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Corruption

Variantes Singulier Pluriel
Féminin corruption corruptions

Définitions de « corruption »

Trésor de la Langue Française informatisé

CORRUPTION, subst. fém.

I.− [L'obj. de l'action est un corps, une substance matérielle] (cf. corrompre I)
A.− Action de changer l'état naturel d'une chose en la rendant mauvaise, généralement par décomposition; fait de se corrompre. La corruption de la chair, de l'air; arriver à un certain degré de corruption. Synon. altération, décomposition.Préserver l'eau douce de la corruption (Voy. La Pérouse,t. 2, 1797, p. 8).Elle garde un cadavre intact, défiant, vierge, la corruption (Cocteau, Potomak,1919, p. 340).
B.− P. méton.
1. Au sing. État de ce qui est corrompu. Odeur de corruption. Synon. infection, pestilence, pourriture :
1. Les termitières, hautes et blanchâtres... élevaient dans la pénombre leurs pics de planètes abandonnées comme si elles eussent trouvé naissance dans la corruption de l'air. Malraux, La Voie royale,1939, p. 99.
2. Rare, sing. ou plur. Chose infectée, pourrie ou produite par la corruption (cf. moisissure, pourriture). Je prenais la plante verte qui croît sur les sales ruisseaux pour une corruption (Stendhal, H. Brulard,t. 1, 1836, p. 185).
Rem. Dans le vocab. philos. corruption (correspondant au concept grec de φ θ ο ρ α ́, opposé à celui de γ ε ́ ν ε σ ι ς génération, production) désigne l'événement par lequel une chose cesse d'être telle qu'on puisse encore la désigner par le même nom (d'apr. Goblot 1920, Lal. 1968). Lal. propose destruction comme étant une traduction plus exacte. Le propre de l'histoire, c'est ce changement même, cette génération et corruption (Péguy, Notre Jeun., 1910, p. 79).
II.− Au fig.
A.− Altération (procès ou état), changement en mal (sous l'effet de causes externes ou internes), cf. corrompre II A.
1. [L'obj. de l'action est une œuvre, une structure, une valeur sociale] La corruption de la civilisation, du monde, d'un peuple, de la peinture; un élément de corruption; répandre la corruption. Synon. décadence, déchéance.Le scepticisme et la corruption raffinée des temps modernes (Huysmans, Art mod.,1883, p. 95).Tout est-il donc piège, condition d'infortune ou signe de corruption dans ce qui vient de l'intelligence de l'homme? (Delacroix, Journal,1850, p. 361):
2. ... l'on pourrait avancer sans blasphème que la langue de Massillon [...] n'est, par rapport à celle de Rabelais, qu'une langue plutôt de corruption, de mollesse déjà commençante et de décadence. Sainte-Beuve, Chateaubr.,t. 1, 1860, p. 29.
2. [L'obj. de l'action est une réalité psychique : jugement, goût, raisonnement, sensation, sentiment] Modification fâcheuse par altération des qualités propres; déformation. La corruption des plaisirs, des principes, de la raison, du style; la corruption du goût littéraire. Une certaine bassesse de cœur qui explique, sans les justifier, hélas! les corruptions de l'intelligence (Bernanos, Gde peur,1931, p. 233):
3. Quelque temps, l'abbé Quandieu avait résisté, refusant de mettre dans son église paroissiale un tronc pour Saint-Antoine de Padoue, ne voulant pas se prêter à ce qu'il considérait comme une idôlatrie, une corruption de l'esprit religieux. Zola, Vérité,1902, p. 182.
3. [L'obj. de l'action est une réalité, une valeur du domaine de l'expr.]
a) Corruption d'une langue. Dégradation, altération de sa « pureté » par des usages considérés comme fautifs, par des emprunts, etc.
Rem. Attesté par Ac. 1835, 1878, Besch. 1845, Guérin 1892, Lar. 19e, Lar. encyclop.
b) Corruption d'un mot, d'un nom. Transformation phonétique. Le nom de La-Ville-aux-Fayes [...] s'explique [...] par la corruption de ce nom (en basse latinité, Villa in Fago, le manoir dans les bois) (Balzac, Paysans,1844-50, p. 326).
c) Corruption d'un texte. Altération, volontaire ou non, de la forme ou du sens d'un texte (par faute de copie, interpolation, omission ou addition); mauvais établissement d'un texte. La seconde difficulté d'une bonne interprétation (des textes sacrés) est la corruption des textes, et la multiplicité des ouvrages apocryphes (Cousin, Fragm. philos.,1840, p. 291).
B.− Dégradation de ce qui est sain, honnête et constitue une valeur morale (cf. corrompre II B).
1. [L'obj. de l'action est une pers. ou un groupe évoqué par un compl. prép. de ou un adj.]
a) Action de pousser (quelqu'un) à agir contre son devoir, sa conscience, par des dons, des promesses, la persuasion. Corruption active; corruption de témoins; tentative de corruption :
4. Les Grands d'Espagne ont tous reçu de l'argent de lui [le duc de Montpensier], mais pas assez. En matière de corruption, il ne faut pas avoir de repentir. Mérimée, Lettres à M. Panizzi,1870, p. 410.
b) Faute de celui qui se laisse détourner de son devoir par des dons, des promesses ou la persuasion. La corruption parlementaire; la corruption de la presse; un député convaincu de corruption; suspecter quelqu'un de corruption. Montrer la corruption des classes dirigeantes (Green, Journal,1944, p. 181).
Spéc., DR.
Corruption électorale. Délit consistant à fausser par des dons et des promesses, l'exercice du droit de suffrage.
Rem. Attesté ds les dict. dep. Lar. 19e.
Corruption d'employés. ,,Délit du commis, employé ou préposé, salarié ou rémunéré sous une forme quelconque, d'un commerçant ou d'un industriel, qui a, soit directement, soit par une personne interposée, à l'insu et sans le consentement de son patron, soit sollicité ou agréé des offres ou promesses, soit sollicité ou reçu des dons, présents, commissions, escomptes ou primes, pour faire un acte de son emploi ou s'abstenir de faire un acte que son devoir lui commandait de faire`` (Cap. 1936).
Corruption de fonctionnaires. ,,Acte qualifié crime, consistant à solliciter du titulaire d'un mandat électif, d'un fonctionnaire public de l'ordre administratif ou judiciaire, militaire ou civil, agent ou préposé d'une administration publique en faisant appel à son intérêt personnel, de faire ou de s'abstenir de faire un acte de ses fonctions ou de son emploi, acte juste ou non, mais non sujet à salaire`` (Barr. 1974).
Corruption de mineurs. Délit d'attentat aux mœurs commis en excitant, en favorisant ou en facilitant habituellement la débauche ou la corruption de la jeunesse de l'un ou de l'autre sexe, au-dessous de l'âge de la majorité.
Rem. 1. Ce dernier syntagme est attesté ds Lar. 19e-20e, Lar. encyclop. 2. Ces expr. sont utilisées aussi bien pour désigner l'action de corrompre (corruption active) que le fait de se laisser corrompre (corruption passive).
2. Altération ou bassesse (morale). Une extrême corruption, la corruption féminine, générale; corruption de la conscience, du cœur. Synon. avilissement.La probité est nécessaire à la liberté comme la corruption à la tyrannie (A. France, Clio,1900, p. 132):
5. Obstinez-vous à conserver au milieu de vous, comme s'il était vivant, le passé qui est mort, vous produisez je ne sais quel choléra moral; la corruption se répand, elle est dans l'air, on la respire... Hugo, Napoléon le Petit,1852, p. 125.
Spéc., Dans le domaine des mœurs. Corruption des mœurs; vivre dans la corruption. Synon. débauche, immoralité, impureté, perversité, souillure, vice :
6. Elle avait des paroles tendres avec des baisers qui lui emportaient l'âme. Où donc avait-elle appris cette corruption presque immatérielle à force d'être profonde et dissimulée? Flaubert, Madame Bovary,t. 2, 1857, p. 307.
De corruption. Un lieu de corruption. Qui vivait dans une atmosphère de corruption (Chateaubr., Mémoires, t. 2, 1848, p. 620).
Vieilli, au plur. Mœurs corrompues, dissolues. Les corruptions du Directoire. Une figure fatiguée par les corruptions parisiennes (Balzac, Splend. et mis.,1844, p. 77).
P. méton. Monde où règne la corruption. L'étudiant riche, venu de province pour s'initier à la haute vie et qui entre en corruption, comme on entrait autrefois en religion (Bourget, Pastels,1889, p. 8).
Rem. La docum. atteste le verbe trans. corruptionner, néol. non attesté par les dict., synon. de corrompre. Quand on songe qu'il ne faut qu'un mauvais livre pour corruptionner tout un peuple (Mercier, Néologie, t. 1, 1801, p. 130).
Prononc. et Orth. : [kɔ (r)rypsjɔ ̃]. Ds Ac. depuis 1694. Cf. corrupteur. Étymol. et Hist. 1. a) 1121-35 « altération de ce qui est sain, honnête dans l'âme » (Ph. de Thaon, Bestiaire, éd. E. Walberg, 2905 : Corruptiun, pechiez); b) 1373 « action de détourner quelqu'un de son devoir par de l'argent, des dons; fait de se laisser ainsi corrompre » (Ordonnance sur l'Amirauté d'apr. FEW, t. 2, p. 1234b); 2. ca 1170 « action de corrompre une substance; résultat de cette action » (Vie de St Edmond, éd. H. Kjellmann, 3078); en partic. 1172-74 « altération d'un récit, d'un fait » (G. de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 2562). Empr. au lat. class. corruptio, mêmes sens. Fréq. abs. littér. : 951. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 601, b) 1 190; xxes. : a) 862, b) 667.

Wiktionnaire

Nom commun - français

corruption \kɔ.ʁyp.sjɔ̃\ féminin

  1. Action de corrompre, de détériorer, de faire perdre l'essentiel, de détourner de sa fin première, de faire perdre ses qualités.
    • La pratique abusive de l’accusation publique volontaire (la sycophantie), inhérente à la démocratie grecque, a largement participé à la corruption du système. La délation met en évidence la corruption de l’idéal d’une société de confiance qui est celle de la cité d’Athènes, que l’on pourrait retrouver dans l’idéal de transparence qui caractérise les démocraties contemporaines. — (Notice de Aux origines de la corruption, de Carine Doganis, PUF)
    • L'œuvre de corruption (du latin « rumpere », rompre) de la langue par l'idéologie me paraît opérer en deux temps. — (Argument, XXIV, 1, automne-hiver 2021-2022, p. 161)
  2. (En particulier) (Droit) Action de détourner quelqu’un de son devoir, pour l’engager à faire quelque chose contre l’honneur, moyennant finance.
    • Pour l’application de la convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des États membres de l’Union européenne faite à Bruxelles le 26 mai 1997, est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150000 euros d’amende le fait de proposer sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques, pour obtenir d’un fonctionnaire communautaire ou d’un fonctionnaire national […] qu’il accomplisse ou s’abstienne d’accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat. — (Article 435-2, Code pénal français, 2009)
    • Johno l'avait appris de son père, la corruption faisait partie intégrante de la société australienne, des ripous aux politiques en passant par les élus locaux. — (Alan Duff, Danny Boy, Éditions Actes Sud, 2014, chap.3)
    • L’anarchie marocaine, l’application de lois semi-barbares, la corruption du chérif étaient autant d’arguments pouvant justifier une intervention de l’extérieur. — (Franco Arese, La politique africaine des États-Unis, 1945)
    • Bien plus, l’expérience de tant de lois rendues en divers temps, en divers pays, contre la brigue et la subornation, nous convainquent qu’il n’y a point de remède direct contre la corruption électorale, aucun moyen de la rendre atteignable sous toutes ses formes. — (Théorie de garanties constitutionnelles, dans Bibliothèque universelle de Genève, avril 1838, V.13-14, page 219)
  3. (Vieilli) Altération de la substance d’une chose et putréfaction qui en résulte.
    • On conçoit que la partie dominante de la liqueur de M. Faure de Beaufort étant l’acide vitriolique, la propriété qu’a cet acide de s’unir aux parties alcalescentes et de les neutraliser la rend propre à prévenir ou même à corriger la corruption des eaux. — (Antoine Lavoisier, Rapport sur un moyen d’éviter la corruption de l’eau à bord des navires,)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

CORRUPTION. n. f.
Altération de la substance d'une chose et Putréfaction qui en résulte. La corruption de la viande. La corruption de l'air. La corruption du sang, des humeurs. Il y a des terres où les corps se conservent longtemps sans corruption. Il se dit figurément de Toute altération dans les mœurs, dans le langage, le goût. La corruption du siècle. La corruption de la jeunesse. La corruption du cœur. Ces maximes témoignent d'une profonde corruption. Ce mot se dit, par corruption, pour tel autre, est formé de tel autre par corruption, Il n'en est qu'une altération. Il se dit aussi des Moyens que l'on emploie pour détourner quelqu'un de son devoir, pour l'engager à faire quelque chose contre l'honneur, contre sa conscience. Employer la corruption pour obtenir des suffrages. Corruption électorale. Moyens de corruption. Tentative de corruption. Corruption des témoins. On l'emploie quelquefois dans un sens passif. Le rapporteur du projet a été soupçonné de corruption.

Littré (1872-1877)

CORRUPTION (ko-ru-psion ; en poésie, de quatre syllabes) s. f.
  • 1Rupture d'un ensemble, altération en général. Pour peu qu'on veuille s'appliquer à bien examiner ce système, il sera facile de se convaincre qu'il est le meilleur, le mieux proportionné et le moins sujet à corruption qui se puisse mettre en usage, Vauban, Dîme, p. 128. Toute la conséquence qu'on peut tirer de cette diversité d'opinions, c'est que les uns ont considéré la comédie dans sa pureté, lorsque les autres l'ont regardée dans sa corruption, Molière, Préf. du Tartuffe.

    Altération dans un texte. Il y a corruption dans ce texte-là.

    Altération du langage, du goût. Les innovations amènent la corruption des traditions littéraires. La corruption du latin dans les temps qui suivirent l'invasion des barbares.

    Par extension. Ce mot est formé de tel autre par corruption. Le chef du conseil d'Aragon portait le titre de grand justicier, et, par corruption, celui simplement de justice, Saint-Simon, 89, 152. Cette rue s'appelait anciennement la rue de l'Égyptienne, à cause d'une chapelle de sainte Marie Égyptienne qui est à l'entrée du côté de la rue Montmartre ; le peuple, par abréviation et corruption du mot, s'est accoutumé à l'appeler rue de la Jussienne, Saint-Foix, Ess. Paris, Œuvres, t. III, p. 182, dans POUGENS.

  • 2Décomposition putride. La corruption de la viande, de l'air. On a cru autrefois que les insectes s'engendraient de la corruption. Tout [les préparations anatomiques] se garantissait de la corruption par le secret de M. Ruysch, Fontenelle, Ruysch.
  • 3 Fig. Dépravation. La corruption des mœurs du siècle. Sans les aveugles, sans les sauvages, sans les infidèles qui restent et dans le sein même du christianisme, nous ne connaîtrions pas assez la corruption profonde de notre nature ni l'abîme d'où Jésus-Christ nous a tirés, Bossuet, Hist. II, 13. La corruption du cœur consiste dans l'opposition à l'ordre, Malebranche, Éclairc. liv. III. La corruption des mœurs, qui peut se maintenir jusqu'à un certain point malgré l'instruction, était infiniment favorisée et accrue par l'ignorance, Fontenelle, Le czar Pierre. C'est à cette victoire remportée sur Antiochus et à cette conquête de l'Asie, que Pline attache l'époque de la corruption des mœurs dans la république romaine, Rollin, Hist. anc. Œuvres, t. VIII, p. 435, dans POUGENS. Il y a deux genres de corruption : l'un, lorsque le peuple n'observe point les lois ; l'autre, lorsqu'il est corrompu par les lois, Montesquieu, Esp. VI, 12. Et que m'importe à moi que le sénat m'outrage, Que la corruption mette à prix son suffrage ? Voltaire, Catil. I, 2. Jamais on ne doit se décourager ; la corruption n'est jamais totale ; il y a partout des gens de bien, et, s'il en manque, on en fait naître, Marmontel, Bélisaire, XI. Dans la corruption une cour endormie, Avec son empereur disputant d'infamie, Legouv. Épichar. et Nér. I, 2. Les péchés mêmes des grands deviennent les modes des peuples, et la corruption de la cour s'établit comme politesse dans les provinces, Fléchier, Marie-Thér.

    Au sens actif, la corruption que l'on cause, que l'on produit. Les choses mêmes les plus saintes ne sont point à couvert de la corruption des hommes, Molière, Préf. du Tartuffe.

  • 4Au sens actif, moyen qu'on emploie pour gagner quelqu'un et le déterminer à agir contre son devoir et la justice. Ses plaintes, ses écrits et la corruption De ceux qu'il crut pouvoir servir sa passion, Rotrou, Vencesl. II, 1.

    Au sens passif. Ce juge est soupçonné de corruption, d'avoir été corrompu. Ne parlons pas des corruptions qu'on a honte de se reprocher ; parlons de la lâcheté ou de la licence d'une justice arbitraire qui sans règle et sans maxime se tourne au gré de l'ami puissant, Bossuet, le Tellier.

    Terme de droit. Le crime du fonctionnaire qui trafique de son autorité, et le crime de ceux qui cherchent à le corrompre.

HISTORIQUE

XIIe s. Rapresseir lo contretenail [réprimer l'opposition] de nostre corruption, et commencier fors à eissir à la connaissance de veriteit, Job, 488. Or vus ai fait ici mult grant digressiun ; Car ne vuoil en l'afaire mettre corruptiun, Th. le mart. 63.

XIIIe s. Lors fu e cors e deitez Ensemble sans corricion ; Lors montas à l'ascencion, Rutebeuf, II, 22. En toi ne doit avoir nule corrupcion ; Car tuit sommes et toutes en ta correpcion, J. de Meung, Test. 574. Mondes pleins de corruption, Trop est fous qui en toi se fie, Les vers du monde.

XIVe s. Car l'air qui estoit nes et purs, Fu ors et vils, noirs et obscurs, Si que de sa corruption Heurent les gens oppinion Que corrompu en devenoient, Machaut, p. 72. Avec ce fut faicte la dicte delivrance par le dit Jehan pour corruption de deniers qu'il en ot, Lett. de remission, Bibl. des Ch. 4e série, t. II, p. 59. Le nom de prodige [prodigue] en grec signifie perdicion et une maniere de corrupcion de son estre et de sa substance, par quoy il se peut vivre, Oresme, Eth. 103. De communication politique sont trois especes ; et les corrupcions ou transgressions de elles sont en nombre equal, Oresme, ib. 245. Tirannie est corrupcion et malvestié ou empirement de monarchie, Oresme, ib. 246. Une lampe de voirre qui devant sa tombe ardoit cheit d'aventure sur le pavement sans nulle corruption, Chr. de saint Denis, t. I, f° 36, dans LACURNE. Crime de corruption, si comme quand aucun officier de justice, sous ombre de son office, par corruption ou autrement juge autre à mort sans cause et laisse celuy qui a deservy mort, Boutillier, Somme rural, titre XXVIII.

XVIe s. L'un meurt, l'autre revit, et toujours la naissance Par la corruption engendre une autre essence, Ronsard, Eleg. 19.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

CORRUPTION, s. f. en Philosophie, est l’état par lequel une chose cesse d’être ce qu’elle étoit ; on peut dire que le bois est corrompu, quand nous ne le voyons plus subsister, & qu’au lieu du bois nous trouvons du feu : de même l’œuf est corrompu, quand il cesse d’être un œuf & que nous trouvons un poulet à sa place ; car corruption n’est pas pris ici dans le sens vulgaire. De là cet axiome de Philosophie, que la corruption d’une chose est la génération d’une autre.

La corruption differe donc de la génération, comme deux contraires different l’un de l’autre.

Elle differe de l’altération, comme un plus grand d’un moindre, ou comme le tout de sa partie. Une chose est dite altérée lorsqu’elle n’est pas tellement changée qu’on ne la puisse reconnoître, & qu’elle conserve encore son ancien nom : mais après la corruption, ni l’un ni l’autre ne subsistent plus. Voyez Altération.

Mais comme dans la génération aucune matiere n’est véritablement créée, ainsi dans la corruption rien n’est réellement anéanti, que cette modification particuliere qui constituoit la forme d’un être, & qui le déterminoit à être de telle ou telle espece. Voyez Forme & Génération. Chambers.

Les anciens croyoient que plusieurs insectes s’engendroient par corruption. On regarde aujourd’hui cette opinion comme une erreur, quoiqu’elle paroisse appuyée par des expériences journalieres. En effet, ce qui se corrompt produit toûjours des vers : mais ces vers n’y naissent, que parce que d’autres insectes y ont déposé leurs œufs. Une expérience sensible prouve cette vérité.

Prenez du bœuf tout nouvellement tué ; mettez-en un morceau dans un pot découvert, & un autre morceau dans un pot bien net, que vous couvrirez sur le champ avec une piece d’étoffe de soie, afin que l’air y passe sans qu’aucun insecte y puisse déposer ses œufs. Il arrivera au premier morceau ce qui est ordinaire ; il se couvrira de vers, parce que les mouches y font leurs œufs en liberté ; l’autre morceau s’altérera par le passage de l’air, se flétrira, se reduira en poudre par l’évaporation ; mais on n’y trouvera ni œufs, ni vers, ni mouches. Tout au plus les mouches attirées par l’odeur viendront en foule sur le couvercle, essayeront d’entrer, & jetteront quelques œufs sur l’étoffe de soie, ne pouvant entrer plus avant. Au fond, il est aussi absurde, selon M. Pluche, de soûtenir qu’un morceau de fromage engendre des mites, qu’il le seroit de prétendre qu’un bois ou une montagne engendrât des cerfs ou des éléphans. Car les insectes sont des corps organisés, & aussi fournis des différentes parties nécessaires à la vie, que le sont les corps des plus gros animaux.

Cependant quelques philosophes modernes paroissent encore favorables à l’opinion ancienne de la génération par corruption, du moins en certains cas. M. de Buffon, dans son histoire naturelle, pag. 320. II. vol. paroît incliner à cette opinion. Après avoir exposé son système des molécules organiques, dont il sera parlé à l’article Génération, il en conclut qu’il y a peut-être autant d’êtres, soit vivans soit végétans, qui se produisent par l’assemblage fortuit des molécules organiques, qu’il y en a qui se produisent par la voie ordinaire de la génération ; c’est, dit-il, à la production de cette espece d’êtres qu’on doit appliquer l’axiome des anciens, corruptio unius generatio alterius. Les anguilles qui se forment dans la colle faite avec de la farine, n’ont pas d’autre origine, selon lui, que la réunion des molécules organiques de la partie la plus substantielle du grain. Les premieres anguilles qui paroissent, dit-il, ne sont certainement pas produites par d’autres anguilles ; cependant quoique non-engendrées, elles en engendrent d’autres vivantes. On peut voir sur cela un plus grand détail dans l’endroit que nous abrégeons. On ne peut nier que généralement parlant les particules qui composent un insecte, ne puissent être rassemblées par une autre voie que par celle de la génération : du moins nous connoissons trop peu les voies & le méchanisme de la Nature, pour avancer là-dessus une assertion trop exclusive. Il est certain par l’expérience, que dans la plûpart des cas où les insectes paroissent engendrés par corruption, ils le sont par génération ; mais est-il démontré dans tous les cas, que la corruption ne puisse jamais engendrer de corps animé ? c’est ce qu’il faut bien se garder d’affirmer d’une maniere positive. Au reste, M. de Buffon lui-même avoüe qu’il lui faudroit plus d’observations pour établir entre ces êtres ainsi engendrés, des classes & des genres. (O)

Corruption des humeurs, (Pathologie.) expression qui désigne un vice imaginaire, si on l’employe comme synonyme de putréfaction, ou même d’acrimonie, dans l’histoire des maladies ou des affections contre-nature de l’animal vivant ; expression fausse ou peu exacte, prise dans le même sens qu’abberration, ou état contre-nature des humeurs de l’animal vivant, parce qu’elle semble trop spécifier ou n’être pas assez générale. Voyez Acrimonie des humeurs au mot Humeurs. (b)

* Corruption publique, (Politiq. & Morale.) elle a deux sources ; l’inobservation des bonnes lois ; l’observation de lois mauvaises. Il m’a toûjours semblé plus difficile de faire observer rigoureusement de bonnes lois, que d’en abroger de mauvaises. L’abrogation est l’effet de l’autorité publique. L’observation est l’effet de l’intégrité particuliere.

Corruption du sang, (Hist. mod.) Les Anglois appellent ainsi la tache imprimée sur tous les descendans d’un criminel de leze-majesté, qui les rend incapables des charges & emplois publics, & les dégrade de noblesse s’ils sont gentilshommes. V. Dégradation.

Si le roi accorde des lettres de pardon, elles empêchent que les enfans qui naîtront depuis ne participent à cette corruption du sang, mais elles ne rehabilitent pas ceux qui étoient nés auparavant. (G)

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Étymologie de « corruption »

Provenç. corrupcio ; espagn. corrupcion ; ital. corruzione ; du latin corruptionem (voy. CORROMPRE).

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(Date à préciser) Du latin corruptio (« altération »).
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Phonétique du mot « corruption »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
corruption kɔrypsjɔ̃

Fréquence d'apparition du mot « corruption » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « corruption »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « corruption »

  • Un arabe inculpé de corruption de fonctionnaire ! Il avait donné un sucre à un chien policier !
    Coluche — Revue de presse - 1980
  • L'absolution ne peut venir que de mon Dieu... pas d'un tribunal souillé par la corruption !
    Xavier Dorison — Le troisième testament - Marc ou Le réveil du lion
  • Le christianisme et l'alcool, les deux plus grands agents de corruption.
    Friedrich Nietzsche — L’antéchrist
  • C'est un bonne drogue que la science ; mais nulle drogue n'est assez forte pour se préserver sans altération et corruption.
    Michel de Montaigne — Essais
  • Au banquet de la corruption, l'or vaut plus que la foi !
    Jacques Brillant — Le soleil se cherche tout l'été
  • La corruption, le plus infaillible symptôme de la liberté constitutionnelle.
    Edward Gibbon — Le déclin et la chute de l’empire romain
  • Il est des sentiments que rien ne peut toucher sous peine de corruption.
    Tennessee Williams — La chatte sur un toit brûlant
  • La corruption de ce qu'il y a de meilleur est la pire.
    Maxime latine
  • Nous devons nous libérer de toute transcendance. La transcendance est la corruption de l'imagination.
    Edward Bond — Libération - A quoi pensez-vous ?
  • Personne n'a d'ami pour tout ce qu'il est : ce serait de la corruption.
    Elias Canetti — Le coeur secret de l’horloge
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Images d'illustration du mot « corruption »

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Traductions du mot « corruption »

Langue Traduction
Anglais corruption
Espagnol corrupción
Italien corruzione
Allemand korruption
Chinois 腐败
Arabe الفساد
Portugais corrupção
Russe коррупция
Japonais 腐敗
Basque ustelkeria
Corse corruzzione
Source : Google Translate API

Synonymes de « corruption »

Source : synonymes de corruption sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « corruption »

Combien de points fait le mot corruption au Scrabble ?

Nombre de points du mot corruption au scrabble : 14 points

Corruption

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