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Désir

Variantes Singulier Pluriel
Masculin désir désirs

Définitions de « désir »

Trésor de la Langue Française informatisé

DÉSIR, subst. masc.

Action de désirer; aspiration profonde de l'homme vers un objet qui réponde à une attente.
I.− Absolument
A.− [Le subst. est au sing., avec l'art. le] Mouvement instinctif qui traduit chez l'homme la prise de conscience d'un manque, d'une frustration. Le désir aveugle; l'appel, l'exaltation du désir. Le désir n'est point la volonté; mais seulement une passion de la volonté (J. de Maistre, Soirées St-Pétersb.,t. 1, 1821, p. 431):
1. La pauvreté garde à ceux qu'elle aime le seul bien véritable qu'il y ait au monde, le don qui fait la beauté des êtres et des choses... le Désir. A. France, La Vie en fleur,1922, p. 341.
En partic., PSYCHOL. ,,Tendance spontanée et consciente vers une fin avec représentation de cette fin`` (March. 1970) :
2. Le désir n'est pas virtualité pure. Nous le percevons encore comme sentiment qu'il a déjà mis sa griffe sur tout l'organisme, mobilisé de tous côtés les premiers gestes de sa réalisation, qui tiennent le corps et le psychisme en état d'alerte. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 424.
B.−
1. [Le subst. est au sing. avec l'art. un, ou au plur.] Aspiration instinctive de l'être à combler le sentiment d'un manque, d'une incomplétude. Un désir confus, fugitif, profond. Je suis sans désirs, (...) et supérieure comme quelqu'un qui a mangé plus que son saoûl (Colette, Mais. Cl.,1922, p. 109).Un désir haineux qu'il comptait bien assouvir un jour (Aymé, Travelingue,1941, p. 187).
SYNT. Un désir constant, continuel, incessant, intense, irraisonné, sournois, vague; accéder, acquiescer à un désir; contenter, contrecarrer, exaucer, exprimer, formuler, réprimer, satisfaire un désir; au gré de ses désirs, selon ses désirs.
2. [La pers. qui désire est exprimée] Le désir de qqn; mon, ton... désir. Après avoir résisté opiniâtrement au désir de sa mère, il s'était décidé tout d'un coup (Sand, Hist. vie,t. 1, 1855, p. 169).Faire la Table des désirs idiots de l'homme (Valéry, Suite,1934, p. 66).
Fam., vieilli. À ton (votre) désir. Comme tu (vous) le désires(ez). « Moi, j'f'rai à ton désir. Je n'veux pas t'faire tort » (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Retour, 1884, p. 169).
Rem. Désir se substitue parfois par discrétion aux mots ordre, volonté, dans des cont. où ces termes auraient un caractère trop accusé (cf. vos désirs sont des ordres).
Rare. [Le désir concerne plus partic. un attribut de la pers.] La tonique en cette occasion satisfait tous les désirs de l'oreille (Mathis-Lussy, Rythme mus.,1911, p. 50).
En partic. Subst. + de désir.
Homme, femme de désir(s). Qui désire. Homme de désir, ne laisse donc plus ébranler ta confiance par les injustices de tes semblables (Saint-Martin, Homme désir,1790, p. 41).Moi, fils par l'esprit des hommes de désirs, je n'engendrerai qu'un froid critique ou un bibliothécaire (Barrès, Homme libre,1889, p. 192).Avec elle [Jeanine], vous n'aurez que la femme de désir et de mort, dont la robe, derrière elle, sème le deuil (Zola, Ouragan,1901, III, 4, p. 483).
Baptême* de désir. Qui est désiré.
II.− [Accompagné d'un compl. désignant l'obj. désiré] Tendance consciente de l'être vers un objet ou un acte déterminé qui comble une aspiration profonde (bonne ou mauvaise) de l'âme, du cœur ou de l'esprit.
A.− [L'obj. désiré est une chose]
1. [L'objet est une chose concr.] Convoitise d'un bien matériel qui satisfasse l'instinct de possession, un appétit. Le désir du gain, de l'or, des richesses.
2. [L'objet est une chose abstr.] Désir d'éternité, désir des honneurs. Un désir de perfection absolue qui se traduit par (...) l'amour de l'ordre (Mounier, Traité caract.,1946, p. 143):
3. ... il [Nerval] obéit, par juvénile désir de gloire, à l'envie de se faire une originalité, qui n'ait plus besoin des modèles classiques... Durry, Gérard de Nerval et le mythe,1956, p. 30.
a) [Le compl. est un nom d'action] Portraits, paysages, (...) natures-mortes, nudités ont tout à tour sollicité son ardent désir de création [de Manet] (Mauclair, Maîtres impressionn.,1904, p. 57):
4. ... Joseph reçut la visite d'un journaliste (...). Comme son désir d'évasion était vif, Joseph Pasquier allait se dérober, mais il pensa qu'il ne fallait jamais refuser de la publicité gratuite. Duhamel, Chronique des Pasquier,La Passion de Joseph Pasquier, 1945, p. 179.
b) [Le compl. est un inf.] Le désir de plaire; avoir, caresser, exciter, inspirer le désir de faire qqc. Un désir ardent de manger lui mouillait la bouche de salive (Maupass., Bel-Ami,1885, p. 107).Le désir éperdu de durer et de posséder (Camus, Homme rév.,1951, p. 323).
[Le compl. est un vœu à caractère solennel] Votre mère a, paraît-il, exprimé souvent à ses compagnons le désir d'être enterrée religieusement (Camus, Étranger,1942, p. 1127).
c) [Le compl. est une prop. complétive] J'ai ce désir qu'à l'heure ardente de ce mois Le bois frais et touffu se serre autour de moi (Noailles, Cœur innombr.,1901, p. 81).
En partic.
Fam. Avoir désir de + inf./que + subj.On amène el'viau autant dire à la cuillère?... et juste au moument qu'on a désir qu'i soy'e vêlé? (Martin du G., Gonfle,1928, III, 1, p. 1216).Les copains (...) avaient désir de retrouver leur libre solitude (Duhamel, Désert Bièvres,1937, p. 199).
Rare. [L'expression de la pers. qui éprouve le désir est en concurrence avec celle de l'obj. du désir] Le désir des parents de voir leurs enfants. Je le ferai prévenir [le comte de Restaud] du désir que vous avez de le voir (Balzac, Gobseck,1830, p. 424).Juste milieu, je t'ai toujours mal reniflé, Malgré tout mon désir de vivre mieux réglé (Verlaine, Œuvres compl.,t. 3, Invect., 1896, p. 411).
B.− [L'obj. du désir est une pers.] Instinct physique qui pousse l'homme au plaisir sexuel, aux satisfactions des ardeurs de l'amour; convoitise qui pousse à la possession charnelle. Désir amoureux, charnel, coupable, inassouvi :
5. Crains plutôt ce désir d'amour où je me pâme malgré mon âme. Sais-tu si nos baisers satisferaient cette agitation? Veuille ne pas jouer ainsi de mon repos; prends garde que ton haleine n'éveille mon cœur que nous ignorons. Barrès, Sous l'œil des Barbares,1888, p. 97.
Emploi abs. Brûler de désir; être ravagé par le désir; assouvir son, ses désirs; le feu, la frénésie, le tourment du désir; péché de désir. À ce souvenir seul, loin de toi, sur ma couche, Je me tords dans l'angoisse infame du désir (Verlaine, Prem. vers,1858-66, p. 19).Le désir transforme l'être qui nous approche en un monstre qui ne lui ressemble pas (Mauriac, Th. Desqueyroux,1927, p. 196):
6. Sans doute, il [Flaubert] avait ses coups de désir; c'était un gaillard solide dans sa jeunesse et qui tirait des bordées de matelot. Zola, Les Romanciers naturalistes,1881, p. 151.
Rare. [En parlant d'un animal] Cerf qui de désir brame (Moréas, Cantilènes,1884, p. 103).
C.− P. méton. Objet du désir. C'est (tel est) mon seul désir. Je touchais du doigt un de mes désirs les plus ardemment caressés (Gautier, Tra los Montes,1843, p. 145).C'était le temps où être du monde faisait mon seul orgueil et où rester du monde était mon seul désir (Larbaud, Barnabooth,1913, p. 143).
PARAD. (Quasi-)synon. contextuels. Aspiration, attrait, besoin, caprice, convoitise, concupiscence, envie, espérance, espoir, inclination, penchant, volonté.
Prononc. et Orth. : [dezi:ʀ]. Ds Ac. dep. 1694. La forme anc. desir, avec [ə], en dernier lieu ds DG. Homon. le rad. nu de désirer. Étymol. et Hist. Ca 1170 « aspiration à, souhait » (B. de Ste-Maure, Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 10249). Déverbal de désirer*. Fréq. abs. littér. : 14 829. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 18 483, b) 14 281; xxes. : a) 25 275, b) 24 441. Bbg. Cohen 1946, p. 50.

Wiktionnaire

Nom commun - français

désir \de.ziʁ\ masculin

  1. Action de désirer ; résultat de cette action.
    • Rivet, pour trinquer, avait pris un verre, et sa femme servait, faisait la cuisine, apportait les plats, les enlevait, murmurant à l’oreille de chacune : — « En avez-vous à votre désir ? » — (Guy de Maupassant, La maison Tellier, 1881, collection Le Livre de Poche, page 30.)
    • Cet homme n’est pas heureux, et cependant j’envie son bonheur. Dites-moi ce qu’il y a à répondre à cela, sinon que le bonheur est en nous, en chacun de nous, et que c’est le désir de ce qu’on n’a pas ! — (Henri Barbusse, L’Enfer, Éditions Albin Michel, Paris, 1908)
    • En 1808, Napoléon […] voulu[t] nous remettre à notre rang ! […] Au mépris de la géographie et de l’histoire, sans consulter les populations et même contre leur gré, contre leurs intérêts, contre leurs désirs, l’autocrate dessina ce département mosaïque […] — (Ludovic Naudeau, La France se regarde : le Problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)
    • La clé de la sagesse épicurienne consiste à comprendre que nous pouvons être heureux si nos désirs, au lieu d’être illimités, se ramènent à la dimension restreinte des besoins de notre corps. — (Roger-Pol Droit, Lucrèce, l’épicurien, en préface à la traduction de Lucrèce, De la nature de José Kany-Turpin, éd.Flammarion, 2008, p.XV)
    • C'est la rareté, et non l'abondance, qui crée le désir. — (Mustafa Fahmi, La promesse de Juliette, éditions La Peuplade, Saguenay (Québec), 2021, p. 134)
  2. Pulsion charnelle.
    • Vous me connaissez mal : la même ardeur me brûle
      Et le désir s’accroît quand l’effet se recule
      — (Pierre Corneille, Polyeucte)
    • Bon vin, bons mots, gaillardes chansonnettes;
      Sont aiguillons aux amoureux désirs,
      En toute porte entr’ouverte aux plaisirs
      L’adroit Amour aisément s’insinue.
      — (Jean de la Fontaine, Le Sassenage -1691- Conte, dans Contes et nouvelles en vers, Vol. 3, 1762, page 185)
    • Et alors, ce rire de gorge qui lui renversait la tête en arrière, découvrait ses dents d’une blancheur laiteuse, donnait à Jacques une sensation de désir et une prescience de voluptés grisantes […] — (Isabelle Eberhardt, Yasmina, 1902)
    • Les détracteurs du nudisme - les moralistes ou hygiénistes conservateurs d’État ou d’Église - prétendent que la vue du nu, que la fréquentation entre nudistes des deux sexes exaltent le désir érotique. — (Émile Armand, Le nudisme révolutionnaire, dans L’Encyclopédie anarchiste, 1934)
    • Et il savait que la satisfaction de ses désirs d’un moment ne méritait point qu’il s’engageât toute sa vie. — (Out-el-Kouloub, Zaheira, dans « Trois contes de l’Amour et de la Mort », 1940)
    • Céline Thiébault était alors une jeune fille « bienfaisante », une de ces grandes filles brunes qui paraissent [avoir] vingt ans au lieu de quinze, de celles qu’à la campagne on compare volontiers à une pouliche et que les hommes, vieux et jeunes, détaillent avec une basse envie, un violent désir. — (Jean Rogissart, Hurtebise aux griottes, L’Amitié par le livre, Blainville-sur-Mer, 1954, p. 19)
    • Tu sais ce qu’un homme préfère entre une bonne fille de ferme et une pétasse sur talons aiguilles ? Aucune des deux, poursuivit-il sans attendre de réponse. Il a de l’affection pour la première et du désir pour la seconde. — (Jérôme Camut & Nathalie Hug, W3, tome 1 : Le sourire des pendus, Éditions Télémaque, 2015, chap. 1)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

DÉSIR. n. m.
Action de désirer. Désir vif, ardent, violent, extrême. Désir déréglé, insatiable. Vain désir. Désir aveugle. Désir criminel. Le désir du gain, de la gloire, des honneurs, des richesses. Le désir de plaire. Brûler de désir. Modérer, contenter, satisfaire, assouvir son désir, ses désirs. Allumer, exciter les désirs. Au gré de ses désirs. Selon ses désirs.

Littré (1872-1877)

DÉSIR (dé-zir ; plusieurs, dit l'Académie, écrivent desir et prononcent de-zir) s. m.
  • 1Envie d'obtenir, d'avoir quelque chose. Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs que l'ordre du monde, et généralement de m'accoutumer à croire qu'il n'y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir que nos pensées, Descartes, Méth. III, 4. C'est en la paix que toutes choses Succèdent selon nos désirs ; Comme au printemps naissent les roses, En la paix naissent les plaisirs, Malherbe, III, 2. Le désir de l'immortalité est le plus violent aussi bien que le plus fort de tous nos désirs, Patru, Plaidoyer 12, dans RICHELET. Comme notre esprit… Toujours vers quelque objet pousse quelque désir, Corneille, Cinna, II, 1. J'ai perdu le désir avecque l'espérance, Rotrou, Vencesl. III, 4. Former des désirs pour leur damnation, Pascal, Prov. 11. Je suis venu pour vous découvrir toutes choses, parce que vous êtes un homme rempli de désirs, Sacy, Bible, Daniel, IX, 23. Maintenant, que le temps a mûri mes désirs… j'aime mieux mon repos…, Boileau, Ép. v. Pour contenter ses frivoles désirs, L'homme insensé vainement se consume, Racine, Esth. II, 9. Rions, chantons, dit cette troupe impie ; De fleurs en fleurs, de plaisirs en plaisirs Promenons nos désirs, Racine, Athal. II, 9. Une esclave empressée Qui courait de Roxane accomplir le désir, Racine, Baj. III, 1. L'on est né quelquefois avec des mœurs faciles, de la complaisance, et tout le désir de plaire, La Bruyère, XI. Un vain désir de gloire a séduit mes esprits, Voltaire, Mérope, II, 2. Le désir est une volonté exaltée, Bonnet, Œuvres mêlées, t. XVIII, p. 233, dans POUGENS.
  • 2Bon désir, désit conforme à la volonté de Dieu, bonne intention. Daignez écouter là-dessus mon désir, si c'est un bon désir, Bourdaloue, Pensées, t. I, p. 42. Ils forment mille bons désirs, Massillon, Or. fun. Prof. 1.

    Dans un sens général. Compte mes bons désirs comme autant de services, Corneille, Au roi, sur Cinna, Pompée, etc.

  • 3Désir a quelquefois le sens de désir ardent.

    Il signifie aussi le sentiment qui pousse un sexe vers l'autre. Chemin faisant, Hispal expliquait ses désirs Moitié par ses discours, moitié par ses soupirs, La Fontaine, Fianc. Son miroir lui disait : prenez vite un mari ; Je ne sais quel désir le lui disait aussi, La Fontaine, Fabl. VII, 5. Et, sans parler du reste, on sait bien que Célie A causé des désirs à Léandre et Lélie, Molière, l'Étour. V, 13.

  • 4L'objet même du désir. Léon seul est ma joie, il est mon seul désir, Corneille, Pulch. III, 2. Tout ce qui de mon cœur fut l'unique désir, Racine, Bérén. III, 1. Tous vos désirs, Esther, vous seront accordés, Racine, Esth. III, 4.
  • 5 Terme d'ancienne pratique. Au désir de l'ordonnance, au désir de la coutume, suivant l'ordonnance, suivant la coutume.

HISTORIQUE

XIIe s. Assez aim [j'aime] mieus mourir en bon desir Que vivre iréz et m'amie haïr, Couci, IX. Mais fol desir fait souvent cuer penser En si haut lieu qu'il n'i peut avenir, ib. X. Et si [je] me suis mis à sa volenté Que nuls travaus mon desir ne refreigne, ib. XI. [Cela] Me fait resouvenir De là où tuit mi bon desir Sont et seront jusqu'au mourir, ib. XVIII. Au mont [monde] [je] ne truis [trouve] tant bele ne si sage, Ne nule riens n'est tant à mon desir, ib. XI. Mais bien me pourra grever Lons desirs sans conforter, ib. p. 119.

XIIIe s. Pour Dieu [je] la pri, qui tant l'a honorée Que chascuns qui la voit en a desir, Qu'ele ait merci de moi sans demeurée, Vidame de Ch. Bomancero, p. 114. Mout [il] fu en grant desir que il puïst venir, Berte, XII. En la serve [il] avoit mis cuer [cœur] et cor et desir, ib. LXIII. Tant ele ot grant desir de venir à sa fille, ib. LXXXVII. D'amour et de desir tout li cuers lui esprent, ib. CX. Et vont trançant parmi ces rues, Pour veoir, por estre veües ; Por faire as compaignons desir De voloir avec eus gesir, la Rose, 9070.

XVe s. Je n'en savoye nul avoir Qui peust contenter mon desir, Se non quant vous povoye voir, Ma joye, mon seul souvenir, Orléans, Bal. 17. Mon cher dezir, o bouteille m'amie, Secourez-moi, Basselin, XLI.

XVIe s. Et s'il luy estoit possible luy mesme y estre en personne, c'est le plus grand desir que pour ceste heure il faict, Marguerite de Navarre, Lett. 14. J'ay congneu de long temps à vous ung desir au soulagement des subjects du roy si grant, que…, Marguerite de Navarre, ib. 159. Mais de quoy sert le desirer, Sinon pour l'homme martirer ? Le desir n'est rien que martire, Ronsard, 471. Desir ne peut mourir, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 288.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

DESIR, SOUHAIT, syn. (Gram.) ces mots désignent en général le sentiment par lequel nous aspirons à quelque chose ; avec cette différence que desir ajoûte un degré de vivacité à l’idée de souhait, & que souhait est quelquefois uniquement de compliment & de politesse : ainsi on dit les desirs d’une ame chrétienne, les souhaits de la nouvelle année, &c. (O)

Desir, (Métaph. & Morale.) espece d’inquiétude dans l’ame, que l’on ressent pour l’absence d’une chose qui donneroit du plaisir si elle étoit présente, ou du moins à laquelle on attache une idée de plaisir. Le desir est plus où moins grand, selon que cette inquiétude est plus ou moins ardente. Un desir très-foible s’appelle velléité.

Je dis que le desir est un état d’inquiétude ; & quiconque réfléchit sur soi-même, en sera bientôt convaincu : car qui est-ce qui n’a point éprouvé dans cet état, ce que le sage dit de l’espérance (ce sentiment si voisin du desir), qu’étant différée elle fait languir le cœur ? Cette langueur est proportionnée à la grandeur du desir, qui quelquefois porte l’inquiétude à un tel point, qu’il fait crier avec Rachel : donnez-moi ce que je souhaite, donnez-moi des enfans, ou je vais mourir.

Quoique le bien & le mal présent & absent agissent sur l’esprit, cependant ce qui détermine immédiatement la volonté, c’est l’inquiétude du desir fixé sur quelque bien absent quel qu’il soit ; ou négatif, comme la privation de la douleur à l’égard d’une personne qui en est actuellement atteinte ; ou positif, comme la jouissance d’un plaisir.

L’inquiétude qui naît du desir, détermine donc la volonté ; parce que c’en est le principal ressort, & qu’en effet il arrive rarement que la volonté nous pousse à quelque action, sans que quelque desir l’accompagne. Cependant l’espece d’inquiétude qui fait partie, ou qui est du moins une suite de la plûpart des autres passions, produit le même effet ; car la haine, la crainte, la colere, l’envie, la honte, &c. ont chacune leur inquiétude, & par-là operent sur la volonté. On auroit peut-être bien de la peine à trouver quelque passion qui soit exempte de desir. Au milieu même de la joie, ce qui soûtient l’action d’où dépend le plaisir présent, c’est le desir de continuer ce plaisir, & la crainte d’en être privé. La fable du rat de ville & du rat des champs, en est le tableau. Toutes les fois qu’une plus grande inquiétude vient à s’emparer de l’esprit, elle détermine aussitôt la volonté à quelque nouvelle action, & le plaisir présent est négligé.

Quoique tout bien soit le propre objet du desir en général, cependant tout bien, celui-là même qu’on reconnoît être tel, n’émeut pas nécessairement le desir de tous les hommes ; il arrive seulement que chacun desire ce bien particulier, qu’il regarde comme devant faire une partie de son bonheur.

Il n’y a je crois personne assez destitué de raison pour nier qu’il n’y ait du plaisir dans la recherche & la connoissance de la vérité. Mallebranche à la lecture du traité de l’homme de Descartes, avoit de tels transports de joie, qu’il lui en prenoit des battemens de cœur qui l’obligeoient d’interrompre sa lecture. Il est vrai que la vérité invisible & méprisée n’est pas accoûtumée à trouver tant de sensibilité parmi les humains, mais les veilles des gens de lettres prouvent du moins qu’elle n’est pas indifférente à tout le monde. Et quant aux plaisirs des sens, ils ont trop de sectateurs pour qu’on puisse mettre en doute, si les hommes y sont sensibles ou non. Ainsi prenez deux hommes, l’un épris des plaisirs sensuels, & l’autre des charmes du savoir ; le premier ne desire point ce que le second aime passionnément. Chacun est content sans joüir de ce que l’autre possede, sans avoir la volonté ni l’envie de le rechercher.

Les choses sont représentées à notre ame sous différentes faces : nous ne fixons point nos desirs ni sur le même bien, ni sur le bien le plus excellent en réalité, mais sur celui que nous croyons le plus nécessaire à notre bonheur : de cette maniere, les desirs sont souvent causés par de fausses idées, toûjours proportionnés aux jugemens que nous portons du bien absent, ils en dépendent de même ; & à cet égard nous sommes sujets à tomber dans plusieurs égaremens par notre propre faute.

Enfin chacun peut observer tant en soi-même que dans les autres, que le plus grand bien visible n’excite pas toûjours les desirs des hommes, à proportion de l’excellence qu’il paroît avoir, & qu’on y reconnoît. Combien de gens sont persuadés qu’il y aura après cette vie un état infiniment heureux & infiniment au-dessus de tous les biens dont on peut joüir sur la terre ? Cependant les desirs de ces gens-là ne sont point émûs par ce plus grand bien, ni leurs volontés déterminées à aucun effort qui tende à le leur procurer. La raison de cette inconséquence, c’est qu’une portion médiocre de biens présens suffit pour donner aux hommes la satisfaction dont ils sont susceptibles.

Mais il faut aussi que ces biens se succedent perpétuellement pour leur procurer cette satisfaction ; car nous n’avons pas plûtôt joüi d’un bien, que nous soûpirons après un autre. Nos mœurs, nos modes, nos habitudes, ont tellement multiplié nos faux besoins, que le fonds en est intarissable. Tous nos vices leur doivent la naissance ; ils émanent tous du desir des richesses, de la gloire, ou des plaisirs : trois classes générales de desirs, qui se subdivisent en une infinité d’especes, & dont la joüissance n’assouvit jamais la cupidité. Les gens du commun & de la campagne, que le luxe, l’éducation & l’exemple n’ont pas gâtés, sont les plus heureux, & les plus à l’abri de la corruption. C’est pourquoi Lovelace, dans un roman moderne qui fait honneur à l’Angleterre (lettres de Clarisse), desespere d’attraper du messager de sa maitresse les lettres dont elle l’a chargé. « Crois-tu Belford (mande-t-il à son ami) qu’il y eût si grand mal, pour avoir les lettres de mon ange, de casser la tête à ce coquin ? un ministre d’état ne le marchanderoit pas : car d’entreprendre de le gagner par des présens, c’est folie ; il paroît si tranquille, si satisfait dans son état de pauvreté, qu’avec ce qui lui faut pour manger & pour boire, il n’aspire point à vivre demain plus largement qu’aujourd’hui. Quel moyen de corrompre quelqu’un qui est sans desir & sans ambition » ? Tels étoient les Fenniens, au rapport de Tacite : ces peuples, dit cet historien, en sûreté contre les hommes, en sûreté contre les dieux, étoient parvenus à ce rare avantage de n’avoir pas besoin même de desirs.

En effet les desirs naturels, c’est-à-dire ceux que la seule nature demande, sont courts & limités ; ils ne s’étendent que sur les nécessités de la vie. Les desirs artificiels, au contraire, sont illimités, immenses, & superflus. Le seul moyen de se procurer le bonheur, consiste à leur donner des bornes, & à en diminuer le nombre. C’est assez que d’être, disoit si bien à ce sujet madame de la Fayette. Ainsi, puisque la mesure des desirs est celle des inquiétudes & des chagrins, gravons bien dans nos ames ces vers admirables de la Fontaine :

Heureux qui vit chez soi,
De regler ses desirs faisant tout son emploi !
Il ne sait que par oüi-dire
Ce que c’est que la cour, la mer, & ton empire,
Fortune, qui nous fais passer devant les yeux
Des dignités, des biens que jusqu’au bout du monde
On suit, sans que l’effet aux promesses réponde !

La Fontaine, liv. VII. fable xij.


Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

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Étymologie de « désir »

Voy. DÉSIRER ; provenç. dezir, desire ; ital. desire. Désir n'est pas formé du latin desiderium, qui avait donné dans l'ancienne langue, à côté de désir, desirier ; c'est un substantif créé par les langues romanes sur le verbe désirer ; former un substantif sur le verbe est un procédé très commun dans les langues vulgaires. L'ancien français disait aussi desirance.

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(Vers 1170) Déverbal de désirer.
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Phonétique du mot « désir »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
désir desir

Fréquence d'apparition du mot « désir » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « désir »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « désir »

  • Les lois de nos désirs sont des dés sans loisir.
    Robert Desnos — Corps et biens, Gallimard
  • Cette méthode stoïque de subvenir à ses besoins en supprimant ses désirs équivaut à se couper les pieds pour n'avoir plus besoin de chaussures.
    Jonathan Swift — Pensées sur divers sujets moraux et divertissants
  • Un jour vient où vous manque une seule chose et ce n'est pas l'objet de votre désir, c'est le désir.
    Marcel Jouhandeau
  • L'homme est une création du désir, non pas une création du besoin.
    Gaston Bachelard — La Psychanalyse du feu
  • L'avare est toujours pauvre : bornez sagement vos désirs.
    Horace en latin Quintus Horatius Flaccus — Épîtres, I, II, 55
  • Raisonner. Peser des probabilités sur la balance du désir.
    Ambrose Bierce
  • C'est le désir qui crée le désirable, et le projet qui pose la fin.
    Simone de Beauvoir — Pour une morale de l'ambiguïté, Gallimard
  • Ceux qui contrôlent leur désir, c'est que leur désir est assez faible pour être contrôlé ; et la raison qui contrôle prend la place du désir et commande à l'insoumis.
    William Blake — Le Mariage du Ciel et de l'Enfer
  • On en vient à aimer son désir et non plus l'objet de son désir.
    Friedrich Nietzsche
  • On n'échappe au désir que pour être repris par le désir.
    Jacques Brault — Agonie
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Images d'illustration du mot « désir »

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Traductions du mot « désir »

Langue Traduction
Anglais desire
Espagnol deseo
Italien desiderio
Allemand verlangen
Chinois 欲望
Arabe رغبة
Portugais desejo
Russe желание
Japonais 欲望
Basque nahia
Corse desideriu
Source : Google Translate API

Synonymes de « désir »

Source : synonymes de désir sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « désir »

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Nombre de points du mot désir au scrabble : 5 points

Désir

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