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Doute

Variantes Singulier Pluriel
Masculin doute doutes

Définitions de « doute »

Trésor de la Langue Française informatisé

DOUTE, subst. masc.

A.− [Gén. avec l'art. déf.] État naturel de l'esprit qui s'interroge, caractérisé à des degrés différents soit par l'incertitude concernant l'existence ou la réalisation d'un fait, soit par l'hésitation sur la conduite à tenir, soit par la suspension du jugement entre deux propositions contradictoires. Le doute n'est pas permis; un air, un geste de doute; être dans le doute; laisser qqn dans le doute. Relaxe au bénéfice du doute (Nouv. répertoire de dr., Paris, Dalloz, t. 2, 1963, § 70, s.v. instructions à l'audience).Anton. certitude.− « Non, monsieur, Charles-Marie ne doit pas être coupable. » Le doute avait fini par se glisser dans l'esprit du professeur de septième (Champfl., Souffr. profess. Delteil,1853, p. 118).Et l'on ne pouvait rien, (...) rien faire même pour savoir ce qui allait arriver. Le doute était plus affolant encore que la certitude (Rolland, J.-Chr., Buisson ard., 1911, p. 1392).Cf. accepter ex. 23, crédule ex. 1 :
1. La raison et l'incrédulité viennent bien assez vite d'elles-mêmes. Je me rappelle fort bien la première année où le doute m'est venu sur l'existence réelle du père Noël. J'avais cinq ou six ans, et il me sembla que ce devait être ma mère qui mettait le gâteau dans mon soulier. Sand, Histoire de ma vie,t. 2, 1855, p. 156.
2. La liberté intellectuelle, ou sagesse, c'est le doute. (...). Douter, c'est examiner, c'est démonter et remonter les idées comme des rouages, sans prévention et sans précipitation, contre la puissance de croire qui est formidable en chacun de nous. Alain, Propos,1912, p. 134.
3. La grande affaire pour les générations précédentes, avait été le passage de l'absolu au relatif, de la certitude au doute; il s'agissait pour eux de « passer du doute à la négation sans y perdre toute valeur morale ». Massis, Jugements,1923, pp. 172-173.
1. Proverbes. Le doute est le commencement de la sagesse (Ac.1835-1932).Dans le doute, abstiens-toi. Quand on doute de la valeur de ses actes, il ne faut pas agir. Dans le doute, abstiens-toi, Proverbe français, ce me semble? − Dans le doute, éclaire-toi! et, la lumière faite, protège les bons, tape sur les autres (Farrère, Homme qui assass.,1907, p. 243).
2. Syntagmes et loc.
a) Mettre en doute qqc. En contester l'authenticité, la valeur. Cf. affirmer ex. 18.Mettre en doute l'authenticité de qqc., la parole, la sincérité, les sentiments de qqn. Je ne mets pas en doute votre mandat (Gracq, Syrtes,1951, p. 247).Mettre en doute si. Ici, peut-être, faudrait-il mettre en doute si un poète peut légitimement demander à un lecteur le travail sensible et soutenu de son esprit? (Valéry, Variété II,1929, p. 171).[Avec la négation ou l'interr.] Ne pas mettre en doute que (avec ne explétif et le subj.). Ils ne mettaient pas en doute que la guerre civile ne fût alors terminée (J. Verne, Île myst.,1874, p. 540).[Sans ne explétif pour signifier que le fait est certain] Je ne mets pas en doute que j'y parvienne (Staël, Lettres L. de Narbonne,1792, p. 35).
Rem. Littré signale cette dernière construction.
b) Il n'y a pas de doute que; il ne fait pas de doute que; point de doute que; nul doute que. [Avec ne explétif et le subj.] Il n'y a pas de doute que ce ne soit là de tous points une grande œuvre (Du Bos, Journal,1923, p. 246).[Avec le cond. pour exprimer un fait hypothétique] Nul doute qu'ils en riraient, si les anges pouvaient rire (Bernanos, Dialog. ombres,1928, 4etabl., 10, p. 1673).[Avec l'ind. pour insister sur la réalité du fait] Il n'y a pas de doute que les poissons tirent l'air de l'eau par les ouïes (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 150).
c) Être hors de doute. Être incontestable, certain. Cela est hors de doute pour moi. [Avec l'ind.] Il est hors de doute que. Il est hors de doute que c'est à elle qu'il doit la vie (Montherl., Bestiaires,1926, p. 451).
B.− En partic.
1. MÉD., PSYCH. Folie, manie, maladie du doute. Maladie mentale qui se traduit par des manies d'interrogation de vérifications incessantes, des scrupules religieux excessifs. Ces périodes détériorées où nous prend la manie du doute : − A-t-on fermé sa porte à clef, cette nuit? on reva voir; a-t-on mis sa cravate ce matin? on tâte; boutonné sa culotte, ce soir? on s'assure (Gide, Paludes,1895, p. 121).Cf. aboulie ex. 5.
2. PHILOSOPHIE
Doute sceptique, métaphysique. Attitude philosophique qui consiste à s'établir dans un doute définitif. Doute universel. Doute perpétuel (Chateaubr., Mém.,t. 3, 1848, p. 301).Doute absolu (Flaub., Corresp.,1853, p. 183).La foi n'est pas possible (...) que si le doute métaphysique est en quelque sorte imposé à l'esprit par la nature en soi indéterminable de son objet (Marcel, Journal,1914, p. 95):
4. Bremond est le type même de ces sceptiques profonds, chez qui le doute gagne sans cesse, s'étend à tout, et même aux choses dont il n'y aurait pourtant pas lieu de douter. Du Bos, Journal,1928, p. 210.
Doute philosophique, doute méthodique de Descartes. Attitude du sujet pensant qui considère tout jugement sur tout objet de connaissance comme douteux afin de tendre vers la plus grande certitude possible, la certitude première étant celle du sujet pensant lui-même (cf. cartésien A b).Doute fictif, hyperbolique, réel. Le doute redresse l'esprit courbé par les sens. Par une ascèse, ou une purification intellectuelle, il doit rendre à la « lumière naturelle » sa rectitude perdue et sa clarté offusquée par les préjugés (R. Verneaux, Les Sources cartésiennes et kantiennes de l'idéalisme fr.,Paris, Beauchesne et fils, 1936, p. 67).Cf. également affirmer ex. 22, cogito, ex. 1, croyance ex. 9 :
5. La méthode [cartésienne] est applicable à l'édification des sciences d'observation et d'expérimentation. Il faut procéder toujours par le doute philosophique, avec précaution, avec défiance. Il faut lancer son hypothèse en avant comme un colimaçon lance ses cornes pour sonder et palper l'espace. Dès qu'il sent quelque obtacle, il les retire pour les étendre de nouveau à côté, et cette figure représente l'état de tâtonnements dans lequel se trouve l'expérimentateur. Bernard, Principes de méd. exp.,1878, p. 78.
6. Il y a un lien étroit, en stricte orthodoxie cartésienne, entre le doute et la compréhension même, dans la mesure où elle nous est accessible, de la nature divine, si bien que celui qui aurait poussé l'ascèse du doute assez loin acquerrait par là même une connaissance presque intuitive de Dieu. Lacroix, Marxisme, existentialisme, personnalisme,1949, p. 90.
Révoquer en doute. [P. réf. à Descartes] Synon. littér. de mettre en doute.Des témoignages (...) qui peuvent toujours en tous les cas être révoqués en doute (Marcel, Journal,1914, p. 83).
3. RELIG. Doute religieux. Incertitude portant sur l'existence de Dieu, sur ce qui fait l'objet de la Révélation et l'enseignement de l'Église à ce sujet. Être dans le doute ou la certitude; sombrer dans le doute. Les tourmens du doute (Lacord., Conf. N.-D.,1848, p. 126).Le mol oreiller du doute de Montaigne (Du Bos, Journal,1922, p. 103).Je n'oppose pas à la foi le doute; mais l'affirmation : ce qui ne saurait être n'est pas (Gide, Feuillets d'automne,1949, p. 309):
7. ... j'ai compris que le doute n'était pas une imagination coupable, que l'on chasse en secouant la tête, mais une hantise tenace, impérieuse comme la vérité; une pointe fichée au plus profond de la croyance, et qui l'épuise, goutte à goutte. Martin du Gard, J. Barois,1913, p. 262.
8. Lui aussi le Christ avait douté. Il y avait eu, en lui, ce dernier désespoir. Et Thérèse comprit alors qu'elle ne pourrait plus douter jamais, plus jamais désespérer, qu'il avait pris son doute, son désespoir, que seule la joie lui était demeurée. Daniel-Rops, Mort, où est ta victoire?1934, p. 119.
C.− P. méton. [Avec l'art. indéf. au sing., souvent au plur.] Ce qui fait l'objet du doute; point particulier qui laisse dans le doute. N'avoir, ne faire, ne laisser, n'offrir aucun doute; éclaircir, lever un doute; tirer quelqu'un d'un doute. Henry n'avait de doutes qu'aux endroits où le doute est indiqué; il était convaincu de ce que l'on croit communément, il niait hardiment tout ce que l'on nie (Flaub., 1reÉduc. sent.,1845, p. 269).Celui-ci (...) hésitait encore, travaillé de doutes évidents sur la question de la dot (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 79):
9. Ainsi la raison (...) doute d'elle-même et des principes qui la constituent, non sans fondement; mais elle n'élève point (...) de doute sérieux, encore moins de doute insurmontable, sur le principe régulateur et suprême en vertu duquel elle fait la critique de ses principes constitutifs, et de toutes les autres facultés humaines, pas plus qu'elle n'élève de doute sérieux sur les axiomes mathématiques. Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances,1851, p. 133.
10. Je me demande si je suis fou. En me promenant tantôt au grand soleil, le long de la rivière, des doutes me sont venus sur ma raison, non point des doutes vagues comme j'en avais jusqu'ici, mais des doutes précis, absolus. Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Le Horla, 1886, p. 1112.
1. Loc. L'ombre d'un doute. Un doute très léger. Héritier du nom de mon père, je ne veux pas même que sur ce nom flotte l'ombre d'un doute (Dumas père, Monte-Cristo,t. 2, 1846, p. 286).Élever un doute. Présenter une objection, faire une réserve (supra ex. 9). Faire doute. Poser problème. Ne pas faire de doute. Être manifeste, incontestable. Cela ne fait (aucun) doute pour personne; son sort ne fait pas de doute. Ces passantes dont le triste métier ne faisait pas de doute (Bourget, Actes suivent,1926, p. 59).
SYNT. Doute sur la qualité; la solidité, le succès, la valeur de; ôter quelqu'un d'un doute; concevoir, conserver, dissiper, émettre, exprimer, inspirer, laisser un/des doute(s); jeter un doute sur; faire naître des doutes.
2. En partic.
a) Question qui fait doute en matière religieuse, philosophique. Doutes religieux, doutes sur la foi; être tourmenté de doutes et de scrupules. Cf. affirmer ex. 32, conférence ex. 2.L'angoisse, les doutes, les déchirements de Pascal (Massis, Jugements,1923, p. 53):
11. Quant à vos doutes, qu'est-ce qu'un doute, sinon une chose dont on peut douter? Si j'ai des doutes sur vos doutes, pourquoi voulez-vous que je croie à vos doutes? Vous êtes sceptique et vous voulez que, fanatique de ce que vous avouez ne pas savoir, je devienne dogmatique de votre scepticisme : la Religion de la servante du Curé est plus rationnelle que cet embrouillement. Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 1, 1848, p. 629.
b) [Ce qui fait doute à l'égard d'une pers.] Domaine affectif de la confiance et des sentiments.Doute inquiétant et pénible; être harcelé par un doute. Synon. crainte, présomption, soupçon.Pourquoi un doute, pourquoi une crainte, pourquoi des soupçons pénibles lui seraient-ils venus? (Maupass., Contes et nouvelles,t. 2, Yvette, 1884, p. 523).
− Dans le domaine de l'amour.Doute affreux, amer, cruel; doute sur la fidélité. Je préférais l'illusion dont se bercent les doutes au désenchantement qu'apporte avec soi toute certitude (Milosz, Amour. initiation,1910, p. 190).Il ne faut pas tourmenter son bonheur de doutes, d'interrogations (Chardonne, Épithal.,1921, p. 180):
12. ... je compris que, si je n'avais pas jusque-là souffert trop cruellement de mes doutes sur la vertu d'Albertine, c'est qu'en réalité ce n'était nullement des doutes. Mon bonheur, ma vie avaient besoin qu'Albertine fût vertueuse, ils avaient posé une fois pour toutes qu'elle l'était. Muni de cette croyance préservatrice, je pouvais sans danger laisser mon esprit jouer tristement avec des suppositions auxquelles il donnait une forme mais n'ajoutait pas foi. Proust, La Fugitive,1922, p. 514.
D.− Loc. adv. Sans doute
1. [À valeur affirmative] Vieilli. Assurément, certainement. C'est là sans doute une très belle action (Ac.1835-1932).Sans doute la richesse est une très-grande puissance (Destutt de Tr., Comment. sur Espr. des lois,1807, p. 172).
Rem. Cette valeur de sans doute s'est atténuée au point que, pour exprimer l'affirmation, on renforce le subst. par aucun, nul, On préférera sans nul doute la première version (Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p. 213). Fainéant, prodigue, coureur, ivrogne, menteur − et j'en passe − Jacques était sans aucun doute un détestable mari (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 346).
2. [À valeur dubitative définitive ou provisoire] Probablement, certes, je vous l'accorde. Vous avez sans doute raison; il vous arrive sans doute de :
13. le prince paul. − Enfin, nous sommes donc unis! ... nous sommes donc l'un à l'autre! ... la grande duchesse, légèrement. − Sans doute... sans doute... Meilhac, Halévy, La Grande duchesse de Gérolstein,1867, IV, 2, p. 295.
[Avec dans la prop. suivante un mot comme mais corrigeant − en la limitant − l'extension du doute] Maman (...) trouva même (...) certaine maison décente, sans doute étroite de pignon, sans doute privée de jardin, mais bonne pour un docteur (Duhamel, Terre promise,1934, p. 71).
Rem. Sans doute, en tête de phrase, peut entraîner l'invers. du suj. Sans doute a-t-elle eu quelque remords de ce qu'elle a dit, car elle accourt avec un grand foulard de laine rose entre les doigts (Green, Journal, 1948, p. 220).
Sans doute que [Avec ind. et avec le cond. pour exprimer un fait hypothétique] Sans doute qu'ils ont profité de l'extinction, car quand de nouveau ça reparaît, même scène, mais le personnel a changé (Claudel, Visages radieux,1947, p. 774).
Rem. L'expr. sans doute, extrêmement fréq. forme plus des deux tiers des occurr. de la forme homogr. doute (cf. Dict. des fréq., C.N.R.S.-T.L.F. [diff. Paris, Didier], 1, 1971, table des homogr., qui évalue la fréq. de sans doute/sans aucun doute à 75 % des occurrences).
Prononc. et Orth. : [dut]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1050 grant dute « crainte » (Alexis, éd. Ch. Storey, 300); 2. 1155 « hésitation, incertitude » (estre) en dote (Wace, Brut, éd. I, Arnold, 515); 3. fin xves. mille doubte « soupçon, méfiance » (Commynes, éd. J. Calmette, II-VI, t. 1, p. 128); 4. 1637 « doute philosophique » (Descartes, Discours de la méthode, éd. A. Bridoux, p. 137). Déverbal de douter*. Fréq. abs. littér. : 26 332. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 35 287, b) 31 023; xxes. : a) 35 368, b) 43 985.

Wiktionnaire

Nom commun - français

doute \dut\ masculin

  1. Incertitude sur l’existence ou la vérité d’une chose, sur la vérité ou la fausseté d’une idée.
    • Dans la connaissance des choses humaines, notre esprit ne doit jamais se rendre esclave en s'assujettissant aux fantaisies d'autruy. Il faut étendre la liberté de son jugement, et ne rien mettre dans sa tête par aucune autorité purement humaine. Quand on nous propose la diversité des opinions, il faut choisir s'il y a lieu ; sinon, il faut demeurer dans le doute. — (Maximes et pensées diverses, par Madame de Sablé, Paris : chez Sébastien Mabre-Cramoisy, 1678)
    • Mais lorsque Aimery mit pied à terre sur le trottoir de la gare, il lui resta encore un peu de doute, c'est à dire une espérance. — (Pierre Louÿs, Psyché, 1927, page 115)
    • […] : l’Atlantide. Que cette contrée ait existé, cela est hors de doute. Mais il paraît certain qu'elle avait déjà disparu bien avant l'apparition de l’homme sur la terre, […]. — (René Thévenin & Paul Coze, Mœurs et Histoire des Indiens Peaux-Rouges, Payot, 1929, 2e éd., page 15)
    • Les évaluations de propriétés la passionnaient. Nul doute que cette domination sur une grande étendue de forêt l'ait séduite. — (François Mauriac, Thérèse Desqueyroux, Grasset, 1927)
    • L'enfant devient adulte, entre autres, par l'apprentissage du doute. — (Cyrille Barrette, La vraie nature de la bête humaine, Éditions Multimonde, 2020, page 247)
    • Personne ne répondit. Le doute flottait dans tous les esprits. — (Pierre Lemaître, Au revoir là-haut, Albin Michel, Paris, 2013, page 134)
    • N’avoir aucun doute.
    • Lever un doute.
    • Éclaircir un doute.
    • Proposer ses doutes.
    • Laisser un doute.
    • Tirer, ôter, délivrer quelqu’un d’un doute.
    • Nul doute, point de doute que cela ne soit.
    • Ce cas de conscience me laisse encore quelque doute.
    • Maladie du doute, Maladie mentale caractérisée par la difficulté, parfois invincible, d’asseoir son esprit dans une certitude.
    • Mettre une chose en doute, la révoquer en doute, En contester la certitude.
    • Ne faire aucun doute d’une chose, L’admettre comme certaine.
    • Hors de doute, Certain, hors de toute contestation.
    • Cela est hors de doute.
    • (Proverbial) Dans le doute, abstiens-toi, Quand on doute si une action est bonne ou mauvaise, utile ou nuisible, il ne faut pas agir.
  2. (Philosophie) Méthode par laquelle l’esprit, suspendant son jugement, ne reçoit pour vrai que ce qu’il connaît évidemment être tel.
    • Le commencement de la philosophie pour Descartes, c’est le doute ; cela seul est toute sa méthode. C'est la proclamation du droit au libre examen. L'avenir de la philosophie est attaché à ce principe. — (Jules Simon, Introduction de: « Œuvres de Descartes », édition Charpentier à Paris, 1845)
  3. État d’esprit de celui qui doute des vérités de la religion.
    • Vivre dans le doute.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

DOUTE. n. m.
Incertitude sur l'existence ou la vérité d'une chose, sur la vérité ou la fausseté d'une idée. Être en doute. Laisser en doute. Il n'y a point de doute. Cela est hors de doute. Doute bien ou mal fondé. Il lui reste encore quelque doute. N'avoir aucun doute. Lever un doute. Éclaircir un doute. Proposer ses doutes. Laisser un doute. Tirer, ôter, délivrer quelqu'un d'un doute. Nul doute, point de doute que cela ne soit. Ce cas de conscience me laisse encore quelque doute. Maladie du doute, Maladie mentale caractérisée par la difficulté, parfois invincible, d'asseoir son esprit dans une certitude. Mettre une chose en doute, la révoquer en doute, En contester la certitude. Ne faire aucun doute d'une chose, L'admettre comme certaine. Hors de doute, Certain, hors de toute contestation. Cela est hors de doute. Prov., Dans le doute, abstiens-toi, Quand on doute si une action est bonne ou mauvaise, utile ou nuisible, il ne faut pas agir. Le doute philosophique ou méthodique, ou, absolument, Le doute, Méthode par laquelle l'esprit, suspendant son jugement, ne reçoit pour vrai que ce qu'il connaît évidemment être tel. Le doute de Descartes. On dit proverbialement Le doute est le commencement de la sagesse. Il se dit aussi spécialement de l'État d'esprit de celui qui doute des vérités de la religion. Vivre dans le doute.

SANS DOUTE, loc. adv. Assurément, certes. Viendrez-vous demain? Sans doute. C'est là sans doute une très belle action. On dit plus souvent Sans aucun doute, sans nul doute. Il signifie aussi Selon toutes les apparences, probablement. Il arrivera sans doute aujourd'hui.

Littré (1872-1877)

DOUTE (dou-t') s. m.
  • 1Incertitude où l'on est sur la réalité d'un fait, la vérité d'une assertion. Avoir du doute. Lever tous les doutes. Est-ce qu'il peut y avoir du doute à cela ? …Ote-moi d'un doute ; Connais-tu bien don Diègue ? Corneille, Cid, II, 2. Otez moi donc de doute Et montrez-moi la main qu'il faut que je redoute, Corneille, Rodog. V, 4. Mille et mille témoins te mettront hors de doute, Corneille, Nicom. III, 5. Rendez sans différer mes doutes éclaircis, Gombaud, Danaïdes, I, 2. Des témoins de sa mort viennent à tous moments Condamner votre doute et vos retardements, Racine, Mithr. I, 3. Un moment quelquefois éclaircit plus d'un doute, Racine, Iphig. II, 5. Délivrez mon esprit de ce funeste doute, Racine, Phèd. I, 3.

    Être en doute, douter. Vous êtes en doute Ce qu'elle a plus parfait, ou l'esprit, ou le corps, Malherbe, V, 23. Il vous a obligé de vous expliquer une chose dont je n'étais point en doute, Guez de Balzac, liv. VI, lett. 3. En êtes-vous en doute ? Corneille, Nicom. I, 2. … tu ne meurs point de honte Qu'il faille que de lui je fasse plus de compte, Et que ton père même, en doute de ta foi, Donne plus de croyance à ton valet qu'à toi ! Corneille, Ment. V, 3.

    Laisser une chose en doute, ne pas l'éclaircir. Laissez la chose en doute, et du moins hésitez Tant qu'on ait par leur bouche appris leurs volontés, Corneille, Œd. III, 2.

    Laisser quelqu'un en doute, ne pas dissiper son incertitude. Il m'a laissé plus en doute que je n'étais, Fénelon, Tél. IX.

    Mettre en doute, révoquer en doute, contester la vérité d'un fait. Jusques ici, madame, aucun ne met en doute Les longs et grands travaux que votre amour vous coûte, Corneille, Rodog. II, 3. Je n'ai jamais mis en doute que vous ne m'ayez écrit, Sévigné, 390. Il ne révoque pas les miracles en doute, Bossuet, Hist. II, 12.

    Dans le même sens. On n'en fait aucun doute, Corneille, Suréna, I, 2.

    Mettre en doute signifie aussi contester l'obligation de quelque devoir. L'obéissance est mise en doute, Bossuet, Hist. II, 1.

  • 2 Terme de rhétorique. Figure par laquelle l'orateur paraît douter de ce qu'il doit énoncer. On dit plutôt dubitation.
  • 3Scepticisme. Une philosophie qui n'aboutit qu'au doute. Un doute éclairé peut quelquefois servir de flambeau, D'Olivet, Hist. Acad. t. II, p. 140, dans POUGENS. Le doute est bien plus le résultat des lumières vagues que de l'ignorance, Mirabeau, Collection, t. IV, p. 110.

    Doute méthodique de Descartes, méthode qui consiste à rejeter provisoirement toutes les idées qu'on a reçues.

    Défaut de croyance à. une religion révélée. Le doute est un blasphème, Voltaire, Fanat. IV, 3. Il serait à souhaiter qu'un doute universel se répandît sur la surface de la terre, et que tous les peuples voulussent bien mettre en question la vérité de leurs religions, Diderot, Pensées philos. n° 36.

  • 4Difficulté, scrupule. J'ai encore un doute à vous proposer, Pascal, Prov. 5. Mlle de Duras ayant quelque doute sur la religion, Bossuet, Conf.

    Conjecture, soupçon. J'en ai quelques doutes.

    Appréhension, crainte. Dans le doute d'un accident fâcheux, il faut prendre ses précautions. Que si j'avais le moindre doute d'avoir failli et de mériter vos menaces, Voiture, Lett. 58. Dans le doute mortel dont je suis agité, Racine, Phèd. I, 1.

  • 5Sans doute, loc. adv. Assurément, certes. Viendrez-vous demain ? sans doute.

    Ironiquement. Me prêterez-vous encore de l'argent ? - Sans doute ; je contribuerai à toutes vos folies.

    Selon toutes les apparences. Sans doute à nos malheurs ton cœur n'a pu survivre, Racine, Alex. IV, 1.

    Il est sans doute que, avec l'indicatif, on ne peut douter. Il est sans doute qu'il suffit d'avoir appris une fois…, Pascal, Prov. 3. Il est sans doute qu'il ne se servit pas des termes d'acheter ne de vendre, Pascal, ib. 12. Il est sans doute que je suis un hérétique, Pascal, ib. 15.

    Sans doute que s'emploie aussi pour probablement, tout en tête de la phrase. Sans doute qu'il n'y a plus pensé.

  • 6Hors de doute, incontestable, certain. Cela est hors de doute. Il est hors de doute qu'il réussira. Son acquittement est hors de doute. Jusqu'à ce qu'elle ait vu votre hymen hors de doute, Corneille, Perthar. II, 3.

    PROVERBE

    Dans le doute abstiens-toi, c'est-à-dire quand une action est douteuse, il est plus prudent, plus sage, plus honnête de s'en abstenir.

    Le doute est le commencement de la sagesse.

REMARQUE

1. Mettre en doute, dans une phrase négative ou interrogative, suivi de que, demande la particule ne : Lorsqu'on me trouvera morte, il n'y aura personne qui mette en doute que ce ne soit vous qui m'aurez tuée, Molière, G. Dand. III, 8. Cependant le ne peut se supprimer : Je ne mets pas en doute que cela soit.

2. Doute a été longtemps féminin ; il l'est encore dans Malherbe : Nos doutes seront éclaircies, Et mentiront les prophéties… III, 1. La seule chose Qui m'empêche la mort, c'est la doute que j'ai, V, 13. Rotrou aussi le fait féminin : Son mépris paraît trop, ma doute n'est point vaine, Bélis. I, 6.

HISTORIQUE

XIIe s. Sans doute [crainte] de perir, Couci, XVIII.

XIIIe s. Là s'aresterent-il à grant doute, car il douterent [craignirent] ceus de fors, et autant doutoient-il ceus dedens, Villehardouin, CXXXVII. Et pour chou [ce] qu'il ot paour et doute que ses chevaus ne feust mors ou meshaignés, il s'en tourna le petit pas, H. de Valenciennes, IV. Car donc, quel part la pointe [de l'aiguille aimantée] vise, La tresmontaigne [le nord] est là sans doute, Lais inédits, p. IV. Et li autre [larrecins] sont en doute, à savoir se c'est larrecins ou non, Beaumanoir, XXXI, 1.

XIVe s. Eustrace fait ici une doubte…, Oresme, Eth. 51. Une doubte semble apparoir en ce qu'il dient, Oresme, ib. VI, 11.

XVe s. Pour la doute [crainte] des rebellions, Froissart, II, II, 27. Sans doute, si ce n'eust esté… le roy n'eust jamais souffert…, Commines, VI, 2. Et y mettoient grans doubtes aucuns, veu que à leurs dos n'avoyent nulles places pour eux retirer, Commines, I, 2. Le duc [de Bourgongne] lui fist faire [à Louis XI] son logis [à Péronne], et l'asseura fort de n'avoir nulle doubte (le roy estoit entré en grant paour apprenant l'arrivée de ses malvueillans auprès du duc de Bourgongne), Commines, II, 5.

XVIe s. N'en faictes doubte aucune, Marot, J. V, 21. Cela ne se peut revoquer en doute, Calvin, Instit. 784. Il n'y a nulle doute que c'est une exhortation que Dieu lui fait, Calvin, ib. 266. Vous m'en avés escript si honnestement que jamais je n'en ay faict une seule doubte, Marguerite de Navarre, Lett. 101. Puisqu'on est en doubte du plus court chemin, il fault tenir le droict, Montaigne, I, 132. Il n'y a point de doubte qu'il ne soit plus beau de pardonner…, Montaigne, I, 132. Qui y peult faire doubte [qui peut en douter] ? Montaigne, I, 174. La chose est de soy tant notoire, que la doute en seroit trop plus deraisonnable, que la preuve necessaire, Amyot, Préf. XVIII, 47. Non seulement le commun peuple flottoit et branloit en ce doubte, mais aussi les senateurs, Amyot, Numa, 4. Les reformez, eslevez de leur droict, estimoient toutes doutes effacées, D'Aubigné, Hist. I, 129. On l'empeschoit, tant sur la reverence du traitté, comme sur le doute de l'execution, D'Aubigné, ib. I, 185.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

DOUTE. - REM. Ajoutez :

3. J. J. Rousseau a employé doute au sens de crainte ; c'est un archaïsme. Je suis ainsi toujours dans le doute de manquer à vous ou à moi, d'être familier ou rampant, Lettre au maréchal de Luxembourg, 30 avril 1759.

4. On trouve aussi dans des textes anciens : doute que, pour : de peur que. Mais doute qu'autres le voulussent faire imprimer…, Privilége en 1636, dans BAYLE, article Neufgermain, note A.

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Étymologie de « doute »

Substantif abstrait de douter ; bourguig. d"te ; proven). dopte, dubte, s. m. ; catal. dubte ; espagn. duda ; portug. duida ; ital. dotta. Doute a été d'abord féminin dans la langue ; c'est vers la fin du XVIe siècle que le genre en commence à devenir incertain, et que quelques-uns le font tantôt féminin, tantôt masculin. Palsgrave, p. 26, remarque qu'on écrit doubte, et qu'on prononce doute. Ce mot, dans l'ancienne langue, à côté du sens de doute, a aussi celui de crainte.

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(Date à préciser) Déverbal sans suffixe de douter, du latin dubitare. Longtemps féminin[1].
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Phonétique du mot « doute »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
doute dut

Fréquence d'apparition du mot « doute » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « doute »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « doute »

  • Et maintenant ? Où et quand trouverai-je le temps d’essayer de me voir. On veut me faire croire que pour penser un peu il n’est pas besoin d’une tour d’ivoire. Sans doute, mais elle est bien utile…
    Raymond Dumay — Mon plus calme visage
  • Le suicide est le doute allant chercher le vrai.
    Xavier Forneret — Broussailles de la pensée de la famille des sans titre
  • Le délire est sans conteste plus beau que le doute, mais le doute est plus solide.
    Emil Michel Cioran
  • Aimer sans doute est le possible le plus lointain.
    Georges Bataille — L'Alleluiah, Gallimard
  • Le doute est un hommage rendu à l'espoir.
    Isidore Ducasse, dit le comte de Lautréamont — Poésies, II
  • Plus on sait, plus on doute.
    Pie II
  • La jeunesse est cet heureux temps où l'on devrait plutôt dire qu'on ne doute de rien plutôt que de dire qu'on n'y doute pas de soi.
    Marcel Proust — Jean Santeuil, Gallimard
  • Dans le doute dites la vérité.
    Samuel Langhorne Clemens, dit Mark Twain — Pudd'nhead Wilson's Calendar
  • La tolérance est la fille du doute.
    Erich Maria Remarque — Arc de triomphe
  • Dans le doute, nul ne désespère.
    Jens Peter Jacobsen — Niels Lyhme
Voir toutes les citations du mot « doute » →

Traductions du mot « doute »

Langue Traduction
Anglais doubt
Espagnol duda
Italien dubbio
Allemand zweifel
Chinois 怀疑
Arabe شك
Portugais dúvida
Russe сомнение
Japonais 疑問に思う
Basque zalantzarik
Corse dubbiu
Source : Google Translate API

Synonymes de « doute »

Source : synonymes de doute sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « doute »

Combien de points fait le mot doute au Scrabble ?

Nombre de points du mot doute au scrabble : 6 points

Doute

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