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Taire

Définitions de « taire »

Trésor de la Langue Française informatisé

TAIRE, verbe

I. − Empl. pronom.
A. − Qqn/qqc. se tait
1. Qqn se tait
a)
α) S'arrêter de parler; p. anal., s'arrêter de pleurer, de crier. Se taire aussitôt, brusquement, soudainement; refuser de se taire. Tout à coup l'enfant se tut de lui-même (...). Son silence était plus alarmant encore que sa colère (Martin du G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 667).Elles causaient de porte à porte, mais elles se taisaient à mon approche (Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 251).
À l'impér. Taisez-vous, je vous défends de discuter (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 47).HIST. [Dans une circulaire ministérielle du 28 oct. 1915 destinée à mettre en garde la population contre les agents de renseignements de l'ennemi et repris sous forme de slogan] Taisez-vous, méfiez-vous, les oreilles ennemies vous écoutent. V. méfier (se) ex. de Beauvoir.
P. anal. [Le suj. désigne un animal, en partic. un oiseau] Cesser de faire entendre son cri. Fauvettes et pinsons se taisent un moment (Coppée, Bonne souffr., 1898, p. 50).C'était l'heure (...) où les chouettes se taisaient (Druon, Loi mâles, 1957, p. 35).
β) Garder le silence, rester sans parler. Se taire longuement. Mais qu'a donc notre député? se dit-il. D'où vient qu'il se tait obstinément? (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 353).Il se taisait toujours; il a vu qu'il n'allait pas pouvoir se taire plus longtemps (Ramuz, Gde peur mont., 1926, p. 31).
Fam. Perdre/manquer/rater une (belle/bonne) occasion de se taire. V. occasion I A 2 a ex. de Camus.
En partic. Ne pas parler de façon indiscrète, être discret. Je ne m'occupe jamais de la politique intérieure des pays que je visite. Et quoique j'en pense, je sais me taire (Salacrou, Terre ronde, 1938, ii, 3, p. 203).
Se taire de (vieilli)/sur qqc., qqn.Ne pas révéler quelque chose, garder le silence sur quelqu'un; rester discret sur quelque chose, sur quelqu'un. Le pécheur (...) Doit et peut (...) Bien faire obscurément son devoir et se taire. Se taire pour le monde (...) Se taire sur autrui (Verlaine, Œuvres compl., t. 1, Sagesse, 1881, p. 234).On n'a pas le mérite de sa naissance, on a celui de ses actions. Mais il faut savoir se taire sur elles pour que le mérite soit entier (Camus, Actuelles I, 1948, p. 200).Ne pouvoir, ne savoir se taire sur/d'une chose. Ne pouvoir éviter, s'empêcher de parler d'une chose. Il ne peut se taire sur le service, du service que vous lui avez rendu. Je ne puis m'en taire (Ac. 1935).
b)
α) S'abstenir d'exprimer une opinion, de traiter une question oralement ou par écrit; ne pas prendre position. La faillite des intellectuels n'a pas été moindre. A. France, c'est le silence. Bourget se tait après quelques mois de réflexion. Ils n'ont pas cherché à dégager les directives (Barrès, Cahiers, t. 11, 1918, p. 365):
... se taire ce n'est pas être muet, c'est refuser de parler, donc parler encore. Si donc un écrivain a choisi de se taire sur un aspect quelconque du monde, ou selon une locution qui dit bien ce qu'elle veut dire, de le passer sous silence, on est en droit de lui poser une troisième question: pourquoi as-tu parlé de ceci plutôt que de cela (...)? Sartre, Litt., 1948, p. 32.
Proverbe. Qui se tait, consent. Synon. rare et vieilli de qui ne dit mot, consent (v. consentir II B 3). (Dict. xixes.).
β) Ne pas exprimer son mécontentement, son chagrin; s'abstenir de se plaindre. Hélas! habitants de la terre, Il faut savoir souffrir, mendier et nous taire (Barbier, Iambes, 1840, p. 153).
2. Qqc. se tait
a)
α) [Le suj. désigne un son, un bruit, p. méton., ce qui produit ce son, ce bruit] Cesser de se faire entendre. Le canon, le grelot se tait. Les vents se taisent, tout est calme (Senancour, Obermann, t. 2, 1840, p. 133).La voix de Vanessa se tut, et il se fit un silence (Gracq, Syrtes, 1951, p. 113).
En partic. [Le suj. désigne un instrument de mus.] S'arrêter de jouer. Le piano se tut (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 850).Jusqu'à ce que le soleil se couche et que la lune se lève, et que les guitares se taisent (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 96).
β) [Le suj. désigne un lieu] Devenir silencieux. Autour d'eux, la forêt se taisait, et dans ce silence un rouge-gorge modulait sa petite chanson caressante et voilée (Theuriet, Mariage Gérard, 1875, p. 151).L'immense plaine se taisait, comme si la respiration du monde eût été suspendue (Psichari, Voy. centur., 1914, p. 145).
b) Au fig., vieilli. [Le suj. désigne une chose abstr.] Cesser d'avoir de l'influence, s'effacer. Les lois se taisent dans les troubles; c'est alors que les décrets parlent (Joubert, Pensées, t. 1, 1824, p. 361).Le cœur se taisait devant les affaires (Zola, Nana, 1880, p. 1467).
B. − [Avec ell. du pron. pers.] Faire taire qqn/qqc.
1. Faire taire qqn
a) Interrompre quelqu'un; imposer silence à une personne qui pleure ou qui crie. Faire taire brutalement; faire taire d'une gifle. Des personnes placées au balcon et aux galeries firent taire le négociant par des chuts répétés (Balzac, Illus. perdues, 1839, p. 513).Il désigna la porte par où les jérémiades prenaient cette scansion de la douleur qui est la même à Sérianne ou au Kamtchatka: « Fais d'abord taire ta femme, s'il te plaît » (Aragon, Beau quart., 1936, p. 298).
b) Empêcher quelqu'un de s'exprimer, le réduire au silence. Synon. museler.Faire taire des adversaires, ses détracteurs, ses ennemis. Elle m'embrassa sur le cou et me souffla à l'oreille: « Écris, mon fils, tu auras du talent, et tu feras taire les envieux. » (A. France, Vie fleur, 1922, p. 545).J'aurais trouvé un prétexte plausible, de quoi faire taire les mauvaises langues (Bernanos, Crime, 1935, p. 807).
2. Vieilli ou littér. Faire taire qqc.
a) Empêcher quelque chose d'être entendu; couvrir un bruit, un son. Une prodigieuse rumeur (...) se fit entendre dans le lointain et couvrit les mille susurrements de la foule: ainsi le rugissement d'un lion fait taire les miaulements d'une troupe de chacals (Gautier, Rom. momie, 1858, p. 215).
P. anal. Mais une douleur profonde faisait taire toutes les autres douleurs (Balzac, E. Grandet, 1834, p. 205).
b) Faire cesser un bruit. Faire taire les pleurs. Pour finir, cria Volpatte, qui fit taire tous les bourdonnements, avec son autorité de voyageur revenant de là-bas (Barbusse, Feu, 1916, p. 132).Faire cesser (une rumeur, un propos). Faire taire les calomnies, les quolibets. Cela fit taire les médisances (Louÿs, Aphrodite, 1896, p. 14).
c)
α) Empêcher quelque chose de faire du bruit. Apaise le vent, fais taire la lame (Gautier, Poés., 1872, p. 293).Il fallait faire taire le grelot?Il le voulut! Pour y parvenir il décida de réaliser à travers le dédale inextricable des branches une marche lente et souple durant laquelle sa tête et son cou devraient conserver la plus stricte immobilité (Pergaud, De Goupil, 1910, p. 54).
En partic.
Cesser de jouer d'un instrument de musique. Elle ferait taire son piano pour faire quelques pas dehors (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 115).
Mettre une arme hors d'état de fonctionner. Faire taire le canon. [L'artillerie française] ne peut sans doute pas faire taire l'artillerie des Boches (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p. 39).
β) Au fig. [Le compl. désigne une chose abstr.] Empêcher quelque chose de se manifester. Synon. étouffer (v. ce mot I B 3 a), juguler (v. ce mot B 2), museler (v. ce mot B 2).Faire taire la liberté de presse, les lois; faire taire la raison, le bon sens; faire taire sa conscience, sa douleur, sa mélancolie, son ressentiment, ses remords, ses scrupules. La bourgeoisie fit ce qu'elle a toujours fait depuis, elle manqua de principes et fit taire ses croyances ou ses sympathies en présence de ses intérêts (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 2).Si on fait le silence en soi, si on fait taire tous les désirs, toutes les opinions (S. Weil, Pesanteur, 1943, p. 54).
II. − Empl. trans.
A. − Qqn tait qqc.
1. Synon. de cacher (v. ce mot I B 2), celer (littér.), dissimuler (v. ce mot A 1 b).
a) Ne pas révéler, garder secret quelque chose. Taire son nom; taire une aventure. Ce n'est pas à vous que je tairai des faiblesses, tôt ou tard il faudra que vous les sachiez toutes (Fromentin, Dominique, 1863, p. 31).Le chef d'entreprise le plus décidé à faire de sa maison une « maison de verre » ne peut pas ne pas taire certains faits et certains chiffres (Salleron, Comment informer, 1965, p. 40).
b) P. anal. Ne pas laisser paraître (un sentiment). Taire sa colère, son émotion, son inquiétude, sa joie. Lorsqu'Odoard apprend par la maîtresse du prince que l'honneur de sa fille est menacé, il veut taire à cette femme, qu'il n'estime pas, l'indignation et la douleur qu'elle excite dans son âme (Staël, Allemagne, t. 3, 1810, p. 221).
2. Littér. ou vieilli
a) Interrompre les propos que l'on tient. Pourquoi ne voulez-vous pas qu'il se racornisse un peu, cet homme? Taisez donc vos menteries (Balzac, E. Grandet, 1834, p. 207).Peu à peu, le voile se desserre, s'enfle, vole et retombe, me révélant aux yeux de ceux qui sont là, qui ont tu, pour me regarder, leur enragé bavardage (Colette, Vagab., 1910, p. 58).
b) Arrêter de jouer d'un instrument de musique. Les pâtres, dans les champs, turent leurs chalumeaux (Ponchon, Muse cabaret, 1920, p. 229).
3. Pop. Taire sa gueule (vulg.), sa langue, son bec (vieilli). Se taire. Synon. fermer son bec* (pop., fam.), fermer sa (grande) bouche* (fam.), fermer/boucler sa gueule* (vulg.), la boucler (pop., v. boucler1B 3).Eh bien, alors... tais ton bec, méchant gratte-papier (Labiche, M. qui prend la mouche, 1852, i, 3, p. 139).S'il veut bien m'écouter, il taira sa langue, il reprendra sa truelle, sans s'occuper ni des juifs, ni des curés (Zola, Vérité, 1902, p. 67).V. bouchon II A 2 b ex. de France.
B. − Littér. [Le suj. désigne un élément naturel; le compl. désigne le bruit qu'il produit] Qqc. tait qqc.Cesser de faire entendre quelque chose. L'ombre venait, les fleurs s'ouvraient, rêvait mon Âme! Et le vent endormi taisait son hurlement (Valéry, Lettres à qq.-uns, 1945, p. 10).
Prononc. et Orth.: [tε:ʀ], (il) tait [tε]. Homon. terre et formes de (se) terrer. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Fin xes. réfl. « ne pas parler, garder le silence » (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 215: Judeu l'acusent [Jesu], el se tais); déb. xiies. intrans. (Benedeit, St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 700); ca 1165 id. taire [: afaire] (Benoît de Ste-Maure, Troie, 21322 ds T.-L.); xiies. id. teisir [: suffrir] (Everart de Kirkham, Distiques de Caton, strophe 134 d, éd. E. Stengel, p. 135); 2. a) ca 1100 « cesser de parler » intrans.; réfl. (Roland, éd. J. Bédier, 1026: Tais, Oliver; 259: Ambdui vos en taisez!); ca 1225 trans. taire sa boche (Hist. Guillaume Le Maréchal, 13 ds T.-L.); 1744 taire sa gueule (Vadé, Œuvres, Sur la prise de Menin, IV ds Quem DDL t. 19); b) 1225-30 réfl. « (en parlant d'oiseaux) cesser de pépier » (Guillaume de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 67); 1387-89 intrans. fere crier et tayre [le limier] (Gaston Phébus, Chasse, éd. G. Tilander, 44, 32, p. 191); 3. 1remoit. xiies. trans. « ne pas dire, ne pas exprimer; passer sous silence; cacher » (Psautier d'Oxford, 108, 1 ds T.-L.: la meie löenge ne tasiras [ne silueris]); ca 1165 (Benoît de Ste-Maure, Troie, 19, ibid.: scïence que est teüe Est tost oblïee e perdüe); ca 1175 taire [: faire] (Id., Chron. ducs de Normandie, éd. C. Fahlin, 10402); 1240-80 spéc. « cacher, ne pas laisser paraître (un sentiment, un état d'âme) » (Baudouin de Condé, Dits et contes, 316, 1385 ds T.-L.: Mais encore vous ai tëu Celui [torment de l'amour]); cf. 1683, 1ersept. (Bossuet, Oraison funèbre M.-Th. d'Autriche ds Œuvres, éd. B. Velat et Y. Champailler, p. 123: [les âmes vertueuses] non seulement elles savent taire, mais encore sacrifier leurs peines secrètes); 4. fig. le suj. désigne un inanimé; réfl. a) 1174-87 « cesser de s'exprimer » (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 6006: De mon seignor Gauvain se test Li contes ici a estal); b) ca 1230 « cesser de se manifester, s'effacer » (Chevalier aux deux épées, 5426 ds T.-L.: toutes les biautés ki soient Envers la siue se taisoient); c) fin xiiies. « (en parlant des éléments déchaînés) cesser de se manifester, se calmer » (Psautier [Bibl. Mazarine 258], fol. 133 ds Littré: si se turent li flot); 1667 « (en parlant d'un sentiment) ne pas se manifester » (Racine, Andromaque, III, 3: la douleur qui se tait). L'a. fr. taisir, régulièrement issu du lat. tacere (intrans. « garder le silence, se taire »; trans. « ne pas dire, ne pas parler de »), a, dep. le xiies. (supra), été concurrencé par la forme taire (d'apr. les inf. du type fais: faire [< facere] qui peu à peu l'évinça, Fouché Morphol., § 119, 3o; Pope, § 884 et 886). La forme a. fr. taisier réfl. « garder le silence » (ca 1210 Herbert de Dammartin, Fouque de Candie, 2921 ds T.-L.), p. chang. de conjug., prob. sous l'infl. des représentants du lat. vulg. *quietare « calmer, apaiser » (d'où l'a. fr. coisier au sens de « se taire » fin xiies. réfl. Sermons de St Bernard, 6, 19, ibid.). Fréq. abs. littér.: 9 233. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 8 331, b) 11 677; xxes.: a) 17 831, b) 15 170. Bbg. Bolbjerg (A.). Six verbes fr.: la catégorie -aire. R. rom. 1979, t 14, no1, pp. 114-116. − Lanly (A.). Morphol. hist. des verbes fr. Paris, 1977, pp. 270-272. − Lienhard (D.R.). Die Bezeichnungen für den Begriff « schweigen » in Frankreich... Diss., Zürich, 1943, pp. 57-61. − Morin (Y.-Ch.). Maintien du e final dans l'évol. hist.des mots du type faire et maire en fr. Cah. J. Ling. 1979, t. 24, pp. 95-117. − Quem. DDL t. 19.

Wiktionnaire

Verbe - français

taire \tɛʁ\ transitif 3e groupe (voir la conjugaison) (pronominal : se taire)

  1. Ne pas dire ; passer sous silence.
    • Il vous a bien dit telle chose, mais il vous en a tu beaucoup d’autres.
    • C’est un homme sûr et qui ne dit jamais rien de ce qu’il faut taire.
  2. Maitriser un sentiment ; le contraindre au silence.
    • Il a fait taire son ressentiment.
  3. Ne pas faire de bruit ; en ce sens, il se dit des animaux, et généralement de tout ce qui est capable de faire du bruit.
    • Faites taire cet enfant.
    • Faites taire ces chiens.
    • Notre canon a fait taire celui de l’ennemi, il a mis celui de l’ennemi hors d’état de continuer à tirer.
  4. (Pronominal) Garder le silence, s’abstenir de parler.
    • – Je suis citoyen britannique ! – continua Bert, obstiné. – Vous n’êtes pas obligés d’écouter, mais rien ne me force à me taire. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 352 de l’édition de 1921)
    • Dans dix ans, parmi les vestiges de Beaumat, les souffles du vent, les croassements des corbeaux et la chute des pierres retentiront seuls ; nulle oreille humaine ne les entendra et la cloche du village elle-même se taira, fatiguée de tinter seulement pour les morts. — (Ludovic Naudeau, La France se regarde : le Problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)
    • Il a manqué une belle occasion de se taire, il a parlé mal à propos, il s’est fait du tort en parlant.
    • Se taire sur quelque chose ou simplement se taire, ne pas divulguer un secret.
    • Il se tut sur ce que le hasard lui avait fait découvrir.
    • Il promit de se taire.
    • Ne pouvoir se taire d’une chose, la publier partout, en parler sans cesse.
    • Il ne peut se taire sur le service, du service que vous lui avez rendu.
    • En de telles circonstances, tous les ressentiments doivent se taire.
    • La mer et les vents se turent à la voix de Jésus-Christ.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

TAIRE. (Je tais, tu tais, il tait; nous taisons, vous taisez, ils taisent. Je taisais. Je tus. Je tairai. Je tairais. Tais; taisons, taisez. Que le taise. Que je tusse. Taisant. Tu.) v. tr.
Ne pas dire. Il vous a bien dit telle chose, mais il vous en a tu beaucoup d'autres. C'est un homme sûr et qui ne dit jamais rien de ce qu'il faut taire.

SE TAIRE signifie Garder le silence, s'abstenir de parler. Après avoir dit cela, il se tut. Il y a temps de parler et temps de se taire. Ils se sont tus après quelques moments. Avec ellipse du pronom, Faites taire cet enfant. Fam., Il a manqué une belle occasion de se taire, Il a parlé mal à propos, il s'est fait du tort en parlant. Se taire sur quelque chose ou simplement Se taire, Ne pas divulguer un secret. Il se tut sur ce que le hasard lui avait fait découvrir. Il promit de se taire. Ne pouvoir se taire d'une chose, La publier partout, en parler sans cesse. Il ne peut se taire sur le service, du service que vous lui avez rendu. Je ne puis m'en taire. Fig., Il a fait taire son ressentiment, Il l'a maîtrisé, il l'a oublié dans telle occasion. On dit de même : En de telles circonstances, tous les ressentiments doivent se taire.

SE TAIRE signifie aussi Ne pas faire de bruit; en ce sens, il se dit des Animaux, et généralement de tout ce qui est capable de faire du bruit. Faites taire ces chiens. La mer et les vents se turent à la voix de JÉSUS-CHRIST. Notre canon a fait taire celui de l'ennemi, Il a mis celui de l'ennemi hors d'état de continuer à tirer.

Littré (1872-1877)

TAIRE (tê-r'), je tais, tu tais, il tait, nous taisons, vous taisez, ils taisent ; je taisais ; je tus ; je tairai ; je tairais ; tais, qu'il taise, taisons, taisez, qu'ils taisent ; que je taise, que nous taisions ; que je tusse ; taisant v. a.
  • 1Ne pas dire, cacher. M. le Tellier seul, disaient les factieux, savait dire et taire ce qu'il fallait, Bossuet, le Tellier. On les croit insensibles [les âmes vertueuses], parce que non seulement elles savent taire, mais encore sacrifier leurs peines secrètes, Bossuet, Mar.-Thér. Il tire d'un déserteur, d'un transfuge, d'un prisonnier, d'un passant, ce qu'il veut dire, ce qu'il veut taire, ce qu'il sait, et, pour ainsi dire, ce qu'il ne sait pas, Bossuet, Louis de Bourbon. En publiant ses magnificences [du Messie], ils [les prophètes] ne taisent pas ses opprobres, Bossuet, Hist. II, 4. La grande maxime, ou, pour mieux parler, le grand abus de la science du monde, est de taire les vérités désagréables, Bourdaloue, 4e dim. après Pâq. Dominic. t. II, p. 135. Sénat, j'ai vu le crime, et j'ai tu les complices, Voltaire, Rome sauv. IV, 6. Je n'ai pas entrepris mes confessions pour taire mes sottises, Rousseau, Confess. X. Vous ne pouvez rien taire ; un peu de discrétion est bien rare aujourd'hui, Courier, 2e lett. partic.
  • 2Se taire, v. réfl. S'abstenir de parler. Elle s'est tue ; ils se sont tus après quelques moments. Il est bon de parler et meilleur de se taire ; Mais tous deux sont mauvais alors qu'ils sont outrés, La Fontaine, Fabl. VIII, 10. Quels seront nos gémissements à la vue de ce tombeau, où tous ensemble nous ne voyons plus que l'inévitable néant des grandeurs humaines ? taisons-nous ; ce n'est pas des larmes que je veux tirer de vos yeux, Bossuet, Mar.-Thér. Il y a certaines gens qui apprennent toute leur vie à parler, et qui devraient peut-être se taire toute leur vie, Malebranche, Rech. vér. V, 11. Celui qui ne sait pas se taire sur un secret, Fénelon, Tél. XXIV. Il se tait et fait le mystérieux sur ce qu'il sait de plus important, et plus volontiers encore sur ce qu'il ne sait pas, La Bruyère, VIII. Sacrés prélats de nos Gaules, combien de fois le vîtes-vous dans vos assemblées ignorer l'art nouveau de se taire ! Massillon, Or. fun. Villars. Quand un homme n'a rien à dire de nouveau, que ne se tait-il ? Montesquieu, Lett. pers. 66. On peut souvent appliquer ce que M. Royer-Collard disait d'un orateur maladroit : Il a manqué une belle occasion de se taire, Legoarant

    Fig. Quoi ! même vos regards ont appris à se taire, Racine, Brit. II, 6.

  • 3Ne pas exhaler son chagrin. Si tant de mères [qui ont perdu leurs enfants] se sont tues, Que ne vous taisez-vous aussi ? La Fontaine, Fabl. x, 13. La douleur qui se tait n'en est que plus funeste, Racine, Andr. III, 3.
  • 4Ne pas divulguer un secret. La femme… Crut la chose, et promit ses grands dieux de se taire, La Fontaine, Fabl. VIII, 6. Elle est fort heureuse du parti qu'on lui offre, et dont elle est demeurée d'accord ; c'est de se taire très religieusement : et, moyennant cela, on ne la poussera pas à bout, Sévigné, 14. Quiconque ne sait pas se taire est indigne de gouverner, Fénelon, Tél. III.
  • 5Se taire de, passer sous silence. On parle d'eaux, de Tibre et l'on se tait du reste, Corneille, Cinna, IV, 4. Il est assez de geais à deux pieds… Je m'en tais, et ne veux leur causer nul ennui, La Fontaine, Fabl. IV, 9. C'est bien la moindre chose que je vous doive, après m'avoir sauvé la vie, que de me taire devant vous d'une personne que vous connaissez, lorsque je ne puis en parler sans en dire du mal, Molière, Festin, III, 4. Romains, j'aime la gloire, et ne veux point m'en taire, Voltaire, Catil. v, 2.

    Ne pouvoir se taire d'une chose, céder à un sentiment qui porte à publier une chose. C'est avoir bien de la langue de ne pouvoir se taire de ses propres affaires, Molière, Scapin, III, 4. On me mande que Mme de Valavoire est à Paris, qui dit des biens de vous inimaginables ; elle ne se peut taire de votre beauté, de votre civilité, de votre esprit, de votre capacité, Sévigné, 10 juin 1671.

  • 6Être passé sous silence. Un pareil fait ne peut se taire. Votre infidélité ne saurait plus se taire, Th. Corneille, Ariane, I, 3.
  • 7En parlant des animaux et des choses, cesser de faire du bruit. Les oiseaux se taisent dans les airs. Dans ces superbes allées [de Chantilly], au bruit de tant de jets d'eau qui ne se taisaient ni jour ni nuit, Bossuet, Louis de Bourbon. En même temps les vents se turent, Fénelon, Tél. XXIV. Tout se calme à l'instant, les foudres se sont tus, Delille, Parad. perdu, X. Maintenant tout dormait sur sa bouche glacée ; Le souffle se taisait dans son sein endormi, Lamartine, Sec. Méditations, 22.
  • 8 Fig. Ne pas parler, avec un nom de choses pour sujet. Quoi ! l'univers se tait sur le destin d'Égiste ! Voltaire, Mérope, II, 1. Il est vrai que l'histoire se tait sur le partage fait par Clovis du territoire de la Gaule, Lévesque, Instit. Mém. sc. mor. et pol. t. v, p. 232.
  • 9 Fig. Cesser d'avoir de l'influence, de se faire sentir. Il faut que les sens et les passions se taisent, si l'on veut entendre la parole de la vérité, Malebranche, Rech. vér. IV, 11. Placé ainsi sur le trône de l'éloquence, il [Bossuet] vit, ce qui peut-être ne s'était jamais vu entre auteurs, la jalousie de tous ses contemporains se taire devant lui, D'Olivet, Hist. Acad. t. II, p. 76, dans POUGENS. Le père en lui se tait, et le Romain l'emporte, Delille, Én. VI.
  • 10Se soumettre. Quand vous verrez les rois tomber à vos genoux, Et la terre en tremblant se taire devant vous, Racine, Alex. III, 6. Tous les Romains se sont tus devant moi, Montesquieu, Dial. de Sylla.
  • 11Faire taire (avec ellipse du pronom personnel), imposer silence, réduire au silence. Faites taire ce bavard. Il [Théodose] appuya la religion, il fit taire les hérétiques, Bossuet, Hist. I, 11. Je dois employer mon crédit pour obliger le roi à faire taire tout le monde, Maintenon, Lett. au cardin. de Noailles, 3 avril 1697. Les dieux, qui m'inspiraient, et que j'ai mal suivis, M'ont fait taire trois fois par de secrets avis, Racine, Mithr. IV, 2. Que dirai-je de ce personnage [Bossuet] qui a fait parler si longtemps une envieuse critique et qui l'a fait taire ? La Bruyère, Disc. de récep. Quelques personnes qu'on appelle dévotes se sont élevées contre les Calas ; mais, pour la première fois, depuis l'établissement du fanatisme, la voix des sages les a fait taire ? Voltaire, Pol. et lég. Lett. à d'Alemb. sur les Calas.

    Faire taire le canon de l'ennemi, le mettre hors d'état de tirer. Le canon des ennemis est très bien servi ; mais on prétend que nos batteries, qui seront bientôt en état, le feront taire, Pellisson, Lett. hist. t. III, p. 383.

    Fig. et dans le langage soutenu. Si je n'ai pas fait taire mon âme, si je n'ai pas imposé silence à ces flatteuses pensées qui se présentent sans cesse pour enfler nos cœurs, Bossuet, Mar.-Thér. L'un [Turenne], par de vifs et continuels efforts, emporte l'admiration du genre humain et fait taire l'envie, Bossuet, Louis de Bourbon. Jules… Qui fit taire les lois dans le bruit des alarmes, Racine, Bérén. II, 2. Un prodige étonnant fit taire ce transport, Racine, Iphig. I, 1. Elles [les paroles de Mentor] étaient semblables à ces paroles enchantées qui tout à coup, dans le profond silence de la nuit, arrêtent au milieu de l'Olympe la lune et les étoiles, calment la mer irritée, font taire les vents et les flots, et suspendent le cours des fleuves rapides, Fénelon, Tél. X.

  • 12 S. m. Le franc taire, la liberté de se taire (mot formé à l'imitation de franc parler). Il n'est pas permis longtemps d'y garder son franc taire ; car ceux qui y parlent ne veulent être écoutés que par des gens qui les applaudissent, Bernardin de Saint-Pierre, dans le Dict. de BESCHERELLE, au mot FRANC-TAIRE.

    PROVERBE

    Qui se tait consent, et, plus souvent, qui ne dit mot consent.

HISTORIQUE

XIe s. Respunt li reis : ambdui [tous deux] vos en taisez, Ch. de Rol. XVIII. Tais, Oliviers, li quens Rolans respunt, ib. LXXVIII.

XIIe s. Douce dame, je ne vous os [ose] rover [demander] Ce dont amours ne me rove pas taire, Couci, II. De peu me sert que me veut conforter D'autrui amer ; mieux me vaudroit taisir, ib. xx. Ici de Charlemaine [je] me doi ore bien taire, Sax. XXX. Ne fis dunques dissemblant ? ne moi touge dunkes ? ne moi cessai ge dunkes ? Job, p. 471.

XIIIe s. En France se croisa Hevelons li vesques de Soissons… Enguerrans de Boves, Robers ses freres et maint autre baron dont li livres se taist ores, Villehardouin, V. Que ceste chose soit si teüe et celée, Berte, XVI. Dolente fu la dame, mout fu taisans et mue, ib. LXXX. La roïne se teut atant, et rentra en sa cambre, et pensa com elle poroit faire, Chr. de Rains, 32. Dist en avez vostre plaisir, S'avez perdu un biau taisir, Ren. 8832. Nus fox ne scet sa langue taire, la Rose, 4750. Li oisel qui se sunt teü Tant cum il ont le froit eü, ib. 67. N'en quier plus parler, je m'en tès, ib. 5444. Il est tenu et gardé à droit, que les lois soient abatues par desacostumance, non pas solemant par l'aide de celui qui fet la loi, mès par le taire et par le consentement de toz, Liv. de jost. 6. Et si se turent li flot, Psautier, f° 133. Tulles [Cicéron] dit que cil qui se taist est semblables à celui qui conferme, Latini, Trésor, p. 544.

XIVe s. Pour ce chaicun se devroit taire, Qui ne sceit très bien la matiere Comme Bretaigne fut soubmise, Le liv. du bon Jeh. 1625.

XVe s. Qui de tout se taist de tout a paix, Gerson, Harangue au roi Charles VI, p. 17. Elle taisoit qu'elle fust cause de la dilasion, Louis XI, Nouv. LXXXVI.

XVIe s. Je l'ay taisé… quand viendra le temps de le dire, se pourra faire, Lett. de Louis XII, t. III, p. 26, dans LACURNE. Je vous declarerai un secret, dont le taire me met en tel estat que vous voyez, Marguerite de Navarre, Nouv. XI. Il s'y treuve plusieurs advis qui valent mieulx teus que publiez aux foibles esprits, Montaigne, II, 348. Plus apprend qui se taist que qui parle hault et brait, Genin, Récréat. t. II, p. 247. Bien dire fait rire, bien faire fait taire, Cotgrave Fols sont sages quand ils se taisent, Cotgrave Quand d'autruy parler tu voudras, regarde toy, et te tairas, Cotgrave

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Étymologie de « taire »

Du latin tacere (même sens) qui a donné « tacite » ou « taciturne » en français.
Le verbe taisir, de même étymologie et de même sens, a existé jusqu’au XVe siècle. Taire est né de sa réfection, dès le XIIe siècle, par changement de conjugaison (comme le verbe plaisir devenu plaire).
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Berry, taiser ; provenç. taser, taiser ; ital. tacere ; du latin tacere, qu'on rapproche du germanique : goth. thahan, anc. haut-all. dagên, suéd. tiga. La forme régulière est taisir, taiser, du lat. tacere ; mais la forme taire indique une très ancienne accentuation vicieuse tacĕre ; comparez plaire et plaisir.

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Phonétique du mot « taire »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
taire tɛr

Fréquence d'apparition du mot « taire » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « taire »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « taire »

  • Perdu hier... une bonne occasion de me taire.
    Pierre Dac
  • Depuis 2010, le centre de supervision urbain créé par Estrosi scrute les rues jour et nuit, avec des méthodes aux frontières de la légalité. Ce laboratoire sécuritaire a été plébiscité samedi dernier par Jean Castex.
    Libération.fr — Jean Castex choisit Nice pour afficher sa ligne sécuritaire - Libération
  • Parler - se taire : un même meurtre.
    Jean-Claude Renard — La Lumière du silence
  • Se taire, prier, travailler, sourire.
    Josemaria Escriva de Balaguer
  • Mieux vaut se taire que parler pour ne rien dire.
    Ménandre
  • Pour faire taire autrui, commence par te taire.
    Sénèque
  • J’écris pour me taire.
    Philippe Léotard — Lavartus Prodeo
  • Celui qui ne peut se taire ne sait pas parler.
    Pittacos
  • Cacher est une chose, se taire en est une autre.
    Proverbe latin
  • Dépakine : Sanofi mis en examen pour «homicides involontaires»
    Libération.fr — Covid-19 : sous quelles conditions peut-on entrer en France aujourd'hui ? - Libération
Voir toutes les citations du mot « taire » →

Traductions du mot « taire »

Langue Traduction
Anglais to hush up
Espagnol callarse
Italien tacere
Allemand vertuschen
Chinois 安静下来
Arabe الصمت
Portugais silenciar
Russe замять
Japonais 静める
Basque altxatzeko
Corse sciaccà
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Synonymes de « taire »

Source : synonymes de taire sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « taire »

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Nombre de points du mot taire au scrabble : 5 points

Taire

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