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Épargner

Définitions de « épargner »

Trésor de la Langue Française informatisé

ÉPARGNER, verbe trans.

Faire en sorte que quelque chose ou quelqu'un ne soit pas touché par une chose ou une action.
I.− [Le but de l'action est de constituer ou de ménager une réserve de qqc.]
A.− [L'obj. désigne une chose] Réduire l'usage de quelque chose afin de constituer ou de conserver une réserve.
1. Réserver un bien, généralement une somme d'argent.
a) [Le compl. désigne une somme d'argent] Ne pas dépenser tout son argent de manière à en mettre de côté une partie. Épargner son bien, son argent. C'est autant d'épargné (Ac.).J'ai épargné les vingt centimes que coûte une tasse de café (Bourget, Essais psychol.,1833, p. 239).
Spéc., surtout en emploi abs. Faire des économies et les placer. Épargner une certaine somme (cf. épargne ex. 1) :
1. Les « agents » : particuliers, entreprises, collectivités... dont les opérations courantes se sont traduites par un excédent, ceux qui ont donc pu épargner, ont fourni au marché à peu près 2 600 milliards de francs qui ont servi à la formation de capital fixe. L'Univers écon. et soc.,1960, p. 2212.
b) [Le compl. désigne un bien matériel évaluable en argent] Épargner le combustible :
2. David descendit à la cave. Il y faisait à peine clair. On n'avait pas l'électricité pendant le jour. Les Allemands épargnaient le charbon. Van der Meersch, Invasion 14,1935, p. 157.
Épargner sur qqc.Faire des économies sur un bien de consommation. Il est si avare qu'il épargne même sur sa nourriture (Ac.).
Par litote. Ne pas épargner qqc. L'employer, en user avec largesse, sans tenir compte de la dépense que cela représente. Une gaieté qu'il entretient et réveille deux fois par jour par deux longs repas, où le vin du Rhin n'est pas épargné (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1572):
3. La soupe à l'oignon, Dieu merci! Ne m'a jamais porté dommage. Ainsi, la mère, encore un coup, Insistez, faites en beaucoup, Et n'épargnez pas le fromage. Ponchon, La Muse au cabaret,La Soupe à l'oignon, 1920, p. 156.
2. [Le compl. désigne un bien non évaluable en argent] User avec modération d'une chose précieuse. Épargner son temps, sa peine, la fatigue :
4. Aussi est-ce un dessein naturel à l'homme que d'obtenir, avec toute la précision possible et par contrainte, le concours des forces étrangères. S'effaçant pour ainsi dire lui-même, il cherche à épargner son effort, afin de leur laisser produire ce qu'il a prédéterminé rigoureusement et d'être, lui seul, la volonté de ce qui n'en a pas. Blondel, L'Action,1893, p. 217.
Par litote. Ne rien épargner pour. Employer tous les moyens nécessaires, ne négliger aucun moyen utile pour aboutir au résultat recherché. Il se décide à ne rien épargner pour contraindre la princesse à l'hymen qu'il désire (Cottin, Mathilde,t. 2, 1805, p. 287).
3. Emplois techn. Laisser sans traitement une partie d'un objet.
a) CÉRAM. Laisser en biscuit certaines parties d'une pièce de céramique :
5. Avant lui [Mortelègue], le peintre en émail n'avait pas de blanc susceptible de se mêler aux autres couleurs (...) il était donc contraint d'épargner le blanc du fond, de le réserver comme on dit... Ch. Blanc, Gramm. des arts du dessin,1876, p. 589.
b) GRAV. Ne pas tailler certaines parties qui, en restant en relief, apparaîtront seules sur le dessin ou la gravure (cf. épargne ex. 7).
c) PEINT. Laisser en blanc certaines parties d'un tableau ou mettre des taches de lumière :
6. ... les tableaux de chevalet sont les seuls où l'on puisse épargner la lumière, parce que le spectateur, devant les regarder de près, y découvre des profondeurs qui à distance se résoudraient en une masse de noir. Ch. Blanc, Gramm. des arts du dessin,1876p. 551.
B.− Vieilli. [L'obj. désigne une pers.] Ne pas s'épargner.Ne pas ménager sa peine, se donner tout entier à sa tâche. Quant à la bien soigner, elle qui parlait ne s'y épargnait point, comme c'était son devoir de le faire (Sand, F. le Champi,1850, p. 122):
7. ... pendant ces quinze jours, Rambert travailla sans s'épargner, de façon ininterrompue, les yeux fermés en quelque sorte, depuis l'aube jusqu'à la nuit. Tard dans la nuit, il se couchait et dormait d'un sommeil épais. Camus, La Peste,1947, p. 1382.
II.− [Le but ou le résultat de l'action est de soustraire qqn ou qqc. à une atteinte dommageable ou désagréable]
A.− [Le compl. d'obj. désigne une ou plusieurs pers.]
1. Ne pas traiter quelqu'un aussi mal qu'on en aurait le pouvoir ou la possibilité, afin de lui éviter une souffrance (physique ou morale), un tort; ménager la sensibilité de quelqu'un. Peut-être le médecin la trompait-il [la mère] pour l'épargner (Zola, Page amour,1878, p. 1806).
En partic. Laisser la vie sauve à quelqu'un qu'on aurait le droit ou la possibilité de faire mourir. L'impératrice (...) répétait : « Qu'importe! Il vaut mieux épargner un coupable que de tuer un innocent! » (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Moiron, 1887, p. 1147).Judith. − Épargne les Juifs, Holopherne, et ton nom sera accolé au leur pour l'éternité (Giraudoux, Judith,1931, II, 2, p. 131).
Par litote
Emploi réciproque. Dans cette lutte, les deux adversaires ne se sont pas épargnés (Ac.).
N'épargner personne (dans ses propos). Médire de tout le monde (cf. choléra ex. 5).
2. [En parlant d'une force hostile] Ne pas faire de mal à quelqu'un :
8. Le début du xxesiècle va connaître l'assaut d'une vague d'opinion nettement anticléricale qui n'épargnera pas l'enseignement privé. Encyclop. pratique de l'éduc. en France,1960, p. 68.
P. anal. Ne pas causer de dommage à quelque chose. Napoléon, (...). − Laissez brûler, messieurs, et, si le feu épargne quelque chose, anéantissez ce que le feu épargnera. (...) Moscou n'existe plus (Dumas père, Napoléon,1831, III, 2, p. 72).
B.− [Le compl. d'obj. est un n. abstr. désignant un attribut hum.] Ne pas porter atteinte à, ménager. Car c'est une chose rare qu'une femme qui vous aime pour vous, rien que pour vous. − Comme toi, est-ce pas? − Épargne ma modestie (Borel, Champavert,1833, p. 204).Vous direz à Maurice tout ce qu'il faut lui dire (...) Parlez-lui de sa petite femme, de l'avenir, de ma vieillesse à épargner (Sand, Corresp.,1870, p. 45).
C.− Épargner qqc. à qqn.Faire en sorte que quelqu'un n'ait pas à subir de désagrément. Épargner à qqn la peine, l'ennui de. Je lui épargnerai cette humiliation (Dupuis, Orig. cultes,1796, p. 416).Je t'épargne les commentaires (Gide, Faux-monn.,1925, p. 1067).Les partis, au cours du débat (...), ne nous épargnèrent pas leurs critiques (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 248).
Rem. On rencontre ds la docum. l'expr. arg. épargner le Poitou au sens de « prendre ses précautions » (cf. Balzac, Splend. et mis., 1847, p. 543).
Prononc. et Orth. : [epaʀ ɳe], (j')épargne [epaʀ ɳ]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1100 esparigner « ne pas tuer, laisser vivre » (Roland, éd. J. Bédier, 1883); b) 1remoitié du xiies. esparnier « traiter avec ménagement, indulgence » (Psautier Cambridge, 71, 13 ds T.-L. : parcet inopi); 2. a) 1121-34 « consommer, employer avec mesure, de façon à garder une réserve » (Ph. de Thaon, Bestiaire, 1050, ibid.); b) ca 1200 « conserver, accumuler par l'épargne » (Aiol, 2667, ibid.); 3. 1595 épargner qqc. à qqn (Montaigne, Essais, II, 12, éd. A. Thibaudet, p. 583). De l'a. b. frq. *sparanjan « traiter avec indulgence », lui-même issu, sous l'infl. de *waidanjan (v. gagner), du germ. *sparôn, cf. a. h. all. sparên, sparôn « ne pas tuer » (Graff t. 6, col. 353), all. sparen, et, au viiies., dans les Gloses de Reichenau (éd. H.-W. Klein, t. 1, p. 178b) : non pepercit : non sparniavit. Fréq. abs. littér. : 2 345. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 965, b) 3 103; xxes. : a) 3 109, b) 3 050.
DÉR.
Épargneur, euse, adj. et subst.,rare. (Personne) qui épargne de manière habituelle; (personne) qui dépense avec parcimonie. Nous sommes un peuple de paysans, un peuple d'épargneurs (Gambetta, Discours prononcé au Cercle national,24 mai 1878ds L. Rigaud, Dict. arg. mod., 1881, p. 152).Rem. On rencontre ds la docum. le néol. épargnateur, euse, subst. Synon. de épargneur. Vous n'avez plus connu que la parcimonie, Et les épargnateurs et les conservateurs (Péguy, Ève, 1913, p. 722). [epaʀ ɳ œ:ʀ]. Seule transcr. ds Lar. Lang. fr. 1resattest. a) subst. 1556 « celui qui donne avec parcimonie (au fig.) » (Le Caron, Dialogues, I, 4 ds Hug.), av. 1614 « celui qui épargne » (Brantôme, Disc. sur les duels, ibid.), attest. isolées; de nouv. 1878 (Gambetta, loc. cit. ds L. Rigaud, loc. cit.), b) adj. 1937 « qui épargne » (G. Bauër, Billets de Guermantes, p. 125 ds Rob. Suppl.); du rad. de épargner, suff. -eur2*.

Wiktionnaire

Verbe - français

épargner \e.paʁ.ɲe\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison)

  1. Ménager quelque chose, ne l’employer qu’avec réserve.
    • Il s’agissait de reconquérir Capi, et nous ne nous épargnerions ni l’un ni l’autre. — (Hector Malot, Sans famille, 1878)
    • En raison du changement d’heure, survenu la même nuit, la déposante hésitait : elle avait, en se mettant au lit, retardé sa pendule pour s’épargner la peine d’y penser le lendemain, […]. — (Francis Carco, L’Homme de minuit, Éditions Albin Michel, Paris, 1938)
    • Épargner son bien, son argent.
    • Nous n’avons guère de provisions, il faut les épargner.
    • Le vin ne fut pas épargné à cette noce.
    • Cette sauce est très relevée : on n’y a pas épargné le sel, le poivre.
    • Il est si avare qu’il épargne même sur sa nourriture.
    • On n’épargne rien pour vous satisfaire.
    • Je n’y épargnerai rien.
    • Quand il peut obliger ses amis, il ne s’y épargne pas.
    • Il ne s’épargna pas dans le combat.
  2. (Figuré) Dispenser ou préserver quelqu’un d’une chose, ne pas la lui laisser éprouver, ne pas la lui faire subir.
    • Quoi qu’il en soit, l’espérance de revoir le pauvre baron gai et gaillard m’a bien épargné de la tristesse. — (Lettre de Madame de Sévigné à Madame de Grignan, à Vichi, mardi 28 mai 1676)
    • Des impôts considérables accablaient les vilains, écrasaient les pauvres gens, épargnant les princes et les ducs, les comtes et les marquis. — (Alfred Barbou, Les Trois Républiques françaises, A. Duquesne, 1879)
    • Les fils de la toile d’araignée où nous sommes tous pris sont bien minces : ce dimanche de mai, Michel-Charles faillit perdre, ou se voir épargner, les quarante-quatre ans qui lui restaient à vivre. En même temps, ses trois enfants, et leurs descendants, dont je suis, coururent de fort près la chance qui consiste à ne pas être. — (Marguerite Yourcenar, Archives du Nord, Gallimard, 1977, page 113)
    • Bruno, épargne-moi ton baratin de Rock Machine. T’as de la misère à écraser une araignée. — (Alain Beaulieu, Le Fils perdu, Québec Amérique, 2013, chapitre 3)
  3. (En particulier) Laisser la vie sauve.
    • Je fit entendre à la multitude que, si on nous tuait, ces huit prisonniers seraient mis à mort; mais que, si l’on nous épargnait, mes cinq compagnons et moi, nous ferions relâcher les prisonniers sur-le-champ. — (Dillon, Voyage dans la mer du sud, Revue des Deux Mondes, 1830, tome 1)
    • Parfois, ayant tué les hommes de la maison, on épargne les femmes. Mais dans des conditions telles qu'elles aimeraient mieux mourir. — (Pierre Nothomb; Les barbares en Belgique., 1915)
    • Des renards bleus, à peine plus farouches que des chiens, nichaient alors dans le local ; j’ai exigé qu’on les épargnât ; pourquoi tuer par plaisir un être, même inférieur […]. — (Jean-Baptiste Charcot, Dans la mer du Groenland, 1928)
  4. (En particulier) Ne pas porter atteinte.
    • Les habitants d’Houffalize, tapie au fond de sa vallée, au bord de l’Ourthe claire, et que la guerre avait jusque là épargnée, virent arriver les avions […], et une minute plus tard, Houffalize n'existait plus. — (Georges Blond, L'Agonie de l'Allemagne 1944-1945, Fayard, 1952, pages 156-157)
    • Les B 52 qui décollaient de Diego Garcia, d’Espagne et de Grande-Bretagne ont déversé des tapis de bombes sur les troupes ennemies, opérations qui n’ont pas épargné les zones résidentielles, […]. — (Chapour Haghighat, « Le déroulement de la crise », dans Histoire de la crise du Golfe, Éditions Complexe, 1991)
  5. (Figuré) Traiter avec ménagement.
    • Épargner la vieillesse, la faiblesse. - Épargner la sensibilité, l’amour-propre de quelqu’un.
  6. Ne pas traiter quelqu’un aussi mal qu’on serait en droit de le faire.
    • Je pouvais lui faire beaucoup de mal, mais je l’ai épargné. - On ne l’a pas taxé aussi haut que les autres, on a voulu l’épargner. - Dans cette lutte, les deux adversaires ne se sont pas épargnés.
  7. (Art, Dessin) (Miniature) Employer le blanc du papier ou de l’ivoire pour produire, sans crayon ni peinture, les parties lumineuses.
  8. (Finance) Mettre de l’argent de côté.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

ÉPARGNER. v. tr.
Ménager quelque chose que ce soit, ne l'employer qu'avec réserve. Épargner son bien, son argent. C'est autant d'épargné. Nous n'avons guère de provisions, il faut les épargner. Le vin ne fut pas épargné à cette noce. N'épargnez pas ma bourse. Cette sauce est très relevée : on n'y a pas épargné le sel, le poivre. Il est si avare qu'il épargne même sur sa nourriture. On n'épargne rien pour vous satisfaire. Je n'y épargnerai rien. Épargner sa peine. Épargner ses pas. Épargner la vie des hommes. Quand il peut obliger ses amis, il ne s'y épargne pas. Il ne s'épargna pas dans le combat. Il signifie figurément Dispenser, préserver quelqu'un d'une chose, ne pas la lui laisser éprouver, ne pas la lui faire subir. Je vous épargnerai ce soin, cette peine, cet embarras. Cela nous épargnerait, cela épargnerait beaucoup de travaux. Épargnez-moi ce chagrin, cette douleur, cette confusion, cette honte. On dit de même S'épargner de la dépense, des soins, de l'embarras, des inquiétudes. Vous cherchez en vain à me persuader, épargnez-vous ce soin. Il signifie aussi figurément Traiter avec ménagement. Épargner la vieillesse, la faiblesse. Épargner la sensibilité, l'amour-propre de quelqu'un. Ne m'épargnez pas, Employez-moi aussi souvent qu'il vous plaira. N'épargner personne signifie quelquefois Médire de tout le monde. Dans la même acception, il signifie encore Ne pas traiter quelqu'un aussi mal qu'on serait en droit de le faire. Je pouvais lui faire beaucoup de mal, mais je l'ai épargné. On ne l'a pas taxé aussi haut que les autres, on a voulu l'épargner. Épargner les vaincus. Dans cette lutte, les deux adversaires ne se sont pas épargnés. Il signifie également, en termes de Dessin et de Miniature, Employer le blanc du papier ou de l'ivoire pour produire, sans crayon ni peinture, les parties lumineuses.

Littré (1872-1877)

ÉPARGNER (é-par-gné) v. a.
  • 1User d'épargne dans la dépense ; ménager une chose, ne l'employer qu'avec réserve. Nous n'avons guère de provisions, il faut les épargner. Épargnez votre argent. C'est parler mal à propos que de s'étendre sur un repas magnifique devant des gens qui sont réduits à épargner leur pain, La Bruyère, V. Les huit ou les dix mille hommes sont au souverain comme une monnaie dont il achète une place ou une victoire : s'il fait qu'il lui en coûte moins, s'il épargne les hommes, il ressemble à celui qui marchande et qui connaît mieux qu'un autre le prix de l'argent, La Bruyère, X. Ne manquez pas de représenter l'erreur grossière de ces femmes qui se savent bon gré d'épargner une bougie, pendant qu'elles se laissent tromper par un intendant sur le gros de toutes leurs affaires, Fénelon, Éduc. filles, X.

    Absolument. Quoiqu'elle ait soin de tout, et qu'elle soit chargée de corriger, de refuser, d'épargner (choses qui font haïr presque toutes les femmes), elle s'est rendue aimable à toute la maison, Fénelon, Tél. XXII.

    S'épargner une chose, se la refuser par épargne. L'avare s'épargne jusqu'aux choses de première nécessité.

  • 2 Fig. Ne donner qu'avec réserve. Épargner ses pas, ses démarches. Je n'ai pour vous rejoindre épargné temps ni peines, Molière, l'Ét. v, 3.

    Supprimer, écarter. Épargnons des discours superflus, Corneille, Sert. II, 5. Je puis par ce partage épargner les soupirs Qui naîtraient de ma peine ou de vos déplaisirs, Corneille, Rodog. I, 2.

    Ne pas épargner, employer sans réserve. On n'y épargna ni les meurtres ni les violences, Vaugelas, Q. C. III, 11. Quand il fallait calmer toute une populace, Le sénat n'épargnait promesse ni menace, Corneille, Nicom. v, 2. Mais j'ai des biens en foule et je puis m'en passer. - On n'en peut trop avoir, et, pour en amasser, Il ne faut épargner ni crime, ni parjure, Boileau, Sat. VIII. Ils [les Manichéens] n'épargnaient pas le parjure pour cacher leurs dogmes, Bossuet, Var. XI, § 203.

    Ne rien épargner, employer tous les moyens. Les Romains n'épargnaient rien pour la grandeur de leur ville, Bossuet, Hist. III, 6. Il avait ordre de ne rien épargner pour faire mourir Télémaque, Fénelon, Tél. XX.

    S'épargner quelque chose, épargner à soi quelque chose, s'en dispenser, s'en exempter. Épargnez-vous ce soin. Le succès de cette tragédie a été si malheureux que, pour m'épargner le chagrin de m'en ressouvenir, je n'en dirai presque rien, Corneille, Pertharite, Exam. Épargnez-vous le blâme D'un coup peu convenable à la main d'une femme, Rotrou, Bélis. III, 5. Oh ! que vous vous seriez épargné de mouvements et d'agitations…, Bourdaloue, Pensées, t. i, p. 382.

  • 3Épargner quelque chose à quelqu'un, l'en préserver, l'en garantir. Et pour vous épargner un discours inutile, Corneille, Médée, I, 1. Je voudrais que le ciel inspirât au sénat De m'épargner ce maître, Corneille, Pulch. V, 1. J'épargne à sa vertu d'éternels déplaisirs, Corneille, Nicom. III, 3. Il lui pourra sans doute épargner plus d'un crime, Corneille, ib. IV, 2. Je vous suis bien tenu de ce soin obligeant Qui m'épargne un grand trouble et me rend mon argent, Molière, l'Ét. I, 7. Seigneur, je ne sais pas encore ce que je veux ; donnez-moi le temps d'y songer, et m'épargnez un peu la confusion où je suis, Molière, Princ. d'Él. v, 2. D'une mère en fureur épargne-moi les cris, Racine, Iphig. I, 2. Cesse, cesse et m'épargne un importun discours, Racine, Phèd. IV, 2. Je t'en ai dit assez, épargne-moi le reste, Racine, ib. I, 3. Les bienfaits de M. le duc de Bourgogne épargnèrent à la France et la douleur de perdre un si excellent homme [la Fontaine] et la honte de ne l'avoir pas arrêté par de si faibles secours, D'Olivet, Hist. Acad. t. II, p. 331, 3e édit. Il aura eu l'avantage de prendre tout dans l'état où l'ont mis les nations les plus savantes, et elles lui auront épargné cette suite si lente de progrès…, Fontenelle, Czar Pierre. Un ruisseau par son cours, le vent par son haleine, Peut à leurs faibles bras épargner tant de peines, Racine L. Relig. III. Divinités de ce bois formidable, J'épargne à votre oreille un entretien coupable, Delavigne, Paria, I, 2. Quels affronts ou quels maux nous ont-ils épargnés ? Delavigne, Vêpr. sicil. II, 6.

    En un sens analogue. Ces deux maximes bien entendues épargneraient bien des préceptes de morale, Rousseau, dans le Dict. de POITEVIN.

    Aujourd'hui, en cet emploi, on dit souvent éviter ; ce qui est une grosse faute.

  • 4Traiter avec indulgence. Épargner la vieillesse, l'enfance, la faiblesse. Vous qui livrez la terre aux discordes civiles, Si vous vengez sa mort, dieux ! épargnez nos villes, Corneille, Pomp. II, 2. Quoi ! tu veux qu'on t'épargne et n'as rien épargné ! Corneille, Cinna, IV, 2. Les injustices des pervers Servent souvent d'excuse aux nôtres ; Telle est la loi de l'univers : Si tu veux qu'on t'épargne, épargne aussi les autres, La Fontaine, Fabl. VI, 15. Pendant que nous tremblons sous leur main [des princes], Dieu les frappe pour nous avertir… et il les épargne si peu qu'il ne craint pas de les sacrifier à l'instruction du reste des hommes, Bossuet, Duch. d'Orl. Je n'épargnerai rien dans ma juste colère, Racine, Andr. I, 4. D'un cœur trop faible encore épargnez la faiblesse, Racine, Baj. v, 6. Et vos refus cruels, loin d'épargner ma peine, Excitent ma douleur, ma colère et ma haine, Racine, Bérén. III, 3. Mes soins, en apparence épargnant ses douleurs, De son fils en mourant lui cachèrent les pleurs, Racine, Brit. IV, 2.

    Elliptiquement. Ne m'épargnez pas, c'est-à-dire mettez mon zèle, mon amitié à contribution.

    Ne pas compromettre. Toutefois épargnez votre tête sacrée, Racine, Mithr. III, 1.

    Laisser vivre, laisser subsister. La mort n'épargne personne. En perdant tous les miens, tu m'as seule épargnée, Corneille, Héracl. I, 2. Monstre qu'a trop longtemps épargné le tonnerre, Racine, Phèd. IV, 2. Le temps, de tout souverain maître, Fait périr tout ce qu'il voit naître ; Il n'épargne que les beaux vers, Lamotte, Odes, t. I, p. 137, dans POUGENS. Je n'épargne rien sur la terre, Je n'épargne rien même aux cieux, Béranger, le Temps.

  • 5Faire grâce, parler avec ménagement. Ah ! seigneur, épargnez la triste Iphigénie, Racine, Iphig. v, 2.

    Être retenu dans les louanges qu'on donne. Elle allait s'étendre sur l'honneur que lui ferait dans l'histoire cette circonstance de son règne ; mais il la pria de l'épargner, Marmontel, Contes moraux, Soliman II.

    Épargner quelqu'un, en parler avec modération ; ne pas l'épargner, en parler mal ; n'épargner personne, médire de tout le monde. Car vous ne m'épargnez guère, Vous, vos bergers et vos chiens, La Fontaine, Fabl. I, 10. Les hommes toujours hardis à juger les autres sans épargner les souverains, car on n'épargne que soi-même dans les jugements, Bossuet, Mar. Thér. On ne sait si on a affaire à un chrétien ou à un païen, lorsqu'on entend ainsi déchirer le christianisme, sans l'épargner dans ses plus beaux jours, Bossuet, Var. 1er avert. § 18. On n'épargne ni le roi ni le cardinal de Richelieu, qu'on accuse de la plus noire ingratitude, Genlis, Mlle de la Fayette, p. 11, dans POUGENS.

    En un autre sens, ne pas épargner, battre. J'aurai soin du valet, n'épargnez pas le maître, Regnard, Ménechm. II, 5.

  • 6 Terme d'arts. Employer avec habileté la matière que l'on travaille.

    Épargner un gilet sur un coupon de drap, tailler tellement le coupon qu'il reste de quoi faire un gilet.

  • 7 Terme de dessin. Faire servir le blanc du papier ou de l'ivoire aux effets de lumière, sans peinture ni crayon.

    Terme de peinture. Ne rien coucher sur certaines parties d'un tableau. Il faut mettre une couche sur telle partie, et épargner telle autre. On épargne les figures et les fabriques quand on fait le ciel d'un tableau.

  • 8Étendre l'épargne sur une pièce de dorure.
  • 9 Terme de menuiserie. Former une seconde figure, en même temps qu'on pousse celle qu'on s'est proposée. Ainsi le menuisier qui pousse un quart de rond, épargne un filet s'il forme en même temps un filet près du quart de rond.
  • 10S'épargner, v. réfl. Se traiter l'un l'autre avec ménagement. Les combattants ne se sont pas épargnés.

    Ne pas s'épargner, dire tout ce qu'on sait de soi, bon ou mauvais. J'écris par votre ordre l'histoire de ma vie, et le plaisir que je me fais de vous obéir avec exactitude a fait que je m'épargne si peu moi-même, Retz, t. III, liv. IV, p. 237, dans POUGENS.

    Ne pas s'épargner à une chose, y travailler de toutes ses forces. Je sais que Léonor ne s'y épargne pas, Baron, Homme à bonnes fort. III, 6.

    Je ne m'épargnerai pas, je ferai tout ce qu'il faudra.

HISTORIQUE

XIe s. Ne mais [excepté] seissante que Deus ad esparniez, Ch. de Rol. CXXV.

XIIe s. Il vont ferir au greignor tas ; Illes ne s'i espargne pas ; Moult i emploie bien sa main, Gautier D'Arras, Ille et Galeron. Et ja ne me avieingne que je espargne mon cors en tot le tens de tribulacions, Machab. I, 13. Et quant li bers Renoars l'a veü, Ne l'esparna, ains l'a bien conseü [atteint], Bat. d'Aleschans, v. 6493. La terriene leis ne deit nul esparnier, Pur les feluns danter e pur els chastier, Th. le mart. 32.

XIIIe s. La mors qui nului n'espargne, ne grant ne petit…, Chr. de Rains, p. 161. Dragon, fols est qui atent ; On doit jehir son talent [exprimer son désir], Si c'autres n'i puist à tans sourvenir, Et chou [ce] qu'il a espargnié envaïr, Bibl des chartes, t. v, 4e série, p. 477.

XIVe s. Quant il s'y expose, il le fet forciblement et hardiement, sans espargner à sa vie aussi comme se il reputast du tout que vivre n'est pas chose digne estre espargnie en tel cas, Oresme, Eth. 122. Ne veuilliez vos chevaus nullement espargnier, Guesclin. 18277. Par ma foy ! dit Bertran, jà on a dit pieça : Moult espargne de bien celui qui point n'en a, ib. 1164411652.

XVe s. Et n'espargnoient ni or ni argent, non plus que s'il leur plut des nues, Froissart, I, I, 76. Là estoit damp abbé, qui point ne s'espargnoit [à combattre], Froissart, I, I, 86. Permettez-nous De n'espaigner ce pommé [cidre] Si bien aimé, Basselin, XXXIX.

XVIe s. Pour espargner la despense, Montaigne, I, 100. Mastinez les fonctions du corps, pour espargner à l'ame la solicitude de les conduire, Montaigne, II, 259. Les trompettes ne s'espargnerent pas, Carloix, III, 15. À la guerre il se montroit vaillant homme, et qui n'espargnoit point sa personne, Amyot, Péric. 11. Le peuple luy cria, qu'il entendoit qu'il les feist parachever aux despends du public, sans y rien espargner, Amyot, ib. 31. N'espargnez point de dire ce qui est requis, pour bien faire entendre la qualité de vostre offence, St Fr. de Sales, p. 488.

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Étymologie de « épargner »

De esparigner, de l'ancien français esparnier, du francique *sparanjan (« traiter avec indulgence »)[1].
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Wallon, spârgnî ; bourguig. reparmer ; provenç. espargnar ; ital. sparmiare, sparagnare, risparmiare. Origine douteuse. On est attiré par l'allemand sparen, épargner, et par le latin parcere, sans qu'on puisse se rendre compte du mode de dérivation qu'ont suivi les langues romanes.

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Phonétique du mot « épargner »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
épargner eparnje

Fréquence d'apparition du mot « épargner » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « épargner »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « épargner »

  • Rentre en toi-même, Octave, et cesse de te plaindre. Quoi ! tu veux qu'on t'épargne et n'as rien épargné !
    Pierre Corneille — Cinna, IV, 2, Auguste
  • Épargner ceux qui se soumettent, et dompter les superbes.
    Virgile en latin Publius Vergilius Maro — L'Énéide, VI, 853
  • C’est nuire aux gens de bien qu’épargner les méchants.
    Publius Syrus — Sentences
  • Choisir son temps, c'est l'épargner.
    Francis Bacon — Essais
  • Côté consommation, ils ont également eu plus de mal à épargner car leur budget est composé en plus faible proportion de dépenses de loisirs, et reste donc beaucoup plus contraint même en période de confinement.
    Alternatives Economiques — Les Français épargnent encore et encore | Alternatives Economiques
  • En pleine crise économique, une tendance à « épargner plus » émerge du côté des salariés. Près d’un tiers d’entre eux envisageraient de ne pas poser tous leurs jours de congés cette année. Une volonté de les transformer en épargne se démarque, notamment sur leur Compte Epargne Temps. Détails.
    Mieux Vivre Votre Argent — Epargne salariale : êtes-vous prêt à transférer vos congés en épargne ?
  • Une réaction tout à fait compréhensible quand on sait que, pour 38% des Français, l’investissement a pour objectif de se constituer un capital pour la retraite ou pour les enfants. Ils sont 37% à épargner dans le but de se constituer un patrimoine.
    Mieux Vivre Votre Argent — Epargne: pourquoi les Français privilégient les livrets ?
  • Mais cette amélioration de la confiance est toute relative car selon cette même enquête de l’Insee, les ménages sont en mode « épargne ». Ils sont, en effet, plus nombreux à penser qu’il faut épargner. Cette volonté de mettre de l’argent de côté se nourrit de la crainte du chômage et de lendemains qui déchantent.
    L'Argent & Vous — « Les Français entre vacances et épargne, faut-il choisir ? », Actualité/Avis d'Expert Epargne
  • Les derniers chiffres de la Banque nationale de Belgique montrent qu'au mois de mai dernier, les Belges ont encore épargné 4 milliards d'euros en plus. C'est simple, il suffit de regarder l'argent qui se trouve placé sur les comptes d'épargne, nous sommes à un record de 289 milliards d'euros. La BNB a déjà fait ses comptes, d'ici la fin de l'année, les Belges vont épargner 20 milliards d'euros en plus que leur épargne habituelle.
    Site-Trends-FR — Les Belges ne veulent pas consommer et préfèrent épargner. La raison? Ils ont peur de l'avenir - Les podcasts de Trends Tendances - Trends-Tendances
  • Richard de Lacy, nous avons été de bons compagnons autrefois et vous trouviez toujours le sermon un peu long quand c'était l'heure d'aller dîner. Je vous saurai gré de m'épargner le vôtre. La lecture de cette citation est de règle, mais tels que je nous connais, elle nous ennuierait tous deux.
    Jean Anouilh — Becket ou L'Honneur de Dieu
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Traductions du mot « épargner »

Langue Traduction
Anglais save
Espagnol salvar
Italien salva
Allemand sparen
Chinois 保存
Arabe وفر
Portugais salve 
Russe спасти
Japonais 保存する
Basque gorde
Corse salvà
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Synonymes de « épargner »

Source : synonymes de épargner sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « épargner »

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Nombre de points du mot épargner au scrabble : 10 points

Épargner

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