 3, p. 172).
P. anal. [Le suj. désigne une chose (une partie du corps)] Ses pieds enflés se refusaient à marcher (Maupass.,Contes et nouv., t. 1, Hist. fille de ferme, 1881, p. 35).
III. − Empl. intrans.
A. − MAR. [Le suj. désigne le vent] ,,S'orienter de plus en plus dans le sens contraire de la route et obliger ainsi le bateau à le serrer de plus en plus près`` (Barber. 1969). Anton. adonner.
B. − TECHNOL. [Le suj. désigne un outil, un instrument (une charrue, un couteau, un pieu)] Ne plus pouvoir enfoncer, pénétrer, couper. (Dict. xixeet xxes.).
Prononc. et Orth.: [ʀ əfyze], (il) refuse [-fy:z]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Repousser une demande; ne pas vouloir accorder ce qui est souhaité, demandé, exigé par autrui − ou ce qui est éminemment souhaitable 1. suivi d'un inf. 1remoit. xiies. refuser a (Psautier d'Oxford, 76, 3 ds T.-L.); ca 1200 refuser (Homélies de St Grégoire sur Ezéchiel, 16, 1, ibid.); id. refuser de (1reContinuation de Perceval, I, 193, 7089, ibid.); 1823 se refuser à (Boiste); 2. 1160-74 « repousser ce qui est demandé » reffusser la proiere des moingnes de... (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, II, 1752); ca 1165 refuser le plaisir [de aucun] (Benoît de Ste-Maure, Troie, 4758 ds T.-L.); xiiies. refuser la volanté [de aucun] (Chrétien de Troyes, Cligès, éd. W. Foerster, 6630, var. des mss B, P); 1666 réfl. se refuser à [qqc.] « ne pas s'y prêter, s'y livrer » (Molière, Misanthrope, I, 1); 3. 1176-81 « ne pas vouloir accorder » refuser merci (Chrétien de Troyes, Chevalier à la charrette, éd. M. Roques, 906); ca 1175 empl. abs. sans refuser (Benoît de Ste-Maure, Chron. ducs de Normandie, 3611 ds T.-L.); 1670 se refuser [qqc.] « ne pas se l'accorder, s'en priver » (Bossuet, Oraison funèbre Henriette d'Angleterre ds Œuvres, éd. Vélat et Y. Champailler, Paris, 1961, p. 103); 4. 1718 mar. le vent a refusé un vaisseau; le vent refuse « est contraire » (Ac.); 1870 techn. intrans. « (d'un outil) ne pouvoir faire son office » (Littré). B. Ne pas accepter ce qui est proposé 1. l'obj. est une pers. 1130-40 (Wace, Conception N.-D., éd. W. R. Ashford, 770: Li estuet la dame esposer, Ne l'osa mie refuser); ca 1160 (Eneas, 1586 ds T.-L.: ele [Didon] les a toz refusez [les prétendants]), 1890 se refuser en parlant d'une femme (Zola, Bête hum., p. 16); 2. l'obj. est un inanimé a) ca 1150 refuser [une offrande] (Wace, St Nicolas, 903 ds T.-L.); 1176-81 refuser [un] mes empl. fig. (Chrétien de Troyes, Chevalier à la charrette, 664); b) ca 1160 (Eneas, 9129 ds T.-L.: Crient que s'amor ait refusé); ca 1165 refuser [un conseil] (Benoît de Ste-Maure, Troie, 24512, ibid.); ca 1170 [ms. xiiies.] le mariage de la pucele refuser (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 1547, var. R, v. note p. 217). C. Ne pas admettre, accepter, reconnaître quelqu'un 1. ca 1150 refuser por + attribut « ne pas vouloir regarder comme » (Charroi de Nîmes, éd. D. McMillan, 1031); 2. 1155 dr. médiév. « ne pas avouer, reconnaître (un seigneur) » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 3251); 3. ca 1200 part. passé subst. li renfuset « les rejetés de Dieu, les damnés » (Moralium in Job, éd. W. Foerster, p. 309, 21); 4. a) α) « ne pas reconnaître, récuser » ca 1220 comme témoin (Gui de Cambrai, Barlaam et Josaphat, 6912 ds T.-L.); 1283 refuser les juges (Philippe de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, éd. A. Salmon, § 1871, t. 2, p. 445); β) 1520 estre refusé de « ne pas obtenir (une fonction postulée) » (G. Michel, tr. Suétone, I, 6 r ods Hug.); b) ca 1265 « éliminer pour ne pas avoir les qualités requises » (Brunet Latin, Trésor, éd. Fr. J. Carmody, I, 145, p. 136: quant li aigles a ses filz [...] cil ki esgarde [le soleil] justement sans croller est tenus et norris [...] cil ki les iex remue est refusés et getés du nit); c) 1751 « éliminer (une pièce de théâtre) » (Voltaire, S. de Louis XIV, Catal. des écrivains, La Rue ds Œuvres hist., éd. R. Pomeau, p. 1179). D. Ne pas accepter de s'exposer à une situation périlleuse, hasardeuse; fuir, esquiver un ennemi, un danger 1. 1176 trans. (Chrétien de Troyes, Cligès, éd. A. Micha, 1311); 1176-81 (Id., Chevalier à la Charrette, 3736); 1229 « se dérober, reculer, abandonner le combat » réfl. (Gerbert de Montreuil, Roman de la Violette, 5603 ds T.-L.); id. intrans. (Id., op. cit., 6528, ibid.); 2. 2emoit. xiiies. vén. « ne pas chasser (un animal trop dangereux, trop jeune) » (Chace dou cerf, 57); 3. fin xives. intrans. en parlant d'un cheval (Froissart, Chron., IV, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 14, p. 108; 112: mais ceste première lance ils faillirent car les chevaulx reffusèrent). E. Ne pas laisser entrer ca 1260 (Récits d'un ménestrel de Reims, éd. N. de Wailly, § 199: nus mesaisiez n'i estoit refuseiz [à l'hôpital de St-Jean-d'Acre]). F. Ne pas vouloir s'engager dans ce que l'on réprouve ou juge néfaste ca 1265 refuser le monde (Brunet Latin, Trésor, II, 123, p. 308: La [vie] contemplative refuse le monde et se delite en Deu solement). D'un lat. vulg. *refusare (cf. esp. rehusar, REW3, 7164), issu d'un croisement entre le lat. refutare (refuter*) et recusare (récuser*) de sens très voisins; ou, moins prob., dér. de refusus, part. passé de refundere (prop. « répandre de nouveau ») « refouler, repousser, rejeter, renvoyer », FEW t. 10, p. 200a. Fréq. abs. littér. Refuser: 9 913. Refusé: 2 468. Fréq. rel. littér. Refuser: xixes.: a) 12 936, b) 11 835; xxes.: a) 14 503, b)16 054. Refusé: xixes.: a) 3 363, b) 3 627; xxes.: a) 3 887, b) 3 343. Bbg. Quem. DDL t. 11 (s.v. refuser le serment).

Wiktionnaire

Verbe - ancien français

refuser \Prononciation ?\

  1. Refuser, écarter, repousser, chasser.
    • Qui dreite lei et dreit jugement refusera. — (Lois de Guillaume le Conquérant, édition de Matzke, XIIe siècle)
    • Le mire doit refuser tant com il peut cures perilleuses — (H. de Mondeville, Chirurgie, page 35, vers la fin de la 2e colonne)
      Le médecin doit refuser, s’il peut, les remèdes dangereux

Verbe - français

refuser \ʁə.fy.ze\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison) (pronominal : se refuser)

  1. Rejeter une demande, ne pas accorder ce qui est demandé ; ne pas vouloir faire ce qui est exigé, prescrit, ordonné.
    • Parfois les rênes s’échappent de nos doigts engourdis, et nos montures aveuglées, tournant le dos à la tempête, refusent d’avancer. Nous les laissons souffler un instant, puis reprenons notre course muette et aveugle. — (Frédéric Weisgerber, Trois mois de campagne au Maroc : étude géographique de la région parcourue, Paris : Ernest Leroux, 1904, page 36)
    • Le bruit court que c’est dimanche. Ce n’est pas le curé qui le confirmera. Il a refusé de dire la grand’messe et a célébré l’office dans sa chambre, tout seul. — (Jean Giraudoux, Retour d’Alsace - Août 1914, 1916)
    • Un monsieur et une dame passent devant moi, interrompant leur conversation pour que je ne les entende pas, comme s’ils me refusaient l’aumône de ce qu’ils pensent. — (Henri Barbusse, L’Enfer, Éditions Albin Michel, Paris, 1908)
    • Tout se tassera après les premiers kilomètres; à présent, la pagaye est intense. Il y a des chameaux à la traîne qui se refusent à avancer, d’autres dont les colis mal équilibrés tombent à terre… — (Louis Alibert, Méhariste, 1917-1918, Éditions Delmas, 1944, page 22)
    • L’unilatéralisme américain et la mondialisation libérale procèdent d’une même logique. Ils refusent la suprématie du droit et de la délibération collective. — (Pour un autre monde ; Un autre chemin, motion pour le congrès socialiste de Dijon du 16 au 18 mai 2003)
    • (Absolument)Sommé de rompre son second mariage par saint Germain, évêque de Paris, il refusa obstinément, et fut excommunié. — (Augustin Thierry, Récits des temps mérovingiens, 1er récit : Les quatre fils de Chlother Ier — Leur caractère — Leurs mariages — Histoire de Galeswinthe (561-568), 1833–1837)
  2. (Par extension) Rejeter la fréquentation
    • Cet homme refuse ses meilleurs amis, quelque chose qu’ils lui demandent.
    • Il a déjà refusé tous ceux qui l’en ont prié. — Il refuse tout le monde.
  3. Rejeter une offre ; ne pas accepter ce qui est offert.
    • Je leur offris de les rapatrier, mais ils refusèrent, préférant accomplir leur devoir jusqu'au bout et parachever leur œuvre. — (Jean-Baptiste Charcot, Dans la mer du Groenland, 1928)
    • On lui glisse toujours quelques douceurs. Elle les refuse, puis finit par les accepter pour sa vieille mère : un pot de miel, une paire de grives, une hottée de pommes. — (Jean Rogissart, Passantes d’Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958)
    • (Pronominal)Un correspondant du Daily Herald voulut interviewer Guimauve sur son système de socialisation des femmes, mais Guimauve se refusa à tout entretien. Il avait avalé sa langue. — (Ça ira : revue mensuelle d'art et de critique, avril 1920, réédition Anvers : J. Antoine, 1973, page 169)
    • On lui a offert un bon prix de cette terre, de ces meubles, mais il l’a refusé. — J’ai refusé d’aller chez lui.
  4. Ne pas admettre.
    • On a refusé du monde à la porte.
    • Il a été refusé à son examen.
  5. (Figuré) Ne pas donner ; ne pas accorder.
    • Nous n'avons pas l'intention de tracer un tableau exhaustif et minutieux de tous ceux à qui la sépulture ecclésiastique peut être refusée. — (Jacqueline Thibaut-Payen, Les morts, l'Église et l'État, Fernand Lanore, 1977, page 94)
    • En réfléchissant différemment sur l’installation des équipements, en refusant d’utiliser les équipements disponibles sur étagère, en traquant les poids inutiles, nous avons réussi à gagner 300 kilos sur le bateau proposé par les architectes. — (Michel Desjoyeaux, Coureur des océans, Éditions Odile Jacob, 2009, chapitre 1)
    • La nature lui a refusé la beauté. — La nature ne lui a refusé aucun de ses dons. — On ne peut refuser son assentiment à une vérité si évidente.
  6. (Tactique) Éviter d’engager, ne pas avancer.
    • L’ennemi refusait le combat.
  7. (Intransitif) (Marine) Devenir contraire, en parlant du vent.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

REFUSER. v. tr.
Rejeter une demande, ne pas accorder ce qui est demandé; Ne pas vouloir faire ce qui est exigé, prescrit, ordonné. On lui a refusé la grâce qu'il demandait. Il ne peut rien refuser à ses amis. Il a refusé son consentement. Il a refusé de me prêter de l'argent. Refuser obéissance. Il refuse de payer, de travailler. Il s'emploie absolument dans la même acception. Il refuse si poliment qu'on ne peut pas se fâcher. Je me vois dans la nécessité de refuser. Il refusa net. Refuser la porte à quelqu'un, Ne pas lui permettre l'entrée de quelque lieu, de quelque maison, etc. Il s'est présenté pour entrer au bal, on lui a refusé la porte. En termes de Manège, Ce cheval refuse l'obstacle, il refuse à l'obstacle, On ne peut pas l'obliger à franchir l'obstacle. En termes de Marine, Le vent refuse, Le vent devient contraire.

REFUSER se dit aussi en parlant des Personnes auxquelles on refuse, ou dont on ne veut pas. Cet homme refuse ses meilleurs amis, quelque chose qu'ils lui demandent. Il a déjà refusé tous ceux qui l'en ont prié. Il refuse tout le monde. J'ai offert de servir, mais j'ai été refusé. Refuser sa fille en mariage, Ne pas vouloir donner sa fille en mariage à quelqu'un qui la demande. Refuser une jeune fille en mariage se dit aussi de Celui qui ne veut pas épouser une jeune fille qui lui est proposée en mariage. On dit également : Cet homme a refusé un bon parti; cette jeune fille a refusé un parti avantageux; on lui a refusé la main de cette jeune fille. On peut dire encore dans le même sens et d'une manière absolue : Refuser, être refusé. Il désirait épouser cette jeune fille; il en a été refusé. Il m'a proposé sa fille; je l'ai refusée.

REFUSER signifie aussi Rejeter une offre, ne pas accepter ce qui est offert. On lui a offert un bon prix de cette terre, de ces meubles, mais il l'a refusé. Refuser des présents. Refuser des offres. Refuser un emploi. Refuser des conditions avantageuses. J'ai refusé d'aller chez lui. Absolument et proverbialement, Tel refuse, qui après muse, ou Qui refuse, muse, Celui qui refuse ce qui lui est offert perd souvent une occasion qu'il ne retrouvera pas.

REFUSER signifie encore Ne pas admettre. On a refusé du monde à la porte. Il a été refusé à son examen. La pièce a été refusée. Il s'emploie aussi au figuré; et alors il signifie simplement Ne pas donner, ne pas accorder. La nature lui a refusé la beauté. La nature ne lui a refusé aucun de ses dons. On ne peut refuser son assentiment à une vérité si évidente. Je ne puis refuser mon admiration, mon estime à une telle conduite. En termes de Tactique, il signifie Éviter d'engager, ne pas avancer. L'ennemi refusait sa droite.

SE REFUSER, avec un complément direct, signifie Ne pas se permettre, se priver de. C'est un avare qui se refuse le nécessaire, jusqu'au nécessaire. C'est un homme charitable qui se refuse tout pour faire plus de bien aux pauvres. Il est très prodigue et ne se refuse rien. C'est un homme qui ne s'est jamais refusé un bon mot, une plaisanterie. Avec un complément indirect, il signifie Ne pas vouloir faire une chose. Je me refuse à croire. Il se refuse à travailler. Il se refuse à tout ce qu'on lui demande, à tout ce qu'on exige de lui. Il ne se refuse à rien pour obliger. On dit de même, familièrement : Il ne se refuse à rien. Se refuser à une chose, Ne pas s'y livrer, ne pas s'y rendre, y résister. Il se refuse aux plaisirs les plus innocents. Il est impossible de se refuser à la force de ses raisons. Ce serai se refuser à l'évidence. Le temps se refuse à cela, les circonstances s'y refusent, Le temps, les circonstances ne le permettent pas. On dit de même : Ma fortune se refuse à une si grande dépense.

Littré (1872-1877)

REFUSER (re-fu-zé) v. a.
  • 1Ne pas accepter ce qui est offert, présenté. Refuser une offre. Il a refusé de se servir de mon bras. J'aurais refusé également la religion de Mahomet et celle de la Chine… par cette seule raison que l'une n'ayant pas plus de marques de vérité que l'autre…, Pascal, Pens. XIV, 3, édit. HAVET. Les Juifs le refusent [Jésus], mais non pas tous ; les saints le reçoivent, et non les charnels, Pascal, ib. XIX, 5 bis. Comme il n'a jamais refusé ce qui était raisonnable étant vainqueur, il a toujours rejeté ce qui était faible et injuste étant captif, Bossuet, Reine d'Anglet. La paix que vous avez tant de fois refusée, Fléchier, Turenne. D'Alembert est pauvre, et il n'est pauvre que parce qu'il a refusé cinquante mille livres de rentes en Russie, Voltaire, Lett. Richelieu, 6 avr. 1772.

    Il se dit des pièces de théâtre que les auteurs présentent, et que les comédiens ne veulent pas jouer. La tragédie de Sylla fut présentée aux comédiens et refusée, Voltaire, Louis XIV, Écrivains, le P. de la Rue. On assure que, Voltaire ayant fait présenter aux comédiens sa tragédie de Mérope, sans leur apprendre qu'il en était l'auteur, elle fut refusée, parce qu'il n'y avait point dans cette pièce d'autre amour que la tendresse maternelle, D'Alembert, Élog. la Chauss. note 2.

  • 2Ne pas consentir à ce qui est demandé, ordonné. Il a refusé son consentement. Refuser obéissance. Que dirai-je des difficultés qu'on suscite dans l'exécution, lorsqu'on n'a pu refuser la justice à un droit trop clair ? Bossuet, le Tellier. On ne se trompe pas quand on attribue tout à la prière ; Dieu, qui l'inspire, ne peut lui rien refuser, Bossuet, Mar.-Thér. M. de Lamoignon refusa-t-il à quelqu'un la liberté de lui dire les choses nécessaires ? Fléchier, Lamoignon. Et Pégase pour eux refuse de voler, Boileau, Disc. au roi. Les dogmes de l'impiété n'ont rien de plus clair et de plus intelligible que les mystères de la religion ; et, en refusant de croire, on perd la foi, sans que la raison y gagne et s'éclaircisse, Massillon, Or. fun. Conti. Je suis obligé de m'excuser de mon voyage à Berlin auprès d'un cœur comme le vôtre…j'ai refusé au roi de Prusse deux jours de plus qu'il me demandait, Voltaire, Lett. d'Argental, 6 janv. 1741. Le régent ne savait rien refuser ; et ce qu'il ne donnait pas, on le lui arrachait, Duclos, Œuv. t. V, p. 372. On offre les services, on refuse les secours, Duclos, Consid. mœurs, 7. On refuse durement le nécessaire, on accorde aisément le superflu, Duclos, ib.

    Absolument. Il s'est trouvé des hommes qui refusaient plus honnêtement que d'autres ne savaient donner, La Bruyère, VIII. L'impossibilité d'obéir n'a plus d'autre nom que la rébellion et la mauvaise volonté qui refuse, Massillon, Pet. carême, Tentat. des gr. Pouvant refuser avec aménité, je refusai avec dureté, et voilà en quoi j'eus tort, Rousseau, Conf. X.

    Refuser la porte à quelqu'un, ne pas lui permettre l'entrée de quelque lieu. Il se présenta pour entrer au bal, on lui refusa la porte.

  • 3Refuser quelqu'un, ne pas l'accepter. Ce domestique a été refusé. On lui présenta des commis ; il les refusa.

    Refuser une fille en mariage, veut dire qu'on la refuse à l'homme qui la demande, ou que l'homme à qui on la propose la refuse.

    On dit de même, en parlant de mariage : Cet homme a refusé un bon parti ; Cette fille a refusé un parti avantageux ; On lui a refusé la main de cette jeune personne.

  • 4En parlant des personnes, ne pas leur accorder ce qu'elles demandent. Ce n'est pas toujours jeu sûr de refuser de plus grand que soi, Retz, II, 343. Ne les pressez point tant, ces dieux qui vous refusent ; Ils savent mieux que nous d'où dépend notre bien, Quinault, Agrippa, IV, 2. Dieu vous refuse ? mais c'est pour vous obliger de le prier plus longtemps, Massillon, Carême, Prière 2. Je dois te refuser, hélas ! et ne le puis, Delavigne, le Paria, IV, 2.

    Refuser quelqu'un de quelque chose, ne pas lui accorder cette chose. Le comte : Qui peut mieux l'exercer [un emploi] en est bien le plus digne. - D. Diègue : En être refusé n'en est pas un bon signe, Corneille, le Cid, I, 6. Voilà tout mon souhait et toute ma prière ; M'en refuserez-vous ? Corneille, Hér. IV, 4. Vous ne l'avez jamais refusé de rien [le cardinal de Richelieu], Lett. de l'Acad. franç. au chevalier Servien, dans PELLISSON, Hist. de l'Acad. IV. Quelle plus grande honte y a-t-il d'être refusé d'un poste que l'on mérite, ou d'y être placé sans le mériter ? La Bruyère, VIII. Un homme de mérite se donne, je crois, un joli spectacle, lorsque la même place à une assemblée ou à un spectacle dont il est refusé, il la voit accorder à un homme qui n'a point d'yeux pour voir, ni d'oreilles pour entendre, La Bruyère, VIII. En le refusant [le régent] des 50000 livres de rente sur Lyon, il [Villeroy] ne refusait rien en effet, Saint-Simon, 474, 76.

  • 5Ne pas accorder, sans idée que rien soit demandé. Ma voix, depuis dix ans qu'il commande une armée. A-t-elle refusé d'enfler sa renommée ? Corneille, Nicom. IV, 2. Si mon cœur prévenu refuse de vous croire ? Hauteroche, Esp. foll. III, 2. Avec tant de grandes et tant d'aimables qualités, qui eût pu lui refuser son admiration ? Bossuet, Duch. d'Orl. On dit qu'il [Scipion Émilien] ne put refuser des larmes à la malheureuse destinée de Carthage, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. I, p. 557, dans POUGENS. Au milieu des douleurs les plus aiguës, il refuse même à ses souffrances ces plaintes innocentes qui semblent les soulager, Massillon, Or. fun. Conti.

    Ne pas consentir à, ne pas accepter. Refusant tous les autres noms, elle s'obstine à dire qu'elle est la princesse, Bossuet, Duch. d'Orl.

    Refuser avec que et le subjonctif. Puisque vous avez toutes autres sortes d'avantages sur moi, je ne refuserai point que vous ayez encore cettui-ci, Malherbe, Lett. I, 13.

    Ne pas laisser aller à. Quoique vous soyez de profession militaire, je ne vous refuse point aux affaires de notre métier, Guez de Balzac, liv. VIII, lett. 39. Des haines plus modérées et plus tranquilles… qui, en refusant le cœur au devoir, ont assez d'empire sur elles pour donner les apparences au monde, Massillon, Carême, Pardon.

  • 6 Fig. Il se dit des choses auxquelles on attribue en quelque sorte un refus. La nature a refusé la vigne aux contrées équatoriales. [Le vieillard] Inhabile aux plaisirs dont la jeunesse abuse, Blâme en eux les douceurs que l'âge lui refuse, Boileau, Art p. III. Des déserts que le ciel refuse d'éclairer, Racine, Alex. V, 1.
  • 7Se priver de. Passer ses jours dans le repos et dans le plaisir, ne rien refuser à sa sensualité et à ses désirs, Bourdaloue, Pensées, t. III, p. 113.
  • 8Se refuser une chose, la refuser à soi, s'en priver, ne pas se l'accorder. Ces idoles que le monde adore, à combien de tentations délicates ne sont-elles pas exposées ?… et que se peut refuser la faiblesse humaine, pendant que le monde lui accorde tout ? Bossuet, Duch. d'Orl. Il ne se refusait aucune dépense, Montesquieu, Lett. pers. 141.

    Familièrement. Il ne se refuse rien, il se donne tout ce qui lui est agréable. Faire tout ce qu'on veut, vivre exempt de chagrin, Ne se rien refuser, voilà tout mon système ; Et de mes jours ainsi j'attraperai la fin, Regnard, Folies amour. Divert Mur. de la folie, 1.

  • 9 Terme de guerre. L'ennemi refusa sa droite, il évita de l'engager.
  • 10 V. n. Il ne refuse à rien, il se charge de toutes les besognes.
  • 11 Terme de manége. Ce cheval refuse, il ne peut pas ou ne veut pas obéir.
  • 12 En termes de métier, on dit d'un outil (mouton, couteau, charrue), qu'il refuse, quand il ne peut enfoncer, pénétrer, couper.

    Terme de marine. En parlant du vent, changer de direction, de manière à rendre impossible la continuation d'une route commencée au plus près. À six heures et demie, les vents refusant de plus en plus, et la marée contraire étant assez forte…, Bougainville, Voyage, t. II, p. 288.

    Refuser de virer, se dit d'un navire qui n'a pas exécuté le mouvement qui devait, portant sa proue dans le lit du vent, le faire virer ainsi vent devant.

  • 13Se refuser, v. réfl. Être refusé, n'être pas accepté. De pareilles propositions ne se refusent pas.

    N'être pas donné. Achèverai-je d'accabler ton pauvre cœur, ou t'offrirai-je des consolations qui se refusent au mien ? Rousseau, Hél. I, 30.

  • 14Se refuser à une chose, ne pas vouloir la faire. Il se refuse à travailler. Il se refuse à tout ce qu'on exige de lui.

    Il ne se refuse à rien, il est prêt à tout faire.

  • 15Se refuser à une chose, ne pas s'y livrer, ne pas s'y rendre. Cependant à leurs vœux votre âme se refuse, Tandis qu'en ses liens Célimène l'amuse, Molière, Mis. I, 1. Lorsqu'on se voit tout d'un coup élevé aux places les plus importantes… on ne se possède plus… c'est aux hommes vulgaires un trop grand effort, que celui de se refuser à cette éclatante beauté qui se donne à eux, Bossuet, le Tellier. Je n'ai pour tout accueil que des frémissements ; Tout fuit, tout se refuse à mes embrassements, Racine, Phèdre, III, 5. Un cœur qui se refusait aux excès, qui ne paraissait point fait pour le dérèglement, Massillon, Carême, Mot. de conv. On l'a vu, en garde contre lui-même, se refuser aux goûts les plus innocents, Massillon, Or. fun. Conti. Vous vous êtes si longtemps refusé à Dieu, malgré les plus vives inspirations de sa grâce, Massillon, Carême, Prière 1.

    Fig. Se refuser se dit de choses qui n'accomplissent pas leur office. La plume se refuse à décrire de pareilles horreurs. La langue se refuse à la foi qui l'anime, les forces manquent, la parole cesse, Massillon, Or. fun. Conti.

    Le temps se refuse à cela, les circonstances s'y refusent, le temps, les circonstances ne le permettent pas.

    On dit de même : Ma fortune se refuse à une si grande dépense.

    PROVERBE

    Tel refuse qui après muse, ou qui refuse muse, c'est-à-dire on se repent d'avoir refusé ce qui était offert.

    À Genève on dit : qui refuse n'use.

REMARQUE

1. Avec un infinitif, refuser prend ordinairement la préposition de : Il a refusé de marcher ; il vous a refusé de faire la démarche. Quand il s'agit de choses pour lesquelles, si on les accordait, on pourrait dire, donner à, refuser prend la préposition à : Il lui a refusé à dîner, à déjeûner.

2. Corneille a dit : J'aurais peine, seigneur, à lui refuser grâce, Corneille, Sertor. I, 3. On a contesté la correction de cette phrase. Mais pourquoi ne dirait-on pas refuser grâce, comme demander grâce ?

HISTORIQUE

XIe s. Qui dreite lei et dreit jugement refusera, Lois de Guill. 41.

XIIe s. Et mes fins cuers [cœur] me fait d'une amorete Si douz present que [je] ne l'os refuser, Couci, VI. Par sainte obedience [il] a mandé [à] saint Thomas, Que s'il puet faire pes, qu'il ne la refust pas, Th. le mart. 112. Mais altrement font ces choses li ellieu [les élus] et altrement li renfuseit [les refusés], Job, p. 452.

XIIIe s. Et cil [l'aiglon] qui les oils [yeux] remue [en face du soleil], est refusez et gitez dou nif comme bastars, Latini, Trésor, p. 196. La vie contemplative refuse le monde, et se delite [délecte] en Dieu seulement, Latini, ib. p. 458. Il oï parler de la grant carité de l'hospital d'Acre, et oï dire que nus mesaisiés [malade] n'i estoit refusés, Chr. de Rains, p. 107. Ele [la dame] a, espoir [peut-être], tel refusé Dont ele se repentiroit, S'ele recouvrer i pooit, Lai du conseil. Riens n'i perdent li refusé, Fors tant cum il i ont musé, la Rose, 7609. Qui ne les refuse [les juges] avant que jugement soit fes, il ne les pot refuser fors par apel, Beaumanoir, LXVI, 1.

XVe s. Ils refuserent à payer, Froissart, I, I, 275. [Ils] esperonnerent leurs chevaux de grand voulonté ; mais à ceste premiere lance ils faillirent, car les chevaux refuserent, Froissart, liv. IV, p. 41. Son mary l'a refusée d'une robbe, dont elle est bien couroucée, Les 15 joyes du mariage, p. 81, dans LACURNE. Tel reffuse au premier jour ung marché, qui au second le octroye, Perceforest, t. IV, f° 111.

XVIe s. Chiron refusa l'immortalité, Montaigne, I, 89. Qu'il ne semble pas reprocher à aultruy tout ce qu'il refuse à faire, Montaigne, I, 166. La philosophie ne doibt estre refusée ny aux festins ny aux jeux, Montaigne, I, 182. Je ne veulx pas qu'on refuse, aux charges qu'on prend, l'attention… et le sang au besoing, Montaigne, IV, 152. Il ne le demanda point [à être censeur], pour la doubte qu'il eut d'en estre refuzé, Amyot, Marius, 55. Ilz refuzerent de passer oultre, Amyot, Lucul. 63. Et qui plus est, quand il cuida entrer au logis de Caton, on luy refusa la porte, à cause que…, Amyot, C. d'Ut. 49.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

REFUSER, v. act. & n. (Gramm.) c’est ne pas accorder ce qu’on demande. Voyez l’article Refus. Il y a des gens d’un caractere si mol, qu’ils ne savent ni accorder ni refuser. On se refuse à la sollicitation de son cœur ; on est refusé d’une dignité. On se refuse à une intrigue ; on se refuse à la poursuite.

Refuser, (Marine.) On dit qu’un vaisseau a refusé, quand il a manqué à prendre vent devant.

Refuser, terme de Manege. On dit que le cheval refuse lorsqu’il ne veut pas, ou qu’il n’a pas la force d’obéir au cavalier.

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Étymologie de « refuser »

Provenç. refusar, refudar, refuidar ; espagn. rehusar ; ital. rifiutare. Mot incertain. L'italien rifiutare vient du latin refutare qui avait pris de bonne heure dans la basse latinité le sens de refuser. Mais le changement du t en s ne s'explique ni dans l'espagnol rehusar, ni dans le français refuser. Diez suppose qu'il y a eu confusion entre le latin recusare et refutare, et qu'il en est résulté un verbe mixte où se trouvent l'f et l's. Cette conjecture est ingénieuse, sans être tout à fait sûre. Recusare avait donné reüser.

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(1100-50) Voir l’ancien français refuser.
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Phonétique du mot « refuser »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
refuser rœfyze

Citations contenant le mot « refuser »

  • C'est ne pas payer ses dettes que de refuser de justes louanges.
    Voltaire
  • Refuser en donnant des raisons, ce n'est point refuser.
    Alain
  • Le grand destin de l'homme est de refuser son destin.
    Jean Hamburger
  • Ils n'ont pas encore gagné la guerre, mais c'est une première victoire pour les riverains opposés au projet d'un immeuble de 50 logements (sur trois voire quatre étages) en lieu et place de l'ancien pavillon hospitalier « Grignon de Montfort » du site de Pasteur. La Mairie vient de refuser le permis de construire du projet en l'état.
    Centre Presse — Centre Presse : Projet Pasteur: la Mairie refuse le permis de construire
  • Refuser en donnant des raisons, ce n’est pas refuser.
    Alain — Histoire de mes pensées
  • Il ne faut rien accorder aux sens quand on veut leur refuser quelque chose.
    Jean-Jacques Rousseau — Les confessions
  • Refuser la vérité de l'amour conduit à refuser l'amour de la vérité.
    Jacques de Bourbon Busset — Les choses simples
  • Jeudi 30 juillet à 15 h 45, les gendarmes de la compagnie de Barcelonnette sont appelés pour intervenir place Manuel, dans le centre-ville. Un restaurateur vient de refuser à un homme, ivre et un bâton à la main, d’entrer dans son établissement. Les gendarmes demandent le renfort du Peloton de surveillance et d’intervention de la gendarmerie de Jausiers pour interpeller l’homme. 
    Faits-divers - Justice | Barcelonnette : on lui refuse l’entrée dans un restaurant, iI se fait menaçant
  • Il ne faut pas refuser secours à la ronce qui veut devenir rose.
    Paul Claudel
  • Vivre signifie refuser.
    Amélie Nothomb — Métaphysique des tubes
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Images d'illustration du mot « refuser »

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Traductions du mot « refuser »

Langue Traduction
Anglais refuse
Espagnol rechazar
Italien rifiuto
Allemand sich weigern
Chinois 垃圾
Arabe رفض
Portugais recusar
Russe отказываться
Japonais ごみ
Basque refuse
Corse ricusà
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Synonymes de « refuser »

Source : synonymes de refuser sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « refuser »

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Nombre de points du mot refuser au scrabble : 10 points

Refuser

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