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Éprouver

Définitions de « éprouver »

Trésor de la Langue Française informatisé

ÉPROUVER, verbe trans.

A.− Emploi factitif. [Avec l'idée de faire subir qqc. à qqn ou à qqc.]
1. Soumettre une (ou la) qualité d'une personne ou d'une chose à une expérience susceptible d'établir la valeur positive de cette qualité.
a) [Le compl. d'obj. exprimant la qualité est un subst. abstr. suivi d'un compl. prép. introd. par de]
[La qualité est celle d'une chose concr. ou abstr.] Éprouver la robustesse d'un appareil, l'efficacité d'une arme à feu; éprouver la valeur d'une théorie. Toutes ces formules et ces pratiques avaient été léguées par les ancêtres qui en avaient éprouvé l'efficacité (Fustel de Coul., Cité antique,1864, p. 213).J'allai à la fenêtre, (...) et éprouvai la solidité des barreaux auxquels on n'avait pas touché (G. Leroux, Parfum,1908, p. 103).
[La qualité est celle d'une pers.] Éprouver la fidélité d'un ami, les capacités d'un ouvrier, l'amour d'une femme. Vous n'avez donc jamais éprouvé l'obéissance des nouveaux serviteurs? (Vogüé, Morts,1899, p. 221).Il conduisit son examen, moins pour éprouver la force du candidat qu'afin de cribler de sarcasmes son gros confrère (France, Vie fleur,1922, p. 434).
b) [P. méton. du compl. d'obj.; le compl. d'obj. désigne directement la chose ou l'être dont on examine la qualité] La machine à éprouver les cordages (Michelet, Journal,1835, p. 172).Il n'employait à ses besognes (...) que des gens qu'il avait tâtés, éprouvés, flairés (Maupass., Bel-Ami,1885, p. 125).
En partic. [L'épreuve porte sur la valeur religieuse d'une pers.] Écoute : Dieu parfois veut éprouver nos cœurs; Et, lorsque de l'épreuve ils sont sortis vainqueurs, Sa colère fait place à la miséricorde (Dumas père, Charles VII,1831, IV, 6, p. 295):
1. Mais alors Dieu les éprouva, comme disent les chroniqueurs arabes chaque fois que se produit en Islam un fâcheux retour de la fortune. La peste se mit parmi eux. Tharaud, Mille et un jours,II, 1938, p. 8.
[Avec expression d'une circonstance particulière de l'épreuve] :
2. [Jacques]. Ma conscience ne me reprocherait rien, monsieur le marquis, si je rapportais à des gens éprouvés au feu, comme monseigneur Rodriguez et vous, la dépêche au cardinal Cordova. Fabre, Roi Ramire,1884, p. 169.
Emploi pronom. réciproque ou réfl. Leur amour allait croissant parce qu'il était vrai. Ils [Luigi et Ginevra] s'étaient éprouvés en peu de jours (Balzac, Vendetta,1830, p. 208).La sœur [Philomène] regarda [le mort] : elle resta, pour s'éprouver, longtemps à regarder (Goncourt, Sœur Philom.,1861, p. 121).
2. Faire subir à quelqu'un une expérience pénible.
a) [Le suj. agent désigne un être puissamment agissant ou des accidents à forte charge affective] Le malheur nous éprouve (Ac.1932).Ne reprochez pas à la destinée de vous avoir éprouvés trop rudement (Sand, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 178).Mais pourquoi Malherbe traite-t-il d'injurieux ami ce pauvre monsieur Duperrier déjà si éprouvé par la perte de sa fille? (France, Bonnard,1881, p. 239).Vous qui avez souffert, résistez [.] Populations civiles éprouvées par les expéditions terroristes des Boches (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 410).
b) [Le suj. désigne un phénomène naturel, en particulier une force de la nature] En arrivant à Paris, il y a un mois, le changement de climat l'avait un peu éprouvé [le Nabab] (A. Daudet, Nabab,1877, p. 8).D'autre part, les surfaces éprouvées par un mauvais écoulement des eaux réclamaient de coûteux travaux de desséchement (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 84).Julie va bien? − Elle sera contente de vous voir. La chaleur l'éprouve, dit Paul d'un ton résolu (Chardonne, Dest. sent.II, 1934, p. 236).
B.− Emploi non factitif. Faire sur soi-même l'expérience, généralement forte ou profonde, d'une chose.
1. [L'obj. désigne une action, un événement] Synon. subir.
a) [Le suj. désigne une pers. ou une entité] Si, à diverses époques, elles [les opinions des hommes] avaient éprouvé des modifications (Proudhon, Propriété,1840, p. 144).[L'art politique] pourra éprouver une transformation analogue à celle qui s'accomplit aujourd'hui pour l'art médical (Comte, Philos. posit.,t. 4, 1839-42, p. 324).
En partic., vieilli : [Avec une idée de changement important]
3. ... après un temps quelconque, ces mêmes individus ayant subi les influences des lieux d'habitation et des habitudes diverses qu'on leur a fait contracter dans chaque pays, (...) ont éprouvé des changements remarquables, et ont formé différentes races particulières. Lamarck, Philos. zool.,t. 1, 1809, p. 229.
4. « La ville et la paroisse de Halifax, (...) ont vu, depuis quarante ans, quadrupler le nombre de leurs habitans; et plusieurs villes sujettes aux corporations ont éprouvé des diminutions sensibles... etc. » Say, Écon. pol.,1832, p. 194.
[L'obj. désigne qqc. de pénible] Subir un dommage. Éprouver des revers, des désastres, une perte immense. Vieilli. [D'ordre financier ou écon.] La perte éprouvée par le créancier (Code civil,1804, art. 1151, p. 208).Le fisc éprouve un déficit (Say, Écon. pol.,1832, p. 513).Le système [bancaire] français a éprouvé quelques mécomptes et a connu des crises (Lesourd, Gérard, Hist. écon.,1968, p. 78).
[D'ordre physique] Depuis six mois que nous sommes dans l'île, j'ai éprouvé toute espèce de privations (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 491).J'avais alors dix-neuf ans; je n'avais éprouvé aucun malheur ni aucune maladie (Musset, Confess. enf. s.,1836, p. 27):
5. ... nous parvînmes au district de Camille, (...) non sans avoir éprouvé tous les inconvéniens qui résultent de la nécessité de coucher dans les bois, ... Crèvecœur, Voyage,t. 3, 1801, p. 130.
[D'ordre moral] Que de malheurs il [le marquis] a éprouvés! De combien de scènes d'horreur il a été spectateur! (Sénac de Meilhan, Émigré,1797, p. 1599).
b) P. ext., plus rare. [Le suj. désigne une valeur physique ou un obj.] Il y en [des produits] a néanmoins dont le prix a éprouvé des baisses prodigieuses (Say, Écon. pol.,1832, p. 331).Mes vins emmagasinés éprouvent en ce moment la baisse ruineuse que causent l'abondance et la qualité de vos récoltes (Balzac, E. Grandet,1834, p. 63).
En partic. [Le compl. d'obj. indique un changement important] En cas que l'immeuble ou les immeubles présens, assujettis à l'hypothèque, eussent péri, ou éprouvé des dégradations (Code civil,1804, art. 2131, p. 386).
2. [L'obj. désigne une sensation ou un sentiment] Synon. sentir, ressentir fortement.
a) [Une sensation physique]
[Le suj. désigne une pers. ou une partie du corps] J'éprouve maintenant comme un soulagement physique à vous savoir affranchie de toute angoisse (Flaub., Corresp.,1872, p. 66).Léopold prit entre ses mains le petit corps de bronze, et il en éprouvait une chaleur secrète, une sorte d'enthousiasme (Barrès, Colline insp.,1913, p. 286):
6. Ils eussent éprouvé un bien-être complet, si le bien-être pouvait jamais exister pour qui est loin de ses semblables et sans communication possible avec eux! Verne, Île myst.,1874, p. 316.
En partic. [Une sensation désagréable] Éprouver une douleur, des convulsions, des courbatures, des spasmes, de la fatigue, une détente, un soulagement. Le froid qu'éprouve une accouchée, les premiers jours de sa couche (Geoffroy, Méd. prat.,1800, p. 894).Il [Daudet] me dit qu'il a éprouvé des souffrances intolérables cette nuit (Goncourt, Journal,1885, p. 479):
7. Ces auteurs se sont soumis volontairement à un régime alimentaire déchloruré pendant onze jours, en s'exposant quotidiennement à une forte sudation qui leur faisait perdre du sel. Ils ont éprouvé de l'inappétence, la perte de l'odorat, la désaffection de la cigarette, de l'apathie intellectuelle, puis des nausées et des crampes. Stocker, Sel,1949, p. 85.
[Le suj. désigne une partie du corps] Quelquefois même le cuisant prurit qu'éprouve la peau, se communique à tout le système nerveux (Cabanis, Rapp. phys. et mor., t. 2, 1808, p. 419).
P. anal. [Le suj. désigne un objet en mouvement] Au même instant la gondole éprouva une secousse violente, comme si elle avait été touchée par une autre (Nodier, J. Sbogar,1818, p. 160).
b) [Un sentiment] Éprouver une angoisse, une émotion, de l'impatience, de la joie, de la peine, du plaisir. Je voulais la [Albertine] distraire. À supposer qu'elle eût éprouvé du bonheur à passer les après-midi rien qu'avec moi (Proust, Sodome,1922, p. 855).
Rare. Éprouver qqc. de + nom de pers.Il faudrait que je fusse un harmoniste surhumain (...) pour mêler dans un cantique juste les sympathies et les déplaisirs que j'éprouve d'Antigone (Barrès, Voy. Sparte,1906, p. 93).
En partic.
[Un sentiment de manque] J'ai éprouvé le besoin de m'expliquer avec vous (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 55).
[Un sentiment désagréable] Elle a voulu que son fils lui amenât la personne qu'il va épouser, pour pardonner aussi les peines qu'elle a éprouvées de ce côté (Bourget, Actes suivent,1926, p. 168).
3. [L'obj. désigne une chose qui procure une connaissance] Arriver à connaître par l'expérience, constater l'existence de quelque chose après expérience faite. Les sentiments factices sont assommants, mais les naturels jouissent quelquefois de ce privilège. J'ai éprouvé aujourd'hui la justesse de cette maxime (Flaub., Corresp.,1846, p. 364).Cette passion des savants en quête d'illumination, je la connais, je l'éprouve, je l'ai durement éprouvée (Duhamel, Terre promise,1934, p. 94).
a) Vieilli. Ses détracteurs, les bons confrères, qui tant de fois avaient éprouvé la verdeur de son bras et celle d'un bras encore plus écrasant que le sien (Cladel, Ompdrailles,1879, p. 57).
b) Éprouver que, combien.J'ai si souvent éprouvé que la solitude est un bien à qui possède une belle âme (Balzac, Corresp.,1831, p. 619).J'ai souvent éprouvé combien une obligation facilite en moi le bonheur (Gide, Journal,1931, p. 1042).
c) Emploi pronom.
à sens passif. Vous affirmez que la connaissance est pure quand elle est privée de tout ce qui se voit, s'ouït, se touche et généralement s'éprouve (France, Puits ste Claire,1895, p. 20).
réfl. + attribut de l'obj. Maintenant qu'en fait je ne lui [à la vie] demande plus rien, je m'éprouve plus désarçonné, plus dénué que jamais (Du Bos, Journal,1927, p. 344).
Prononc. et Orth. : [epʀuve], (j')éprouve [epʀu:v]. Enq. : /epʀuv/ (il) éprouve. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 « éprouver », part. passé « qui a fait ses preuves » de vasselage est esprovet (Roland, éd. J. Bédier, 3163); 2. 1155 esprover « vérifier, constater (quelque chose) » (Wace, St Nicolas, éd. E. Ronsjö 423). Dér. de prouver*; préf. é-*. Fréq. abs. littér. : 10 473. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 18 079, b) 11 915; xxes. : a) 12 008, b) 15 507.

Wiktionnaire

Verbe - français

éprouver \e.pʁu.ve\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison)

  1. Mettre à l’épreuve, tester.
    1. Tester un objet pour se rendre compte s’il a toutes les qualités voulues.
      • J’allai dans la sellerie où je choisis des courroies solides dont j’éprouvai la force de résistance. — (Octave Mirbeau, Contes cruels : Le Colporteur)
      • Je la suivis, tandis que le prince surveillait l’attelage des mules et éprouvait la solidité des sangles et des courroies. — (Anatole France, Le crime de Sylvestre Bonnard, Calmann-Lévy ; éd. Le Livre de Poche, 1967, p. 52.)
      • C’est un remède que j’ai éprouvé.
      • Éprouvez si cela vous fera du bien.
    2. Tester des personnes pour vérifier leurs qualités, leurs sentiments, etc.
      • Ils se fièrent aussi en Dieu, les pauvres moines, et en leur bonne cause.
        […]. Mais les bénédictins avaient mal placé leur confiance. Dieu pour les éprouver sans doute, jugea à propos de les abandonner.
        — (H. Leymarie, « Excursion à Die », dans la Revue du Lyonnais, Lyon : chez Léon Boitel, 1835, vol. 1, page 466)
      • Éprouver quelqu’un avant de se fier à lui. — Éprouver la fidélité, la probité de quelqu’un. — Le malheur nous éprouve.
  2. Ressentir, connaître par expérience, tant au sens physique qu’au sens moral.
    • Elle rangeait sa chambre tous les matins, et elle éprouvait un ravissement inconnu à caresser la soie de son pyjama […] — (Out-el-Kouloub, Zaheira, dans "« Trois contes de l’Amour et de la Mort », 1940)
    • Cependant l’aérostat s’abaissait vers la terre, et la nacelle, rasant les inégalités du sol, éprouvait de fortes secousses. — (Julien Turgan, Les Ballons : histoire de la locomotion aérienne, chap. 18, 1851, p. 203)
    • La courte nuit d’été lui parut cependant interminablement longue. Il éprouvait une sensation désagréable d’insécurité et il s’imaginait, sans la moindre raison, que le jour la dissiperait. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 98 de l’édition de 1921)
    • De retour chez lui, le colonel éprouva que sa joie s’accroissait encore de ce que sa femme et toute la famille venaient de sortir. — (Jules Supervielle, Le voleur d’enfants, Gallimard, 1926, collection Folio, page 64.)
    • Parfois elles étaient si dures les nouvelles selles merveilleuses, qu’elle en éprouvait un mal affreux au fondement… Des déchirements… — (Louis-Ferdinand Céline [Louis Ferdinand Destouches], Voyage au bout de la nuit, Denoël et Steele, Paris, 1932)
    • C’était bizarre. Jamalou n’éprouvait plus, devant cette face douloureuse dont les yeux révulsés, la bouche aux lèvres tuméfiée, presque noire, révélaient l’atroce agonie, aucune espèce de compassion. — (Francis Carco, L’Homme de minuit, Éditions Albin Michel, Paris, 1938)
    • Je n’éprouvais plus qu’une sensation vague des objets et des êtres. Tout passait devant moi, avec des formes indécises. — (Octave Mirbeau, Lettres de ma chaumière : La Tête coupée, A. Laurent, 1886)
    • Le vrai fait nouveau, aujourd’hui, n’est peut-être pas que les peuples éprouvent les passions politiques, mais qu’ils prétendent les éprouver. Cette prétention suffit, d’ailleurs, à les rendre agissants et à fournir un merveilleux terrain d’exploitation à leurs meneurs. — (Julien Benda, La Trahison des clercs, 1927, éd. 1946)
    • À cause des obstacles de chaque côté de la grand-route, il éprouva des difficultés à faire tourner ses chars et half-tracks pour les lancer à l’attaque. — (Charles B. Mac Donald, Noël 44 : La bataille d’Ardenne, traduit par Paul Maquet & Josette Maquet-Dubois, Luc Pire Éditions, Bruxelles, 1984, p. 287)
  3. (Par analogie) Subir des changements, des variations, des altérations, qui surviennent aux choses.
    • Les altérations qu’une substance éprouve quand elle est soumise à l’action du feu.
    • Sa conduite, son caractère en éprouva un changement notable.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

ÉPROUVER. v. tr.
Mettre à l'épreuve un objet pour se rendre compte s'il a toutes les qualités voulues. Éprouver une arme à feu. Éprouver un canon. Éprouver une cuirasse. C'est un remède que j'ai éprouvé. Éprouvez si cela vous fera du bien. Il se dit souvent en parlant des Personnes ou de leurs qualités, de leurs sentiments, etc. Éprouver quelqu'un avant de se fier à lui. Éprouver la fidélité, la probité de quelqu'un. C'est un homme d'une vertu, d'une valeur éprouvée. Il voulut éprouver leur constance, leur résignation. Éprouver le savoir de quelqu'un. Le malheur nous éprouve. Dieu nous éprouve. Il signifie aussi, tant au sens physique qu'au sens moral, Ressentir, connaître par expérience. Éprouver des sensations. Éprouver de la douleur, du plaisir, des peines, de l'ennui. Il a éprouvé l'une et l'autre fortune. Il éprouva, à ses dépens, qu'il ne faut jamais trop compter sur ses amis. Au participe passé employé adjectivement, C'est un homme fort éprouvé, Qui a beaucoup souffert. Il se dit, par analogie, des Changements, des variations, des altérations, qui surviennent aux choses. Les altérations qu'une substance éprouve quand elle est soumise à l'action du feu. Sa conduite, son caractère en éprouva un changement notable.

Littré (1872-1877)

ÉPROUVER (é-prou-vé) v. a.
  • 1Reconnaître par une opération si une chose a la qualité requise. Éprouver une arme à feu, une cuirasse. C'est un remède que j'ai éprouvé. Je les épurerai comme on épure l'argent, et je les éprouverai comme on éprouve l'or, Sacy, Bible, Zachar. XIII, 9.
  • 2Mettre à l'épreuve, en parlant des personnes. Éprouver son ami. Celui qui n'a point été éprouvé, que sait-il ? Bossuet, Politique, X, II, 7. Il [Théophraste] avait coutume de dire qu'il ne faut pas aimer ses amis pour les éprouver, mais les éprouver pour les aimer, La Bruyère, Disc. sur Théoph.

    Il se dit aussi des choses. Sans doute qu'il voulait éprouver votre zèle, Racine, Esth. I, 3. Tranquillisez mon cœur, vous l'éprouvez sans doute, Gresset, Méchant, v, 7.

  • 3Hasarder, risquer. Va contre un arrogant éprouver ton courage, Corneille, Cid, I, 5. Quand tu vins du monstre éprouver l'aventure, Th. Corneille, Ariane, III, 4. Et qu'en me réduisant à la nécessité D'éprouver contre lui ma faible autorité, Racine, Brit. I, 2.
  • 4Faire subir des épreuves, mettre en des difficultés ou des souffrances qui donnent occasion au mérite. Dieu nous éprouve en toutes manières, Bossuet, Lett. Corn. 33. Jupiter vous éprouve, mais il ne veut pas votre perte ; au contraire, il ne vous éprouve que pour vous ouvrir le chemin de la gloire, Fénelon, Tél. IX.
  • 5Apprendre par sa propre expérience. J'éprouvai, mais trop tard, que…
  • 6Ressentir. On éprouve sur cette montagne un froid très rigoureux. Éprouver du plaisir. Pensez-vous avoir seul éprouvé des alarmes ? Racine, Andr. II, 2. La Middleton allait éprouver comme il s'y prenait pour tourmenter, après avoir éprouvé ce qu'il savait pour plaire, Hamilton, Gramm. 7. Mon cœur Éprouve à son nom même une secrète horreur, Voltaire, Fanat. III, 2. J'éprouvais ses plaisirs, ses peines, ses goûts, ses aversions, Diderot, Règne de Claude et Néron, liv. II, § 1.

    Éprouver, suivi d'un qualificatif. Quoi qu'il en soit, depuis que je vous vois chez elle, Toujours de plus en plus je l'éprouve cruelle, Corneille, Illus. com. II, 1. Je lui dois d'un ami le secours et la foi ; Il ne l'éprouvera légère ni perfide, Crébillon, dans DESFONTAINES.

  • 7Subir. La forme du gouvernement éprouva de grandes altérations. Dieux ! que le crime seul éprouve enfin vos coups ! Voltaire, Œdipe, I, 3.
  • 8S'éprouver, v. réfl. Être éprouvé. L'or et l'argent s'épurent par le feu ; mais les hommes que Dieu veut recevoir au nombre des siens s'éprouvent dans le fourneau de l'humiliation, Sacy, Bible, Ecclésiastique, II, 5.

    Se mettre soi-même à l'épreuve. Portant partout le trait dont je suis déchiré, Contre vous, contre moi, vainement je m'éprouve, Racine, Phèd. II, 2. Saint Paul ordonnait aux fidèles de s'éprouver avant que de venir manger le pain de vie, Massillon, Car. Parole. Tout homme qui est l'esclave d'un tempérament fâcheux, aigri par la malignité, poussé par des motifs déshonnêtes, n'est capable ni de s'éprouver lui-même ni de découvrir la vérité, ni de la faire entendre aux autres, D'Holbach, Ess. préj. ch. 8, dans DUMARSAIS, Œuvres, t. VI.

    Se mettre l'un l'autre à l'épreuve. Ils ne voulaient pas se battre, mais seulement s'éprouver.

    Tenter aventure. Contre un si grand courage il voulut s'éprouver, Racine, Alex. v, 2.

HISTORIQUE

XIe s. De vasselage [vaillance] [il] est souvent esprovet, Ch. de Rol. CCXVII.

XIIe s. [Elle le fait] Por esprover se por mal [je] recreroie [renoncerais], Couci, VIII. Tant [j']ai d'amor mon fin cuer esprové, Que jà sans li n'aurai joie certaine, ib. XI. N'esprovez plus sur moi vostre vengeance, ib. XVII. Car au besoin est amis esprovez, Bat. d'Aleschans, v. 2635.

XIIIe s. Je di que c'est grant folie D'essaier ne d'esprover Ne sa fame ne s'amie, Auboins de Sezanne, Romanc. p. 126. Mais, espoir [sans doute], ce m'a grevé, Qu'on ne connoit boin servise, Tant qu'on ait autre esprové, ib. p. 127. Bien est vos traïsons veüe et esprovée, Berte, XVI. Le punt vus estuet [il vous faut] espruver, Cum vus porrez outre passer, Marie de France, Purgat. 1276. Entor le jardin va et vient Por veoir et por Sesprover e jà peüst partuis trover, Par où il se peüst enz metre, Ren. 4999. Par Diex, compains, gardés-vous en, Et vous efforciez bien de croire Ma parole esprovée et voire, la Rose, 8030.

XIVe s. Et tel jugement font ceulx qui espreuvent les vins et qui assaveurent et confisent les salses [sauces] et les potages, Oresme, Eth. 94. Se vous avez perdu, n'aiez le cuer marri ; Dieux vous veult esprouver se vous estes à lui, Guesclin. 12326. C'estoient toute gent d'estoffe souffisant, Qui esprouvé avoient esté en combattant, ib. 10758.

XVe s. Ils s'esprouverent si bien et si vassalement qu'ils obtinrent la place et l'eau [dans un combat naval], Froissart, I, I, 122. Et s'avisa qu'il se viendroit eprouver à celui qui estoit plus prochain de sa baniere, Froissart, I, I, 140. Ce Croquart chevauchoit une fois un jeune coursier fort embridé, que il avoit acheté trois cents escus, et l'esprouvoit au courir, Froissart, I, I, 325. Le vaillant et gentil chevalier Bouciquaut et ses bons et esprouvés compaignons, Dieu merci, n'eurent mal ne blessure, Bouciq. I, 16.

XVIe s. Et si dit d'avantage qu'il ne falloit pas que les bestes sauvages mesmes de l'Afrique demourassent sans esprouver la force et la fortune des Romains, Amyot, Pomp. 20. …Comme s'il eust eu à s'esprouver à l'encontre d'un Isocrates ou d'un Anaximenes, et non pas à manier et redresser un peuple, Amyot, Cic. et Dém. Elle luy monstra sa bleceure, et luy compta comment elle se l'avoit faitte pour s'esprouver elle mesme, Amyot, Brutus, 14. Ce qui plus espreuve et qui plus descouvre la nature de l'homme, c'est la licence et l'authorité d'un magistrat [le pouvoir], Amyot, Cic. et Dém. 4. Ou voir Meduze, ou au cours [à la course] s'esprouver Avecques Atalante…, Du Bellay, J. VII, 25, verso.

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Étymologie de « éprouver »

É- pour es- préfixe, et prouver ; Berry, épreuver ; bourguig. eprovai ; provenç. esproar.

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(Date à préciser) Mot dérivé de prouver, avec le préfixe é-. (1080) esprover, « mettre quelqu’un à l’épreuve ».
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Phonétique du mot « éprouver »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
éprouver epruve

Fréquence d'apparition du mot « éprouver » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « éprouver »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « éprouver »

  • La plus grande couardise consiste à éprouver sa puissance sur la faiblesse d'autrui.
    Jacques Audiberti — Le Mal court, Gallimard
  • Nous sommes des créatures tellement mobiles que les sentiments que nous feignons, nous finissons par les éprouver.
    Benjamin Constant — Adolphe
  • J'appelle plaisir toute perception que l'âme aime mieux éprouver que de ne pas éprouver.
    Stendhal — De l'amour
  • La pitié peut s'éprouver, mais non s'accepter.
    Ernst Wiechert — Missa sine nomine
  • Il faut éprouver les amis aux petites occasions et les employer aux grandes.
    Proverbe français
  • Saviez-vous que les renards sont les gardiens de nos îles imaginaires et que les saveurs de la vie ne sont peut-être pas celles que l’on croit? Il fallait être à Lausanne mardi soir, Aux confins de la Cité, entre la rue du Nord et la Friche du Vallon, pour l’éprouver et apercevoir, entre les failles de la réalité «covidienne», le spectacle captivant d’une vie culturelle qui reprend. Si l’ambiance était
    Le Courrier — Ouverture entre rire et gravité - Le Courrier
  • À travers diaporama, film, costumes et objets et documents lui ayant appartenu, venez éprouver, au musée de Gacé, « un véritable petit bonheur qui devrait enchanter le plus grognon des visiteurs… On ne s’ennuie pas une seconde », comme l’écrit le journaliste de l’Obs ; « Une visite qui s’impose », comme le recommande Frédérick Gersal dans sa toute nouvelle édition Les 1 000 lieux qu’il faut avoir vus en France.
    Le musée de la Dame aux Camélias à Gacé a rouvert ses portes au public | Le Réveil Normand
  • Je ne le fais pas dans le but de réaliser un exploit. A chaque fois que je m’expose à des conditions extrêmes, c’est parce que ça sert notre sujet. J’avais envie de faire cette expérience car très souvent, on ne se rend pas compte des effets de la chaleur sur notre organisme. A la fin de la journée, je n’ai pas eu l’impression que la chaleur et la déshydratation m’affectaient particulièrement. C’est en faisant des exercices cognitifs que je me suis aperçu que j’avais du mal à me concentrer, à réfléchir, à raisonner. C’est ce que je voulais tester et éprouver pour que le public en prenne bien conscience.
    sudinfo.be — Jamy Gourmaud, ce soir sur France 3: «J’ai voulu marquer les esprits»
  • La France est évidemment partenaire de cette opération qui, comme l'explique l'Etat Major des Armées, "permet d’éprouver les dispositifs de coordination et de mobilité militaires entre pays européens".
    BFMTV — L'armée américaine débarque à La Rochelle pour l'Opération Mousquetaire
  • On ne doit juger d'hommes et de vins sans les éprouver, soir et matin.
    Proverbe français
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Traductions du mot « éprouver »

Langue Traduction
Anglais experience
Espagnol experiencia
Italien esperienza
Allemand erfahrung
Chinois 经验
Arabe يكن
Portugais experiência
Russe опыт
Japonais 経験
Basque esperientzia
Corse sperienza
Source : Google Translate API

Synonymes de « éprouver »

Source : synonymes de éprouver sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « éprouver »

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Nombre de points du mot éprouver au scrabble : 12 points

Éprouver

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