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Dégoûter

Définitions de « dégoûter »

Trésor de la Langue Française informatisé

DÉGOÛTER, verbe trans.

A.− Emploi trans.
1. Dégoûter qqn d'(un aliment, une boisson). Provoquer chez quelqu'un de la répugnance pour (un aliment, une boisson) :
1. le cochon. − Plus je vais, plus je suis dégoûté de ma nourriture et vexé de n'en avoir pas d'autre. Flaubert, La Tentation de St Antoine,1849, p. 428.
[Sans compl. second.] Elle [Gervaise] raconta qu'autrefois, avec sa mère, elle buvait de l'anisette, à Plassans. Mais elle avait failli en mourir un jour, et ça l'avait dégoûtée; elle ne pouvait plus voir les liqueurs (Zola, Assommoir,1877, p. 410):
2. Olivier n'avait jamais faim, et tout le dégoûtait, la viande lui causait une répulsion : il fallait le forcer à manger, ou s'ingénier à lui faire de petits plats qui lui plussent; ... Rolland, Jean-Christophe,Antoinette, 1908, p. 874.
2. P. ext. [Le plus souvent sans compl. second.] Dégoûter qqn.Inspirer à quelqu'un de l'aversion, de la répugnance.
a) [La cause du dégoût est une réalité concr.] La gouvernante ne m'avait pas plu au bureau; ici, instantanément, elle me dégoûta et je lui trouvai l'air répugnant d'une vieille maquerelle (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 16):
3. L'atmosphère de cette chambre, alourdie par les émanations musquées des maquillages, ces fenêtres cadenassées, ces tentures épaisses, tiédies au souffle des charbons encore roses, ce lit démembré et saccagé par le pillage des nuits, la dégoûtèrent jusqu'au vomissement. Huysmans, Marthe,1876, p. 38.
b) [La cause du dégoût appartient au domaine intellectuel, moral] :
4. Je passe un bien vilain moment. Tous les livres me dégoûtent. Je ne fais rien. Je m'aperçois plus que jamais que je ne sers à rien. Renard, Journal,1890, p. 57.
Absol. Écœurer :
5. Ce mépris de la nourriture et cette surabondance dégoûtaient un peu après tant de privations que nous avions souffertes, et l'absurdité d'un tel gaspillage criait contre les hommes. Ambrière, Les Grandes vacances,1946, p. 371.
3. Au fig. [Ordin. avec compl. second.] Faire disparaître chez quelqu'un son intérêt ou son estime pour quelque chose :
6. Je suis vraiment affecté d'une sorte de maladie qui abat mes facultés, me dégoûte de tout, me désintéresse de tous les plaisirs intellectuels, moraux et même physiques. Maine de Biran, Journal,1816, p. 140.
Détourner de quelque chose. Un père Milleriot, célèbre il y a trente ans, qui m'avait dégoûté de tout projet de retraite chez les Jésuites, en me parlant d'argent du premier coup (Bloy, Journal,1902, p. 88):
7. ... mais il ne se sentait plus le cœur à la besogne, les sept années de service l'avaient rouillé, dévoyé, dégoûté de la scie et du rabot, à ce point qu'il semblait un autre homme. Zola, La Terre,1887, p. 96.
a) Dégoûter de (+ inf.).Décourager de, détourner de. Il m'est arrivé une histoire qui aurait dû me dégoûter à jamais d'écrire dans les cafés (Champfl., Avent. MlleMariette,1853, p. 156):
8. L'homme le plus courageux a connu je pense, de ces déroutes intimes qui dégoûteraient de vivre, et qui font espérer l'action périlleuse comme remède et délivrance. Alain, Propos,1921, p. 223.
b) Loc. C'est à vous dégoûter de (+ inf.) :
9. Je suis bien puni d'avoir voulu aider les autres. C'est à vous dégoûter de chercher à rendre service, ... Gide, L'École des femmes,1929, p. 1284.
B.− Emploi pronom. Se dégoûter de qqc./qqn
1. Éprouver de la répugnance pour quelque chose/ quelqu'un :
10. − Et l'opération a eu lieu tout de suite? demanda Sérafine. − Oh! non, non, madame (...) La première fois qu'on a prononcé le mot, je me suis fâchée, j'ai voulu partir, dans l'idée qu'on allait m'estropier et que mon mari se dégoûterait de moi. Zola, Fécondité,1899, p. 358.
Absol. Ressentir de l'écœurement :
11. On est effrayé, lorsque l'on observe les hommes de notre temps avec attention, de voir combien l'ennui fait de progrès, combien les cœurs s'émoussent et les esprits se dégoûtent. Delécluze, Journal,1828, p. 493.
[À valeur réciproque] Éprouver une mutuelle répugnance :
12. ... mais quand on songe à la quantité de ménages où deux êtres s'exaspèrent, se dégoûtent autour de la même table, du même lavabo, sous la même couverture, c'est extraordinaire comme on divorce peu! Mauriac, Le Nœud de vipères,1932, p. 16.
2. Se lasser de quelque chose/quelqu'un :
13. Madame de Longueville, quand elle l'avait [M. Nicole] caché chez elle et qu'elle le voyait tous les jours, elle qui se dégoûtait si vite des gens après s'en être engouée, le trouvait plus poli qu'Arnauld et plus complètement à son gré : ... Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 4, 1859, p. 319.
Prononc. et Orth. : [degute], (je) dégoûte [degut]. Ds Ac. 1694 et 1718 sous l'anc. forme desgouster; ds Ac. 1740-1932 sous la forme mod. Homon. dégoutter. Étymol. et Hist. 1. 1379 [éd. 1542] part. passé adj. desgouté « qui a perdu l'appétit, qui manque d'entrain » (Jehan de Brie, Le Bon Berger, p. 152 ds T.-L.), sens isolé; 2. a) 2emoitié du xvies. réfl. « se lasser de, prendre en aversion » (Basselin, Vaux de Vire, XXIX ds Littré); b) 1790 part. prés. adj. « décourageant » (Le Moniteur, t. 3, p. 23); 3. 1538 « inspirer du dégoût » (Est., 187 b ds Rom. Forsch., t. 32, p. 43); 1642 part. prés. adj. (Oudin, Recherches fr. et ital.); 1879 part. prés. subst. (Huysmans, Sœurs Vatard, p. 329). Dér. de goût*; préf. dé-*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 1 047. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 926, b) 1 484; xxes. : a) 2 063, b) 1 625.
DÉR.
Dégoûtation, subst. fém.,pop. Sentiment de dégoût. Sous le ciel bas, dans l'air mou, les murs des maisons ont des sueurs noires et leurs soupiraux fétident; la dégoûtation de l'existence s'accentue et le spleen écrase (Huysmans, À rebours,1884, p. 161).P. méton. [En parlant de qqn ou de qqc.] Objet de dégoût. Ah! Une jolie chose, une dégoûtation, leur République! (Zola, Nana,1880, p. 1483). [degutasjɔ ̃]. 1reattest. av. 1850 (Balzac, Les Petits bourgeois, éd. A. Michel, I, 307); de dégoûter, suff. -(a)tion*. Fréq. abs. littér. : 29.
BBG. − Darm. 1877, p. 199 (s.v. dégoûtation).Quem. 2es. t. 4 1972 (s.v. dégoûtation).Sain. Lang. par. 1920, p. 105 (s.v. dégoûtation).

Wiktionnaire

Verbe - français

dégoûter \de.ɡu.te\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison), (orthographe traditionnelle)

  1. Priver d’appétit.
    • Si vous lui donnez tant à manger, vous le dégoûterez.
  2. Inspirer de la répugnance pour quelque aliment.
    • Le médecin l’avait mise au régime de l’huile de foie de morue – c’était la mode alors –, une cuillerée à bouche tous les matins... Cela la dégoûtait fort, mais lui faisait beaucoup de bien... — (Octave Mirbeau, Le colporteur,)
    • J'entends, me répondit-il. Dans mon pays, pour dégoûter les chiens des œufs, on leur fait manger un œuf pourri. — (Joseph Caillaux, Mes Mémoires, I, Ma jeunesse orgueilleuse, 1942)
  3. (Figuré) Inspirer de l’aversion pour une personne, pour une chose ; faire qu’on cesse de trouver une personne, une chose à son gré.
    • Le Cardinal l’éloigne, s’était-il dit ; donc il s’en dégoûte ; je sais des secrets qui peuvent le perdre. — (Alfred de Vigny, Cinq-Mars, Michel Lévy frères, 1863)
    • Il me dégoûtait et je pensais sans cesse à cette femme qui lui gardait sa confiance comme moi je lui avais gardée jusque-là. — (Josine, citée dans la rubrique "Si le coeur vous en dit", de Joëlle Rabette, Bonne soirée n° 2893, 24 juillet 1977)
    • Il voulait acquérir cette maison, mais le prix l’en a dégoûté. Cela est bien fait pour dégoûter du métier, ou, absolument, pour dégoûter.
    • Il est dégoûté de l’étude, de la chasse, de la campagne.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

DÉGOÛTER. v. tr.
Priver d'appétit. Si vous lui donnez tant à manger, vous le dégoûterez. Il signifie plus souvent Inspirer de la répugnance pour quelque aliment. Ils m'ont dégoûté du poisson, à force de m'en faire manger. Je ne tardai pas à me dégoûter de ce mets, de cette boisson. Il signifie au figuré Inspirer de l'aversion pour une personne, pour une chose; faire qu'on cesse de trouver une personne, une chose à son gré. Il voulait acquérir cette maison, mais le prix l'en a dégoûté. Cela est bien fait pour dégoûter du métier, ou, absolument, pour dégoûter. Il est dégoûté de l'étude, de la chasse, de la campagne. Faire le dégoûté signifie, au propre et au figuré, Faire le difficile, le délicat.

Littré (1872-1877)

DÉGOÛTER (dé-goû-té, ou long) v. a.
  • 1Ôter l'appétit. La vue de ce mets m'a dégoûté.

    Inspirer de la répugnance pour un aliment. Ils m'ont dégoûté du poisson à force de m'en faire manger.

  • 2 Fig. Inspirer de l'éloignement, donner de l'aversion. Ce pompeux appareil où sans cesse il ajoute Recule chaque jour un nœud qui le dégoûte, Corneille, Tite et B. I, 1. Savez-vous ce qu'a fait votre frère ? il ne quitte pas la demoiselle… il lui fait tourner la tête, il la dégoûte d'un parti proportionné, Sévigné, 384. Il y a assez d'injustice et de perfidie dans le procédé des hommes, assez d'inégalité et de bizarrerie dans leurs humeurs incommodes et contrariantes ; c'en est assez sans doute pour vous dégoûter ; hé ! ditesvous, je n'en suis que trop dégoûté [du monde] ; tout me dégoûte en effet, mais rien ne me touche ; le monde me déplaît, mais Dieu ne me plaît pas pour cela, Bossuet, la Vallière. Les artifices de Protésilas me dégoûtèrent de Philoclès, Fénelon, Tél. XII. Votre fierté est si ridicule qu'elle me dégoûte de la mienne, Marivaux, Préj. vaincu, sc. 9.
  • 3Ôter l'envie de… On avait de la peine à dégoûter les gentilshommes de voler sur les grands chemins, Raynal, Hist. phil. I, Introduction.
  • 4Fatiguer, ennuyer. La prolixité dégoûte le lecteur. L'on voit des gens qui dans les conversations… vous dégoûtent par leurs ridicules expressions, La Bruyère, V.
  • 5Se dégoûter, v. réfl. Prendre du dégoût. D'une vertu sauvage on craint un dur empire ; Souvent on s'en dégoûte au moment qu'on l'admire, Corneille, Othon, III, 3. Ne te dégoûte point surtout des paraboles, Quel qu'en soit le projet, Et ne les prends jamais pour des contes frivoles Qu'on forme sans sujet, Corneille, Imitation, I, 5. J'ai quelques infirmités sur mon corps qui pourraient la dégoûter. - Cela n'est rien, une honnête femme ne se dégoûte jamais de son mari, Molière, Mar. forcé, sc. 14. Comme les hommes ne se dégoûtent pas du vice, il ne faut pas aussi se lasser de le leur reprocher, La Bruyère, Caract. préface. Si les hommes se délassent quelquefois d'une vertu par une autre vertu, ils se dégoûtent plus facilement du vice par un autre vice, La Bruyère, XI. Tandis que tant d'autres [prêtres]… se dégoûtent de leurs fonctions, Massillon, Disc. syn. Observ. des stat. et des ordonn. du dioc.

    Absolument. On se dégoûte, on s'ennuie.

  • 6Renoncer à ce qu'on avait pris, commencé avec goût, perdre l'envie de… Le choc fut terrible ; tout fut reconquis une quatrième fois, et tout fut perdu de même ; plus ardents que leurs anciens pour commencer, ils [de jeunes soldats] se dégoûtèrent plus tôt et revinrent en fuyant sur les vieux bataillons qui les soutinrent, Ségur, Hist. de Nap. IX, 2.

HISTORIQUE

XVe s. Je ne me puis degouster De hanter Ces bons cerveaux de taverne, Basselin, XXIX.

XVIe s. Je suis desgousté de la nouvelleté, Montaigne, I, 121. Le degousté charge la fadeur au vin ; l'alteré, la friandise, Montaigne, II, 373.

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Étymologie de « dégoûter »

Dégoût ; bourguig. dég-ótai.

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De dégoût.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « dégoûter »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
dégoûter degute

Fréquence d'apparition du mot « dégoûter » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « dégoûter »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « dégoûter »

  • Je suis un parfait honnête homme. Je me dégoûte complètement.
    Jules Supervielle — Le Voleur d'enfants, Gallimard

Traductions du mot « dégoûter »

Langue Traduction
Anglais disgust
Espagnol asco
Italien disgusto
Allemand der ekel
Chinois 厌恶
Arabe الاشمئزاز
Portugais desgosto
Russe отвращение
Japonais 嫌悪
Basque nazka
Corse disgrazia
Source : Google Translate API

Synonymes de « dégoûter »

Source : synonymes de dégoûter sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « dégoûter »

Combien de points fait le mot dégoûter au Scrabble ?

Nombre de points du mot dégoûter au scrabble : 8 points

Dégoûter

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