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Même

Variantes Singulier Pluriel
Masculin et féminin même mêmes

Définitions de « même »

Trésor de la Langue Française informatisé

MÊME, adj. ou adv.

I. − [Morphème de la comparaison par identification]
A. − [Adj. antéposé au subst.]
1. [Marque l'identité ou la ressemblance entre des entités appartenant à des êtres distincts] Pierre a le même nez que Jean, Pierre et Jean ont le même nez, les trois trains roulent à la même vitesse:
1. [Ils] en concluent que leurs semblables, quand ils font les mêmes actions, éprouvent les mêmes affections. Destutt de Tr.,Idéol. 2,1803, p. 272.
[Le déterm. est un démonstratif] Et il pensa encore aux années précédentes, à ces mêmes clairs jours d'avril, et quelle joie alors en lui, et quelle peur alors de ne point épuiser ce chaud plaisir de vie! (Ramuz,A. Pache,1911, p. 178).
[Sans déterm.] [On admet] que deux rotations complètes de la terre autour de son axe ont même durée (H. Poincaré, Valeur sc.,1905, p. 39).
2. [Marque l'unicité, l'unité ou la permanence] Ils prennent le même train, habitent le même quartier, couchent dans le même lit. Sa pensée fiévreuse ressassait indéfiniment la même plainte monotone et hallucinée (Rolland,J.-Chr.,Amies, 1910, p.1209).Elle vivait avant de te connaître... Elle avait la même beauté, le même charme... On l'a aimée! C'est fatal! (Bernstein,Secret,1913, i, 6, p.9).
Un(e) même + subst. Toutes les fois qu'un même territoire a été occupé par deux peuples (Condorcet,Esq. tabl. hist.,1794, p.35).Les industries ne sont pas toutes soumises à une même tendance bien déterminée et irréversible (Perroux,Écon. XXes.,1964, p. 283):
2. Mais si l'on passe, comme nos ouvriers, une journée entière à un même travail, labourage ou tissage, c'est un moyen sûr d'ennuyer tous les coopérateurs... Fourier,Nouv. monde industr.,1830, p. 29.
Un(e) seul(e) et même. Ces deux aspects d'un seul et même tout doivent se retrouver plus ou moins à l'intérieur de nos propres esprits (J.-R. Bloch, Dest. du S.,1931, p. 311).
[Art. possessif + même + subst.] Vous y reconnaîtriez [dans mon souvenir] l'ami qui vous parle présentement, (...) avec son même visage parchemineux et tranchant, mais rajeuni de dix années (Milosz,Amour. initiation,1910, p. 226).[Il] le jeta [le renard] sur ses épaules comme un collier et reprit de son même pas rapide et lourd le chemin du village (Pergaud,De Goupil,1910, p. 28).Je reprenais le plus souvent possible ma même plaisanterie, faute d'autres sujets (Céline,Voyage,1932, p.198).
[Déterm. zéro + même + subst.] Elles mêlent ensemble leur absinthe dans le même calice. Elles ont même croix, même linceul (Quinet,All. et Ital.,1836, p. 65).
En partic. [Insiste sur l'identité d'un être à travers le temps]
[en liaison avec le démonstratif] [Joseph me serrait] avec ces mêmes mains qui avaient serré, étouffé, étranglé, assassiné la petite Claire dans le bois (Mirbeau,Journal femme ch.,1900, p.189).
[lorsqu'il qualifie un nom de pers.] Le même Hervé leur avait encore bien dit, il y a quelques mois (Péguy,Argent,1913, p. 1255).En proie à un délire soudain, les académiciens outrageaient ce même Pascal que naguère ils avaient pris pour patron (A. France,Vie fleur,1922, p. 426).
B. − Le même, la même, les mêmes. [Groupe pronom. lié à une tournure verbale attributive (même ne pouvant y entrer directement, p. ex. on ne peut dire: son aspect est resté même)]
1. [Le, pron. de rappel de l'antécédent, est qualifié par même] Je me pénétrai de leur mouvement toujours lent et toujours le même, de cette paix durable, de ces sons isolés dans le long silence (Senancour,Obermann,t. 2, 1840, p. 72).La précieuse peau qui sent les halliers, l'étang, la feuille morte, garde une autre odeur encore, jamais la même, le parfum favori de ces filles qu'il rencontre à Montreuil ou à Étaples (Bernanos,M. Ouine,1943, p.1428).
[Suivi d'une relative déterminative] Le général − le même qui va venir tout à l'heure (Mille,Barnavaux,1908, p.136).
[Suivi de que compar.] :
3. amédée: Cette femme? Mais de quelle femme parlez-vous? le capitaine: De la même que vous, pardi! Audiberti,Quoat,1946, 1ertabl., p. 16.
Locutions
Être, rester le même. Ne pas changer, ne pas avoir changé (au physique, au moral). Mais voilà que tout à coup on ne se retrouve plus le même; l'imagination s'est refroidie (Brillat-Sav.,Physiol. goût,1825, p. 212).Comme tu es changé... On ne peut même pas dire que tu aies changé: tu n'es plus le même, plus du tout, en rien (Martin du G.,Thib.,Pénitenc., 1922, p.694).
[Elliptiquement] C'est qu'il n'a pas changé depuis dix ans, l'animal!... Toujours le même! (Feydeau,Dame Maxim's,1914, i, 11, p. 17).
Tous les mêmes. [Exprime la réprobation] . V. tous à mettre dans le même sac*.Ils se fichent du monde, à la fin! Tous les mêmes! Pas un dans le tas qui vaille un clou! (Courteline,Train 8 h 47,1888, 1repart., iv, p. 42):
4. Tas de rosses! Tous les mêmes. Vous tenez ensemble. T'hésites jamais à faire tort à un ouvrier! Hamp,Marée,1908, p. 72.
2. [Nominal] Qqc. revient au même. Quelque chose est pareil. Ce caractère de bassesse devrait correspondre ou à une paye supérieure ou, ce qui revient au même, à une moindre durée des heures de travail (Renan,Avenir sc.,1890, p. 523).Ils ne seront peut-être plus assez forts pour empêcher les votes, ou, ce qui revient au même, pour dispenser le ministre de promettre des sanctions (Romains,Hommes bonne vol.,1932, p. 146).
Fam. C'est du pareil au même. Il n'y a pas de différence. − Dis donc, ça m'a l'air aussi moche qu'ailleurs. − C'est du pareil au même (Barbusse,Feu,1916, p. 74).
C. − De même
1. Loc. adv.
a) De la même façon, de la même manière. Synon. pareillement.Suppose un hasard différent: Madeleine serait une autre femme, que tu aimerais de même exclusivement, et dont tu dirais pareillement: elle, et pas une autre! (Fromentin,Dominique,1863, p. 144).Le goût de la vie intérieure lui faisait défaut, et de même tout sentiment d'intimité (R. Bazin, Blé,1907, p.33).Sa main va vers en bas et la longe fait de même (Ramuz,Gde peur mont.,1926, p.184).
[Elliptiquement, dans une indication scénique] :
5. suzanne, émue, se levant, et à voix basse: Allons-nous-en! roger, étonné: Pourquoi? Où? suzanne, très troublée: Autre part... roger: Mais pourquoi? suzanne, de même [it. ds le texte]: Il fait sombre! Pailleron,Monde où l'on s'ennuie,1869, iii, 7, p. 168.
b) Région. (Ouest et Canada). De cette façon, ainsi. Est-ce qu'il y a des jeunes filles qui ne peuvent se marier qu'avec des hommes d'une certaine profession? Et si c'est de même, de quoi cela dépend-il? (P. Chauveau, Charles Guérin,Montréal, Cherrier, 1852, p. 70).Quand vous avez quitté Mistassini il était haut de même... Son geste indiquait la taille d'un enfant (Hémon,M. Chapdelaine,1916, p. 46).Alphonsine lui reprocha: − Traînez donc pas toujours de l'aile de même après les autres (Guèvremont,Survenant,1945, p. 45).
c) [Comme terme corrélatif des conj. de compar. de même que, ainsi que (v. aussi infra C 3 a)] :
6. Ainsi qu'on dit d'une bête chevaline encore jeune et prestigieuse, quoique sur les dents: «Elle a trop caracolé!» de même on pouvait dire du grand-blond: «Il a trop servi!» Cladel,Ompdrailles,1879, p. 190.
2. Loc. adj. [Dans des constr. attributives]
a) [Après le présentatif il en est] Il en est de même dans tous les tems de notre verbe avoir (Destutt de Tr.,Idéol. 2,1803, p. 243).
b) Vx. Synon. de pareil.Le lendemain matin ce ne fut pas de même (Florian,Fables,1792, p. 103).Nous avons ici plus de prairies que de terres labourables, et c'est partout de même (Dusaulx,Voy. Barège,t. 1, 1796, p. 76).Mais parlons de vous, princesse, c'est meilleur. Vous me paraissez toujours de même et vaillante; ne changez pas (Flaub.,Corresp.,1872, p. 451).Je te comprends, Gérald: jeune, j'étais de même (Bornier,Fille Rol.,1875, ii, 2, p. 32).
Région. (Ouest et Canada). [En fonction d'épithète] Ça ne peut pas la rendre pire? interrogea Maria avec un reste de crainte. Ça n'est pas du poison ni une affaire de même? (Hémon,M. Chapdelaine,1916p. 204).
3. De même que, loc. conj. [Pose l'élém. servant de réf. pour la compar.] Synon. (tout) comme, ainsi que.
a) De même que + prop. complète. La sagacité précède l'attention, de même que le tact précède le toucher (Joubert,Pensées,t. 1, 1824, p. 157).
[Pour des raisons de clarté, les adv. de même, ainsi, peuvent introduire la principale] Mais de même qu'un fonctionnaire ou qu'un prêtre voient leur médiocre talent multiplié à l'infini (...) par ces forces auxquelles ils s'appuient, l'administration française et l'Église catholique, de même M. de Guermantes était porté par cette autre force, la politesse aristocratique la plus vraie (Proust,Guermantes 2,1921, p. 435).Mais de même que la liberté n'est point la licence, ainsi l'ordre n'est point absence de liberté (Saint-Exup.,Citad.,1944, p. 618).
b) De même que + groupe nom.
[Le groupe nom. ainsi formé est suj. d'une prop. ell.] Comme toutes les choses humaines, la procédure française a des vices; néanmoins, de même qu'une arme à deux tranchants, elle sert aussi bien à la défense qu'à l'attaque (Balzac,Illus. perdues,1843, p. 607).Pour qu'il y ait art, il faut que la forme, de même que le contenu, atteigne une qualité propre à lui donner un prix aux yeux des autres (Huyghe,Dialog. avec visible,1955, p.101).
[Il est compl. circ.] De même que tous les autres matins en se levant, il voulut remplir ses fonctions de mâle (Maran,Batouala,1921, p. 31).Et de même que cette autre fois, une détresse accablante l'envahit (Genevoix,Raboliot,1925, p. 193).
Rare. Tout de même que. Pothier semble croire que la propriété, tout de même que la royauté, est de droit divin (Proudhon,Propriété,1840, p. 178).
II. − [Adj. postposé au subst. (ou postposé à un adv. de lieu ou de temps); exprime un rapport d'ipséité]
A. − [Marque que l'être évoqué est spécifiquement en cause, à l'exclusion de tout autre]
1. [Postposé au subst., en fonction d'épithète] Rostand (...) qui préfère aux critiques de théâtre les directeurs mêmes de théâtres (Renard,Journal,1898, p. 458).Elles aimaient les baisers pour les baisers mêmes, et non à cause de ceux qui les leur donnaient (Larbaud,F. Marquez,1911, p. 178).J'avais tant aimé, non pas les abords mêmes de Rochefort, mais les environs depuis Saintes (Alain-Fournier,Corresp.[avec Rivière], 1913, p.354).Il fallait que l'étude ne représentât pas un à-côté de ma vie mais ma vie même (Beauvoir,Mém. j. fille,1958, p. 178):
7. Ainsi donc je l'ai saisie! Et je tiens son corps même entre mes bras et il ne me fait point de résistance et j'entends dans mes entrailles ce coeur qui bat! Claudel,Part. midi,1949, ii, p. 1112.
[Fréq. dans des compl. circ. de lieu ou de temps] La société commence à l'instant même du contrat, s'il ne désigne une autre époque (Code civil,1804, art. 1843, p. 333).Un haut et vieux château-fort à tours crénelées, bâti dans les flots mêmes (Maupass.,Contes et nouv.,t. 2, Ermite, 1886, p. 1053).De quelle rare qualité est le Liederkreis: An die ferne Geliebte (écrit, en avril 1816, aux jours mêmes où ses amis les plus proches disaient qu'«il ne pouvait plus écrire») (Rolland,Beethoven,t.1, 1937, p.94):
8. ... [il] s'était présenté dans la journée pour nous faire sa visite, et le lendemain même un billet d'invitation nous arrivait... Fromentin,Dominique,1863, p. 14.
[Fréq. dans des énoncés de type argumentatif] Synon. précisément.
[Souligne ce qui est décisif] Un défaut tenant au cadre même du livre (Flaub.,Corresp.,1872, p. 422).Et il ferma la bouche de Bourdoncle, au nom des intérêts mêmes de la maison (Zola,Bonh. dames,1883, p. 730).Son comique vient des choses mêmes et des situations; il n'est pas dans le style ni dans l'esprit du conteur (Lemaitre,Contemp.,1885, p. 305).La fragilité des fibres de son coeur, me confia-t-il, de l'avis même des médecins, tenait du miracle (Céline,Voyage,1932, p. 125).
[Souligne ce qui est paradoxal] Chercher un secours dans la source même du mal (Baudel.,Paradis artif.,1860, p. 439).Les producteurs viticoles, ruinés par l'abondance même du produit (Jaurès,Ét. soc.,1901, p. 10).
Par cela même que. Par cela même que ces mots [oui, non] forment une proposition toute entière, ils sont nécessairement isolés dans le discours (Destutt de Tr.,Idéol. 2,1803, p. 75):
9. Or, par cela même que l'on admet la possibilité de diviser l'unité en autant de parties que l'on voudra, on la tient pour étendue. Bergson,Essai donn. imm.,1889, p. 72.
[Dans des constr. attributives] M. Carbon était la bonté, la jovialité, la droiture mêmes (Renan,Souv. enf.,1883, p. 270).Un état qui est l'état même d'exister corporellement (Ricoeur,Philos. volonté,1949, p. 116):
10. Peut-être, quand il s'agit d'un homme de sa sorte, les événements de la vie ne sont-ils pas la vie même. Ce n'est que la part du destin. La vie vraie est plus secrète et plus profonde. Guéhenno,Jean-Jacques,1948, p. 250.
Rem. Dans une énumération l'accord en nombre peut se faire avec le dernier subst. Elle était la bizarrerie et la bonne humeur même (Alain-Fournier, Meaulnes, 1913, p. 237). Vous êtes le courage et la féminité même! (Triolet, Prem. accroc, 1945, p. 50). V. aussi Grev. 1980, § 1014.
[Avec un présentatif] C'est bien ainsi que je pense, ce sont les restrictions mêmes que je désirais voir apporter (Alain-Fournier,Corresp.[avec Rivière], 1908, p. 54).Quand on veut être reconnu, on se nomme, c'est l'évidence même (Camus,Malentendu,1944, i, 3, p. 123).
2. [Postposé au pron. pers. disjoint: elle(s)-même(s), eux-mêmes, lui-même, moi-même, nous-même(s), soi-même, toi-même, vous-même(s)]
a) [Avec un verbe actif]
[Le pron. est coréférent au suj.]
[directement] Les riches négociants venaient eux-mêmes, par prudence, à l'heure de la levée (A. France,Île ping.,1908, p. 363):
11. On s'ingéniait à préserver les bouteilles et la vaisselle. Les personnes elles-mêmes avaient moins d'importance. Romains,Copains,1913, p. 272.
[dans un syntagme prép.] Rosanette (...) tournait sur elle-même éperdue (Flaub.,Éduc. sent.,t. 2, 1869, p. 254).La décomposition et l'écroulement de la bourgeoisie, dont les étais pourris craquaient d'eux-mêmes (Zola,Pot-Bouille,1882, p. 363).Ils débordaient de confiance dans la vie, dans le bonheur, en eux-mêmes (Rolland,J.-Chr.,Matin, 1904, p. 203).Compare Ferdinand! Compare!... Compare!... Je ne t'influence pas! Conclus par toi-même!... (Céline,Mort à crédit,1936, p.554).
[Le pron. est coréférent à un compl. du verbe] J'aimais quelques amis (...), mais plutôt l'amitié qu'eux-mêmes (Gide,Immor.,1902, p. 374).
b) [Avec un verbe pronom.; le pron. est coréférent au suj.] Elle est très bien, cette femme, se dit en lui-même Charles Grandet (Balzac,E. Grandet,1834, p. 61).Oui, oui, c'était l'ancien jeu,... du temps que les parents mariaient leurs enfants... Maintenant, nous nous marions nous-mêmes (Goncourt,Journal,1883, p. 271):
12. ... vous êtes riche, dites-vous! Non, vous êtes pauvre. Vous avez appauvri vos frères; vous vous êtes appauvri vous-même. P. Leroux, Humanité,1840, p. 186.
c) [Comme compl. du nom] Il acquiesce à l'élan de nous-mêmes; il collabore à notre expansion; il s'allie à notre croissance (Rivière,Corresp.[avec Alain-Fournier], 1906, p. 35).
d) En emploi subst. Et Gilbert Cloquet pensait que, comme un autre lui-même plus âgé, ce Dixneuf méritait d'être plaint, aidé, embauché pour la fenaison (R. Bazin, Blé,1907, p. 192).
3. [En emploi adv., postposé à un adv. de lieu ou de temps] C'est ici même que je l'ai rencontrée. Mais alors même qu'il précisait sa crainte, le lourd battant de la porte fut poussé par une petite main nue (Roy,Bonheur occas.,1945, p. 91).
B. − [Renchérit sur ce qui vient d'être dit (équivalent de l'emploi adv., infra III A)]
1. [Postposé au subst. en fonction d'épithète] La révolution de l'Amérique sera utile à l'Angleterre même, en la forçant à faire un examen nouveau de sa Constitution et à en bannir les abus (Chamfort,Max. et pens.,1794, p. 80).Et tous les meubles, ses vêtements mêmes demeuraient à leur place comme ils se trouvaient au dernier jour (Maupass.,Contes et nouv.,t. 1, Bijoux, 1883, p.407).Les joies mondaines, la richesse, la gloire même, devenaient méprisables et insupportables (Larbaud,F. Marquez,1911, p. 113).Les fidèles mêmes qui sont tout les premiers intéressés ne sont pas à même de sauver leurs églises (Barrès,Cahiers,t.9, 1912, p. 375).Les historiens mêmes savent cela (Péguy,Argent,1913, p. 1249):
13. Il me parut qu'il devenait extrêmement pâle, au point que ses lèvres mêmes étaient décolorées. Gide,Symph. pastor.,1919, p. 905.
2. [Postposé au pron. pers. disjoint] L'atmosphère qui s'était peu à peu créée autour d'eux était chargée de pensées grivoises. Au dessert, les femmes elles-mêmes firent des allusions spirituelles et discrètes (Maupass.,Contes et nouv.,t. 2, Boule de suif, 1880, p.148).La vie libre des cités grecques obligeait les chefs des peuples et les dieux eux-mêmes à paraître aimables, à chercher la popularité (Barrès,Voy. Sparte,1906, p. 48).Le garçon sans doute préoccupé n'a pas cherché plus loin, il m'a apporté ça, et moi-même d'ailleurs tout à fait distrait je me suis mis à manger (Michaux,Plume,1930, p. 140):
14. Croyez-moi... on est coupable ou on ne l'est pas. Quand on l'est, ça se sent, ça se voit, et l'intéressé lui-même ne s'y trompe pas. Audiberti,Quoat,1946, 1ertabl., p. 20.
Rem. Lorsque même a cette valeur renchérissante, il y a possibilité d'hésitation sur son statut d'adj. ou d'adv., et donc sur la présence de la marque de nombre. Ils rient de vos vaines agitations et des erreurs même où ils nous entraînent (Robesp., Discours, Guerre, t. 8, 1792, p. 135). Cette supériorité devient un avantage pour ceux même qui ne le partagent pas (Condorcet, Esq. tabl. hist., 1794, p. 215). Puisque ceux même que la nature a faits sensibles et bons n'en sont pas moins capables des plus funestes égarements (Staël, Allemagne, t. 3, 1810, p. 103). Tant de pantins avec lesquels il faut vivre et desquels même il faut peut-être dépendre (Amiel, Journal, 1866, p. 275). La maison maudite, d'où les chiens même s'écartaient (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 95). Les manuscrits même n'arrivent plus à ce colombier déserté (Mauriac, Journal occup., 1942, p.336). V.aussi Grev. 1980, § 1016.
C. − À même, loc. prép.
1. Loc. prép. à sens local
a) [À même + déterm. + subst.] Directement à, dans, sur. Un escalier si noir et si puant qu'il semblait percé à même un bloc de crasse (Duhamel,Confess. min.,1920, p.137).Nous buvions à même les sources (Ponchon,Muse cabaret,1920, p.188).Une porte grillée qui donnait à même la piste (Montherl.,Bestiaires,1926, p. 541).
b) À même dans, entre. De rustiques crochets en fer forgé, scellés à même dans la masse (Pergaud,De Goupil,1910, p.204).[L'arène] de Marseille, si peu espagnole avec ses arbres poussant à même entre les gradins (Montherl.,Bestiaires,1926p.518).Elle serait plus à l'aise au coin d'une haie, oui, à même dans l'herbe, comme un oiseau mort (Bernanos,Joie,1929, p.722).
2. Être, mettre à même de + inf. Être, mettre dans une situation telle qu'existe la possibilité de. Il me tarde bien de voir les choses pouvoir me mettre à même de te faire venir (Napoléon Ier, Lettres Joséph.,1806, p. 122).J'étais plus à même que personne d'en connaître la fausseté (Proust,Guermantes 2,1921, p. 375).
Rem. Rare, loc. adv. signifiant «à égalité». Ces braves gens me mirent aussitôt à même et me firent manger à discrétion en souriant d'un air attendri (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 214).
III. − Adv. [Souligne la réalité du fait le plus improbable et conséquemment le plus significatif pour ce que l'on veut faire admettre]
A. − [Avec valeur renchérissante]
1. [Porte sur un terme opposé à un ou plusieurs autres termes de même nature]
[Porte sur un groupe nominal] Ils soutinrent le contraire avec aigreur, et même avec emportement (Chamfort,Max. et pens.,1794, p. 49).Après ces montagnes et même un peu avant, commencèrent d'immenses tourbières (Michelet,Journal,1834, p. 140).[Des êtres] qui vivent au milieu de vous non seulement sans frein religieux, mais même sans lois (Senancour,Obermann,t. 2, 1840, p. 21).Mais le masque enlevé et la coquette confondue, Alceste rêvera encore, au fond de ses bois, d'une énigme dont personne, pas même Célimène, n'a jamais possédé la clef (Mauriac,Journal 2,1937, p. 172):
15. La preuve en est qu'il m'a fallu épouser votre fille sans dot. Oui, sans dot, sans un sou, sans même un trousseau ou une paire de draps! Aymé,Cléramb.,1950, i, 2, p. 16.
[Porte sur un adj.] J'aime mieux le vrai Dante, simple, neuf, énergique et grossier même (Chênedollé,Journal,1823, p.124).[J'avais remarqué] qu'il n'y en avait pas une seule jolie et que beaucoup étaient même laides (Gyp,Souv. pte fille,1928, p.125).
[Porte sur un verbe ou un groupe verbal] On voit très souvent les femmes accompagner les hommes à la guerre, les exciter au combat et même y prendre une part très active (Durkheim,Divis. trav.,1893, p. 21).La haine, à mon sens, ça bouge, ça bouge même beaucoup, la haine! (Bernanos,M. Ouine,1943, p.1423).
2. [Oppose une phrase à ce qui précède] Non, il n'a pas fait le compte. Il évite même de le faire (Romains,Hommes bonne vol.,1938, p. 246):
16. Mais Jean est un être parfait (...). Même ses défauts sont parfaits et lui sont donnés pour qu'il ne nous écrase pas de sa perfection... Triolet,Prem. accroc,1945, p. 328.
[En alliance avec une conj. de coordination] :
17. ... je m'entendis rire, et aussi Despérados, mais non plus de notre affreux rire du matin. Le rire de Despérados était, cette fois, profond et sain et agréable à entendre. Et même le rire un peu sec de Randois n'était pas désagréable. Vercors,Silence mer,1942, p. 20.
[En alliance avec un adv. de phrase] Louise avait bien essayé de retenir Renée (...). Rien n'y faisait. Bientôt même, Renée découcha (Dabit,Hôtel Nord,1929, p. 139):
18. Il ne le faisait pas exprès. Il pensait à autre chose, voilà tout. Plus exactement, il pensait. Plus exactement même, il remuait des images encore floues. Simenon,Vac. Maigret,1948, p. 35.
3. [En phrase négative, suggère une prop. adversative du type «alors que normalement...»] On travaillait en vraies brutes à un travail qui était la punition des galériens autrefois, on y laissait la peau plus souvent qu'à son tour, tout ça pour ne pas même avoir de la viande sur sa table, le soir (Zola,Germinal,1885, p. 1276).Ta lettre est celle que j'attendais; tu vois que j'y réponds aussitôt; je n'ai pas pris encore même le temps de la relire (Gide,Corresp.[avec Valéry], 1894, p. 218):
19. Elle se penchait, comme si elle avait perdu la force de se soutenir. Je passai mon bras demeuré libre autour de sa taille, sans même songer, dans mon propre trouble, à lui prendre un baiser. Bourget,Disciple,1889, p. 158.
4. [Porte sur une sub. ou sur le groupe prép. + inf.]
a) Même + conj.
Même quand, lorsque + ind. [Quelqu'un qui] ne paie jamais même quand il invite (Barbusse,Feu,1916, p.157).Jamais!... même quand elle n'est pas là, c'est interdit (Simenon,Vac. Maigret,1948p. 74).
Même si + ind. Et d'ailleurs, même si par surprise un mouvement prolétarien s'était soudain imposé à des agitations d'un autre ordre et d'une autre origine, à quoi eût-il abouti? Il se serait rapidement affaibli en un mouvement purement démocratique par une série de compromis (Jaurès,Ét. soc.,1901, p. xxxi).Mais, bien entendu, les journaux diraient la même chose, même si tout allait mal (Larbaud,Journal,1932, p. 271):
20. ... ne m'écris pas, viens. Même si tu avais décidé de ne pas venir, et que vers sept ou huit heures, tout d'un coup, repensant à moi, tu sentais un peu de pitié, sache que je suis toujours là, devant les Galeries Lafayette, et que je t'attends, je t'attends. Viens. Aragon,Beaux quart.,1936, p. 330.
b) Prép. ou conj. + même
Avant même que + subj.Et, comme elle était en grand deuil, avant même qu'elle n'eût parlé il comprit tout (Gide,Faux-monn.,1925, p. 1235):
21. Il me voyait venir. Cela aussi faisait partie de ses défenses. Il n'aimait pas être surpris. Il attendit que je fusse tout près; avant même que ne se fussent relevés les yeux gris, la main presque inconsciemment posa la plume... Gracq,Syrtes,1951, p. 46.
Avant même de. Chacun rédige le procès-verbal d'exécution avant même de savoir quel crime il a commis (Clemenceau,Vers réparation,1899, p. 11).
Si même (littér.). Si tant est que. C'est un roman du sieur Feydeau tellement lubrique et indécent qu'aucun éditeur n'a consenti à le prendre! On ne va pas plus loin! Si même on y va (Flaub.,Corresp.,1872, p. 55).Il y a peu de groupes homogènes, si même il en existe, au point de vue de la race (Vidal de La Bl.,Princ. géogr. hum.,1921, p.119).L'ennemi perdra bientôt l'espoir de vaincre, si même, à l'heure où je vous parle, il ne l'a déjà perdu (De Gaulle,Mém. guerre,1954, p.461).
5. Pop. Même que. [Introduit dans l'énoncé une incidente par laquelle le locuteur ajoute une preuve suppl., une confirmation à ce qu'il dit] − Où est le 6eléger? cria-t-elle. − Là-bas, à cinq minutes d'ici, en avant de ce canal qui est le long des saules; même que le colonel Macon vient d'être tué (Stendhal,Chartreuse,1839, p. 40).C'est lui, même que je m'en souviens, qui m'avait dit à ce propos: «Les gens de Paris ont l'air toujours d'être occupés, mais en fait, ils se promènent du matin au soir (...)» (Céline,Voyage,1932, p.11):
22. C'est pas vrai que dans Bar-le-Duc nous avons fichu une noce à tout casser? − certainement, à tout casser! − même que nous y avons rencontré un civil qui nous a emmenés au pince-cul... Courteline,Train 8 h 47,1888, épilogue, p. 247.
B. − [Dans des loc. à valeur concessive]
1. Loc. conj.
Lors même que
[Lors même+ cond.]Le mandant ne peut se dispenser de faire ces remboursement et paiement, lors même que l'affaire n'aurait pas réussi (Code civil,1804, art. 1999, p. 359).
[Lors même+ autre temps de l'ind.]chacun a éprouvé l'effet humiliant et désagréable que produit toute consigne prohibitive, lors même qu'on la sait générale: c'est une limite (Renan,Avenir sc.,1890, p.525).Finalement, dans cet accord de l'âme avec le monde qui l'entoure, on perçoit un accent religieux, lors même qu'un symbole chrétien ne vient pas le préciser (Béguin,Âme romant.,1939, p.125).
Quand même
[Quand même+ cond.] Quand même la nation aurait ces états généraux réguliers, ce ne serait pas à ce corps constitué à prononcer sur un différend qui touche à sa constitution (Sieyès,Tiers état,1789, p.70).Mais quand même l'origine qu'il lui suppose serait incontestable, nous n'en serions pas plus avancés (Destutt de Tr.,Idéol. 2,1803, p.146).
[Quand même+ autre temps de l'ind.]Cet amour qui le flatte encore, quand même il n'est que de l'instinct, il le voyait épuré, ennobli (Marmontel,Essai sur rom.,1799, p.299).Juliette! un peu de dignité, quand même personne ne vous voit! (Triolet,Prem. accroc,1945, p. 82):
23. − J'ai jamais lu ça nulle part. − Ni moi non plus. Mais je le sais, quand même c'est pas écrit dans les almanachs. Guèvremont,Survenant,1945, p. 112.
Quand bien même. [Forme intensive de quand même] Et, quand bien même il aurait de l'argent, rien à acheter ne se présente pour éveiller aucun désir (Gide,Voy. Congo,1927, p.769).
2. Quand même, tout de même, loc. adv. concessives. Synon. malgré tout.
a) Fam. Quand même. En dépit de tel fait, de telle situation. David était profondément honoré, tandis que Lucien était aimé quand même, et comme on aime une maîtresse malgré les désastres qu'elle cause (Balzac,Illus. perdues,1843, p.652).Là il peut à loisir s'enfoncer en plein coeur une de ces preuves auxquelles il faut croire quand même (Murger,Scènes vie boh.,1851, p.160):
24. − Je connais un bar à pastis, près de la place Maubert. Ils font demi-tour. Les sirènes sonnent l'alerte (...). − Ça ne fait rien, dit-elle: on m'ouvrira quand même, on me connaît. − Tu te saoules toujours? Vailland,Drôle de jeu,1945, p. 29.
[Soulignant le caractère inacceptable, scandaleux d'une hypothèse] Synon. pourtant.Et de qui veux-tu qu'il soit? Elle n'a quand même pas encore couché avec tout Marseille! (Pagnol,Fanny,1932, i, 2etabl., 6, p. 96).Je l'ai pas estourbi quand même? Merde! Ça m'est égal, mais j'ai l'oignon qui ferme, qui s'ouvre (Céline,Mort à crédit,1936, p.390).Maigret ne pouvait quand même pas aller s'asseoir sur le sable de la plage, parmi les mamans (Simenon,Vac. Maigret,1948, p.17):
25. ... je m'installerais au grenier avec mes livres de classe. Je n'emporterais quand même pas Bergson; il ne fallait pas exagérer! Sagan,Bonjour tristesse,1954, p. 100.
[Souligne l'expression d'un sentiment admiratif ou étonné] Monsieur Antoine, on en aura vu, quand même, en ces années, dites? On en aura vu de toutes! (Martin du G.,Thib.,Épil., 1940, p. 824):
26. Je m'en vas l'attacher haut [la jument], rapport aux coups de pompe. Tape-t-elle bien du devant, hein, quand même? Bernanos,M. Ouine,1943, p. 1414.
b) Tout de même. Même sens. Elle ressemble autant que cela à Pierrette! Mais on voit bien tout de même que ce n'est pas elle. Ma pauvre Pierrette ne chantait pas si bien, quoique sa voix soit au moins aussi jolie (Vigny,Serv. et grand. milit.,1835, p.110).Elle était malade. Elle alla tout de même en se traînant jusqu'à la prison (Van der Meersch,Invas. 14,1935, p.166).
[Soulignant le rejet d'une objection, d'une conclusion possible] Synon. en définitive.Si ma fille n'avait pas connu cet être-là, elle serait... Mais elle a eu bien de la chance, tout de même, vous me direz; car M. Grenouville en est devenu amoureux au point qu'il l'a épousée (Balzac,Cous. Bette,1846, p.347).Deux cent vingt-cinq francs, c'était tout de même bon à prendre. D'un bout à l'autre du trajet, il chercha des raisons de s'approuver, de se réjouir de la rencontre (Genevoix,Raboliot,1925, p.205):
27. − Tu m'diras − j'sais bien c'que tu vas m'dire − que les automobilistes et les artilleurs lourds ont pris à Verdun. C'est vrai, mais i's ont tout d'même le filon à côté d'nous. Nous, on est exposés toujours comme eux l'ont été une fois... Barbusse,Feu,1916, p. 138.
[Dans le dialogue, sert à protester] − Ah! si j'avais eu des canons et mon brave Simon, tu ne m'aurais pas pris comme un congre dans son trou... − Tout de même, papa... − Non!... Bigre... non... (Sue,Atar-Gull,1831, p. 12).− (...) Je te parlais aussi de notre mère... − Tu ne disais tout de même pas... − Si, justement. Je reprenais l'affaire à son point de départ, quand le Bavarois arrivait (Aymé,Jument,1933, p. 136):
28. − Tu ne vas tout de même pas me faire la tête parce que je t'ai empêché de te tabasser avec Vincent? dit Henri gentiment. Beauvoir,Mandarins,1954, p. 271.
Prononc. et Orth.: [mεm]. Att. ds Ac. dep. 1694; 1694, 1718: mesme; dep. 1740: même. Étymol. et Hist. I. Adj. a. fr. meïsmes, cas régime meïsme. A. Marque l'insistance, indiquant qu'il s'agit exactement de la personne ou de la chose en question; sens du lat. ipse 1. placé derrière a) ca 1050 un pron. pers. (St Alexis, éd. Chr. Storey, 118: A lui medisme; 284: de sei medisme); ca 1100 (Roland, éd. J. Bédier, 2858: Kar mei meïsme estoet avant aler); b) ca 1050 un subst. désignant une pers. (St Alexis, 539: Co lur est vis que tengent Deu medisme); ca 1100 (Roland, 400: L'emperere meïsmes a tut sun talent); c) ca 1050 un pron. poss. (Alexis, 432: A grant duel met la sue carn medisme); d) 1651 un subst. mis en appos. exprimant une qualité, indique que le déterminé possède cette qualité au plus haut point (Scarron, Roman comique, I, 15, éd. H. Bénac, t.1, p.199: estant la brutalité mesme); 2. placé devant a) 1121-34 un subst. désignant une pers. (Philippe de Thaon, Bestiaire, 2526 ds T.-L.: Saint Esperit Qu'en meïsme Dé vit); b) 1578 un subst. mis en appos. et exprimant une qualité, indique que le déterminé possède cette qualité au plus haut point (Ronsard, 1erLivre de Sonnets pour Hélène, XXXVII, 6, éd. P.Laumonier, t.17, p.226: Mais vous embellissez de me voir à malaise, Tigre, roche de mer, la mesme cruauté), cette construction demeure en fr. class. B. Marque l'identité absolue; sens du lat. idem. 1. placé derrière le subst. ca 1100 (Roland, 204: Nuncerent voz cez paroles meïsme); ca 1170 (Marie de France, Lais, éd. J. Rychner, Eliduc, 1006: Cel jur meïsme, apres midi [la place de meïsme n'étant pas rigoureusement fixée, il arrive que la valeur d'identité et celle d'insistance ne soient pas clairement distinguées: ici, l'interprétation «ce jour-même» est également possible, v. Ph. Ménard, Synt. de l'a. fr., §25, 1o]); 2. placé devant le subst. a) ca 1165 précède le déterm. (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 19799: Enz en mëisme la semaine); ca 1170 (Rois, éd. E. R. Curtius, I, III, 17, p.11: vint en Sylo meïsme le jur [in illa die]; III, XIII, 31, p.144: ... que il a sa mort fust enseveliz en meïme le sepulchre ù li bons huem fud enseveliz in sepulchro in quo...; cf. infra IV B 1 et Moignet, Gramm. de l'a. fr., p.344 en note); ca 1180 (Thomas, Tristan, éd. J. Bédier, 2183: Escu ot d'or a vair freté, De meime le teint ot la lance); b) ca 1165 placé entre le déterm. et le subst. (Guillaume d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 2186: tote une meïsme cose). II. Pron. indéf. indiquant l'identité, la ressemblance: le même. A. Empl. comme subst. av. 1473 faire le mesme «faire la même chose» (Juv. des Ursins, Charles VI, 1382 ds Littré); 1541 dire le mesme (Calvin, Instit., VI, p.410 ds Hug.); 1587 (Lanoue, 198 ds Littré: Le mesme est des vertus). B. 1643 en fonction d'attribut (Corneille, Polyeucte, I, 1). III.Adv. meïsmes [pourvu de l'-s adv., ne se distingue morphologiquement de l'adj. que dans les cas où ce dernier est dépourvu de tout -s de flexion]. A. Avec les valeurs du lat. ipse «même, précisément, justement; [mon, ton, son] propre». Placé derrière 1.ca 1100 le subst. lui-même précédé d'un poss. que l'adv. renforce (Roland, 2551: Sun cors meïsmes i asalt e requert); ca 1165 (Guillaume d'Angleterre, 2544: Cil le regarde, et ele lui, Tant que li rois connut lors primes Que c'estoit sa feme meïsmes); 2.ca 1170 le pron. pers. (Marie de France, Lais, Fresne, 72: A sei meïsmes se desmente; 470: Vers mei meïsmes meserrai); 3.ca 1170 un adv. de lieu, marque la précision (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 4188: Illuec meïsmes an la place); 1176-80 (Id., Lion, éd. M. Roques, 4989: ci meïsmes). B. Avec la valeur du lat. id. 1. placé derrière le subst. ca 1170 (Marie de France, Lais, Fresne, 66: En l'an meïsmes); 1174-76 (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 1541: Le jur mëesmes) [autre interprétation possible «l'année-même, le jour-même», v. Ph. Ménard, op.cit., §25, 2o, rem.; cf. supra I B 1]; 2. placé devant le subst. précédé de l'art. ca 1170 (Marie de France, Lais, Lanval, 219: meïsmes l'an Aprés la feste Seint Johan [cf.rem. précédente]). C. Au sens de «également, aussi, de même» 1. ca 1170 placé devant le subst. précédé de l'art. (Chrétien de Troyes, Erec, 6247: ... lié an furent Nostre parant, si com il durent; Liez an fu meïsmes li cuens); 2. ca 1200 placé derrière le subst. (nom de pers.) (Aiol, éd. W. Foerster, 9560: Aiol ont mis dedens [une nef] et Mirabel meïsmes). D. Marque un renchérissement, une gradation, une mise en relief par rapport à un ensemble ca 1170 (Béroul, Tristan, éd. E.Muret, 3641); 1176-80 (Chrétien de Troyes, Lion, 5405: Mes a grant joie le reçoivent Et font sanblant que molt lor pleise... Meïsmes la fille au seignor Le sert et porte grant enor). E. Au sens de «particulièrement, surtout» 2emoitié XIIIes. (Lég. de G. de Roussillon, 39 ds T.-L.). IV. Loc. A. Loc. adv. 1. ca 1100 de meïsme «aussi, de la même manière» (Roland, 592); 2. ca 1160 a meïsmes «à proximité, dans le voisinage» (Eneas, éd. J. Salverda de Grave, 2423); 3. 1839 quand même «cependant, néanmoins» (Stendhal, Chartreuse de Parme ds Romans et nouvelles, éd. H. Martineau, t. 2, p.407: Si je meurs, ce sera en t'adorant quand même...); 4. 1831 tout de même «en dépit de tout, néanmoins» (Sue, loc. cit.). B. Loc. prép. 1. ca 1160 a meïsmes de «près de» (Eneas, 928: A meïsmes de la cité); ca 1195 a meimes + subst. (Ambroise, Guerre sainte, éd. G. Paris, 10383: a meimes le lieu); 1269-78 (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 2035: ... car touz biens puisent A meïsmes une fonteine); 2. 1176-81 estre a meïsmes de + inf., pron. ou adv. pronom. (Chrétien de Troyes, Charrette, éd. M. Roques, 6727); 1306 (Guillaume Guiart, Royaux lignages, éd. L. Delisle et N. de Wailly, 88). C. Loc. conj. 1. a) av. 1514 de mesmes a «de même que, comme» (Lemaire de Belges, Couronne Margaritique, IV, 63 ds Hug.); b)1606 tout de mesme que (Nicot); 2. 1583-90 mesmes que «et même, bien plus» (Brantôme, Cap. estr., Dom Pedro de Tolledo, II, 21 ds Hug.), devenu pop. en fr. mod.; 3. 1671 quand même introduisant une prop. concessive au cond. (Pomey: Quand même je le voudrois, je ne le pourroie pas). Issu d'un lat. vulg. *metĭpsimu comp. de la particule enclitique emphatique -met servant à renforcer les pron. pers. (egomet, nosmet...) et du dém. intensif ipse (ipsus). Celui-ci, en effet, dans un même but d'insistance, accompagnait fréq. en b. lat. le pron. pers. renforcé (cf. Donat, Gramm., IV, 395, 10 ds TLL s.v. ipse, 356, 70: tautologia est ejusdem dictionis repetitio vitiosa ut ,,egomet ipse``): nosmet ipsi, temet ipsum, v. TLL, loc. cit., col. 357-359; de là, par rapprochement de -met et de ipse, le pron. metipse (av. le Ves. Didascaliae apostolorum dsTLL s.v., v. aussi J. Pirson ds Mél. Wilmotte, p.509; cf. aussi la forme renforcée ipsismet ipsis IIIe-IVes. ds E. Löfstedt, Syntactica, t.2, p.197), d'où l'a. prov. medeps (fin Xes., forme occitane ds Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 184, 255), meseis (XIe-XIIes. eu mesis, Confession ds Bartsch Prov., col. 23, 2); aqui meseix (fin XIIe-début XIIIes. Jaufre, éd. C. Brunel, 3097). Comme, par emphase également, ipse s'employait dans la lang. vulg. au superl. (ipsissimus «tout à fait lui-même», Plaute; ipsimus, -a au sens de «patron, patronne», Pétrone, 63, 3: ipsimi nostri; 69, 3 : [ipsumam i.e. dominam] ds TLL s.v. ipse, 344, 30 sqq), le lat. vulg. connut la forme *metĭpsimu (v. aussi W.von Wartburg, Problèmes et méthodes2, pp. 153-155). De celle-ci, prononcée *metessimu (cf. les formes isse, issa ds TLL s.v.), sont issus l'a. fr. medesme, meesme et l'a. prov. medesme (1remoitié Xes. Boèce ds Bartsch Prov., col. 7, 11: Ella medesma), meesme (XIes. Evangile de St Jean, ibid., col. 12, 4). La forme a. fr. meïsme peut être expliquée comme anal. du nomin. plur. *metessimi, la dilation de de la dés. ayant entravé l'ouverture du tonique en é; F. de La Chaussée, Morphol. hist. de l'a. fr., §77, 2; cf. le pron. a. fr. is «même» (ca 1175 en is l'ore, Benoît de Ste-Maure, Chron. ducs de Norm., éd. C. Fahlin, 38423; var. de es, régulièrement issu de ipsu), anal. du plur. ips, avec dilation maintenant le timbre i de l'initiale, F. de La Chaussée, op. cit., § 239 C d (G. Millardet ds Romania t.42, p.462, R. Lang. rom. t.55, p.422 et t.61, p.6 [hyp. adoptée par FEW t.4, p.809a] a expliqué ĭpse devenu ĭps sous l'infl. de qu; Pope, §836 et 850 attribue ĭps (à l'origine des formes en -is- par le même effet de dilation) à l'infl. conjuguée de qu et du nomin. plur.). Les notions exprimées par meesme en a. fr. (identité, insistance) sont le reflet des emplois de ipse à basse époque; ce dernier, pron. intensif et adversatif [moi et non un autre] dans la lang. class., a, en effet, à partir de l'Empire, concurrencé puis tendu à remplacer le pron. d'identité idem (Vään., § 272), cf. dès Ennius, Ann., 14: terra corpus quae dedit, ipsa capit; ainsi que 1ers. Velleius Paterculus: his ipsis... gladiis quibus...; id. Valère Maxime: inter ipsum tempus quo... (Lat. Gramm., Syntax und Stylistik, § 105, f, p.189; v. aussi Löfstedt, p.65). Fréq. abs. littér.: 235217. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 317968, b) 262851; xxes. a)310341, b) 401574. Bbg. Anscombre (J. Cl.). Même le roi de France est sage. Communications. 1973, t.20, pp.80-82. _ Anscombre (J. Cl.), Ducrot (O.). Échelles argumentatives... Semantikos. 1978, t.2, no2-3, pp.43-67. _ Clédat (L.). Sur les emplois de même. R. Philol. fr. 1899, t.13, pp.229-239. _ Cohen (M.). L'Adj. inv. de même en Poitou et dans Molière. Fr. mod. 1951, t.19, pp.87-89. _ Coppin (J.). Notes sur le mot même. R. Philol. fr. 1930, t.42, p.131. _ Couquaux (D.). Même marque-t-il qu'un pron. est réfléchi? Fr. mod. 1977, t.45, pp.126-143. _ Ducrot (O.). Les Mots du discours. Paris, 1980, pp.12-15, 41-43. _ Ebneter (T.), Gessner (M. P.). La Causalité en fr. parlé. Trav. Ling. Litt. Strasbourg, 1974, t.12, pp.325-345. _ Etzrodt (W.). Die Syntax der unbestimmten Fürwörter personne und même. Rom. Forsch. 1910, t.27, pp.852-931. _ Fauconnier (G.). Rem. sur la théorie des phénomènes scalaires. Semantikos. 1976, t.1, no3, pp.13-35. _ Harweg (R.). Vorkommen und Problematik der Verbindung un même. Z. rom. Philol. 1971, t.87, pp.269-285. _ Martin (R.). Sur l'unité du mot même. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1975, t.13, pp.227-243. _ Pottier (B.). Compar. : le même et l'autre. Modèles ling. 1982, t.4, fasc. 2, pp.41-48.

Article lié : Quand même ou comme même ? - orthographe

Wiktionnaire

Pronom - français

même \mɛm\ Note : Toujours employé avec l’article : le même, la même, du même, au même, etc., il a le même sens que l’adjectif et il marque[2] :

  1. l'identité de la personne à travers le temps, la permanence de sa façon d'être.
    • Il est toujours le même, toujours aussi gentil.
    • Cette femme est toujours la même, elle n'a pas changé.
  2. la ressemblance, la non-différence.
    • Ce sont toujours les mêmes qui font le travail !
    • Vous avez là un bon outil : vous pouvez me croire, j'ai le même !
  3. Associé avec du même, au même, montre ou indique que les deux personnes ou correspondants citée sont les mêmes que ceux déjà connus ou nommés.
    • C'est encore une lettre du même.
    • Oui, nous parlons bien du même!
    • Pas de chance, nous avons encore eu affaire au même.

Nom commun - français

même \mɛm\ masculin et féminin identiques[1]

  1. La même chose, semblable.
    • Oh, c’est le même !
    • Je veux la même !
    • Le climat arctique n’est pas le même que le climat alpin malgré certaines analogies qui sont indiscutables (enneigement, courte période de végétation, température moyenne basse). — (Henri Gaussen, Géographie des Plantes, Armand Colin, 1933, p.143)
  2. Le résultat de l’opération où le sens donné est le même.
    • Dans tous les cas, cela revient au même.
  3. (Populaire) C’est la même chose.
    • C’est du pareil au même ! (c’est kif-kif)

Adverbe - français

même \mɛm\ invariableNote : Modifie un adjectif, un verbe, ou un adverbe, pour les renforcer :

  1. Avec le sens de : de plus, aussi, sans excepter, encore…
    • On fait aussi du pain, mais d’une digestion assez difficile, avec du seigle, de l’orge et même de l’avoine ; […]. — (Edmond Nivoit, Notions élémentaires sur l’industrie dans le département des Ardennes, E. Jolly, Charleville, 1869, page 117)
    • […], et je me rendis compte que même à Göttingen il pleuvait parfois, les gens pouvaient être maussades, […]. — (Ruth Klüger, Perdu en chemin, traduction des éd. Viviane Hamy, 2010, La Martinière, 2013)
    • Les seuls marchés qui aient conservé quelque importance sont ceux de Formerie, de Gournay et de Songeons. Le premier dépasse de beaucoup tous les autres, même celui de Gournay. — (Th Leroux & ‎M. Lenglen, L'agriculture dans le département de l'Oise, J.B. Baillière, 1909, page 379)
    • Tous ceux qui avaient été blessés, même grièvement, guérirent.
    • Les plus sages même peuvent se tromper. Il faut obéir aux lois même injustes — (B. de St-Pierre)
  2. Avec le sens de : encore plus, au contraire, surtout placé en tête d’une proposition.
    • Ses malheurs n’avaient point abattu sa fierté ;
      Même elle avait encor cet éclat emprunté
      Dont elle eut soin de peindre et d’orner son visage,
      Pour réparer des ans l’irréparable outrage : […]
      — (Jean Racine, Athalie, 1691, scène V)
  3. Placé devant un nom qu’il modifie dans le sens de : jusqu’à, y compris, sans excepter…
    • Vendresse, Troyon, Verneuil sont en proie à la même misère. Corbeny n'est plus qu'un monceau de ruines où il ne reste aucune ressource pour la subsistance même des habitants. — (Édouard Fleury, Le département de l'Aisne en 1814, 2e éd., Laon : Imprimerie d'Édouard Fleury, 1858, p. 556)
    • A Beduaram il entre dans cette vaste et monotone plaine saharienne, sans végétation et où l’empreinte même de l'animal ne laisse qu'une trace insensible que le moindre vent efface. — (Pierre Legendre, La conquête de la France africaine : Nombreuses illustrations photographiques, Paris : chez P. Paclot & Cie éditeurs, 1900, page 119)
    • Tous, même les femmes et les enfants, furent employés aux travaux de déblaiement. — Puisque même mes fils s'en laissent désarmer (Racine).
  4. Employé comme adverbe, mais pouvant également être traité comme adjectif (même sens).
    • Un éclat qui les rend respectables aux dieux même — (Racine)

Adjectif - français

même \mɛm\ masculin et féminin identiques

  1. Qui n’est pas autre, qui n’est pas différent. — Note : Dans ce sens, il est placé devant un nom et s’emploie généralement avec l’article défini ou l’article indéfini.
    • L'intendant reçut les deux visiteurs avec la même amitié que chacun témoignait à la femme, et la même déférence que tous paraissaient accorder au jeune homme. — (Alexandre Dumas, Les Deux Diane, 1847, chap.1)
    • Deux plantes de même espèce.
    • Deux mêmes personnes.
    • Ils ont pris tous deux le même sujet.
    • Les mêmes erreurs se répètent souvent.
    • Une même cause produit les mêmes effets.
  2. Présenté souvent sous la forme : le même que, la même que, il implique une comparaison entre deux idées et marque soit l'identité, soit la ressemblance.
    • Ce garçon porte la même veste que son frère.
    • Rassurez-vous, on vous fera subir le même traitement qu'à lui.
  3. S’emploie sans article et se place immédiatement après un nom ou un pronom pour marquer plus expressément la personne ou la chose dont on parle. Il a alors même sens que lui-même, elle-même, eux-mêmes.
    • Décédé à Paris le 11 novembre 1872, des suites d’une albuminurie, son corps a été transporté le soir même pour être inhumé dans un caveau de famille, à Sedan. — (Eugène Dupont‎, Notice nécrologique de François Clément Sauvage, dans La vie rémoise, vol.4, 1869-1872)
    • Beaucoup de ces tournures, et particulièrement les idiotismes de figures, constituent des bizarreries dans la langue même qui les a enfantées ; […]. — (Auguste Kerckhoffs, Cours complet de Volapük, contenant thèmes et versions, avec corrigés et un vocabulaire de 2500 mots, Paris : librairie H. Le Soudier, 6e éd., 1886, page 58)
    • Cette religieuse naît, le 26 mai 1605, à Anvers, pendant les guerres qui désolent la Flandre, au moment même où le Prince Maurice de Nassau investit la ville. — (Joris-Karl Huysmans, La Cathédrale, Plon-Nourrit, 1915)
    • Par ailleurs, il existe un ferrier gallo-romain à Bonval, un autre dans le village même de Villethierry. — (J. Prampart, « Le cimetière mérovingien de Villethierry (Yonne) », dans la Revue archéologique de l'est et du centre-est, Vol. 34-35, Éditions du CNRS, 1983, page 349)
  4. Il se met aussi après les noms qui désignent quelques qualités, pour exprimer qu’elles sont au plus haut degré dans la personne dont on parle.
    • Dieu est la sagesse même, la miséricorde même.
    • Cette femme est la bonté même.
  5. Placé après le pronom qu’il modifie, il sert à insister sur la personne, sur l’identité — Note : il est adjectif et s’accorde. Dans ce cas-là, il est lié au pronom par un trait d’union, que certains auteurs d'ailleurs suppriment aujourd'hui.
    • → voir moi-même, toi-même, soi-même, lui-même, elle-même, nous-mêmes, vous-mêmes, eux-mêmes et elles-mêmes.
    • Combattre contre un autre soi-même — (Corneille)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

MÊME. adj. des deux genres
. Qui n'est pas autre, qui n'est point différent. Dans ce sens, il s'emploie toujours avec l'article défini ou l'article indéfini. Pierre et Céphas, c'est le même apôtre. C'est le même homme, la même personne. Deux plantes de même espèce. Ils ont pris tous deux le même sujet. Une même affaire. Les mêmes raisons. Ce n'est qu'une seule et même chose. Cet homme est toujours le même. De quelle affaire vous occupez-vous? Je travaille toujours à la même. Aristote a dit... Le même a soutenu que... Donnez-nous du même vin. Il est habillé de la même couleur que vous. On vous fera le même traitement qu'on lui a fait. Vous nous avez servi de bon vin l'autre fois, donnez-nous du même. Cela revient au même, C'est la même chose. Dans cette locution, Même est employé substantivement. On dit aussi Raisonner du même au même.

MÊME s'emploie sans article et se place immédiatement après un nom ou un pronom pour marquer plus expressément la personne ou la chose dont on parle. Moi-même. Vous-même. Soi-même. Lui-même. Nous-mêmes. Eux-mêmes. Cet homme est un autre moi-même. Ceci même. Cela même. Celui-ci même. Celui-là même. C'est le roi même qui l'a dit. Les Romains ne vainquirent les Grecs que par les Grecs mêmes. Être soi-même, Ne pas démentir son caractère. Je l'ai trouvé tout abattu de ce revers, il n'était plus lui-même. Faire une chose de soi-même, De son propre mouvement. Il a fait cela de lui-même. J'y suis allé de moi-même. Il se met aussi après les noms qui désignent quelques qualités, pour exprimer qu'elles sont au plus haut degré dans la personne dont on parle. Dieu est la sagesse même, la miséricorde même. Cet homme est la valeur même. Cette femme est la bonté même.

MÊME est souvent employé comme adverbe; alors il signifie De plus, aussi, encore plus. Je vous dirai même. Quand même il me l'aurait dit. Lors même que je lui eusse parlé. Les plus sages même. Sa femme, ses enfants, ses amis même se sont dévoués pour lui. Il lui en coûta tout son bien et la vie même, même la vie. Il lui dit des injures et même le frappa. Il s'emploie aussi pour renforcer l'opposition entre deux propositions contraires. Tant s'en faut qu'il l'ait voulu, que même il l'a défendu. Non seulement il n'est point avare, mais même il est prodigue.

À MÊME, loc. adv., s'emploie avec les verbes Être, mettre, laisser, etc. Être à même, Être en état, être à portée, avoir la facilité de se procurer, de faire quelque chose qu'on désire. Vous êtes à même de vous renseigner. Peut-être serez-vous à même de me rendre ce service. Mettre quelqu'un à même de faire quelque chose, Lui en procurer la facilité, les moyens. Je l'ai mis à même de gagner sa vie, de faire son chemin. Il m'a mis à même de l'obliger comme je le désirais. Nous avons été mis à même de nous expliquer. Boire à même à une cruche, Boire à la cruche même. On dit aussi Boire à même la cruche, la bouteille, et par abréviation Boire à même, mordre à même.

DE MÊME, loc. adv. De même manière, de même sorte. Si vous en usez bien, il en usera de même. Faites de même. Il est sans mérite, il n'en est pas de même de vous. Pour vous, il n'en est pas de même.

DE MÊME QUE, loc. conj. Elle sert à exprimer une comparaison. De la même manière que, de la même façon que. L'adversité éprouve l'homme courageux, de même que le feu éprouve l'or. Ces deux membres de phrase peuvent s'intervertir, mais alors on met De même en tête du second. De même que le feu éprouve l'or, de même l'adversité éprouve l'homme courageux.

TOUT DE MÊME, loc. adv. De la même manière. Il aurait pu réussir tout de même avec d'autres moyens. Il est vieux en ce sens. Il s'emploie aujourd'hui abusivement dans le langage familier avec le sens de Malgré ce qui vient d'être dit, en dépit de ce qui est arrivé ou pourrait arriver. Il a fait tout ce qu'il fallait pour échouer; il a réussi tout de même. Quoique vous soyez en retard, entrez tout de même. Absolument, Tout de même, vous ne ferez pas cela.

Littré (1872-1877)

MÊME (mê-m') adj.
  • 1Qui est comme une autre chose ou comme soi-même ; qui n'est pas autre, qui n'est pas différent (il est ordinairement précédé de l'article le, la, les, du nom de nombre un, une, du pronom démonstratif ce, cette). L'amour et la raison n'est qu'une même chose, Pascal, Amour. Il a rencontré par hasard Mme de Courcelles ; la voir et l'adorer n'a été qu'une même chose, Sévigné, 240. Ainsi, dis-je, se produit en Dieu l'amour éternel qui sort du Père qui pense et du Fils qui est sa pensée, pour faire avec lui et sa pensée une même nature également heureuse et parfaite, Bossuet, Hist. II, 6. On voit dans Jérusalem [prise par Titus] la même rébellion, la même famine, les mêmes extrémités, les mêmes voies de salut ouvertes, la même séduction, le même endurcissement, la même chute [que lors de Nabuchodonosor], Bossuet, ib. II, 8. J'appelai de l'exil, je tirai de l'armée Et ce même Sénèque et ce même Burrnus…, Racine, Brit. IV, 2. Tout cet amas d'idées qui reviennent à la même, La Bruyère, XV. Quelquefois un même homme les voit [les objets] plus grands de l'œil gauche que du droit, selon les observations que l'on en a faites, qui sont rapportées dans le journal des savants de Rome, du mois de janvier 1669, Malebranche, Rech. vér. I, 6. Dorante : Ajoutez-y, madame, que c'est un honnête homme. - Angélique : Eh ! sans doute : je vous dis qu'il est riche ; c'est la même chose, Marivaux, Préj. vaincu, sc. 4. Rome ne fut plus cette ville dont le peuple n'avait eu qu'un même esprit, un même amour pour la liberté, une même haine pour la tyrannie, Montesquieu, Rom. 9. Vous n'êtes le même que par le sentiment continu de ce que vous avez été et de ce que vous êtes, Voltaire, Dict. phil. Identité.

    Il se construit avec de sans article. Deux plantes de même espèce. Deux tonneaux de même cuvée.

    Fig. Le même, la même, dont l'apparence, le caractère n'ont pas changé. Cette femme est toujours la même. Celle [ardeur] qui vous pressait de courir au baptême, Languissante déjà, cesse d'être la même, Corneille, Poly. I, 1. Hé bien ! Antiochus, es-tu toujours le même ? Racine, Bérén. I, 2.

    Fig. Voir du même œil, des mêmes yeux, voy. ŒIL.

  • 2Le même répété d'une manière explétive. Et le même intérêt qui vous fit consentir, Malgré tout votre amour, à me laisser partir, Le même me dérobe ici votre couronne, Corneille, la Toison d'or, III, 3. Le même qui, pour vous courant à son supplice, Contre un ingrat trop cher a demandé justice, Le même vient encor dissiper votre peur, Corneille, ib. III, 7. Avec les mêmes armes qu'employa le soldat pour combattre son désespoir, avec les mêmes il attaque sa pudicité, Saint-Évremond, la Matr. d'Éph.
  • 3Même sans article. Parce que de mêmes causes doivent raisonnablement produire de mêmes effets, La Mothe le Vayer, Vertu des païens, 1, État de la grâce. Une chèvre, un mouton, avec un cochon gras, Montés sur même char s'en allaient à la foire, La Fontaine, Fabl. VIII, 12. Et, par même moyen, savoir vos sentiments, La Fontaine, Florentin. SC. 7. Tout autre n'eût pas fait même chose à ma place ? Molière, Dép. am. IV, 2. Si sa bouche dit vrai, nous avons même sort, Molière, Amph. II, 2. Ces royaumes devaient se former à même temps que l'Antechrist devait paraître, Bossuet, Var. 13. Même forfait requiert même supplice, Rousseau J.-B. Allég. II, 2. Deux factions acharnées le partagent [l'empire sous Julien]… même opiniâtreté des deux côtés, mêmes fraudes, mêmes calomnies, mêmes complots, mêmes barbaries, même rage, Voltaire, Mél. hist. Frag. hist. VII. S'il arrivait que le hasard nous y conduisît [au spectacle] en même jour, Rousseau, Lett. à Mme B. 7 juill. 1770.

    En cet emploi, il s'est mis après son substantif, ce qui ne se dit plus, du moins en prose. Il aime quand je quitte, il quitte alors que j'aime, Et, sans être rivaux, nous aimons en lieu même, Corneille, Place roy. V, 4. Sa bonté toujours même est encor dans sa fleur, La Fontaine, l'Eunuque, I, 1.

  • 4Même précédé d'un adjectif possessif, comme : mes mêmes intentions, les intentions que j'avais et que j'ai. Il [Ch. de Sévigné] prend de ma même tisane des capucins, que vous connaissez, Sévigné, 12 août 1685. Je lui fais réponse dans son même style, Sévigné, 16 oct. 1675. Avignon, dont je ne parle point par vos mêmes raisons, Sévigné, 7 fév. 1689. Je vous jure que mon même goût pour la solitude est plutôt augmenté que diminué, Rousseau, Lett. à Lalliaud, 23 oct. 1768.
  • 5Semblable, pareil. Donnez-nous du même vin. Vous nous avez servi de bon vin l'autre fois, donnez-nous du même. [Pétrarque] est le génie le plus fécond du monde dans l'art de dire toujours la même chose, Voltaire, Lett. d'Argental, 22 juin 1764.
  • 6Le même construit avec que, et indiquant similitude entre deux objets. Il est habillé de la même couleur que vous. On vous fera le même traitement qu'on lui a fait. Au même temps qu'on les répare, L'eau s'enfuit d'un autre côté, Malherbe, III, 3. Ils lui gardèrent la même fidélité qu'ils avaient gardée aux Perses, Bossuet, Hist. I, 8. Elle ramène l'âme pécheresse par les mêmes voies qu'elle s'en était égarée, Massillon, Panégyr. Ste Magdel.

    Au lieu de que, on met où, d'où, quand il s'agit d'une certaine situation. Il n'y en a aucune [âme] d'existante ou de possible qui n'eût été au même état de perfection où est celle de Jésus-Christ, si elle avait été unie hypostatiquement au Verbe dans l'instant de sa création, Fénelon, t. III, p. 81. Des larmes qui couleront de la même source d'où avaient coulé tous mes crimes, Massillon, Impén. Lalli fut enfermé à la Bastille dans la même chambre où avait été Labourdonnais, et n'en sortit pas de même, Voltaire, Polit. et lég. Fragm. sur l'Inde, XVIII. Que la postérité serait surprise de voir les Voltaire et les Montesquieu déchirés dans la même page où l'écrivain le plus médiocre est célébré ! D'Alembert, Mél. litt. Œuv. t. III, p. 275, dans POUGENS.

  • 7Le même avec, le même que. Cela est plaisant, que tous les intérêts de Quanto [Mme de Montespan] et toute sa politique s'accordent avec le christianisme, et que le conseil de ses amis ne soit que la même chose avec celui de M. de Condom [Bossuet], Sévigné, 3 juill. 1675.
  • 8Le même de, pour le même que. Le curé qui s'était logé dans la même hôtellerie de mes comédiens, Scarron, Rom. com. I, 14. Je ne suis plus le même d'hier au soir, Molière, Fest. de Pierre, V, 1. …Tout est encore aujourd'hui du même vert du mois de mai, Sévigné, 20 oct. 1675. Langlade a pensé mourir à Fresnes de la même maladie de Mme de Coulanges, Sévigné, 2 oct. 1676. Voici un autre couplet sur le même air du premier, Sévigné, 24 nov. 1678. Ces princes n'avaient pas auprès du régent les mêmes accès du duc de Lorraine, Saint-Simon, 481, 247. Il suit encore en cela les mêmes errements des autres, Rousseau, Lett. à Moultou, 12 déc. 1768.

    Cette tournure n'est plus guère usitée ; on la laisse à tort tomber en désuétude, car elle est quelquefois plus vive que le que dont elle est l'équivalent.

  • 9 S. m. Le même, la même chose. Bien que mon bon démon souvent me dît le même, Régnier, Sat. I. C'est quasi le même de ceux qui découvrent peu à peu la vérité dans les sciences, que de ceux qui, commençant à devenir riches, ont moins de peine à faire de grandes acquisitions qu'ils n'ont eu auparavant, étant plus pauvres, à en faire de beaucoup moindres, Descartes, Méth. VI, 4. À peine une heure ou deux elles [les troupes] ont pris haleine, Qu'il les range en bataille au milieu de la plaine ; L'ennemi fait le même, et l'on voit des deux parts Nos sillons hérissés de piques et de dards, Corneille, Sophon. I, 1. Vous deviendrez cher à mes yeux, Et j'espère de vous le même, Corneille, Agés. I, 2. Dans le toucher, les corps appliqués immédiatement sur le nôtre, ne peuvent manquer d'ébranler les nerfs ; le même doit arriver dans les autres sens, Bossuet, Connaiss. IV, 6.

    Cela revient au même, c'est la même chose.

    Terme de philosophie. Ce qui est le même. Il n'y a de variable que ce qui demeure constant à quelques égards ; le même seul peut être dit varier, RENOUVIER.

  • 10Se dit au billard d'une partie qui consiste à pousser la bille de son adversaire immédiatement dans une des six blouses. Jouer le même.

    Faire une bille au même, la faire dans une des blouses de la bande que le joueur a devant soi, et sans avoir préalablement doublé, c'est-à-dire fait toucher bande à la bille.

    Fig. et populairement. Faire au même, tromper, attraper. Vous voulez me faire au même.

  • 11Même s'emploie sans article, immédiatement après les noms pour marquer plus expressément la personne ou la chose dont on parle. Ceci même. Cela même. Celui-ci même. Celui-là même. Si dans ces chaires mêmes destinées à instruire et à corriger les grands, nous leur donnons de fausses louanges…, Massillon, Petit carême, Tentat. des grands. Ces combats avaient été autorisés autrefois par les rois, par les parlements mêmes et par l'Église, Voltaire, Louis XIV, 29.
  • 12Il se joint de la même façon avec les pronoms personnels (on met un tiret). Lui-même. Elle-même. Eux-mêmes. Moi-même. Toi-même. Soi-même. Nous-mêmes. Vous-mêmes. Ils ont fait cela eux-mêmes. Eux-mêmes ont fait cela. Médecin vous-même ; je ne le suis point, et ne l'ai jamais été, Molière, Méd. m. lui, I, 6. Monsieur Lysidas, prenez un siége vous-même, et vous mettez-là, Molière, Crit. SC. 6. Mais souvent un esprit qui se flatte et qui s'aime, Méconnaît son génie et s'ignore soi-même, Boileau, Art p. I. Je dis que c'est la raison elle-même qui nous conduit à cette soumission ; que plus même nos lumières sont supérieures, plus elles nous font sentir la nécessité de nous soumettre, Massillon, Carême, Vérité de la relig. Et mon frère et le Brun, les Muses elles-mêmes, Chénier, Élég. XVI.

    Un pronom personnel uni à même et construit avec de exprime la spontanéité de l'action. Il a fait cela de lui-même. Elle a fait cela d'elle-même. Ils ont fait cela d'eux-mêmes. J'agirai de moi-même. Tu as fait cela de toi-même. Faire une chose de soi-même. Nous y sommes allés de nous-mêmes. Un autre moi-même, une personne que j'aime autant que moi-même, qui est comme moi-même, qui peut me représenter pour toute chose ; on dit semblablement : un autre toi-même, d'autres nous-mêmes, un autre vous-même, un autre soi-même, un autre lui-même, une autre elle-même. Je regarde mes amis comme d'autres moi-même. Tes enfants, ces autres toi-même. Par le mariage je me verrai revivre en d'autres moi-même, il se verra revivre en d'autres lui-même ; nous nous verrons revivre en d'autres nous-mêmes. Les enfants, ces autres nous-mêmes. Les considérant comme d'autres soi-mêmes, Descartes, Pass. 82. J'ai lieu de vous aimer comme un autre moi-même, Corneille, Attila, III, 4. Puisqu'un autre moi-même ordonne ton retour, Qui, rentre dans les rangs que tu tiens à ma cour, Rotrou, Bélis. I, 6. Je le répète encor, c'est un autre moi-même, Un fils victorieux qui me chérit, que j'aime, Racine, Mithr. III, 5. Jamais dessus le trône on ne vit plus d'un maître ; Il n'en peut tenir deux, quelque grand qu'il puisse être ; L'un des deux tôt ou tard se verrait renversé, Et d'un autre soi-même on y serait pressé, Racine, Théb. IV, 3. Cet ennemi de Rome, et cet autre vous-même, Racine, Mithr. III, 5. Cent fois je me suis fait une douceur extrême D'entretenir Titus dans un autre lui-même, Racine, Bérén. I, 4. Éphestion y perdit la vie ; c'était l'ami le plus intime du roi, le confident de tous ses secrets, et, pour tout dire en un mot, un autre lui-même, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VI, p. 571, dans POUGENS. La comtesse : Regardez-moi dans cette occasion-ci comme une autre vous-même ! - Le marquis : Ah ! que c'est bien dit, une autre moi-même ! Marivaux, le Legs, SC. 10.

  • 13Même accompagne aussi les substantifs qui désignent quelques qualités, pour exprimer qu'elles sont au plus haut degré dans la personne dont on parle. Pour parler de lui, comme il était la brutalité même, il avait voulu profiter de l'occasion, Scarron, Rom. com. I, 15. Cette Esther, l'innocence et la sagesse même, Racine, Esth. Jusqu'ici la fortune et la victoire mêmes Cachaient mes cheveux blancs sous trente diadèmes, Racine, Mithr. III, 5. (Voy. la REM. 7.).
  • 14Même, adv. De plus, aussi, encore. L'intérêt parle toutes sortes de langues, et joue toutes sortes de personnages, même celui de désintéressé, La Rochefoucauld, 39e pensée, n° 2. Même il m'est arrivé quelquefois de manger Le berger, La Fontaine, Fabl. VII, 1. Ami, dit-il, je sais que tu me quittes ; Même l'on veut que j'en craigne les suites, La Fontaine, ib. VIII, 18. Même l'on dit que l'ouvrier Eut à peine achevé l'image Qu'on le vit frémir le premier Et redouter son propre ouvrage, La Fontaine, ib. IX. 6. Cet illustre trépas ne peut-il vous calmer, Puisque même mes fils s'en laissent désarmer ? Racine, Théb. III, 2. Un pays où il faut même avoir vécu pour le connaître, La Bruyère, Discours sur Théophraste. Les princes de Médicis, de qui son mérite [de Viviani] était déjà connu, et même récompensé, Fontenelle, Viviani. Un peuple est toujours le maître de changer ses lois, même les meilleures, Rousseau, Contr. soc. II, 11.

    On s'en sert dans des phrases adversatives pour les fortifier. Tant s'en faut qu'il l'ait voulu, que même il l'a interdit. Non-seulement il n'est point avare, mais même il est prodigue.

  • 15À même, loc. adverb. À la chose même. Voilà la cruche, buvez à même, c'est-à-dire, buvez à la cruche même. On lui apporta de l'eau dans une gargoulette ; mais, dès qu'il y eut bu, on la cassa, parce que, comme Frangui, il l'avait souillée en buvant à même, Bernardin de Saint-Pierre, Chaum. ind.

    Il se dit avec un complément. Il but à même le pot. Qui te donne le front de surprendre mes pleurs ? Cherches-tu de la joie à même mes douleurs ? Corneille, Place roy. III, 8.

    À même (ou comme l'on disait en même) a été, dès les anciens temps de la langue, considéré comme une locution prépositive et construit avec la préposition de. Louvois était grand buveur d'eau, et en avait toujours un pot sur la cheminée de son cabinet, à même duquel il buvait, Saint-Simon, 407, 100. Et mord à belles dents à même du prochain, Sainte-Beuve, Nouveaux lundis, t. I, p. 65, L. Veuillot.

    Fig. Être à même de, être à portée de, avoir facilité de ; mettre quelqu'un à même, le mettre à portée ; laisser à même, le laisser à portée. Je veux me faire un gendre et des alliés médecins ; …afin d'être à même des consultations et des ordonnances, Molière, Mal. imag. I, 5. Je serai à même pour vous caresser comme je voudrai, Molière, Mar. forcé, 4. Vous me direz… que tous les hommes n'ont pas les mêmes sentiments [de perfidie], et qu'on peut du moins les écouter… ne vous y fiez pas, quoique vous soyez à même, Hamilton, Gramm. 9.

    Fig. À même de, avec un verbe à l'infinitif, en état de, en mesure de. Il est à même de vous servir. Rome, à même de faire pis, montra par la condamnation même [de M. de Cambrai] qu'elle était plus donnée au roi qu'appesantie sur M. de Cambrai, Saint-Simon, 66, 95.

    À même que, dans le temps même où, locution conj. tombée en désuétude. On dira : à même que cela arriva, Marguerite de Navarre, BUFFET, Observ. p. 88, 1668.

  • 16De même, loc. adv. De semblable manière, de semblable sorte. Par mon commandement la garde en fait de même, Corneille, Cid, IV, 3. Parmi les généreux, il n'en va pas de même, Corneille, Nicom. V, 7. J'ai vécu glorieux et je mourrai de même, Th. Corneille, Comte d'Essex, IV, 3. Ah ! deviez-vous m'aimer si tendrement, Si vous ne vouliez pas m'aimer toujours de même ? Quinault, Phaét. I, 3. Quand un Français et un Anglais pensent de même, il faut bien qu'ils aient raison, Voltaire, Dict. phil. Pope.

    Avec le complément par que. De même que vous, j'ai été voir. Il me dit bien encor que son mal est extrême ; Mais il ne le dit plus de même Qu'il me le disait autrefois, Deshoulières, Poés. t. I, p. 96.

    Quand de même que est employé dans le premier membre d'une comparaison, on commence d'ordinaire le second membre par de même. De même que la cire molle reçoit aisément toute sorte d'empreintes et de figures, de même un jeune homme reçoit facilement toutes les impressions qu'on veut lui donner, Dict. de l'Académie.

    De même s'est employé comme une espèce d'adjectif signifiant semblable : cette tournure, qui a vieilli, s'emploie encore aujourd'hui couramment en Saintonge. C'est un transport si grand qu'il n'en est point de même, Molière, Éc. des maris, III, 2. Jamais il ne s'est vu de surprise de même, Molière, Tart. IV, 5.

    Terme de blason. De même, se dit en blasonnant pour éviter de répéter la désignation de l'émail : Il porte d'or à trois fasces de sable, surmontées de trois merlettes de même, c'est-à-dire également de sable.

  • 17Tout de même a le même sens que de même. Vous voyez celui-là, l'autre est tout de même. Cependant vous avez soupiré tout de même, Corneille, Pulchér. II, 1. Cette d'Effiat était enrhumée, on ne la voyait point ; mais c'était tout de même, Sévigné, 391. Tout de même celui qui taille des colonnes ou qui élève un côté de bâtiment n'est qu'un maçon : mais celui qui a pensé à tout l'édifice, et qui en a toutes les proportions dans la tête, est le seul architecte, Fénelon, Tél. XXII. Il serait arrivé tout de même à son but par la douceur, Montesquieu, Espr. XIX, 14.

    Tout de même avec un complément par que. Et le désordre qu'il endure lui est imputé devant Dieu tout de même que s'il le faisait, Guez de Balzac, 7e disc. sur la cour. Vous m'avez vue me repentir, m'agiter et m'inquiéter tout de même qu'une autre, Sévigné, 25 mai 1680. Tout de même qu'on transfère son bien à autrui, on peut aussi…, Rousseau, Orig. 2.

    Populairement, tout de même se prend dans le sens de néanmoins. Je n'y vais pas de bon gré, mais j'irai tout de même.

REMARQUE

1. Toutes les fois que même est adjectif, il s'accorde avec son substantif. Il devient indéclinable quand il est adverbe.

2. Même est adjectif quand il est construit avec un article ou avec un adj. démonstratif ou possessif ; quand il suit un substantif ou un pronom personnel qu'il modifie. Ils sont les mêmes. Ces mêmes hommes. Vos mêmes habits. Les vertus mêmes. Eux-mêmes.

3. Même est adverbe quand il modifie un verbe ou un adjectif. Ils ont même parlé. Il faut obéir aux lois même injustes.

4. Après un substantif il faut distinguer. Quand même ne peut pas être déplacé et mis avant le substantif, alors il est adjectif et s'accorde : Les Romains n'ont vaincu les Grecs que par les Grecs mêmes. Mais quand même peut se déplacer et être mis devant le substantif, alors il peut être traité comme un adverbe et demeurer invariable. Les gens de bien même tombent dans ces infidélités, FLÉCH., Aiguillon (on peut dire : même les gens de bien). J'enlèverai ma femme à ce temple, à vos bras, Aux dieux même, à nos dieux s'ils ne m'exauçaient pas, Voltaire, Olympie, III, 3. J'ai tout à craindre de leurs larmes, de leurs soupirs, de leurs plaisirs même, Montesquieu, Lett. pers. 9. D'autres femmes, des bêtes même, pourront lui donner le lait qu'elle lui refuse ; la sollicitude maternelle ne se supplée point, Rousseau, Ém. I.

5. On écrit nous-même, vous-même sans s, quand il n'est question que d'une seule personne. …Vous voyez Ce que nous possédons, et nous-même à vos pieds, La Fontaine, Filles de Minée. Va, mais nous-même allons, précipitons nos pas, Racine, Baj. IV, 5. Mais vous-même, ma sœur, est-ce aimer votre frère Que de lui faire en vain une injuste prière ? Racine, Thébaïde, II, 3.

6. Les poëtes prennent quelquefois la licence de ne pas accorder même avec les pronoms personnels au pluriel ou avec un substantif au pluriel. Les immortels eux-même en sont persécutés, Malherbe, II, 12. Ainsi, par les lois même en mon pouvoir remise, Je me donne au monarque à qui je fus promise, Corneille, Sophon. III, 6. Eux-même ils détruiront cet effroyable ouvrage, Instrument de leur honte et de leur esclavage, Voltaire, Alz. II, 6. Le temps emporta les dieux même De la crédule antiquité, Lamartine, Méd. I, 12. Et nous-même avec eux [les astres, les étoiles] emportés dans leurs cours, Vers un port inconnu nous avançons toujours, Lamartine, ib. II, 8. Et l'âme se fond en prière, Et s'entretient avec les cieux, Et les larmes de la paupière Sèchent d'elles-même à nos yeux, Lamartine, Harm. I, 9. Ô vils marchands d'eux-même ! immonde abaissement, Hugo, Légende des siècles, XII, 2.

7. Au XVIIe siècle il était loisible d'ajouter une s à même adverbe. La naïveté, Dont mêmes au berceau les enfants te confessent, Malherbe, I, 1. Ici dispensez-moi du récit des blasphèmes Qu'ils ont vomis tous deux contre Jupiter mêmes, Corneille, Poly. III, 2. Le chagrin me paraît une incommode chose ; Je n'en prends point pour moi sans bonne et juste cause ; Et mêmes à mes yeux cent sujets d'en avoir S'offrent le plus souvent que je ne veux pas voir, Molière, le Dépit amour. I, 1. Cette récompense seule remplira toute la capacité et mêmes toute l'immensité de notre cœur, Bourdaloue, Sermon pour la Touss. II. Que si mêmes un jour le lecteur gracieux, Boileau, Épître X.

8. On a dit dans le XVIIe siècle même devant le substantif dans le sens qu'il a présentement placé après ; c'était un usage qui venait de l'âge précédent. C'est la même vertu pour la vertu même. Qui n'espérait jamais… Que rien finît sa foi que le même trépas, Malherbe, I, 4. Sais-tu que ce vieillard fut la même vertu ? Corneille, le Cid, II, 2. Elle passe à vos yeux pour la même infamie [l'infamie même], Corneille, Rodog. II, 3. Avoir ainsi traité Et la même innocence et la même bonté, Molière, Sgan. 16. Dès le même instant qu'elle sera dehors, Molière, Éc. des mar. III, 2. La même vérité [la vérité même] y reluit partout, Bossuet, Hist. II, 6. Ce sont là les mêmes paroles dont vous vous servez dans votre lettre, Ch. Sévigné, t. X, p. 409, éd. RÉGNIER. Le temps vient où la même nature [la nature même] prend soin d'éclairer son élève, Rousseau, Ém. IV.

HISTORIQUE

XIe s. [Ils] Noncerent [à] vous ces paroles meïsme, Ch. de Rol. XI. Autre bataille lor livrez de meïsmes, ib. XLIII.

XIIe s. Et je meïsme n'emporterai la vie [ne reviendrai vivant], Roncisv. 83. Et comanda à ses fils que il à sa mort fust enseveliz en meïsme le sepulchre où li bons huem fut ensevelis, Rois, p. 290.

XIIIe s. Il meïsmes ala trois serjans apeler, Berte, XVII. Et li rois il meïsmes les prent à redresser, ib. CXXIX. Je t'enseignerai bien autre hui ; Autre, non pas, mès ce meïsmes, Dont chascun puet estre à meismes, Mès qu'il [pourvu qu'il] prengne l'entendement D'amors ung poi plus largement, la Rose, 5462.

XIVe s. Bien sont de mentir à meïsmes Cil qui vont contant tieus [telles] noées [bagatelles], Guiart, Roy. lignages, V. 84. Je mis par-dessus un drappel delié moillié en mesme l'oille et vinaigre, Lanfranc, f° 26, verso.

XVe s. Calabriens et Suisses avoient telle rage de faim aux dents, qu'ils prenoient fromaiges sans peler et mordoient à mesme, J. de Troyes, Chron. 1465. Incontinent il fut tué et mis en pieces, et si vouloient ils faire le mesme à plusieurs autres, Juvénal Des Ursins, Charles VI, 1382. Il m'en faut avoir une cotte, Bref, et à ma femme de mesme, Patelin, V. 210.

XVIe s. Toy et moy sommes de mesme advis, La Boétie, 231. Il est bien aysé à une truye foible de bien nourrir beaucoup de cochons, mesmes [surtout] quand ils sont grandelets, La Boétie, 235. De mesmes il n'y a plaisir aucun d'avoir une femme riche, si elle…, La Boétie, 263. Le mesme est des vertus, Lanoue, 198. Les prochains successeurs ne laisserent de suyvre les mesmes traces et de recevoir aussi le mesme payement des autres [que les autres], Lanoue, 368. Aussi tost que l'or y est entré, à mesme heure y sont entrés les vices, Lanoue, 463. C'estoit un prince de grande deliberation et d'une execution de mesme, Despériers, Contes, LIII. Et à cause qu'il n'estoit de maison de mesme qu'elle, il n'osoit decouvrir son affection, Marguerite de Navarre, Nouv. IX. Ce qu'ils estimerent plus que le mesme argent [l'argent même], Carloix, IX, 48. Ainsi les delices tumberent d'elles-mesmes, Amyot, Lyc. 14. Le mesme jour, au mesme mois, et en la mesme année, ceulx qui estoient passez en Italie, y furent desfaicts par les barbares, Amyot, Cam. 34. Encore qu'il en vist les autres nobles et patriciens passionnez de mesme luy, Amyot, Cor. 9. Coucher à mesme terre, sans tentes ne pavillons, Amyot, Sertor. 16. Il en est de mesme des animaux, Montaigne, I, 102. La pluspart de ceulx qui me hantent parlent de mesme les Essais, Montaigne, I, 193. Nous corrompons les choses qui d'elles mesmes sont belles et bonnes, Montaigne, I, 223. Ceulx qui se mettent en mesme vaisseau, Montaigne, I, 273. Le vin nous semble meilleur à mesme [selon] que nous avons ouvert et lavé nos pores, Montaigne, II, 18. Je ne suis pas icy à mesme pour traicter ce riche argument, Montaigne, I, 265. La jalousie que nous avons de les veoir jouïr du monde quand nous sommes à mesme [sur le point] de le quitter, Montaigne, II, 71. J'en ay faict souvent de mesme, Montaigne, III, 14. Hier encores je feus à mesme de veoir un homme d'entendement, qui…, Montaigne, IV, 45. Si je mordois à mesme, comme font les aultres, Montaigne, IV, 147. Nostre langue ne doit pourtant estre deprisée, mesmes [surtout] de ceux auxquels elle est propre et naturelle, Du Bellay, J. I, 5, recto. Nostre langue se pourra egaler aux mesmes Grecs et Romains, produisant comme eux des Homeres…, Du Bellay, J. I, 6, verso. Luy donnant beaucoup de manieres de parler poetiques qui ont bien servy mesmes aux plus excellens de nostre temps, Du Bellay, J. I, 21, recto. Sans la divine muse d'Homere, le mesme tombeau qui couvroit le corps d'Achille eust aussi accablé son renom, Du Bellay, J. I, 27, recto. Tigre, roche de mer, la mesme cruauté… Jardin cent fois heureux, des Nymphes le sejour, Qui pensent, la voyant, voir leur mesme deesse, Ronsard, 248. Si j'avoys la force de mesme le couraige, Rabelais, Gar. I, 42. Rien ne m'escrips, mais toi mesmes apporte Cette faconde et eloquente bouche, Rabelais, Ep. à Jehan Bouchet.

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Étymologie de « même »

Bourguig. moême, moime ; Berry, meinme ; provenç. medesme, mesesme, meesme, meime, metessme ; espag. mismo ; portug. mesmo ; ital. medesimo, Le provençal a meteis, mezeis, qui représente le latin metipse ; l'ancien français meïsme, le provençal medesme, l'italien medesimo, représentent metipsissimus, superlatif de metipse. Dans le poëme de Boëce, un des plus anciens textes provençaux, on trouve smetessma qui est le latin semetipsissima. On a voulu tirer même de maxime, attendu que sanctus Maximus a fait saint Mesme, et sanctus Maximinus, saint Mesmin ; mais c'est une erreur dans laquelle on est tombé pour n'avoir pas tenu compte de l'ancienne forme ; le mot primitif n'est pas mesme, mais meïsme, qui ne peut être ramené à maxime, sans parler des autres formes romanes qui ne comportent pas non plus cette étymologie.

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(Date à préciser) Du latin vulgaire *metipsimus, composé de -met + ipse + -issimus. Donne en roman medisme, puis meïsme et enfin l’ancien français mesme. Apparenté à l’espagnol mismo, au catalan mateix, au portugais mesmo et à l’italien medesimo.
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Phonétique du mot « même »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
même mɛm

Fréquence d'apparition du mot « même » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « même »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « même »

  • Je dois m’attendre à tout – ayant été l’homme le plus haï et le plus adoré du XVIIIe siècle !… Avec de la gaieté – et même de la bonhomie, j’ai eu des ennemis sans nombre – et n’ai pourtant croisé la route de personne. Or, j’ai trouvé la cause de tant d’inimitiés. Dès ma folle jeunesse, j’ai joué de tous les instruments, mais je n’appartenais à aucun corps de musiciens – les musiciens m’ont détesté. J’ai inventé quelques bonnes machines, mais je n’étais pas du corps des mécaniciens – et l’on a dit du mal de moi. Je faisais des vers et des chansons, mais qui m’eût reconnu pour poète ? – j’étais le fils d’un horloger ! N’aimant pas le jeu de loto, j’ai fait des pièces de théâtre, mais on disait : “De quoi se mêle-t-il ? Ce n’est pas un auteur, car il fait d’immenses affaires”. Faute de rencontrer qui voulût me défendre, j’ai imprimé de grands mémoires pour gagner des procès qu’on m’avait intentés. Les avocats se sont écriés : “Peut-on souffrir qu’un pareil homme prouve sans nous qu’il a raison !” J’ai traité avec les ministres de grands points de réformation dont nos finances avaient besoin, mais l’on disait encore : “De quoi se mêle-t-il, puisqu’il n’est point financier ?” Luttant contre tous les pouvoirs, j’ai relevé l’art de l’imprimerie française par les superbes éditions de Voltaire – mais je n’étais pas imprimeur et j’ai eu tous les marchands pour adversaires. J’ai fait le haut commerce dans les quatre parties du monde – mais je ne m’étais point déclaré négociant. J’ai eu quarante navires à la fois sur la mer – mais, n’étant pas un armateur, on m’a dénigré dans nos ports. Un vaisseau de guerre à moi de cinquante-deux canons a eu l’honneur de combattre en ligne avec ceux de Sa Majesté, mais regardé comme un intrus, j’y ai gagné de perdre ma flottille ! De tous les Français, quels qu’ils soient, je suis celui qui a fait le plus pour la liberté de l’Amérique – mais je n’étais point classé parmi les négociateurs…
    Sacha Guitry — Beaumarchais
  • Ce soir, nous sommes deux devant ce fleuve qui déborde de notre désespoir. Nous ne pouvons même plus penser. Les paroles s’échappent de nos bouches tordues, et, lorsque nous rions, les passants se retournent, effrayés, et rentrent chez eux précipitamment.On ne sait pas nous mépriser.« Nous pensons aux lueurs des bars, aux bals grotesques dans ces maisons en ruines où nous laissions le jour. Mais rien n’est plus désolant que cette lumière qui coule doucement sur les toits à cinq heures du matin. Les rues s’écartent silencieusement et les boulevards s’animent: un promeneur attardé sourit près de nous. Il n’a pas vu nos yeux pleins de vertiges et il passe doucement. Ce sont les bruits des voitures de laitiers qui font s’envoler notre torpeur et les oiseaux montent au ciel chercher une divine nourriture.Aujourd’hui encore( mais quand donc finira cette vie limitée) nous irons retrouver les amis, et nous boirons les mêmes vins. On nous verra encore aux terrasses des cafés.Il est loin, celui qui sait nous rendre cette gaieté bondissante. Il laisse s’écouler les jours poudreux et il n’écoute plus ce que nous disons.  » Est-ce que vous avez oublié nos voix enveloppées d’affections et nos gestes merveilleux? Les animaux des pays libres et des mers délaissées ne vous tourmentent-ils plus? Je vois encore ces luttes et ces outrages rouges qui nous étranglaient. Mon cher ami, pourquoi ne voulez-vous plus rien dire de vos souvenirs étanches? L’air dont hier encore nous gonflions nos poumons devient irrespirable. Il n’y a plus qu’à regarder droit devant soi, ou à fermer les yeux: si nous tournions la tête, le vertige ramperait jusqu’à nous.Itinéraires interrompus et tous les voyages terminés, est-ce que vraiment nous pouvons les avouer ? Les paysages abondants nous ont laisser un goût amer sur les lèvres. Notre prison est construite en livres aimés, mais nous ne pouvons plus nous évader, à cause de toutes ces odeurs passionnés qui nous endorment.
    André Breton et Philippe Soupault —  Les Champs magnétiques
  • Tout produit du dégoût susceptible de devenir une négation de la famille, est dada ; proteste aux poings de tout son être en action destructive : DADA ; connaissance de tous les moyens rejetés jusqu’à présent par le sexe pudique du compromis commode et de la politesse : DADA ; abolition de la logique, danse des impuissants de la création : dada ; de toute hiérarchie et équation sociale installée pour les valeurs par nos valets : DADA ; chaque objet, tous les objets, les sentiments et les obscurités, les apparitions et le choc précis des lignes parallèles, sont des moyens pour le combat : DADA ; abolition de la mémoire : DADA, abolition de l’archéologie : DADA ; abolition des prophètes : DADA ; abolition du futur : DADA ; croyance absolue indiscutable dans chaque dieu produit immédiat de la spontanéité : DADA ; saut élégant et sans préjudice, d’une harmonie à l’autre sphère ; trajectoire d’une parole jetée comme un disque sonore crie ; respecter toutes les individualités dans leur folie du moment : sérieuse, craintive, timide, ardente, vigoureuse, décidée, enthousiaste ; peler son église de tout accessoire inutile et lourd ; cracher comme une cascade lumineuse la pensée désobligeante, ou amoureuse, ou la choyer — avec la vive satisfaction que c’est tout à fait égal — avec la même intensité dans le buisson, pur d’insectes pour le sang bien né, et doré de corps d’archanges, de son âme.
    Tristan Tzara — Manifeste Dada
  • Il sent du plaisir en lui-même... S'il veut de la dualité il l'a en lui-même... S'il cherche joie et satisfaction à l'extérieur, c'est en lui-même et il les trouve. Aussi est-il Seigneur et Maître de lui-même... et dans le monde entier il est à l'aise.
    Mundaka Upanishad
  • Croyez en vous-même et même votre entourage vous paraîtra changé.
    Anonyme
  • Ce qui lie une famille, ce n’est pas le sang, c’est d’avoir usé les mêmes planches, rempli les mêmes poêles, et vu fleurir les mêmes jardins, année après année.
    Damien Luce — La fille de Debussy
  • Le chant des oiseaux est le même en forêt et dans les champs ; il est le même devant le wigwam et devant le château ; il est toujours le même, qu’ils s’adressent au sauvage ou au sage, au chef ou au roi.
    Simon Pokagon
  • L’écriture et l’amour procèdent de la même tension, de la même joie, de la même perdition.
    Nina Bouraoui — Poupée Bella
  • La même femme est presque toujours la même femme ; le même plat n'est jamais le même plat.
    Alain Laubreaux
  • Dans la vie, même quand ça a l'air sérieux, ça n'est tout de même que du guignol. Et on joue toujours la même pièce.
    Jean Anouilh
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Traductions du mot « même »

Langue Traduction
Anglais even
Espagnol incluso
Italien anche
Allemand sogar
Chinois 甚至
Arabe حتى في
Portugais até
Russe четный
Japonais さえ
Basque are
Corse ancu
Source : Google Translate API

Antonymes de « même »

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Nombre de points du mot même au scrabble : 7 points

Même

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