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Attention
Sommaire
- Définitions de « attention »
- Étymologie de « attention »
- Phonétique de « attention »
- Fréquence d'apparition du mot « attention » dans le journal Le Monde
- Évolution historique de l’usage du mot « attention »
- Citations contenant le mot « attention »
- Images d'illustration du mot « attention »
- Traductions du mot « attention »
- Synonymes de « attention »
- Antonymes de « attention »
- Combien de points fait le mot attention au Scrabble ?
Variantes | Singulier | Pluriel |
---|---|---|
Féminin | attention | attentions |
Définitions de « attention »
Trésor de la Langue Française informatisé
ATTENTION, subst. fém.
Wiktionnaire
Interjection - français
attention \a.tɑ̃.sjɔ̃\ invariable
- Interjection indiquant qu'une attention ou prudence particulière est requise de la part de l'interlocuteur, ellipse de fais/faites attention.
- Attention, la route est verglacée.
- Attention au commandement.
- Attention, je vais donner le signal.
- Utilisé seul en forme exclamative, indique un danger ou événement imminent.
Nom commun - français
attention \a.tɑ̃.sjɔ̃\ féminin
-
Concentration particulière sur quelque chose ; application d’esprit à quelque chose.
- Au tournant d’une place, […], deux personnes, qui marchent conjointement, attirent, je ne sais pourquoi, mon attention. C’est un couple en costume de voyage. — (Jules Verne, Claudius Bombarnac, chapitre III, J. Hetzel et Cie, Paris, 1892)
- Le secrétaire examinait le faux-col de Bert avec une attention soutenue. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 158 de l’édition de 1921)
- …vous comprenez bien qu’on ne donne pas une égale attention à tout ce qu’on lit ou qu’on parcourt dans les colonnes des journaux. — (Louis Pergaud, Un point d’histoire, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
- Le malheur, c'est qu'il attirait singulièrement l'attention et si, comme l'a affirmé le Sage, il arrive que l'attention soit déjà de l'amour, le plus souvent à notre avis, elle n'est que la mère de la malice. — (Henri Bosco, L’Âne Culotte, 1937)
-
« Tous les hommes sont à peu près égaux par l’intelligence, disais-je à mes élèves. Ils ne diffèrent que par l’attention. »
Je ne lierais ma vie qu’à une femme qui saurait faire attention. L’attention dénoue les complexes, dissipe les obsessions, ventile les ferments. — (Paul Guth, Le mariage du Naïf, 1957, réédition Le Livre de Poche, page 113) - Historiquement, la « tête gouvernante » de l’impérialisme nord-américain prête une attention supérieure au contrôle militaire, tandis que sa « tête privée » de consacre au contrôle économique. — (Armando Uribe, Le livre noir de l’intervention américaine au Chili, traduction de Karine Berriot et Françoise Campo, Seuil, 1974)
- Cela demande beaucoup d’attention, une grande attention, une attention scrupuleuse.
- Il ne fait pas assez attention aux avis que l’on lui donne. — C’est faute d’attention qu’il n'a pas relevé cette erreur.
-
(En particulier) Vigilance.
- Le maquignon de bas étage […] refait une jeunesse, farde, corrige, embellit ; mais avec un peu d’attention on peut démolir l’échafaudage, et mettre à nu les défauts que l’on voulait cacher. — (Gabriel Maury, Des ruses employées dans le commerce des solipèdes, Jules Pailhès, 1877)
- Au moment de repartir, notre attention est attirée par une nuée de corbeaux s'agitant au-dessus d'un groupe d’êtres humains. — (Frédéric Weisgerber, Trois mois de campagne au Maroc : étude géographique de la région parcourue, Paris : Ernest Leroux, 1904, page 54)
- Mon attention a été attirée par un pantalon de velours côtelé, assez usagé, et qui séchait sur un fil de fer à proximité de la porte de la cuisine, ou plus précisément en face de cette porte. — (Jean-Charles Deniau et Madeleine Sultan, Dominici, c’était une affaire de famille, L'Archipel, 2004)
-
Disposition qui porte à rendre des soins.
- Depuis ce moment, je fus traité avec un intérêt et des attentions infinis; j’eus cependant beaucoup de peine à me rétablir, et l’on dut me transporter à une annexe de l’hospice, dans l’intérieur de l’île, au quartier de Flic-en—Flac, pour y achever ma longue convalescence. — (Joseph de Villèle, Mémoires et correspondance, volume 1, Paris : chez Perrin, 1888, page 104)
- Il était très dur avec les cascadeurs aussi. Il y avait beaucoup de chevaux qui mouraient dans les scènes d'actions. Des cascadeurs étaient gravement blessés. Il n’avait pas d’attention pour eux. — (Thomas Révay, Ciné-Bazar, les entretiens, tome 1 : A/J, éditions LettMotif, 2018, page 183)
-
(Par extension) Marque de prévenance ; soin officieux ou obligeant.
- Et pourquoi tant d’attention et de désir pour le joli village de Lassay-sur-Croisne, aurait-on détecté du gaz de schiste dans son sous-sol ? — (Gérard Bardon, Intercommunalité en Loir-et-Cher : Le sud en miettes !, dans Le petit Solognot (n°550) et Le petit Blaisois (n°8 bis) du 28 novembre 2012, page 19)
- Il a pour moi des attentions infinies.
- Il a eu l’attention de me prévenir.
- Je fus touché de cette attention délicate.
Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)
Application d'esprit à quelque chose. Avoir attention à ce qu'on fait, à ce qu'on dit. Prêter attention. Cela demande beaucoup d'attention, une grande attention, une attention soutenue. Cela demande attention. Cela trouble l'attention. Mettez-y plus d'attention. Il fait tout avec une attention scrupuleuse. Il travaille avec attention, sans attention. Il ne fait point assez d'attention, assez attention aux avis qu'on lui donne. Redoubler d'attention. Observer avec attention. C'est faute d'attention qu'il n'a pas relevé cette erreur. Leur attention se porta sur telle chose. Réveiller, fixer, captiver l'attention. Je réclame toute votre attention. Attirer à soi l'attention du public. Faites attention que cela est impraticable. Faites attention à ce que je vous dis. Il s'emploie quelquefois elliptiquement d'une manière impérative et signifie Soyez attentif. Attention, je vais donner le signal. On dit de même, en termes militaires, Attention au commandement. Il se dit également de la Disposition qui porte à rendre des soins. Il m'a donné mille preuves d'attention durant ma maladie. Je suis sensible à ses témoignages, à ses marques d'attention. Par extension, il signifie Soin officieux, obligeant. Il a pour moi des attentions infinies. Il a eu l'attention de me prévenir. Je fus touché de cette attention délicate.
Littré (1872-1877)
-
1Action de fixer l'esprit sur, de prendre garde à. Tout ce qu'il a été donné d'attention à un homme, nous l'avons mis en œuvre.
Ce ne sont pas seulement les grands objets qui ont plusieurs faces, ce sont aussi les plus petits, et une grande attention est une espèce de microscope qui les grossit
, Fontenelle, Dodart.Ces trois efforts n'avaient pas été troublés par le cours rapide du jeu ni par les différentes attentions promptes et vives qu'il demande à chaque instant
, Fontenelle, Dangeau.Les grandes vues d'un génie ardent qui embrasse tout d'un coup d'œil, et les petites attentions d'un instinct laborieux qui ne s'attache qu'à un seul point
, Buffon, Théorie de la terre, 1er discours.Elle tourna son attention sur la manière de faire exécuter l'édit de Poitiers
, Anquetil, Ligue, II, 218.Ayez attention sur votre langue
, Bossuet, Sil. 2.L'attention qu'on doit avoir aux jugements de Dieu
, Bossuet, Lett. abb. 100.Donnez-moi de nouveau vos attentions
, Bossuet, Nécess. 1.Dont toute l'attention est réunie à scier du marbre
, La Bruyère, 12.Sans avoir la moindre attention pour ceux qui entrent ou qui sortent
, La Bruyère, 5.Les savants, faisant attention [ayant égard] à la diversité des mœurs qui y sont traitées, ne peuvent s'empêcher…
, La Bruyère, Disc. sur Théophr.Combien de temps, de règles, d'attention et de travail…
, La Bruyère, 12.Sans une grande roideur et une continuelle attention à toutes ses paroles
, La Bruyère, ib.Ils ne firent pas assez d'attention à un avis si salutaire
, Fénelon, Tél. XVI.Vous aurez de l'attention à votre santé
, Sévigné, 392.Sans faire nulle attention sur lui
, Sévigné, 203.Je n'ai eu d'attention qu'à vous écrire
, Sévigné, 221.Il lui fit faire une attention particulière sur…
, Pascal, Relig.On n'avait attention qu'à la diminution de leur prix
, Montesquieu, Esp. XV, 17.L'on disait que j'avais beaucoup plus d'esprit et de vues que l'ordinaire des gens, que chacun me craignait et avait attention à moi
, Saint-Simon, 242, 226.Pour ne pas pousser trop loin votre attention
, Fléchier, Serm. I, 324.Que sont devant Dieu tous les hommes ensemble, qui puisse mériter que l'âme fidèle fasse des attentions sur eux ?
Massillon, Myst. Miséric. 375.Si vous faisiez attention que dans le temps même que des ténèbres profondes sont répandues sur tout ce qui vous environne…
, Massillon, Car. Samarit.La première attention que nous devons faire lorsqu'il nous arrive de nous produire parmi les hommes
, Massillon, Conférences, Conduite des clercs.Il semble que le temps soit un ennemi commun contre lequel tous les hommes sont convenus à conjurer ; toute leur vie n'est qu'une attention déplorable à s'en défaire
, Massillon, Car. Emploi du temps.Les jours où vous avez vécu avec plus d'attention sur vous-mêmes
, Massillon, Prière.Absolument et par forme de commandement, attention ! c'est-à-dire prenez garde à vous ! Attention au commandement.
-
2Égards, soins, action de courtiser. C'est une attention dont je lui sais beaucoup de gré.
Les attentions qu'ils ont pour moi
, Sévigné, 570.Un joli monsieur à marier m'honore de ses attentions
, Rousseau, Hél. VI, 5.Il voulait bien qu'on eût de l'attention pour sa femme
, Hamilton, Gramm. 4.Dès qu'il la crut honorée de l'attention de son maître
, Hamilton, Gramm. 5.Il a une attention fort obligeante pour vous
, Sévigné, 394.Je vous suis obligé de l'attention que vous avez eue à m'en donner avis
, Bossuet, Lett. 231.Un homme en place a de l'attention pour vous
, La Bruyère, 9.L'air de brusquerie de Madame ne rebuta point l'air d'attention et de politesse du roi pour elle
, Saint-Simon, 2, 48.Cet heureux ascendant que les soins, la souplesse, L'attention, le temps savent si bien donner
, Voltaire, Sémir. II, 4.
Encyclopédie, 1re édition (1751)
* ATTENTION, exactitude, vigilance (Gramm.) ; tous marquent différentes manieres dont l’ame s’occupe d’un objet : rien n’échappe à l’attention ; l’exactitude n’omet rien ; la vigilance fait la sûreté. Si l’ame s’occupe d’un objet, pour le connoître elle donne de l’attention ; pour l’exécuter elle apporte de l’exactitude ; pour le conserver elle employe la vigilance. L’attention suppose la présence d’esprit ; l’exactitude, la mémoire ; la vigilance, la crainte & la méfiance.
Le magistrat doit être attentif, l’ambassadeur exact, le capitaine vigilant. Les discours des autres demandent de l’attention ; le maniment des affaires de l’exactitude ; l’approche du danger de la vigilance. Il faut écouter avec attention ; satisfaire à sa promesse avec exactitude, & veiller à ce qui nous est confié.
Attention, s. f. (Logiq.) c’est une opération de notre ame, qui s’attachant à une partie d’un objet composé, la considere de maniere à en acquérir une idée plus distincte que des autres parties. Ainsi dans un spectacle nous donnons une attention toute particuliere aux scenes vives & intéressantes. La connoissance que fait naître en nous l’attention est si vive, qu’elle absorbe, pour ainsi dire, toutes les autres, & qu’elle semble seule occuper l’ame & la remplir toute entiere.
Il est certain que plus nous apporterons de contention d’esprit à l’examen d’une chose qui est hors de nous, plus nous pourrons acquérir un grand nombre des idées particulieres, qui sont contenues dans l’idée complexe de ce que nous examinons. La même chose a lieu par rapport à ce dont nous avons une perception immédiate, soit qu’il s’agisse de ce qui se passe dans notre ame, soit que nous comparions des idées déjà acquises. A l’égard de ces dernieres, il est clair que si nous considérons pendant long-tems & avec attention deux idées composées, nous découvrirons un plus grand nombre de relations entre les idées particulieres qui les composent. L’attention est, pour ainsi dire, une espece de microscope qui grossit les objets, & qui nous y fait appercevoir mille propriétés qui échappent à une vûe distraite.
Pour augmenter l’attention, il faut avant tout écarter ce qui pourroit la troubler ; ensuite il faut chercher des secours pour l’aider.
1°. Les sensations sont un obstacle à l’attention que nous voulons donner aux objets qui occupent notre imagination ; & le meilleur moyen de conserver cette attention, c’est d’écarter tous les objets qui pourroient agir sur nos sens, & de bannir de notre imagination tout ce qui la remue trop vivement. Les sensations obscurcissent, effacent, & font éclipser les actes de l’imagination, comme le prouve l’expérience. Vous avez vû hier un tableau dont vous vous rappellez actuellement l’idée : mais au même moment un autre tableau frappe votre vûe, & chasse par son impression l’image qui vous occupoit intérieurement. Un prédicateur suit de mémoire le fil de son discours, un objet singulier s’offre à ses regards, son attention s’y livre, il s’égare, & cherche inutilement la suite de ses idées. Il est donc essentiel de préserver ses sens des impressions extérieures, lorsqu’on veut soûtenir son attention. De-là ces orateurs qui récitent les yeux fermés ou dirigés vers quelque point fixe & immobile. De-là les soins d’un homme de lettres, pour placer son cabinet dans quelque endroit retiré & tranquille. De-là le succès des études de la nuit, puisqu’il regne alors un grand calme partout.
Le tumulte de l’imagination n’est pas moins nuisible à l’attention que celui des sens. A l’issue d’un spectacle il vous est difficile de reprendre vos études ; vous êtes dans le même cas le lendemain d’une grande partie de divertissement, dont les idées se renouvellent avec vivacité ; & en général toutes les fois que nous sommes fortement occupés de plusieurs objets brillans, sonores, ou propres à faire quelque autre impression sur nos sens.
Les modifications de l’ame ont trois causes, les sens, l’imagination, & les passions. Tous ceux qui veulent s’appliquer soigneusement à la recherche de la vérité, doivent avoir un grand soin d’éviter, autant que cela se peut, toutes les sensations trop fortes, comme le grand bruit, la lumiere trop vive, le plaisir, la douleur, &c. ils doivent veiller sans cesse à la pureté de leur imagination, & empêcher qu’il ne se trace dans leur cerveau de ces vestiges profonds qui inquietent & qui dissipent continuellement l’esprit. Enfin ils doivent sur-tout arrêter les mouvemens des passions, qui font dans le corps & dans l’ame des impressions si puissantes, qu’il est d’ordinaire comme impossible que l’esprit pense à d’autres choses qu’aux objets qui les excitent. Néanmoins on peut faire usage des passions & des sens pour conserver l’attention de l’esprit.
Les passions dont il est utile de se servir, dit le pere Malebranche, pour s’exciter à la recherche de la vérité, sont celles qui donnent la force & le courage de surmonter la peine que l’on trouve à se rendre attentif. Il y en a de bonnes & de mauvaises : de bonnes, comme le desir de trouver la vérité, d’acquérir assez de lumiere pour se conduire, de se rendre utile au prochain, & quelques autres semblables : de mauvaises ou de dangereuses, comme le desir d’acquérir de la réputation, de se faire quelque établissement, de s’élever au-dessus de ses semblables, & quelques autres encore plus déréglées.
Dans le malheureux état où nous sommes, il arrive souvent que les passions les moins raisonnables nous portent plus vivement à la recherche de la vérité, & nous consolent plus agréablement dans les peines que nous y trouvons, que les passions les plus justes & les plus raisonnables. La vanité, par exemple, nous agite beaucoup plus que l’amour de la vérité. La vûe confuse de quelque gloire qui nous environne, lorsque nous débitons nos opinions, nous soûtient le courage dans les études même les plus stériles & les plus ennuyeuses. Mais si par hasard nous nous trouvons éloignés de ce petit troupeau qui nous applaudissoit, notre ardeur se refroidit aussi-tôt : les études, même les plus solides, n’ont plus d’attrait pour nous : le dégoût, l’ennui, le chagrin nous prend. La vanité triomphoit de notre paresse naturelle, mais la paresse triomphe à son tour de l’amour de la vérité ; car la vanité résiste quelquefois à la paresse, mais la paresse est presque toûjours victorieuse de l’amour de la vérité.
Cependant la passion pour la gloire, quand elle est réglée, peut servir beaucoup à fortifier l’attention. Cette passion, si elle se trouve jointe avec un amour sincere de la vérité & de la vertu, est digne de loüanges, & ne manque jamais de produire d’utiles effets. Rien ne fortifie plus l’esprit & n’encourage davantage les talens à se développer, que l’espérance de vivre dans le souvenir des hommes : mais il est difficile que cette passion se contienne dans les bornes que lui prescrit la raison, & quand une fois elle vient à les passer, au lieu d’aider l’esprit dans la recherche de la vérité, elle l’aveugle étrangement & lui fait même croire que les choses sont comme il souhaite qu’elles soient. Il est certain qu’il n’y auroit pas eu tant de fausses inventions & tant de découvertes imaginaires, si les hommes ne se laissoient point étourdir par des desirs ardens de paroître inventeurs.
La passion ne doit servir qu’à réveiller l’attention : mais elle produit toûjours ses propres idées, & elle pousse vivement la volonté à juger des choses par ces idées qui la touchent, plûtôt que par les idées pures & abstraites de la vérité, qui ne la touchent pas.
La seconde source d’où l’on peut tirer quelque secours pour rendre l’esprit attentif, sont les sens. Les sensations sont les modifications propres de l’ame ; les idées pures de l’esprit sont quelque chose de différent : les sensations réveillent donc notre attention d’une maniere beaucoup plus vive que les idées pures. Dans toutes les questions, où l’imagination & les sens n’ont rien à saisir, l’esprit s’évapore dans ses propres pensées. Tant d’idées abstraites, dont il faut réunir & combiner les rapports, accablent la raison ; leur subtilité l’ébloüit, leur étendue la dissipe, leur mêlange la confond. L’ame, épuisée par ses réflexions, retombe sur elle-même, & laisse ses pensées flotter & se suivre sans regle, sans force & sans direction : un homme profondément concentré en lui-même n’est pas toûjours le plus attentif. Comme nos sens sont une source féconde où nous puisons nos idées, il est évident que les objets qui sont les plus propres à exercer nos sens, sont aussi les plus propres à soûtenir notre attention ; c’est pour cela que les Géometres expriment, par des lignes sensibles, les proportions qui sont entre les grandeurs qu’ils veulent considérer. En traçant ces lignes sur le papier, ils tracent, pour ainsi dire, dans leur esprit les idées qui y répondent ; ils se les rendent plus familieres, parce qu’ils les sentent en même tems qu’ils les conçoivent. La vérité, pour entrer dans notre esprit, a besoin d’une espece d’éclat. L’esprit ne peut, s’il est permis de parler ainsi, fixer sa vûe vers elle, si elle n’est revêtue de couleurs sensibles. Il faut tellement tempérer l’éclat dont elle brille, qu’il ne nous arrête pas trop au sensible : mais qu’il puisse seulement soûtenir notre esprit dans la contemplation des vérités purement intelligibles.
Si quelqu’un doutoit encore que les sens soient propres à soûtenir & à fixer notre attention vers un objet, j’appellerois à mon secours l’expérience. En effet, qu’on se recueille dans le silence & dans l’obscurité, le plus petit bruit ou la moindre lueur suffira pour distraire, si l’on est frappé de l’un ou de l’autre, au moment qu’on ne s’y attendoit point : c’est que les idées, dont on s’occupe, se lient naturellement avec la situation où l’on se trouve ; & qu’en conséquence les perceptions, qui sont contraires à cette situation, ne peuvent survenir qu’aussi-tôt l’ordre des idées ne soit troublé. On peut remarquer la même chose dans une supposition toute différente : si, pendant le jour & au milieu du bruit, je réfléchis sur un objet, c’en sera assez pour me donner une distraction : que la lumiere ou le bruit cesse tout-à-coup, dans ce cas, comme dans le premier, les nouvelles perceptions que j’éprouve sont tout-à fait contraires à l’état où j’étois auparavant, l’impression subite qui se fait en moi doit donc encore interrompre la suite de mes idées.
Cette seconde expérience fait voir que la lumiere & le bruit ne sont pas un obstacle à l’attention. Je crois même qu’il ne faudroit que de l’habitude pour en tirer de grands secours. Il n’y a proprement que les révolutions inopinées, qui puissent nous distraire. Je dis inopinées ; car quels que soient les changemens qui se font autour de nous, s’ils n’offrent rien à quoi nous ne devions naturellement nous attendre, ils ne font que nous appliquer plus fortement à l’objet dont nous voulions nous occuper. Jamais nous ne sommes plus fortement occupés aux spectacles, que lorsqu’ils sont bien remplis : notre attention se renforce par l’attention vive & soûtenue que nous voyons dans le grand nombre des spectateurs. Combien de choses différentes ne rencontre-t-on pas quelquefois dans une même campagne ? Des côteaux abondans, des plaines arides, des rochers qui se perdent dans les nues, des bois où le bruit & le silence, la lumiere & les ténebres, se succedent alternativement, &c. Cependant les Poëtes éprouvent tous les jours que cette variété les inspire ; c’est qu’étant liée avec les plus belles idées dont la Poësie se pare, elle ne peut manquer de les réveiller. La vûe, par exemple, d’un côteau abondant retrace le chant des oiseaux, le murmure des ruisseaux, le bonheur des bergers, leur vie douce & paisible, leurs amours, leur constance, leur fidélité, la pureté de leurs mœurs, &c. Beaucoup d’autres exemples pourroient prouver que l’homme ne pense qu’autant qu’il emprunte des secours, soit des objets qui lui frappent les sens, soit de ceux dont l’imagination lui retrace les images.
Il n’y a rien qui ne puisse nous aider à réfléchir, parce qu’il n’y a point d’objets auxquels nous n’ayons le pouvoir de lier nos idées, & qui, par conséquent, ne soient propres à faciliter l’exercice de la mémoire & de l’imagination : mais tout consiste à savoir former ces liaisons, conformément au but qu’on se propose, & aux circonstances où l’on se trouve. Avec cette adresse, il ne sera pas nécessaire d’avoir, comme quelques Philosophes, la précaution de se retirer dans des solitudes, ou de s’enfermer dans un caveau, pour y méditer à la sombre lueur d’une lampe. Ni le jour, ni les ténebres, ni le bruit, ni le silence, rien ne peut mettre obstacle à l’esprit d’un homme qui sait penser.
Que prétendoit Démocrite en se crevant les yeux pour avoir le plaisir d’étudier sans aucune distraction la Physique ? Croyoit-il par-là perfectionner ses connoissances ? Tous ces Philosophes méditatifs sont-ils plus sages, qui se flatent de pouvoir d’autant mieux connoître l’arrangement de l’univers, & de ses parties, qu’ils prennent plus de soin de tenir leurs yeux exactement fermés, pour méditer librement ? Tous ces aveugles Philosophes se font des systèmes pleins de chimeres & d’illusions ; parce qu’il leur est impossible, sans le secours de la vûe, d’avoir une juste idée ni du soleil, ni de la lumiere, ni des couleurs, c’est-à-dire, des parties de la nature, qui en font la beauté & le principal mérite. Je ne doute pas que tous ces sombres Philosophes ne se soient souvent surpris ne pensant rien, tandis qu’ils étoient abysmés dans les plus profondes méditations. On n’auroit jamais reproché au fameux Descartes d’avoir fabriqué un monde tout différent de celui qui existe, si plus curieux observateur des phénomenes de la nature, il eût ouvert les yeux pour les contempler avidement ; au lieu de se plonger, comme il a fait, dans de pures rêveries, & de former, dans une sombre & lente méditation, le plan d’un univers.
L’attention est susceptible de divers degrés. Il y a des gens qui la conservent au milieu du bruit le plus fort. Citons l’exemple de M. Montmort, & rapportons les propres termes de M. de Fontenelle. « Il ne craignoit pas les distractions en détail. Dans la même chambre où il travailloit aux problèmes les plus intéressans, on joüoit du clavessin, son fils couroit & le lutinoit, & les problèmes ne laissoient pas de se résoudre. Le Pere Malebranche en a été plusieurs fois témoin avec étonnement. Il y a bien de la force dans un esprit qui n’est pas maîtrisé pas les impressions du dehors, même les plus legeres ». Il y en a d’autres que le vol d’une mouche interrompt. Rien n’est plus mobile que leur attention, un rien la distrait : mais il y en a qui la tiennent fort long-tems attachée à un même objet ; c’est le cas ordinaire des Métaphysiciens consommés, & des grands Mathématiciens. La suite la plus longue des démonstrations les plus impliquées ne les épuise point. Quelques Géometres ont poussé ce talent à un point incroyable ; tels sont entre autres Clavius & Wallis : le premier a fait un traité de l’Astrolabe, dont très peu de gens seroient capables de soûtenir la simple lecture. Quelle n’a donc pas été la force de l’attention dans un auteur, pour composer ce qu’un lecteur intelligent a peine à suivre jusqu’au bout !
Il se trouve aussi des personnes qui peuvent embrasser plusieurs choses à-la-fois, tandis que le plus grand nombre est obligé de se borner à un objet unique. Entre les exemples les plus distingués dans ce genre, nous pouvons citer celui de Jules César, qui en écrivant une lettre, en pouvoit dicter quatre autres à ses secrétaires, ou s’il n’écrivoit pas lui-même, dictoit sept lettres à-la-fois. Cette sorte de capacité, en fait d’attention, est principalement fondée sur la mémoire, qui rappelle fidelement les différens objets que l’imagination se propose de considérer attentivement à-la-fois. Peu de gens sont capables de cette complication d’attention ; & à moins que d’être doüé de dispositions naturelles extrèmement heureuses, il ne convient pas de faire des essais dans ce genre ; car la maxime vulgaire est vraie en général :
Pluribus intentus, minor est ad singula sensus.
Il y en a qui peuvent donner leur attention à des objets de tout genre, & d’autres n’en sont maîtres qu’en certains cas. L’attention est ordinairement un effet du goût, une suite du plaisir que nous prenons à certaines choses. Certains génies universels, pour qui toutes sortes d’études ont des charmes, & qui s’y appliquent avec succès, sont donc dans le cas d’accorder leur attention à des objets de tout genre. M. Leibnitz nous fournit, au rapport de M. de Fontenelle, un de ces génies universels. Jamais auteur n’a tant écrit, ni sur des sujets si divers ; & néanmoins ce mêlange perpétuel, si propre à faire naître la confusion, n’en mettoit aucune dans ses idées. Au milieu de ces passages brusques, sa précision ne le quittoit point, & l’on eût dit que la question qu’il discutoit étoit toûjours celle qu’il avoit le plus approfondie. Le plus grand nombre des hommes, & même des savans, n’a d’aptitude que pour un certain ordre de choses. Le Poëte, le Géometre, le Peintre, chacun resserré dans son art & dans sa profession, donne à ses objets favoris une attention qu’il lui seroit impossible de prêter à toute autre chose.
Il y en a enfin qui sont également capables d’attention pour les objets absens, comme pour ceux qui sont présens ; d’autres au contraire ne peuvent la fixer que sur les choses présentes. Tous ces degrés s’acquierent, se conservent & se perfectionnent par l’exercice. Un Montmort, un Clavius, un Wallis, un Jules César, dont nous avons donné des exemples, n’étoient parvenus à ce degré, à cette capacité d’attention qu’ils possédoient, que par un exercice long & continuellement réitéré. Tout le monde sait de quelle force étoit l’attention d’Archimede, qui ne s’apperçut ni du sac de sa patrie, ni de l’entrée du soldat furieux dans son cabinet, qu’il prit sans doute pour quelqu’un de ses domestiques, puisqu’il lui recommanda de ne pas déranger ses cercles. Un autre trait de sa vie prouve qu’il étoit tout-à-fait capable de cette profondeur d’attention requise pour saisir dans un objet présent tout ce qu’il y a d’important à y remarquer. Je veux parler du fait rapporté par Vitruve, & de la maniere dont Archimede s’y prit pour découvrir le mêlange qu’un Orfévre avoit fait d’une certaine quantité d’argent dans une masse d’or que le roi Hieron lui avoit donnée pour en faire une couronne. Voyez Alliage.
Concluons ici comme ailleurs, habitude fait tout ; l’ame est flexible comme le corps, & ses facultés sont tellement liées au corps, qu’elles se développent & se perfectionnent aussi-bien que celles du corps, par des exercices continuels, & des actes toûjours réitérés. Les grands hommes qui, le fil d’Ariane en main, ont pénétré, sans s’égarer, jusqu’au fond des labyrinthes les plus tortueux, ont commencé par s’essayer ; aujourd’hui une demi-heure d’attention, dans un mois une heure, dans un an quatre heures soûtenues sans interruption, & par de tels progrès, ils ont tiré de leur attention un parti qui paroît incroyable à ceux qui n’ont jamais mis leur esprit à aucune épreuve, & qui ne recueillent que les productions volontaires d’un champ que la culture fertilise si abondamment. On peut dire en général, que ce qui fait le plus de tort aux hommes, c’est l’ignorance de leurs forces. Ils s’imaginent que jamais ils ne viendront à bout de telle chose ; & dans cette prévention, ils ne mettent pas la main à l’œuvre, parce qu’ils négligent la méthode de s’y rendre propres insensiblement & par degrés. S’ils ne réussissent pas du premier coup, le dépit les prend, & ils renoncent pour toûjours à leur dessein. Cet article est tiré des papiers de M. Formey. (X)
Étymologie de « attention »
Attentio, d'attendere, faire attention (voy. ATTENDRE).
- Du latin attentio (« tension de l’esprit vers quelque chose »).
Phonétique du mot « attention »
Mot | Phonétique (Alphabet Phonétique International) | Prononciation |
---|---|---|
attention | atɑ̃sjɔ̃ |
Fréquence d'apparition du mot « attention » dans le journal Le Monde
Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.
Évolution historique de l’usage du mot « attention »
Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.
Citations contenant le mot « attention »
-
En faisant attention à la cuillerée, on perd tout le pot.
Proverbe birman -
L'attention est le burin de la mémoire.
Duc de Lévis — Maximes et réflexions -
Les ouvrières portant des pulls trop larges doivent faire attention aux machines ; celles qui portent des pulls très collants doivent faire attention aux machinistes.
André Guillois -
Faites bien attention de ne pas faire attention à lui.
Jules Renard — Journal 1893 - 1898 -
Plus on prête attention aux coïncidences, plus elles se produisent.
Vladimir Nabokov — L'Enchanteur -
La curiosité est autant parente de l’attention que l’attention l’est de la mémoire.
Richard Whately -
Il faut faire attention aux mots, car souvent ils peuvent devenir des cages.
Viola Spolin -
Toutes les fois qu'on fait vraiment attention, on détruit du mal en soi.
Simone Weil — Attente de Dieu, Fayard -
On a beau faire attention, les choses de la vie, on ne peut pas toujours faire attention.
Olivier Mau — Un bon petit gars -
Quand on me contrarie, on éveille mon attention, non pas ma colère.
Michel de Montaigne — Essais
Images d'illustration du mot « attention »
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Traductions du mot « attention »
Langue | Traduction |
---|---|
Anglais | warning |
Espagnol | atención |
Italien | avvertimento |
Allemand | warnung |
Chinois | 警告 |
Arabe | حذاري |
Portugais | aviso |
Russe | предупреждение |
Japonais | 警告 |
Basque | abisua |
Corse | attenti |
Synonymes de « attention »
- soin
- prévenance
- application
- circonspection
- sollicitude
- empressement
- vigilance
- méditation
- précaution
- zèle
- curiosité
- réflexion
Antonymes de « attention »
Combien de points fait le mot attention au Scrabble ?
Nombre de points du mot attention au scrabble : 9 points