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Liberté

Variantes Singulier Pluriel
Féminin liberté libertés

Définitions de « liberté »

Trésor de la Langue Française informatisé

LIBERTÉ, subst. fém.

I. − [Correspond à libre I] État de celui, de ce qui n'est pas soumis à une ou des contrainte(s) externe(s).
A. − [Correspond à libre I A; à propos de l'homme (de ce qui le concerne) en tant qu'individu particulier ou en tant que membre d'une société politique] Condition de celui, de ce qui n'est pas soumis à la puissance contraignante d'autrui.
1. [À propos d'un individu particulier]
a) Condition de celui qui n'appartient pas à un maître. Anton. esclavage, servitude.Racheter sa liberté. Si quelque puissance était assez morale pour se disposer la première à donner la liberté à ses nègres, ses voisins seraient forcés de l'imiter (Le Moniteur,t. 2, 1789, p. 514).La propriété et la liberté font aimer la terre à l'homme; la servitude la lui fait haïr (Hugo, Rhin,1842, p. 441):
1. Tant que l'individu [jusqu'au xiiiesiècle] avait travaillé isolément pour le service d'un château, d'une abbaye ou d'une maison royale, l'histoire de son existence s'était résumée dans le labeur quotidien du serf : il n'avait ni liberté, ni profit; il était, comme ce qui sortait de ses mains, la propriété d'un maître. Faral, Vie temps st Louis,1942, p. 68.
b) Condition de celui qui n'est pas retenu prisonnier, qui n'est pas détenu. Jean-Jacques dit avec raison qu'on peint mieux les charmes de la liberté quand on est sous les verrous (Delacroix, Journal,1853, p. 91).N'est-ce-pas sous leur règne [de nos gouvernants] que Picquart, soldat fidèle à sa patrie, se voit refuser le droit, dont bénéficia le traître Esterhazy, de comparaître en liberté devant ses juges? (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 261).Nicolaïeff a reçu les mots suivants, écrits en capitales : Si Ling n'est pas en liberté demain, les otages seront exécutés (Malraux, Conquér.,1928, p. 132).
SYNT. Compromettre, décider de, en vouloir à, menacer la liberté de qqn; enlever, ôter, rendre la liberté à qqn; priver qqn de liberté; laisser, (re)mettre qqn en liberté; liberté sous contrôle judiciaire.
DROIT
DR. INTERNAT. Liberté sur parole*.
DR. PÉNAL. Liberté provisoire* (sous caution*), liberté surveillée*.
DR. PUBLIC. Liberté individuelle (ou physique). V. infra I A 2 b droit.
En partic. Condition d'un malade mental qui n'est pas ou qui n'est plus soustrait à la vie en société. Nous avons ici près de cent aliénés enfermés, sans parler de ceux qui sortent en liberté ou qui sont détenus par leurs familles (About, Grèce,1854, p. 49).
P. anal.
État d'un animal qui ne vit pas en captivité. Cela le réjouissait de voir des champs, des buissons, des bois, des animaux en liberté, spectacle dont il était privé depuis qu'il habitait la ville (Gautier, Fracasse,1863, p. 360).J'étais entré dans la cage de mon sansonnet à qui je rends la liberté chaque soir après que les chats sont enfermés, et qui chaque matin y revient de lui-même (Gide, Journal,1914, p. 433).
État de la nature (caractère d'une de ses manifestations) en tant qu'elle ne porte pas la marque de l'homme. La liberté de l'eau et des forêts tenait toute la largeur du monde (Giono, Batailles ds mont.,1937, p. 81):
2. C'était la première fois que je revoyais le peuplier, depuis les bords du Rhône et de la Saône. Il jetait son voile pâle et mobile sur toute cette vallée du fleuve; mais comme il n'est pas ébranché ni planté par la main de l'homme, il y croît par groupes, et y étend ses rameaux en liberté avec bien plus de majesté, de diversité de formes et de grâce que dans nos contrées. Lamart., Voy. Orient, t. 1, 1835, p. 286.
2.
a) Pouvoir que le citoyen a de faire ce qu'il veut, sous la protection des lois et dans les limites de celles-ci. La liberté publique ne peut s'établir que par le sacrifice des libertés privées (Joubert, Pensées, t. 1, 1824, p. 357).À la base de notre civilisation, il y a la liberté de chacun dans sa pensée, ses croyances, ses opinions, son travail, ses loisirs (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 569):
3. La liberté est le pouvoir qui appartient à l'homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d'autrui; elle a pour principe la nature, pour règle la justice, pour sauvegarde la loi; sa limite morale est dans cette maxime : Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu'il te soit fait. Recueils textes hist., Constitution de l'an I, 1793, p. 68.
Liberté naturelle [P. oppos. à liberté civile] Pouvoir qu'a l'homme vivant à l'état de nature d'user comme bon lui semble de ses facultés. Sera-ce le sauvage, vagabond dans ses déserts, à qui le mien et le tien sont inconnus, qui passera tout à coup de la liberté naturelle à la liberté civile, sorte de liberté purement abstraite, et qui suppose de nécessité, toutes les idées antérieures de propriété, de justice conventionnelle, de force comparée du tout à la partie, etc. (Chateaubr., Essai Révol., t. 1, 1797, p. 38).
P. ext. Liberté d'une nation. État d'une nation qui reconnaît aux citoyens leurs droits civils et politiques ou dont les actes et les déterminations sont le fait des citoyens. Cette France du dix-neuvième siècle à qui Mirabeau a fait sa liberté et Napoléon sa puissance (Hugo, Hernani,1830, p. iii).
Liberté politique. Droit des citoyens de désigner des représentants qui contrôlent les actes du pouvoir exécutif, discutent et élaborent les lois. Quand l'amour des Français pour la liberté politique se réveilla, ils avaient déjà conçu en matière de gouvernement un certain nombre de notions qui, non seulement ne s'accordaient pas facilement avec l'existence d'institutions libres, mais y étaient presque contraires (Tocqueville, Anc. Rég. et Révol.,1856, p. 265).Au plur., mod. Peut-être les Soviétiques de l'avenir s'estimeront-ils pleinement satisfaits quand ils connaîtront les délices d'appartenir à une « société de consommation », quand sera définitivement garantie leur sécurité personnelle; auquel cas le révisionnisme en U.R.S.S. n'irait pas jusqu'à rétablir les libertés politiques : élections libres, pluralité des partis, légitimité de l'opposition, droit à la contestation du régime (L. de Villefosse, Géogr. de la Liberté, Paris, R. Laffont, 1965, p. 395).
b) En partic. Pouvoir ou droit reconnu et garanti au(x) membre(s) d'une société dans un domaine particulier. Libertés constitutionnelles, démocratiques; libertés individuelles et collectives; défendre, maintenir, respecter, violer les libertés; privation des libertés; Commission Informatique et Libertés. J'entends, par vraie liberté, tout à la fois la liberté supra-politique à laquelle tend la personne humaine, et les libertés sociales et politiques dont elle exige à cette fin dès la base l'organisation collective (Maritain, Human. intégr.,1936, p. 293):
4. Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation. Déclar. univ. Dr. Homme,1949, art. 2, p. 5.
[Dans le vocab. marxiste] Libertés formelles* et libertés réelles*.
DR. Libertés publiques. Ensemble des droits reconnus à l'individu considéré isolément ou en groupe, face à l'autorité politique et en particulier face à l'État. Exercer une liberté publique; l'édiction, la garantie, la proclamation des libertés publiques. La séparation des pouvoirs que répudie tout régime totalitaire ou absolutiste, est une condition nécessaire des libertés publiques (C.-A. Colliard, Libertés publiques, Paris, Dalloz, 5eéd., 1975 [1950], p. 41).V. asseoir ex. 16.
[Concernant la personne] Liberté d'aller et de venir ou liberté de circulation. Possibilité de se déplacer et de se fixer selon ses désirs. La constitution garantit pareillement, comme droits naturels et civils : la liberté à tout homme d'aller, de rester, de partir, sans pouvoir être arrêté ni détenu, que selon les formes déterminées par la constitution (Doc. hist. contemp.,Constitution de 1791,p. 55)Liberté (individuelle ou physique). Ensemble des garanties contre toute détention, arrestation ou pénalité non prévue par la loi. Synon. sûreté.Des moyens d'assurer la liberté individuelle contre les détentions illégales ou d'autres actes arbitraires (Code instr. crim.,1808, p. 791).Liberté de l'intimité. La liberté de l'intimité, dans ses deux composantes essentielles, l'inviolabilité du domicile et l'inviolabilité de la correspondance, est le prolongement de la sûreté (G. Burdeau, Les Libertés publiques, Paris, Libr. Gén. de Droit et de Jurisprudence, 3eéd., 1966, p. 163).En partic. Liberté du domicile. Possibilité de choisir son domicile, d'en changer à sa convenance; garantie contre sa violation. Au début de notre ancien droit français, la liberté individuelle et la liberté du domicile étaient choses inconnues. Ces mots n'existaient pas. Ce n'est que peu à peu que l'on vit apparaître quelques décisions de justice, quelques actes de l'autorité royale relatifs à la sûreté du foyer (P. Cassagne, La Notion de domicile et ses effets principaux en dr. pénal, Nancy, Bailly et Wettstein, 1937, p. 188).
[Concernant le groupe] Liberté d'association. Droit de mettre en commun de façon permanente une activité et des connaissances dans un but non lucratif. V. droit3ex. 13.Liberté de réunion. Droit de se rassembler, de façon momentanée et occasionnelle, en vue d'échanger des idées, des opinions ou de se concerter pour défendre des intérêts. Les constitutions de l'URSS (...) contiennent toutes un certain nombre d'articles sur la vraie liberté de conscience, la vraie liberté d'opinion, la vraie liberté de réunion, la vraie liberté d'association (Univers écon. et soc.,1960, p. 64-3).
[À contenu intellectuel] Liberté de conscience (v. ce mot II C 1) ou de croyance; liberté religieuse; liberté du ou des culte(s). Droit pour chacun de choisir sa religion et de la pratiquer, notamment en assistant à des offices publics. Nous ne sommes pas les ennemis de la religion, d'aucune religion. Nous sommes au contraire, les serviteurs de la liberté de conscience, respectueux de toutes les opinions religieuses et philosophiques (Fondateurs 3eRépubl., Gambetta, 1878, p. 179).V. culte ex. de Réau-Rond. 1951.Liberté d'enseignement. Droit d'enseigner, d'opter pour un enseignement et de choisir le maître qui doit le dispenser. Le principe de la liberté de l'enseignement en dehors des principes libéraux qui régissent l'enseignement public signifie que, sauf à remplir les conditions objectivement fixées par la loi, tout Français peut ouvrir un établissement d'enseignement (C.-A. Colliard, Libertés publiques, Paris, Dalloz, 5eéd., 1975 [1950]p. 40).Liberté d'opinion ou de pensée [impliquant liberté d'expression*]. Droit pour tout individu de communiquer une opinion. Il résulte de la jurisprudence du Conseil d'État que dans l'exercice de sa liberté d'opinion un fonctionnaire doit faire preuve d'une certaine réserve à l'égard notamment des institutions et de la politique générale du gouvernement (arrêté Célignac, 31 mars 1950) (Encyclop. éduc. Fr., 1960, p. 288).En partic. Liberté de la presse. Droit de communiquer une opinion, des idées en la ou les diffusant et notamment en la ou les publiant. Un État autoritaire ou totalitaire confisque toujours à son profit la liberté de la presse (Civilis. écr.,1939, p. 44-4).
[À contenu écon. et soc.] Liberté économique. Possibilité de créer et de gérer une entreprise (liberté d'entreprise*), d'exercer la profession de son choix, de conclure des contrats d'ordre privé (liberté des conventions ou liberté de contrat). Opposant à la noblesse l'égalité des droits et ouvrant simultanément, par la liberté économique, la carrière au capitalisme, la bourgeoisie française elle-même avait préparé un mouvement d'idées et une transformation sociale dont la contradiction finit par caractériser une nouvelle époque dans la marche dialectique de l'histoire (Lefebvre, Révol. fr.,1963, p. 652).En partic. Liberté du commerce et de l'industrie [impliquant notamment liberté de la concurrence*, de la circulation des travailleurs, des échanges]. Liberté du travail. Droit de louer ses services selon sa volonté; au plur. ensemble des droits relatifs à l'exercice d'une profession. Affirmé par le décret d'Allarde de 1791, le principe de la liberté du travail demeure fondamental : il s'oppose aussi bien à toute intervention administrative, autoritaire, dans l'embauchage qu'à un engagement illimité vis-à-vis de l'employeur ou à une pression syndicale ou collective (G.-H. Camerlynck, G. Lyon-Caen, Précis de dr. du travail, Paris, Dalloz, 5eéd., 1972, p. 67).En partic. Liberté syndicale. Possibilité d'adhérer au syndicat de son choix ou de ne pas se syndiquer; au plur., ensemble des droits relatifs à la formation d'un syndicat et à l'exercice du syndicalisme. Le système de droit commun en matière de liberté syndicale se trouve renforcé et consolidé, dans la plupart des pays, du fait de la consécration du droit d'association par les constitutions nationales. La plupart des constitutions garantissent aujourd'hui le droit d'association, soit en général, soit pour les associations professionnelles de travailleurs et d'employeurs (Bureau International du Travail, La Liberté syndicale, Genève, Atar, Arts Graphiques, 1959, p. 58).
c) État d'un pays, d'une nation qui n'est pas sous une domination étrangère. Toutes les tribus indiennes conspirant, après deux siècles d'oppression, pour rendre la liberté au Nouveau-Monde, me parurent offrir un sujet presque aussi heureux que la conquête du Mexique (Chateaubr., Natchez,1826, p. 102).À mesure que notre peuple recouvrait la liberté, nous pouvions compter ses blessures (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 619).
En partic.
Autonomie d'une ville, d'une commune qui avait son propre gouvernement (vieilli), qui a des droits et une autonomie de gestion face à l'autorité gouvernementale (mod.). En France, la liberté municipale a survécu à la féodalité. Lorsque déjà les seigneurs n'administraient plus les campagnes, les villes conservaient encore le droit de se gouverner (Tocqueville, Anc. Rég. et Révol.,1856, p. 110):
5. ... s'il y a, pour toutes les populations de la France, une réforme à laquelle elles soient attachées du fond de l'âme, c'est celle qui assurera la liberté et l'indépendance de la commune, c'est celle qui établira véritablement les franchises municipales parce que, pour le citoyen le plus humble comme pour le plus élevé, la commune est la meilleure, la plus intime réduction de la patrie... Fondateurs 3eRépubl., Gambetta, 1876, p. 321.
Au plur. Ensemble des droits et privilèges dont jouissaient autrefois certaines villes (vieilli); ensemble des droits et prérogatives dont jouissent les collectivités (mod.). Ils [Les états du royaume] exigèrent aussi impérieusement que les Parisiens la suppression des impôts, et redemandèrent les franchises, libertés, privilèges et immunités, tels qu'ils avaient été donnés par Philippe-le-Bel (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 1, 1821-24, p. 202).HIST. Libertés de l'Église gallicane ou libertés gallicanes. Franchises revendiquées sous Louis XIV, par l'Église de France face au Saint Siège. Le clergé français a longtemps hésité entre l'autorité du pape et celle du roi; et lorsque Bossuet a soutenu ce qu'on appelle les libertés de l'Église gallicane, il a, dans sa politique sacrée, conclu l'alliance de l'autel et du trône, mais en la fondant sur les maximes de l'intolérance religieuse et du despotisme royal (Staël, Consid. Révol. fr., t. 1, 1817, p. 281).
Spécialement
DR. COMM. Liberté de l'air. Ensemble des facilités accordées par un pays aux avions commerciaux étrangers qui traversent son territoire (d'apr. Barr. 1974).
DR. MAR. Liberté de la (haute, pleine) mer ou des mers. Droit pour tout pays de naviguer sur les mers non enclavées (d'apr. Barr. 1974). Il y a des gages que l'Allemagne a perdus et qu'elle est impuissante à recouvrer (la liberté des mers, ses colonies) (Barrès, Cahiers, t. 11, 1917, p. 235).En ce qui concerne les usages internationaux, deux usages tempèrent le principe de liberté : la reconnaissance de l'existence de la mer territoriale d'une part et les droits des belligérants sur les navires neutres d'autre part (Le Clère1960).
d) [Sans adj. déterminatif ni compl. prép.] Degré d'indépendance que l'on juge normal et légitime pour le citoyen, le peuple, la nation et que l'on érige en valeur suprême, en idéal. La liberté, c'est le bonheur, c'est la raison, c'est l'égalité, c'est la justice, c'est la déclaration des droits, c'est votre sublime constitution! (Desmoulinsds Vx Cord.,1793-94, p. 115).Je déclare que je ne parle ici que de la liberté qui naît de l'ordre et enfante des lois, et non de cette liberté fille de la licence et mère de l'esclavage (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 276).Nous n'hésiterons pas à défendre la liberté par la force contre ses ennemis éternels. Nous comprenons maintenant le sens de la devise révolutionnaire (...) : Liberté, Égalité, Fraternité ou la mort (Mauriac, Cah. noir,1944, p. 376).La liberté absolue raille la justice. La justice absolue nie la liberté. Pour être fécondes, les deux notions doivent trouver, l'une dans l'autre, leur limite (Camus, Homme rév.,1951, p. 359):
6. Et par le pouvoir d'un mot Je recommence ma vie Je suis né pour te connaître Pour te nommer Liberté. Éluard, Poésie et Vérité, Paris, Gallimard, 1968 [1942], p. 1107.
7. La France et le monde luttent et souffrent pour la liberté, la justice, le droit des gens à disposer d'eux-mêmes. Il faut que le droit des gens à disposer d'eux-mêmes, la justice et la liberté gagnent cette guerre, en fait comme en droit, au profit de chaque homme, comme au profit de chaque État. De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 680.
SYNT. Combattre (lutter) pour, être dévoué à, préparer le règne de, faire triompher la liberté; ennemi, force(s), martyr, soldat(s) de la liberté; drapeau, hymne de la liberté; pays, terre de (la) liberté; crime contre la liberté.
[P. personnification de cet idéal] Protège-moi, toujours, ô liberté chérie, Ô mère des vertus, mère de la patrie! (Chénier, Bucoliques,1794, p. 187).La France saigne, mais la liberté sourit; et devant le sourire de la liberté, la France oublie sa plaie (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 358):
8. Liberté! Sur la terre ouvre ton aile immense. Avec les fruits vivants, les fruits délicieux De ton règne attendu dont l'éclat recommence, Liberté, ne va plus t'en retourner aux cieux! Desb-Valm., Mél.,1859, p. 224.
Arbre* de la liberté.
Déesse, génie de la liberté; temple de la (déesse) Liberté (à l'époque romaine). En face du palais construit par Tibère on voit les débris du temple de la liberté, bâti par le père des Gracques (Staël, Corinne, t. 1, 1807, p. 199).Le feu d'artifice de la déesse liberté (Baudel., Poèm. prose,1867, p. 107).Statue de la liberté. Bonaparte fut présenté au Directoire, le 10 décembre 1795, dans la cour du palais du Luxembourg. Au milieu de cette cour s'élevait un autel de la patrie, surmonté des statues de la liberté, de l'égalité et de la paix (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 335).La liberté éclairant le monde. Statue de Bartholdi, érigée à l'entrée du port de New York. Cette dame enceinte, dans sa robe de chambre à plis de bronze, un bougeoir à la main, c'est la liberté éclairant le monde, de Bartholdi (Morand, New-York,1930, p. 33).
B. − [Correspond à libre B et C] État d'une personne ou d'une chose dont l'action ou la manifestation ne rencontre pas d'obstacle.
1. [À propos d'une pers.]
a) [Sans compl.]
α) Possibilité d'agir, de penser par soi-même; refus de toute sujétion aux choses, de toute pression d'autrui. Aimer, profiter de, avoir sa liberté; respecter la liberté des autres; des habitudes de liberté. J'étais ivre de ma liberté, de n'appartenir enfin qu'à moi-même (Guéhenno, Journal homme 40 ans,1934, p. 107).Une trop grande liberté, un fais ce que tu veux commode, met la jeunesse dans l'impossibilité de désobéir alors que rien d'audacieux n'existe sans la désobéissance à des règles (Cocteau, Poés. crit. II,1960, p. 206):
9. Pour n'avoir pas à choisir quelque chose, j'ai préféré me sevrer du désir. Par irrésolution et par goût pour la liberté, je n'ai pris aucun parti, ni scientifique, ni religieux, ni politique, ni personnel, et je me suis maintenu à égale distance de tous les possibles, rêvant, contemplant, méditant, comme un ermite retiré du monde. Amiel, Journal,1866, p. 464.
β) Situation d'une personne qui n'est pas (ou n'est plus) engagée moralement, juridiquement ou religieusement. Garder, tenir à, sacrifier sa liberté; rendre sa liberté à qqn. Si Solange n'avait aucun tort envers lui (...), et si elle se refusait au divorce, comment reprendre sa liberté? (Montherl., Pitié femmes,1936, p. 1131).
γ) État d'une personne qui est disponible. Un jour, un soir de liberté; bricoler à ses heures de liberté. Messieurs, dit Fabien après le dîner, la vicomtesse me donne ma liberté ce soir (Ponson du Terr., Rocambole, t. 4, 1859, p. 430).J'étais bien heureuse de pouvoir profiter sans partage des rares instants de liberté qui restaient à Robert (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 203).
b) [Avec compl. prép. de] Avoir (demander, laisser à qqn) la liberté de + subst. ou inf.Avoir (demander,...) la possibilité, la permission, le droit de. Je trouverais dans la chaumière de mon oncle la liberté de remuer, et par conséquent, disais-je, je serais parfaitement heureuse (Stendhal, Lamiel,1842, p. 130).Je demanderai si les pères ont liberté de vie et de mort sur le corps et l'âme de leurs fils (Vallès, J. Vingtras, Enf., 1879, p. 388).Prendre la liberté de + inf.[À la 1repers., surtout dans la conversation et dans la correspondance : formule de politesse, souvent en manière d'excuses] Ma chère confrère, je prends la liberté de vous envoyer par le même courrier une pièce de vers que je trouve très remarquable et pouvant orner votre revue (Flaub., Corresp.,1879, p. 324).Avoir (laisser, donner à qqn) une entière, une pleine, toute liberté de/pour + subst. ou inf.Avoir (laisser...) l'autorisation pleine et entière de; avoir toute facilité, toute latitude de/pour. Avoir une totale liberté d'action, de choix, de manœuvre. Toute liberté nous était donnée de pénétrer en territoire belge (Joffre, Mém., t. 1, 1931, p. 241).En province, les candidats ont toute liberté pour le choix de l'établissement (Encyclop. éduc.,1960, p. 145).[Sans compl. prép. de] Puisque vous êtes un homme averti, vous comprendrez aisément que vous devez laisser entière liberté à l'imagination, à la patience, aux inspirations parfois paresseuses de ce maître d'œuvre [le metteur en scène] (Vilar, Tradition théâtr.,1963, p. 123).
2. [À propos du comportement, des actes, des facultés intellectuelles, de la condition physique]
a) Absence de gêne dans le comportement, dans l'expression. Liberté sexuelle. Toute la famille protégeait la liberté de nos amours (About, Grèce,1854, p. 199).Subitement, avec une adorable liberté enfantine, Anna passa son bras sous celui d'Henri (Reider, Mlle Vallantin,1862, p. 162):
10. Ceux qui ne les connaissaient pas particulièrement appelaient leur liberté d'allure du cynisme. Ce n'était pourtant que de la franchise. Esprits rétifs à toute chose imposée, ils avaient tous le faux en haine et le commun en mépris. Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 173.
Loc. adv. En toute liberté. Sans être contraint ou forcé. Conclure, se décider en toute liberté; plaisanter en toute liberté. Oui, monsieur, ce dîner d'où nous avons exclu les maris, afin de pouvoir, en toute liberté, parler de nos costumes (Meilhac-Halévy, Froufrou,1869, II, 4, p. 56).Ils déchantèrent un peu quand Henri leur déclara qu'il entendait rédiger lui-même, en toute liberté, les articles sur les camps (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 377).En liberté (vieilli). Il était hors d'état de parler, il s'enferma dans sa chambre. Là, il put s'exagérer en liberté toute l'atrocité de son sort (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 348).Lui, qui avait eu la campagne vaste pour se rouler, en liberté, étouffait dans l'espace étroit où il devait se tenir sage (Zola, Œuvre,1886, p. 228).(Qqc. ou qqn) en liberté. [Pour désigner celui dont la vie (ou ce qui) se déroule sans contrainte] Vacances en liberté. La joie tumultueuse d'une petite fille en liberté (Balzac, Lys,1836, p. 203).
En partic., domaine de l'expression littér. et artistique. Hardiesse de conception; aisance dans l'exécution, dans le style. L'intérieur de l'église de San Antonio de la Florida (...) est peint à fresque par Goya avec cette liberté, cette audace et cet effet qui le caractérisent (Gautier, Tra los montes,1843, p. 116).Cette composition, comme tout ce qui sort de Carle Vernet et de l'école, manque de liberté (Baudel., Curios. esthét.,1857, p. 184).Vite revenu à sa liberté de thèmes et d'allure, il [Corneille] va désormais tout le reste de sa vie ruser avec les règles pour leur faire porter tout le poids qu'elles pourront de romanesque (Brasillach, Corneille,1938, p. 160):
11. Piero della Francesca, le Greco, Latour, Vermeer, que notre siècle a mis ou remis au premier rang, tirent leur génie de leur présence dans la toile; mais il ne s'agit plus de l'éclatante liberté du pinceau qui faisait dire que Hals peignait largement. Malraux, Voix sil.,1951, p. 575.
Souvent péj. Absence de souci des convenances. Liberté de mœurs, de paroles. Madeleine lui reprochait de tolérer l'incroyable liberté de langage de Geneviève, et celle-ci l'accusait de se damner volontairement en vivant avec le péché (Zola, M. Férat,1868, p. 233).On sait la licence des mœurs au siècle de la cathédrale, (...) la liberté des fabliaux et des mystères (Faure, Espr. formes,1927, p. 255).V. commettre ex.3.
P. méton., cour., le plus souvent au plur. Actes, paroles, écrits, œuvres libres ou trop libres. Libertés d'opinion, de langage; libertés de composition, de main. Le désir de former les enfants au beau style et aux tours du monde induisait les traducteurs à d'étranges libertés (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 3, 1848, p. 460).Il était à quatre-vingts ans jeune, avec des libertés, des gaillardises de méridional (Barrès, Cahiers, t. 10, 1913, p. 236).En ne me scandalisant pas tout à l'heure, je crains de vous avoir scandalisé. Il est certaines libertés de pensée dont les hommes voudraient garder le monopole (Gide, Faux-monn.,1925, p. 1187).V. évanouissement A 3 ex. de Martin du G., Notes A. Gide, 1951, p. 1420.
Loc. Avoir, se permettre, prendre des libertés (avec qqn). En prendre à son aise; être familier avec quelqu'un. Je m'efforçai de paraître extrêmement gai, et je me permis même quelques petites libertés, bien innocentes, qui ne furent pas repoussées (Krüdener, Valérie,1803, p. 150).Je m'encanaillais, je prenais des libertés. Je passais des vacances au bordel mais je n'oubliais pas que ma vérité était restée au temple (Sartre, Mots,1964, p. 60).Prendre des libertés avec/envers une femme. Se montrer d'une familiarité offensante. Il était trop honnête homme, (...) et gardait trop de discrétion pour avoir jamais pris aucune liberté avec la jeune portière de la bibliothèque (France, Mannequin,1897, p. 335).Prendre des libertés avec qqc. Ne pas respecter quelque chose, ne pas s'y conformer; l'altérer. Prendre des libertés avec une doctrine, avec la vérité. J'ai pris quelques petites libertés avec le texte, qui peut les supporter (Claudel, Corresp. [avec Gide], 1925, p. 129).Tels, qui croient prendre des libertés avec le temps parce qu'ils s'arrangent inconsciemment pour être toujours en retard (...) (Mounier, Traité caract.,1946, p. 595).
b) Absence d'entraves, de préjugés dans la démarche intellectuelle. L'esprit particulier aux artistes (...) qui s'élève au-dessus des idées bourgeoises par la liberté des jugements et par l'étendue des aperçus (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 41):
12. ... après cette complète liberté de discussion, que rien n'a arrêtée, qui n'a reculé devant rien, il est des choses dont l'authenticité n'a jamais été mise en doute par le plus hardi de ces docteurs : deux des Évangiles, saint Paul et les Actes des Apôtres. Ampère, Corresp.,1827, p. 430.
Liberté d'esprit ou de l'esprit. Indépendance de l'esprit à l'égard de la tradition, de l'autorité, des croyances établies, des préjugés ou disposition de l'esprit qui est délivré de toute préoccupation, de tout embarras. Vous avez parlé de Napoléon avec une liberté d'esprit qui est bien rare dans les conversations que j'entends (France, Lys rouge,1894, p. 56).Il sentait bien que ce souci lui prenait une part de sa liberté d'esprit, de ses possibilités d'action (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 480).V. doute ex. 2 :
13. La première condition que doit remplir un savant qui se livre à l'investigation dans les phénomènes naturels, c'est de conserver une entière liberté d'esprit assise sur le doute philosophique. C. Bernard, Introd. ét. méd. exp.,1865, p. 58.
Liberté d'examen. V. libre examen*.
c) Absence d'entrave dans les mouvements du corps, dans les fonctions; absence de gêne relativement à la condition physique. Je respirais avec plus de liberté; l'air est si pur dans ces montagnes! (Krüdener, Valérie,1803, p. 209).Ayant retrouvé la liberté de ses mouvements, Rochard ne paraissait pas disposé à en profiter et collait sagement à Léopold (Aymé, Uranus,1948, p. 57).V. acrobate ex. 7.
Vieilli. Liberté du ventre (v. libre I C 1 b). On aura soin d'entretenir toujours la liberté du ventre, en donnant tous les jours un lavement légèrement purgatif (Geoffroy, Méd. prat.,1800, p. 107).
3. [A propos d'une chose, d'un processus] État de ce qui n'est pas attaché, lié, de ce qui évolue ou s'effectue sans contrainte. Liberté de fonctionnement. Leurs cheveux qui, tantôt serrés en natte, tantôt flottant en liberté, couvraient les épaules et descendaient jusqu'au milieu des reins (Thierry, Récits mérov., t. 2, 1840, p. 82).Ce n'est que lorsqu'on réussit à tourner les pointes en dehors et à faire le plié qui sert de tremplin au saut (...) que les bras reprirent leur liberté (Sazonova, Vie danse,1937, p. 96).
BIOL., CHIM. Mise en liberté d'un corps. Rupture de sa relation à un autre corps au cours d'une réaction. L'oxygène, mis en liberté dans ces deux réductions, oxyde le silicium et le phosphore (Ch. Durand, Industr. minér. Lorr.,1893, p. 56).
PHYS. Degré de liberté. Grandeur (mathématique, mécanique, physique) qui, dans un système donné, peut varier sans contrainte. On parle, en mécanique, des « degrés de liberté ». Un mécanisme à liaisons définies n'a qu'un nombre restreint de degrés de liberté (Ruyer, Esq. philos. struct.,1930, p. 74).
II. − PHILOS., PSYCHOL. [Spécifiquement à propos de l'homme considéré comme être doué de volonté] État de celui qui n'est pas soumis à des forces intérieures d'ordre irrationnel.
A. − [P. oppos. à déterminisme] État de celui qui peut choisir souverainement entre deux possibilités contraires, sans avoir de motif relatif au contenu de l'acte à accomplir. Synon. libre-arbitre.J'ai prouvé que le sentiment du moi n'était autre que le sentiment de la liberté ou du pouvoir d'agir, d'exercer une action indépendante de toute cause autre que la volonté (Maine de Biran, Journal,1816, p. 125).Créé libre, l'homme a péché par le pouvoir qu'il avait de pécher, mais ce pouvoir ne faisait pas partie de sa liberté véritable, qui était celle de ne pas pécher (Gilson, Espr. philos. médiév.,1932, p. 113):
14. J'ai fait effort pour m'attacher à telle représentation de conduite et à ses motifs. Ce qui suppose que je m'en suis d'abord détaché. Ce consentement implique donc de ma part un acte réflexif : il est le je prenant pour objet un désir du moi, puis y adhérant, et du même coup transformant le désir en volonté. C'est à ce moment précis qu'a lieu le sentiment vif interne d'un pouvoir des contraires : je sens que je peux poser mon regard mental sur tel des objets qui m'attirent, ou bien le porter sur un autre. À cela se résume toute ma conscience de la liberté. J. Laporte, La Conscience de la liberté, Paris, Flammarion, 1947, p. 285.
Liberté d'indifférence*.
B. − [Compatible avec déterminisme; corrélatif de moralité, responsabilité] État de celui qui se détermine après réflexion, en connaissance de cause, d'après des motifs qu'il accepte; état de celui qui contrôle ses passions et qui réalise dans ses actes, le bien, la raison, la vérité considérés comme l'expression de sa nature profonde. Anton. inconscience, passion.Il [le stoïcisme] fait à l'homme, au sage, qui seul est digne du nom d'homme, un devoir de conformer son intention et sa vie à cet ordre des choses, la raison même, et de se tendre d'un ferme effort pour s'élever à la liberté en s'identifiant avec la loi souveraine (Renouvier, Essais crit. gén., 3eessai, 1864, p. 170).En posant le déterminisme, on en tire la liberté. En voulant la liberté, on exige le devoir. En concevant la loi morale, c'est une nécessité de la produire dans l'action pour la connaître et la déterminer en la pratiquant (Blondel, Action,1893, p. 143).Ma liberté, le pouvoir fondamental que j'ai d'être le sujet de toutes mes expériences, n'est pas distincte de mon insertion dans le monde (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception,1945, p. 413):
15. ... je n'ai rien à faire avec le problème de la liberté métaphysique. Savoir si l'homme est libre ne m'intéresse pas. Je ne puis éprouver que ma propre liberté. Sur elle, je ne puis avoir de notions générales, mais quelques aperçus clairs. Le problème de la « liberté en soi » n'a pas de sens. Camus, Sisyphe,1942, p. 79.
P. méton. L'être humain en tant qu'être libre. Nous sommes une liberté qui choisit mais nous ne choisissons pas d'être libres (Sartre, Être et Néant,1943, p. 565).
Prononc. et Orth. : [libε ʀte]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Début xiiies. philos. liureteit « pouvoir qu'a la volonté de se déterminer sans subir aucune contrainte » (Sapientia ds Dialogue Grégoire, éd. W. Foerster, p. 289, 18); 2. 1266 libertés « immunités, franchises » (Charte de franch. octr. à la ville d'Orgelet, Tuetey, Ét. sur le dr. munic. en Fr.-Comté, p. 189 ds Gdf. Compl.); 3. ca 1355 liberté « degré le plus élevé d'indépendance reconnu à un groupe social » (Bersuire ms. B.N. no20312 ter, f. 27 verso ds Littré); 1765 liberté naturelle (Encyclop. t. 9); 4. 1324 « condition de l'homme qui ne dépend pas d'un maître » (Lett. de Ch. le Bel, A.N. JJ 62, fo178 rods Gdf. Compl., s.v. franchise); 5. 1365 liberteit « état de quelqu'un qui n'est pas prisonnier » (Psautier Lorrain, éd. Fr. Apfelstedt, XVII, 19); ca 1393 liberté « état de quelqu'un qui n'a pas d'engagement » (Ménagier, éd. Sté Bibliophiles fr., t. 1, p. 100); 6. id. liberté de + inf. « possibilité pour quelqu'un d'agir sans contrainte » (op. cit., t. 1, p. 101); 1538 « absence de toute contrainte sociale ou morale; hardiesses en paroles » (Est.); 1680 prendre des libertés (avec une femme) (Rich. qui cite Maucroix, Schisme, 1. I, dont le privilège est de 1675); 7. 1538 liberté « jouissance de droits politiques accordés à tout homme reconnu comme citoyen » (Est.); 1694 liberté publique (Ac.); 1748 liberté politique (Montesquieu, Esprit des Loix, livre XI, chap. VI); 1753 liberté de la presse (Argenson, Journ., VIII, p. 43 ds Brunot t. 6, p. 129, note 4); 1763 liberté de penser (Voltaire, Traité sur la tolérance ds Mélanges, éd. J. van den Heuvel, p. 585); 1787 liberté individuelle (De Lolme, Constitution d'Angleterre, t. 1, p. 33 ds Brunot t. 6, p. 128, note 6). Empr. au lat.libertas, -atis « état de celui qui n'est pas esclave » « état de celui qui jouit de ses droits de citoyen » « état d'un peuple qui n'est pas soumis à une autorité arbitraire (ou extérieure) » « pouvoir de se déterminer soi-même » et « indépendance de quelqu'un dans son comportement et ses paroles » d'où « hardiesse, franc parler », également attesté en lat. médiév. au sens de « privilège, charte conférant un statut privilégié » (1002 ds Nierm.). Fréq. abs. littér. : 14 849. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 30 941, b) 16 313; xxes. : a) 12 701, b) 20 369. Bbg. Antoine (G.). Liberté, égalité, fraternité. Paris, 1981, pp. 21-35, 51. - Dub. Pol. 1962, pp. 333-334. - Maulnier (Th.). Le Sens des mots. Paris, 1976, pp. 141-144. - Quem. DDL t. 11. - Ritter (E.). Les Quatre dict. fr. B. Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 450. - Vardar (B.). Ét. lexicol. d'un champ not. Istanbul, 1969, 190 p.; Soc. pol. 1973 [1970], pp. 259-262.

Wiktionnaire

Nom commun - français

liberté \li.bɛʁ.te\ féminin

  1. Pouvoir inaliénable de l’individu, droit qu’il a de disposer de sa personne ; capacité des individus et des organisations qu’ils forment à agir sans restrictions, autre que celles imposées par la loi. Note : Ce sens est souvent écrit avec une majuscule, Liberté, pour lui donner un caractère allégorique ou emphatique.
    • En définissant la liberté, le premier des biens de l’homme, le plus sacré des droits qu’il tient de la nature, vous avez dit avec raison qu’elle avait pour borne les droits d’autrui. — (Robespierre, Propositions d’articles additionnels à la déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen, le 24 avril 1793 à la Convention.)
    • La liberté est le pouvoir qui appartient à l’homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d’autrui : elle a pour principe la nature ; pour règle la justice ; pour sauvegarde la loi ; sa limite morale est dans cette maxime : « Ne fais pas à un autre ce que tu ne veux pas qu’il te soit fait. » — (Article 6. de la Constitution française du 24 juin 1793)
    • Sachent donc ceux qui l’ignorent, sachent les ennemis de Dieu et du genre humain, quelque nom qu’ils prennent, qu’entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime, et la loi qui affranchit. Le droit est l’épée des grands, le devoir est le bouclier des petits. — (Henri-Dominique Lacordaire, 52e Conférence de Notre-Dame, 1848)
    • …tel était le coin de vie personnelle où se réfugiaient ces hommes qui, pour la sécurité du pain et de la paillasse, vendaient leur liberté, la dernière des libertés humaines : aller où l’on veut, choisir le fossé où l’on subira les affres de la faim, la morsure du froid… — (Isabelle Eberhardt, Le Major, 1903)
    • « Liberté », un de ces mots qui s’écrivent avec une majuscule, parce qu’ils renferment un monde d’émotions. — (Rose-Marie Mossé-Bastide, La liberté, 1966, introduction)
    • Le vrai sentiment de liberté vient autant de ce qu’on pourrait faire que de ce qu’on fait effectivement. La liberté est bien plus grande que le désir, bien plus grande que l’envie, bien plus grande que les capacités humaines, bien plus grande que nos forces et que le temps qui nous est donné. — (Paul Fournel, Paul Fournel : « Ma chère petite-fille, veille à te protéger de ceux qui en voulant te protéger entravent ta vraie liberté », Le Monde. Mis en ligne le 14 juin 2020)
  2. Chacun des droits qu’un tel pouvoir implique.
    • Il faut entrer de force dans le domicile du citoyen: il faut arrêter administrativement l’homme qui ne peut être arrêté qu’en vertu d’une loi ; il faut violer la liberté de l’opinion et la liberté individuelle; il faut en un mot mettre en péril la constitution même de l’État. — (Résumé politique, dans L’Ambigu : ou Variétés littéraires et politiques, volume 56, 1818, page 243)
    • La liberté, parlons d’elle avant que cela ne devienne subversif, car la liberté de dire et d’écrire ce que nous pensons est une faveur trop précieuse pour ne pas provoquer la jalousie du destin. — (Julien Green, Liberté, Julliard, collection Idée fixe, Paris, 1974, page 9)
  3. Possibilité qu’a en pratique une personne, un animal, ou parfois une chose, de penser sans contraintes, d’agir selon son bon vouloir, de se mouvoir sans contrainte.
    • Othon s’était élancé dans le fleuve, non pas pour y chercher la mort, mais la liberté. — (Alexandre Dumas, Othon l’archer, 1839)
    • C’est un phénomène remarquable que la grande liberté d’esprit qui a pu coexister en France avec la plus grande soumission politique, et rien n’est pourtant plus explicable. — (Émile Montégut,Du génie français dans La Revue des deux mondes‎, T.9, 1857, page 141)
    • La liberté de penser devait donc se compléter par la liberté d’agir. La première liberté avait été conquise sur la théocratie ayant pour chef visible le pape : la seconde fut conquise sur l’aristocratie ayant pour représentant suprême le roi.
      La liberté d’agir contenait en elle-même une foule de libertés, liberté d’aller et de venir, liberté de se vêtir, liberté de produire, liberté d’échanger, liberté d’aimer.
      — (François-Victor Hugo, La Normandie inconnue, 1857, §.13, page 279)
    • Or savez-vous quels sont ses deux instincts naturels, irrésistibles dans l’ordre psychique ? c’est l’amour et la liberté. Ces deux instincts naturels se sont socialement combattus jusqu’à présent ; il a fallu que l’homme immolât ou plutôt subordonnât l’un à l’autre. — (Alexandre Dumas fils, La question du divorce, 1880, 12e éd., page 131)
    • Qu’on y ajoute une liberté extrême laissée aux enfants qui sortent sans solliciter la permission, se déplacent dans la classe à leur gré, […]. — (Jean Rogissart, Passantes d’Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958)
  4. Permission.
    • Je prends la liberté de vous rappeler votre promesse.
    • J’ai pris la liberté de vous écrire.
    • Je prends la liberté de n’être pas de votre avis.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

LIBERTÉ. n. f.
Le pouvoir d'exercer sa volonté, en agissant ou n'agissant pas. Agir dans toute l'étendue de sa liberté. Liberté d'aprouver et de contredire. Il se dit particulièrement, en termes de Métaphysique, du Libre arbitre, de la faculté donnée à l'âme de choisir entre divers mobiles, de se déterminer pour l'un ou pour l'autre. La question de la liberté a été débattue par la plupart des écoles de philosophie. Sans la liberté, il n'y aurait point de moralité dans les actions des hommes. Liberté d'indifférence, Faculté attribuée à l'homme par certains philosophes de se décider indépendamment de tout motif de décision. Liberté naturelle, Pouvoir que l'homme a naturellement d'employer ses facultés à faire ce qu'il regarde comme devant lui être utile ou agréable. Dans l'état social, la liberté naturelle est restreinte par les lois d'utilité commune, par la morale, par la distinction du droit et du devoir. Liberté civile, Pouvoir de faire tout ce qui n'est pas défendu par les lois. Liberté politique, ou simplement Liberté, Jouissance des droits politiques accordés à chaque citoyen dans les pays qui ne sont pas soumis à un pouvoir absolu. Liberté de conscience, Droit que tout homme a d'adopter les opinions religieuses qu'il croit conformes à la vérité, sans pouvoir être inquiété à cet égard par l'autorité publique. Liberté des cultes, Droit que les fidèles des diverses religions ont d'exercer publiquement leur culte et d'enseigner leur doctrine. Liberté de penser, Droit de manifester sa Liberté d'écrire, Droit de manifester par écrit sa pensée. Liberté de la presse, Droit de manifester sa pensée par la voie de l'impression, et surtout par la voie des journaux. Liberté d'enseignement, Droit que les citoyens, munis des diplômes requis par la loi, ont d'ouvrir et d'administrer des établissements privés d'enseignement primaire, secondaire ou supérieur. Liberté d'association, Droit qu'ont les citoyens d'un État de constituer des associations conformément aux lois. Liberté individuelle, Droit que chaque citoyen a de n'être privé de la liberté de sa personne que dans les cas prévus et selon les formes déterminées par la loi. Les lois garantissent aux Français leur liberté individuelle. Liberté du commerce, Faculté que les commerçants ont d'acheter et de vendre, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, sans être soumis à des lois gênantes, à des règlements prohibitifs. Liberté des mers, Droit que toutes les nations ont de naviguer librement sur les mers.

LIBERTÉ se dit souvent par opposition à Servitude et signifie l'État d'une personne de condition libre. Dans les temps anciens, ceux qui étaient pris à la guerre perdaient leur liberté et devenaient esclaves. Recouvrer, racheter sa liberté. Donner la liberté à un esclave. Il se dit aussi par opposition à Captivité, emprisonnement. Il était prisonnier de guerre, on l'a laissé en liberté sur parole. On a rendu la liberté aux prisonniers. L'inculpé a été en liberté provisoire. Racheter sa liberté moyennant une forte rançon. Le prévenu a été mis en liberté à la charge de donner caution. Donner la liberté à un oiseau. Il se dit encore par opposition à Contrainte physique ou morale. Un rhumatisme lui ôte la liberté de ses membres, de ses mouvements. Parler, agir en toute liberté, avec liberté. La liberté de la conversation. On jouit d'une grande liberté dans cette maison. Il signifie aussi Indépendance de caractère, d'état, de conduite. Il ne se met à la suite de personne; il aime trop sa liberté. Engager sa liberté, la perdre. Liberté d'esprit, État d'un homme qui a l'esprit dégagé de toute préoccupation. Je n'ai pas la liberté d'esprit nécessaire pour m'occuper de ce travail. Liberté de langage, liberté de parole, ou simplement Liberté, Franchise, hardiesse. Sous l'Empire romain, parler avec liberté, c'était s'exposer à la mort. Il a toute la liberté de langage d'un homme qui ne dépend de personne. On dit aussi Liberté de plume.

LIBERTÉ se prend encore pour Manière d'agir libre, familière, hardie. Dans cette acception, il se dit en bien et en mal et s'emploie souvent au pluriel. Agir avec une honnête liberté. Se donner, se permettre des libertés. Il prend trop de libertés avec ses supérieurs. Prendre des libertés avec une femme. Par plaisanterie, Liberté grande, Permission que l'on s'accorde d'agir, de parler, avec une familiarité hardie. Je vous demande pardon de la liberté grande. Dans la conversation, on dit souvent, par politesse et pour s'excuser, J'ai pris, je prends, je prendrai la liberté de faire telle chose, pour dire J'ai fait, je fais, je ferai telle chose. Je prends la liberté de vous rappeler votre promesse. J'ai pris la liberté de vous écrire. Je prends la liberté de n'être pas de votre avis. Demander la liberté de, Demander la permission de. Je vous demande la liberté de vous écrire, de me promener dans votre jardin. Il signifie en outre Facilité, aisance dans les mouvements du corps. Il a une grande liberté d'action, de mouvement, de geste, de parole. Il fait tout avec beaucoup de liberté et de grâce. En termes de Beaux-Arts, Il y a une grande liberté de pinceau dans ce tableau, de trait dans ce dessin, de burin dans cette gravure. Dans ce sens, il se dit aussi en parlant des Choses inanimées. Ce ressort n'a pas assez de liberté, ne joue pas avec assez de liberté.

LIBERTÉS, au pluriel, signifie Franchises, immunités. La conquête fit perdre à cette province toutes ses libertés. Les libertés des communes. Les libertés municipales. Les libertés de l'Église gallicane, Les libertés que revendiquaient, à l'endroit du Saint-Siège, pour l'ancienne l'Église de France, les théologiens gallicans, les rois et les Parlements. En termes de Manège, Sauteur en liberté, Cheval dressé à faire des sauts pour accoutumer le cavalier à se tenir ferme en selle. On dit dans le même sens Présenter un cheval en liberté, Présenter un cheval dressé à faire des exercices sans harnachement.

Littré (1872-1877)

LIBERTÉ (li-bèr-té) s. f.

Résumé

  • 1° Condition de l'homme qui n'appartient à aucun maître.
  • 2° Se dit par opposition à captivité.
  • 3° Se dit par opposition à clôture dans un établissement, dans un couvent, etc.
  • 4° Liberté naturelle.
  • 5° Liberté politique, ou, simplement, liberté ; liberté de commerce, des mers.
  • 6° La Liberté, divinité.
  • Au plur. Immunités.
  • 8° Liberté de l'Évangile.
  • 9° Pouvoir d'agir ou de n'agir pas.
  • 10° Libre arbitre.
  • 11° État d'une personne qui n'a aucun assujettissement.
  • 12° État d'un cœur libre.
  • 13° Absence de contrainte.
  • 14° Liberté d'esprit.
  • 15° Liberté de langage.
  • 16° Manière d'agir familière, ou dans laquelle on ne se contraint point.
  • 17° Permission, congé, licence.
  • 18° Licence poétique.
  • 19° Aisance dans les mouvements et les opérations.
  • 20° Aisance avec laquelle se meuvent les choses inanimées.
  • 21° Liberté de ventre.
  • 22° Liberté de langue, en termes de manége.
  • 23° En liberté, sans gêne, sans obstacle.
  • 24° Filet qui sert à élever et à baisser les brins de cannes dont on fait des fauteuils.
  • 1Condition de l'homme qui n'appartient à aucun maître. Dans l'antiquité, ceux qui étaient pris à la guerre perdaient leur liberté et devenaient esclaves. L'Angleterre et la France ont donné la liberté aux nègres esclaves. La liberté est la propriété de soi ; on distingue trois sortes de libertés : la liberté naturelle, la liberté civile, la liberté politique ; c'est-à-dire la liberté de l'homme, celle du citoyen et celle d'un peuple, Raynal, Hist. phil. XI, 24.
  • 2Se dit par opposition à captivité. Il était prisonnier de guerre ; on l'a laissé en liberté sur parole. Contraint de racheter sa liberté après une longue prison durant les guerres d'Allemagne, Fléchier, Duc de Mont. Ne craignez pas que je vous fasse un triste récit de nos divisions domestiques [la Fronde], et que je parle ici de rétablissements et d'éloignements, de prisons et de libertés, de réconciliations et de ruptures, Fléchier, le Tellier.

    Liberté provisoire, sous caution, droit accordé au prévenu d'obtenir son élargissement, à la charge par lui de fournir des garanties qu'il ne cherchera pas à fuir.

    On emploie aussi liberté en parlant des animaux. Donner la liberté à un oiseau. La nature, dans le genre de vie qu'elle lui a prescrite [à un certain oiseau], paraît l'avoir éloigné de toute vie commune avec l'homme, et lui avoir assuré, après le plus grand des biens, le seul qui en répare la perte, la liberté ou la mort, Buffon, Oiseaux, t. VIII, p. 352.

    En termes de chimie et fig. Mettre un corps en liberté, le dégager d'une combinaison dans laquelle il était comme captif.

  • 3Il se dit par opposition à clôture dans un établissement, dans un couvent, etc. L'asile [un monastère] qu'elle avait choisi pour défendre sa liberté devint un piége innocent pour la captiver, Bossuet, Anne de Gonz. Elle eut pu renoncer à sa liberté si on lui eût permis de la sentir, Bossuet, ib.
  • 4 Terme de droit naturel. Liberté naturelle, pouvoir que l'homme a naturellement d'employer ses facultés comme il lui convient.
  • 5 Terme de droit politique. Liberté politique, ou, simplement, liberté, jouissance des droits politiques que la constitution de certains pays accorde à chaque citoyen ; condition d'un État où le pouvoir exécutif est soumis au contrôle, direct ou indirect, des citoyens, par opposition aux États où le pouvoir est absolu ou despotique. La liberté jamais ne cesse d'être aimable, Corneille, Cinna, II, 2. Quand une fois on a trouvé le moyen de prendre la multitude par l'appât de la liberté, elle suit en aveugle, pourvu qu'elle en entende seulement le nom, Bossuet, Reine d'Anglet. Combien fut affermi dans l'amour de la liberté un peuple qui voyait ce consul sévère [Brutus] immoler à la liberté sa propre famille ! Bossuet, Hist. III, 6. Quoique Rome fût née sous un gouvernement royal, elle avait, même sous ses rois, une liberté qui ne convient guère à une monarchie réglée, Bossuet, ib. Vous verrez dans une seule vie toutes les extrémités des choses humaines, la majesté violée par des attentats jusqu'alors inconnus, l'usurpation et la tyrannie sous le nom de liberté…, Bossuet, Reine d'Anglet. Sous ce nom de liberté, les Romains se figuraient avec les Grecs un État où personne ne fût sujet que de la loi et où la loi fût plus puissante que les hommes, Bossuet, Hist. III, 6. Étaient-ce [les troubles de la Fronde] les derniers efforts d'une liberté remuante qui allait céder la place à l'autorité légitime ? Bossuet, Anne de Gonz. Il n'y a point de mot qui ait reçu plus de différentes significations que celui de liberté ; les uns l'ont pris pour la facilité de déposer celui à qui ils avaient donné un pouvoir tyrannique ; les autres, pour la faculté d'élire celui à qui ils devaient obéir ; d'autres, pour le droit d'être armés et de pouvoir exercer la violence ; ceux-ci, pour le privilége de n'être gouvernés que par un homme de leur nation ou par leurs propres lois… ceux qui avaient goûté du gouvernement républicain l'ont mise dans ce gouvernement ; ceux qui avaient goûté du gouvernement monarchique l'ont placée dans la monarchie, Montesquieu, Esp. XI, 2. Rien n'attire plus les étrangers que la liberté et l'opulence qui la suit toujours, Montesquieu, Lett. pers. 122. Il y a une nation dans le monde [les Anglais] qui a pour objet direct de sa constitution la liberté politique, Montesquieu, Esp. XI, 5. Pourquoi la liberté est-elle si rare ? parce qu'elle est le premier des biens, Voltaire, Dict. phil. Venise. Crois-moi, la liberté, que tout mortel adore, Donne à l'homme un courage, inspire une grandeur Qu'il n'eût jamais trouvés dans le fond de son cœur, Voltaire, Brut. I, 3. La liberté consiste à ne dépendre que des lois, Voltaire, Polit. et législ. Pens. admin. publ. Le droit le plus sacré des mortels généreux, La liberté…, Voltaire, Tancr. I, 1. La simplicité d'expression est un des caractères de la liberté ; cette observation ne paraîtra minutieuse qu'à ceux à qui elle est nécessaire, Mirabeau, Collection, t. I, p. 453. Il serait fort aisé d'enchaîner toute espèce de liberté en exagérant toute espèce de danger, Mirabeau, ib. t. V, p. 261.

    On dit dans le même sens : liberté publique. La protection accordée aux lettres [sous l'ancienne monarchie] était un éclat pour le trône ; les lettres elles-mêmes étaient la seule liberté publique alors autorisée, Villemain, Littér. fr. 18e siècle, 2e part. 2e leçon.

    Vive la liberté ! cri politique poussé par ceux qui défendent leurs droits contre le pouvoir absolu et aussi l'indépendance nationale contre un envahisseur. Voyez ce drapeau tricolore, Qu'élève en périssant leur courage indompté ; Sous le flot qui les couvre, entendez-vous encore Ce cri : Vive la liberté ! E. Lebrun, le Vengeur. Défendez vos parents, vos sœurs et vos amies Que viennent outrager ces hordes ennemies ; Vive la liberté ! combattons, les voici ! Masson, Helvét. VII.

    En ce sens, il se dit souvent au pluriel. La perte de nos biens et de nos libertés, Corneille, Cinna, I, 3.

    Liberté civile, pouvoir de faire tout ce qui n'est pas défendu par les lois.

    Liberté civile se dit aussi, et plus usuellement, de l'affranchissement, pour les individus, des lois et coutumes oppressives relatives à la vie civile. L'an de Rome 428, les consuls portèrent une loi qui ôta aux créanciers le droit de tenir les débiteurs en servitude dans leurs maisons ; un usurier nommé Papirius avait voulu corrompre la pudicité d'un jeune homme qu'il tenait dans les fers ; le crime de Sextus donna à Rome la liberté politique ; celui de Papirius y donna la liberté civile, Montesquieu, Esp. XII, 21.

    Liberté de conscience, droit d'adopter les opinions religieuses que l'on croit vraies, sans tomber sous le coup d'aucune loi pénale. Me séparant de vous sans savoir que vous répondre, j'ai été sur le point de m'écrier : rendez-moi mon avis que vous m'emportez, et ne nous ôtez pas la liberté de conscience que le roi nous a donnée, Guez de Balzac, liv. IV, lett. 6. Il [le roi d'Angleterre, Jacques II] a déclaré une parfaite liberté de conscience, Sévigné, 13 oct. 1688. Il a établi une pleine liberté de conscience dans ses États, article dont le pour et le contre peut être soutenu en général, et par la politique, et par la religion, Fontenelle, Czar Pierre. Liberté de conscience et liberté de commerce, monsieur, voilà les deux pivots de l'opulence d'un État petit ou grand, Voltaire, Lett. Dupont, 16 juill. 1770.

    Liberté des cultes, droit que les sectateurs des diverses religions ont d'exercer leur culte et d'enseigner leur doctrine.

    Liberté de penser, droit de manifester sa pensée sans contrainte.

    Liberté de penser, signifie aussi manière téméraire de penser sur les matières de religion, de morale, de gouvernement. Ce sens vieillit.

    Liberté d'écrire, droit de manifester sa pensée par écrit et par l'impression.

    Liberté de la presse, droit de manifester sa pensée par la voie de l'impression, et surtout par les journaux. La demi-liberté avec laquelle on commence à écrire en France n'est encore qu'une chaîne honteuse, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 13 oct. 1759. Je ne sais si cette liberté [de la presse] doit être accordée ; mais je pense que, si on l'accorde, elle doit être sans limites et indéfinie, D'Alembert, Lett. au roi de Prusse, 2 mars 1772.

    Liberté individuelle, droit que chaque citoyen a de n'être privé de la liberté de sa personne que dans les cas prévus et selon les formes déterminées par la loi.

    Liberté du commerce, faculté qu'ont les commerçants d'acheter et de vendre, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, sans être soumis à des droits ou à des prohibitions. La liberté du commerce était entière : bien loin de le gêner par des impôts, on promettait une récompense à tous les marchands qui pourraient attirer à Salente le commerce de quelque nouvelle nation, Fénelon, Tél. XI. Liberté des mers, droit que toutes les nations ont de naviguer librement sur les mers. Contre la liberté des mers et la liberté du commerce, des armateurs français leur avaient enlevé [à des négociants] et leurs richesses et le vaisseau qui les portait, Fléchier, Lamoignon.

    Liberté de cour, état des marchands affranchis de la juridiction ordinaire des lieux où ils font leur négoce et pouvant porter les affaires qui les concernent devant un juge de leur nation.

  • 6Nom, chez les Romains, d'une divinité qui était représentée tenant un sceptre d'une main, et de l'autre une pique surmontée d'un bonnet (en ce sens on met une majuscule à Liberté). La Liberté avait un temple sur le mont Aventin.

    Chez les modernes, personnification de la liberté. Mon lac [le lac de Genève] est le premier ; c'est sur ses bords heureux Qu'habite des humains la déesse éternelle, L'âme des grands travaux, l'objet des nobles vœux, Que tout mortel embrasse ou désire ou rappelle, Qui vit dans tous les cœurs et dont le nom sacré Dans les cours des tyrans est tout bas adoré, La Liberté…, Voltaire, Ép. LXXVI. L'enfer de la Bastille, à tous les vents jeté, Vole, débris infâme et cendre inanimée ; Et de ces grands tombeaux la belle Liberté, Altière, étincelante, armée, Sort…, Chénier, le Jeu de paume. De quel éclat brillaient dans la bataille Ces habits bleus par la victoire usés ! La Liberté mêlait à la mitraille Des fers rompus et des sceptres brisés, Béranger, Vieux serg. Cet usurpateur effronté [Napoléon 1er] Qui serra sans pitié sous les coussins du trône La gorge de la Liberté, Barbier, l'Idole. Je suis fils de ce siècle ; une erreur chaque année S'en va de mon esprit, d'elle-même étonnée ; Et, détrompé de tout, mon culte n'est resté, Qu'à vous, sainte patrie et sainte Liberté, Hugo, Feuilles d'automne, XL.

    Pendant la révolution, statue de la Liberté qu'on avait substituée sur les places à celle des rois, et femme qui, dans les fêtes révolutionnaires, représentait la Liberté. Est-ce bien vous, vous que je vis si belle, Quand tout un peuple, entourant votre char, Vous saluait du nom de l'immortelle Dont votre main brandissait l'étendard ? …Oui, vous étiez déesse, Déesse de la Liberté, Béranger, la Déesse.

    Une Liberté, une statue, une image, un tableau de la liberté.

  • 7 Au plur. Immunités, franchises. Les libertés des communes.

    Libertés de l'Église gallicane, usage dans lequel les catholiques de France sont de suivre la discipline établie par les canons des cinq ou six premiers siècles de l'Église, préférablement à celle qui a été introduite postérieurement, en vertu des vraies ou des fausses décrétales des papes, par lesquelles leur autorité sur les Églises d'Occident était poussée beaucoup plus loin que dans les siècles précédents (BERGIER, Théologie). Les jaloux de la France n'auront pas éternellement à lui reprocher les libertés de l'Église toujours employées contre elle-même ? Bossuet, le Tellier. La France conserva ce qu'on appelle les libertés de son Église, qui sont en effet les libertés de sa nation, Voltaire, Mœurs, 183.

  • 8 Terme de théologie. Liberté de l'Évangile, affranchissement du joug des cérémonies et des autres pratiques de la loi de Moïse.
  • 9Pouvoir d'agir ou de n'agir pas. D'une frayeur mortelle à peine encor remise, Pardonnez, grand héros, si mon étonnement N'a pas la liberté d'aucun remercîment, Corneille, Andromède, III, 3. Est-ce que cette créance est peu importante, et que vous abandonnez à la liberté des hommes de croire que la grâce efficace est nécessaire ou non ? Pascal, Prov. II. Déçue par la liberté dont elle a fait un mauvais usage, l'âme songe à se contraindre de toutes parts, Bossuet, la Vallière. Ceux qui ne songent pas qu'il y a une mauvaise liberté louent les auteurs de ces livres [livres de critique sur l'Ancien et le Nouveau Testament] comme gens libres et désabusés des préjugés communs, Bossuet, Défense de la tradition, préface . Il leur laissait [à ses amis], dans l'agréable commerce qu'il avait avec eux, toute la liberté qu'il prenait lui-même, de soutenir leurs opinions, et ne leur interdisait que la flatterie, Fléchier, Duc de Mont. C'était sa maxime… qu'il est inhumain de s'en prendre aux gens à qui la crainte et le respect ôtent la liberté de se défendre et de se plaindre, Fléchier, Dauphine. Mais, seigneur, je n'ai point la liberté du choix, Voltaire, Œdipe, II, 4.
  • 10 Terme de philosophie. Libre arbitre, faculté qu'a l'homme de se décider comme il lui convient. Oh ! qu'heureux sont ceux qui, avec une liberté entière et une pente invincible de leur volonté, aiment parfaitement et librement ce qu'ils sont obligés d'aimer nécessairement ! Pascal, Prière pour le bon usage des maladies. Le bon usage de la liberté, quand il se tourne en habitude, s'appelle vertu ; et le mauvais usage de la liberté, quand il se tourne en habitude, s'appelle vice, Bossuet, Connaiss. I, 19. Nous exerçons une espèce de basse liberté en nous promenant d'une passion à une autre, et ne sortant jamais de cette basse sphère, pour ainsi parler, ni de cet élément grossier, Bossuet, Élévat. sur les myst. IV, 8. Cette erreur abominable d'ôter à la créature toute liberté, et de faire Dieu en termes formels auteur de tous les péchés, comment la pardonnez-vous à Luther ? Bossuet, 6e avert. III, 36. Je ne peux concevoir l'accord de la prescience et de la liberté, je l'avoue ; mais dois-je pour cela rejeter la liberté ? Voltaire, Lett. Prince roy. de Pr. 8 mars 1738. J'appelle liberté le pouvoir de penser à une chose ou de n'y pas penser, de se mouvoir ou de ne se mouvoir pas, conformément au choix de son propre esprit, Voltaire, ib. oct. 1737. À cela Cicéron n'aurait répondu que par une catilinaire ; en effet, il faut convenir qu'on ne peut guère répondre que par une éloquence vague aux objections contre la liberté ; triste sujet sur lequel le plus sage craint même d'oser penser, Voltaire, Phil. Newt. part. I, ch. 4.

    Liberté d'indifférence, faculté attribuée à l'homme par certains philosophes de se décider, indépendamment de tout motif de décision. Il n'est point de liberté d'indifférence, puisqu'il n'est point de volonté d'indifférence ; la liberté est le pouvoir d'exécuter sa volonté : le pouvoir est donc soumis à la volonté, Bonnet, Ess. analyt. âme, Œuv. t. XIV, p. 13, dans POUGENS.

    Terme de dogmatique. Liberté de contrariété, la liberté de choisir entre le bien et le mal. Liberté de contradiction, liberté de faire ou de ne pas faire une chose déterminée. Liberté prochaine, pouvoir d'exécuter une chose sur-le-champ. Liberté éloignée, celle qui est gênée par des obstacles. Liberté de la justice, la justification que Jésus-Christ a procurée aux hommes par sa mort.

  • 11État d'une personne qui n'a aucun assujettissement, qui garde son indépendance. Il ne s'est jamais marié, et il a voulu garder sa liberté. S'il avait accepté cette place, il aurait fallu qu'il sacrifiât sa liberté. Qu'heureux est le mortel… Qui de la liberté forme tout son plaisir, Et ne rend qu'à lui seul compte de son loisir ! Boileau, Ép. VI. Est-ce un bien pour l'homme que la liberté, si elle peut être trop grande et trop étendue, telle enfin qu'elle ne serve qu'à lui faire désirer quelque chose, qui est d'avoir moins de liberté ? La Bruyère, XII. La liberté n'est pas oisiveté ; c'est un usage libre du temps, c'est le choix du travail et de l'exercice, La Bruyère, XII. Être libre en un mot n'est pas ne rien faire ; c'est être seul arbitre de ce qu'on fait, ou de ce qu'on ne fait point ; quel bien en ce sens que la liberté ! La Bruyère, XII.
  • 12État d'un cœur libre, exempt de passion. Cette femme lui a fait perdre sa liberté. Et mille libertés à vos chaînes offertes, Molière, l'Ét. V, 13. Je vois d'ici des yeux qui ont la mine… de faire insulte aux libertés, Molière, Préc. 10. S'ils n'ont point de bonheur, en est-il sur la terre ? Quel mortel, inhabile à la félicité, Regrettera jamais sa triste liberté, Si jamais des amants il a connu les chaînes ? Chénier, Élég. XXVI.
  • 13Absence de contrainte. Les règles de l'étiquette nuisent à la liberté de la conversation. On jouit à la campagne de plus de liberté qu'à la ville. Prenez donc en ces lieux liberté tout entière, Corneille, Pomp. III, 5. Laissez donc cette reine en pleine liberté, Corneille, Nicom. IV, 5. Mettre en liberté ma tristesse et leur joie, Racine, Iphig. II, 1. Eucharis aurait été en pleine liberté avec Télémaque, Fénelon, Tél. VII.
  • 14Liberté d'esprit, état d'une personne qu'aucune préoccupation n'assiége. Je n'ai pas la liberté d'esprit nécessaire pour m'occuper de ce travail. Elle [la Dauphine] a paru [à la cour] dès le premier moment avec la même liberté d'esprit et d'action que si elle était née au Louvre, Scudéry, les Conversations, dialogue. Il perd la liberté de son esprit, Fénelon, Tél. XI. Il lui fut impossible de retrouver la moindre liberté d'esprit dans tout le reste de la soirée, Genlis, Mme de Maintenon, t. II, p. 156, dans POUGENS.

    On dit de même : avoir l'esprit en liberté. J'ai l'esprit fort en liberté du côté de la guerre, Sévigné, 301.

  • 15Liberté de langage, ou, simplement, liberté, hardiesse à dire ce qu'on pense. Il a parlé au prince avec une grande liberté. Tertullien a bien osé dire qu'ils [les empereurs] n'étaient pas capables d'y être reçus [dans l'Église] ; vous allez être étonnés de la liberté de cette parole…, Bossuet, Panég. St Thomas, 2. Je répondrai, madame, avec la liberté D'un soldat qui sait mal farder la vérité, Racine, Brit. I, 2.

    Donner liberté à sa plume, écrire sans réticence ce qu'on pense. Je suis au désespoir d'avoir donné liberté à ma plume sur ce sujet [le libre arbitre et la Providence], Sévigné, t. X, p. 544, éd. RÉGNIER.

  • 16Manière d'agir familière, ou dans laquelle on ne se contraint pas. Agir avec une honnête liberté. La liberté que vos docteurs se donnent d'examiner les choses, Pascal, Prov. V. On peut prendre la liberté de dire au moins ses volontés, Sévigné, 139. Je prends la liberté de me moquer de lui, Sévigné, 602. Quelle liberté s'est-elle donnée qui pût, je ne dis pas mériter une censure, mais souffrir une mauvaise interprétation ? Fléchier, Mar.-Thér. Un flatteur prit la liberté de lui parler à l'oreille, Fénelon, Tél. XI.

    Il se dit dans ce sens très souvent au pluriel. Ma sœur, je vous demande un généreux pardon, Si de mes libertés j'ai taché votre nom, Molière, Éc. des m. III, 10. Quel droit n'aurais-je pas, mes chers auditeurs, de vous reprocher aujourd'hui, je ne dirai pas de semblables libertés, mais des libertés bien plus dangereuses ? Bourdaloue, Sur le scandale, 1er avent, p. 103. Vous abusez, Créon, de l'état où nous sommes ; Tout vous semble permis, mais craignez mon courroux, Vos libertés enfin retomberont sur vous, Racine, Théb. I, 5. Anacharsis ne pouvait souffrir les libertés que chacun se donnait dans les festins, Fénelon, Anacharsis. Parler sans cesse à un grand que l'on sert… faire le familier, prendre des libertés, marque mieux un fat qu'un favori, La Bruyère, II. Un de ces jeunes gens dit : S'il fallait prendre des libertés avec la reine ou avec Mme Scarron, je ne balancerais pas, j'en prendrais plutôt avec la reine, Mme de Caylus, Souvenirs, p. 14, dans POUGENS. Ibrahim tombe des nues, quand il voit le faux lbrahim dans toutes les libertés d'un maître, Montesquieu, Lett. pers. 141. On a vu le lion dédaigner de petits ennemis et leur pardonner des libertés offensantes, Buffon, Morceaux choisis, p. 216.

    Prendre des libertés avec une femme, se permettre des paroles ou des actions entreprenantes.

    Dans la conversation on dit souvent par politesse : J'ai pris, je prends, je prendrai la liberté de faire telle chose, pour dire : j'ai fait, je fais, je ferai telle chose.

    Demander la liberté, demander la permission.

    Liberté grande, se dit, par plaisanterie, de quelque acte, de quelque parole trop peu réservée ou respectueuse. Je proposai à mon homme de jouer une petite pistole au trictrac, en attendant que nos gens eussent soupé ; ce ne fut pas sans beaucoup de façons qu'il y consentit, en me demandant pardon de la liberté grande, Hamilton, Gramm. 3.

  • 17Permission, congé, licence. Quand on n'écoute plus la tradition… la vérité n'a plus la liberté de paraître, Pascal, Pens. XXIII, 37, éd. HAVET. Vous aurez la liberté de dire qu'un juge peut en conscience retenir ce qu'il a reçu pour faire une injustice, sans qu'on ait la liberté de vous contredire, Pascal, Prov. X. Je vous assure que personne du monde n'en apprendra rien par nous, que vous ne nous en donniez la liberté, Sévigné, 11 sept. 1680. Je demandai la liberté d'être seule, Sévigné, 6 févr. 1671. Il [le roi d'Angleterre] a parlé à ses milords, donné liberté aux moins affectionnés, et renouvelé l'attachement des plus fidèles, Sévigné, 13 oct. 1688. Leur antiquité [des anciennes familles], en remontant plus loin aux siècles passés dont la mémoire est toute effacée, a donné aux hommes une plus grande liberté de feindre, Bossuet, Gornay.
  • 18Liberté, se dit quelquefois pour licence poétique. Si ces libertés ne sont pas permises aux poëtes, et surtout aux poëtes de génie, il ne faut point faire de vers, Voltaire, Comm. Corn. Rem. Hor. I, 4.
  • 19Aisance dans les mouvements et les opérations. Une douleur de rhumatisme lui ôte la liberté de ses membres. Il fait tout avec beaucoup de liberté et de grâce. Combien de temps, de règles, d'attention et de travail pour danser avec la même liberté et la même grâce que l'on sait marcher ! La Bruyère, XII. Dans un être animé, la liberté des mouvements fait la belle nature, Buffon, Cheval.

    Terme de beaux-arts. Liberté de pinceau, de crayon, de burin, facilité avec laquelle l'artiste manie ces instruments.

  • 20Se dit aussi de l'aisance avec laquelle se meuvent les choses inanimées. Ce ressort n'a pas assez de liberté.
  • 21Liberté de ventre, facilité avec laquelle le ventre fait ses fonctions.
  • 22 Terme de manége. Liberté de langue, espèce d'arcade pratiquée dans le canon du mors à l'effet de loger la langue du cheval.
  • 23En liberté, loc. adv. Sans gêne, sans obstacle. Agir en liberté, en pleine liberté. Je veux laisser chacun en liberté de ses sentiments, Corneille, Ex. de Rodog. Et souffre que ma haine agisse en liberté, Corneille, M. de Pomp. V, 6. Je fus en liberté de le voir, Pascal, dans COUSIN. Elle-même a choisi cet endroit écarté Où nos cœurs à nos yeux parlent en liberté, Racine, Baj. I, 1. Osez-vous en ces lieux gémir en liberté ? Voltaire, Orph. II, 2.

    Terme de manége. Sauteur en liberté, cheval dressé à faire des sauts pour accoutumer le cavalier à se tenir ferme en selle.

  • 24Filet qui sert à élever et à baisser les brins de cannes dont on fait des fauteuils, pour faciliter le passage d'une aiguille de même matière.

    PROVERBE

    Liberté et pain cuit, c'est-à-dire on est heureux lorsqu'on a l'indépendance et une existence assurée.

HISTORIQUE

XIVe s. L'orgueil du roy Tarquin avoit esté cause que la liberté nouvellement acquise fust plus agreable au peuple romain, Bercheure, f° 27, verso. L'ame des bestes humaines ne puet morir, et Dieu aime tant beste humaine, qu'il lui a donné celle liberté [libre arbitre], Modus, f° XX. Que ta liberté passée soit un peu refrenée et mise au droit des mariés, Ménagier, I, 6.

XVIe s. À fin que la liberté d'ordonner, juger et choisir demeurast au maistre, Montaigne, I, 59. L'indocile liberté, Montaigne, I, 97. Ce qu'il y a à dire entre la licence et la liberté, Montaigne, I, 172. Un pauvre moine que l'on pendoit pour avoir esté trouvé faisant la guerre : Helas, messieurs, dit-il, je suis bien marry de n'avoir pas cru que nous avions congé de vivre à discretion de conscience ; il n'osa dire liberté, de peur d'estre estimé huguenot, Moyen de parvenir, p. 13, dans LACURNE. Pour decharger ma nef, j'ay franchement jetté Tout ce qui m'estoit cher, l'ame et la liberté, Et n'ay point de regret d'avoir fait cette perte, Desportes, Cléonice, XXIII. Les bestes (ce m'aid' Dieu), si les hommes ne font trop les sourds, leur crient : Vive liberté ; plusieurs y en a d'entr'elles, qui meurent si tost qu'elles sont prinses, La Boétie, Servit. volont.

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Étymologie de « liberté »

Provenç. libertat ; catal. llibertat ; espagn. libertad ; ital. libertà ; du latin libertatem, de liber, libre.

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Du latin libertas (« état de l’homme libre »), dérivé de liber (« homme libre »).
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Phonétique du mot « liberté »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
liberté libɛrte

Fréquence d'apparition du mot « liberté » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « liberté »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « liberté »

  • Je dois m’attendre à tout – ayant été l’homme le plus haï et le plus adoré du XVIIIe siècle !… Avec de la gaieté – et même de la bonhomie, j’ai eu des ennemis sans nombre – et n’ai pourtant croisé la route de personne. Or, j’ai trouvé la cause de tant d’inimitiés. Dès ma folle jeunesse, j’ai joué de tous les instruments, mais je n’appartenais à aucun corps de musiciens – les musiciens m’ont détesté. J’ai inventé quelques bonnes machines, mais je n’étais pas du corps des mécaniciens – et l’on a dit du mal de moi. Je faisais des vers et des chansons, mais qui m’eût reconnu pour poète ? – j’étais le fils d’un horloger ! N’aimant pas le jeu de loto, j’ai fait des pièces de théâtre, mais on disait : “De quoi se mêle-t-il ? Ce n’est pas un auteur, car il fait d’immenses affaires”. Faute de rencontrer qui voulût me défendre, j’ai imprimé de grands mémoires pour gagner des procès qu’on m’avait intentés. Les avocats se sont écriés : “Peut-on souffrir qu’un pareil homme prouve sans nous qu’il a raison !” J’ai traité avec les ministres de grands points de réformation dont nos finances avaient besoin, mais l’on disait encore : “De quoi se mêle-t-il, puisqu’il n’est point financier ?” Luttant contre tous les pouvoirs, j’ai relevé l’art de l’imprimerie française par les superbes éditions de Voltaire – mais je n’étais pas imprimeur et j’ai eu tous les marchands pour adversaires. J’ai fait le haut commerce dans les quatre parties du monde – mais je ne m’étais point déclaré négociant. J’ai eu quarante navires à la fois sur la mer – mais, n’étant pas un armateur, on m’a dénigré dans nos ports. Un vaisseau de guerre à moi de cinquante-deux canons a eu l’honneur de combattre en ligne avec ceux de Sa Majesté, mais regardé comme un intrus, j’y ai gagné de perdre ma flottille ! De tous les Français, quels qu’ils soient, je suis celui qui a fait le plus pour la liberté de l’Amérique – mais je n’étais point classé parmi les négociateurs…
    Sacha Guitry — Beaumarchais
  • Liberté : Dada, dada, dada, hurlement des couleurs crispées, entrelacement des contraires et de toutes les contradictions, des grotesques, des inconséquences : la Vie.
    Tristan Tzara — « Manifeste Dada 1918 »
  • Il existe aussi une liberté vide, une liberté d'ombres, une liberté qui ne consiste qu'à changer de prison, faite de vains combats entretenus par l'obscurantisme moderne et guidés par le faux jour.
    Jean-Edern Hallier
  • Résistance et obéissance, voilà les deux vertus du citoyen. Par l'obéissance il assure l'ordre ; par la résistance il assure la liberté.
    Émile Chartier, dit Alain — Propos d'un Normand, tome IV , Gallimard
  • Liberté mon seul pirate.
    Aimé Césaire — Cadastre, Batouque , Le Seuil
  • Celui-là seul mérite la liberté et la vie Qui doit chaque jour les conquérir.
    Johann Wolfgang von Goethe — Second Faust, grande cour d'entrée du palais Faust II, großer Vorhof der Palasts
  • La tyrannie du Moyen Âge commença par la liberté. Rien ne commence que par elle.
    Jules Michelet — Histoire de France, tome VII, Introduction
  • Ma liberté se lève dans la nuit.
    Maurice de Guérin — Lettre, à H. de la Morvonnais
  • La liberté, pour l'homme, consiste à faire ce qu'il veut dans ce qu'il peut, comme sa raison consiste à ne pas vouloir tout ce qu'il peut.
    Antoine Rivaroli, dit le Comte de Rivarol — Discours sur l'homme intellectuel et moral
  • Mettez le bonheur dans la liberté, la liberté dans la vaillance.
    Thucydide — Histoire de la guerre du Péloponnèse, II, 43, 4 (traduction J. de Romilly)
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Traductions du mot « liberté »

Langue Traduction
Anglais freedom
Espagnol libertad
Italien la libertà
Allemand freiheit
Chinois 自由
Arabe حرية
Portugais liberdade
Russe свобода
Japonais 自由
Basque askatasuna
Corse libertà
Source : Google Translate API

Antonymes de « liberté »

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Nombre de points du mot liberté au scrabble : 8 points

Liberté

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