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Cruel

Variantes Singulier Pluriel
Masculin cruel cruels
Féminin cruelle cruelles

Définitions de « cruel »

Trésor de la Langue Française informatisé

CRUEL, ELLE, adj.

A.− [En parlant d'une pers. et de son comportement]
1. Qui prend plaisir à provoquer volontairement la souffrance physique ou morale d'autrui (ou d'un animal). Ces femmes-là aiment à être méprisées par leur amant, elles ne l'aiment que cruel (Stendhal, Amour,1822, p. 128).Le tendre Racine et le cruel Racine (...) Souvent un homme est irritable dans la mesure où il est tendre (Mauriac, Vie Racine,1928, p. 73):
1. ... j'avais déjà remarqué que le bas peuple est peu intelligent, brutal, cruel même, à l'égard des faibles : les enfants et les animaux domestiques. Ce soir, devant la poste, en présence d'une foule qui ne réclamait pas, un homme, tenant un chien malade par les pattes de derrière, lui brisait le crâne contre les barreaux d'une grille. Impatienté de ce que sa victime mettait trop de temps à mourir, il a fini par la lancer pantelante et hurlante, sous les roues des voitures pour qu'elle y fût écrasée. Michelet, Sur les chemins de l'Europe,1874, p. 177.
SYNT. Ennemi cruel, cruel ennemi. Il y a un plaisir délicieux à serrer dans ses bras une femme qui vous a fait beaucoup de mal, qui a été votre cruelle ennemie pendant longtemps et qui est prête à l'être encore (Stendhal, Amour, 1822, p. 246). PARAD. (Quasi-) synon. acharné, atroce, barbare, dur, féroce, impitoyable, inhumain, méchant, sadique, sauvage; (quasi-)anton. bon, compatissant, humain, pitoyable, tendre.
P. anal. [En parlant d'une entité ou d'un objet plus ou moins personnifié(e)] Mes adversités, (...) commencèrent avec ma vie. La cruelle fortune m'arracha des bras de ma mère (Chateaubr., Mém., t. 4, 1848, p. 414). ... un plomb cruel qui, dans sa course, brille, Siffle, et, fendant les airs, vous frappe sans pardon (Verlaine, Prem. vers,1858-66, p. 1).
P. méton. [En parlant d'une partie du corps, d'une attitude physique ou morale, d'une forme d'expression, etc.] Qui trahit une volonté de faire souffrir. Mot cruel. Après le meurtre d'une bête ou d'un homme, le plaisir le plus cruel du paysan, c'est sans doute de couper des arbres (Renard, Journal,1902, p. 780).Un mélange incroyable de violence et de douceur : très enfantine, avec une petite bouche cruelle, qu'un rien pinçait méchamment (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 272):
2. Cette fois, Jules ne fut point accueilli avec ces tournures polies qui lui avaient semblé si cruelles lors de la première entrevue. (...) elle était tremblante, et, comme le ton de Jules était fort réservé et que ses tournures de phrases étaient presque celles qu'il eût employées avec une étrangère, ce fut le tour d'Hélène de sentir tout ce qu'il y a de cruel dans le ton presque officiel lorsqu'il succède à la plus douce intimité. Stendhal, L'Abbesse de Castro,1838, p. 190.
3. Ce naturel gouailleur et bilieux, cette âpreté cruelle qui aime à faire souffrir, leur [ceux qui sont nés sociables] répugne éternellement. Amiel, Journal intime,1866, p. 449.
Jeu cruel. C'était devenu pour elle un jeu cruel de le faire rougir, et presque sa seule prise sur lui (Montherl., Bestiaires,1926, p. 503).
Loc. En faire voir de cruelles à qqn. Lui mener la vie dure; synon. fam. en faire voir des pierres, en faire voir de toutes les couleurs. Ah! J'en ai mené une dure d'existence, moi, en ce temps-là! Il m'en a fait voir de cruelles! (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Masque, 1889, p. 1167).Sans doute je ne veux pas dire que Madame avait raison. Elle lui en faisait voir de cruelles (Proust, Fugit.,1922, p. 681).
2. P. ext. Qui est indifférent à la souffrance ou aux malheurs d'autrui. Synon. inhumain, insensible :
4. Quelqu'un vint dire : « Elle est passée ». Je me jetai à genoux au point H pour remercier Dieu de cette grande délivrance. Si les Parisiens sont aussi niais en 1880 qu'en 1835, cette façon de prendre la mort de la sœur de la mère me fera passer pour barbare, cruel, atroce. Stendhal, Vie de Henry Brulard,t. 1, 1836, p. 240.
En partic. [En parlant d'une femme] Insensible, rebelle aux avances d'un homme. J'enflamme un campagnard grison : Je suis cruelle, et celui-là m'épouse (Béranger, Chans.,t. 2, 1829, p. 166):
5. Un prince qui avait renoncé à sa patrie, abandonné son trône et ses états, franchi les monts, passé les mers, soutenu vingt combats, couru mille dangers pour une cruelle dont il osait à peine espérer la faveur d'un regard moins sévère, était un exemple à citer... Marmontel, Essai sur les romans,1799, p. 309.
Loc., p. euphém. Être peu cruelle pour qqn. Lui accorder ses faveurs. Tullia la danseuse, qui, disait-on, était peu cruelle pour Du Bruel (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 439).Ne pas trouver de cruelles (subst.). Être heureux en amour. Ranuce-Ernest IV, qui trouvait rarement des cruelles, était piqué de ce que la vertu de la duchesse, bien connue à la cour, n'avait pas fait exception en sa faveur (Stendhal, Chartreuse,1839, p. 132).
P. méton. [En parlant d'une expression du visage, d'une attitude, etc.] Qui exprime l'indifférence. Il semble qu'une divinité champêtre se soit déguisée en Parisienne pour observer, avec un détachement cruel, le petit manège des femmes (Barrès, Voy. Sparte,1906, p. V).
B.− [En parlant d'une chose] Qui provoque une souffrance, un effet pénible. Cruelle alternative, nécessité; souvenirs cruels. Le coup de fouet cruel de la plaisanterie parisienne (Stendhal, L. Leuwen,t. 3, 1836, p. 363):
6. Voyez-vous, il n'y a qu'une façon d'aimer les femmes, c'est d'amour. Il n'y a qu'une façon de leur faire du bien, c'est de les prendre dans ses bras. (...) Tout le reste, amitié, estime, sympathie intellectuelle, sans amour est un fantôme cruel, car ce sont les fantômes qui sont cruels : avec les réalités on peut toujours s'arranger. Montherlant, Pitié pour les femmes,1936, p. 1163.
Cruel embarras. Il se trouva plongé dans le plus cruel embarras, dans une détresse épouvantable (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Dimanches bourg. Paris, 1880, p. 285).Cruelles pertes. Il y eut un essai d'offensive allemande (...) entre le village et le fort. Un bataillon du 7erégiment de réserve allemand (121edivision) y subit de cruelles pertes (Bordeaux, Fort de Vaux,1916, p. 109).
P. ext. Qui ne laisse rien dans l'ombre, implacable. Lucidité, lumière cruelle. Parle-t-il [Picasso]? Sa boutade montre ce dont il parle sous un jour cruel (Cocteau, Poésie crit. 1,1959, p. 104):
7. Pauvre Annie! La musique pompeuse et triste te raille, t'amollit, t'étreint jusqu'aux larmes; et tu gâtes ton émotion en te retenant de pleurer, en songeant à l'invasion proche et cruelle de la lumière, aux regards avisés de Claudine... Colette, Claudine s'en va,1903, p. 82.
Par affaiblissement. Pénible, désagréable. Il y a eu de cruels retards dont vous convenez à peine et une autre chose un peu mortifiante pour moi dont vous ne convenez pas du tout (Bloy, Journal,1898, p. 275).Juin n'est cruel qu'aux citadins sans voiture, encadrés étroitement de pierre chaude, qu'à l'homme serré contre l'homme (Colette, Chatte,1933, p. 67).
Prononc. et Orth. : [kʀyεl]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 2emoitié xes. cruel [en parlant d'une pers.] (Vie de St Léger, éd. Linskill, 153); 2. ca 1150 [en parlant d'une chose] cruël torment (Grand mel fist Adam, éd. H. Suchier, I, 66, p. 34). Du lat. class. crudelis « cruel (d'une pers., d'une chose) »; cruel est refait sur le lat. ou représente une forme pop. *crudalis appuyée par les formes de l'a. fr. crual, ca 1200 [ms. xives.] (Ogier le Danois, 5210) et de l'a. prov. crual (ds Lévy). Fréq. abs. littér. : 4 727. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 9 642, b) 6 033; xxes. : a) 6 453, b) 4 760. Bbg. Mimin (P.). La Déf. du fr. chez les juristes. Déf. Lang. fr. 1967, no37, pp. 26-27.

Wiktionnaire

Nom commun - français

cruel \kʁy.ɛl\ masculin (pour une femme, on dit : cruelle)

  1. Personne qui fait preuve de férocité, de méchanceté.
    • La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles ; On a beau la prier ; La cruelle qu’elle est se bouche les oreilles, Et nous laisse crier. — (François de Malherbe, VI, 18.)
    • Je ne t’ai point aimé, cruel ? Qu’ai-je donc fait ? — (Jean Racine, Andr. IV, 5.)
  2. Femme qui n’écoute pas un amant.
    • Mon fils me parle de la grosse cousine d’une étrange façon ; il ne désire qu’une bonne cruelle pour le consoler un peu. — (Marquise de Sévigné, t. VII, p. 649, p. 17, dans POUGENS.)
    • Les cruelles ne me sont rien, Je ne crains que les infidèles. — (Bernard le Bouyer de Fontenelle, Poésies past. Œuvres, t. IV, p. 22, dans POUGENS.)
  3. (Poétique) Amante qui, sans le vouloir, torture le cœur de l’amoureux.
    • Ne pas trouver de cruelles : Être toujours heureux en amour.
    • Jamais surintendant ne trouva de cruelles. — (Nicolas Boileau-Despréaux, Sat. VIII.)
    • De longue main*, Ranuce-Ernest IV, qui trouvait rarement de cruelles, était piqué de ce que la vertu de la duchesse, bien connue à la cour, n’avait pas fait une exception en sa faveur. — (Stendhal, La Chartreuse de Parme, Ambroise Dupont, Paris, 1839)
    • Faire le cruel : Se montrer dédaigneux à l’égard des femmes.

Adjectif - français

cruel \kʁy.ɛl\ masculin

  1. Qui inflige la souffrance ou la mort ; qui a un caractère de cruauté, en parlant des hommes, des animaux ou des choses.
    • Et même en ce moment où ta bouche cruelle
      Vient si tranquillement m’annoncer le trépas.
      — (Jean Racine, Andromaque IV, 5.)
    • Un tyran cruel.
    • Le tigre est un animal cruel.
    • Une guerre cruelle, sanglante, acharnée.
  2. (Par extension) Dur ; sévère ; rigoureux ; inflexible ; exigeant, en parlant des personnes et des choses.
    • Nos terroristes du quinzième et du seizième siècle ont été des moines. Les prisons monastiques furent toujours les plus cruelles. — (Jules Michelet, Du prêtre, de la femme, de la famille, 3e éd., Hachette & Paulin, 1845, Préface de la 3e édition, p.XVII)
    • Une peine cruelle.
    • Des devoirs cruels à remplir.
  3. Douloureux ; fâcheux.
    • Cette terrible histoire des Vaudois, dois-je en parler ou m'en taire ? En parler ? Elle est trop cruelle ; personne ne la racontera sans que la plume n'hésite, et que l'encre, en écrivant, ne blanchisse de larmes. — (Jules Michelet, Le prêtre, la femme, la famille, Paris : Chamerot, 1862 (8e éd.), p.23)
    • C’est une chose cruelle que d’être abandonné de ses amis.
    • Quels reproches cruels ne nous ferons-nous pas ?
  4. Insensible. (En particulier) Se dit d’une femme qui repousse les avances de son soupirant.
    • Beauté cruelle.
    • Cruelle ! Vous présenter à cet homme qui laisse éclater la passion que vous venez de lui inspirer ! Jamais ! — (Michel Zévaco, Le Capitan, 1906, Arthème Fayard, collection « Le Livre populaire » no 31, 1907)
    • Cette femme passe pour n’être pas cruelle, elle cède facilement à ceux qui la poursuivent.
  5. (Familier) Insupportable.
    • C'est ici que l'on voit deux choses bien cruelles,
      Des maris ennuyeux et des femmes fidelles,
      Car l'Amour, tu le sais, n'est pas luthérien.
      — (Évariste de Parny, « Lettre à Bertin, du Cap de Bonne-Espérance, octobre 1777 », dans le recueil Œuvres d'Évariste Parny, tome 1, Paris : chez Debray, impr. Didot l'aîné, 1808, p. 217)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

CRUEL, ELLE. adj.
Qui prend plaisir à faire souffrir ou à voir souffrir. Cruel tyran. Être né cruel. Avoir l'âme cruelle, l'humeur cruelle. Un maître cruel. On le dit également en parlant de Quelques animaux. Le tigre est une bête cruelle. Fig., Ses plus cruels ennemis, Ses ennemis les plus acharnés et les plus dangereux. Fig., Destin, sort cruel, fortune cruelle, se dit en parlant des Grandes afflictions, des grands revers que fait éprouver la fortune. Il signifie aussi Qui dénote la cruauté, où il y a de la cruauté. Action cruelle. Ordre cruel. Haine cruelle. Joie cruelle. Guerre cruelle, Guerre acharnée, très sanglante. Il signifie quelquefois, par exagération, Qui est sévère, inflexible, exigeant. Vous êtes cruel. Un père cruel. Il signifie encore Qui est douloureux, insupportable. Un cruel supplice, une cruelle mort. Une peine cruelle. Des devoirs cruels à remplir. J'ai fait une perte cruelle. Ce fut un cruel moment pour nous. Il a fait cette année un cruel hiver. Vous lui avez fait un cruel affront. On lui fit de cruels reproches. Cette séparation fut bien cruelle. C'est une cruelle situation. Il se dit, en un sens particulier, d'une Femme qui n'écoute point ses amants ou qui les rebute. Elle fut longtemps cruelle. Beauté cruelle. Cette femme passe pour n'être pas cruelle. Cette dernière phrase est du langage familier. Il s'emploie souvent comme nom en parlant des Personnes. Ils veulent me séparer de vous, les cruels! La cruelle est sourde à nos plaintes. Cruel, vous m'abandonnez! Fam., Ne pas trouver de cruelles, Être toujours heureux en amour.

Littré (1872-1877)

CRUEL (kru-èl, è-l') adj.
  • 1Qui aime à infliger des souffrances, la mort. Un tyran cruel. Le cruel Henri VIII fit périr plusieurs de ses femmes. Valérien ne fut cruel qu'aux chrétiens, Bossuet, Hist. I, 10. J'ai mendié la mort chez des peuples cruels, Racine, Andr. II, 2. Mes inhumaines sœurs sont d'autant plus cruelles, Qu'elles le sont par piété, Lamotte, Odes, t. I, p. 500, dans POUGENS. Perfide par instinct et cruel par penchant, Son âme est un enfer et sa vie un long crime, Masson, Helvét. II. Dans cette guerre à mort, leur donner la vie [aux prisonniers], c'eût été se sacrifier soi-même ; on fut cruel par nécessité ; le mal venait de s'être jeté dans une si terrible alternative, Ségur, Hist. de Nap. IX, 8.

    Les plus cruels ennemis, les ennemis les plus acharnés.

    Il se dit de quelques animaux. Le tigre est un animal cruel.

  • 2Qui a un caractère de cruauté, en parlant des choses. Un ordre cruel. Une politique cruelle et ambitieuse. Une guerre cruelle, sanglante, acharnée Cruelle bataille, Racine, Théb. III, 4. On fit une cruelle boucherie de ces brigands, Vertot, Révol. rom. XI, p. 143. Loin de ces lieux cruels précipitez vos pas, Racine, Iphig. IV, 10. Je suis persuadé plus que jamais de l'innocence des Calas et de la cruelle bonne foi du parlement de Toulouse, Voltaire, Lett. d'Argental, 21 juin 1761. Une guerre longue et cruelle, inutile à l'Autriche, funeste à la France, profitable aux seuls Anglais, et glorieuse au seul roi de Prusse, qui, après l'avoir soutenue pendant sept ans contre la moitié de l'Europe, l'a terminée sans perdre un village, D'Alembert, Éloges, milord Maréchal. Ses expériences n'avaient pu être faites sans assujettir un grand nombre d'animaux à des douleurs cruelles ; et c'eût été acheter bien cher une vérité inutile ; M. de Haller le sentait, Condorcet, Haller.
  • 3Dur, sévère, rigoureux, en parlant des personnes et des choses. Père, tuteur cruel. Une peine cruelle. Des devoirs cruels à remplir. C'est cette vertu même à nos désirs cruelle, Que vous louez encore en blasphémant contre elle, Corneille, Poly. II, 2. Les dieux depuis longtemps me sont cruels et sourds, Racine, Iphig. II, 2. Hélas ! fus-je jamais si cruel que vous l'êtes, Racine, Andr. I, 4. Tous deux haïs du peuple, et tous deux admirés ; Enfin, par leurs efforts ou par leur industrie, Utiles à leurs rois, cruels à la patrie, Voltaire, Henr. VII. Ses parents, à la fois jacobites et catholiques, étaient opprimés, à ce dernier titre, sous des lois cruelles, indignes de la sagesse et de l'humanité des lois anglaises, mais qu'une fausse politique avait crues nécessaires dans le siècle dernier, Condorcet, d'Arci.
  • 4Douloureux, fâcheux. C'est une chose cruelle que d'être abandonné de ses amis. Quels reproches cruels ne nous ferons-nous pas ? Corneille, Sertor. II, 2. Je dois vous annoncer, Léandre, une nouvelle, Mais la trouverez-vous agréable ou cruelle ? Molière, l'Étour. II, 10. Le ciel eut pour ses vœux une bonté cruelle, La Fontaine, Fabl. VII, 17. C'est une cruelle chose que de mettre sa vie entre les mains d'un médecin, qui croit fermement qu'il va prendre possession d'une souveraineté en Italie, Sévigné, t. X, lett. 1012, dans POUGENS. Ce ne peut être que cette seule curiosité qui vous ait fait faire une si cruelle imprudence, La Fayette, Princ. de Clèves, Œuvres, t. II, p. 185, dans POUGENS. Non, vous ne verrez pas cette fête cruelle, Racine, Baj. II, 5. Ah ! souvenir cruel, Racine, Andr. I, 4. Et ton nom paraîtra dans la race future Aux plus cruels tyrans une cruelle injure, Racine, Brit. V, 6. [C'est lui qui] Veut, la force à la main, m'attacher à son sort Par un hymen, pour moi, plus cruel que la mort, Racine, Mithr. I, 2. Mesdames [les sœurs du roi] savaient combien est cruelle pour ceux qui souffrent, la perte du médecin dont ils attendent la conservation de leur vie ou la fin de leurs douleurs, Condorcet, Bourdelin.

    Destin, sort cruel, destin, sort tout à fait contraire. Que ma destinée est cruelle ! Molière, le Fest. III, 4.

  • 5Insensible. Beauté cruelle. Et même en ce moment où ta bouche cruelle Vient si tranquillement m'annoncer le trépas, Racine, Andr. IV, 5. Avec quels yeux cruels sa rigueur obstinée Vous laissait à ses pieds peu s'en faut prosternée ! Racine, Phèd. III, 1. Eh ! comment font tant de jeunes filles qui, pendant des mois entiers, résistent à leur penchant, cachent leur amour, et paraissent non-seulement insensibles, mais encore cruelles à un amant qui leur plaît ? Saint-Foix, Oracle, sc. 7.

    Dans le langage familier. Cette femme passe pour n'être pas cruelle, elle cède facilement à ceux qui la poursuivent.

  • 6Un cruel homme, un fâcheux, un ennuyeux personnage ; une cruelle femme, une femme bien insupportable.
  • 7 Substantivement. La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles ; On a beau la prier ; La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles, Et nous laisse crier, Malherbe, VI, 18. Vous triomphez, cruelle, et bravez ma douleur, Racine, Iphig. II, 5. Un cruel (comment puis-je autrement l'appeler ?) Par la main de Calchas s'en va vous immoler, Racine, Iphig. III, 6. Je ne t'ai point aimé, cruel ? qu'ai-je donc fait ? Racine, Andr. IV, 5.
  • 8Femme qui n'écoute pas un amant. Venge-toi d'une ingrate et quitte une cruelle, Corneille, Nicom. V, 1. Soulagez mon tourment, disais-je à ma cruelle ; Ma mort vous ferait perdre un amant si fidèle Qu'il n'en est point de tel en l'empire amoureux, La Fontaine, Poésies mêlées, XLV. Mon fils me parle de la grosse cousine d'une étrange façon ; il ne désire qu'une bonne cruelle pour le consoler un peu, Sévigné, t. VII, p. 649, p. 17, dans POUGENS. Les cruelles ne me sont rien, Je ne crains que les infidèles, Fontenelle, Poésies past. Œuvres, t. IV, p. 22, dans POUGENS. Ceux qui sont accablés des rigueurs d'une cruelle y viennent soupirer, Montesquieu, Gnide, 1. Si elle vous nomme audacieux, vous l'appellerez cruelle ; les femmes aiment beaucoup qu'on les appelle cruelles, Beaumarchais, Barbier, IV, 5.

    Familièrement. Ne pas trouver de cruelles, être toujours heureux en amour. Jamais surintendant ne trouva de cruelles, Boileau, Sat. VIII.

    Familièrement. Faire le cruel, se montrer dédaigneux à l'égard des femmes.

  • 9 S. f. Cruelle, nom qu'on donne à de l'eau-de-vie rendue plus brûlante par l'addition de substances âcres.

REMARQUE

1. On dit (les exemples rapportés le prouvent) être cruel à quelqu'un. Mais on dit aussi : être cruel envers quelqu'un.

2. Il faut faire attention à la différence de sens que produit quelquefois la place de cruel : un homme cruel, c'est un homme qui a de la cruauté ; un cruel homme, c'est un homme insupportable.

HISTORIQUE

XIIe s. Cruez hom est Rollant, Ronc. p. 20. Ja de crueul au desseure [dans le triomphe] N'orrés [vous n'ouirez] dire bon recort, Couci, IV. Ha ! douce riens cruels, tant mar [je] vous vi, Quant pour ma mort nasquites sans merci, ib. IX. Au mont [monde] n'a [il n'y a], voir, si cruel traïson Qu'un bel semblant et courage felon, ib. IX. Lors vous truis je [je vous trouve] cruel si durement, ib. X. Car tant est fors et crueus sa prisons, ib. XII. Mais j'ai de ce moult cruel avantage, Qu'il les m'esteut sur mon cuer obeir, ib. XI. Cele [ma dame] me fut crueus à l'acointier, ib. XX. Je chanterai, car plus ne m'en puis taire, Pour conforter ma cruel aventure, ib. p. 125. [Ils] Ne leur poïssent [pussent] faire un plus cruel cembel [combat], Sax. IX. Si que li rois puist dire… Qu'onc vers lui ne plaidierent si cruel aversaire, ib. XXX.

XIIIe s. [Toi] Qui ainsi m'as traïe de traïson crual, Berte, XXVI. Tant cum Gauvains li bien apris Par sa cortoisie ot le pris, Autretant ot de blasme Keus Por ce qu'il fu fel et crueus, ib. 2106. Et por ce que lor espée esperituel est plus cruel que le [la] temporel, porce que l'ame y enquort, doivent moult garder cil qui l'ont en garde, qu'il n'en fierent sans reson, Beaumanoir, XLVI, 11.

XVe s. Les aucuns en donnent le droit de la guerre qui fut en ce temps si grande et si cruelle en Flandre, Froissart, II, II, 62. Le prince de Galles, qui estoit courageux et cruel comme un lyon, print ce jour grant plaisir à combattre et chacer ses ennemis, Froissart, liv. I, p. 195, dans LACURNE. Tout homme armé doit estre par effect Crueulx devant, piteus après victoire, Deschamps, Poésies mss. f° 109, dans LACURNE.

XVIe s. Mais la cruelle, accoustumée à tromper son poursuivant, S'enfuit comme une fumée Qui se perd au gré du vent, Ronsard, 549. Par trop cruel à son ennemy Sera rude à son amy, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 367.

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Étymologie de « cruel »

Bourguig. crual, crouel ; provenç. cruzel, cruel ; espagn. cruel ; ital. crudele, du latin crudelis, dérivé de crudus. Dans l'ancien français au nominatif singulier cruels ou crueus pour les deux genres ; au régime cruel pour les deux genres ; au pluriel nominatif cruel pour les deux genres ; au régime cruels ou crueus. De cette forme cruels ou crueus, on avait tiré un adjectif irrégulièrement formé crueus, crueuse : De plus crueuse beste ne fu parole oïe, Berte, II.  ; En si crueuses batailles et si perilleuses, Froissart, I, I, 1.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Du latin crudelis « qui aime le sang » dérivé de crudus (« cru, saignant »).
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « cruel »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
cruel kryɛl

Fréquence d'apparition du mot « cruel » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « cruel »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « cruel »

  • Le monde entier est cruel à l’intérieur et cinglé en surface.
    David Lynch — Sailor et Lula
  • Le retard à se venger rend le coup plus cruel.
  • La multitude, cruel fléau !
    Euripide — Iphigénie à Aulis
  • On peut être cruel en pardonnant, de même qu’on est parfois miséricordieux en punissant.
    Saint Augustin
  • La décision est souvent l’art d’être cruel à temps.
    Henry Becque
  • Fuis du plus loin la pointe assassine L’esprit cruel et le rire impur.
    Paul Verlaine — L’art poétique
  • La décision est souvent l'art d'être cruel à temps.
    Henry Becque — Notes d'album, G. Crès
  • L’orgueil de son travail rend, non seulement la fourmi, mais l’homme cruel.
    Léon Tolstoï
  • Le Tour du monde des idées | Qu'est-ce qui distingue le simple Tartuffe du "cruel moralisateur" ? C'est que nous apprend la philosophe américaine Judith Shklar, disparue en pleine euphorie post-guerre froide. Son scepticisme et sa prudence nous la font redécouvrir aujourd'hui.
    France Culture — Quand Judith Shklar dénonçait le "moralisateur cruel"
  • Un homme cruel avec les animaux ne peut être un homme bon.
    Gandhi
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Traductions du mot « cruel »

Langue Traduction
Anglais cruel
Espagnol cruel
Italien crudele
Allemand grausam
Chinois 残忍
Arabe قاسي
Portugais cruel
Russe жестокий
Japonais 残酷な
Basque krudela
Corse crudeli
Source : Google Translate API

Synonymes de « cruel »

Source : synonymes de cruel sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « cruel »

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Cruel

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