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Peur

Variantes Singulier Pluriel
Féminin peur peurs

Définitions de « peur »

Trésor de la Langue Française informatisé

PEUR, subst. fém.

A. − État affectif plus ou moins durable, pouvant débuter par un choc émotif, fait d'appréhension (pouvant aller jusqu'à l'angoisse) et de trouble (pouvant se manifester physiquement par la pâleur, le tremblement, la paralysie, une activité désordonnée notamment), qui accompagne la prise de conscience ou la représentation d'une menace ou d'un danger réel ou imaginaire. Synon. crainte, effroi, épouvante, frayeur, terreur; arg., pop. frousse, pétoche, trouille, venette.
1.
a)
α) Absol. Je me voyais perdu, et ma peur devint si forte, que je me mis à siffler, comme pour m'en imposer à moi-même (Toepffer, Nouv. genev.,1839, p.160):
1. ... des hommes de ci, de là, ont eu une seconde de peur −à cause d'un bruit, d'un remuement de branches −ou pour mieux dire un sursaut dans leur état de peur continu, et comme ils avaient leur fusil en mains, ils ont lâché un coup en l'air comme une femme nerveuse jette un cri. Romains, Hommes bonne vol.,1938, p.145.
P. anal. [Chez l'animal] Réaction, comportement face à un danger, à une menace comparable à la réaction ou au comportement de l'homme apeuré. V. ex. infra passim.
SYNT. Éprouver de la peur; ressentir une peur atroce; dominer, vaincre sa peur; inspirer de la peur à qqn; peur folle, intense, paralysante, sourde, vague; une peur panique.
Une peur bleue. V. bleu I B 2.
β) [Constr. avec un compl. prép. ou une complét. désignant ce qui provoque une réaction ou un état plus ou moins latent de peur]
[Le compl. est introd. par de] La peur de la vie, de la mort. Ils avaient le gosier serré par la peur d'avaler un cloporte (Alain-Fournier, Meaulnes,1913, p.218).Pitt, hanté par la peur des voleurs, le céda [le Régent] à Philippe d'Orléans (Metta, Pierres préc.,1960, p.68):
2. blanche (avec un geste de désespoir): Vous me croyez retenue ici par la peur! le chevalier: Ou la peur de la peur. Cette peur n'est pas plus honorable, après tout, qu'une autre peur. Il faut savoir risquer la peur comme on risque la mort, le vrai courage est dans ce risque. Bernanos, Dialog. Carm.,1948, 3etabl., 8, p.1630.
La peur du gendarme. V. gendarme B.
[Le compl. est introd. par devant] La peur devant l'escargot est immédiatement tranquillisée, elle est usée, elle est «insignifiante» (Bachelard, Poét. espace,1957, p.109).
Rem. La constr. avec devant est peu fréq. dans les textes du xixeet du xxes. consultés.
[Le compl. est une complét.] Rare. Hans rapporte sa peur qu'un cheval ne le morde au souvenir d'une impression reçue à Gmunden (Freud, Cinq psychanal.,trad. par M. Bonaparte et R. Lobwenstein, 1975, p.178).
γ) Au plur.
Littér., rare. [Plur. d'amplification] Je suis plein de doutes, de rêves et de peurs (Flaub., Corresp.,1862, p.27).V. ex. infra passim.
Moments de peur (provoquée par différents objets ou événements); types de peur (liée à des objets ou événements différents). Ses peurs nerveuses, ses humeurs noires venaient un peu de cette aventure, dont elle gardait le secret, avec une honte de fille mère forcée de cacher son état (Zola, Nana,1880, p.1411).La peur de l'enfer ne serait donc jamais de foi; au contraire, toujours de croyance, et d'après les causes extérieures, comme sont toutes les peurs superstitieuses, de revenants, de korrigans, de lavandières (Alain, Propos,1921, p.276).
b) En partic.
α) [Précédé de l'art. déf., de l'art. indéf. combiné avec un groupe déterm., dans un cont. décrivant les manifestations ou les différents moments de cet état] La peur lui était revenue, une peur naturelle et insurmontable. Elle n'eut plus qu'une pensée, s'enfuir (Hugo, Misér.,t.1, 1862, p.470).Il regardait le Corse, la bouche ouverte; il y avait une peur horrible dans ses yeux (Sartre, Nausée,1938, p.210):
3. ... un merle frissonnait éperdument, les plumes ébouriffées, la tête molle, les yeux hagards. Un vertige fantastique semblait le dominer, une peur indescriptible tourbillonnait dans ses yeux. Pergaud, De Goupil,1910, p.110.
(Avoir, mettre) la peur au ventre. Croyez-moi, on ne fait courir une masse d'hommes sans armes qu'en leur mettant la peur au ventre (A. France, Bergeret,1909, p.392).Gilbert n'osait plus avancer, la peur au ventre, les jambes molles (Dorgelès, Croix de bois,1919, p.57).
SYNT. La peur vient à, s'empare, envahit, étreint, prend, saisit qqn; lire la peur dans les yeux, sur le visage de qqn; la peur cloue sur place, glace, paralyse qqn.
β) Rare, vieilli. De peur, loc. adj. Synon. peureux.Je déteste ce visage de peur et de haine qui t'est venu! Lâche-moi! (Camus, État de siège,1948, 2epart., p.260).V. hâte A ex. de Peyré.
γ) [Combiné avec une prép.]
Rare. [Combiné avec avec] Point de ligne surtout et tremblante et livide Que l'oeil fuit, que la main ne tourne qu'avec peur! (Brizeux, Marie,1840, p.9).Regardant avec une peur sourde, de l'autre côté de l'avenue, deux figures noires qui marchaient d'un pas cadencé (Zola, Nana,1880, p.1374).
[Combiné avec dans] Ils grelottaient, mais n'osaient bouger, dans la peur d'être mordus (Flaub., Bouvard,t.1, 1880, p.67).Dans la peur on croit avoir vu, et d'autant mieux si l'on n'a pas eu le loisir de regarder (Alain, Propos,1921, p.345).
De peur. [Combiné avec un verbe ou un adj. décrivant un état ou un comportement] Blêmir, frissonner, trembler de peur; être blanc, blême, transi, vert de peur. Il mourut là assez vite, entre les mains d'infirmiers devenus stupides de peur, qui voulaient le faire manger (Loti, Mon frère Yves,1883, p.135).Il claquait des dents et suait de peur (Queffélec, Recteur,1944, p.172).V. fou1I B 1 b β ex. de Samain, laver ex. 4.
[P. exagér.] Mourir* de peur.
[Constr. avec un compl. prép. de] Il crevait de peur de la police (L. Daudet, Brév. journ.,1936, p.212).
Région. (Centre, Ouest et Canada). Se réveiller en peur. Se réveiller après un cauchemar. Les enfants réveillés en peur, se serraient l'un contre l'autre (Alain-Fournier, Meaulnes,1913, p.121).
Région. (Canada). Partir en peur. Synon. de prendre peur.Le cheval est parti en peur (Canada1930).
Partir vite, subitement. Je ne sais pas ce qu'il a eu, il est parti en peur, et je n'ai pas eu le temps de lui parler (Canada1930).
Par peur (de qqc.). Le soldat qui sert sa patrie par peur au lieu de la servir par amour, n'est pas libre (Proudhon, Propriété,1840, p.228).V. grisou ex. de Renard.
Sous la peur (de qqc.). Sitôt que le moindre nuage paraît à l'horizon, chacun se renferme, se flétrit sous la peur (Renan, Avenir sc.,1890, p.420).Ce pauvre gosse (...) a été habitué à obéir «sous la peur des coups» (...) et continuera de vivre dans la crainte des gronderies (Rolland, Beethoven,t. 1, 1937, p.82).
Sans peur. Je serai ce soir ivre mort; Alors, sans peur et sans remord, Je me coucherai sur la terre, Et je dormirai comme un chien! (Baudel., Fl. Mal,1857, p.188).
Loc. adj. Qui ne connaît pas la peur. Synon. brave, courageux.À tous ces preux sans peur que la patrie en deuil Montre encore à l'Europe avec un mâle orgueil (Glatigny, Fer rouge,1870, p.68).Jeannot était un canonnier sans peur, qui connaissait jusqu'au dernier détail tout ce que l'on peut apprendre d'après les formes, les couleurs et les bruits (Alain, Propos,1921, p.258).
Sans peur ni reproche. Ils portent tous au front le sceau Des vaillants sans peur ni reproche (Glatigny, Fer rouge,1870p.63).
c) Littéraire
[Par personnification] Toutes les passions cherchent ce qui les nourrit: la peur aime l'idée du danger (Joubert, Pensées,t.1, 1824, p.180).Non: qu'ai-je dit? Ah! la peur déraisonne (Béranger, Chans.,t.3, 1829, p.3).
P. métaph. Et sur mon poil qui tout droit se relève Mainte fois de la Peur je sens passer le vent (Baudel., Fl. Mal,1862, p.132).Aux soldats qui passaient sur l'aile de la peur (Aragon, Crève-coeur,1941, p.46).
Rem. Cette métaph. est à rapprocher du proverbe la peur donne des ailes «la peur rend capable de courir très vite».
d) Dans le domaine de la psychol. (en psycho-physiol.).Ensemble des comportements et des réactions psycho-physiologiques caractéristiques de l'état de peur. Le behavioriste Watson (...) observa, en 1919, le conditionnement de la peur chez l'enfant (Hist. sc.,1957, p.1690).La colère, la peur sont sous l'influence de l'hormone thyroïdienne, de l'adrénaline, avec participation du système nerveux (Hist. gén. sc.,t.3, vol.2, 1964, p.649).
Rem. Peur apparaît fréq. dans la déf. des concepts de phobie et de névrose phobique, ainsi que dans la description de cas de phobie, en psychanal. et psychiatrie: En tant que symptôme, une phobie est une peur spécifique intense dont le stimulus est projeté à l'extérieur pour amoindrir l'angoisse (H. Ey, P. Bernard, Ch. Brisset, Manuel de psychiatrie, 1974, p.454).
2. Loc. verb.
a) [Avec avoir] Avoir peur (de qqn, de qqc., de faire qqc.); avoir une peur (combiné avec un syntagme déterm.); (expr. quantifiante) + peur; avoir des peurs (combiné avec un syntagme déterm.); avoir peur devant qqn, qqc.; avoir grand'peur (vieilli); avoir une belle peur; avoir joliment peur. Dans un saut difficile, si le cavalier a la moindre peur, le cheval tombe (Alain, Propos,1921, p.207).Il ne faut pas dire: j'aperçois un ours, j'ai peur, je tremble, mais bien: j'aperçois un ours, je tremble et la peur vient lorsque je constate ce déséquilibre physique (Hist. sc.,1957, p.1660).V. clignotant ex.1:
4. Joséphine ne répondit pas, elle avait peur, peur de Stephen, peur qu'on ne le vît dans le parc encore plus que de lui... Mais plus que tout, elle avait peur de son émotion. Elle n'osa cependant pas lui dire de s'en aller... Karr, Sous tilleuls,1832, p.208.
Rem. Cette loc. a de nombreux équivalents pop. ou arg.: avoir la chiasse, les chocottes, la colique, les colombins (vieilli), les copeaux (vieilli), les foies (blancs), la frousse, les grelots, les jetons, la pétasse, la pétoche, la trouille, la venette (vieilli).
b) [Avec donner] Donner peur (à qqn) (de qqc., qqn). Je nie que dans Molière il y ait de la gaîté (...) Dandin à genoux devant sa femme fait saigner le coeur (...) Alceste inquiète et Scapin donne peur (Zola, Hérit. Rabourdin,1874, p.vi).Cette brusquerie à laquelle je ne me suis jamais habituée, et qui me donnait de lui une peur abominable (Barrès, Cahiers,t.11, 1916, p.165).
c) [Avec faire] Faire peur (à qqn) (de qqn, qqc., de faire qqc.); faire une peur (combiné avec un syntagme déterm.); faire (expr. quantifiante) + peur; faire des peurs (combiné avec un syntagme déterm.); faire une de ces peurs à qqn. Synon. effrayer.
[Avec une interprétation active] Pour lui faire peur du feu, elle lui avait tenu un moment le doigt au-dessus d'une bougie (Goncourt, Journal,1894, p.552).En son parc il règne un certain loup, Dont on fait peur aux filles (Ponchon, Muse cabaret,1920, p.297).
Empl. pronom. Je me fais des peurs de tout, et crois toujours qu'un inconvénient va être éternel (Delacroix, Journal,1824, p.82).[Ils] disaient, comme les enfants qui veulent se faire peur: «C'est là qu'habite l'ogre» (Mauriac, Journal 2,1937, p.133).
[Avec une interprétation non active] Faire peur à voir. Tous ces forbans à têtes farouches, qui naguère lui faisaient tant de peur du fond de leurs noires échoppes (A. Daudet, Tartarin de T.,1872, p.94).C'est lugubre! sombre et froid! Ça fait peur! J'adore avoir peur! (G. Leroux, Parfum,1908, p.38).
À faire peur, loc. adj. Synon. effrayant.Tous ces contes à faire peur, inventés par la haine et par de ridicules journaux. J'ai vu de près les insurgés; (...) et je puis dire qu'on ne peut désirer plus d'égard, d'honnêteté (Renan,1848ds Rec. textes hist., p.287).
Bon à/pour faire peur aux enfants. Qui est peu à craindre. C'est un homme en façade, un bravache de carton-pâte comme ceux du carnaval, bon à faire peur aux enfants (Montherl.,Malatesta,1946, ii, 5, p.477).
Tu (ne) me fais pas peur! [Formule de défi dans le dialogue] Écarquille les yeux tant que tu voudras, tu ne me feras pas peur (Musset, Lorenzaccio,1834, i, 5, p.116).
d) [Avec prendre] Prendre peur (de qqc.). Deux ou trois chevaux prirent peur et voulurent nager, ce qui fit un barbotement épouvantable (Stendhal, Chartreuse,1839, p.41).Jeune, toute cette sorcellerie l'amusait (...). Plus tard, elle prit peur du diable (A. France, Livre ami,1885, p.100).V. encenser A ex. de Montherlant.
3. Expressions
a) Avoir plus de peur que de mal; plus de peur que de mal pour qqn. Sortir d'une situation dangereuse sans grand dommage. Plus de peur que de mal pour les 360 passagers et l'équipage du Boeing 747 de la compagnie «Pakistan International Airlines», en partance d'Orly samedi (...). Deux pneus (...) ont éclaté lors du décollage (Libération,9 sept. 1985, p.11, col.1).
P. anal. Faire plus de peur que de mal. La plupart des représentants se contentèrent d'arrestations; d'autres firent plus de peur que de mal (Lefebvre, Révol. fr.,1963, p.372).Faire moins de mal que de peur. V. mal3II A 2 a.
b) En être quitte pour la peur. Sortir indemne d'une situation très dangereuse. À l'heure de l'attaque, l'hôtel était à peu près vide; et du reste ses rares habitants en ont été quittes pour la peur (Gide, Journal,1943, p.206).
4. Dans le domaine pol. et soc.
a) État, comportement d'un groupe social qui se sent menacé dans son existence ou ses intérêts. C'est à partir de ce dimanche qu'il y eut dans notre ville une sorte de peur assez générale et assez profonde pour qu'on pût soupçonner que nos concitoyens commençaient vraiment à prendre conscience de leur situation (Camus, Peste,1947, p.1299):
5. ... les partis rétrogrades dominent et exploitent par la peur. Car la peur, messieurs, c'est la maladie chronique de la France: la peur en politique... Oui, c'est la peur qui est le mal de ce pays, et c'est de la peur qu'ils ont tiré leurs ressources, les réacteurs de 1800, de 1815, de 1831 et de 1849! C'est de la peur qu'il a tiré sa principale force, le coupe-jarret de 1851. Gambetta,1872ds Rec. textes hist., p.66.
b) P. méton. Mouvement de panique et d'agitation sociale face à un danger (réel ou imaginaire). La peur éclate, se répand, se propage dans une région. Les craintes populaires engendrèrent de nouvelles peurs en Thiérache (...) lorsque, en juillet et août 1790, le bruit courut que les troupes autrichiennes, envoyées contre les Belges, entraient en France (Lefebvre, Révol. fr.,1963p.161).
HIST. Grand-peur, grande peur. Mouvement de panique et d'agitation sociale, de grande ampleur (en particulier en l'an mil et en 1789 en France). Les historiens du siècle dernier qui nous ont décrit la grand-peur de l'an mil ont toujours apporté, à la peindre et à l'expliquer, une sorte de compassion amusée (J.-R. Bloch, Dest. du S.,1931, p.195).Les émeutes frumentaires et les révoltes agraires accroissaient encore l'anxiété (...). La grande peur naquit de six incidents locaux, analogues à ceux qui avaient déjà déclenché tant de paniques (Lefebvre, Révol. fr.,1963p.146).
B. − [Gén. constr. avec un compl. prép. ou une complét.] État, plus ou moins latent, d'inquiétude devant la réalisation ressentie comme possible ou imminente de quelque chose, ce qui entraînerait une situation pénible, désagréable ou gênante pour le sujet ou une personne avec laquelle il sympathise. Synon. appréhension, crainte.
1.
a) La peur (du ridicule, du scandale). La peur d'ameuter le coron par une bataille l'avait retenu de lui arracher Catherine des mains (Zola, Germinal,1885, p.1333).La peur de la dépopulation, inspirée en France par le recul effectif à la fin du règne de Louis XIV (grandes famines) (Hist. sc.,1957, p.1609):
6. ... la peur de paraître ce qu'il est ou ce qu'il n'est pas, la peur surtout qu'on ne lui manque en fait une marionnette qui ne se meut presque qu'à l'aide de fils extérieurs et n'a presque plus d'impulsions un peu propres. Gide, Corresp.[avec Valéry], 1895, p.234.
b) En partic. [Combiné avec une prép.]
[Avec avec] Il se risqua, il demanda, avec la peur d'une réponse fâcheuse: −Est-ce que la rue Pirouette existe toujours? (Zola, Ventre Paris,1873, p.618).Avec la peur d'avoir été trop long à prendre conscience de mes devoirs, j'ai redressé mes erreurs passées (J. Bousquet, Trad. du sil.,1936, p.151).
[Avec dans] Quelques transitions manquent. Elles existaient; je les ai retranchées ou trop raccourcies, dans la peur d'être ennuyeux (Flaub., Corresp.,1862, p.69).Peut-être n'avait-elle à un certain moment bâclé le mariage de Robert avec Gilberte (...) que dans la peur qu'il commençât avec une autre cocotte (...) un nouveau collage (Proust, Fugit.,1922, p.679).
[Avec par] [Elle] est sortie seule par peur qu'on lui refusât la permission et s'est un peu attardée (Miomandre, Écrit sur eau,1908, p.272).Le gouvernement, par peur de la disette en céréales, imposa l'obligation de la culture du blé (Meynier, Paysages agraires,1958, p.139).
2. Loc. verb.
a) [Avec avoir] Il fait très froid et j'ai peur que notre pauvre vieille ne s'enrhume à Ouville (Flaub., Corresp.,1871, p.293).Outre que j'avais peur des pannes, j'ai pensé que ce serait comme une violation du mystère de ton pays (Rivière, Corresp.[avec Alain-Fournier], 1907, p.246).J'ai peur de ne pas avoir suffisamment couvert le petit. Mets-lui quelque chose sur les pieds, veux-tu? (Martin du G., Thib.,Épil., 1940, p.878).
[Constr. avec un compl. prép. pour désignant la pers. ou l'obj. pour lesquels on éprouve de l'inquiétude] Si la mère d'Annette (...) découvrait sa fille avec un soldat!... Il eut peur pour la réputation de son café (Benjamin, Gaspard,1915, p.148).J'ai peur pour eux de la débauche, ou des liaisons dégradantes (Gide, Faux-monn.,1925, p.1187).V. chiasse ex.2.
[Dans le dialogue] (N')aie pas peur. Synon. (ne) t'en fais pas, ne t'impatiente pas, n'en doute pas.Ben, au moins, qu'j'y dise adieu... Burette!... Vieux Burette! On se r'trouvera à Montparnasse: aie pas peur! (Benjamin, Gaspard,1915p.71).
b) [Avec donner] Une vive lumière qui passait par les fentes de sa porte lui donna peur du feu (Balzac, E. Grandet,1834, p.146).Fait un enfantillage et une école, en retirant mes fonds de chez un banquier, sans être certain de leur emploi; mais on m'avait donné peur (Amiel, Journal,1866, p.317).[Il] soulevait des meubles énormes qui donnaient peur à Giulia qu'il se rompît la poitrine (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p.227).
c) [Avec faire] Le Figaro m'a fait une belle peur en annonçant que la mère Sand était très malade. Il n'en est rien (Flaub., Corresp.,1871, p.269).François nous fait de ces peurs, s'écria Anne. Il vous voyait évanouie! (Radiguet, Bal,1923, p.197):
7. ... on m'avait fait une telle peur avec ton Prussien, j'ai redouté des choses si laides, que l'autre histoire, ma foi! est un soulagement... Calme-toi, tout peut s'arranger. Zola, Débâcle,1892, p.562.
[Constr. avec un compl. prép. pour désignant la pers. ou l'objet pour lesquels on éprouve de l'inquiétude] V. agitation ex. 20.
3. De peur de, loc. prép. Synon. dans la crainte de, de crainte que; (avec une valeur de but) afin de ne pas.
[Constr. avec un subst.] Vieilli. Ne vous éloignez point, et de peur d'accident, Suivez, suivez toujours le fond de la riviere (Florian, Fables,1792, p.37).Aucun d'eux n'avait voulu le reconnaître de peur des frais de sépulture (Janin, Âne mort,1829, p.51).
[Constr. avec un verbe à l'inf. ou une complét.] Il ne faut pas arrêter cette évacuation, de peur que l'humeur ne se porte à l'intérieur et ne cause quelque maladie (Geoffroy, Méd. prat.,1800, p.454).Il se faisait appeler «le mort», et tint même à Rouen, sous ce nom, une école gratuite. Je m'arrête de peur de déflorer le sujet (Nerval, Filles feu,Angélique, 1854, p.568).Je serrais les paupières de peur qu'elle ne vît mon regard (Sagan, Bonjour tristesse, 1954, p.124).
Rem. Vieilli. [Avec ell. de de] À ceux qui, peur du froid, s'étoupent les oreilles (Pommier, Colifichets, 1860, p.8).
C. − P. exagér. [Dans les loc. infra]
1. [Combiné avec avoir]
a) Ne pas avoir peur de qqc. Ne pas être gêné, arrêté par le côté pénible ou désagréable de quelque chose. Ne pas avoir peur des mots. −Où est-il? me demanda Antonio à voix basse. −Dans la venta; il dort; il n'a pas peur des punaises (Mérimée, Carmen,1845, p.13).À quatre hommes bons sur la hache et qui n'ont pas peur de l'ouvrage, ça marche vite, même dans le bois dur (Hémon, M. Chapdelaine,1916, p.39).
b) Avoir peur de (suivi d'un verbe à l'inf.). Hésiter, répugner à (faire quelque chose). Les cantonniers ont toujours peur de se fatiguer (Pesquidoux, Livre raison,1928, p.86).On dirait que nos psycho-sociologues et technocrates réunis ont peur de s'abaisser jusqu'aux réalités de la vie (Antoine, Passeron, Réforme Univ.,1966, p.121).
[Plus fréq. à la forme nég.] N'ayez pas peur de triturer votre cuir: il est solide (Closset, Trav. artist. cuir,1930, p.24).Si le petit avait quelque chose cette nuit, n'aie pas peur de me réveiller (Pagnol, Fanny,1932, iii, 2, p.173).
c) Fam. [Dans le dialogue; formule de reproche devant l'audace, l'insolence de l'interlocuteur] T'as pas peur, vous n'avez pas peur. Et! ben, mon salaud!... T'as pas peur! Donner ma robe!... Si tu crois que je l'ai fait faire pour ta femme!... Une robe de vingt-cinq louis! (Feydeau, Dame Maxim's,1914, i, 6, p.11).
2. [Avec faire]
a) Ne pas faire peur à qqn. Ne pas gêner, arrêter, détourner quelqu'un par son caractère pénible ou désagréable. La misère ne vous fait pas peur; vous vivriez au besoin de racines et d'eau claire (Sandeau, Mllede La Seiglière,1848, p.211).
N'être pas pour faire peur à qqn. V. coin2ex. 8.
b) P. hyperb. À faire peur
Empl. adj., adv. (De manière) particulièrement horrible, repoussant(e). Hérédia, bégayant à faire peur, feignait la jovialité, le détachement (L. Daudet, Brév. journ.,1936, p.38).Je pense à ton courage quand il rentre quelquefois, le soir, dans un état à faire peur! (Mauriac, Mal Aimés,1945, i, 3, p.170).
[Combiné avec un adj.] Au plus haut degré. Maigre à faire peur. Anna Grimaldi, des Folies-Dramatiques, et Hortense Schneider, toutes deux belles à faire peur (Benoit, Atlant.,1919, p.216).Maladives, grasses, laides à faire peur, des femmes énigmatiques soulèvent et abaissent leurs paupières larges (Fargue, Piéton Paris,1939, p.102).
D. − Région. (Canada)
1. Blague, mensonge, exagération. Conter des peurs; faiseur de peurs. −J'aurai des risques à prendre, je tiens pas à les prendre pour rien (...). −Voyons donc! Tu risques rien. −Raconte pas de peurs. S'il y avait pas de risques, tu paierais pas quelqu'un pour prendre ta place (M. Dubé, Le Naufrage,1971, p.34 ds Richesses Québec 1982, p.1937).
2. Loc. verb. Partir en peur. Prendre peur, s'effrayer, s'affoler. Nous étions plusieurs à nous précipiter dans la vie, tête baissée, à toute vitesse, sans bien savoir où nous allions, ainsi qu'un troupeau de bisons «parti en peur» (A. Maillet, Nouvelles montréalaises,1966,p.95 ds Richesses Québec 1982, p.1722).Prends pas le mors aux dents! Voyons! Une insignifiance comme ça... Pars pas en peur pour si peu (J. Barbeau, Une Brosse,1975,p.37 ds Richesses Québec 1982, p.1721).
Prononc. et Orth.: [poe:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Avoir peur a) 2emoitié xes. (St Léger, éd. J. Linskill, 76: Et sancz Lethgiers oc s'ent pavor); b) ca 1155 avec de + inf. (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 572: Et de murir out grant poür); c) 1176-81 avec que + sub. (Chrétien de Troyes, Chevalier Lyon, éd.Foerster, 4172: de lui [pour lui] ont mout grant pëor Que li maufez, li anemis, Qui maint prodome avoit ocis ... Autretel de lui ne reface); d) 1534 p.hyperb. avoir peur que «craindre que» (Rabelais, Gargantua, éd.R.Calder, chap. 31, p.199); 2. a) fin xes. (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 398: si s'espauriren de pavor; b) 1119 (Philippe De Thaon, Comput, éd. E.Mall, 2088: senz pour); c) ca 1180 pur la pour (Thomas, Tristan, éd. B.H.Wind, Douce, 1614); d) 1erquart xiiies. faire peur (Renclus de Molliens, Charité, éd. Van Hamel, 167, 4); e)1666 à faire peur se dit d'une personne très laide (Molière, Misanthrope, II, 4 ds OEuvres compl., éd. H. de Bouillane de Lacoste, t.4, p.44). Du lat. pavor «émotion qui saisit; crainte, épouvante, effroi». Fréq. abs. littér.: 16350. Fréq. rel. littér.: xixes.: a)13390; b) 23791; xxes.: a) 29671, b) 27517. Bbg. Pauli 1921, p.29. _Quem. DDL t.13, 14.

Wiktionnaire

Nom commun - français

peur \pœʁ\ féminin

  1. Crainte, frayeur, émotion pénible produite par l’idée ou la vue d’un danger.
    • Aucun être humain ne peut supporter une terreur continuelle : la peur se retire finalement au second plan de l’esprit ; on l’accepte, on la met en place et on n’en veut plus entendre parler. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 261 de l’édition de 1921)
    • À peine, dans une halte où se terminait la mission des meneurs de chevaux, je pus remarquer que les gradés qui faisaient le tri des hommes et des chevaux avaient grand’peur des lieux où ils nous envoyaient. Cette peur que l’on a de loin, et que j’ai éprouvée quelquefois dans la suite, diffère beaucoup de la vraie peur, mais elle n’est pas moins pénible. — (Alain, Souvenirs de guerre, page 14, Hartmann, 1937)
    • Bientôt tes appels ne seront plus que rauquements de plus en plus sourds, beuglements de désespoir si fatigués qu’ils ne dépasseront plus ta gorge, étranglée de terreur par la furieuse certitude, la peur atroce et annihilante, la frayeur immonde de périr en Fagne. — (Jean Rogissart, Passantes d’Octobre, Librairie Arthème Fayard, Paris, 1958)
    • Chez les possédants, l’agitation sociale réveille une vieille hantise particulièrement vivace chez les bourgeois français : la peur de l’ouvrier. — (Jacques Delpierrié de Bayac, Histoire du Front populaire, Fayard, 1972, page 13)
    • Haï, Épicure le fut et le sera parce qu’il est un des héros de l’humanité. […]. Et si, à sa suite, l’ensemble de l’épicurisme fut maudit, et calomnié comme libertinage dévergondé, c’est parce qu’il guérit de la peur dont tout pouvoir, religieux ou politique, a besoin ! — (Robert Redeker, Les épicuriens, professeurs de liberté, dans Marianne du 5 au 11 février 2011, pages 72-73)
    • Elle est aujourd'hui considérée comme une émotion négative dont il faut se libérer. Elle, c'est la peur. — (Jean-Guilhem Xerri, La vie profonde, éditions du Cerf, Paris, 2021, p. 69)
  2. Crainte faible ; appréhension.
    • J'attends votre première lettre avec une impatience qu'elle ne remplira peut-être point; j'ai bien peur de l'attendre encore après l'avoir reçue. — (Madame du Châtelet, « Lettres inédites au Maréchal de Richelieu et à Saint-Lambert », dans la Revue des deux Mondes, tome 3, Bruxelles, 1845, page 589)
    • – Ce qui est certain, c'est que cette image est restée liée à ce livre et qu'est resté intact le sentiment qu’elle me donnait d'une appréhension, d'une peur qui n'était pas de la peur pour de bon, mais juste une peur drôle, pour s'amuser. — (Nathalie Sarraute, Enfance, Gallimard, 1983, collection Folio, page 48)
    • Ah ! oui. J'ai bien peur que ce soit un cas de mariage en hâte dont ils se repentiront après. Ça fait juste trois ans qu'ils se connaissent. J'ai bien peur que Peter découvre que les beaux plumages font pas toujours de bons oiseaux. Fanny est très paresseuse, j'en ai peur. — (Lucy Maud Montgomery, Anne au Domaine des peupliers, traduit de l'anglais par Hélène Rioux, Québec Amérique, 2005, page 212)
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Littré (1872-1877)

PEUR (peur) s. f.
  • 1Passion pénible qu'excite en nous ce qui paraît dangereux, menaçant, surnaturel. Nos prières sont ouïes, Tout est réconcilié ; Nos peurs sont évanouies, Malherbe, II, 2. Es-tu si las de vivre ? - As-tu peur de mourir ? Corneille, le Cid, II, 2. Je sentis je ne sais quoi qui pouvait être une peur, je le pris pour un scrupule, Retz, Mém. t. I, liv. I, p. 34, dans POUGENS. Nous éprouvâmes en cette rencontre qu'il est bien plus naturel à la peur de consulter, que de décider, Retz, ib. liv. II, p. 173. Corrigez-vous, dira quelque sage cervelle. Eh la peur se corrige-t-elle ? La Fontaine, Fabl. II, 14. Nous pensâmes verser mille fois… ce qui vous surprendra, c'est que je n'avais point de peur, Sévigné, 21 août 1677. Il n'y a pas moyen d'être si mal et si brouillé avec soi-même ; il faut tâcher d'établir la peur dans son cœur et dans sa conscience, Sévigné, mai 1690 (t. IX, p. 508, éd. RÉGNIER). À travers les rochers la peur les précipite [des chevaux], Racine, Phèdre, V, 6. En corrigeant une peur par une peur, la peur de la mort par celle de la honte, Diderot, Œuv. t. III, p. 446, dans POUGENS. La peur est une passion dont l'animal est susceptible, quoiqu'il n'ait pas nos craintes raisonnées ou prévues, Buffon, Disc. nat. anim. Œuv. t. V, p. 351. Fi donc, trembler ! mauvais calcul, madame ; quand on cède à la peur du mal, on ressent déjà le mal de la peur, Beaumarchais, Barb. de Sév. II, 2. La haine a son courage, et la peur son audace, P. Lebrun, Voy. de Grèce, ch. VI, 1.

    N'avoir que la peur, en être quitte pour la peur, n'éprouver pas le mal que l'on redoutait. Ne vous étonnez pas, vous n'aurez que la peur, Racan, Bergeries, II, 4, Polistène.

    Je lui ferai la moitié de la peur, c'est-à-dire je ne le crains pas, je lui rends menace pour menace.

    Avoir peur de son ombre, être très craintif, très poltron. Tout l'agite, l'inquiète, le ronge ; il a peur de son ombre ; il ne dort ni nuit ni jour, Fénelon, Tél. III.

    Par exagération. Mourir de peur, craindre extrêmement. Je mourais de peur que cela n'arrivât.

  • 2Divinité qui avait des autels en Grèce et à Rome (avec une majuscule en ce sens). Il [Alexandre] immola secrètement des victimes à la Peur : il invoqua Jupiter, Minerve et la Victoire, Condillac, Hist. anc. II, 10.
  • 3Peur se dit, par exagération, en des cas où il s'agit non de péril, mais de ce qui nuit, de ce qui est désagréable, de ce qui inquiète, etc. J'ai eu peur de vous déranger. Julie, on nous renferme, on a peur de nos larmes, Corneille, Hor. III, 2. Est-ce là tout ? dit-il, vous m'avez fait peur, Pascal, Prov. V. J'avais peur que ce mouvement n'en empêchât un autre ; j'avais peur de vous quitter, j'avais peur de vous suivre ; enfin, ma fille, je craignais tout de ma tendresse et de ma faiblesse, Sévigné, 287. Mon fils me conseille toujours de faire arrêter la Jarie pour ces treize cents francs… et de faire un peu de peur à Pasgerant, Sévigné, 4 janv. 1687. J'ai peur que l'univers, qui sait ma récompense, N'impute mes transports à ma reconnaissance, Boileau, Épître VIII. Souvent la peur d'un mal nous conduit dans un pire, Boileau, Art p. I.

    Faire peur de quelqu'un, faire croire que quelqu'un peut nous nuire, nous faire du mal.

    Faire peur de quelque chose, menacer de quelque chose. Je veux m'imaginer que cette colique dont on m'a fait peur, se sera noyée dans les fontaines de Pougues, Guez de Balzac, liv. I, lett. 5. Ose plus, fais-lui peur d'une prison sévère, Corneille, Attila, III, 1.

    Faire peur, se dit de quelqu'un dont la physionomie s'est beaucoup altérée. Elle est changée à faire peur.

    Familièrement. Être mis à faire peur, être vêtu d'une manière bizarre et ridicule.

    Faire peur, se dit d'une personne très laide. La noire à faire peur, [est dite] une brune adorable, Molière, Mis. II, 5. Comment le garçon le mieux fait s'était coiffé d'un visage à faire peur, Hamilton, Gramm. 10. Oui, je voudrais qu'elle [ma maîtresse] fût laide, Mais laide à faire peur, Béranger, Laideur.

    Faire peur aux petits enfants, se dit de celui qui excite de vaines terreurs. Je suis surpris, mon cher Socrate, de voir que vous ayez tant de goût pour ce misanthrope qui fait peur aux petits enfants, Fénelon, Dial. des morts anc. dial. 17.

    Faire peur à quelqu'un, lui causer une peur, en sortant subitement d'une cachette, ou de toute autre façon. Il leur cria d'un ton à faire peur…, La Fontaine, Herm.

    Faire plus de peur que de mal, se dit de ceux qui sont plus redoutables en apparence qu'en réalité. Ces Messinois, qui font plus de peur que de mal aux autres, vous font, comme vous dites, bien plus de mal que de peur, Sévigné, 460.

    Absolument. Avoir peur, éprouver une certaine peur, une certaine inquiétude. La défense, j'ai peur, sera trop tard venue, Molière, Mélic. I, 5.

  • 4De peur, loc. adv. Par l'effet de la peur. Il a consenti de peur.
  • 5De peur de, loc. prép. En craignant que. Je me vaincrai pourtant, non de peur d'aucun blâme, Mais pour ne troubler pas une si belle flamme, Corneille, Cid, V, 4. Il faut rire avant que d'être heureux, de peur de mourir sans avoir ri, La Bruyère, IV.

    Molière a dit elliptiquement peur, ce qui était blâmé par Vaugelas : J'empêche, peur du chat, que mon moineau ne sorte, Éc. des f. I, 2.

  • 6De peur que, loc. conj. avec le subjonctif, en craignant que. [Chez les Perses] on y marquait [sur un registre] les services que chacun avait rendus, de peur qu'à la honte du prince et au grand malheur de l'Etat ils ne demeurassent sans récompense, Bossuet, Hist. III, 5.

PROVERBES

On ne saurait guérir de la peur, c'est-à-dire les impressions que fait la peur sont insurmontables.

Il ne faut point aller au bois quand on a peur des feuilles, ou n'aille au bois qui a peur des feuilles, c'est-à-dire quand on craint un danger, il ne faut point aller où il se trouve.

On peut bien guérir du mal, mais on ne saurait guérir de la peur.

Tel menace qui a grand peur.

La peur grossit les objets, on s'exagère ce que l'on craint.

La peur n'est bonne à rien, la peur ne guérit de rien, elle est toujours inutile.

REMARQUE

1. Avec avoir peur que, de peur que, on met ne dans le membre de phrase subordonné : J'ai peur qu'il ne vienne ; De peur qu'il ne se blessât. Mais en vers on supprime quelquefois ce ne : Mon désespoir n'osait agir en sa présence, De peur que mon tourment aigrît ses déplaisirs, Corneille, la Suiv. IV, 10. Et tu trembles de peur qu'on t'ôte ton galant, Molière, Sgan. 22. …Les pieds nus, de peur qu'on m'entendît marcher, J'ai descendu la pente, Lamartine, Joc. III, 88.

2. Ne d'abord exprimé, puis supprimé après avoir peur que. J'ai peur qu'elle ne soit mal payée de son amour, que son voyage en cette ville produise peu de fruit, et que vous eussiez autant gagné à ne bouger de là, Molière, D. Juan, I, 1. De peur que d'un coup d'œil cet auguste visage Ne fît trembler son bras et glaçât son courage, Voltaire, Henr. II.

SYNONYME

1. PEUR, CRAINTE., Crainte est le terme générique pour toutes les nuances de cette sorte de sentiments ; elle peut être raisonnée et lointaine. La peur est instinctive et présente.

2° PEUR, FRAYEUR., La frayeur ressemble assez à la peur, si ce n'est qu'elle est toujours plus forte, et moins dépendante du caractère de celui qui la ressent que des apparences de ce qui menace.

HISTORIQUE

XIe s. Nen ont poür ne de murir doutance, Ch. de Rol. LXV.

XIIe s. En amer [aimer] gist hardemenz et paors, Couci, VII. Plus ont poor de mort que n'aient de prison, Sax. XXII. …L'enfant jesu… Que li angles del ciel fist en Egipte aler, Pur la poür d'Erode, Th. le mart. 65.

XIIIe s. Quant li empereres Kyrsac oï que ses fils estoit pris et Morchufles couronnés, si ot grant peour de lui, et li prist une maladie dont il morut, Villehardouin, XCVIII. Il n'i ot si hardi qui i osast aler, pour paour de sa vie, Chr. de Rains, 118. Certes, fet-il, je me gabai ; Ce fis-ge por vos peor fere, Ren. 1787. Poor est tremblement de pensée por cause de perill qui est present ou qui est à venir, Digeste, f° 48.

XIVe s. Aucuns maulx sont les quiex il convient craindre simplement et est bien dé avoir en paour, Oresme, Eth. 78.

XVe s. Versez de rechief, armez-moi, De paour que quelqu'un ne m'assaille, Basselin, I. Le roy fut adverty de l'arrivée de tous ces gens dessus nommez, si entra en grant paour [à Péronne], Commines, II, 5.

XVIe s. J'ay grant paour que toute ceste entreprinse sera semblable à la farce du pot au laict, Rabelais, Garg. I, 33. Ils n'ozent faire tort à autruy, de peur que l'on ne leur en face à eulx mesmes, Amyot, Thesée, 6. Comme ceulx qui de peur du precipice s'y lancent eulx mesmes, Montaigne, II, 28. Puisque vous y estes [en Espagne auprès de François Ier prisonnier], je n'ai point de peur que tout n'aille bien, sinon que vous ne le puissiés garder d'aimer les dames espaignoles, Marguerite de Navarre, Lett. 73.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

PEUR. Ajoutez :
7 Familièrement. Une peur bleue, une peur très forte, qui rend bleu.

REMARQUE

Ajoutez :

3. Après avoir peur, Régnier a mis le verbe subordonné au futur : J'ai peur que tout à fait je deviendrai rimeur, Sat. II. Cela se trouve aussi dans Balzac : J'ai peur qu'il sera blâmé, quelque raison qu'il puisse alléguer en cette rencontre, et que le blâme s'étendra sur tous messieurs les faiseurs de livres, Lett. inédites, XC (éd Tamizey-Larroque) J'ai peur qu'on trempera M. Saumaise, Lett. inédites, LX. Cela n'est plus usité, mais n'a rien qui contredise la grammaire, si ce n'est la suppression de ne. Il est vrai que cette négation est une imitation du latin timeone, et qu'elle n'a pas du tout le sens négatif en français.

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Étymologie de « peur »

(IXe siècle) Du latin pavor (« effroi, épouvante, crainte ») via son accusatif pavorem. Il est passé par les formes intermédiaires pavor, pour, peur. (881) pavor.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Wallon, pawou ; bourg.  ; provenç. pavor, paor ; anc. catal. paor ; cat. mod. por, pavor ; espagn. et portug. pavor ; du lat. pavorem. Dans l'ancienne langue, paor, peor, pour est toujours dissyllabique.

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Phonétique du mot « peur »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
peur pœr

Fréquence d'apparition du mot « peur » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « peur »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « peur »

  • La peur... Une arme primitive mais efficace.
    Pauline Michel — Mirage
  • La peur et la beauté sont incompatibles.
    Jean Filiatrault — Le refuge impossible
  • L'ignorance préserve de la peur.
    Jean-Yves Soucy — Erica
  • Pourquoi avoir peur du bonheur ?
    Virginie Despentes — Les jolies choses
  • L’un de nos deux marchands de son arbre descend,Court à son compagnon, lui dit que c’est merveilleQu’il n’ait eu seulement que la peur pour tout mal.Eh bien ! ajouta-t-il, la peau de l’animal ?Mais que t’a-t-il dit à l’oreille ?Car il t’approchait de bien près,Te retournant avec sa serre.Il m’a dit qu’il ne faut jamaisVendre la peau de l’ours qu’on ne l’ait mis par terre.
    Jean de La Fontaine — L’ours et les deux compagnons
  • La curiosité d'avoir peur existe.
    Victor Hugo — Les Travailleurs de la Mer
  • Chatrouiller : avoir une peur déraisonnable des guilis.
    Alain Finkielkraut — Petit fictionnaire illustré
  • On a peur, on s'imagine avoir peur. La peur est une fantasmagorie du démon.
    Georges Bernanos
  • Force est [au tyran] d'éprouver toutes les peurs qu'il inspire.
    Sénèque en latin Lucius Annaeus Seneca, dit Sénèque le Philosophe — De la clémence, I, 19
  • Le lecteur aime se faire peur.
    Franck Thilliez
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Traductions du mot « peur »

Langue Traduction
Anglais fear
Espagnol miedo
Italien paura
Allemand angst
Chinois 恐惧
Arabe الخوف
Portugais medo
Russe страх
Japonais 恐れ
Basque beldurra
Corse teme
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Synonymes de « peur »

Source : synonymes de peur sur lebonsynonyme.fr

Combien de points fait le mot peur au Scrabble ?

Nombre de points du mot peur au scrabble : 6 points

Peur

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