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Dissiper

Définitions de « dissiper »

Trésor de la Langue Française informatisé

DISSIPER, verbe trans.

I.− Emploi trans.
A.− [Avec une idée de violence ou d'anéantissement plus ou moins grands]
1. Rare, vieilli. [Le compl. d'obj. désigne un ensemble d'êtres animés] Dissiper une armée; dissiper la foule, une émeute. Tout le monde sait que Votre Majesté vient de conquérir l'Angleterre et que Dieu a dissipé ses ennemis (Claudel, Soulier,1929, 4ejournée, 4, p. 874).
2. [Le compl. désigne un phénomène nature] Faire disparaître en dispersant, en écartant; faire s'évanouir. Le vent, le soleil dissipe les nuages; dissiper les ténèbres, la nuit, l'obscurité :
1. Le soleil dissipait le brouillard : nous voyions, à trois quarts de lieue environ sur notre droite, une vieille ville, les toits en pointe... Erckmann-Chatrian, Le Conscrit de 1813,1864, p. 99.
P. anal. [Le compl. désigne]
a) [un parfum] Crainte d'en faner les couleurs et d'en dissiper les parfums (Zola, Mes haines,1866, p. 148).Un baume subtil dissipe quelquefois tout son parfum, avant que l'on se soit aperçu de l'émanation qui s'en fait (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 237).
b) [une quantité de chaleur, d'énergie] Celui-ci [le corps vibrant] dissipe alors progressivement l'énergie qu'il contenait, tant par rayonnement d'ondes sonores que par échauffement interne (Schaeffer, Rech. mus. concr.,1952, p. 216).Cette opération s'effectuant avec un mauvais rendement, il faut dissiper des quantités de chaleur plus grandes (Hist. gén. sc.,t. 3, vol. 2, 1964, p. 322).
c) [un objet immatériel] Cette armure inaltérable dont le toucher dissipait les fantômes (Gracq, Syrtes,1951, p. 46):
2. Dans toute société paraît un homme préposé aux Choses Vagues (...). C'est le prêtre, le mage, le poète (...). Ils construisent de vapeurs des édifices qui ne sont pas solides, mais en revanche, qui sont éternels. Toute attaque les dissipe, nulle ne les détruit. Valéry, Tel quel II,1943, p. 47
3. P. métaph. et/ou au fig. [Le compl. d'obj. désigne]
a) [un état de conscience] Faire cesser. Ces images (...) dissipent la tristesse d'une vie languissante, et reposent sur le cœur flétri comme un songe aimable (Lamennais, Lettres Cottu,1822, p. 138).Je voulais absolument dissiper cette espèce de rancune que je pressentais chez Henri (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 189):
3. Il existe pour toute pensée et pour toute chose profonde, amour, haine, un poison singulièrement énergique qui est tout le reste du monde, tout ce qui n'est pas elle, et qui la distrait, la dilue, la dissipe... Valéry, Tel quel I,1941, p. 60.
SYNT. Dissiper une impression, une anxiété, un chagrin, une crainte, des inquiétudes, un malaise; dissiper un songe, un rêve, une chimère, des illusions.
b) [p. ext., une impression, un mal physique] Dissiper une migraine. L'usage journalier de l'eau [carminative] dissipe les cuissons occasionnées par le feu du rasoir (Balzac, C. Birotteau,1837, p. 48).
P. méton., vx. [L'obj. désigne une pers.] Faire cesser les soucis de quelqu'un; distraire, amuser. J'entends qu'on me dissipe, Je veux être un peu gai! (Hugo, Cromw.,1827, p. 190).Absol. Allons, une prise! lui dit-il. Acceptez, cela dissipe (Flaub., MmeBovary,t. 2, 1857, p. 189).
c) [une réalité mensongère ou erronée] Faire cesser, éclaircir. Dissipant à jamais (...) les aberrations métaphysiques du siècle dernier (Comte, Philos. posit.,t. 4, 1839-42, p. 432).Dissiper tous les préjugés, dissoudre toutes les erreurs, déshonorer tous les mensonges, voilà la tâche que je me suis imposée (Hugo, Corresp.,1870, p. 253):
4. Si donc on ne veut pas que le malentendu éclate, il faut le dissiper; si l'on veut éviter le scandale, c'est-à-dire la brutale publication du pacte noir, il faut favoriser l'« éclaircissement » qui préviendra la formation d'un ordre du mensonge... Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 193.
SYNT. Dissiper une ambiguïté, une confusion, une équivoque, une erreur; dissiper un doute, un malentendu, un préjugé, une prévention, un soupçon; dissiper de(s) faux bruits, un mystère, une rumeur.
B.− P. anal. [Le compl. d'obj. désigne un bien matériel] Dépenser follement, inutilement. Dissiper une fortune, un héritage, une dot. Synon. gaspiller, dilapider.Il faudrait savoir si l'avion, qui livre des centaines de journées de travail pour être dissipées par une seule main, n'est pas un plus exact symbole de l'esclavage où nous allons (Alain, Propos,1934, p. 1196):
5. ... alors que le prix de toutes choses montait irrésistiblement, on n'avait jamais tant gaspillé d'argent, et quand le nécessaire manquait à la plupart, on n'avait jamais mieux dissipé le superflu. On voyait se multiplier tous les jeux d'une oisiveté qui n'était pourtant que du chômage. Camus, La Peste,1947, p. 1377.
Au fig. Dissiper son temps, sa jeunesse, sa santé. Synon. perdre, gâcher.Les jeunes gens, qui ne savaient à quoi employer leurs forces, (...) les dissipaient dans les plus étranges excès (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 463).Diderot vieillissant se demandait s'il avait bien employé sa vie et s'il ne l'avait point dissipée (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t. 3, 1863-69, p. 311).
C.− Au fig. [Sans idée de destruction ou d'anéantissement; avec une idée de diminution]
1. [Le compl. d'obj. désigne un être humain] Empêcher (quelqu'un) d'être concentré; divertir. La moindre sortie me dissipe et me condamne à l'ennui le reste de la journée, par la difficulté de retrouver de l'entrain pour le travail ensuite (Delacroix, Journal,1854, p. 287).
Absol. Les plaisirs épars qui endurcissent, (...) les poursuites mondaines qui dissipent et dessèchent (Sainte-Beuve, Volupté,t. 2, 1834, p. 141).
2. [Le compl. d'obj. désigne une faculté hum.] Disperser sur plusieurs objets ce qui devrait être concentré sur un seul. Dissiper ses efforts, son attention. Il [le baron de Guénic] devait donc réserver son esprit, lui et les siens, pour agir, sans le dissiper sur aucune des choses jugées inutiles, mais dont s'occupaient les autres (Balzac, Béatrix,1839-45, p. 22):
6. Je payais cher mon optimisme et mon relâchement; j'avais dissipé ma densité et mes pouvoirs; j'avais peine à les regrouper, malgré mes efforts de concentration. Arnoux, Royaume des ombres,1954, p. 163.
II.− Emploi pronom.
A.− [Avec une idée de violence ou d'anéantissement plus ou moins grande]
1. Rare, vx. [Le suj. désigne un ensemble d'êtres animés] Se disperser. La foule en émeute se dissipe. La loi martiale a été publiée, le drapeau rouge déployé : on ordonne au peuple de se dissiper en menaçant de faire feu (Le Moniteur,t. 2, 1789, p. 438).
P. métaph. [Suivi d'un compl. prép. introd. par en + subst. marquant la direction] La liberté, dans ces singuliers pays, consiste à (...) se dissiper en mille occupations patriotiques plus sottes les unes que les autres, en ce qu'elles dérogent au noble et saint égoïsme qui engendre toutes les grandes choses humaines (Balzac, Massimilla Doni,1839, p. 406).
2. [Le suj. désigne un phénomène naturel] Disparaître progressivement, en se dispersant. Le brouillard, les nuages, l'ombre se dissipe(nt). Synon. s'évanouir.La grisaille se dissipa après une pluie fine (Bosco, Mas Théot.,1945, p. 137):
7. L'après-midi déclinait déjà, la légère gaze blanche qui embue le ciel dans les journées chaudes des Syrtes retombait et se dissipait, rendant à l'air une transparence merveilleuse. Gracq, Le Rivage des Syrtes,1961, p. 227.
Se dissiper en + subst. marquant le résultat.Disparaître en se transformant en (quelque chose). Les nuages et les brouillards amoncelés se dissipent en flocons légers (Gautier, Italia,1852, p. 27).
P. anal.
a) [En parlant d'un parfum, d'un son] Un accord joua dans l'air, se dissipa, se répéta (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 60).Seul l'inquiétait cette odeur qui ne se dissipait pas. De la couche entière elle montait comme d'un corps tiède, une odeur de chair mêlée à l'odeur de lilas (Green, Moïra,1950, p. 230).
b) [En parlant d'une quantité de chaleur, d'énergie] La pile envisagée sera de puissance presque nulle, limitée aux quelques kilowatts de chaleur pouvant se dissiper naturellement par les parois sans système d'extraction de chaleur (Goldschmidt, Avent. atom.,1962, p. 77).Les ondes acoustiques se dissipent rapidement en chaleur au cours de leur propagation dans la chromosphère (Schatzman, Astrophys.,1963, p. 55).
c) [En parlant d'un objet immatériel, d'une idée ou d'une représentation] Ces ombres ennemies se dissipent bientôt en nuées (Nerval, Faust,1840, introd., p. 18).Voir se dissiper le sens de cette vie, disparaître notre raison d'exister, voilà ce qui est insupportable (Camus, Caligula,1944, II, 2, p. 34):
8. Nous avons vu qu'on reprochait au temps, envisagé comme homogène, de se dissiper entièrement, de tomber en poussière par la division sans fin de ses parties. O. Hamelin, Essai sur les éléments princ. de la représentation,1907, p. 75.
3. P. métaph. et/ou au fig.
a) [Le suj. désigne un état de conscience] Cesser progressivement. Toute fatigue s'en va, toute mélancolie se dissipe quand je pense à vous, princesse (Flaub., Corresp.,1871, p. 312).Toute sa rancune fondait, ses griefs secrets se dissipaient (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 239).
b) P. ext. [Le suj. désigne une impression, un mal phys.] Coma peu profond qui va s'atténuer et se dissiper assez rapidement (Quillet, Méd.1965, p. 339).
Vx. [Le suj. désigne une pers.] Mettre un terme à ses soucis, se distraire, s'amuser. Synon. fam. se changer les idées.Dimanche, jour où les industriels se dissipent et abandonnent leurs laboratoires (Balzac, C. Birotteau,1837, p. 177).
Se livrer à la dissipation (cf. dissipation B 1 b) :
9. Il [Malouet] avait à peine dix-huit ans, et il courait risque, ainsi livré à lui-même dans les hasards de Paris, de se dissiper et de tourner aux habitudes légères. Sainte-Beuve, Nouveaux lundis,t. 11, 1863-69, p. 279.
c) [Le suj. désigne une réalité mensongère ou erronée] Disparaître, être éclairci. Ce malentendu fut momentané comme ceux qui se forment au deuxième acte d'un vaudeville pour se dissiper au dernier (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 703).Son sale prestige se dissipe, s'évapore (Céline, Voyage,1932, p. 416).
B.− P. anal. [Le suj. désigne un bien matériel] Être follement dépensé. Synon. fondre, s'en aller en fumée.Le plus clair de leur gain s'est dissipé dans cette ripaille impromptue (T'Serstevens, Itinér. esp.,1933, p. 51).
C.− Au fig., usuel, dans le lang. scol. [Le suj. désigne une pers.] Devenir, être inattentif; p. ext., devenir indiscipliné. Les élèves qui percevaient cette absence et cette lassitude étaient moins attentifs qu'à l'ordinaire et en profitaient pour se dissiper (Aymé, Uranus,1948, p. 210):
10. La leçon est récitée tambour battant, et personne n'a envie de se « dissiper » parce qu'on sent souffler un vent menaçant de retenues et de pensums. Colette, Claudine à l'école,1900, p. 114.
Rem. On rencontre ds la docum. a) Deux attest. du part. prés. dissipant empl. adj. La vie d'ici est toute dissipante; on y fait mille choses, et jamais l'importante et l'unique (Sainte-Beuve, Corresp., t. 5, 1818-69, p. 540; cf. aussi Id., Portr. littér., t. 1, 1844-64, p. 473). b) L'adj. dissipatif. Qui dissipe (de l'énergie). Mécanisme, milieu dissipatif; p. ext. terme dissipatif. L'oscillateur intra-atomique est un émetteur de rayonnement, et l'on peut justifier partiellement l'introduction du terme dissipatif par la perte d'énergie qui en résulte (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 262).
Prononc. et Orth. : [disipe], (je me) dissipe [disip]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1170 dissipées part. passé « faire disparaître, anéantir » (G. de Saint-Pair, Roman du Mont St Michel, 1474 ds T.-L.); 2. 1350 « gaspiller, dépenser sans compter » (Anc. Cout. de Norm., p. 49 ds Gdf. Compl.); 3. 1651-56 adj. dissipé « distrait, rendu inattentif » (Corneille, Imitation, I, 3 ds Littré); 4. 1701 gaieté dissipée (Du Fresny, Double veuvage, I, 1, ibid.). Empr. au lat. class.dissipare « disperser; mettre en déroute, anéantir ». Fréq. abs. littér. : 1 579 (dissipant : 46). Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 860, b) 1 833; xxes. : a) 1 830, b) 2 190. Bbg. Gohin 1903, p. 234 (s.v. dissipant).Quem. 2es. t. 1 1972.

Wiktionnaire

Verbe - français

dissiper \di.si.pe\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison) (pronominal : se dissiper)

  1. Détruire en dispersant.
    • Parmi les louanges qu’on donne à Bacchus, la plus glorieuse sans doute, c’est qu’il dissipe les soucis, les inquiétudes et les peines. Mais ce n’est pas pour longtemps: l’ivrogne cuve son vin, et les chagrins reviennent en poste. — (Érasme, Éloge de la folie, 1509. Traduction de Thibault de Laveaux en 1780)
    • Quelques soldats espagnols […] cherchaient en vain à rétablir l’ordre et à dissiper la foule, frappant à tort et à travers à grands coups de bois de lances sur les individus qui se trouvaient devant eux. — (Gustave Aimard, Les Trappeurs de l’Arkansas, Éditions Amyot, Paris, 1858)
    • Les fraises des bois et le petit verre de jaune ou de verte — au choix — qu'on vous verse au café, dissipent un peu ce léger malentendu. — (Schweizer Alpen-Club, L’Echo des alpes, A. Jullien, 1894, page 360)
    • La courte nuit d’été lui parut cependant interminablement longue. Il éprouvait une sensation désagréable d’insécurité et il s’imaginait, sans la moindre raison, que le jour la dissiperait. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 98 de l’édition de 1921)
  2. (Figuré) Détourner du devoir, de la règle par des distractions, des frivolités.
    • Un rien suffit à le dissiper.
  3. (Par analogie) Consumer par des dépenses excessives, par des profusions.
    • Ces loustics prennent l'argent, vont le boire ou le dissiper au jeu et, comme renseignements, ceinture. — (Francis Carco, Messieurs les vrais de vrai, Les Éditions de France, Paris, 1927)
    • Dissiper son bien, son patrimoine.
    • Il a tout dissipé.
    • Dissiper sa fortune en folles dépenses.
    • (Figuré) Dissiper son temps en de frivoles occupations.
    • Dissiper sa jeunesse au milieu des plaisirs.
  4. (Pronominal) Disparaître peu à peu.
    • Quelques lignes plus loin, l’illusion uruguayenne dissipée, l’espoir revient et il expose ses projets avec Pierre Brasseur. — (Michel Lécureur, René Fallet le braconnier des lettres, 2005, page 56)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

DISSIPER. v. tr.
Détruire en dispersant. Le soleil dissipe les nuages, les brouillards, les ténèbres. La police dissipa les attroupements. La foule se dissipa. Ces vapeurs se sont dissipées. Fig., Dissiper de faux bruits. Dissiper les craintes de quelqu'un. Mes illusions se dissipèrent. Il signifie figurément Détourner du devoir, de la règle par des distractions, des frivolités. Vie dissipée. Esprit dissipé. Écolier dissipé. Un rien suffit à le dissiper. Il signifie par analogie Consumer par des dépenses excessives, par des profusions. Dissiper son bien, son patrimoine. Il a tout dissipé. Dissiper sa fortune en folles dépenses. Fig., Dissiper son temps en de frivoles occupations. Dissiper sa jeunesse au milieu des plaisirs.

Littré (1872-1877)

DISSIPER (di-si-pé) v. a.
  • 1Faire évanouir en disséminant, en écartant. Le brouillard fut dissipé. Le soleil dissipe les ténèbres. Le sommeil dissipe les fumées du vin. Vous avez fait un amas et un trésor, mais c'était un amas de poussière que le vent a emporté et dissipé, Bourdaloue, 3e dim. après l'Épiph. Dominic. t. I, p. 124. Les Syracusains ne rasent pas seulement la citadelle, mais tous les palais des tyrans, et fouillent jusqu'à leurs tombeaux qu'ils renversent et dissipent, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. V, p. 328, dans POUGENS.

    Dissiper un orage, l'empêcher d'éclater.

    Et, figurément. L'estime où l'on vous tient a dissipé l'orage, Et mon mari de vous ne peut prendre d'ombrage, Molière, Tart. IV, 5.

    Fig. Dissiper les illusions, les doutes de quelqu'un, l'en délivrer. Le coup de cette indignité Rabat en nous la vaine gloire, Dissipe ses vapeurs, et rend à la mémoire Le souci de l'humilité, Corneille, Imit. I, 12.

    Écarter loin de soi. Ah ! dissipez ces indignes alarmes, Il a trop bien senti le pouvoir de vos charmes, Racine, Andr. II, 1.

  • 2Disperser. La gendarmerie dissipa les attroupements. Lui seul mit à vos pieds le Parthe et l'Indien, Dissipa devant vous les innombrables Scythes…, Racine, Esth. III, 4. Que fera-t-il, madame ? et qui peut dissiper Tous les flots d'ennemis prêts à l'envelopper ? Racine, Iphig. V, 3. Décimus, l'ayant poussé [Antoine] hors de l'Italie, écrivit au sénat qu'il avait dissipé son armée, Vertot, Rév. rom. XIV, p. 332. La tempête ayant dissipé la moitié de leurs vaisseaux, une partie de ces conquérants, échappés au naufrage, furent mis à la chaîne, Voltaire, Mœurs de l'Esp. et des Musulm. Tancrède a dissipé Le reste d'une armée au carnage échappé, Voltaire, Tancr. V, 4.

    Par analogie. Dissiper les factions. Accourue pour dissiper la conjuration, Bossuet, Hist. I, 6. Vous dissiperez l'ennemi [le démon] avec toute sa malice, Bossuet, Lett. Corn. 100. Que peuvent contre lui [Dieu] tous les rois de la terre ? En vain ils s'uniraient pour lui faire la guerre ; Pour dissiper leur ligue, il n'a qu'à se montrer ; Il parle, et dans la poudre il les fait tous rentrer, Racine, Esth. I, 3.

  • 3Consumer en dépenses folles, excessives. Dissiper son patrimoine. [Nos ancêtres] Moins appliqués à dissiper ou à grossir leur patrimoine qu'à le maintenir, [ils] le laissaient entier à leurs héritiers, La Bruyère, VII. Il ne songeait qu'à dissiper les trésors que…, Fénelon, Tél. II.

    Dissiper son temps, sa jeunesse, perdre son temps, sa jeunesse. Elle voit dissiper sa jeunesse en regrets, Mon amour en fumée, et son bien en procès, Racine, Plaid. I, 5.

    Cette phrase a été critiquée ; on a dit qu'il fallait se dissiper ; mais on peut entendre : elle voit qu'on dissipe…

  • 4Distraire, récréer. Venez avec nous ; cela vous dissipera. Ce qui nous dissipa fut la visite d'un de nos amis. Loin que la joie et les plaisirs dont tout le monde paraît enivré, me dissipent et m'amusent…, Graffigny, Lettres péruv. 28.

    Absolument. La promenade dissipe.

    Jeter dans la dissipation. Les compagnies qu'il fréquentait l'ont dissipé. Les affaires nous dissipent, le repos nous amollit, Massillon, Car. Prière 1. Le monde, au milieu duquel vous vivez, a deux pernicieux effets : il nous dissipe et il nous corrompt, Bourdaloue, 14e dim. après la Pentec. Dominic. t. III, p. 383.

  • 5 V. n. Terme de physiologie. Perdre par le mouvement vital. On dissipe par l'exercice. Les unaus dissipent peu et engraissent par le repos, Buffon, Unau.
  • 6Se dissiper, v. réfl. Être dissipé, se perdre. L'eau se dissipe dans le vide à la température ordinaire. L'orage se dissipe et les cieux sont ouverts, Rotrou, Herc. mour. V, 3. Un nuage qui se dissipait de dessus mes yeux, Fénelon, Tél. IV.

    Fig. Mes craintes se sont dissipées. Et tout ce bruit flatteur de notre renommée, Comme il n'est que fumée, Se dissipe en vapeur, Corneille, Imit. I, 3. Sa flamme se dissipe et va s'évanouir, Corneille, Poly. I, 1. Voilà comment se dissipent les meilleurs avis et comment aussi se ruinent les plus puissants empires, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. VIII, p. 371, dans POUGENS.

  • 7Se disperser. La foule ameutée se dissipa. Tous s'étant dissipés çà et là, Vaugelas, Q. C. 391.
  • 8Être perdu en dépenses folles ou excessives. Que leur famille s'éteindrait ; que tous leurs grands biens se dissiperaient, Nicole, Ess. de mor. 1er traité, ch. 4.
  • 9Se distraire. Vous travaillez trop ; il vous faut dissiper. Pour me dissiper en des pensées inutiles de l'avenir, Pascal, dans COUSIN. Il faut promptement que je me dissipe, Sévigné, 75. Adieu, madame, dissipez-vous, soupez, mais surtout digérez, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 30 mars 1775.

    Être livré à la dissipation. Le duc, se livrant sans cesse à de nouvelles folies, se dissipait par ses inconstances, Hamilton, Gramm. 10.

HISTORIQUE

XIVe s. Les choses qui encores erent jeunes et nouvelles eussent esté dissipées et destruites par discordes, Bercheure, f° 28, recto.

XVe s. Par ces vices se dissiperoit non pas seulement l'estat de la royale seigneurie, mais chascun des trois estaz subjetz qui gardent et entretiennent cest estat souverain, Gerson, Harengue au roi Charles VI, p. 15.

XVIe s. Des mouches mesmes pourront dissiper une armée, Montaigne, II, 190. Nostre veiller n'est jamais si esveillé qu'il purge et dissipe bien à poinct les resveries, Montaigne, II, 369. Je n'ay rien acquis, non plus que dissipé, Montaigne, IV, 69. Depuis, la roine fit dissiper les arbres, jardins, allées et cabinets, et de plus les edifices de plaisir des Tournelles [où Henri II avait été blessé mortellement], cette place luy estant en execration, D'Aubigné, Hist. I, 85.

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Étymologie de « dissiper »

Provenç. dissipar, discipar, decipar ; espagn. disipar ; ital. dissipare ; du latin dissipare, de dis… préfixe, et de l'ancien latin supare, jeter (dans Festus), rattaché au sanscrit xip, jeter ; allem. schippen.

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(Siècle à préciser) Du latin dissipare.
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Phonétique du mot « dissiper »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
dissiper disipe

Fréquence d'apparition du mot « dissiper » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « dissiper »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « dissiper »

  • Il ne faut pas grand chose pour gommer la beauté et dissiper la grâce d'un visage. La viande la mieux modelée est prête à endosser l'horreur, c'est-à-dire à devenir en surface ce qu'elle est à l'intérieur : rebutante.
    Frédéric Dard — Les Mots en épingle
  • La vérité est un flambeau qui luit dans un brouillard sans le dissiper.
    Claude Adrien Helvétius — Notes, maximes et pensées
  • La vertu peut dissiper autant que l'inconduite.
    Louis Carette, dit Félicien Marceau — Les Années courtes, Gallimard
  • Les vétérans sont conscients qu’il faut trouver des voies pour faciliter les échanges avec les civils, et dissiper les clichés.
    Phil Klay — Le Monde des Livres, 13 février 2015
  • Qu’importe injures un jour se dissiperont comme volute Gitane.
    Serge Gainsbourg — Aéroplane
  • Cela fait deux jours que, pour tenter de "dissiper le malentendu", Christophe Castaner reçoit les syndicats de policiers. S’il apparaît à peu près acquis que le ministre de l’Intérieur a reconnu "une erreur" en annonçant lundi la suspension d’un agent en cas de "suspicion avérée" de racisme, il lui faut encore faire amende honorable.
    midilibre.fr — Colère des policiers : fragilisé, Christophe Castaner tente de "dissiper le malentendu" - midilibre.fr
  • Il s’agirait de dissiper les tensions politiques entre les différents dirigeants politiques et ainsi réduire les risques de voir la situation se dégrader dans les rues libanaises.
    Liban: Vers une réunion au sommet pour dissiper les tensions politiques
  • Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,Dans la nuit éternelle emporté sans retour,Ne pourrons-nous jamais sur l’océan des âgesJeter l’ancre un seul jour ?Ô lac ! l’année à peine a fini sa carrière,Et près des flots chéris qu’elle devait revoir,Regarde ! je viens seul m’asseoir sur cette pierreOù tu la vis s’asseoir !Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes ;Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés ;Ainsi le vent jetait l’écume de tes ondesSur ses pieds adorés.Un soir, t’en souvient-il ? nous voguions en silence ;On n’entendait au loin, sur l’onde et sous les cieux,Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadenceTes flots harmonieux.Tout à coup des accents inconnus à la terreDu rivage charmé frappèrent les échos :Le flot plus attentif, et la voix qui m’est chèreLaissa tomber ces mots :« Ô temps, suspends ton vol ! et vous, heures propices,Suspendez votre cours !Laissez-nous savourer les rapides délicesDes plus beaux de nos jours !Assez de malheureux ici-bas vous implorent,Coulez, coulez pour eux ;Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;Oubliez les heureux.Mais je demande en vain quelques moments encore,Le temps m’échappe et fuit ;Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l’auroreVa dissiper la nuit.Aimons donc, aimons donc ! de l’heure fugitive,Hâtons-nous, jouissons !L’homme n’a point de port, le temps n’a point de rive ;Il coule, et nous passons ! »Temps jaloux, se peut-il que ces moments d’ivresse,Où l’amour à longs flots nous verse le bonheur,S’envolent loin de nous de la même vitesseQue les jours de malheur ?Hé quoi ! n’en pourrons-nous fixer au moins la trace ?Quoi ! passés pour jamais ? quoi ! tout entiers perdus ?Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,Ne nous les rendra plus ?Éternité, néant, passé, sombres abîmes,Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimesQue vous nous ravissez ?Ô lacs ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !Vous que le temps épargne ou qu’il peut rajeunir,Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,Au moins le souvenir !Qu’il soit dans ton repos, qu’il soit dans tes orages,Beau lac, et dans l’aspect de tes riants coteaux,Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvagesQui pendent sur tes eaux !Qu’il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,Dans l’astre au front d’argent qui blanchit ta surfaceDe ses molles clartés !Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,Que les parfums légers de ton air embaumé,Que tout ce qu’on entend, l’on voit ou l’on respire,Tout dise : Ils ont aimé !
    Alphonse de Lamartine — Méditations poétiques

Traductions du mot « dissiper »

Langue Traduction
Anglais dispel
Espagnol disipar
Italien dissipare
Allemand zerstreuen
Chinois 打消
Arabe تبديد
Portugais dissipar
Russe рассеивание
Japonais 払拭する
Basque uxatu
Corse dissipà
Source : Google Translate API

Synonymes de « dissiper »

Source : synonymes de dissiper sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « dissiper »

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Nombre de points du mot dissiper au scrabble : 11 points

Dissiper

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