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Effacer

Définitions de « effacer »

Trésor de la Langue Française informatisé

EFFACER, verbe trans.

I.− Emploi trans.
A.− Faire disparaître.
1.
a) Faire disparaître totalement (ce qui est tracé ou marqué sur une surface). Effacer une phrase, un chiffre (sur un tableau). À une époque où le parchemin devint rare, on effaça des dessins pour écrire à leur place (Lenoir, Archit. monast.,1852, p. 31).Il suffirait que j'eusse effacé un mot de ce qui s'y trouve écrit (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1556):
1. ... la vie n'est plus qu'une ardoise où j'efface tout ce qui s'y inscrit, au jour le jour, de l'histoire des hommes. Mauriac, Mémoires intérieurs,1959, p. 39.
SYNT. Effacer une tache; effacer le prix (d'un cadeau); effacer avec un chiffon; effacer entièrement, complètement, avec soin; gomme à effacer.
P. anal. Effacer un pli (de vêtement). Ils n'avaient qu'un seul jour pour effacer leurs rides (Sartre, Nausée,1938, p. 66).Dans le monde hors de la maison, la neige efface les pas, brouille les chemins, étouffe les bruits (Bachelard, Poét. espace,1957, p. 53).
Spéc. Rendre peu ou moins visible. Effacer les vestiges (de qqc.), les traces (de qqn, qqc.); effacer ses pas; effacer une empreinte, un indice, une inscription, une signature. Un cadran solaire dont le soleil et la pluie avaient effacé les chiffres (France, Livre ami,1885, p. 39).
P. ext. Annuler (un signe) sans le faire disparaître (en barrant, biffant, raturant, etc.). Effacer un nom d'une liste; (p. ell.) effacer qqn d'une liste. Synon. radier.
P. métaph. Effacer (qqn ou qqc.) de sa mémoire. La nature qui efface de notre mémoire tant de souvenirs inutiles ou nuisibles (Green, Journal,1936, p. 62).
b) P. ext. Éliminer, faire disparaître (quelque chose). Eustache s'avisa de lui appliquer un soufflet à lui effacer la figure (Nerval, Nouv. et fantais.,1855, p. 225).Une petite odeur à quoi s'ajoutaient, sans l'effacer, des traces de parfum (Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 119):
2. Paisible, Yvonne efface son fard, le remplace par une touche de rose, un nuage de poudre... Colette, Paysages et portraits,1954, p. 134.
c) Argot
Faire disparaître en absorbant : boire ou manger (quelque chose). Effacer un morceau de fromage (Delvau 1867, p. 150). Effacer un plat, une bouteille (cf. L. Rigaud, Dict. du jargon parisien, 1878, p. 127; France 1907; Esn. 1866).
Recevoir (une balle, un mauvais coup, etc.) (d'apr. Le Breton Argot 1975). Synon. encaisser.Ils ont effacé quelques bastos entre le faux-filet et la bavette (A. Simonin, Le Pt Simonin ill.,1957, p. 48).
2. Au fig.
a) Faire disparaître, supprimer (une chose abstraite). Effacer une (bonne, mauvaise) impression; effacer des inégalités, des différences; effacer les conséquences (d'une action, d'un événement). Le temps effacera la douleur (G. Bataille, Exp. int.,1943, p. 89).Il faut effacer toute distinction entre ouvriers et intellectuels (Camus, Homme rév.,1951, p. 183).
[Compl. abstr. ou concr.] Effacer de la terre. Éliminer radicalement. Elle [une danseuse] semble d'abord, de ses pas pleins d'esprit, effacer de la terre toute fatigue, et toute sottise (Valéry, Eupalinos,1923, p. 25).Effacer (un pays) de la surface du globe. L'anéantir.
b) Faire oublier. Effacer le souvenir (de qqc., qqn); effacer le passé. Ce que je fais, (...) effacerait un crime, et je n'ai commis qu'une faiblesse (A. Dumas père, Chev. Maison-Rouge,1847, IV, 3, p. 136).Notre œil de Parisien regarde mal une ville dont l'habitude nous efface les charmes (Cocteau, Foyer artistes,1957, p. 111).
c) Pardonner. Effacer une faute, un péché, un affront, des torts; effacer par la contrition, par la pénitence, par des larmes. « Agneau de Dieu qui effacez les péchés du monde, ... » (Billy, Introïbo,1939, p. 6).
B.− Empêcher de paraître
1. [Le compl. désigne une chose]
a) Affaiblir ou supprimer ce qui se manifeste normalement. Laurent regardait le ciel splendide où la lune effaçait la clarté des étoiles (Sand, Elle et lui,1859, p. 104).Chez la femme, la graisse efface plus ou moins les saillies osseuses (Richer, Nouv. anat. artist.,t. 2, 1920, p. 71):
3. ... de longs peupliers effeuillés, tellement blancs que la lumière les effaçait et mettait à leur place des faisceaux de scintillements. Giono, Le Hussard sur le toit,1951, p. 291.
Spéc. Rendre moins apparent (une partie du corps) par un mouvement de retrait (en particulier en escrime). Effacer le corps, une épaule. Les assistants (...) cambraient les reins, effaçaient le ventre (Arnoux, Roi,1956, p. 278).
b) [Abstr.] Mettre en retrait, éclipser. Effacer sa personnalité. On sait qu'il [Vinci] peignit dans un tableau de son professeur une tête d'ange si belle, d'un goût si rare et si neuf, qu'elle effaçait tout le reste de l'œuvre (Gautier, Guide Louvre,1872, p. 200):
4. La conclusion de tout ceci est qu'il faut effacer son opinion aussi bien que celle des autres devant les décisions de l'expérience. Bernard, Introd. à l'étude de la méd. expérimentale,1865, p. 63.
2. [Le compl. désigne une pers.]
a) Surpasser, éclipser, empêcher de briller. Aujourd'hui, leur grand contemporain [Rubens] semble les effacer sous sa gloire (Taine, Philos. art,t. 1, 1865, p. 4):
5. Un autre jour, vous me dites que vous avez une autre route que la mienne (...) que je m'y prendrais mal, que j'effaroucherais l'abonné (...) que je vous effacerais. Sand, Corresp.,t. 2, 1812-76, p. 308.
b) Arg. Tuer. Il y avait sur moi un mauvais sort (...) pour que toujours ceux que j'aimais bien se fassent effacer (Simonin, Touchez pas au grisbi,1953, p. 221).
II.− Emploi pronom.
A.− À sens passif. [Le suj. désigne un nom de chose]
1. [Le suj. désigne une chose tracée ou marquée sur une surface (cf. supra I A 1)] Disparaître progressivement. S'altérer et s'effacer. Je n'ai certes pas composé mon portrait, mais je l'ai dessiné trop vite, et les traits s'effacent (Green, Journal,1940-43, p. 158):
6. ... un antique écrin de velours blanc, où le nom du bijoutier s'effaçait en lettres dorées vieilles de 30 ans. A. Daudet, Fromont jeune et Risler aîné,1874, p. 17.
P. anal. Elle [Sœurette] vit sortir doucement une femme, un ombre légère de femme, qui s'effaça presque aussitôt dans le brouillard rose du matin (Zola, Travail, t. 1, 1901, p. 314).Un vallon (...) où un ancien chemin (...) s'effaçait peu à peu (Larbaud, Enfantines,1918, p. 168).
P. ext. Être enlevé, supprimé. Le phare, reculant, pâlit, blêmit, puis s'effaça. Cette extinction fut morne (Hugo, Homme qui rit,t. 1, 1869, p. 111).
P. métaph. S'effacer du souvenir. Peu à peu le souvenir de mon cousin s'effaçait de ma mémoire (Green, Autre sommeil,1931, p. 56).
2. Au fig. (cf. supra I A 2).
a) Disparaître, être supprimé. Des divisions qui s'effacent. Soudain, il [l'homme] découvre que le sol n'est pas sûr, que des villes peuvent disparaître, que des civilisations s'effacent (Chardonne, Attach.,1943, p. 114):
7. Entre eux deux, il [le beau-père] sentait s'effacer un chemin de compréhension [avec le gendre], s'évanouir un lien dont la ténuité annonçait la rupture définitive. Aymé, Travelingue,1941, p. 8.
b) S'oublier, disparaître de la mémoire. Déjà le souvenir de la vivante s'efface et la mémoire ne gardera, je le sais, que l'image de la morte (Bernanos, Journal curé camp.,1936, p. 1168).Rien ne s'efface plus vite qu'un visage illustre s'il ne rafraîchit pas (...) la mémoire et les regards de ses adorateurs (Arnoux, Roi,1956, p. 320):
8. Mes souvenirs de Stamboul, (...) sont morts à présent. Avec frayeur, je les ai vus s'effacer peu à peu et disparaître; ... Loti, Journal intime,t. 1, 1878-81, p. 138.
B.− Pronom. réfl. [Le suj. désigne une partie du corps] Faire en sorte de paraître le moins possible.
1. Domaine concr.
a) Offrir le moins de prise possible. S'effacer sous les coups; s'effacer contre un mur. Les épaules s'effaçaient; le buste était tendu comme si Michaud se trouvait encore sous les armes (Balzac, Paysans,1844, p. 96).Dans les grands salons du rez-de-chaussée où des panneaux s'effaçaient tout le long de la boiserie blanche, il ne restait plus un meuble (A. Daudet, R. Helmont,1874, p. 108).
b) Occuper le moins d'espace possible, se mettre de côté, à l'écart. Lorsque Manette était entrée dans la maison, Anatole s'était effacé devant elle (Goncourt, Man. Salomon,1867, p. 336).
[Avec un compl. de lieu] Il se leva lestement, et s'effaça derrière le pilier (Balzac, Maître Cornélius,1831, p. 205).Il s'effaça dans un coin (Tharaud, Dingley,1906, p. 17).
Absol. S'effacer pour laisser passer, entrer (qqn); s'effacer poliment, discrètement. Elle [Luce] ouvre une autre porte, s'efface, la referme sur nous (Colette, Cl. Paris,1901, p. 163):
9. Il [un monsieur] arrive toujours le premier à la porte du restaurant, s'efface, laisse passer sa femme, (...) et entre alors... Camus, La Peste,1947, p. 1237.
Arg. Mourir. Il s'est effacé en trois jours d'une mauvaise angine (Riv.-Car.1969).
2. Domaine abstr.
a) S'effacer devant qqc.Se faire oublier au profit de. Les bâtisseurs qui avaient eu la modestie de s'effacer devant leurs cathédrales (Sartre, Mots,1964, p. 48).
S'effacer devant qqn.Lui laisser la première place, reconnaître sa supériorité. Il faut (...) que le virtuose s'efface devant le compositeur (Berlioz, À travers chants,1862, p. 65).Il m'avait dit tout de suite en arrivant qu'il était prêt à s'effacer devant quelqu'un ayant connu Philippe (Léautaud, Journal littér.,2, 1907-09, p. 215).
b) Absol. Éviter de se faire remarquer. S'effacer par modestie. Elle s'efforçait de disparaître, très modeste, s'effaçant, s'éteignant, toujours en noir et sans un bijou (Zola, Lourdes,1894, p. 56).C'est une personne taciturne et courtoise qui s'efface toujours quand il le faut (Green, Malfaiteur,1955, p. 8):
10. Le romancier, pensais-je, doit s'effacer, disparaître derrière ses personnages, leur abandonner la place, ... Martin du Gard, Souvenirs autobiographiques,1955, p. LX.
Rem. On rencontre ds la docum. le subst. fém. effaçade. Action d'effacer. Synon. effacement. Les intimes de son entourage [du duc de Bordeaux] demandent la liste des personnes engagées et effacent toujours cinq ou six noms... Cette effaçade (...) fait juger fort sévèrement ce pauvre jeune homme (Stendhal, Corresp., t. 3, 1800-42, p. 242).
Prononc. et Orth. : [efase]. Warn. 1968 note qu'on entend parfois [εfase]. Cette prononc. est donnée ds Barbeau-Rodhe 1930 et Littré. Elle s'explique par l'influence graph. des lettres redoublées sur le timbre de la voyelle précédente. Le verbe est admis ds Ac. 1694-1932. Il prend une cédille devant a et o : j'effaçai(s), nous effaçons. Étymol. et Hist. 1remoitié xiies. seit esfaced li nuns de lui « faire disparaître » (Psautier d'Oxford, éd. F. Michel, CVII, 12); ca 1223 [de son escrit] m'esface (Gautier de Coincy, éd. F. Kœnig, II Prière 37, 37); 1remoitié xiiies. Et son chief blont qui le fin or efface (Thibaut de Champagne, Chansons, éd. A. Wallensköld, XXXVIII, 43); 1640 la pompe la plus vaine s'efface au seul aspect de la grandeur romaine (Corneille, Sertorius, II, 2, v. 502); 1721 escrime (Trév.). Dér. de face*; préf. é-*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 3 314. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 5 088, b) 3 969; xxes. : a) 4 530, b) 4 900.
DÉR. 1.
Effaçable, adj.Qui peut être effacé. Tache effaçable. Anton. ineffaçable, indélébile.Cette écriture est effaçable avec de l'eau-forte (Ac.1932).Au fig. Impression (difficilement) effaçable. Ma vipère de lettre aux bien effaçables crachats (Laforgue, Complaintes,1885, p. 119). [efasabl̥]. Pour [ε] ouvert à l'initiale, cf. effacer. Ds Ac. 1718-1932. 1reattest. 1549 effassable (Le Maire, Illustr., I, 31, p. 102 ds Gdf. Compl.); du rad. de effacer, suff. -able*. Fréq. abs. littér. : 2.
2.
Effaçage, subst. masc.[Correspond à effacer I A 1 a] Action d'effacer, de faire disparaître ce qui est tracé ou marqué. Synon. effacement.Spéc., technol. Travail consistant à effacer. On ne saurait trop recommander à l'ouvrier chargé de l'effaçage des pierres [lithographiques] d'apporter à son travail tout le soin désirable (Chelet, Lithogr.,1933, p. 18). [efasa:ʒ]. Pour [ε] ouvert à l'initiale, cf. effacer. 1reattest. 1866 (Ordonn. de police ds Littré); du rad. de effacer, suff. -age*.
3.
Effaceur, euse, adj.Qui efface. La main effaceuse du temps (Péladan, Vice supr.,1884, p. 188).Emploi subst. Personne qui efface. Un effaceur, une effaceuse. [efasœ:ʀ]. Pour [ε] ouvert à l'initiale, cf. effacer. 1reattest. xives. [ms.] qui les péchés ies effaicer e (Canticum Mariae, 18 ds Psautier d'Oxford, éd. F. Michel, p. 360); du rad. de effacer, suff. -eur2*. Fréq. abs. littér. : 1.
4.
Effaçure, subst. fém.[Correspond à effacer I A 1 a] a) Action d'effacer. Une vraie peine, disparue sous l'effaçure du temps (A. Daudet, Pte paroisse,1895, p. 112).b) Ce qui résulte de l'effaçage. Persuadé que (...) mon nom se lirait au milieu de toutes ces effaçures (Chateaubr., Mém.,t. 3, 1848, p. 10). [efasy:ʀ]. Pour [ε] ouvert à l'initiale, cf. effacer. Ds Ac. 1694-1932. 1reattest. 1238 sans nule effaceure (Acte Hôtel-Dieu de Soissons, vo, Drachy ds Gdf.); du rad. de effacer, suff. -ure*. Fréq. abs. littér. : 3.

Wiktionnaire

Verbe - français

effacer \e.fa.se\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison) (pronominal : s’effacer)

  1. Faire disparaître plus ou moins, en parlant de la forme, des couleurs de quelque chose.
    • Insensiblement la sombre humeur qu'on voyait sur leurs traits s'atténuait, s'effaçait. De menaçants, ils devenaient gouailleurs, puis doucereux, entreprenants. — (Francis Carco, Images cachées, Éditions Albin Michel, Paris, 1928)
    • Le temps a effacé les traits et les couleurs de ce tableau. Effacer l’empreinte d’une médaille, ou, simplement, Effacer une médaille.
    • Ses dernières actions ont effacé les taches de sa vie passée. Vos bienfaits ne s’effaceront jamais de ma mémoire. Elle avait des couleurs, mais la maladie les a effacées.
    • Il s’effaça pour éviter le coup.
  2. (Par extension) Annuler.
    • Voila deux chiffres qui vont faire mentir les Cassandre : après les 332 100 emplois détruits en 2020, 330 800 emplois ont été créés sur le premier semestre 2021 en France. Autrement dit, l’effet de la crise liée au Covid-19 sur l’emploi salarié est d’ores et déjà effacé, selon les estimations provisoires publiées vendredi 6 août par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). — (Béatrice Madeline, En France, l’emploi salarié a retrouvé son niveau d’avant-crise, Le Monde. Mis en ligne le 6 août 2021)
  3. (Figuré) Surpasser, éclipser.
    • Cet homme a effacé la gloire de ses ancêtres, il a effacé tous ceux qui l’ont précédé. Dans ce bal, elle effaçait par sa beauté toutes les autres femmes.
  4. (Figuré) Pardonner.
    • Que sont devenus les casuistes ? Gens simples, qui prenaient les péchés un à un, et par grand effort, effaçait celui-ci, puis celui-là. — (Jules Michelet, Du prêtre, de la femme, de la famille, 3e éd., Hachette & Paulin, 1845, page 113)
  5. (Figuré) (Pronominal) S’écarter pour laisser passer quelqu’un ou pour lui laisser l'avantage.
    • … elle aurait été très choquée si je ne l’avais pas fait, comme elle l’aurait été si je n’avais pas dit « Au revoir madame », en sortant d’une boutique… ou si je ne m’étais pas effacée dans une porte. — (Nathalie Sarraute, Enfance, Gallimard, 1983, collection Folio, page 234)
    • Il s’effaçait pour faire briller son ami
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

EFFACER. v. tr.
Faire disparaître plus ou moins, en parlant de la Forme, des couleurs de quelque chose. Le temps a effacé les traits et les couleurs de ce tableau. Effacer l'empreinte d'une médaille, ou, simplement, Effacer une médaille. Une empreinte qui s'efface par le frottement. Effacer une ligne, deux lignes d'écriture. Il faut effacer ces mots-là. Des couleurs qui s'effacent. Fig., Effacer le souvenir d'un événement. Ses dernières actions ont effacé les taches de sa vie passée. Vos bienfaits ne s'effaceront jamais de ma mémoire. Elle avait des couleurs, mais la maladie les a effacées. Il se dit encore figurément pour Surpasser, éclipser. Cet homme a effacé la gloire de ses ancêtres, il a effacé tous ceux qui l'ont précédé. Toute autre gloire s'efface devant la sienne. Dans ce bal, elle effaçait par sa beauté toutes les autres femmes. Effacer le corps, effacer une épaule, etc., ou simplement S'effacer dans certains exercices, comme l'escrime, la danse, le manège. Tenir le corps, une épaule dans la position qui donne le moins de prise, le plus de grâce. Effacer l'épaule gauche. Effacez-vous un peu plus. Il s'effaça pour éviter le coup. Fig., Il s'effaçait pour faire briller son ami, Il faisait en sorte de ne pas attirer l'attention sur lui. On dit aussi, dans le même sens, Caractère effacé. Personne effacée. Il a joué dans cette affaire un rôle très effacé.

Littré (1872-1877)

EFFACER (è-fa-sé. Le c prend une cédille devant a ou o : nous effaçons ; j'effaçais) v. a.
  • 1Faire disparaître une face, une figure ou des couleurs par le frottement, ou en biffant, en raturant. Effacer les chiffres, les figures qui sont au tableau. Il faut effacer ces mots-là. Effacer un nom d'une liste, un article d'un compte. Puisque la loi ne veut pas qu'on fasse mourir ceux qui sont du nombre des trois mille, autrement que par l'avis du sénat, j'efface Théramène de ce nombre et le condamne à mort en vertu de mon autorité et de celle de mes collègues, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. IV, p. 115, dans POUGENS. Ce peu de sang que ta main va verser, Quelques soins d'un moment vont bientôt l'effacer, Ducis, Macbeth, III, 3.

    Absolument. Il efface et corrige sans cesse. Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage ; Polissez-le sans cesse et le repolissez ; Ajoutez quelquefois et souvent effacez, Boileau, Art p. I.

  • 2 Par extension, faire disparaître. Le temps avait effacé plusieurs monuments que les poëtes ont célébrés, Vaugelas, Q. C. liv. III, dans RICHELET. Et que le jour paraisse, ou que la nuit l'efface, Je n'ai point de clarté que celle que sa grâce Inspire en mon esprit, Racan, Ps. LIV. Jour, qui fais la couleur, et toi, nuit, qui l'effaces, Exaltez sa grandeur, Corneille, Trad. du cant. des trois enfants. La beauté passe, Le temps l'efface ; L'âge de glace Vient à sa place, Molière, Mal. imag. Intermède 2. …Quelle étrange pâleur De son teint tout à coup efface la couleur ? Racine, Esth. II, 7. Je me souviendrai toute ma vie d'avoir vu… cet air superbe et menaçant que la mort même n'avait pu effacer, Fénelon, Tél. II.
  • 3 Fig. Faire oublier. Je t'ai fait une offense et j'ai dû m'y porter, Pour effacer ma honte et pour te mériter, Corneille, Cid, III, 4. Et c'est le dire assez qu'ordonner qu'on efface Un grand crime impuni par le sang de sa race, Corneille, Œdipe, III, 5. Quand j'aurai de ses maux effacé l'infamie, Corneille, Sertor. IV, 2. Et le triste succès de tout ce qu'il m'adresse M'efface son offense et lui rend ma tendresse, Molière, D. Garc. V, 2. La paysanne que je viens de quitter répare ce malheur, et je lui ai trouvé des charmes qui effacent de mon esprit tout le chagrin que…, Molière, le Fest. de Pierre, II, 2. La reconnaissance de l'obligation n'efface pas en moi le ressentiment de l'injure, Molière, ib. III, 6. Non il n'est rien qui puisse effacer de mon cœur les tendres témoignages…, Molière, Sicil. 13. La gloire d'un si beau nom ne fut effacée ni par la mollesse de Lucius Vérus, frère de Marc-Aurèle et son collègue dans l'empire, ni par les brutalités de Commode son fils et son successeur, Bossuet, Hist. I, 10. Dis-lui… Que ses ressentiments doivent être effacés, Racine, Andr. IV, I. Où la haine des rois avec le lait sucée, Par crainte ou par amour ne peut être effacée, Racine, Bérén. IV, 4. Entre Sénèque et vous disputez-vous la gloire à qui m'effacera plus tôt de sa mémoire, Racine, Brit. I, 2. Ses caresses n'ont point effacé cette injure, Racine, Baj. I, 1. Cet illustre assassin entouré de victimes En descendant du trône efface tous ses crimes, Voltaire, Mort de Cés. III, 4. Vos généreuses mains s'empressent d'effacer Les larmes que le ciel me condamne à verser, Voltaire, Fanat. I, 2. Tous vos respects ne pourront effacer Les téméraires vœux qui m'osaient offenser, Voltaire, Sémir. II, 2.

    Absolument. Vous me parlez de Mme d'Heudicourt, et vous voulez un raccommodement en forme ; il n'y en a point ; le temps efface ; on la revoit…, Sévigné, 306.

  • 4Éclipser, l'emporter d'une façon quelconque. Où le fameux Horace Vient d'effacer l'éclat des héros de sa race, Du Ryer, Scévole, II, 3. Léonce est effacé par le fils de Maurice, Corneille, Héracl. III, 2. C'est une belle chose que de se laisser effacer dans un lieu où l'on a affaire, Sévigné, 176. Notre cardinal vous aurait un peu effacée, Sévigné, 190. Les Mèdes étaient effacés par la grandeur des rois de Babylone, Bossuet, Hist. I, 7. Dont la blancheur effaçait celle de la neige, Fénelon, Tél. I. Il a effacé la gloire de tous les conquérants, Fénelon, ib. V. Sa beauté effaçait celle de Calypso, Fénelon, ib. VII. Tout ce qui vous efface blesse votre orgueil, Massillon, Car. Confess. Vous ne pouvez souffrir ceux qui vous effacent, Massillon, ib. Salut. Deux hommes effacèrent par leurs vertus tous les autres citoyens, Montesquieu, Rom. 11. Dans l'art des vers c'est toi qui fus mon maître ; Je t'effaçai sans te rendre jaloux, Béranger, Bonsoir. Achille était poétique, Mais morbleu nous l'effaçons, Béranger, Mirmid.
  • 5 Terme d'escrime et militaire. Effacer le corps, une épaule, se tenir bien de côté, de manière à présenter le moins de surface à l'adversaire, ou à rentrer dans l'alignement du rang.
  • 6S'effacer, v. réfl. Être effacé, enlevé par frottement ou autrement. Ce crayon s'efface facilement.

    S'ôter l'un à l'autre l'apparence, l'existence. Ils s'effaçaient l'un l'autre [il s'agit de spectres dans un songe] ; et chaque illusion Redoublait mon effroi par sa confusion, Corneille, Hor. I, 3.

    Fig. Mais hélas ! ce portrait qu'elle s'était tracé Perd beaucoup de son lustre et s'est bien effacé, Rotrou, Vencesl. I, 1. Mais tous les préjugés s'effacent à ta voix, Voltaire, Alz. I, 1. Vos premiers sentiments doivent tous s'effacer, Voltaire, Fanat. V, 2.

    Être mis de côté, négligé. Par le salut public devant qui tout s'efface, Voltaire, Zulime, II, 1.

    Être oublié. S'effacer de la mémoire.

  • 7Disparaître. De leur plus haut rang la pompe la plus vaine S'efface au seul aspect de la grandeur romaine, Corneille, Sertor. II, 2. Fuyons, l'ombre s'efface et l'aube va paraître, Delavigne, Vêpres sic. II, 7. Et la moitié du ciel pâlissait, et la brise Défaillait dans la voile, immobile et sans voix, Et les ombres couraient, et sous leur teinte grise Tout sur le ciel et l'eau s'effaçait à la fois, Lamartine, Harm. II, 2.
  • 8S'éclipser soi-même. Il s'effaçait pour faire briller son ami.

    Perdre son empreinte propre. Les caractères s'effacèrent.

  • 9 Terme d'escrime. Se présenter bien de côté, en offrant la moindre surface.

    Terme militaire. Rentrer dans l'alignement.

    Terme de marine. Un vaisseau s'efface quand, étant embossé, il présente le flanc à un bâtiment, à un fort, etc.

SYNONYME

EFFACER, RAYER, RATURER, BIFFER. Effacer est le plus général des quatre, vu qu'on efface de toutes sortes de façons. On efface un mot soit en le rayant, soit en le grattant, soit même en le lavant. On raye un mot en passant une raie dessus. Raturer, bien qu'il exprime un acte semblable à rayer, dit quelque chose de plus ; la rature efface plus complétement que la raie. On biffe un mot en le rayant aussi ; mais, quand il s'agit d'une pièce entière, d'un arrêt, etc. on dit qu'on les biffe, ce qui est les croiser avec une raie d'encre.

HISTORIQUE

XIIe s. Seient fait li fil [les fils] de lui en peril ; en une generaciun seit esfaced li nums de lui, Liber psalm. p. 169.

XIIIe s. Que qui l'orra veuille jus mettre De soi le mal, si que bien fasse, Que par bien oïr maint esfasse De son cors le mauvais usage, Dit de paresse. Roïne debonaire, Les ieux du cuer m'esclaire, Et l'obscurté m'esface, Rutebeuf, Theophile. Certes je grat hors et effas [efface] De mon cuer l'amor de mes gens, l'Escoufle. Effacié soient du livre de vie, Psautier, f° 81.

XIVe s. À po [peu] que le nom des Volques ne fut ileuc effacé et perdu, Bercheure, f° 53. Duquel la barbe longue et les cheveux avoient effacé la beauté de son viaire, Bercheure, f° 35, verso. Mais iceulx [péchés] soient à moy pardonnés et effaciés par ton benoit enfant, Ménagier, I, 1. Supposé que la renommée soit à tort, si ne peut jamais icelle renommée estre effaciée, ib. I, 4.

XVe s. Sains, très sains appeller se font ; Mais dont ceste saincteté vient ? Quant à present ne me souvient ; Je ne voy miracle qu'ilz facent, Ne maladie qu'ilz effacent, Deschamps, Poésies mss. f° 526, dans LACURNE.

XVIe s. Si tost qu'il se fut jetté aux affaires de la chose publique, il effacea incontinent tous les autres orateurs et entremetteurs du gouvernement, Amyot, Alc. 19. Antimachus fut si despit et si marry qu'il effacea ce qu'il en avoit escript, Amyot, Lysand. 34. La divination n'a que des moyens obscurs et tous effacez instrumens pour cognoistre ce qui doibt advenir, Amyot, Sylla, 16. … Ou pour sçavoir si du temps la longueur Ne m'avoit point effacé de son cœur, Ronsard, 779. On trouve, en peu de sacres, doigts gros et tendans à couleur de bleu effacé, Fouilloux, Fauconn. f° 58, dans LACURNE. Protogenes, despité contre sa besongne, print son esponge, et, comme elle estoit abruvée de diverses peinctures, la jecta contre, pour tout effacer, Montaigne, I, 254.

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Étymologie de « effacer »

É- pour es- préfixe, et face : proprement, ôter la face ; bourguig. efaicé ; provenç. esfassar.

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(XIIe siècle)[1] Dérivé de face, avec le préfixe é- et le suffixe -er[2], apparenté à esfassar en occitan ; facer lui est postérieur.
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Phonétique du mot « effacer »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
effacer efase

Fréquence d'apparition du mot « effacer » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « effacer »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « effacer »

  • Il faut des torrents de sang pour effacer nos fautes aux yeux des hommes, une seule larme suffit à Dieu.
    François René de Chateaubriand — Atala
  • Former un acteur, c'est s'effacer. Le formateur doit mourir dans l'acteur.
    Anatoli Vassiliev
  • Les mathématiques ne peuvent effacer aucun préjugé.
    Johann Wolfgang von Goethe — Maximes et pensées
  • Le plaisir a aussi ceci de bon que sa promesse est trop intense pour ne pas effacer les mauvais souvenirs.
    Alain Pontaut — La Sainte Alliance
  • Certains jours, j'ai rêvé d'une gomme à effacer l'immondice humaine.
    Louis Aragon — Journal du surréalisme
  • Il faut savoir s'effacer avant que ne commencent à pâlir les plaisirs de la foire aux vanités.
    Charlie Chaplin — Ma vie
  • La vie est un voyageur qui laisse traîner son manteau derrière lui, pour effacer ses traces.
    Louis Aragon — Les voyageurs de l’impériale
  • Le temps, quelle merveilleuse gomme à effacer.
    André Prévot
  • Je souhaiterais être réincarné en magnétoscope VHS pour pouvoir effacer ces images qui me hantent.
    Frédéric Beigbeder — L’Amour dure trois ans
  • La loi médiatique consiste à tempérer, à cacher, à noyer, à effacer l’information.
    Michel-Antoine Burnier et Patrick Rambaud — Le journalisme sans peine
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Traductions du mot « effacer »

Langue Traduction
Anglais to erase
Espagnol borrar
Italien cancellare
Allemand löschen
Chinois 擦掉
Arabe لمحو
Portugais apagar
Russe стереть
Japonais 消す
Basque ezabatzeko
Corse per sguassà
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Synonymes de « effacer »

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Antonymes de « effacer »

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Nombre de points du mot effacer au scrabble : 15 points

Effacer

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