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Rejeter

Définitions de « rejeter »

Trésor de la Langue Française informatisé

REJETER, verbe

I. − Empl. trans.
A. − Jeter de nouveau. Synon. relancer, renvoyer.Vous n'avez pu prendre la balle quand je vous l'ai jetée; renvoyez-la moi, je vous la rejetterai (Ac.).
B. −
1. Repousser, renvoyer en lançant à quelque distance ou à son lieu d'origine. Rejeter un poisson dans l'eau. Il a feuilleté la Revue des deux mondes, puis a rejeté le numéro sur la table, en disant: « Rien d'intéressant » (Gide, Journal, 1906, p. 213).[Les lamproies] s'enroulent autour des jambes nues. Leur bouche froide s'y applique et aspire (...). L'homme qui est libre les arrache et les rejette au fond du bac (Pesquidoux, Chez nous, 1921, p. 154).
Au fig. Rejeter qqc. sur qqn.Faire retomber sur. C'est par un sentiment juste que chacun rejette la faute sur le voisin (Alain, Propos, 1921, p. 236).Je ne contribuerai pas à ces divisions, en rejetant la responsabilité du désastre sur ceux des miens qui pensent autrement que moi (Saint-Exup., Pilote guerre, 1942, p. 367).
Empl. pronom. réciproque. Se rejeter la balle. V. balle1.
HIST. DE LA FISC. ,,Rejeter une imposition, une taxe sur une ville, sur les habitants.`` (Ac. 1835, 1878 ,,Faire une réimposition pour achever le payement d'une taxe qui n'a pu être payée entièrement par ceux sur qui elle avait été imposée`` (Ac. 1835, 1878).
2. Faire sortir par la bouche. Synon. expulser.Rejeter un caillot de sang. Il aperçoit le noyé (...). Il soulève le jeune homme sans dégoût, et lui fait rejeter l'eau avec abondance (Lautréam., Chants Maldoror, 1869, p. 212).Sam Latour, fumait un cigare, rejetant la fumée en cercles (Roy, Bonheur occas., 1945, p. 178).En partic. Vomir (un aliment). Un mouvement nerveux m'a fait rejeter mon déjeuner (Balzac, Lettres Étr., t. 2, 1842, p. 1).
P. anal. Le volcan, n'a cessé de rejeter des laves basaltiques (Lapparent, Abr. géol., 1886, p. 392).Dans l'obscurité brillaient çà et là des débris de pourriture rejetés par l'océan, des poissons morts (...) la carcasse d'un requin (Green, Journal, 1937, p. 98).
C. −
1. Repousser avec plus ou moins de force.
a) [L'obj. désigne un inanimé concr.] Un bruit de volets rejetés contre le mur nous fit tourner la tête (G. Leroux, Myst. ch. jaune, 1907, p. 98).Philippe rejette l'édredon et les couvertures (Renard, Journal, 1908, p. 1193).
En partic. [L'obj. désigne un vêtement, une pièce d'habillement, la chevelure] Envoyer vers l'arrière d'un mouvement brusque. Rejeter son écharpe. Le fier jeune homme, rejetant son manteau en arrière, avait (...) saisi la garde de son sabre (Hugo, Han d'Isl., 1823, p. 60).
b) [L'obj. désigne une pers.] Rejeter quelqu'un de côté. Je courus chez le gouverneur. Trébassof me fit rejeter à sa porte à coups de crosse par ses cosaques (G. Leroux, Roul. tsar, 1912, p. 78):
Des cavaliers apparaissent, menaçants, le sabre au poing, faisant cabrer leurs chevaux, dont les ruades rejettent les promeneurs de la chaussée sur les trottoirs. Goncourt, Journal, 1871, p. 818.
Empl. pronom. réfl. Se rejeter + compl. de lieu.Se reculer d'un mouvement brusque. Se rejeter en arrière. Il ne fit qu'un bond jusqu'à la portière. Rinette, déjà, l'avait ouverte. Il remarqua qu'elle s'était rejetée au fond de la banquette (Martin du G., Thib., Belle sais., 1923, p. 859).
En partic. Faire reculer, repousser (un ennemi). À la suite d'une violente préparation d'artillerie, la brigade de gauche (...) fut rejetée sur la rive gauche de l'Aisne par les ponts de Vailly et de Chavonne... (Joffre,Mém., t. 1, 1931, p. 458).
2.
a) Jeter, mettre dans un autre endroit. Il faut rejeter l'eau de ce bassin dans cette cuve, la terre de ce fossé sur cette couche. Rejeter les notes à la fin du volume (Ac. 1835-1935).
STYL. Déplacer en fin de phrase, à des fins d'expressivité. On peut mettre l'adverbe en relief en le rejetant à la fin de la phrase (...): « Il vit un œil tout grand ouvert... Et qui le regardait dans l'ombre fixement » (Hugo, Lég., La Conscience ds Le Bidois1967, § 977).
b) Diriger vers l'arrière ou sur le côté (une partie du corps). Rejeter les bras, les épaules en arrière. Alban (...) rejette le buste en arrière dans le même moment où le taureau dresse le poitrail (Montherl., Bestiaires, 1926, p. 559).Elle rejette la tête en arrière, dilate les narines et parle d'une voix de théâtre (Sartre, Nausée, 1938, p. 180).
c) Jeter, écarter (quelque chose d'inutile ou d'encombrant). Synon. fam. balancer, ficher en l'air.Tout en soufflant sa fumée, il se mit à feuilleter les esquisses (...), puis, vite dégoûté de ces vaines recherches (...), il rejeta sa cigarette (Maupass., Fort comme la mort, Paris, L. Conard, 1929 [1889], p. 5).
3. Au fig. Synon. de replonger, renvoyer.Ce drame rejette Tourguéneff dans les souvenirs de son enfance (Goncourt, Journal, 1873, p. 931).
D. − Au fig.
1. [L'obj. désigne un inanimé abstr.] Ne pas accepter, refuser. Synon. repousser.Rejeter un conseil, un sentiment, une idée, une hypothèse, une méthode, une offre, une théorie. Ce qui n'est pas généreux, c'est de rejeter mon amour, après m'avoir laissé croire que vous m'aimiez (Theuriet, Mais. deux barbeaux, 1879, p. 117).Kant (...) rejette les preuves classiques de l'existence de Dieu par voie de causalité (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 885).
DR., POL. Synon. récuser.Rejeter une loi, une motion, une requête, un recours en grâce. Le débat sur la fixation de date a souvent un caractère politique. En effet le gouvernement peut désirer voir rejeter l'interpellation à une date lointaine (Vedel, Dr. constit., 1949, p. 457).
2. [L'obj. désigne une pers.] Être rejeté par sa famille, par son milieu. Autant Taine philosophe rejette et déclasse Cousin, autant il se déclare admirateur et disciple de Guizot (Thibaudet, Hist. litt., 1936, p. 306).
[Dans un cont. bibl. ou relig.] Le Paradis est pour ceux qui y croient. Nous autres, nous restons dans ce que vous appelez les ténèbres extérieures. Nous sommes rejetés. Le mot est dur, mais il est dans l'Évangile (Green,Chaque homme dans sa nuit, 1960, p. 302).
PSYCHOL. Avoir une attitude de rejet envers un enfant. Vous avez perdu votre mari et j'ai perdu ma mère. Nous sommes quittes. Mais vous ne l'avez perdu qu'une fois, après en avoir joui pendant des années et sans qu'il vous ait rejetée. Moi, ma mère m'a rejetée. Maintenant elle est morte et je l'ai perdue deux fois (Camus, Malentendu, 1944, iii, 3, p. 176).
E. − ARBORIC. Pousser, produire à nouveau, le plus souvent après un recépage. Depuis qu'on a étêté cet arbre, il a rejeté beaucoup de branches (Ac.1835-1935).
Absol. On imposait autrefois la même règle pour l'abattage des arbres au-dessous d'un certain diamètre correspondant à l'âge limite à partir duquel la souche perd sa faculté de rejeter (Cochet, Bois, 1963, p. 131).
II. − Empl. pronom., au fig.
A. − Se consacrer à nouveau à, s'engager à nouveau dans. Christophe s'était rejeté dans la création, avec un entrain décuplé (Rolland, J.-Chr., Maison, 1909, p. 1072).
B. − Se reporter sur quelqu'un ou quelque chose d'autre, pour compenser un manque, une absence. Synon. fam. se rabattre sur.Mouret, après les refus de Denise, s'était rejeté sur cette grande rousse à tête de cheval, sans doute par calcul (Zola, Bonh. dames, 1883, p. 679).Rentré, dis-je, à Paris où la bière est affreuse, ce fut sur l'absinthe que je me rejetai (Verlaine, Œuvres compl., t. 5, Confess., 1895, p. 107).
C. − Se réfugier dans un lieu, après avoir été repoussé d'un autre. Sa retraite coupée, l'armée royale se rejeta en Brie (A. France, J. d'Arc, t. 2, 1908, p. 10).
Prononc. et Orth.: [ʀ ə ʒ əte], (il) rejette [-ʒ εt]. Ac. 1694, 1718: rejetter; dep. 1740: rejeter. Conjug. v. jeter. Étymol. et Hist. A. Trans. 1. 1176-81 regieter « jeter, abandonner » (Chrétien de Troyes, Chevalier charrette, éd. M. Roques, 4842); 2. ca 1190 « renvoyer loin de soi » (quelque chose) (Renart, éd. M. Roques, Br. XI, 11794); 3. xiiies. « régurgiter, vomir » (Aldebrandin de Sienne, Régime du corps, 77, 32 ds T.-L.); 4. xves. regetter « jeter de nouveau, renvoyer » (Sept Sages de Rome, éd. G. Paris, version dérimée, p. 41); 5. 1464 rejetter « annuler » (lettre du duc François II, 5 août ds Dom H. Morice, Mém. pour servir à l'Hist. eccl. et civile de Bretagne, t. 3, p. 71); 6. ca 1480 rejetter « repousser » (quelqu'un) (Mist. Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 1750, t. 1, p. 69); 7. 1539 rejecter « refuser » (une opinion, un présent, etc.) (Est.); 8. id. rejecter sur ung autre le souspecon qu'on avoit sur aucung (ibid.); 9. 1810 rejeter en arrière (un vêtement, une partie du corps) (Chateaubr., Martyrs, t. 3, p. 10). B. Intrans. 1. ca 1200 regeter « ruer » (du cheval) (Chevalier au cygne, 166 ds T.-L.), seulement a. et m. fr.; 2. ca 1393 « donner des rejetons » (d'une plante) (Ménagier de Paris, éd. G. Brereton et J. M. Ferrier, p. 118). C. Pronom. réfl. 1. 1567 « se jeter de nouveau, se réfugier » (Amyot, Vies des hommes illustres, Pyrrhus, t. III, p. 1488: Voyant qu'il ne la [la Sicile] pouvoit tenir non plus qu'une navire agitee de la tourmente, il cherchoit quelque couleur honeste pour en sortir, et fut la cause veritable pour laquelle il se rejetta en Italie); 2. 1805 se rejeter en arrière (Cottin, Mathilde, t. 1, p. 103). Du lat. rejectare « renvoyer, répercuter » (le son) qui prit en lat. d'époque impériale les sens de « rejeter, repousser, vomir », dér. de jactare (jeter*). Fréq. abs. littér.: 3 961. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 5 057, b) 4 658; xxes.: a) 5 525, b) 6 712.
DÉR.
Rejetable, adj.Que l'on doit rejeter, refuser. Proposition rejetable; pièce de monnaie rejetable. (Dict. xixeet xxes.). Si l'ennui et le mépris peuvent être considérés comme des passions, pour eux aussi [les vrais artistes] le mépris et l'ennui ont été les passions les plus difficilement rejetables (Baudel., Curios. esthét., 1859, p. 285). [ʀ ə ʒ ətabl̥]. Att. ds Ac. dep. 1762. 1reattest. 1552 rejetable (Est., p. 1138, s.v. rejectactaneus); de rejeter, suff. -able*.
BBG.Quem. DDL t. 27.

Wiktionnaire

Verbe - français

rejeter \ʁə.ʒə.te\ ou \ʁəʒ.te\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison) (pronominal : se rejeter)

  1. Jeter de nouveau.
    • Vous n’avez pu prendre la balle quand je vous l’ai jetée ; renvoyez-la-moi, je vous la rejetterai.
  2. Repousser ; renvoyer.
    • Qu’y a-t-il Héloïse ?
      Le prénom familier rompait l’envoûtement, conjurait le péril. Il la rejetait vers l’enfance, niait sa flamboyante puberté.
      — (Jean Rogissart, Passantes d’Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958)
    • La viande trichinée doit être rejetée de la consommation, et, comme il est facile qu'elle échappe à l'examen, il est toujours préférable de manger la viande de porc très cuite. — (Paul Cagny & ‎Raoul Gouin, Hygiène et maladies du bétail, Éditions J.-B. Baillière et fils, 1909, p. 365)
  3. Reporter ; renvoyer à un autre terme.
    • […] ces rites rapprochent aussi l’affatomie des legs et du testament […] Il est frappant qu’il y ait un dessaisissement formaliste effectué inter vivos, mais l’effet complet de l’acte n’est réalisé que post mortem. Il y a cérémonie de dessaisissement et de déclaration de volonté au mallum puis mise en possession immédiate du bénéficiaire […] mais en définitive la mise à disposition complète est rejetée après le décès du disposant. — (Gabriel Lepointe, La Famille dans l’Ancien droit, Montchrestien, 1947, 5e édition, 1956, pages 120-121)
  4. Jeter une chose dans l’endroit d’où on l’avait tirée.
    • Des bâtiments soulevés par le retournement d’un ice-berg ont été rejetés à la mer brisés comme une noix. — (Jean-Baptiste Charcot, Dans la mer du Groenland, 1928)
    • Comme il n’avait pris que du petit poisson, il le rejeta dans l’eau.
  5. Jeter dehors ; pousser hors de soi.
    • Il procédait à de profondes aspirations puis rejetait l’air en produisant une espèce de sifflement particulier. — (Alain Gerbault, À la poursuite du soleil ; tome 1 : De New-York à Tahiti, 1929)
    • La mer a rejeté sur ses bords les débris du naufrage.
  6. (En particulier) Vomir.
    • Cet homme a l’estomac malade, il rejette tout ce qu’il prend.
  7. (Foresterie) Faire des rejets, repousser après avoir été coupé, en parlant d’un arbre ou d’un arbuste.
    • (Absolument) […] le régime du taillis sous futaie pratiqué en vue de la production de l’écorce et du tan […] a favorisé le Chêne qui, « rejetant » abondamment de souche, a peu à peu éliminé ses concurrents. — (Gustave Malcuit, Contributions à l’étude phytosociologique des Vosges méridionales saônoises, les associations végétales de la vallée de La Lanterne, thèse de doctorat, Société d’édition du Nord, 1929, p. 176)
    • Depuis qu’on a étêté cet arbre, il a rejeté beaucoup de branches.
  8. Mettre une chose en un endroit, après l’avoir ôtée de celui où elle était.
    • Il faut rejeter l’eau de ce bassin dans cette cuve, la terre de ce fossé sur cette couche.
    • Rejetez tous ces détails dans les notes de votre ouvrage.
    • Rejeter les notes à la fin du volume.
  9. (Figuré) Faire retomber.
    • Rejeter un tort sur quelqu’un.
    • Il a rejeté sa faute sur cet homme, qui en était bien innocent.
    • On a tout rejeté sur lui.
  10. (Figuré) Repousser ; ne pas admettre ; ne pas vouloir recevoir.
    • J’ai rejeté bien loin les propositions qu’il m’a faites.
    • Il a rejeté les offres qu’on lui faisait.
    • Sa requête a été rejetée.
    • La Cour de Cassation a rejeté le pourvoi de ce condamné.
    • La Chambre a rejeté la loi proposée.
    • On a rejeté son offre, sa proposition, ses prières, sa demande.
    • On a rejeté ses avis, ses conseils.
  11. Repousser ou condamner, en parlant de personnes.
    • Il fut rejeté même de ses plus anciens amis.
  12. Écarter ; éloigner.
    • Il rejetait délibérément toutes préoccupations étrangères à sa neuve situation. — (Victor Méric, Les Compagnons de l’Escopette, Éditions de l’Épi, Paris, 1930, page 116)
    • […], les chevaux s'arrêtent net, ployant sur leurs jarrets et rejetant la tête en arrière sous l'action brutale du mors arabe. — (Frédéric Weisgerber, Trois mois de campagne au Maroc : étude géographique de la région parcourue, Paris : Ernest Leroux, 1904, page 47)
    • Elle m’horripilait avec ses airs supérieurs, […]. Même sa façon de rejeter ses cheveux en arrière lorsqu'elle riait m'énervait. — (Marie Feyt, Encolie, Éditions Publibook, 2008, page 19)
  13. (Pronominal) Se reculer ; se porter en arrière.
    • Nous reprenons le raidillon ; il n’est guère plus drôle à descendre qu’à monter : tantôt nous étions courbés en avant, maintenant il faut, pour la descente, se rejeter en arrière… — (Gustave Fraipont, Les Vosges, 1923)
  14. (Pronominal) (Figuré) Se reporter, faute de mieux, sur une autre chose.
    • Ne sachant plus que dire pour sa justification, il se rejeta sur les services qu’il prétendait avoir rendus.
    • La lecture m’étant interdite, je me rejette sur les auditions de radio.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

REJETER. v. tr.
Jeter de nouveau. Vous n'avez pu prendre la balle quand je vous l'ai jetée; renvoyez-la-moi, je vous la rejetterai. Il signifie aussi Repousser, renvoyer. On lui avait jeté la balle, il la rejeta avec la même force. Il signifie encore Jeter une chose dans l'endroit d'où on l'avait tirée. Comme il n'avait pris que du petit poisson, il le rejeta dans l'eau. Il signifie également Jeter dehors, pousser hors de soi. La mer a rejeté sur ses bords les débris du naufrage. Cet homme a l'estomac malade, il rejette tout ce qu'il prend, Il le vomit. En termes d'Agriculture, il se dit des Arbres qui repoussent après avoir été coupés. Depuis qu'on a étêté cet arbre, il a rejeté beaucoup de branches. Absolument, Cet arbre rejette par le pied. Il signifie encore Mettre une chose en un endroit, après l'avoir ôtée de celui où elle était. Il faut rejeter l'eau de ce bassin dans cette cuve, la terre de ce fossé sur cette couche. Rejetez tous ces détails dans les notes de votre ouvrage. Rejeter les notes à la fin du volume.

REJETER s'emploie aussi figurément dans un sens analogue et signifie Faire retomber. Rejeter un tort sur quelqu'un. Il a rejeté sa faute sur cet homme, qui en était bien innocent. On a tout rejeté sur lui. Il signifie encore, figurément, Repousser, ne pas admettre, ne pas vouloir recevoir. J'ai rejeté bien loin les propositions qu'il m'a faites. Il a rejeté les offres qu'on lui faisait. Sa requête a été rejetée. La Cour de Cassation a rejeté le pourvoi de ce condamné. La Chambre a rejeté la loi proposée. On a rejeté son offre, sa proposition, ses prières, sa demande. On a rejeté ses avis, ses conseils. Dans le style biblique, et quelquefois par analogie dans le style ordinaire, il se dit des Personnes qui sont repoussées, condamnées. Le Seigneur l'a rejeté. Il fut rejeté même de ses plus anciens amis. Il signifie encore Écarter, éloigner. Cela nous rejette bien loin de notre sujet. Nous voilà rejetés bien loin. Nous voilà fort éloignés de notre but.

SE REJETER signifie Se reculer, se porter en arrière. Il se rejeta au fond de sa voiture. Il se rejeta en arrière. Il signifie aussi, au figuré, Se reporter, faute de mieux, sur une autre chose. Ne sachant plus que dire pour sa justification, il se rejeta sur les services qu'il prétendait avoir rendus. La lecture m'étant interdite, je me rejette sur les auditions de T. S. F.

Littré (1872-1877)

REJETER (re-je-té. Le t se double quand la syllabe qui suit est muette : je rejette, je rejetterai) v. a.
  • 1Jeter de nouveau. Rejetez-moi ce livre que vous m'avez déjà jeté.

    Rejeter les yeux sur, porter de nouveau les regards sur. Bonsoir, encore une fois ; si je rejette les yeux sur votre lettre, adieu le reste de la nuit, Diderot, Lett. à Falconet, mars 1766.

  • 2Repousser, renvoyer. Rejeter une balle. On lui jeta force dards qu'il rejetait tous contre les ennemis, Vaugelas, Q. C. VI, 1. Marchons, et dans son sein rejetons cette guerre Que sa fureur [de Rome] envoie aux deux bouts de la terre, Racine, Mithr. III, 1.
  • 3Jeter un objet dans l'endroit d'où on l'avait tiré. Il rejeta le poisson dans l'eau. Et des enfants du nord la horde ensanglantée Aux fers dont je sortais m'a soudain rejetée, Voltaire, Orphel. V, 1.
  • 4Jeter dehors, faire sortir hors de soi. La mer rejette sur les rivages une infinité de choses qu'elle apporte de loin, et qu'on ne trouve jamais qu'après les grandes tempêtes, Buffon, Hist. nat. preuv. théor. terre, Œuv. t. II, p. 194. Je savais que les chenilles doivent rejeter la membrane fine et transparente qui revêt intérieurement le canal intestinal, et que cette rejection était un des préliminaires nécessaires à la transformation en chrysalide, Bonnet, Observ. 5e insectes. Quand, muet d'épouvante et tremblant de colère, Il [Néron] apprit que ces flots, instrument du forfait, Se soulevant d'horreur, lui rejetaient sa mère, Delavigne, Messéniennes, III, 4, la Sibylle.

    Rejeter du pus, et, absolument, rejeter, se dit d'une plaie qui suppure de nouveau. La plaie, qui avait semblé se fermer, rejette.

    Il se dit aussi de ce que la bouche, l'estomac jette hors de soi. Ce malade rejette tout ce qu'il prend. Les arêtes et les écailles des poissons se roulent dans leur estomac [des oiseaux pêcheurs], et ils les rejettent par le bec, Buffon, Ois. t. II, p. 51. La première fois qu'un sauvage boit du vin, il fait la grimace et le rejette, Rousseau, Ém. II.

    Fig. Tout ce qu'on dit de trop est fade et rebutant ; L'esprit rassasié le rejette à l'instant, Boileau, Art p. I.

  • 5En parlant des arbres, produire des pousses, repousser. Cet arbre a rejeté beaucoup de branches.

    Absolument. Cet arbre rejette par le pied.

  • 6Reporter ailleurs une chose qu'on a ôtée d'un endroit. Les ouvriers rejetèrent la terre du fossé dans le champ voisin. Le poëte a rejeté ce mot d'un vers sur l'autre, pour produire un effet déterminé. Hernandez donne des espèces comme étant du genre canard, dont nous ne pouvons que rejeter ici en notes les noms mexicains, Buffon, Ois. t. XVII, p. 425.

    Dans l'ancienne administration, rejeter une taxe sur une ville, faire une réimposition pour achever le payement d'une taxe qui n'a pu être payée entièrement.

  • 7 Fig. Faire que ce qu'on éprouvait soit éprouvé par d'autres. La victoire attachée au progrès de ses armes Sur nos fiers ennemis rejeta nos alarmes, Corneille, Rodog. I, 1.

    Rendre responsable, attribuer. Seigneur, il est trop vrai que le peuple murmure, Qu'il rejette sur vous sa funeste aventure, Corneille, Œdipe, V, 1. En 1672, on avait l'ingratitude de rejeter sur Colbert la langueur qui commençait à se faire sentir dans les nerfs de l'État, Voltaire, Louis XIV, 30.

    Rejeter une faute, un crime sur quelqu'un, l'en accuser pour se disculper. Convaincu des plus noirs forfaits, avant d'expirer, il a publiquement fait l'aveu de l'assassinat qu'il avait rejeté sur moi, Genlis, Veillées du château t. I, p. 556, dans POUGENS.

  • 8Ne pas admettre, rebuter, repousser. Il vaut mieux la priver du rang qu'elle rejette, Corneille, Héracl. I, 3. Quoique mon cœur rejette un doute injurieux, Th. Corneille, Ariane, V, 3. Je passe ensuite à rejeter tout le mal que vous me dites de votre esprit et de votre corps, Sévigné, à Mme de Grignan, 22 juill. 1685. Comme il [Charles Ier] n'a jamais refusé ce qui était raisonnable, étant vainqueur, il a toujours rejeté ce qui était faible et injuste, étant captif, Bossuet, Reine d'Anglet. Le socinianisme, où la divinité de Jésus-Christ est rejetée, Bossuet, Variat. XV, 83. Les esprits même les plus déréglés n'en rejettent pas l'idée [de Dieu], pour n'avoir point à se reprocher un aveuglement trop visible, Bossuet, Anne de Gonz. Les libertins et les hérétiques, qui, par un esprit d'incrédulité, rejettent la foi du purgatoire, Bourdaloue, Commémoration des morts, Myst. t. II, p. 492. Vous pourrez rejeter ma prière, Racine, Esth. III, 4. Thémistocle rejeta bien loin la proposition de Pausanias, et refusa absolument de prendre aucune part à ses desseins, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. III, p. 303. Quelques-uns croient qu'Euripide était mort avant Socrate, et rejettent cette histoire, Rollin, ib. IV, p. 442. Elle est si fière qu'elle a rejeté les vœux des premiers seigneurs d'Espagne, Lesage, Diable boit. 15. Nous avons rejeté ces présents corrupteurs, Trop étrangers pour nous, trop peu faits pour nos mœurs, Voltaire, Scythes, 1. Saint Épiphane cite des Actes des apôtres qu'on croit composés par les chrétiens nommés ébionites, et qui furent rejetés par l'Église, Voltaire, Dict. phil. Apôtres.

    Absolument. Qui ne voit que ce droit d'approuver et de rejeter, pris dans son sens absolu, s'applique seulement aux propositions qui renferment des nouveautés ? Rousseau, Lett. de la Montagne, 8.

  • 9Il se dit aussi des personnes qu'on repousse et condamne. Vous avez rejeté la parole du Seigneur ; le Seigneur vous a rejeté, et il ne veut plus que vous soyez roi, Sacy, Bible, Rois, I, XV, 23. Le grand pontife [Jésus-Christ] nous a absous ; il a voulu lui-même être rejeté, afin que par lui nous fussions reçus, Bossuet, Sermons, Ascension, 1. La raison vous choisirait ; mais la folie des usages vous rejette, Marivaux, Marianne, 4e part. Me rejetez-vous aussi comme ami ? Genlis, Mlle de la Fayette, p. 167, dans POUGENS. Je ne dois pas vous voir ; mais ce qui vous entoure est ma famille ; en suis-je donc rejetée ? Staël, Corinne, XX, 3.
  • 10Écarter, éloigner. Cela nous rejette bien loin de notre sujet.

    Remettre à un temps éloigné. Il en arrivera… comme des six mille francs que je devais toucher à Nantes : il est sorti une chicane du fond de l'enfer, qui me rejette je ne sais où, Sévigné, 30 juin 1680.

  • 11Se rejeter, v. réfl. Se porter en arrière. Les femmes qui se rejettent au fond de leurs loges quand elles voient la coupe sanglante d'Atrée tomber et se répandre sur le théâtre, D'Alembert, Éloges, Crébillon. Ah ! l'homme en vain se rejette en arrière, Lorsque son pied sent le froid du cercueil, Béranger, Treize à table.

    Fig. D'où vient que l'homme épouvanté à l'aspect du néant se rejette en arrière ? Delille, Dithyr.

  • 12 Par extension, être reporté. [Chez les Romains] ce langage licencieux se rejeta dans les noces, où il se saisit de toutes les choses qui pouvaient être susceptibles de traits vifs et malins, Hist. des Vestales, dans DESFONTAINES.
  • 13 Fig. Parler de nouveau d'une chose déjà traitée ; s'éloigner du sujet principal de la discussion, pour s'étendre sur des accessoires. Mme de Chaulnes est si surprise de tout cela [ce qu'on fait pour la ville de Rennes], qu'elle se rejette à Rome, et fait fort bien, Sévigné, 2 nov. 1689.

    S'excuser. Ne sachant plus que dire, il se rejeta sur les circonstances qui l'avaient accablé.

HISTORIQUE

XIIIe s. Et si ot molt parfont fossés, Trestot de novel regetés, Lai du trot.

XIVe s. L'iver fait mourir les porées ; mais en fevrier les racines regettent nouvelle et tendre porée, Ménagier, II, 2. Choux, percil et autres telles verdures qui regettent [poussent des rejetons], ib.

XVIe s. Conseil, raison, esperance et remede, Comme ennemis mon esprit vous rejette, Desportes, Épitaphes, Diane, complainte. Il fault rejecter [renvoyer] tousjours chascun à son gibbier, Montaigne, I, 58. Pour ne nous desconforter [par la vue de notre intérieur], nature a rejecté bien à propos l'action de nostre veue au dehors, Montaigne, IV, 145. Des sagettes si longues qu'à les reprendre à la main on les pouvoit rejecter à la mode d'un dard, Montaigne, I, 364. La commune voix du peuple a tousjours accoustumé de rejetter les fautes des disciples sur leurs maistres, Amyot, Préf. XXII, 50. Merveilles qui ne sont point à rejetter ny à condemner legerement, Amyot, Cam. 13. Il dilayoit et rejettoit tousjours à un autre temps l'enterinement de ceste loy, Amyot, ib. 14. Ce fut la cause veritable pour laquelle il se rejetta en Italie, Amyot, Pyrrh. 53. Il fut de rechef rejetté en pleine guerre par l'ambition d'Acibiades, Amyot, Nicias, 15. …Que lors il se rejetteroit avec luy entre les bras de la chose publique, et luy souviendroit des admonestemens de Caton, Amyot, C. d'Ut. 57. Le cavalier, donnant des deux à son cheval, le rejetta une seconde fois par terre tout couvert de sang, D'Aubigné, Vie, XXVI.

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Étymologie de « rejeter »

Re…, et jeter ; wallon, rigeté, ressuer, rendre son humidité ; prov. regetar ; port. rejeitar ; ital. rigettare.

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(XIIe siècle) Du latin rejectare (« rejeter, repousser, vomir »).
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Phonétique du mot « rejeter »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
rejeter rœʒœte

Fréquence d'apparition du mot « rejeter » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « rejeter »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « rejeter »

  • Faut-il rejeter toutes les probabilités parce qu'elles ne sont pas des certitudes ?
    Jane Austen — Orgueil et Préjugés
  • Les avocats du policier de Minneapolis licencié, Tou Thao, ont déposé une requête mercredi pour rejeter deux accusations de crime contre lui dans la mort de George Floyd. Photographié en train de quitter le tribunal le 21 juillet
    News 24 — L'ancien officier de police de Minneapolis, Tou Thao, demande le rejet des accusations - News 24
  • Deux manières de briller : rejeter la lumière ou la produire.
    Paul Claudel — Journal
  • Choisir, c’est sans cesse rejeter celui que tu es, pour celui que tu pourrais être. C’est l’esprit d’aventure.
    Paul La Cour — Fragments d’un journal
  • On refuse d'admettre le fait-même de la diversité culturelle; on préfère rejeter hors de la culture, dans la nature, tout ce qui ne se conforme pas à la norme sous laquelle on vit.
    Claude Lévi-Strauss — Race et Histoire
  • Selon les médias polonais d’opposition, la décision récente de la Commission européenne de rejeter des demandes de subvention émanant de communes qui s’étaient déclarées “sans idéologie LGBT” peut ouvrir la voie à d’autres sanctions financières contre la Pologne en raison du non-respect de valeurs fondamentales comme l’État de droit.
    Courrier international — L’UE refuse de subventionner des communes polonaises dites “sans idéologie LGBT”
  • C'est une très méchante manière de raisonner que de rejeter ce qu'on ne peut comprendre.
    François René de Chateaubriand — Génie du christianisme
  • Mais de le voir, ça m'a déchiré le coeur et honnêtement, si mon fils rejetait un autre enfant sans raison, je lui aurais probablement dit la même chose. Ça peut tellement affecter la confiance en soi de se faire rejeter. Après coup, je lui ai bien évidemment expliqué ma réaction. Plus tard, il m'a simplement dit « Maman, tu as eu raison. Je n'aurais pas dû me laisser faire. »
    Mon fils s'est fait rejeter devant moi | TPL Moms
  • Au Mexique, la Cour suprême vient de rejeter une injonction « qui aurait dépénalisé l’avortement au cours des 12 premières semaines de la grossesse » dans le pays.
    Mexique : la Cour suprême annule une injonction visant à dépénaliser l’avortement | Gènéthique
  • D'accord, il faut jouir du présent. Mais quand le passé est beau, il n'y pas lieu de le rejeter.
    Melvin Gallant — Le Chant des grenouilles
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Images d'illustration du mot « rejeter »

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Traductions du mot « rejeter »

Langue Traduction
Anglais reject
Espagnol rechazar
Italien rifiutare
Allemand ablehnen
Chinois 拒绝
Arabe للرفض
Portugais rejeitar
Russe отказаться
Japonais 拒否する
Basque arbuiatzeko
Corse rifiutà
Source : Google Translate API

Synonymes de « rejeter »

Source : synonymes de rejeter sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « rejeter »

Combien de points fait le mot rejeter au Scrabble ?

Nombre de points du mot rejeter au scrabble : 14 points

Rejeter

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