La langue française

Accueil > Dictionnaire > Définitions du mot « demeurer »

Demeurer

Définitions de « demeurer »

Trésor de la Langue Française informatisé

DEMEURER, verbe intrans.

I.− [Avec une idée de s'attarder; le plus souvent conjugué avec l'auxiliaire avoir] . Vieilli. Tarder; p. ext. mettre un certain temps à faire quelque chose. Il est demeuré une heure à lire la lettre (DG). Sa plaie a demeuré longtemps à guérir (Ac.) :
1. M. Arnold me propose de porter au ministre de l'Intérieur un plan en relief de Bologne, ce plan a 9 pouces de long (...) Il a demeuré six mois à le faire. Stendhal, Journal,t. 1, 1801-18, p. 54.
II.− [Avec une idée d'arrêt, de séjour dans un lieu]
A.− [Parfois avec l'auxil. avoir, le plus souvent avec l'auxil. être] Rester, séjourner dans un lieu. J'eus donc le plaisir de demeurer deux ou trois jours avec ma mère (Sand, Hist. vie,t. 2, 1855, p. 336).J'ai ramené Martin du Gard à Cuverville, où il a demeuré trois jours (Gide, Journal,1923, p. 752).
Demeurer à + inf.Cet amiral (...) demeura à dîner (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 28).
Loc. Demeurer chez soi. Ne pas sortir de sa maison ou de son pays. Demeurer sur la place. ,,Être tué, terrassé sur la place où l'on a combattu`` (Ac.). Trois mille hommes demeurèrent sur la place; il est demeuré trois mille hommes sur la place (Ac.). Demeurer sur le cœur*, sur l'estomac*.
B.− P. anal. et au fig.
1. Rester, continuer d'être dans un certain état ou situation.
[Suivi d'un attribut] Demeurer immobile; il est demeuré ferme dans son opinion. Demeurer maître de ses facultés (Balzac, Méd. camp.,1833, p. 161).Les vitres demeuraient baissées (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Idylle, 1884, p. 1284).Nous aurons (...) quelque peine à demeurer les maîtres (Mauriac, Bâillon dén.,1945, p. 496).
Emploi impers. Il demeure prouvé que les femmes ne doivent lever leur robe que très-secrètement (Balzac, Théor. démarche,1833, p. 634).Il demeure vrai que les frontières de la nation subsistent et doivent subsister (Blondel, Action,1893, p. 267).Il n'en demeure pas moins que + ind.Il n'en demeure pas moins que le conservatisme (...) est, dans son essence, quelque chose d'entièrement différent du patriotisme (Benda, Trahis. clercs,1927, p. 257).
Demeurer sans.Tu pourras demeurer sans broncher debout (Fromentin, Dominique,1863, p. 142).
a) Demeurer à.Continuer d'être, d'appartenir à. Ce bien lui est demeuré, malgré les efforts de ceux qui le lui disputaient (Ac.).
b) Locutions
En demeurer là [Le suj. désigne une pers.] Ne pas poursuivre plus avant quelque chose; ne pas aller plus loin. Je désire que vous en demeuriez là (Ac.).[Le suj. désigne une chose abstr.] . Ne pas avoir de conséquence, de suite. L'affaire n'en demeurera pas là (Ac.).Synon. en rester là.La conversation en demeura là (Soulié, Mém. diable,t. 1, 1837, p. 205).
Demeurons-en là. ,,N'en parlons pas davantage`` (Ac.). Synon. restons-en là.
Demeurer sur son appétit*, sur la bonne bouche*; demeurer d'accord*, demeurer court*.
Demeurer en arrière, demeurer en reste. ,,Rester débiteur`` (Ac.). Ne pas demeurer en reste. ,,Rendre la pareille`` (Ac.).
2. Continuer d'exister; durer. Les erreurs passent avec les générations, les seules vérités demeurent! (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 955).Une immense espérance demeurait (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 230):
2. Ainsi raisonnait Benès, non sans que je sentisse le trouble qui demeurait au fond de son âme. De Gaulle, Mémoires de guerre,1954, p. 212.
En partic. Résister contre les causes de destruction. À peine d'autrefois quelques nymphes demeurent aux bas-reliefs fleuris (Rodenbach, Règne silence,1891, p. 76).
3. ,,Rester, être de reste`` (Ac.). La circonstance rend sa virulence (...) à la boue qui demeure après le décantage (Barrès, Colline insp.,1913, p. 204).
Emploi impers. Beaucoup de ces barbarismes sont assez fugitifs, mais il en demeure assez pour infecter même la langue commerciale (Gourmont, Esthét. lang. fr.,1899, p. 35).
C.− P. ext. Avoir sa demeure, habiter. Vous demeurez dans l'impasse? (Ponson du Terr., Rocambole,t. 5, 1859, p. 288).L'autre hiver nous demeurions sous les arches des ponts. On se serrait pour ne pas geler (Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 881).Un rebouteux de renom demeurait au bourg d'Arlanc (Pourrat, Gaspard,1925, p. 280).
Demeurer dans une rue, dans ou sur une avenue, sur un boulevard, sur une place (cf. Grev. 1961, p. 961).P. ell. Il demeurait rue des Carmélites (Fromentin, Dominique,1863, p. 66).
Demeurer ensemble. J'espérais vivre et mourir près de lui. J'allai le rejoindre pour demeurer ensemble (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Humble drame, 1883, p. 404):
3. Aimez Monsieur de Rubempré, protégez-le, faites-en tout ce que vous voudrez, mais ne demeurez pas ensemble! Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 163.
Prononc. et Orth. : [dəmœ ʀe], (je) demeure [dəmœ:ʀ]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1050 demorer « tarder » (Alexis, éd. C. Storey, 460); 1176-84 [ms. de la fin xiiies.] demeurer « id. » (G. d'Arras, Eracle, éd. G. Raynaud de Lage, 1636); 2. ca 1100 demurer « rester un certain temps là où l'on se trouve » (Roland, éd. J. Bédier, 162); av. 1200 demorer « résider en un lieu » (Première Continuation Perceval, éd. W. Roach, 13998); 3. 1349 subst. demorant « ce qui subsiste » (Songe vert, 551 ds T.-L.); 1489-90 loc. adv. au demourant « au reste » (Commynes, Mémoires, éd. J. Calmette, t. II, p. 44); 4. 1919 part. passé substantivé demeuré « être humain qui en est resté à un stade inférieur du développement mental » (L. Daudet, Le Monde des images, p. 83). Empr. au lat. class. demŏrari « tarder », « rester, s'arrêter »; l'inf. demeurer p. anal. avec les formes accentuées sur le radical. Fréq. abs. littér. : 10 527. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 13 689, b) 13 201; xxes. : a) 18 228, b) 15 047.
DÉR.
Demeurance, subst. fém.,vx ou région. a) Action de demeurer, de séjourner dans un lieu. Cette Hospitalière, cause du chagrin qu'on lui fait ici ne peut prolonger sa demeurance à Mirande (F. Fabre, Le Chevrier,1867, p. 278).b) P. méton. Demeure, habitation. Je vous veux emmener à ma demeurance du moment, qui est ce vieux château du Chassin (Sand, Les Maîtres sonneurs,1853, p. 262). 1reattest. 1remoitié xiies. demurance « habitation » (Psautier Cambridge, 68, 28 ds T.-L.); de demeurer, suff. -ance*. Fréq. abs. littér. : 1.
BBG. − Cohen 1946, p. 37. − Darm. Vie 1932, pp. 145-146. − Gottsch. Redens. 1930, passim.Lew. 1960, p. 64, 119, 124, 131 (s.v. demeurance).

Wiktionnaire

Verbe - français

demeurer \də.mœ.ʁe\ intransitif 1er groupe (voir la conjugaison)

  1. S’arrêter assez longtemps en un lieu. — Note d’usage : Conjugué avec l’auxiliaire être.
    • Eh quoi ! vous voilà déjà en route ? Isaac Laquedem, « qui souffre à demeurer », s’arrête au moins pour boire la chope de bière que lui offrent les bourgeois de Bruxelles en Brabant ! — (Théophile Gautier, Ce qu’on peut voir en six jours, 1858, réédition Nicolas Chadun, pages 50-51)
    • En les apercevant, Bert s’aplatit sur le sol, rampa jusqu’à un creux propice et demeura étendu là à contempler leurs efforts. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 357 de l’édition de 1921)
    • Elle pourrait demeurer ici, l’assaillir d’invites, de chatteries, toute la nuit provoquer son désir, répandre ses effluves. — (Jean Rogissart, Passantes d’Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958)
    • Elle était demeurée longtemps debout devant ces hautes coques dont les hublots laissaient voir l'intérieur des cabines éclairées. — (Francis Carco, Brumes, Éditions Albin Michel, Paris, 1935, page 52)
  2. Habiter, loger, faire son logement. — Note d’usage : Conjugué avec l’auxiliaire avoir.
    • En songeant à cela j’arrivai chez le sonneur de cloches Brainstein, qui demeurait au coin de la petite place, dans une vieille baraque décrépite ; […]. — (Erckmann-Chatrian, Histoire d’un conscrit de 1813, J. Hetzel, 1864)
    • (...), tous les trois brisés du voyage, effarés et perdus au milieu du vaste Paris, le nez levé sur les maisons, demandant à chaque carrefour la rue de la Michodière, dans laquelle leur oncle Baudu demeurait.— (Émile Zola, Au Bonheur des Dames, 1883 - Éditions Gallimard, 1980, page 29 ISBN 2070409309)
    • M. A… G…, demeurant à Troyes, souffre depuis longtemps d’une entérite que différents traitements n’ont pu guérir. — (Émile Coué, La Maîtrise de Soi-même par l’autosuggestion consciente, éd. 1935, page 31)
  3. (Figuré) Être à demeure, être permanent ou tenir, persister, durer.
    • Confusion : le kaiser s’est enfui en Hollande, mais le militarisme demeure et les chefs sociaux-démocrates du nouveau régime, républicain, font alliance avec les généraux monarchistes et les corps francs à croix gammée contre les spartakistes. — (Jacques Delpierrié de Bayac, Histoire du Front populaire, Fayard, 1972, page 12)
    • Cet arc de triomphe n’a pas été fait pour demeurer.
    • La parole s’envole, et les écrits demeurent, l’écriture demeure.
    • La tache en demeure toujours.
    • La cicatrice lui en est demeurée.
    • Il lui en est demeuré une cicatrice, une infirmité.
  4. Se trouver, rester ou être dans un certain état.
    • Pendant que le nouveau venu se débitait à lui-même ce monologue, un autre cavalier, entré par l’autre bout de la rue, […], s’arrêtait et demeurait aussi en extase devant l’enseigne de la Belle-Étoile. — (Alexandre Dumas, La Reine Margot, 1845, volume I, chapitre IV)
    • Parmi les tailleurs de pierre qui sculptaient les images des cathédrales, il y avait des hommes d’un talent supérieur, qui semblent être demeurés toujours confondus dans la masse des compagnons ; ils ne produisaient pas moins des chefs-d’œuvre. — (Georges Sorel, Réflexions sur la violence, Chap. VII, La morale des producteurs, 1908, page 360)
    • […], il découvrit bientôt la carcasse de l’un des monoplans asiatiques […]. La machine avait évidemment opéré une chute verticale et elle était demeurée à demi suspendue dans un groupe d’arbres ; […]. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908 ; traduit par Henry-D. Davray & B. Kozakiewicz, page 249, Mercure de France, 1921)
    • Je demeurai couché sur le dos, les yeux grands ouverts, fixant le plafond. — (Henry Miller, L’ancien combattant alcoolique au crâne en planche à lessive, dans Max et les Phagocytes, traduction par Jean-Claude Lefaure, éditions du Chêne, 1947)
    • La respiration demeure calme, le cœur est encore bon, mais le sang lui dégouline du crâne sur le nez, dans les yeux, poisse la chemise. — (Jean Rogissart, Passantes d’Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958)
    • Débusquer les bases biologiques d’un comportement n’enlève rien à l’humanisme du geste ni au libre arbitre : nous demeurons toujours libres de choisir entre un geste altruiste ou égoïste. — (La démagogie est-elle génétique ?, dans Le Québec sceptique, n° 58, page 17, automne 2005)
    • Enfin, pour le repérage des noms de lieu et des réseaux de communication terrestres, les deux atlas routiers, Southeast Asia et Indonesia, publiés chez Nelles Verlag, demeurent irremplaçables. — (Rodolphe de Koninck, L'Asie du Sud-Est, éd. Armand Colin (collection U), 2012, introduction)
  5. Ce qui est conservé, laissé ou dévolu à quelqu’un.
    • Ce bien lui est demeuré, malgré les efforts de ceux qui le lui disputaient.
    • Ce titre lui demeure. (Figuré),
    • La victoire lui demeura.
    • La gloire lui en est demeurée tout entière.
    • Que la honte vous en demeure !
  6. Être de reste. — Note : Dans cette acception, on l’emploie presque toujours impersonnellement.
    • Sans doute, presque tout demeure à faire pour passer d'une symptomatique à une véritable étiologie. — (Gilles Gaston Granger, Méthodologie économique, Presses Universitaires de France, 1955, page 350)
    • Il ne lui est rien demeuré de tant de biens qu’il avait.
    • Il ne lui en est pas demeuré une obole.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

DEMEURER. v. intr.
Conjugué avec l'auxiliaire Avoir, il signifie Habiter, faire sa demeure. J'ai demeuré dans telle rue. Je demeure à l'hôtel. Il a demeuré trois ans à Madrid. Demeurer à la campagne, à la ville. Demeurer chez soi, Ne pas sortir de sa maison, et, par extension, Ne pas quitter son pays. Aujourd'hui personne ne sait plus demeurer chez soi. Il signifie aussi Tarder, employer plus ou moins de temps à quelque chose. Il a demeuré longtemps en chemin. Sa plaie a demeuré longtemps à guérir, à se fermer. Il n'a demeuré qu'une heure à faire cela. Conjugué avec l'auxiliaire Être, il signifie S'arrêter, rester en quelque endroit. Demeurez là jusqu'à mon retour. Demeurer à son poste. La voiture demeura au milieu du chemin sans pouvoir avancer. Mon cheval est demeuré en chemin. Demeurer en arrière. Demeurer sur la place, Être tué, terrassé sur la place où l'on a combattu. Trois mille hommes demeurèrent sur la place, ou, en employant le verbe impersonnellement, Il est demeuré trois mille hommes sur la place. Fig., Demeurer en arrière, demeurer en reste, Rester débiteur, Ne pas demeurer en reste, Rendre la pareille. Demeurer sur le cœur, sur l'estomac, se dit d'un Aliment qui cause des soulèvements de cœur, des maux d'estomac ou qui pèse sur l'estomac. Fig. et fam., Cela lui est demeuré sur le cœur, Il en conserve du ressentiment. On dit aussi Cela lui est resté sur le cœur. Fig., Demeurer en chemin, ou En demeurer là, Ne point avancer, ne point faire de progrès, en quelque chose que ce soit, malgré les facilités ou les dispositions qu'on paraissait avoir. Il pouvait aspirer aux plus hautes dignités, il est demeuré en chemin. Vous êtes déjà capitaine, il ne faut pas demeurer en si beau chemin, il ne faut pas en demeurer là. En demeurer là signifie aussi Ne point donner suite à une affaire; ou, avec un nom de chose pour sujet, N'avoir point de suites, ne pas être continué, poussé plus loin. Je désire que vous en demeuriez là. L'affaire n'en demeurera pas là. Les choses en sont demeurées là. Le travail en demeura là. On dit également En demeurer là d'un travail, d'un discours, d'une lecture, etc., Discontinuer un travail, une lecture, etc., et de même Voilà où nous sommes demeurés de notre lecture, où nous en sommes demeurés. Je reprends mon discours où j'en étais demeuré. Demeurons-en là, N'en parlons pas davantage, cessons : cela se dit ordinairement lorsqu'on voit que la contestation s'échauffe et qu'il est à craindre qu'elle n'aille trop loin. On dit aussi Restons-en là. Demeurons-en là signifie aussi Tenons-nous-en à cela, c'est cela que nous devons préférer, choisir. Fam., Demeurer sur la bonne bouche. Voyez BOUCHE. Demeurer sur son appétit. Voyez APPÉTIT. Demeurer court, tout court. Voyez COURT.

DEMEURER signifie au figuré Être à demeure, être permanent ou Tenir, persister, durer. Cet arc de triomphe n'a pas été fait pour demeurer. La parole s'envole, et les écrits demeurent, l'écriture demeure. La tache en demeure toujours. La cicatrice lui en est demeurée. On l'emploie quelquefois impersonnellement, dans le même sens. Il lui en est demeuré une cicatrice, une infirmité. Il signifie aussi Se trouver, rester, être dans un certain état. Il demeure toujours dans le même état. Une chose qui demeure en son entier. Il faut que le passage demeure libre. La plage demeura à sec. Il est demeuré muet, immobile d'étonnement. Demeurer interdit, confus. Demeurer fidèle. Demeurer froid. Demeurer neutre. Demeurer en paix. Demeurer ferme dans son opinion. Demeurer les bras croisés. Demeurer à ne rien faire. J'en demeure d'accord. Demeurer perclus de ses membres. Demeurer propriétaire d'une chose. Demeurer civilement responsable. Demeurer garant. Il se dit encore de Ce qui est conservé, laissé ou dévolu à quelqu'un. Ce bien lui est demeuré, malgré les efforts de ceux qui le lui disputaient. Ce titre lui demeure. Fig., La victoire lui demeura. La gloire lui en est demeurée tout entière. Que la honte vous en demeure! Il signifie en outre Être de reste; et, dans cette acception, on l'emploie presque toujours impersonnellement. Il en demeura plus de la moitié. Il ne lui est rien demeuré de tant de biens qu'il avait. Il ne lui en est pas demeuré une obole. Dans la plupart de ces acceptions on dit plutôt aujourd'hui RESTER.

Littré (1872-1877)

DEMEURER (de-meu-ré) v. n.
  • 1S'arrêter, se tenir, rester en quelque endroit. Mon cheval est demeuré en chemin. Nous demeurâmes en arrière. Mais plutôt demeurez pour me servir d'otage, Corneille, Nicom. V, 7. … Le vieillard était Fou de sa femme, et fort peu la quittait, Sinon les jours qu'il allait à la chasse ; Son fauconnier, qui pour lors le suivait, Eût demeuré volontiers en sa place, La Fontaine, Coc. Il est renvoyé à Lyon, le roi n'a pas voulu qu'il soit demeuré, Sévigné, 149. Demeurons toutefois pour troubler leur fortune, Racine, Andr. II, 1. Pour cacher mon départ je demeure un moment, Racine, Phèd. V, 1. Auprès du fils des rois si j'étais demeurée…, Voltaire, Orphel. II, 3.

    Absolument. Vous, Cinna, demeurez, et vous, Maxime, aussi, Corneille, Cinna, II, 1.

    Demeurer chez soi, ne pas sortir de sa maison, et, par extension, ne pas quitter son pays, son genre de vie. Un homme qui a assez de bien pour vivre, s'il savait demeurer chez soi, n'en sortirait pas pour aller sur la mer ou au siége d'une place, Pascal, Pensées, XXVI, 1. Il faut en France beaucoup de fermeté et une grande étendue d'esprit pour se passer des charges et des emplois, et consentir ainsi à demeurer chez soi et à ne rien faire, La Bruyère, II.

    Demeurez chez vous, qu'il demeure chez lui, se dit à quelqu'un, de quelqu'un qu'on veut ne pas voir chez soi. Servez-vous du mot de madame, je vous prie, ou demeurez chez M. votre père, Dancourt, Chev. à la mode, II, 4.

    Demeurer ferme, ne pas être ébranlé, ne pas reculer ; et, figurément, persister avec fermeté. L'opiniâtreté de son caractère se joignant à toutes ces vraisemblances, il demeura ferme dans l'opinion qu'on voulait le trahir et le livrer à ses ennemis, Voltaire, Charles XII, 6.

    Demeurer en repos, se tenir tranquille ; et, figurément, ne rien faire, ne pas se donner du travail. Que faire donc quand on est malade ? - Rien, mon frère ; il ne faut que demeurer en repos ; la nature d'elle-même, quand nous la laissons faire, se tire doucement du désordre où elle est tombée, Molière, Mal. imag. III, 3.

    Ne pas demeurer en place, être continuellement en mouvement. J'ai peine, je l'avoue, à demeurer en place, Molière, Éc. des f. IV, 1. Nous reverrons Ménechme aujourd'hui, quelle joie ! Je ne puis demeurer en place ni chez moi, Regnard, Ménechmes, I, 3.

    Fig. Demeurer en arrière, demeurer en reste, rester débiteur. Ne pas demeurer en reste, rendre la pareille.

    Demeurer pour gage, pour les gages, en parlant de personnes, être tué ou pris ; en parlant des choses, être perdu. Dans cette bataille la moitié des siens demeura pour gage. Dans la foule mon manteau est demeuré pour gage.

    Demeurer sur la place, être tué sur la place où l'on combattait. Sans la valeur de ce jeune guerrier Martian demeurait ou mort ou prisonnier, Corneille, Héracl. I, 1.

    Demeurer sur la bonne bouche, ne plus rien prendre après une chose qui laisse un goût agréable ; et, figurément, s'en tenir à une chose qui plaît.

    Demeurer sur son appétit, ne pas se rassasier de quelque chose ; et, figurément, imposer un frein à ses désirs.

    Demeurer d'accord, convenir, avouer. Il faut demeurer d'accord, mon frère, qu'on peut aider la nature par de certaines choses, Molière, Mal. imag. III, 3. Nous vous ferons demeurer d'accord que, si quelquefois un peu d'absence fait grand bien, une trop longue fait grand mal, Sévigné, Lett. 17 juin 1687.

    Se dit aussi des choses qui restent. Une pluie acheva l'affaire : Il fallut se mettre à l'abri ; Je laisse à penser où ; le reste du mystère Au fond de l'antre est demeuré, La Fontaine, Fianc.

  • 2S'arrêter par fatigue, blessure, embarras. En 1809, dans la marche rapide de Napoléon sur Vienne, un grand nombre de soldats demeurèrent. Un de mes beaux chevaux demeura dès Palaiseau, Sévigné, 56.

    Fig. Il est demeuré au-dessous de son sujet, il n'a pas fait ce que le sujet exigeait. Il est demeuré au-dessous de lui-même, il n'a pas fait ce qu'il était capable de faire, ce qu'il faisait autrefois.

    Demeurer en chemin, ne pas achever le trajet qu'on avait commencé ; et, figurément, ne pas venir à bout de. Si je demeure en chemin, ce ne sera pas manque d'argent, Maintenon, Lett. à M. d'Aubigné, 10 févr. 1681.

    Fig. Demeurer en beau chemin, abandon. ner un dessein qu'on avait entrepris, sans qu'il y ait de notable difficulté qui nous arrête.

    En demeurer là, ne pas continuer. Je serai bien aise que vous me donniez ces vers par écrit. - C'est assez de vous les avoir dits, et je dois en demeurer là, Molière, Escarb. 1. Faut-il en demeurer là ? Sévigné, 457. Je vis bien que le roi n'était pas persuadé, mais je crus qu'il n'y avait qu'à en demeurer là, Maintenon, Lettr. au card. de Noailles, 25 mai 1695. Après avoir supputé longtemps sa dépense et ses forces, selon le mot de l'Évangile, elle en demeure là et ne jette pas même les premiers fondements de l'édifice, Massillon, Car. Enf. prod. Et ne présume pas que Vénus ou Satan Souffre qu'elle en demeure aux termes du roman, Boileau, Sat. X.

    L'affaire n'en demeurera pas là, elle aura des suites, des conséquences. Ils se sont insultés ; l'affaire n'en demeurera pas là, c'est-à-dire ils auront un duel.

    Demeurons-en là, n'en parlons pas davantage, cessons, et aussi, tenons-nous-en à ce parti, à ce choix. En ce dernier sens on dit aussi demeurons-en à cela.

    On l'emploie dans la même acception sans la particule en. Il écrivit sa surprise, son désespoir d'avoir pu déplaire, représenta huit enfants sans nul bien ; voilà où tout est demeuré, Sévigné, 392.

    Demeurer court ou tout court, manquer de mémoire. Il est demeuré court au milieu de sa période. Elle est demeurée court et n'a plus su que dire. C'est le plus petit inconvénient du monde que de demeurer court dans un sermon ou dans une harangue, La Bruyère, XII. Le féliciter [un prédicateur] sur l'agrément et la politesse de son langage, lui remettre l'esprit sur un endroit où il a couru risque de demeurer court, La Bruyère, XV.

    Terme de jeu de boule. Demeurer, ne pas pousser la boule jusqu'au but. Je suis demeuré. Ma boule est demeurée.

  • 3Suivi d'un qualificatif, il exprime un état prolongé. Je chauvis de l'oreille, et demeurant pensif…, Régnier, Sat. VIII. Et, par une constance admirable, demeurer ferme au milieu d'un péril qui fait trembler les plus courageux, Voiture, Lett. 13. Abondante en richesse, ou puissante en crédit, Je demeure toujours la fille d'un proscrit, Corneille, Cinna, I, 2. Autrement si le sort demeure encor douteux…, Corneille, Héracl. V, 5. Je souhaite que vous ne demeuriez pas mal édifié de nous, Pascal, Prov. 5. De même que ces fleuves tant vantés demeurent sans nom et sans gloire, mêlés dans l'océan avec les rivières les plus inconnues, Bossuet, Duch. d'Orl. Seigneur, avec raison je demeure étonnée, Racine, Brit. II, 3. Après avoir quitté la suprême puissance, vous êtes demeuré avili, obscur, inutile, abattu, Fénelon, Dial. des morts anc. 38.

    Ce qualificatif peut être un nom précédé d'une préposition. Je demeurai dans une sorte de stupeur. Grand roi, si jusqu'ici, par un trait de prudence, J'ai demeuré pour toi dans un humble silence, Boileau, Disc. au roi.

  • 4Employer un certain temps à faire quelque chose. Il a demeuré longtemps en chemin. Il demeure longtemps à venir. Vous avez trop demeuré à faire ce qu'on vous avait ordonné. …Au reste vous saurez Que je n'ai demeuré qu'un quart d'heure à le faire [un sonnet], Molière, Mis. I, 2.
  • 5Habiter, faire sa demeure. Le ciel nous fit ce bien qu'encor d'assez bonne heure Nous vînmes au logis où ce monsieur demeure, Régnier, Sat. X. Quel temps avez-vous demeuré en Angleterre ? - Sept ans, Molière, Mar. forc. 2. Démophile demeurait aux environs de Constantinople, et ceux de sa secte le reconnaissaient toujours pour évêque de cette ville impériale, Fléchier, Hist. de Théod. II, 30.
  • 6Ne pas se faire, ne pas être employé. Et faute de servir ce plat [des chardons] Rarement un festin demeure, La Fontaine, Fabl. VIII, 17. Les soins publics seraient abandonnés ; les affaires demeureraient, Massillon, Pet. car. Écueils.
  • 7Subsister, rester. Tout le soin qui me demeure N'est que d'obtenir du sort…, Malherbe, V, 3. Je vois bien… Du naufrage d'amour ce qui m'est demeuré, Régnier, Plainte. Qu'il vive et s'il se peut que l'ingrat me demeure, Corneille, Médée, II, 1. La gloire m'en demeure, Corneille, ib. II, 5. Quoi ! madame, en vos mains elle [une croix] était demeurée ? Voltaire, Zaïre, II, 3.
  • 8 Fig. Persister, se borner, en parlant des personnes. Eh bien ! puisque vous ne voulez pas m'écouter, demeurez dans votre pensée, et faites ce qu'il vous plaira, Molière, Bourg. gent. III, 10. S'ils [les anciens] fussent demeurés dans cette retenue de n'oser rien ajouter aux connaissances qu'ils avaient reçues…, Pascal, Pens. I, art. 1. On ne doit pas refuser l'absolution à ceux qui demeurent dans les occasions prochaines de péché, s'ils…, Pascal, Prov. 5. C'est qu'aujourd'hui l'on pèche beaucoup plus hardiment, que l'on demeure dans son péché beaucoup plus tranquillement, Bourdaloue, Pénitence, 2e avent, p. 503. Jusqu'à quand demeurerez-vous dans votre impureté ? Sacy, Bible, Jérémie, XIII, 27.
  • 9Demeurer à, rester la propriété, l'acquisition, le propre. Dans la vente à l'encan, ce livre, très poursuivi, m'est demeuré. Vous demeurez à vous, madame, en les perdant, Corneille, Suréna, I, 2. Afin que la force demeure toujours au souverain, Bossuet, Polit. S'ils choisissent un poste incommode, il leur demeure, La Bruyère, IX. À qui doit demeurer cette noble conquête ? Racine, Alex. IV, 5. Ecbatane est du moins sous mon obéissance ; C'est tout ce qui demeure aux enfants de Cyrus, Voltaire, Scythes, II, 4.
  • 10Être à demeure, tenir, persister, durer, en parlant des choses. Et trois ou quatre seulement, Au nombre desquels on me range, Peuvent donner une louange Qui demeure éternellement, Malherbe, III, 2. Et si la moindre tache en demeure à mon nom, Corneille, Nicom. IV, 1. Paix dont le déshonneur vous demeure éternel, Corneille, Médée, II, 2. C'est une vérité qui demeure éternellement, Massillon, Car. Élus. Elle [la foi] s'en rement pour les faveurs temporelles et les autres dons qui ne doivent pas demeurer, aux desseins éternels que le Seigneur a formés sur nos destinées, Massillon, ib. Prière 2. On feuillette son livre, on le discute, on le confronte ; ce ne sont pas des sons qui se perdent en l'air et qui s'oublient ; ce qui est imprimé demeure imprimé, La Bruyère, XV. Tout s'imprime, tout s'écrit, rien ne demeure, Voltaire, l'Écossaise, III, 3.

    Terme de jardinage. À demeurer, se dit de plantes qu'on sème en pleine terre pour y rester jusqu'à ce qu'on les consomme. On sème d'ordinaire à demeurer le cerfeuil, les carottes, les panais.

    Demeurer sur le cœur, sur l'estomac, se dit d'un aliment qui ne passe pas, qui cause des soulèvements.

    Fig. Cela lui est demeuré sur le cœur, c'est-à-dire il en conserve du ressentiment.

  • 11Demeurer au théâtre, ou, absolument, demeurer, en parlant d'une pièce, continuer à être jouée. Il est arrivé de cette pièce ce qui arrivera toujours des ouvrages qui ont quelque bonté : les critiques se sont évanouies, la pièce est demeurée, Racine, Brit. 2e préface.
  • 12V. imperson. Rester. Il lui est demeuré une cicatrice. S'il vous demeure encor quelque espoir pour Flavie, Corneille, Théod. III, 5. Il ne demeura rien de ce grand repas, tout fut bu et mangé, Vaugelas, Nouvelles rem. Il y demeura quelque cinq cents hommes sur la place, Perrot D'Ablancourt, Arrien, liv. I, ch. 10. Il ne lui est pas demeuré de quoi se faire enterrer, La Bruyère, VI.

REMARQUE

Demeurer se conjugue avec l'auxiliaire avoir, quand il marque une action : j'ai demeuré en Angleterre un mois ; avec l'auxiliaire être, quand il marque un état : dans mon saisissement, je suis demeuré incapable de répondre. L'action est marquée dans ces exemples-ci : J'ai demeuré captif en Égypte, Fénelon, Tél. III. Après que l'enfant aura demeuré là plusieurs heures, Rousseau, Ém. II. J'avais demeuré plus d'un an chez mon maître, Rousseau, Conf. I. L'action est beaucoup moins marquée dans ceux-ci ; mais il doit être permis aux poëtes de l'introduire là où l'idée d'état est la première qui se présente à l'esprit : à cet objet d'horreur, l'œil troublé, le teint blême, J'ai demeuré longtemps plus morte que lui-même, Rotrou, Antig. I, 2. Et dès le premier mot ma langue embarrassée Dans ma bouche vingt fois a demeuré glacée, Racine, Bérén. II, 2.

SYNONYME

1° DEMEURER, LOGER. Ces deux mots sont synonymes dans le sens où ils signifient la résidence ; mais demeurer se dit par rapport au lieu topographique où l'on habite, et loger par rapport à l'édifice où l'on se retire. On demeure à Paris, on loge au Louvre, à l'hôtel, etc. GUIZOT.

2° DEMEURER, RESTER., L'idée commune à ces deux mots est de ne pas s'en aller ; et la différence consiste en ce que demeurer ne présente que cette idée simple et générale de ne pas quitter le lieu où l'on est ; et que rester a de plus l'idée accessoire de laisser aller les autres.

HISTORIQUE

XI. s. La nuit [ils] demurent tresque vint al jur clair, Ch. de Rol. X. De ce cui chaut ? demuret i ont trop [ils ont trop tardé], ib. CXXXIV. Li Arabiz de venir ne demurent, ib. CCXXII. Ce qu'estre en deit, ne l'alez demurant [ne retardez pas ce qui en doit advenir], ib. CCLVI.

XIIe s. [Il] Ne va plus demorant, Ronc. p. 17. Ses [si les] vont ferir sans trestout demorer, ib. p. 58. Mort [il] le tresbuche sans plus de demorer, ib. p. 75. Un petitet estes trop demorez, ib. p. 101. Li rois Marsile n'a pas mout demoré, ib. p. 117. Venez o moi, gardez ne demorez, ib. p. 143. Eh ! respont Charles, jà plus ne demorra [tardera], ib. p. 175. Por Dieu [je] vous prie… Que nos convens [conventions] teniez, vienne ou demor [soit que je vienne ou que je demeure], Couci, XXII. Partir m'esteut [il me faut] de vous sans demorer [sans retard], ib. XXIV. Sachez, cil sont trop honni qui n'iront [à la croisade], S'il n'ont poverte ou vieillesse ou malage ; Et cil qui sain et jeune et riche sont, Ne peuvent pas demourer sans hontage, Quesnes, Romancero, p. 94. Mais demorés pour garder cest païs [terre sainte], ib. p. 101. Quant nous lui volons nuire, je ne voi nule part Que il demort en France ne la corone gart, Sax. XXIX. Si metomes un terme prochain, ne demort gaire ; Puis seromes ensemble pour faire au roi contraire [pour nous opposer au roi], ib. XXX.

XIIIe s. Ileuques [je] demorai de lors jusque mardi, Berte, I. Quant Pepins tint l'espié, ne vot [voulut] plus demourer, ib. III. En iceste matiere [je] ne veuil plus demourer, ib. III. S'en va Berte as grans piés, n'i a plus demouré, ib. XLV. Que il n'est au roi Flore nul enfant demouré, ib. LXVII. Ne doit pas demorer [vous ne devez pas vous dispenser] Que ses enfans et lui [elle] ne doiez gouverner, ib. XCVII. Trop [vous] me faites ici longuement demorer, ib. CXII. Mès ce me torne à grant contraire, Que sa merci trop me demore, la Rose, 3245. Si que par defaute de justice le [la] volentés du mort ne demeure pas à estre fete, Beaumanoir, XI, 10. S'il demeure [s'il ne se fait pas] par l'un des deus, li autres le pot fere contraindre à ce que mariage se face, Beaumanoir, XI, 3. Il ne demora pas en eus que lor sires ne fu hormis par lor porcas, Beaumanoir, XXX, 63. L'empereïs [impératrice] vint querre secours au roy pour son seigneur qui estoit en Constantinoble demourez, Joinville, 212. Moult de gens li loerent [conseillèrent] que il attendit tant que ses gens feussent revenus, pource que il ne li estoit pas demouré la tierce partie de ses gens, Joinville, 214. Le roy reçut moult debonnairement ses messages, et li renvoia les siens, qui demourerent deux ans avant que il revenissent à li, Joinville, 211. Et il demanda, se il demouroit, se je demourroie [en Palestine], et je li respondi : oïl, moult volentiers, Joinville, 228. Et sachiez que il [ce dessein] ne demoura [resta sans effet] que pource que il disoient que le roy estoit le plus ferme crestien que en [on] peust trouver, Joinville, 247. Grant honneur leur est faite, se en eulz ne demeure [s'ils n'y mettent obstacle], ainsi comme je vous ai dit devant, Joinville, 304.

XVe s. Ceux de Mont-Segur y descendirent volontiers [aux conditions de la trêve], et se mirent tantost douze bourgeois des plus suffisans en ostages, pour accomplir les convenances et demeurer la ville en paix, Froissart, I, I, 234. Ne demoura gueres après, que grand infamie issit sur la mere du jeune roy Edouard, Froissart, I, I, 50. Et que nullement ils ne laissassent le roi d'Angleterre repasser, ni prendre port en Flandre ; et si par leur coulpe en demeuroit, il les feroit tous mourir de male mort, Froissart, I, I, 106. Si dit : monseigneur, si nous estions droites gens d'armes et bien apperts, nous burions à ce souper des vins de ces seigneurs de France qui se tiennent en garnison en Bergerac. Si respondit le comte Derby tant seulement : jà pour moi ne demeurera, Froissart, I, I, 217. Nulle cruaulté ne demoura à estre faicte, Commines, VI, 13. Je demeuray à partir aucuns jours, parce que le roy fut malade de la petite verole et en peril de mort, Commines, VII, 6. Cestuy là vouloit que ces entreprises demeurassent de tous points [fussent continuées]. Commines, VIII, 16.

XVIe s. Que nous en chaut ? en douleur ils mourront, Et nos plaisirs tousjours nous demourront, Marot, I, 338. Sur le beau temps ainsi tu partiras, Et en ton lieu regrets demoureront, Marot, II, 294. Demeurer court [à faire quelque chose], Montaigne, I, 190. Il n'est demeuré de luy que ce discours, Montaigne, I, 206. Il fault qu'il y en ait un à qui le champ demeure, Montaigne, I, 269. Le surnom de divin luy en est demeuré, Montaigne, II, 252. Tant qu'elle vesquit, le sobriquet pau d'asne lui demeura, Despériers, Contes, CXXIX. Theseus, qui ne vouloit pas demeurer sans rien faire, se partit pour aller combattre le taureau de Marathon, Amyot, Thés. 16. Pource que les bœufs demouroient trop à venir, ilz se soubmeirent tous deux vouluntairement au joug, Amyot, Solon, 57. Ilz se hasarderent à tous dangers de la guerre, qu'ilz y demourerent presque tous, Amyot, Cimon, 1.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

DEMEURER. Ajoutez :
13Y demeurer, se dit pour périr dans une bataille, dans un accident. En voici un exemple du XVIe siècle : Posons le cas que l'armée des catholiques, avec l'aide des Espagnols, soit victorieuse et l'hérétique abattu, cela ne peut estre sans qu'un grand nombre y demeurent… après telles victoires sanglantes, le tiers spectateur de la tragédie, qui est frais, a belle occasion de se rendre supérieur des deux partis, Guy Coquille, Œuvres, éd. de 1666, t. II, p. 259.
Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Encyclopédie, 1re édition (1751)

DEMEURER, v. n. (Mar.) on se sert de cette expression dans la Marine, demeurer au nord, demeurer au sud, demeurer à bas bord, pour dire qu’une côte ou une île est située & reste au sud ou au nord par rapport à vous. On dit aussi, nous apperçûmes un navire qui nous demeuroit au nord-ouest, &c.

Lorsqu’on parle de vaisseaux qui font route ensemble, ceux qui ne vont pas si bien, sont dits demeurer de l’arriere. (Z)

Demeurer, terme qui, joint avec d’autres, a plusieurs significations dans le Commerce.

Demeurer en souffrance : on dit en termes de compte, qu’une partie, qu’un article est demeuré en souffrance, lorsqu’il n’est passé & alloüé qu’à la charge d’en justifier par quittances, décharges, ordres ou autrement.

Demeurer en reste, Demeurer en arriere, c’est ne pas payer entierement les sommes contenues dans une obligation, dans un mémoire, dans le débet d’un compte.

Demeurer garant, c’est répondre de l’exécution d’une promesse faite par un autre, ou du payement d’une somme qu’il emprunte & qu’il doit : c’est se rendre sa caution. Voyez Caution.

Demeurer du croire ; c’est être garant de la solvabilité de ceux à qui l’on vend des marchandises à crédit pour le compte d’autrui. Les commissionnaires doivent convenir avec les commettans, s’ils demeureront du croire, ou non ; car dans le premier cas les commettans doivent payer aux commissionnaires un droit de commission plus fort, à cause des grands risques que courent ceux-ci en faisant les deniers bons ; & dans ce même cas les commissionnaires doivent avoir trois mois, à compter du jour de l’échéance de chaque partie de marchandise qu’ils auront vendue à crédit, pour faire les remises aux commettans, ou avant qu’ils puissent faire aucunes traites sur eux. Si au contraire les commissionnaires ne demeurent pas d’accord du croire des débiteurs, ils doivent remettre aux commettans à mesure qu’ils reçoivent les deniers provenans de la vente de leurs marchandises, ou leur en donner avis, afin que les commettans s’en prévalent en tirant des lettres de change sur eux, ou pour remettre en d’autres lieux, suivant les ordres qu’ils en reçoivent. Savary, parfait Négociant, liv. III. chap. iij. part. 2.

Demeurer du croire, se dit aussi à l’égard des dispositions ou négociations que les commissionnaires ou correspondans des négocians & banquiers font pour leurs commettans, concernant la banque.

Lorsqu’il y a convention précise par écrit entre un commissionnaire & un commettant, laquelle porte que le commissionnaire demeurera du croire, le commissionnaire doit être responsable envers le commettant, de l’évenement des lettres de change qu’il lui remet, soit par son ordre ou autrement : au contraire si le commissionnaire n’en est pas convenu, quelques ordres qu’il ait pû mettre sur les lettres, cela ne peut lui nuire ni préjudicier à l’égard de son commettant, mais seulement à l’égard d’une tierce personne qui seroit porteur de la lettre. Savary, parfait Négociant, part. II. liv. III. ch. jv. & les dictionnaires de Comm. & de Trév. (G)

Demeurer, en termes de Manege, se dit du cheval, lorsque l’écolier ne le détermine pas assez à aller en-avant : alors le maître dit, votre cheval demeure. (G)

Wikisource - licence Creative Commons attribution partage dans les mêmes conditions 3.0

Étymologie de « demeurer »

Berry, demourer ; provenç et espagn. demorar ; ital. dimorare ; du latin demorari, de la préposition de, et morari, demeurer, tarder.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Du latin demorari (« tarder, attendre ») dérivant du verbe demoror « rester » composé du suffixe de- et de moror « s’attarder » dérivant de mora venant de l’indo-européen *(s)mer.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « demeurer »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
demeurer dœmœre

Fréquence d'apparition du mot « demeurer » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « demeurer »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « demeurer »

  • La paix est mince, et elle doit le demeurer si elle veut se faufiler entre deux guerres.
    Aline Beaudin-Beaupré — Le Coeur sur les lèvres
  • Même s'il arrive à certains humains de se conduire bestialement, les chiens continuent de demeurer des bêtes.
    Noëlle Châtelet — Libération - 13 Mai 2000
  • La télévision est un instrument majeur de pouvoir. Elle doit demeurer une arme essentielle de la citoyenneté.
    Laure Adler — Les Dossiers de l’audiovisuel
  • Aucune vérité ne mérite de demeurer exemplaire.
    André Breton — Les Pas perdus, Gallimard
  • Se rencontrer et s’unir, rien de plus facile ; demeurer ensemble et vivre en paix, voilà le difficile.
    Anonyme
  • Ô solitude! si je dois avec toi demeurer, Que ce soit parmi l’inextricable amas De bâtiments noircis.
    John Keats — Seul dans la splendeur, 2010
  • Une société, pas plus qu'une femme, ne peut demeurer indéfiniment enceinte : il faut qu'elle accouche ou qu'elle avorte.
    René Lévesque
  • Les hommes naissent bien dans l’égalité mais ils n’y sauraient demeurer.
    Montesquieu — L’esprit des lois
  • « Cet argent servira pour accorder des prêts de 40 000 $ aux entreprises. Lorsqu’il y aura remboursement, l’argent retournera dans les coffres des SADC. Trois quarts des 5,3 M$ demeureront dans les SADC de votre région étant donné qu’il y a une tranche de 10 000 $ non remboursable », a mentionné Mme Brière.
    Le Quotidien — De l’argent appelé à demeurer dans les milieux ruraux | Actualités | Le Quotidien - Chicoutimi
  • S’il est demeuré maudit au niveau de la finition, Pajtim Kasami a été l’élément le plus remuant, le seul aussi à tenter de briser les lignes. C’est aussi le seul qui a «affronté» les médias au coup de sifflet final. «Cela fait d’autant plus mal de perdre après avoir bien joué, devait-il indiquer. Il faut demeurer positif, j’ai déjà vécu cette situation. Si l’on cherche le négatif, on n’ira nulle part.»
    lematin.ch/ — Football: Kasami: «Si l’on cherche le négatif, on n’ira nulle part» - News Sports: Football - lematin.ch
Voir toutes les citations du mot « demeurer » →

Traductions du mot « demeurer »

Langue Traduction
Anglais remain
Espagnol permanecer
Italien rimanere
Allemand bleiben übrig
Chinois 保持
Arabe يبقى
Portugais permanecer
Russe оставаться
Japonais 残る
Basque geratzen
Corse rimanite
Source : Google Translate API

Synonymes de « demeurer »

Source : synonymes de demeurer sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « demeurer »

Combien de points fait le mot demeurer au Scrabble ?

Nombre de points du mot demeurer au scrabble : 11 points

Demeurer

Retour au sommaire ➦

Partager