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Fuir

Définitions de « fuir »

Trésor de la Langue Française informatisé

FUIR, verbe.

A.− Emploi intrans.
1. [L'accent est mis sur la cause du déplacement (menace, difficulté); le suj. désigne une pers.]
a) Se sauver en toute hâte pour échapper à une personne, à une chose, importunes ou menaçantes. Il ne s'agit pas de nous défendre, il s'agit de fuir (Dumas père, Tour Nesle,1832, I, tabl. 2, 5, p. 22).Où vas-tu, que tu fuis si vite? (Flaub., Tentation,1849, p. 395):
1. ... le colonel (...) un Italien, crut voir que les Français commençaient à plier. Il (...) s'écria : − Français, vous fuyez! France, Vie littér.,t. 1, 1888, p. 203.
b) Au fig. Se dérober aux difficultés, aux devoirs qui pèsent ou indisposent. Incitant parfois à fuir devant les responsabilités (Meynaud, Groupes pression Fr.,1958, p. 215).
2. [L'accent est mis sur la nature du déplacement; le suj. désigne un inanimé]
a) [Le mouvement est réel] S'écouler, s'éloigner à toute vitesse. Au fil de l'an fuit la rivière! (Muselli, Ball. contrad.,1941, p. 116):
2. Si les galaxies fuient avec une vitesse croissante à mesure qu'elles s'éloignent, qu'arrivera-t-il lorsque leur vitesse avoisinera celle de la lumière? Decaux, Mesure temps,1959, p. 23.
Spécialement
MAR. Fuir à la lame; fuir devant le temps, devant le vent. Naviguer vent arrière avec une voilure réduite pour étaler le vent. Avec le fixe, la trinquette, un foc et la misaine de cape, en veillant pour bien prendre les coups de mer, nous fuyons sans trop sortir de notre route (Charcot, Expéd. antarct. fr.,1906, p. 5).
PHYS. [Le suj. désigne un fluide ou un gaz] S'échapper de son enveloppe, de son contenant :
3. Il saigne du nez tous les jours, et chaque goutte de sang qui fuit de ce corps pauvre est une torture pour sa mère. Vercel, Cap. Conan,1934, p. 153.
P. anal.
[En parlant d'une chose concr.] Sa chevelure abondante [de Méniquette], qui fuyait de tous les côtés (Fabre, J. Savignac,1863, p. 208).
[En parlant d'une chose abstr.] Ça c'est vrai, dit Françoise; si on n'est pas déjà au courant, ça [les nouvelles contenues dans les journaux] vous fuit entre les doigts (Beauvoir, Invitée,1943, p. 243).Si la mémoire fuyait, la haine en revanche restait tenace (Druon, Louve Fr.,1959, p. 234).
P. méton. [Le suj. désigne le contenant lui-même] Il raccommoda le baquet qui fuyait (Zola, Germinal,1885, p. 1260).Attention à l'eau. Votre radiateur fuit comme un panier (Saint-Exup., Pilote guerre,1942, p. 319).
b) [Le mouvement est fictif] Donner l'impression de s'éloigner.
α) [Le suj. désigne une chose concr. relative à l'espace]
[Le suj. désigne un paysage que, par un effet d'optique, un observateur mobile voit défiler] Il regardait fuir les poteaux télégraphiques, tâchant de se rendre compte de la vitesse (Zola, Bête hum.,1890, p. 144).
[Le suj. désigne une ligne, un plan de l'espace] S'enfoncer, s'éloigner par un effet de perspective. Un angle de la montagne couvert de bosquets en fleur, à travers lesquels fuient des sentiers en pente rapide (Sand, Lettres voy.,1837, p. 18).Ces chaînes de montagnes qui fuyaient à l'horizon comme de grandes vagues bleues (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 319).
Spéc., PEINT. M. C... me fit remarquer que les fonds ne fuyaient pas assez loin [dans un tableau de Legros] (Baudel., Curios. esthét.,1867, p. 236).
[Le suj. désigne une partie du corps hum.]
Disparaître, s'estomper en donnant une impression d'allongement, de profondeur. Les ventres ambrés qui fuient sous l'ombre des cuisses secrètes (Faure, Hist. art,1921, p. 168):
4. Elle baissa la tête, et il aperçut, sous les frisons, la nuque qui fuyait dans l'échancrure du corsage. Martin du G., Thib.,Pénitenc., 1922, p. 772.
[Le suj. désigne une partie de la tête (front, menton)] S'incliner, s'incurver en arrière. La partie supérieure [du visage de Joudetot] d'expression féline, grâce à un front lisse qui fuyait vers un crâne dénudé (Estaunié, MmeClapain,1932, p. 229).
[Le suj. désigne une surface servant d'assise à une pers.] Se dérober, s'enfoncer sous le poids de cette personne. Le sol fuit sous nos pieds (Proudhon, Créat. ordre,1843, p. 51).Il regardait le sol inondé qui fuyait sous lui (R. Bazin, Blé,1907, p. 311).
Au fig. Le monde extérieur m'échappe et fuit sous moi de toutes parts (Maine de Biran, Journal,1817, p. 4).
β) [Le suj. désigne une chose abstr. relative au temps] Je vois fuir l'été avec une sorte de désespoir (Gide, Journal,1948, p. 331).Le temps de l'enfance s'éternise (...) celui de la maturité fuit, et bientôt la vieillesse le précipite (Arnoux, Zulma,1960, p. 11).
P. anal. [Le suj. désigne une chose éphémère, fugace] Tout se transforme et fuit... Mon cœur est plus changeant qu'un ciel d'équinoxe (Loti, Journal intime,1878-81, p. 27).Elle était encore jolie, avec cette coquetterie éperdue, cette futilité un peu égarée des femmes qui sentent leur beauté fuir (Chardonne, Attach.,1943, p. 128):
5. Toutes ont défié les folles tentatives Des mains à saisir l'ombre inerte où fuit l'odeur De leurs cheveux épars... Régnier, Poèmes anc.,1890, p. 34.
B.− Emploi trans.
1. [Le suj. désigne une pers.] Chercher à éviter quelqu'un ou quelque chose, à s'y soustraire ou à s'en éloigner.
a) Fuir qqn.Fuir les siens, ses semblables. Donc, fuyez les femmes! (Flaub., Tentation,1874, p. 54).Je n'aime point les journalistes. Ce sont des esprits brouillons et entreprenants qu'il faut fuir comme la peste (G. Leroux, Myst. ch. jaune,1907, p. 58):
6. On t'aura dit souvent que j'avais fui le monde et que j'avais été lâche, que j'étais lâche, que j'avais abandonné maman; ils n'ont que ça à dire, que l'on a fui le monde, que nous fuyons le monde... Péguy, Myst. charité,1920, p. 160.
Fuir le regard de qqn. S'en détourner pour ne pas l'affronter. Mais il fuyait mon regard; il alla, la tête baissée, décrocher son manteau (Sartre, Nausée,1938, p. 210).
Emploi pronom. à sens réfl. ou réciproque. Se fuir les uns les autres. J'ai demandé les Mystères de Londres. On les apporte, je vais les lire pour me fuir moi-même (Balzac, Lettres étr.,t. 3, 1850, p. 160).
Rare, emploi part. passé adj. Le plus fui des hommes (Lamart., Voy. Orient,t. 2, 1835, p. 31).
b) Fuir qqc.Il avait fui la tyrannie, comme maintenant il fuyait la liberté! (Sand, Hist. vie,t. 4, 1855, p. 473).
Rare, emploi pronom. à sens réciproque. Nos passés s'ignoraient, nos avenirs se fuyaient (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 339).
2. Vx ou littér. [Le suj. désigne une chose] Échapper, se dérober aux désirs, aux souhaits de quelqu'un. Ils dorment... et le repos me fuit (La Martelière, Robert,1793, II, 1, p. 13).Beaucoup de choses qui m'avaient heureusement fui me sont revenues (Green, Journal,1941, p. 171):
7. Rire... comme s'il est de quoi, dans ce bas monde; Ne point pleurer des jours qui ne reviendront pas, Ses chairs qui vont mourir, sa chevelure blonde Et tout ce qui nous fuit, bien avant le trépas. Montesquiou, Hort. bleus,1896, p. 297.
REM.
Fuyeuse, adj. fém.Hapax. Qui fuit, fuyarde. Salomé, fuyeuse de fêtes nationales, écoutait la mer familière des belles nuits (Laforgue, Moral. légend.,1887, p. 173).
Prononc. et Orth. : [fɥi:ʀ], (il) fuit [fɥi]. Ds Ac. 1694-1932. Conjug. Distinguer les deux 1respers. du plur. de l'imp. de l'ind. et du prés. du subj. : (que) nous fuyions, (que) vous fuyiez et les 2 1respers. du plur. du prés. de l'ind. : nous fuyons, vous fuyez. Étymol. et Hist. 1. a) Fin ixes. trans. « chercher à éviter quelqu'un, quelque chose » ici « renoncer à quelque chose » (Eulalie, 14 ds Henry Chrestomathie : Qued elle fuiet lo no christiien); b) 1538 « échapper à l'intelligence, à la mémoire » (Est.); 2. a) ca 1100 intrans. « s'éloigner à la hâte pour éviter quelqu'un » (Roland, éd. J. Bédier, 1255); b) 1176-81 « céder, fléchir par l'effet d'un contact, d'un poids » (Chr. de Troyes, Chevalier Lyon, éd. M. Roques, 3512); c) 1549 « se dérober devant quelque chose » (Est.); d) 1640 « (d'une chose) s'éloigner rapidement » un jour qui fuit (Corneille, Horace, III, 1); e) 1704 « se prolonger en arrière par perspective » (Trév.); 1805 « être incliné en arrière » l'arc du menton va en fuyant en arrière (Cuvier, Anat. comp., t. 3, p. 17); f) 1762 ce vase fuit (Ac.). D'un lat. pop. *fūgīre, class. fŭgĕre « fuir, s'enfuir ». Fréq. abs. littér. : 6 641. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 10 469, b) 9 597; xxes. : a) 9 583, b) 8 401. Bbg. Gohin 1903, p. 376.

Wiktionnaire

Verbe - français

fuir \fɥiʁ\ transitif ou intransitif 3e groupe (voir la conjugaison)

  1. S’éloigner à toute vitesse, par peur.
    • Et il fuit, il fuit toujours, et il bute contre les pierres, contre les mottes de terre, contre les touffes d’herbe, poursuivi sans cesse par les cris de mort. — (Octave Mirbeau, « La Mort du chien » dans Lettres de ma chaumière, 1886)
    • En effet, mon arrière-arrière-grand-père avait fui la Chine, vers 1890, pour aller au Cambodge, à cause de la misère et de la pauvreté. Il n’est jamais retourné en Chine. — (David Lepoutre, avec ‎Isabelle Cannoodt, Souvenirs de familles immigrées, Éditions Odile Jacob, 2005)
  2. (Figuré) Différer, éluder, empêcher qu’une chose ne se termine, se dérober à une explication.
    • Je ne puis terminer avec cet homme, il fuit toujours.
    • Il fuit habilement, mais je l’atteindrai.
  3. (Par analogie) Courir ou se mouvoir avec rapidité, s’éloigner ou sembler s’éloigner, en parlant des choses qui s’échappent ou semblent s’échapper.
    • Un ruisseau qui fuit dans la prairie.
    • Les nuages fuient et le ciel se découvre.
    • Du vaisseau qui nous emportait nous voyions fuir le rivage.
    • Nos beaux jours fuient rapidement.
    • Hâtons-nous, le temps fuit.
    • Le terrain fuyait sous leurs pas.
  4. (Figuré) S’échapper à notre pensée, à notre mémoire.
    • Ce souvenir me fuit.
  5. (Peinture) Paraître s’enfoncer et s’éloigner de la vue du spectateur, en parlant des parties d’un tableau.
    • Cette partie ne fuit pas assez.
    • On fait fuir les objets en diminuant la proportion, en affaiblissant la couleur, etc.
    • (Par analogie)Son front fuit.
  6. S’échapper d’un réceptacle, par quelque fêlure, quelque fente, en parlant du liquide qu’il contient.
    • Les boues toxiques fuyaient du réservoir par une fissure sur l'un des côtés de la digue.
  7. Laisser échapper, par quelque fêlure, quelque fente, le liquide qu’il contient, en parlant d’un réceptacle.
    • Tu devrais réparer ce robinet qui fuit.
    • Ce tonneau, ce pot, ce vase fuit. — Il faut l’empêcher de fuir.
    • Cette conduite de gaz fuit.

fuir \fɥiʁ\ transitif 3e groupe (voir la conjugaison)

  1. (Sens propre) (Figuré) Éviter quelqu’un ou quelque chose en s’en éloignant, par aversion, etc.
    • Tout le monde fuit cet homme. C’est un homme à fuir. Je ne saurais le rencontrer, il me fuit. La paix a fui ce séjour. Ils se fuyaient l’un l’autre.
    • La parfaite raison fuit toute extrémité,
      Et veut que l’on soit sage avec sobriété.
      — (Molière, Le Misanthrope, Philinte, acte I, scène I, 1667)
    • S’ils se sont répandus, nombreux, à travers d'autres pays, c’est soit pour fuir des catastrophes (guerres, révolutions, massacres,) soit pour échapper aux inconvénients de la surpopulation. — (Léon Berman, Histoire des Juifs de France des origines à nos jours, 1937)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

FUIR. (Je fuis; nous fuyons. Je fuis. Je fuirai. Fuis. Que je fuie. Que je fuisse. Fuyant. Fui.) v. intr.
S'éloigner en toute vitesse, par un motif de crainte. Les ennemis fuyaient en désordre. Fuis, sors d'ici. Fuir de son pays, hors de son pays. Il signifie au figuré Différer, éluder, empêcher qu'une chose ne se termine, se dérober à une explication. Je ne puis terminer avec cet homme, il fuit toujours. Il fuit habilement, mais je l'atteindrai. Il se dit, par analogie, des Choses qui courent ou se meuvent avec quelque rapidité, qui s'éloignent ou semblent s'éloigner, qui s'échappent ou semblent s'échapper. Un ruisseau qui fuit dans la prairie. Les nuages fuient et le ciel se découvre. Du vaisseau qui nous emportait nous voyions fuir le rivage. L'hiver a fui. Nos beaux jours fuient rapidement. Hâtons-nous, le temps fuit. Le terrain fuyait sous leurs pas. Il se dit encore figurément de Ce qui s'échappe à notre pensée, à notre mémoire. Ce souvenir me fuit. En termes de Peinture, il se dit des Parties d'un tableau qui paraissent s'enfoncer et s'éloigner de la vue du spectateur. Cette partie ne fuit pas assez. On fait fuir les objets en diminuant la proportion, en affaiblissant la couleur, etc. On dit de même, par analogie, Son front fuit. Le front du nègre fuit. Il se dit encore d'un Réceptacle qui a quelque fêlure, quelque fente par où s'échappe le liquide qu'il contient. Ce tonneau, ce pot, ce vase fuit. Il faut l'empêcher de fuir. Cette conduite de gaz fuit. Il s'emploie aussi comme verbe transitif et alors il signifie en général, tant au propre qu'au figuré, Éviter quelqu'un ou quelque chose en s'en éloignant, par aversion, etc. Tout le monde fuit cet homme. C'est un homme à fuir. Fuir un pestiféré. Fuir son pays. Fuir le châtiment. Fuir le danger. Fuir le mal. Fuir l'occasion du péché. Fuir le combat. Fuir le travail. Fuir le jeu. Je ne saurais le rencontrer, il me fuit. La paix a fui ce séjour. Le sommeil me fuit. Ils se fuyaient l'un l'autre. Fig., Se fuir soi-même, Chercher à éviter les remords, l'ennui, etc. Un criminel cherche vainement à se fuir lui-même. Quand on ne sait pas s'occuper, on cherche à se fuir soi-même.

Littré (1872-1877)

FUIR (fuir), je fuis, nous fuyons, vous fuyez, ils fuient ; je fuyais, nous fuyions, vous fuyiez ; je fuis, nous fuîmes ; je fuirai ; je fuirais ; fuis, qu'il fuie, fuyons, fuyez ; que je fuie, que nous fuyions, que vous fuyiez ; que je fuisse, que nous fuissions ; fuyant ; fui.
  • 1 V. n. Se soustraire hâtivement à un péril, à une menace, à quelque chose ou à quelqu'un. Fuir de son pays. Fuir hors de sa patrie. Il fuit, lui qui, toujours triomphant et vainqueur, Vit ses prospérités égaler son grand cœur, Il fuit…, Corneille, Pomp. I, 1. Il fuit pour mieux combattre, Corneille, Hor. IV, 2. Prince, il est temps de fuir quand on se défend mal, Corneille, Œdipe, II, 4. Enfin je l'ai fait fuir, et sous ce traitement De beaucoup d'actions il a reçu la peine, Molière, Amph. I, 2. Sa fierté l'abandonne, il tremble, il cède, il fuit, Boileau, Lutr. V. Le roi vient ; fuyez, prince, et partez promptement, Racine, Phèdre, V, 1. Quiconque ne sait pas dévorer un affront… Loin de l'aspect des rois, qu'il s'écarte, qu'il fuie, Racine, Esth. III, 1. Fuyez dans l'instant même, ou l'on va vous arracher la vie, Voltaire, Zadig, 8. Charles le Téméraire périt devant Nancy, trahi par le Napolitain Campo Basso, et tué, en fuyant après la bataille, par Bausemont, gentilhomme lorrain, Voltaire, Ann. Emp. 1477. Fuyons ensemble au fond des forets ; il vaut encore mieux se fier aux tigres qu'aux hommes, Bernardin de Saint-Pierre, Chaum. indienne. Ce repos [dans une ville] et la honte de paraître fuir enflammèrent son imagination [de Napoléon] ; on l'entendit dicter des ordres…, Ségur, Hist. de Nap. IX, 12.

    Quitter son pays, s'éloigner. Ce coup d'État, cette révolution a fait fuir bien des citoyens.

    Terme de chasse. Fuir, aller fuyant, galoper, courir, en parlant du daim, du cerf, etc.

    Terme de marine. Fuir devant le temps, fuir vent arrière, se dit d'un bâtiment qui, pris par un très gros temps, court avec une très grande vitesse en se laissant aller au vent. Fuir à cordes et à mâts, courir sans aucune voile dehors.

    Fuir, construit avec en, voy. ENFUIR, à la remarque.

  • 2S'éloigner de, s'écarter de. Où fuirais-je de vous après tant de furie ? Corneille, Rodog. V, 4. Fuis plutôt de ses yeux, fuis de sa violence ; à ses premiers transports dérobe ta présence, Corneille, Cid, III, 1. Quel malheureux destin vous conduit à présent Dedans cette vallée effroyable et profonde, Où, pour fuïr de vous, je fuis de tout le monde ? Racan, Berger. IV, 3. Je sais qu'il nous faut tous fuir de ces objets Qui laissent dans nos cœurs l'impression du vice, Racan, Psaume C. Tout fuit, tout se refuse à mes embrassements, Racine, Phèdre, III, 5.

    Fig. Il semble pourtant que, si Corneille avait voulu choisir des sujets plus dignes du théâtre tragique, il les aurait peut-être traités convenablement ; il aurait pu rappeler son génie qui fuyait de lui, on en peut juger par le début de Pulchérie, Voltaire, Comment. sur Corn. Rem. Pulchérie, Préf.

  • 3 Fig. Éluder, différer, échapper à une conclusion. Je ne puis terminer avec cet homme ; il fuit toujours.
  • 4En parlant des choses, passer, s'éloigner rapidement. Pareille à ces éclairs qui, dans le fort des ombres, Poussent un jour qui fuit et rend les nuits plus sombres, Corneille, Hor. III, 1. Que d'yeux étincelants, sous d'horribles paupières, Mêlent au jour qui fuit d'effroyables lumières ! Corneille, Tois. d'or, III, 5. Je m'en vais, je suis emporté par une force inévitable ; tout fuit, tout diminue, tout disparaît à mes yeux, Bossuet, Duch. d'Orl. Quand pourrai-je au travers d'une noble poussière Suivre de l'œil un char fuyant dans la carrière ? Racine, Phèdre, I, 3. Au seul son de sa voix la mer fuit, le ciel tremble, Racine, Esth. I, 3. Sa patrie semble fuir devant lui, Fénelon, Tél. I. Le port semblait fuir derrière nous, Fénelon, Tél. II.

    Terme de menuisier. Outil qui fuit, outil échappant à la main qui ne le tient pas assez ferme en le poussant.

  • 5Il se dit du temps qui s'écoule rapidement. L'hiver a fui. Hâtons-nous, le temps fuit et nous traîne avec soi, Boileau, Épître III.
  • 6Ne pas échoir. Cette succession ne peut lui fuir.
  • 7Fuir de, avec un infinitif, avoir de la répugnance pour, éviter de… Et fuirai, tant que je pourrai, de parler à lui, D'Urfé, Astrée, I, 9. Et, bornant tes désirs à ces dons éternels, Fuis d'être connu des mortels, Corneille, Imit. I, 8. Si votre âme les suit et fuit d'être coquette, Molière, Écol. des f. III, 2. Prince, je monte au trône ; et vous m'abandonnez ! Fuir d'en être témoin, est-ce chérir ma gloire ? Th. Corneille, Antioch. I, 3. La véritable vertu ne fuit pas toujours de se faire voir, mais jamais elle ne se montre qu'avec sa simple parure, Bossuet, Sermons, Honneur, 3. Il fuyait d'entendre les vérités dont il eût eu droit de se glorifier, Bourdaloue, 4e dim. après Pâq. Dominic. t. II, p. 168.

    Fuir à, avec un infinitif, éviter de ; locution qui a vieilli. Ne désire donc pas, fuis même à regarder Tout ce que sans péché tu ne peux posséder, Corneille, Imit. III, 27.

  • 8Se dérober sous les pas. Le terrain qu'ils traversèrent fuyait sous leurs pas, Staël, Corinne, XIII, 1.
  • 9 Terme de peinture. Il se dit des parties du tableau qui paraissent s'enfoncer dans le lointain. Ce fond fuit très bien.

    Par analogie. Le front du nègre fuit en arrière.

    Terme de marine. La côte fuit dans telle aire de vent, son gisement a la direction de cette aire de vent.

  • 10Il se dit d'un vase ou tonneau qui laisse échapper le liquide. Le tonneau fuit.
  • 11 V. a. Éviter par crainte ou par aversion, se soustraire à. On ne vous oblige pas à fuir le monde en général ; mais on vous oblige à fuir un monde particulier qui vous pervertit, Bourdaloue, Myst. conc. de la Vierge, t. II, p. 46. Leur sombre inimitié ne fuit point mon visage, Racine, Brit. IV, 3. En fuyant mon rival, fuirez-vous ma présence ? Racine, Mithr. I, 2. C'est peu de t'avoir fui, cruel, je t'ai chassé ; Pour mieux te résister, j'ai recherché ta haine, Racine, Phèdre, II, 5.

    Terme de manége. On dit d'un cheval, qui craint l'éperon : il fuit les talons.

    Faire fuir les jambes, les talons, apprendre au cheval à éviter la jambe que le cavalier approche de son flanc.

  • 12S'éloigner de, en parlant des personnes. …J'ai fui la ville aux muses si contraire Et l'écho fatigué des clameurs du vulgaire, Chénier, Élég. XI.

    Fig. Fuir le vice, le travail, l'occasion du péché. La paix a fui ce séjour. Je ne te puis blâmer d'avoir fui l'infamie, Corneille, Cid, III, 4. Il fuit plus que la mort la honte de servir, Corneille, Cinna, III, 4. Il ne fuit rien tant tous les jours que d'exercer les merveilleux talents qu'il a eus du ciel pour la médecine, Molière, Méd. malg. lui, I, 5. Ceux qui ne fuient rien tant que d'être hérétiques, Pascal, Prov. 18. Ma muse tremblante fuit d'un si grand fardeau la charge trop pesante, Boileau, Disc. au roi.

    Il se dit dans un sens analogue des choses qui, métaphoriquement, s'éloignent. Je me vois réduit à chercher dans vos yeux une mort qui me fuit, Racine, Andr. II, 2. Aussitôt dans son sein il plonge son épée ; Mais la mort fuit encor sa grande âme trompée, Racine, Mithr. V, 4. L'amour fuit la contrainte, Racine, Bérén. II, 4. La santé que j'appelle et qui fuit mes douleurs, Bien sans qui tous les biens n'ont aucunes douceurs, Chénier, Élég. VI.

  • 13Dépasser l'intelligence, la conception. Vous qui devez savoir les choses de la vie, Et que rien ne doit fuir en cet âge avancé, La Fontaine, Fabl. III, 1. Entre les deux infinis qui l'enferment et qui le fuient, Pascal, dans COUSIN.
  • 14Ne pas se présenter à l'esprit. Je trouve au coin d'un bois le mot qui m'avait fui, Boileau, Épît. VI.
  • 15Se fuir, v. réfl. Fuir loin l'un de l'autre. Autrefois ils se recherchaient, aujourd'hui ils se fuient.

    Se distraire d'un remords, d'une peine. Il se tourmente, il s'agite pour fuir la mort qui le saisit, ou du moins pour se fuir lui-même, Massillon, Avent, Mort du péch. Irai-je, errant encore, et me fuyant moi-même… ? Voltaire, Œdipe, IV, 3.

REMARQUE

Fuir, qui est présentement monosyllabe, ne l'a pas été d'une manière constante ; Malherbe l'a fait de deux syllabes : Est-il courage si brave Qui pût avecque raison Fuïr d'être son esclave ? V, 3. Racan aussi, dans les exemples notés plus haut (n° 2). Elle [l'Académie] m'approuvera sans doute quand je dis que fuir est d'une seule syllabe, quoiqu'on ait décidé autrefois qu'il était de deux, Voltaire, Lett. Duclos, 25 déc. 1761.

HISTORIQUE

Xe s. El [il] li enorte [exhorte]… Qued elle fuiet lo nom christien, Eulalie.

XIe s. Ne per lui ne s'en est fui, Lois de Guill. 4. Nostre Franceis n'ont talent de fuïr, Ch. de Rol. XCIII.

XIIe s. Dont li cheval fuient par les paluz, Ronc. p. 80. Mais li fuïrs ne lui vaulsist [valut] neant, ib. p. 95. Par Mahomet ! en quel terre fuirons ? ib. p. 117. Sainz Thomas li ad dit : Satanas, fui d'ci, Th. le mart. 44. S'il nous atendent, si ferron [nous frapperons], Et s'il s'enfuient, si fuiron [nous les poursuivrons], Brut, ms. f° 95, dans LACURNE.

XIIIe s. Jà ne plaist à Dieu qu'il me soit ja reprové que je foie del champ où j'en ai laissié l'empereour, Villehardouin, CXLIII. Et pour plus tost fuïr, [elle] se prist à se courcier [retrousser], Berte, XXXVIII. Tant a fouï la lasse par un estroit sentier…, ib. Et s'en ala combatre à l'empereur de Perse, et le desconfit et chassa de son royaume ; lequel s'en vint fuiant jusques au royaume de Jerusalem, Joinville, 264.

XVe s. Il monta sur son cheval, et se mit à suyvir ceste beste autant que son cheval pouvoit fouir à la course, Perceforest, t. VI, f° 16. Qui fuit toudis, treuve bien qui le chace, Deschamps, Poésies mss. f° 235. En somme, il fallut que tous fouyssent des seigneuries du duc de Bourgongne, Commines, I, 2.

XVIe s. N'est il meilleur mourir vertueusement bataillant que vivre fuyant villainement ? Rabelais, Garg. I, 39. …Dont estimarent que Gargantua estoyt fouy avecques sa bande, Rabelais, ib. I, 43. J'ay monstré, en la conduite de ma vie et de mes entreprinses, que j'ay plustost fuy qu'aultrement, d'enjamber par dessus le degré de fortune auquel Dieu logea ma naissance, Montaigne, III, 7. Que fuit elle tant que la société ? Montaigne, I, 273. Se desfaisants eux mesmes pour fuyr à la loy, Montaigne, I, 299. Estans haïs de tout le monde, et fouis comme gens excommuniez et maudicts, Amyot, Timol. 41. Si les Gaulois eussent chaudement poursuivy à la trace les fuyans, rien n'eust pu sauver la ville de Rome, Amyot, Cam. 36. Mon ange, prevoyant en vos yeux mon dommage, Et que deviez changer le repos de mon sort, Vouloit que de vos traits je fuïsse l'effort, Afin de ne tomber en l'eternel servage, Am. Jamyn, Poésies, p. 181, dans LACURNE. Remede contre la peste par art, Fuir tost et loing, retourner tard, Cotgrave

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Étymologie de « fuir »

Provenç. fugir ; espagn. huir ; ital. fuggire ; du lat. fugĕre, par changement de conjugaison ; grec, φυγεῖν (aoriste second).

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Du latin populaire *fūgīre, en latin classique fŭgĕre, formé sur le parfait fūgī.
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Phonétique du mot « fuir »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
fuir fµir

Fréquence d'apparition du mot « fuir » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « fuir »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « fuir »

  • L’alcool est notre pire ennemi, fuir serait lâche !
    Anonyme
  • La chair est triste, hélas ! et j'ai lu tous les livres. Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres D'être parmi l'écume inconnue et les cieux !
    Stéphane Mallarmé — Poésies, Brise marine
  • Se retirer n'est pas fuir.
    Miguel de Cervantès — Don Quichotte
  • On a pris pour braves des lâches qui craignaient de fuir.
    Thomas Fuller
  • On peut tout fuir, sauf sa conscience.
    Stefan Zweig
  • Il est plus facile de subir que de fuir.
    Claire Martin — La Joue droite
  • Ce que je veux, c'est me fuir moi-même.
    Luigi Pirandello
  • Méfiez-vous : un robinet qui marche est un robinet qui essaie peut-être de fuir.
    Anonyme
  • Pour fuir les hommes faut-il donc les haïr ?
    George Gordon, Lord Byron — Le Pèlerinage de Childe Harol
  • Au sommaire de ces mois de juillet-août : Les écolos aux manettes : faut-il fuir Lyon ? La crainte ridicule de leurs détracteurs, non les chars soviétiques ne vont pas débarquer Les dessous de l’ascension de Grégory Doucet La reine Hénocque : portrait et ITW Le coup de chaud des policiers de l’agglomération lyonnaise
    Lyonmag.com — Faut-il fuir Lyon et les écologistes ? Téléchargez le nouveau LyonMag !
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Traductions du mot « fuir »

Langue Traduction
Anglais to run away
Espagnol huir
Italien scappare
Allemand weglaufen
Chinois 逃跑
Arabe لكى تهرب
Portugais fugir
Russe убегать
Japonais 逃げる
Basque ihes egiteko
Corse a scappà si
Source : Google Translate API

Synonymes de « fuir »

Source : synonymes de fuir sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « fuir »

Combien de points fait le mot fuir au Scrabble ?

Nombre de points du mot fuir au scrabble : 7 points

Fuir

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