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Priver

Définitions de « priver »

Trésor de la Langue Française informatisé

PRIVER, verbe trans.

A. − Vieilli. Apprivoiser. On vient de m'apporter un jeune pigeon que je veux garder, et priver, et caresser (E. de Guérin, Journal,1837, p.133).C'est le martin-pêcheur (...) L'hirondelle, le merle à priver plus facile (Pommier, Océanides,1839, p.16).
B. − [Le compl. d'obj. dir. désigne une pers.]
1. Priver qqn de qqc.Empêcher quelqu'un de posséder quelque chose, de jouir de quelque chose, lui ôter ce dont il dispose; lui refuser ce qu'il attend. Synon. déposséder, dépouiller.
[Le suj. désigne une pers.] L'amour qu'elle t'a volé, il faut que je te le rende!... Ne dis pas que c'est impossible! Car cet amour dont elle nous a privés tous les deux, il est en moi, tout neuf, prêt à être donné! (Lenormand, Simoun,1921, 9etabl., p.102).V. admirateur ex. 7.
[Sans compl. second.] Et je possédais les moyens victorieux de répondre, et j'aurais gardé le silence! Et j'aurais attendu!... Et pour quelques légères considérations, j'aurais privé les contemporains avides! Non (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t.2, 1823, p.241).
[Sans compl. d'obj. dir.] Une continuelle mise en question de tout prive du pouvoir de procéder par opérations séparées, oblige à s'exprimer par éclairs rapides (G. Bataille, Exp. int.,1943, p.54).
[Le suj. désigne un inanimé concr. ou abstr.] La haine qu'il portait au connétable l'aveuglait et le privait de toute raison; il regrettait toujours de ne point l'avoir fait mourir (Barante, Hist. ducs Bourg.,t.1, 1821-24, p.375).Le manque d'argent me privait d'une multitude de choses agréables, que n'apprécient pas toujours ceux qui peuvent se les procurer (A. France, Vie fleur,1922, p.482).
En partic. [En manière de châtiment, de sanction] Priver de sortie. Sans doute Votre Excellence a pesé dans sa sagesse la force des motifs qui la déterminent à un acte aussi important que celui de me priver ainsi de ma liberté, sans aucune forme judiciaire préalable, sans même qu'on m'ait dit pourquoi (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t.2, 1823p.493).Ce garçon dont on parle dans le journal, ils l'ont porté dans leurs bras, ils l'ont privé de dessert, ils savent bien que ce n'était pas un enfant extraordinaire (Mauriac, Journal 1,1934, p.73).
Rare, vieilli. Priver (qqn) de + inf.Parmi les maux que produisent les révolutions, un des plus tristes sans doute est celui de priver d'être bon (Maine de Biran, Journal,1815, p.89).
2. Priver qqn de qqn.Enlever, retirer à quelqu'un la présence d'une personne nécessaire ou à laquelle il est attaché. Priver une mère de son enfant. M. Gillenormand (...), pour des motifs stupides, l'avait arraché sans pitié au colonel, privant ainsi le père de l'enfant et l'enfant du père (Hugo, Misér.,t.1, 1862, p.758).Il y a eu, il est vrai, dans les années qui précédèrent le mariage, d'assez vilaines manoeuvres de chantage de la part de la femme; elle privait Swann de sa fille chaque fois qu'il lui refusait quelque chose (Proust, J. filles en fleurs,1918, p.466).
En partic. [Le compl. d'obj. dir. désigne un pays] Les journaux furent assez unanimes pour regretter un événement qui privait la patrie d'un chef dont la bonne volonté avait toujours été reconnue (Gobineau, Pléiades,1874, p.349).Sa mort héroïque [du colonel des Vallières], survenue le 28 mai 1918, à la tête de la 151edivision d'infanterie, a privé la France d'un de ses futurs grands chefs (Joffre, Mém.,t.2, 1931, p.171).
C. − [Le compl. d'obj. dir. désigne un inanimé concr. ou abstr.] Enlever, supprimer à une chose une ou plusieurs de ses caractéristiques, un ou plusieurs de ses avantages, la démunir, lui retirer quelque chose de nécessaire. Malgré la vénération et l'amour que je lui porte, je ne balance pas à dire qu'il a privé ses églogues de leur plus grand charme, en en bannissant les femmes (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p.119).Il n'y aura rien de comparable dans le monde entier, et à cause d'un prince (...) vous voudriez empêcher ce projet de se réaliser? Et priver Paris de sa plus grande curiosité? (Queneau, Pierrot,1942, p.155).
D. − Empl. pronom. réfl.
Vieilli. S'apprivoiser. (Dict. xixeet xxes.).
Se priver de + subst.; se priver de + inf.Renoncer à quelque chose volontairement, refuser quelque chose. Se priver d'un plaisir; se priver des services de qqn; se priver de dîner, de manger. Moi, qui n'ai pas la foi, qui ai souvent manqué de tout et qui sais aujourd'hui me priver de tout, même de fumer et de boire, je puis certifier que la pauvreté est une grande force spirituelle, à condition d'être réellement démuni de tout (Cendrars, Bourlinguer,1948, p.201):
. ... lorsque j'ai renoncé pour toi aux bals et aux soirées, c'était simplement de l'ennui que je m'épargnais, ce n'était pas un sacrifice que je te faisais, il n'y a de sacrifice à se priver d'une chose que lorsque la chose dont on se prive faisait éprouver du plaisir. Hugo, Lettres fiancée,1820, p.18.
Se priver sur + subst.Se priver sur la nourriture. [Mes parents] ont toujours réglé d'avance. Jamais un sou de dette. Même au milieu des pires déboires. À Courbevoie seulement à force de soucis et de se priver sur bien des choses, ma mère s'est mise à tousser (Céline, Mort à crédit,1936, p.58).
Empl. abs. S'imposer des privations. Je n'avais pas besoin d'un cadeau pour savoir que tu pensais à notre anniversaire. Si tu m'avais acheté quelque chose, il aurait fallu encore se priver ce mois-ci (Arland, Ordre,1929, p.347).V. liarder ex. de Rolland.
Ne se priver de rien. Bien sûr que non! Tout cet argent-là, les deux vieilles en font un magot, qu'elles cachent. Et elles ne se privent de rien, je vous assure; seulement, elles lui font des scènes lorsqu'il s'achète des boules de gomme! (Martin du G., Thib.,Belle sais., 1923, p.895).
Fam. [En tournure nég.] Ne pas se priver de + inf.Ne pas manquer de, ne pas s'abstenir de. Les clients de l'étude ne se gênaient pas plus devant lui qu'on ne se prive de parler en présence d'une douzaine d'huîtres (About, Nez notaire,1862, p.122).Elle me rappelait que je me voyais déjà pape, académicien, empereur! Et comme je n'étais rien de tout ça: il y avait de quoi rire. Elle ne s'en privait pas et finalement elle m'a foutu dehors (Queneau, Loin Rueil,1944, p.148).
REM.
Privateur, -trice, adj.,rare. Qui prive. Doctrine du péché: étant capable de tout le mal n'en rien faire, et voilà le bien; volonté privatrice −je n'aime point cela (Gide, Réflex. litt. et mor.,1897, p.414).
Prononc. et Orth.: [pʀive], (il) prive [pʀi:v]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.1. Ca 1300 «ôter à quelqu'un, à quelque chose un bien, un avantage» (Gloss. rom., ms. Bibl. royale, 9543 ds T.-L.); 2. 1538 se priver de «renoncer à l'usage de quelque jouissance» (Est., s.v. praecludere); 1819 se priver «s'imposer des privations» (Boiste). Empr. au lat. privare «écarter de, ôter de, dépouiller». Fréq. abs. littér.: 1357. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2142, b) 1595; xxes.: a) 1631, b) 2105.

Wiktionnaire

Verbe - français

priver \pʁi.ve\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison) (pronominal : se priver)

  1. Ôter à quelqu’un ce qu’il a, ce qu’il possède, l’empêcher de jouir de quelque avantage qu’il avait ou pouvait avoir, le dépouiller de quelque chose qui lui appartient.
    • Le sol schisteux et argileux de la partie septentrionale des Ardennes au-delà de Charleville est entièrement privé de calcaire, […]. — (Edmond Nivoit, Notions élémentaires sur l’industrie dans le département des Ardennes, E. Jolly, Charleville, 1869, page 41)
    • Il suffisait que des locataires de la maison déménageassent pour qu'elle ne dormît plus et souffrît autant que si on l’eût privée de tout. La pensée qu'on allait et venait près d'elle, qu'on était content de partir ou de s'installer, lui était intolérable. — (Emmanuel Bove, L'Amour de Pierre Neuhart, Le Castor Astral éditeur, 2018, chap. 3)
    • L’arrêt qu’on a rendu contre lui le prive de tous ses biens, le prive de ses droits civils.
    • On l’a privé de tous ses avantages.
    • Priver un homme de la vue de ses enfants, de sa femme, de ses amis.
    • Par là ils se sont privés de tout secours.
  2. Retirer à quelqu'un ce qu’il désire.
    • Privé de dessert !
  3. (Pronominal) Se refuser un plaisir, un désir, s’imposer des privations.
    • Il faut savoir se priver.
    • Cette pauvre femme s’est privée pendant toute sa vie pour élever ses enfants.
  4. (Pronominal) S’abstenir de réagir ou de faire quelque chose.
    • Se priver du plaisir de la comédie, de la chasse, de la promenade.
    • Il faut savoir se priver des choses qui ne sont pas nécessaires.
  5. (Pronominal) (Vieilli) S’apprivoiser.
    • Le loup pris jeune se prive, mais ne s'attache point, la nature est plus forte que l'éducation ; il reprend avec l'âge son caractère féroce, et retourne, dès qu'il le peut, à son état sauvage. — (Georges-Louis Leclerc de Buffon, Histoire naturelle des animaux, « Le Loup », in Œuvres, Bibliothèque de la Pléiade, 2007, page 769.)
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Littré (1872-1877)

PRIVER (pri-vé) v. a.
  • 1Ôter à quelqu'un ce qu'il a, l'empêcher de jouir de quelque chose. Je te prive, pendard, de ma succession, Et te donne de plus ma malédiction, Molière, Tart. III, 6. Notre siècle a vu un roi se servir de ces deux grands hommes [Condé et Turenne], et, après qu'il en a été privé par la mort de l'un et les maladies de l'autre, exécuter de plus grandes choses…, Bossuet, Louis de Bourbon. D'un spectacle si doux ne privez point mes yeux, Racine, Iphig. III, 1. Ô superstition ! tes rigueurs inflexibles Privent d'humanité les cœurs les plus sensibles, Voltaire, Fanat. I, 2.
  • 2Se priver, v. réfl. S'ôter à soi-même un avantage, un bien. Quoi ! ne vaut-il pas mieux, puisqu'il faut m'en priver, La céder [Monime] à ce fils que je veux conserver ? Racine, Mithr. IV, 5. Il y a des hommes… qui se privent eux-mêmes de la société des hommes, et passent leurs jours dans la solitude, La Bruyère, XI.

    Renoncer à l'usage de quelque jouissance. Il ne faut ni vigueur, ni jeunesse, ni santé pour être avare… il faut laisser seulement son bien dans ses coffres et se priver de tout, La Bruyère, XI. Les avares qui se privent du nécessaire sont abandonnés à Plaute et à Molière, Voltaire, Dict. phil. Avarice.

    Par antiphrase, renoncer à quelque chose de douloureux. Il fallait bien souvent me priver de mes larmes, Racine, Phèdre, IV, 4.

SYNONYME

1. PRIVER, FRUSTRER. On peut priver légitimement quelqu'un de quelque chose, et par un acte d'autorité ; l'idée de trahison ou d'injustice entre toujours dans celle de frustrer. Un père mécontent prive son fils de son héritage ; un frère intrigant et fourbe frustre son frère des droits qu'il avait à la succession paternelle, F. Guizot.

2. SE PRIVER, S'ABSTENIR. S'abstenir n'exprime qu'une action, se priver exprime aussi le sentiment qui l'accompagne. On peut s'abstenir d'une chose indifférente ; on ne se prive que d'une jouissance.

HISTORIQUE

XIVe s. Et avecques ce il est privé par la mort des très grans biens que il a de present, Oresme, Eth. 90. Et pour ce disoit bien Agathon le philosophe que Dieu est privé d'une seule chose, c'est assavoir que il ne peut faire que les choses qui sont faites ne aient esté faites, Oresme, ib. 172.

XVIe s. On va jusques à se priver vilainement de la jouissance de ses propres biens, Montaigne, I, 316.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Étymologie de « priver »

Provenç. et espagn. privar ; ital. privare, du lat. privare, priver.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Du latin privare.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « priver »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
priver prive

Fréquence d'apparition du mot « priver » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « priver »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « priver »

  • Peste soit de ces gens qui ne savent pas se priver de l'essentiel pour se payer le superflu.
    Robert Hollier — Marche ou crève Carignan
  • Comme les rêves sont cruels, qui nous laissent entrevoir des merveilles pour mieux nous en priver !
    Amélie Nothomb — Mercure
  • Dans une nation vraiment cultivée, personne n'a le droit de priver un homme de liberté de façon arbitraire.
    Oleksander Konysky — Chronique de T. H. Chevtchenko
  • La pire chose que vous puissiez faire à une femme est de la priver d’un grief.
    B. Nichols
  • C'est drôle, les hommes. Ça vous tape sur les nerfs ou ça veut vous priver de vous énerver.
    Réjean Ducharme — Dévadé
  • Mangez, buvez et soyeux heureux, car il se pourrait que demain nous ayons à nous priver !
    Harry Kurnitz
  • Pour bien jouir, il serait sage de se priver.
    Henri Matisse
  • Nier Dieu, c'est se priver de l'unique intérêt que présente la mort.
    Sacha Guitry — Toutes réflexions faites
  • Moines : ont la triste singularité de se priver des plaisirs sans faire moins de crimes.
    Claude Adrien Helvétius — Maximes et pensées
  • Choisir, c’est se priver du reste.
    André Gide
Voir toutes les citations du mot « priver » →

Traductions du mot « priver »

Langue Traduction
Anglais deprive
Espagnol privar
Italien privare
Allemand berauben
Chinois 剥夺
Arabe تحرم
Portugais privar
Russe лишай
Japonais 奪う
Basque pobretu
Corse privà
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Synonymes de « priver »

Source : synonymes de priver sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « priver »

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Priver

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