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Servir

Définitions de « servir »

Trésor de la Langue Française informatisé

SERVIR, verbe

I. − Empl. trans.
A. − Être au service d'une personne physique ou morale.
1. [Qqn sert qqn]
a) S'acquitter auprès d'une personne, envers une collectivité ou une institution, de certains devoirs, de certaines obligations ou fonctions. Qui sert la bourgeoisie ne sert pas les hommes. Les philosophies produites par la bourgeoisie au pouvoir, par la pensée bourgeoise installée au pouvoir spirituel sont des philosophies incomplètes: car elles ne tiennent aucun compte de l'état de pauvreté, de l'état de servitude (Nizan, Chiens garde, 1932, p. 161):
1. Nos moralistes d'état voudraient faire croire que l'on meurt pour la patrie. Mais ce genre de vertu nous est extérieur; aussi comme le déclamateur se laisse aisément persuader, comme il consent à servir sa patrie par la plume ou par la parole, je dirais presque que le culte extérieur l'a délivré de sa propre vertu; le commun usage l'absout; la règle extérieure apaise cette conscience ombrageuse. Alain, Propos, 1921, p. 319.
Servir Dieu. Vouer sa vie au culte de Dieu, satisfaire à ses devoirs religieux. Immense difficulté de servir Dieu vraiment. Dieu veut tout, il exige tout et on ne peut pas lui échapper. − Nous sommes vendus à Dieu, me dit ma femme, nous sommes pris dans son filet, et nous savons que ce filet ne peut être rompu (Bloy, Journal, 1894, p. 154).
Vieilli. Servir une dame. Être son chevalier servant, son cavalier. Un étranger qui a passé par une grande ville d'Italie est moins connu par son nom que par celui de la dame qu'il servait (Stendhal, Rome, Naples et Flor., t. 2, 1817, p. 170).
Servir l'État. Être fonctionnaire de l'État ou militaire de carrière. La femme est soumise à l'homme comme l'homme est soumis à l'État; et servir l'homme est moins dur que servir l'État. Vivons-nous pour nous? (Malraux, Cond. hum., 1933, p. 219).
b) Être au service de; être le serviteur de. Servir qqn en tant qu'employée de maison. Elle n'était pas infatigable, elle savait appeler ses gens pour servir le comte quand ses caprices se succédaient un peu trop rapidement et qu'il se plaignait de ne pas être compris (Balzac, Lys, 1836, p. 218).Tu sers les grands, Goetz, et tu les serviras quoi que tu fasses (Sartre, Diable et Bon Dieu, 1951, i, 3, p. 102).
Pour vous servir! [Formule de politesse indiquant que l'on se met à la disposition de qqn] Halifax: Comment t'appeles-tu? Tom Rick: Tom Rick, pour vous servir (Dumas père, Halifax, 1842, i, 9, p. 37).
En partic. Servir qqn (à table). Assurer le service à table; remplir de nourriture ou de boisson l'assiette, le verre de quelqu'un. Veux-tu me servir? Elle le faisait entrer dans une salle sombre, meublée d'une table, de deux chaises et d'un buffet de bois blanc (...). Elle servait son hôte à la table, sans montrer de hâte et sans rien oublier (Jouve, Paulina, 1925, p. 256).
Monsieur, Madame est servi(e). [Formule qui avertit le maître, la maîtresse de maison que l'on peut passer à table] Un domestique, entrant: Monseigneur est servi. (Le Prince offre la main à la comtesse (...); les autres convives suivent) (Dumas père, Kean, 1836, i, 1ertabl., 5, p. 118).
c) Rendre service; apporter son aide à; être utile à. Sait-on de quels gestes on est capable lorsque le bateau coule? Où commence-t-on à servir les autres et à se servir soi-même? C'est de l'hébreu (Cocteau, Parents, 1938, ii, 12, p. 266):
2. Et ce n'est pas seulement de tous ces hommes dont elle est le conseiller pratique, c'est de toutes les femmes de théâtre, la consultant pour mener leur barque et mettant à profit sa vieille expérience (...). La femme − il faut lui reconnaître ce mérite − est toujours occupée à être utile, à servir ses amis... Goncourt, Journal, 1894, p. 669.
Proverbe, au passif. On n'est jamais si bien servi que par soi-même. Il est préférable de prendre en main ses propres affaires plutôt que de les confier à autrui.
d) Servir un client. Procurer, fournir la marchandise que désire acquérir un acheteur. Elle servait alors avec brusquerie la cliente qui l'attendait, elle s'épargnait même souvent la peine de la servir, en répondant, du haut de l'escalier de bois, qu'elle ne tenait plus ce dont on demandait (Zola, Th. Raquin, 1867, p. 210).Pas de pitié pour les petits clients, sinon nous ne pourrions plus servir les gros (Druon, Roi de fer, 1955, p. 141).
e) ZOOTECHN. [Le suj. désigne un animal mâle] Servir une femelle. Couvrir, monter une femelle. (Dict. xxes.).
VÉN. Achever, le plus souvent, à l'arme blanche, un animal de chasse forcé. Il avait dit: − Je ne servirai pas cette bête. Le fera qui voudra. Mais il faudrait être un boucher (Genevoix, Dern. harde, 1938, p. 80).
2. Qqc. sert qqn.Être utile, favorable à quelqu'un. Sa mémoire la sert fidèlement. Amada, que le hasard me sert bien! (Borel, Champavert, 1833, p. 52).Nous avions un peu oublié que nous dressions ces constructions pour servir les hommes (Saint-Exup., Terre hommes, 1939, p. 169).
B. − [Le compl. désigne une chose]
1. Qqn sert qqc.
a) Présenter ou donner de la boisson, de la nourriture à un convive. Servir un thé; servir un poisson, une tranche de viande; servir la soupe, le dessert, les liqueurs; le déjeuner est servi; le champagne se sert frais. Puis, comme on servait encore une terrine de foies gras, achetée en Belgique, la conversation tourna (Zola, Débâcle, 1892, p. 556).Et je bavardais à la cuisine, avec Marianne, quand Monsieur, cordial, joyeux, expansif et bruyant, amena le père Pantois... Il lui fait aussitôt servir du pain, du fromage et du cidre... Et le voilà qui cause avec lui (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 77).
P. métaph. et p. iron. Servir un plat de sa façon. Répondre à une attaque, à une manœuvre par une subtile ou perfide réplique ou en offrant comme un cadeau quelque chose de désagréable. Mon interlocuteur, mis en appétit, ne demandait qu'à poursuivre son repas: « Attends, lui dis-je, je vais te servir un plat de ma façon!... » Le paquet contenait environ trente-cinq grammes d'une jolie poudre blanche et brillante (About, Roi mont., 1857, p. 217).
Au passif, fam. Être (bien) servi. Être bien pourvu; avoir largement sa part de. Pour un homme qui a horreur du souci, et que la moindre chose éparpille et tue, je suis servi (Valéry, Corresp.[avec Gide], 1922, p. 488).
[Avec ell. du compl. d'obj. dir.] À servir très frais. Au fig. Servir chaud. Proposer, donner à apprécier à l'instant même, sur le champ. Debray: Comment! Chateaubrun? Mais je le croyais en Afrique. Chateaubrun: J'arrive d'hier (...) Albert: Et je vous l'offre aujourd'hui. On ne peut pas servir plus chaud, j'espère! (Dumas père, Ctede Morcerf, 1851, i, 1ertabl., 4, p. 7).
Servir à + inf.Servir à manger, servir à boire. Joséphine nous sert à déjeuner (Goncourt, Journal, 1860, p. 760).
Au fig. Servir des arguments. Cyrano: (...) Eussiez-vous eu, d'ailleurs, l'invention qu'il faut Pour pouvoir là, devant ces nobles galeries, Me servir toutes ces folles plaisanteries, Que vous n'en eussiez pas articulé le quart De la moitié du commencement d'une, car Je me les sers moi-même, avec assez de verve, Mais je ne permets pas qu'un autre me les serve (Rostand, Cyrano, 1898, i, 4, p. 43).Quand il trouve un motif, ce qui lui arrive souvent, et même bien, il le délaye et le sert à toutes les sauces, jusqu'à écœurement (Toulet, Corresp. avec un ami, 1920, p. 221).
b) LITURG. Être, se faire le servant de. Il n'avait pas laissé non plus, pendant la cérémonie, de regarder Thomas, qui servait la messe mieux que le bedeau de Lescoff (Queffélec, Recteur, 1944, p. 220).
c) Donner tous ses soins à. Les affaires étaient si compliquées qu'il était naturel de les voir autrement que je ne les voyais. Ils devaient servir les intérêts de leurs gouvernements, qui n'étaient pas ceux du mien (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 232).
THÉÂTRE. Servir un texte. Interpréter un texte en restant fidèle à la pensée, aux intentions de l'auteur. Ici, ô surprise, les acteurs cherchent à servir le texte au lieu de se servir de lui (Cocteau, Mariés de la Tour Eiffel, 1924, i, p. 46).
Se mettre au service de, défendre. Servir la vérité. Peuple malheureux! tu as trop bien servi la cause de l'humanité, pour être innocent aux yeux de la tyrannie; ils voudront bientôt nous arracher à tes regards, pour consommer en paix leurs exécrables projets (Robesp., Discours, Jug. Louis XVI, t. 9, 1792, p. 197).
d) Verser à échéances déterminées une certaine somme d'argent. Servir une rente, des intérêts. La belle-mère répondit n'avoir plus rien: la liquidation était close, et il leur restait (...) six cents livres de rente, qu'elle leur servirait exactement (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 139).
e) JEUX. Procéder en début de partie à une distribution de cartes. Servir des cartes, absol., servi! (2edonne au poker). Quand tout le monde est servi, il complète à cinq les jeux incomplets (Alleau1964, p. 407).
f) [En parlant d'une vente] Fournir une marchandise contre paiement. Servir un kilo de tomates. Absol. Bien, mal servir. J'ai un boucher qui sert bien, mais qui pèse mal (Maupass., Bel-Ami, 1885, p. 154).
g) Préparer une chose en vue d'une utilisation précise. ARM. Approvisionner et armer une arme. Servir une arme. Une salve de grosse artillerie éclate bruyamment à l'angle est des Invalides (...). D'où je suis, on voit servir les pièces. Ce sont deux beaux vieux canons sculptés du dix-septième siècle dans le bruit desquels on sent le bronze (Hugo, Choses vues, 1885, p. 16).
2. Qqc. sert qqc.
a) Être d'une grande utilité. Indifférent aux théories, étranger à toute philosophie, ce qui ne sert pas ses projets lui est indifférent (France, Vie fleur, 1922, p. 342).À la lueur de l'enseigne d'un hôtel, je reconnus Betty la jaune. La chance (...) servait assez bien mes obscures velleités. La mère de mon petit neveu, quelle aubaine (Arnoux, Crimes innoc., 1952, p. 259).
b) Mettre en valeur, faire ressortir. Cette statue, presque vivante (...) sert, par son contraste, les tons violents du premier plan [dans la Fontaine de Jouvence, par Haussoullier] (Baudel., Salon, 1845, p. 17).
II. − Empl. trans. indir.
A. − Servir à
1. Servir à qqn
a) Être utile à. La morale étant donc le sentiment des lois que Dieu a établies de l'homme à l'homme, il s'ensuit qu'un simple traité de morale ne peut servir à des enfants: un enfant n'est pas plus capable d'acquérir de la morale en spéculation, qu'il ne le serait de développer sa faculté de voir par la théorie de la vision (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p. 282).
Que te sert...? [Calque lat.] Le tombeau, confident de mon rêve infini (...) Durant ces longues nuits d'où le somme est banni, Te dira « Que vous sert, courtisane imparfaite, De n'avoir pas connu ce que pleurent les morts? » (Baudel., Fl. du Mal, 1867, p. 56).
b) Être à l'usage de. L'autre chambre, qui est plus petite, sert aux deux garçons. Ils ont longtemps couché dans le même lit, ce qui permettait de circuler plus facilement dans la pièce (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p. 60).
Servir à qqn à faire qqc.Veuillez donc supposer que les plus grands savants qui ont existé jusque vers la fin du XVIIIesiècle, les Archimède et les Newton, les Galilée et les Descartes, étant assemblés en quelque lieu des Enfers, un messager de la Terre leur apporte une dynamo et la leur donne à examiner à loisir. On leur dit que cet appareil sert aux hommes qui vivent à produire du mouvement, de la lumière ou de la chaleur (Valéry, Variété IV, 1938, p. 198).
2. Servir à qqc.Être bon, utile à; être d'un usage approprié. Rantzau (...): Alors, et puisque vous pouvez encore pénétrer jusqu'à lui, il vous serait facile d'obtenir... La Reine: Sans doute!... mais à quoi bon? à quoi servira l'ordre d'un roi sans pouvoir? (Scribe, Bertrand, 1833, iv, 6, p. 204).Après tout, c'est peut-être là une image qui pourrait illustrer une « philosophie de l'avoir ». Elle servirait au propre et au figuré (Bachelard, Poét. espace, 1957, p. 82).
Rem. De même qu'à côté de l'expr. cour. à quoi cela sert-il? à quoi ça sert? (fam.) on relève celle, vieillie, de quoi sert-il?, de même on note également servir à rien ou servir de rien. N'être d'aucune utilité: Octave: J'avais, en vous quittant, cent choses à vous dire; Mais j'ai tout oublié. Juliette: Cherchez. Octave: De quoi sert-il? Je ne dois plus songer maintenant qu'à l'exil (Augier, Homme de bien, 1845, p. 113). Dieu ne lui servait de rien, qu'à l'ôter aux hommes et à la rendre seule (Camus, Env. et endr., 1937, p. 42).
Servir à + inf.Didace s'était toujours refusé à se séparer du vieux poêle: massif et énorme, et assez dur à réchauffer, une fois pris cependant, il répandait une douce chaleur par toute la maison. Puis l'été, quand on allait vivre au fournil, il servait à abriter les fourrures contre les mites (Guèvremont, Survenant, 1945, p. 141).
Faire servir à.Müller, qu'on peut considérer comme le véritable historien classique d'Allemagne, lisoit habituellement les auteurs grecs et latins dans leur langue originale; il cultivoit la littérature et les arts pour les faire servir à l'histoire (Staël, Allemagne, t. 3, 1810, p. 302).
B. − Servir de.Être employé, utilisé en tant que, en guise de. Servir de père. L'âme et le corps de la campagne me devinrent si familiers, mon vocabulaire rustique si aisé dans les deux langues, que je pus servir d'interprète dans un camp de remonte, pendant l'occupation anglaise (Blanche, Modèles, 1928, p. 89).Il trouva son premier malade au lit, dans une pièce donnant sur la rue et qui servait à la fois de chambre à coucher et de salle à manger (Camus, Peste, 1947, p. 1222).
Servir de ... à ...La plaine immense sert de cadre à cette agitation passionnée (Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p. 229).
C. − Servir pour.[Le suj. désigne une chose] Être utilisé pour quelque chose. Mais la pierre devra présenter parfois des faces courbes ou des formes décoratives compliquées. Pour les pierres douces, le têtu ou la tranche assure l'ébauche du travail, le ciseau sert pour les ciselures (Lambertie, Industr. pierre et marbre, 1962, p. 65).Desservir. Cette croisée?... Ah! le balcon sert pour les deux fenêtres (...). Une véritable terrasse (Dumas père, Antony, 1831, iii, 3, p. 196).
III. − Empl. intrans.
A. − [Le suj. désigne une pers.]
1. Être au service de; en partic., être employé comme domestique. Son hôtesse avait servi chez un évêque, soit comme gouvernante, soit comme bonne d'enfants (Baudel., Paradis artif., 1860, p. 396).Siegfried: (...) Je ne suis pas pour rien du pays des fonctionnaires: Servir. Waldorf: C'est la devise de tous ceux qui aiment commander. On ne commande bien qu'à l'Allemagne. Siegfried: Servir mon pays. Ledinger: S'il s'agit pour vous de servir, ô notre ami, revenez avec nous. On ne sert bien que l'Allemagne (Giraudoux, Siegfried, 1928, iv, 3, p. 165).
2. Accomplir son service militaire. M. Homais (...) exhortait le garçon d'auberge à se faire opérer [d'un pied bot] (...). − N'es-tu pas un homme, saprelotte? Que serait-ce donc, s'il t'avait fallu servir, aller combattre sous les drapeaux? (Flaub., MmeBovary, t. 2, 1857, p. 12).
3. SPORTS (de balle ou de ballon). Mettre la balle en jeu. Le servant doit servir alternativement du cours droit et du cours gauche (Sports Mod. Illustr., 1906ds Petiot 1982).
B. − [Le suj. désigne une chose]
1. Qui n'a jamais servi. Qui est neuf. Qui a beaucoup servi. Très usagé. Adoptant la forme du songe, Francesco Colonna coulait son récit dans un moule qui avait déjà beaucoup servi (Durry, Nerval, 1956, p. 111).
2. Ne plus pouvoir servir. Être hors d'usage. Quant au trousseau, il était à la mode de Wurtemberg et ne put servir. L'empereur et Jérôme le remplacèrent gracieusement (France, Vie littér., 1888, p. 272).
3. P. iron., fam. Ça peut (toujours) servir. Ceci peut (encore) rendre quelques services, être de quelque utilité. Les vieux, ça peut toujours servir un peu: c'est toujours bon à donner des conseils (Péguy, Tapisserie Ste-Geneviève et J. d'Arc, 1913, p. 211).
IV. − Empl. pronom.
A. − Prendre d'un récipient une certaine quantité de nourriture ou de boisson. Se servir de pain, de vin; se servir de la viande, du champagne. Ceux qui étaient chargés de le recevoir et de lui faire les honneurs de son propre palais avaient préparé un festin digne de l'occasion, et avaient fait usage de toutes les ressources de la cuisine d'alors pour fêter l'arrivée de monseigneur. Parmi les entremets brillait une ample fondue, dont le prélat se servit copieusement (Brillat-Sav., Physiol. goût, 1825, p. 361).
B. − Se fournir (en marchandises). C'est chez vous qu'il se sert, n'est-ce pas? Prenez garde (Toulet, J. fille verte, 1918, p. 96).
Fam. Ne pas se priver de. Ils auraient tort de faire des manières, pas vrai?... Et puis, comme vous voyez, j'ai pas de portes à ma case non plus alors ils se servent, hein, vous pouvez le dire... C'est la bonne vie ici pour eux (Céline, Voyage, 1932, p. 209).
C. −
1. Se servir de qqn.Utiliser quelqu'un à des fins cachées, le manœuvrer. C'était une gamine, irresponsable au fond, on se servait d'elle, trop naïve pour se rendre compte qu'on se servait d'elle, c'est bien dans la manière des communistes de se cacher derrière une jeune fille de bonne famille (...) « dis-moi qui t'a monté le bourrichon »? (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 106).
2. Se servir de qqc.
a) [Le compl. désigne une chose concr.] Utiliser quelque chose. La moitié des hommes ne sauraient pas se servir de leurs armes (Malraux, Cond. hum., 1933, p. 205).Me voici en pleine matière, pataugeant dans l'informe, environné d'atonalistes qui me considèrent avec des yeux de cannibales, et qui me laissent encore en vie dans l'espoir que je leur apprendrai, quelques temps encore, à se servir de la fourchette (Schaeffer, Rech. mus. concr., 1952, p. 197).
b) [Le compl. désigne une chose abstr.] Employer, emprunter. L'esprit humain regorge de passions; il en a à revendre, pour me servir d'une autre locution triviale (Baudel., Paradis artif., 1860, p. 349).
3. Se servir (d'un animal, d'une chose) pour + inf.Employer pour. Leurs habitations (...) se changèrent en campements mobiles, quand les hommes eurent appris à se servir, pour porter ou traîner les fardeaux, de quelques-unes des espèces d'animaux qu'ils avaient subjuguées (Condorcet, Esq. tabl. hist., 1794, p. 22).
Prononc. et Orth.: [sε ʀvi:ʀ], (il) sert [sε:ʀ]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. « S'acquitter d'obligations envers un supérieur » 1. ca 880 relig. diaule seruir (Eulalie, 4 ds Henry Chrestomathie, p. 3); 2emoit. xes. Deu servir (St Léger, éd. J. Linskill, 24); spéc. ca 1050 absol. servir « célébrer le culte » (Alexis, éd. Chr. Storey, 165), puis surtout 1680 servir la messe (Rich.); 2. ca 1050 servir « s'acquitter des fonctions de domestique » (Alexis, 336); 1550 servir « rendre les mêmes services qu'un domestique rend à son maître (par humilité chrétienne) » (Bible Louvain Marc 10, f. 16, col. b); 1648 formule de politesse pour vous servir (Voiture, Œuvres, Poés. diverses, éd. M. A. Ubicini, t. 2, p. 423); spéc. 3. à table ca 1165 absol. « apporter le repas » (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 2021); ca 1170 servir de pain « le présenter » (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 6872); 1176-81 servir as tables (Id., Chevalier charrette, éd. M. Roques, 41); d'où ca 1280 fig. servir qqn d'entremés « lui jouer un tour » (Adenet le Roi, Cleomadés, éd. A. Henry, 8592); 1655 servir d'un plat de sa façon « id. » (Molière, Étourdi, II, 8, 785); 1819 pron. passif (Boiste: être servi − les fruits se servent au dessert); 1832 pronom. réfl. (Raymond: À table, Se servir, prendre d'un mets, mettre quelque chose d'un mets sur son assiette); 4. a) ca 1050 « accomplir ses obligations envers l'autorité civile » (Alexis, 35: servir l'emperethur); 1680 servir la patrie (Rich.); b) ca 1100 servir « s'acquitter du service féodal envers son suzerain » (Roland, éd. J. Bédier, 1858); ca 1100 absol. servir à (qqn) (ibid., 3811), constr. encore ds Ac. 1778; d'où α) ca 1160 absol. servir « accomplir ses obligations militaires (envers son suzerain) » (Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 469); 1538 « accomplir ses années de service militaire » (Est.); β) 1160-74 féod. servir qqn de fief (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, III, 6070); 1508 servir le fief (Coutume d'Anjou, art. 106 ds Nouv. Cout. gén., éd. A. Bourdot de Richebourg, t. 4, p. 539b), répertorié dans la lexicogr. comme terme hist.; 5. 1160-74 servir une dame « se mettre à son service » (Wace, op. cit., 4508), d'où en terme de galanterie le subst. servant 1509 (Lemaire de Belges, Illustrations de Gaule, I, 25, éd. J. Stecher, t. 1, p. 178), l'adj. 1569 (Ronsard, 7elivre de Poèmes, éd. P. Laumonier, t. 15, 2, p. 240, 40: serviteur servant), princ. empl. dans l'expr. chevalier servant 1879 (Loti, Aziyadé, p. 84); cf. aussi cavalier servant 1807 (Staël, Corinne, I, 210 d'apr. B. W. Jasinski, Vocab. ds Corresp. gén., t. 1, p. 48); 6. 1768 servir « fournir un produit, moyennant finances » (Volt., Lett. d'Alembert, 2 sept. ds Littré); 1832 pronom. se servir chez le même marchand « avoir l'habitude d'acheter chez lui » (Raymond). B. a) Ca 1050 servir à (Dieu) « lui être soumis » (Alexis, 495); 1213 vos servez a vos deliz (Fet des Romains, éd. L. F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, p. 42, 17); b) 1550 servir à « être esclave » (Bible Louvain, Esdras, 4, 1 f o183 v o, col. b), répertorié comme ,,vx`` par DG. C. 1. Ca 1100 servir « faire usage de, employer » (Roland, 2350); déb. xiiies. servir de qqc. à qqn « faire usage de quelque chose, l'employer pour lui » (Reclus de Molliens, Charité, éd. A. G. van Hamel, IX, 9); 1538 pronom. se servir de « l'utiliser, l'employer » (Est., s.v. utor); 2. 1155 fig. servir qqn de qqc. « lui présenter quelque chose » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 1730); fin xiies. servir qqn de qqc. « le fournir de » (Hue de Rotelande, Ipomedon, éd. A. J. Holden, 4787); d'où spéc. 1690 fin. (Fur.: On dit [...] qu'un homme est bien servi d'une rente, lorsqu'il en est bien payé); 1835 (Ac.: Servir une rente, Payer le revenu, l'intérêt d'une somme constituée en rente); 1835 jurispr. (ibid.: Servir une redevance, Acquitter la redevance convenue); 3. « donner quelque chose pour faire fonctionner » a) 1662 servir l'artillerie « lui donner les moyens de bien fonctionner » (La Rochefoucauld, Mém., éd. D. L. Gilbert et J. Gourdault, t. 2, p. 371); b) 1669 jeu de balle absol. servir (Widerhold Fr.-all.); av. 1679 servir la balle « la lancer à celui avec qui l'on joue » (Retz, Mém., éd. A. Feillet et J. Gourdault, t. 3, p. 470); c) 1899 servir des cartes « les distribuer » (DG); 1935 absol. servir (Ac.); 4. 1687 trans. servir « saillir, couvrir » (Miege, 2epart.). D. 1. Ca 1165 servir à qqn « lui être utile, bon, l'aider » (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 5853); a) ca 1165 de quei sert « quelle utilité a » (Id., ibid., 14820), supplanté par A quoy sert? 1553 (Bible, Jean Gérard, Marc, 14, a); 1553 que sert? (ibid., Proverbes de Salomon, 17, c); b) 1436 de riens ne servent « sont tout à fait inutiles » (Charles d'Orléans, Poésies, éd. P. Champion, Ballade, LXIX, 134, p. 93); 1553 ne servir à rien (Bible, Jean Gérard, Sapience, 13, c); 2. ca 1500 servir de « être utile, utilisé à titre de » (Philippe de Commynes, Mém., éd. J. Calmette, t. 1, p. 133); 1613 fig. servir de couverture « tenir lieu de prétexte » (J. Voultier, Grand dict. fr., lat. et gr. d'apr. FEW t. 11, p. 538a); 1671 servir de jouet « être en butte aux railleries, aux attaques » (Pomey, s.v. jouet). Du lat. servι ̄re (du lat. servus, v. serf) « être esclave, vivre dans la servitude », au fig. « être sous la dépendance de », « se mettre au service de, être dévoué à », également att. en lat. chrét. « servir Dieu » dep. déb. ves. ds Blaise Lat. chrét., « être esclave (du péché) » ibid., et en lat. médiév. « accomplir les services vassaliques » dep. 811 ds Nierm., spéc. les charges militaires 1186, ibid., « effectuer le culte » ca 560, ibid. et « servir aux repas » ca 1135 ds Latham. Fréq. abs. littér.: 23 080. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 39 448, b) 31 102; xxes.: a) 30 073, b) 29 741. Bbg. Chautard Vie étrange Argot 1931, p. 550. − Goosse (A.). Ét. de vocab. eccl.: l'enfant de chœur. Foi Lang. 1977, n o2, p. 131. − Hollyman 1957, p. 81. − Lanly (A.). Morphol. hist. des verbes fr. Paris, 1977, pp. 312-313.

Wiktionnaire

Verbe - français

servir \sɛʁ.viʁ\ transitif ou intransitif 3e groupe (voir la conjugaison) (pronominal : se servir)

  1. S’acquitter de certains offices, de certaines obligations envers une personne ou une collectivité.
    • Servir son pays.
    • Servir l’État.
    • Servir Dieu, rendre à Dieu le culte qui lui est dû et s’acquitter de tous ses devoirs de religion.
    • Servir la messe, être auprès du prêtre qui célèbre la messe, pour dire les réponses, présenter l’eau et le vin, etc.
    • On nous apprenait à servir la messe du grand et du petit côté, à chanter les antiennes, à faire des génuflexions, à encenser élégamment, ce qui est très difficile. — (Alphonse Daudet, Le petit chose, 1868, réédition Le Livre de Poche, page 21)
  2. (En particulier) S’acquitter de certaines fonctions auprès de quelqu’un comme domestique.
    • Servir un maître.
    • (Au passif) Il aime à se faire servir.
    1. Présenter les plats, verser à boire, donner et retirer les assiettes, etc.
      • Passez au beurre et laissez cuire dans son jus, et à très-petit feu, la rouelle lardée de gros lard; servez-la ensuite dedans, après l’avoir dégraissée. — (M. Cardelli, Nouveau manuel complet du cuisinier et de la cuisinière, édition Encyclopédie-Roret, 1842)
    2. Donner à quelqu’un sa part des mets dont se compose un repas.
      • Servir quelqu’un.
      • Vous êtes bien mal servi.
      • Il s’est servi le dernier.
  3. Rendre à quelqu’un les mêmes services qu’un domestique rend à son maître.
    • Elle servait son amie malade, sa vieille mère infirme.
    • Elle se dévoue à servir les pauvres.
    • Se servir soi-même, Faire soi-même pour son service ce que d’autres font faire par un domestique.
  4. Fournir ; s’occuper de quelqu’un, lui procurer marchandise ou service.
    • Je me rendis avec les chefs militaires aux tentes de Si Saïd, où on nous servit une collation de dattes et de lait de chamelle, une vieille tradition nomade sans doute. — (Frédéric Weisgerber, Trois mois de campagne au Maroc : étude géographique de la région parcourue, Paris : Ernest Leroux, 1904, page 132)
    • Tout en parlant, mon compagnon s’était approché du comptoir, où je le rejoignis, et l’on nous servit nos grogs. — (Francis Carco, Messieurs les vrais de vrai, Les Éditions de France, Paris, 1927)
    • Et il se rappela douloureusement avoir entendu Mme Kroner prévenir que le petit-déjeuner serait servi tôt ce matin-là à cause du service religieux. — (Alex La Guma, L'oiseau meurtrier, traduit de l'anglais sud-africain par Jean-Pierre Richard, Éditions Karthala, 1986, page 146)
  5. Rendre de bons offices à quelqu’un, l’aider, le seconder, l’assister.
    • Il m’a bien servi dans cette affaire.
    • Servir les passions de quelqu’un, Lui fournir les moyens de satisfaire ses passions.
    • Servir la religion, Se dévouer au service de la religion.
    • Les circonstances, les événements l’ont bien servi.
    • Sa mémoire l’a mal servi en cette occasion, Il a manqué de mémoire.
  6. Faire fonctionner.
    • Servir une batterie.
    • Servir une pièce de canon.
  7. (Badminton, Tennis, Tennis de table, Volley-ball) Lancer la balle à celui ou celle avec qui l’on joue.
    • Je sers donc pour la balle de match, mais blessé. Il me faut un ace, obligatoirement. Je lance la balle et un peu déséquilibré car je me tiens sur une seule jambe, je sers.
      Ace. Ace et match !
      — (Élie Gourion, Un champion rigolo!, Éditions Publibook, 2013, page 21)
  8. (Cartes à jouer) Distribuer les cartes.
    • Servir des cartes.
    • À toi de servir.
  9. (Cuisine) Mettre des mets ou des boissons sur la table.
    • Le kébab doit être servi brûlant. Quand la bouche peut le tolérer, il est déjà trop froid. — (Jane Dieulafoy, La Perse, la Chaldée et la Susiane: relation de voyage, Librairie Hachette, 1887, page 718)
    • M. de Guermantes ayant déclaré (suite aux asperges d’Elstir et à celles qui venaient d’être servies après le poulet financière) que les asperges vertes poussées à l’air […] devraient être mangées avec des œufs : […]. — (Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, tome 8 : Le Côté de Guermantes, 3e partie, Gallimard, 1921, page 148)
    • Nombre de personnes : cette recette correspond à 6 tomates farcies que vous pouvez servir en plat principal pour 2 personnes ou bien avec d'autres légumes farcis pour 6 personnes. — (Roger Verge, Ma cuisine du soleil, Éditions Robert Laffont, 2014)
    • (Absolument) À quelle heure voulez-vous qu’on serve ?
    • (Absolument) Le dîner est servi, on peut se mettre à table.
    • (Absolument) Madame est servie.
    • (Absolument) Servir à déjeuner, à dîner, à souper, servir à une ou plusieurs personnes de quoi déjeuner, etc.
  10. (Économie) (Vieilli) Payer l’intérêt d’une somme constituée en rente.
    • Servir une rente.
    • Servir une redevance, acquitter la redevance convenue.
  11. (Biologie) (Vieilli) S’accoupler en vue de la reproduction (dans certaines espèces animales).
  12. (Chasse) Mettre l’animal à mort avant la curée.
    • Si, à la chasse, le port d’une arme blanche est légitime pour un chasseur et essentiel pour servir un animal aux abois ou sur ses fins, il n’en demeure pas moins que la chasse avec une arme blanche n’est pas autorisée. — (Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage, Règles pour l’utilisation d’une arme blanche)
  13. Être utile, bon, propre à quelque chose ; convenir.
    • Nous donnons donc un coup d’œil à nos armes à feu et nous assurons qu’elles sont chargées et en état de servir le cas échéant. — (Frédéric Weisgerber, Trois mois de campagne au Maroc : étude géographique de la région parcourue, Paris : Ernest Leroux, 1904, page 45)
    • De nos jours, ces obstacles ont été levés grâce à la création des quatre pièces de base de l’équipement servant à l’immersion en apnée: le masque, les palmes, le tuba et la combinaison de plongeur […]. — (Umberto Pelizzari & Stefano Tovaglieri, Apnée: De l’initiation à la performance, Éditions Amphora, 2005, page 43)
    • Les troupes qui servent à la défense des frontières.
    • Cela ne servirait qu’à l’indisposer contre vous. — Il ne sert à rien de s’emporter.
    • À quoi sert-il, que sert-il, que sert de s’emporter ?
    • À rien ne sert d’inventer d’autres termes, d’autres prétextes pour justifier ce goût qu’on a d’écrire : est littérateur quiconque aime penser une plume à la main. — (Michel Leiris, L’âge d’homme, 1939, collection Folio, page 25.)
  14. (Intransitif) Être utile à quelqu’un.
    • Que lui sert d’amasser tant de biens ?
    • Cela ne vous sert de rien.
    • Ce livre lui a bien servi dans son travail.
  15. (Intransitif) (Militaire) Faire le service militaire.
    • Il a servi au Maroc, en Syrie.
    • Il a servi dans l’infanterie, dans l’artillerie, dans l’aviation, dans la marine.
  16. (Intransitif) Être d’usage.
    • Ces gants pourront vous servir encore.
    • Ce meuble, cet instrument, cette machine ne peut plus servir.
    • Il n’y a qu’un mot qui serve se dit lorsqu’on veut se faire bien comprendre et préciser le sens de ses paroles.
  17. (Pronominal) Prendre.
    • Sur Internet tu veux télécharger un film, tu te sers.
  18. (Pronominal) (Cuisine) Remplir son assiette ou son verre.
    • Tout le monde se servit, même Tauno, qui se leva laborieusement du canapé et prit toute une poignée de grignoteries dans le sachet d’Irma. — (Minna Lindgren, Les Petits vieux d'Helsinki se couchent de bonne heure, traduit du finnois par Martin Carayol, Éditions Calmann-Lévy, 2016, chap. 6)
    • Lors d’un buffet les gens se servent.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

SERVIR. (Je sers, tu sers, il sert; nous servons, vous servez, ils servent. Je servais. Je servis. Je servirai. Que je serve. Que je servisse. Servant. Servi.) v. tr.
S'acquitter de certains offices, de certaines obligations envers une personne ou une collectivité. Servir le roi. Servir son pays. Servir l'État. Servir Dieu, Rendre à Dieu le culte qui lui est dû et s'acquitter de tous ses devoirs de religion. Dans le culte catholique, Servir la messe, Être auprès du prêtre qui célèbre la messe, pour dire les réponses, présenter l'eau et le vin, etc.

SERVIR s'emploie aussi absolument et se dit seulement du Service militaire. Il a servi au Maroc, en Syrie. Il a servi sous les ordres de ce général. Il a servi dans l'infanterie, dans l'artillerie, dans l'aviation, dans la marine.

SERVIR signifie particulièrement S'acquitter de certaines fonctions auprès de quelqu'un comme domestique. Servir un maître. Il me sert depuis trois ans en qualité de valet de chambre. Il aime à se faire servir. Absolument, Ce domestique est trop vieux, il ne peut plus servir. Servir à table, Présenter les plats, verser à boire, donner et retirer les assiettes, etc. Servir quelqu'un, Lui donner sa part des mets dont se compose un repas. Vous êtes bien mal servi. Il s'est servi le dernier.

SERVIR signifie, par extension, Rendre à quelqu'un les mêmes services qu'un domestique rend à son maître. Elle servait son amie malade, sa vieille mère infirme. Elle se dévoue à servir les pauvres. Se servir soi-même, Faire soi-même pour son service ce que d'autres font faire par un domestique.

SERVIR se dit en outre d'un Commerçant, d'un artisan relativement à la personne qu'il fournit, pour laquelle il travaille. Servir un client. Le boucher nous a mal servis aujourd'hui. Se servir chez un marchand, Avoir l'habitude d'acheter chez lui.

SERVIR signifie aussi Rendre de bons offices à quelqu'un, l'aider, le seconder, l'assister. Servir ses amis. Il m'a bien servi dans cette affaire. Je vous servirai partout de mon crédit. Il vous a servi en ami véritable. Servir les passions de quelqu'un, Lui fournir les moyens de satisfaire ses passions. Servir la religion, Se dévouer au service de la religion. Pour vous servir, Formule de politesse dont on se sert pour dire à quelqu'un qu'on est à sa disposition pour lui rendre service.

SERVIR s'emploie dans un sens analogue avec un nom de chose comme sujet. Les circonstances, les événements l'ont bien servi. Sa mémoire l'a mal servi en cette occasion, Il a manqué de mémoire.

SERVIR signifie encore Faire fonctionner. Il se dit spécialement, en termes de Guerre, en parlant de Pièces d'artillerie. Servir une batterie. Servir une pièce de canon. En termes de jeu de Paume et de Tennis, Servir la balle et absolument Servir, Lancer la balle à celui avec qui l'on joue. En termes de jeu de Cartes, Servir des cartes et absolument Servir, Distribuer, donner des cartes.

SERVIR se dit aussi en parlant des Mets qu'on place sur la table. Servir le dîner. Servir le potage. Servir un gigot, un plat de légumes, l'entremets, le dessert. Absolument, À quelle heure voulez-vous qu'on serve? Servez à huit heures. Servez chaud. Le dîner est servi, On peut se mettre à table. On dit dans le même sens : Vous êtes servi. Madame est servie. Servir à déjeuner, à dîner, à souper, Servir à une ou plusieurs personnes de quoi déjeuner, etc. On nous servit à dîner. Servir à quelqu'un d'une viande, d'un plat, Donner d'une viande, d'un plat à quelqu'un. On dit aussi Servir à boire à quelqu'un. Fig. et fam., Servir un plat de sa façon, Dire ou faire quelque chose qui soit conforme au caractère, aux manières, aux habitudes que l'on a. Il est le plus souvent péjoratif. Ce maître chanteur vous a servi un plat de sa façon. On dit au sens de riposte : Il avait voulu me nuire, je lui ai servi un plat de ma façon. En termes de Finance. Servir une rente, Payer le revenu, l'intérêt d'une somme constituée en rente. En termes de Jurisprudence, Servir une redevance, Acquitter la redevance convenue.

SERVIR est aussi verbe intransitif et signifie Être utile à quelqu'un. Que lui sert d'amasser tant de biens? Cela ne vous sert de rien. Ce livre lui a bien servi dans son travail. Il signifie absolument Être d'usage. Ces gants pourront vous servir encore. Ce meuble, cet instrument, cette machine ne peut plus servir. Fig., Il n'y a qu'un mot qui serve se dit lorsqu'on veut se faire bien comprendre et préciser le sens de ses paroles.

SERVIR signifie encore Être utile, bon, propre à quelque chose. Ce bateau sert à passer la rivière. À quoi sert cette machine? Cet instrument sert à tel usage. Les troupes qui servent à la défense des frontières. Cela ne servirait qu'à l'indisposer contre vous. Il ne sert à rien de s'emporter. À quoi sert-il, que sert-il, que sert de s'emporter? Il s'emploie aussi avec la préposition de et signifie Tenir lieu de, tenir la place de, faire l'office de. Il m'a servi de père. Il lui a servi de modèle. Que cela vous serve de leçon. Mon manteau me servira de couverture. Servir de prétexte. Cela vous servira d'excuse, de preuve. Fig., Servir de jouet, de plastron, de couverture. Voyez JOUET, PLASTRON, COUVERTURE.

SE SERVIR DE signifie Faire usage de. Il s'est servi de mon argent. Se servir de toutes sortes de moyens. Il se sert trop souvent du même mot. Se servir de la règle et du compas. Le papier dont je me sers pour vous écrire.

Littré (1872-1877)

SERVIR (sèr-vir), je sers, tu sers, il sert, nous servons, vous servez, ils servent ; je servais ; je servis ; je servirai ; je servirais ; sers, qu'il serve, servons, servez, qu'ils servent ; que je serve, que tu serves, qu'il serve, que nous servions, que vous serviez, qu'ils servent ; que je servisse ; servant ; servi v. a.

Résumé

  • 1° Être à un maître comme domestique.
  • 2° Être au service de, être attaché à la personne, en une qualité supérieure à celle de domestique.
  • 3° Rendre à quelqu'un les mêmes services qu'un domestique rend à son maître.
  • 4° Dans le culte catholique, servir le prêtre, le célébrant à l'autel.
  • 5° Servir Dieu.
  • 6° Obéir à, honorer.
  • 7° Remplir des emplois de guerre, de magistrature, d'administration.
  • 8° être dans le service militaire.
  • 9° Servir une batterie, une pièce de canon.
  • 10° Placer les mets sur la table.
  • 11° Au jeu de paume, servir la balle.
  • 12° Fournir une marchandise, un objet confectionné.
  • 13° Servir une rente.
  • 14° Servir le fief.
  • 15° Faire aller, faire marcher, en parlant de certains moteurs.
  • 16° Être utile à.
  • 17° Il se dit des choses qui secondent, favorisent.
  • 18° Servir la jument.
  • 19° En termes de chasse, tuer la bête avec une arme.
  • 20° V. n. Être à un maître comme domestique.
  • 21° Servir pendant un quartier, une semaine.
  • 22° Être esclave, être en servitude.
  • 23° Servir de, tenir lieu de, faire l'office de.
  • 24° Servir à, être utile.
  • 25° Servir à, être destiné à tel ou tel usage, être propre à.
  • 26° Absolument, être utile, avec un nom de chose pour sujet.
  • 27° Être d'usage.
  • 28° Faire servir à, employer pour un but, pour un résultat.
  • 29° En termes de marine, faire servir, faire fonctionner telle ou telle voile.
  • 30° V. réfl. Se servir, faire pour soi ce qu'on pourrait faire faire à un domestique.
  • 31° Prendre de ce qui est sur la table.
  • 32° Faire usage de.
  • 33° Se servir chez un marchand.
  • 34° Se rendre service à soi-même, l'un à l'autre.
  • 1Être à un maître comme domestique. Que servir un joueur est un maudit métier ! Regnard, le Joueur, I, 1. On défendit aux calvinistes, en 1685, de se faire servir par les catholiques, de peur que les maîtres ne pervertissent les domestiques, Voltaire, Louis XIV, 36.

    Absolument. Être réduit à servir. Ce domestique est trop vieux, il ne peut plus servir.

    Servir son maître à table, lui donner à boire, lui donner des assiettes, etc.

    Absolument. Ce qu'on peut remarquer [lors du sacre], c'est que les prélats dînèrent à la table de l'empereur, et que les ducs de Franconie, de Souabe, de Bavière et de Lorraine servirent à table, Voltaire, Ann. Emp. Othon Ier, 936. Je servais à table, et je faisais à peu près au dedans le service d'un laquais, Rousseau, Conf. III.

    Servir à la chambre, à la cuisine, etc. Être employé au service de la chambre, de la cuisine, etc. Vous étiez jeune encor, vous serviez au festin, à ce dernier festin du tyran de l'Asie, Voltaire, Olymp. I, 2.

    Pour vous servir, à vous servir, locutions familières de civilité employées comme réponse affirmative. Vous êtes taupe ? me dit-elle ; Oui, lui dis-je, mademoiselle, Je suis taupe, pour vous servir, Voiture, Poés. Œuv. t. II, p. 186. D. Juan : Vous vous appelez ? - Charlotte : Charlotte, pour vous servir, Molière, Festin, II, 2. Vous êtes sans doute madame Patelin ? - à vous servir ! Brueys, Avoc. Pat. II, 2.

  • 2Être au service de, être attaché à la personne, en une qualité supérieure à celle de domestique. Et ressouvenez-vous quel prélat vous servez, Boileau, Lutr. III. Le bonheur de le servir [un grand] était, selon lui, une assez haute récompense pour ceux qui le servaient, Fénelon, Tél. XVI.
  • 3Rendre à quelqu'un les mêmes services qu'un domestique rend à son maître. Le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir, Sacy, Bible, St Marc, X, 45. Ô vous, pauvres, quelque nom que vous portiez, vous que la reine servait avec tant de foi, Bossuet, Mar.-Thér. Dieu, dit la princesse Anne, me donnera peut-être de la santé pour aller servir cette paralytique, Bossuet, Anne de Gonz. Il [Fénelon] recueillait dans son palais les malheureux habitants des campagnes que la guerre avait obligés de fuir leurs demeures, les nourrissait, et les servait lui-même à table, D'Alembert, Élog. Fén.
  • 4Dans le culte catholique, servir le prêtre, le célébrant à l'autel, répondre la messe, et présenter l'eau et le vin, ce qui, aux grand'messes, est la fonction des diacres et des sous-diacres. Loin d'ici ces prêtres oisifs qui, vivant de l'autel et ne servant pas à l'autel, traînent sans honneur et sans emploi un stérile et infructueux sacerdoce, Fléchier, Panég. II, 405. Racine l'a dit en parlant du culte des Hébreux : Debout à ses côtés [du grand prêtre], le jeune Éliacin Comme moi le servait en long habit de lin, Fléchier, Ath. II, 2.

    Servir la messe, assister le prêtre qui la dit. Pour moi, je n'entends guère de messe dans le camp qui ne soit servie par quelque mousquetaire, et où il n'y en ait quelqu'un qui communie, et cela de la manière du monde la plus édifiante, Racine, Lett. 21 à Boileau. Hélas ! le seul office que je pouvais lui rendre, c'était de lui servir la messe, mais c'était un mérite à ses yeux, et voici pourquoi…, Marmontel, Mém. I.

  • 5Servir Dieu, lui rendre le culte qui lui est dû, s'acquitter des devoirs de la religion. Il n'y a que deux sortes de personnes qu'on puisse appeler raisonnables : ou ceux qui servent Dieu de tout leur cœur, parce qu'ils le connaissent ; ou ceux qui le cherchent de tout leur cœur, parce qu'ils ne le connaissent pas, Pascal, Pens. IX, 1, édit. HAVET. Que quand on servait Dieu, on servait bien son roi, Sévigné, 85. [Le prince de Condé mourant] nous avertit que, pour trouver à la mort quelques restes de nos travaux et n'arriver pas sans ressource à notre éternelle demeure, avec le roi de la terre il faut encore servir le roi du ciel, Bossuet, Louis de Bourbon. Le Dieu que nous servons est le Dieu des combats, Racine, Esth. I, 5. Ils laissèrent à chacun la liberté de servir Dieu suivant sa conscience, pourvu que l'État fût bien servi, Voltaire, Russie, I, 2.

    Il se dit des dieux du paganisme. Leurs philosophes connurent que le monde était régi par un dieu bien différent de ceux que le vulgaire adorait, et qu'ils servaient eux-mêmes avec le vulgaire, Bossuet, Hist. II, 5. J'ai mon dieu que je sers ; vous servirez le vôtre, Racine, Ath. II, 7. Des dieux que nous servons connais la différence, Voltaire, Alz. V, 7.

  • 6Obéir à, honorer. L'orgueil de voir vingt rois vous servir et vous craindre, Racine, Iphig. IV, 4.

    Servir une dame, lui rendre des soins assidus, faire profession d'être son amant. Je sers, je le confesse, une jeune merveille, En rares qualités à nulle autre pareille, Malherbe, V, 21. Oui, c'est moi qui voudrais effacer de ma vie Les jours que j'ai vécu sans vous avoir servie, Corneille, le Ment. III, 5. Le comte d'Arran, qui l'avait servie des premiers [Mme de Shrewsbury], n'avait pas été des derniers à la quitter, Hamilton, Gramm. 6.

    Absolument. Prêt à servir toujours, sans espoir de salaire, Racine, Andr. IV, 2.

  • 7Il se dit des emplois de guerre, de magistrature, d'administration que l'on remplit au service de l'État, du prince. Louis XIV fut servi par Vauban dans ses armées. Que, depuis quarante-deux ans qu'il servait le roi, il ne lui avait jamais donné de conseil que selon sa conscience, Bossuet, le Tellier. Ne pouvant servir le roi par ses actions et par ses discours, il [le Tellier] le servit par son repos et par son silence, Fléchier, Le Tellier. Nous servions tous deux l'État, et, le servant, nous voulions l'un et l'autre tout gouverner, Fénelon, Dial. des morts mod. Richel. Mazarin. D'un combat singulier la gloire est périssable ; Mais servir la patrie est l'honneur véritable, Voltaire, Tancr. III, 6. Qui sert bien son pays n'a pas besoin d'aïeux, Voltaire, Mérope, I, 3. Christine, comme tous les princes, aimait mieux être flattée que servie, D'Alembert, Œuvr. t. IV, p. 21.

    On dit dans un sens analogue : servir l'Église. On ne s'engage à servir l'Église que dans l'espérance d'y dominer ; et, si l'on n'espérait pas y dominer un jour, on ne se réduirait jamais à la servir, Bourdaloue, 10e dim. après la Pentec. Dominic. t. III, p. 212.

    Fig. Servir le monde pour Dieu, disait ce grand évêque, c'est une vertu ; servir le monde pour le monde, c'est un désordre, Bourdaloue, 5e dim. après la Pentecôte. Dominic. t. II, p. 460 et 461. On sert mal à la fois la fortune et l'amour, Rousseau, Dev. du vil. sc. 4.

  • 8 Absolument. Être dans le service militaire. Il a longtemps servi sur mer, dans la cavalerie, dans l'infanterie. Il y a vingt ans qu'il sert. Ce sera dans nos jours s'être fait un nom parmi les hommes et s'être acquis un mérite dans les troupes, d'avoir servi sous le prince de Condé, et, comme un titre pour commander, de l'avoir vu faire, Bossuet, Louis de Bourbon. M. de Servière, gentilhomme d'une ancienne noblesse, qui, après avoir longtemps servi, mais peu utilement pour sa fortune, parce qu'il n'avait songé qu'à bien servir, s'était retiré couvert de blessures, Fontenelle, Truchet. Où voudriez-vous servir ? vous n'avez qu'à dire : dans l'infanterie, dans la cavalerie, ou dans les dragons ? Dancourt, la Gazette, sc. 18.

    Faire son service. Ce soldat sert bien. Vous ai-je pas conté comme il [Turenne] rhabilla ce régiment anglais ?… les Anglais ont dit… qu'ils achèveraient de servir cette campagne pour le venger, mais qu'après ils se retireraient, ne pouvant obéir à d'autres, Sévigné, 16 août 1675. Le maréchal de Richelieu venait de conclure, près de Stade, un traité avec les Hanovriens et les Hessois qui ressemblait à celui des fourches caudines : leur armée ne devait plus servir, Voltaire, Comm. Œuvr. aut. Henriade.

  • 9 Terme de guerre. Servir une batterie, une pièce de canon, etc. faire les manœuvres nécessaires pour l'exécution du feu. Le canon des assiégés a été très bien servi, Pellisson, Lett. hist. t. III, p. 330. On dit dans un sens analogue : Ce feu d'artifice a été bien servi, mal servi.

    Servir une pompe, la faire jouer.

  • 10Placer les mets sur la table. Servir le dîner, le souper. Si l'on ne vous servait à table que deux onces de pain, Pascal, Prov. II. Ainsi dit Gilotin, et ce ministre sage Sur table au même instant fait servir le potage, Boileau, Lutr. I. Les nymphes… servirent un repas simple, mais exquis pour le goût et pour la propreté, Fénelon, Tél. I. Ce fut l'orateur Hortensius qui imagina le premier de faire servir des paons sur sa table, Buffon, Ois. t. IV, p. 49. La chair du cygne est noire et dure ; et c'est moins comme un bon mets que comme un plat de parade qu'il était servi dans les festins chez les anciens, et par la même ostentation chez nos ancêtres, Buffon, ib. t. XVII, p. 33. On voit dans les dispensaires du XVIe siècle qu'on servait à la table de François Ier des cervelles de faisans, des langues de carpes et des foies de lottes étuvés au vin d'Espagne, Decourchamp, Souvenirs de la marquise de Créquy, t. IV, ch. VI.

    Fig. Servir un mauvais compliment, faire un mauvais compliment. La voyant échapper, je courais après elle ; Mais un maudit galant m'est venu brusquement Servir à la traverse un mauvais compliment, Corneille, Place Roy. IV, 4.

    Absolument. Voulez-vous qu'on serve ? Servez à six heures. Madame, on a servi sur table, Molière, Critique, 8. Un petit laquais viendra dire qu'on a servi, on se lèvera, et chacun ira souper, Molière, ib.

    Et servez chaud, formule qui, dans les livres de cuisine, termine toutes les recettes de mets qui doivent être mangés chauds.

    Fig. et familièrement. Servez chaud, faites vite, donnez promptement.

    Le dîner, le déjeuner est servi, il est sur la table.

    On dit dans le même sens : Vous êtes servi ; Madame est servie. Je suis servi par ses cuisiniers [de Frédéric II] ; j'ai une reine à droite, une reine à gauche…, Voltaire, Lett. d'Argental, 29 mai 1751. Un quart d'heure après on nous servit, et nous nous mîmes à table, Marivaux, Pays. parv. 4e part. Je l'invitai à souper ; mais elle s'en défendit, et me quitta quand on m'avertit que j'étais servie, Mme Riccoboni, Œuvr. t. III, p. 178.

    Servir à déjeuner, à dîner, à souper, servir à une ou plusieurs personnes ce qu'il faut pour déjeuner, dîner, souper.

    Servir un dîner, un déjeuner, signifie quelquefois, en parlant d'hôteliers, de restaurateurs, donner à dîner, à déjeuner. On nous servit un fort beau dîner.

    Servir une table, la couvrir de plats, de mets. On servit six tables en même temps.

    Servir à quelqu'un un mets, d'un mets, donner d'un mets à un convive. On m'a servi un excellent morceau. Je vais vous servir du saumon.

    On dit aussi : servir à boire à quelqu'un.

    Servir quelqu'un, lui donner de ce qui est sur la table. Vous ai-je servi ? Je vous ai bien mal servi.

    Absolument. C'était la maîtresse de la maison qui servait, elle distribuait les mets aux convives.

    Fig. Servir quelqu'un d'un conte, lui faire un conte. Je le sers aussitôt d'un conte imaginaire Qui l'étonne lui-même et le force à se taire, Corneille, Ment. I, 6. J'ai cru que les digressions feraient plus de bien à cet ouvrage que de tort, et que le lecteur, qui se verrait toujours servi de quelque trait d'histoire curieuse ou de quelque réflexion de bon goût, ne regretterait pas d'avoir perdu de vue la comète de temps en temps, Bayle, Lettre touchant les comètes, avert. au lect.

    Fig. et familièrement. Servir un plat de son métier, voy. PLAT. 2, n° 2.

    Fig. et familièrement. Servir quelqu'un à plats couverts, lui rendre en secret de mauvais offices (voy. PLAT 2, n° 1, et, pour l'explication de cette locution, l'historique de PLAT 2).

  • 11 Terme de jeu de paume. Servir la balle, ou, absolument, servir, jeter une balle sur le toit pour être reçue par ceux qui jouent. C'est à monsieur à servir.

    Fig. [Le premier président dit] que, si M. le Prince avait su jouer la balle qu'il lui avait servie, il avait quinze sur la partie contre moi, Retz, III, 350.

    Servir sur les deux toits, jeter la balle de manière qu'elle aille sur les deux toits avant de tomber.

    Fig. Et familièrement. Servir quelqu'un sur les deux toits, lui fournir l'occasion de faire avec facilité ce qu'il désire.

    Il signifie aussi rendre à quelqu'un avec zèle de grands services.

    Au jeu du ballon, de la balle, du volant, jeter le ballon, la balle, le volant à celui avec qui l'on joue.

    À certains jeux de dés, mettre les dés dans le cornet de celui qui doit jouer. C'est à vous à servir.

  • 12Fournir une marchandise, un objet confectionné. Le boucher vous a mal servi. Ce cordonnier ne vous sert plus aussi bien qu'autrefois. Si vous voulez être servi [recevoir des opuscules de Voltaire], dites-moi donc comment il faut que je vous serve, Voltaire, Lett. d'Alembert, 2 septembre 1768.
  • 13 Terme de finance. Servir une rente, payer l'intérêt d'une somme constituée en rente.

    Terme de jurisprudence. Servir une redevance, acquitter la redevance convenue.

  • 14 Terme de féodalité. Servir le fief, remplir les obligations qui y étaient attachées. Quand les fiefs étaient amovibles, on les donnait à des gens qui étaient en état de les servir, Montesquieu, Esp. XXXI, 33. On fit des dispositions pour la succession future, dans la vue que le fief pût être servi par les héritiers, Montesquieu, ib. 34.
  • 15Faire aller, faire marcher, en parlant de certains moteurs. Ce cours d'eau a été utilisé pour servir un moulin.
  • 16Être utile à. Servir quelqu'un de son crédit, de son épée. Il vous a servi auprès du ministre. Quand la pieuse reine d'Angleterre servait l'Église, elle croyait servir l'État, Bossuet, Reine d'Angl. La souveraine puissance vous est accordée, afin que l'empire de la terre serve l'empire du ciel, Bossuet, Reine d'Angl. Il faut servir nos amis à leur mode, Maintenon, Proverbes, p. 50, dans POUGENS. Inexorables dieux, qui m'avez trop servi, Racine, Phèdre, V, 6. Rarement on sert bien ceux qu'on aime beaucoup, Marivaux, Marianne, 9e part. André Doria est le héros qu'on peut mettre à la tête de tous ceux qui servirent la fortune de Charles-Quint, Voltaire, Mœurs, 125. L'illustre Mme de Sévigné, Pellisson, Gourville, Mlle Scudéry, plusieurs gens de lettres se déclarèrent hautement pour lui [Fouquet], et le servirent avec tant de chaleur qu'ils lui sauvèrent la vie, Voltaire, Louis XIV, 25. Servant ses amis avec zèle, ou plutôt se faisant l'ami des gens qu'il pouvait servir, Rousseau, Conf. V. Je voudrais bien servir la raison, mais je désire encore plus d'être tranquille, D'Alembert, Lett. à Volt. 22 déc. 1765.

    Absolument. Sujet plein d'une fidélité ardente et zélée, et nullement courtisan, il aurait infiniment mieux aimé servir que plaire, Fontenelle, Vauban. N'offenser personne, guérir toutes les jalousies, servir sans cesse, et chercher à plaire comme si l'on ne servait point, Mirabeau, Collection, t. II, p. 289.

    Servir la religion, servir la patrie, faire quelque chose d'avantageux à la religion, à la patrie.

    Servir les passions de quelqu'un, lui fournir les moyens de les satisfaire. Comment puis-je sitôt servir votre courroux ? Racine, Andr. IV, 3. Sers ma fureur, Oenone, et non point ma raison, Racine, Phèdre, III, 1. Qu'importe que notre cœur souffre, pourvu que notre vanité soit servie ? Marivaux, Marianne, 2e part.

    Corneille a dit servir quelqu'un à, l'aider à : Le patrice Aspar le servit à monter au trône, Pulch. au lecteur.

  • 17Il se dit des choses qui secondent, favorisent. Les circonstances, les événements l'ont bien servi. Soit donc que malgré vous le sort vous ait servie, Soit que…, Racine, Brit. V, 6.

    Son bras a mal servi sa valeur, il n'a pas eu autant de force que de courage.

    Sa mémoire l'a mal servi, il a manqué de mémoire.

    Si ma mémoire me sert bien, si j'ai bonne mémoire, si je me souviens bien.

  • 18Servir la jument, se dit de l'action de l'étalon dans l'accouplement.
  • 19 Terme de chasse. Tuer la bête avec une arme. Servir les bêtes rousses à la carabine, Moniteur univ. 13 nov. 1867, p. 1405, 3e col.

    Ce mot est devenu, dans l'argot, synonyme d'assassiner.

  • 20 V. n. Être à un maître comme domestique. Enfin il sentit l'impossibilité absolue de servir à deux maîtres, Fontenelle, Rolle.

    Fig. Il est ainsi, chrétiens : nous sommes des idolâtres, lorsque nous servons à nos convoitises, Bossuet, Panégyr. saint Victor, 1.

  • 21Servir un quartier, une semaine, être de service pendant un quartier, pendant une semaine.

    Fig. Je sers actuellement mon quartier de Tirésie [je suis aveugle] ; mes fluxions sur les yeux me mettent hors d'état d'écrire, Voltaire, Lett. d'Alembert, t31 mars 1766.

  • 22Être esclave, en servitude. Un cœur né pour servir sait mal comme on commande, Corneille, Pomp. IV, 2. Tu veux servir ; va, sers, et me laisse en repos, Racine, Alex. IV, 3. Maintenant elle [la nation juive] sert sous un maître étranger, Racine, Esth. I, 4. Une forêt voisine où nous servirions en esclaves sous ceux qui gouvernaient ses troupeaux, Fénelon, Tél. I. Sers ou meurs, disaient insolemment les Portugais à chaque peuple qui se trouvait sous leurs pas rapides et ensanglantés, Raynal, Hist. phil. I, 24.
  • 23Servir de, tenir lieu de, faire l'office de. Pendant que cette princesse [Livie] vécut, elle servait de quelque barrière, parce que Tibère, accoutumé longtemps à lui obéir, n'osait lui contredire ouvertement, Perrot D'Ablancourt, Tacite, 254. Mon nom sert de rempart à toute la Castille, Corneille, Cid, I, 6. Votre goût a servi de règle à mon ouvrage, La Fontaine, Fabl. V, 1. Vos lettres nous ont servi d'un grand amusement, Sévigné, 28 août 1680. Cette loi divine mal appliquée… nous sert très souvent de fausse règle, Bourdaloue, 1er avent, Fausse consc. 134. Des siéges et des combats servirent d'exercice à son enfance [de Turenne], Fléchier, Turenne. Je vous rends votre fils et je lui sers de père, Racine, Andr. I, 4. Tout doit servir de proie aux tigres, aux vautours, Racine, Esth. I, 3. Hortense, ajouta-t-il en s'en allant, vous n'avez pas voulu me faire de la peine ; mais que ceci vous serve de leçon, Marmontel, Cont. mor. Bon mari. Se servir à soi-même de, faire pour soi-même l'office de. Ils se servent de chiens à eux-mêmes [pour la chasse], Rousseau, Ém. II.

    Servir de preuve que, prouver que. Et ce choix sert de preuve à tous les courtisans, Qu'ils [les rois] savent mal payer les services présents, Corneille, Cid, I, 3.

    Servir d'un trophée à, être comme un trophée pour. Dans leur sang répandu la justice étouffée Aux crimes du vainqueur sert d'un nouveau trophée, Corneille, Cid, IV, 5.

    Fig. Servir de jouet, de plastron, être en butte aux railleries, aux attaques.

    Servir de plastron, signifie aussi être exposé aux attaques, aux importunités de quelqu'un.

    Fig. et familièrement. Servir de couverture, servir de prétexte.

  • 24Servir à, être utile. Fuyez ce qui vous nuit, aimez ce qui vous sert, Régnier, Sat. XII. Je vois bien maintenant à quoi vous servent les opinions contraires que vos docteurs ont sur chaque matière ; car l'une vous sert toujours, et l'autre ne vous nuit jamais, Pascal, Prov. V. La reine, qui accompagne son époux au cœur de l'hiver, joint au plaisir de la suivre celui de servir secrètement à ses desseins, Bossuet, Mar.-Thér. Ce qui nous sert, on le cherche ; mais ce qui nous veut servir, on l'aime, Rousseau, Émile, IV. Je croyais, interrompis-je vivement, que le but de la vie d'un honnête homme n'était pas le bonheur qui ne sert qu'à lui, mais la vertu qui sert aux autres, Staël, Corinne, XII, 2.

    Que sert, à quoi sert-il ? quel avantage revient-il de… ? Mais que sert la colère où manque le pouvoir ? Corneille, Sertor. I, 2. Puis on avait pour son argent, Avec un bon soufflet, un fil long de deux brasses ; La plupart s'en fâchaient, mais que leur servait-il ? C'étaient les plus moqués, La Fontaine, Fabl. IX, 8. Ami, reviens chez moi : que nous sert de pleurer ? Haine, vengeance et deuil, laissons tout à la porte, La Fontaine, ib. X, 12. Que nous servira d'avoir du bien, s'il ne nous vient que dans le temps que nous ne serons plus dans le bel âge d'en jouir ? Molière, l'Av. I, 2. Que lui servirent ses rares talents ? que lui servit d'avoir mérité la confiance intime de la cour ? Bossuet, Anne de Gonz. Qu'as-tu donc servi, ô philosophie ! Bossuet, Hist. II, 11. Quand on n'a rien à répondre, à quoi sert-il d'écouter ? Quinault, Cadm. I, 4. Mais sans un Mécénas, à quoi sert un Auguste ? Boileau, Sat. I. Mais que sert que ta main leur dessille les yeux ? Boileau, Ép. III. Du zèle de ma loi que sert de vous parer ? Racine, Athal. I, 1. Que vous aura-t-il servi de croire, si vos mœurs ont démenti votre croyance ? Massillon, Carême, Vérité de la religion. À quoi sert la vie, quand on n'a point d'amis ? Barthélemy, Anach. ch. 78.

    Impersonnellement. Mais bien vous sert que j'ignore le langage des dieux, Guez de Balzac, liv. V, lett. 15. Rien ne vous a servi, seigneur, de me nommer, Corneille, Othon, I, 3. Rien ne lui servit de se défendre avec ses armes ordinaires, et de raconter des apologues : les Delphiens s'en moquèrent, La Fontaine, Vie d'Ésope. Rien ne sert de courir : il faut partir à point, La Fontaine, Fabl. VI, 10.

    En ce sens, servir prend de avec rien, peu, beaucoup, guère, quoi. Si bien Que tous mes froids dédains n'y servirent de rien, Régnier, Dial. Hélas ! de quoi me sert ce dessein salutaire ? Corneille, Héracl. I, 1. L'un fait beaucoup de bruit qui ne lui sert de guère, Molière, Éc. des f. I, 1. Qui dit suffisant, marque tout ce qui est nécessaire pour agir, et il servirait de peu aux dominicains de s'écrier qu'ils donnent un autre sens au mot de suffisant, Pascal, Prov. II. Les paroles servent de peu quand il s'agit de prouver, Sévigné, 19 janv. 1674. Il ne sert de rien à l'homme de gagner le monde entier, s'il vient à perdre son âme, Massillon, Avent, Bonh. des justes. Les titres ne servent de rien pour la postérité, Voltaire, Louis XIV, 13.

    Cela sert comme un cautère, comme un emplâtre sur une jambe de bois, comme une cinquième roue à un carrosse, cela est tout à fait inutile.

  • 25Servir à, être destiné à tel usage, être propre à. Les juges que leurs artifices faisaient redouter furent sans crédit : leur nom ne servit qu'à rendre la justice plus attentive, Bossuet, le Tellier. Je me souviens qu'il nous ravissait en nous racontant comme en Catalogne, dans les lieux où ce fameux capitaine [César], par l'avantage des postes, contraignit cinq légions romaines et deux chefs expérimentés à poser les armes sans combats, lui-même il avait été reconnaître les rivières et les montagnes qui servirent à ce grand dessein, Bossuet, Louis de Bourbon. S'il y a des choses que l'on doive ignorer, ce sont celles qui ne servent à rien, Malebranche, Rech. vér. IV, 2. Métophis m'envoya vers les montagnes du désert d'Oasis avec ses esclaves, afin que je servisse avec eux à conduire ses grands troupeaux, Fénelon, Tél. II. Les mémoires pour servir à l'histoire de Louis XIV, qu'il [l'abbé de Choisy] avait aussi écrits dans ses moments de loisir, n'ont paru que depuis sa mort, D'Alembert, Éloges, l'abbé de Choisy.

    On a dit aussi servir pour. J'imite les Romains …à qui l'on permettait… de reprendre et de dire Ce qu'ils pensaient servir pour le bien de l'empire, Régnier, Sat. I.

  • 26 Absolument, être utile, avec un nom de chose pour sujet. Ma foi, le jugement sert bien dans la lecture, Boileau, Sat. III. Tout ce qui dut servir s'est tourné contre nous, Voltaire, Oreste, V, 6.
  • 27Être d'usage. Ces gants ne peuvent plus me servir. L'anneau qui lui servait est encore en tes mains, Voltaire, Oreste, II, 1.
  • 28Faire servir à, employer pour un but, pour un résultat. Vous voyez combien cette bulle est dangereuse, par la fin où l'on veut la faire servir, Pascal, Prov. XIX. Par l'effet du même transport qui vous fait parler aux hommes de vos prétentions, vous en venez encore parler à Dieu, pour faire servir le ciel et la terre à vos intérêts, Bossuet, Mar.-Thér. Ils font servir à leurs convoitises les biens qu'ils ont reçus pour exercer leur charité, Fléchier, Duch. d'Aiguillon. Ils [les dieux] ont fait servir Achille à abattre les murs de Troie, Fénelon, Tél. XIX. Il [saint Augustin] veut qu'on fasse servir l'éloquence humaine à la parole de Dieu, et non qu'on rende la parole de Dieu esclave de l'éloquence humaine, Rollin, Traité des Ét. IV, 2. Le dernier degré de la perversité est de faire servir les lois à l'injustice, Voltaire, Dict. phil. Criminel.
  • 29 Terme de marine. Faire servir, faire fonctionner telle voile qui ne fonctionnait pas, de manière qu'elle serve au navire pour sa route ou pour une évolution. Tout cela fut exécuté avec tant de diligence et si à propos, que les ennemis n'étaient qu'à deux portées de canon de moi, lorsque je commençai à faire servir, Rapport de J. Bart, 5 juill. 1696, dans JAL.
  • 30Se servir, v. réfl. Faire pour soi ce qu'on pourrait faire faire à un domestique. Ils [Charles XII et ses compagnons chez les Turcs] se servaient eux-mêmes ; et ce fut le chancelier Mullern qui fit pendant tout ce temps la fonction de cuisinier, Voltaire, Charles XII, 7.
  • 31Prendre de ce qui est sur la table. Servez-vous, point de façons.
  • 32Faire usage de. Dieu, qui emploie toutes choses à ses fins cachées, s'est servi autrefois des chastes attraits de deux saintes héroïnes pour délivrer ses fidèles de leurs ennemis, Bossuet, Reine d'Anglet. Ne puis-je pas dire, pour me servir des paroles fortes du plus grave des historiens, qu'elle allait être précipitée dans la gloire ? Bossuet, Duch. d'Orl. Grâces à mon amour, je me suis bien servie Du pouvoir qu'Amurat me donna sur sa vie [de Bajazet], Racine, Bajaz. I, 3. Je veux l'avancer, dites-vous : comblez-le de biens, surchargez-le de terres, de titres et de possessions ; servez-vous du temps ; nous vivons dans un siècle où elles lui feront plus d'honneur que la vertu, La Bruyère, II. Également capables de se servir de la fortune et de l'attendre, Montesquieu, Rom. V.

    Il se dit aussi des personnes qu'on emploie. Il se sert depuis longtemps de ce tailleur. Je viens remercier et mon père et mon roi D'avoir eu la bonté de s'y servir de moi, Corneille, Nicom. II, 2. Ils [les Romains] se servirent d'Eumènes et de Massinisse pour subjuguer Philippe et Antiochus, comme ils s'étaient servis des Latins et des Herniques pour subjuguer les Volsques et les Toscans, Montesquieu, Rom. VI. Ô puissant Orosmade, vous vous servez de moi pour consoler cet homme ; de qui vous servirez-vous pour me consoler ? Voltaire, Zadig, 17.

    Se servir d'une chose à, s'en servir pour tel usage. Je ne puis fermer les mains ; mais je les remue, et m'en sers à toutes choses, Sévigné, 8 juillet 1676.

  • 33Se servir chez un marchand, avoir l'habitude d'acheter chez lui.
  • 34Se rendre service à soi-même. Ma situation est singulière ; je sers les autres, et je ne me sers pas moi-même, Voltaire, Lett. d'Argental, 14 sept. 1773.

    Se rendre service l'un à l'autre. Ces femmes ont toutes des relations les unes avec les autres, et forment une espèce de république dont les membres, toujours actifs, se secourent et se servent mutuellement, Montesquieu, Lett. pers. 107.

PROVERBES

Il n'y a qu'un mot qui serve, signifie : ou bien décidez-vous, dites-moi votre dernier mot, ou bien : je vous ai dit mon dernier mot. Écoutez : il n'y a qu'un mot qui serve ; je n'entends point que vous ayez d'autres noms que ceux qui vous ont été donnés par vos parrains et vos marraines, Molière, Préc. 5. Il n'y a plus qu'un mot qui serve : M. de Meynières peut-il vous dire tout net ce que j'ai à espérer de M. Hérault ? Voltaire, Lett. d'Argental, 25 janv. 1739.

On n'est jamais si bien servi que par soi-même.

HISTORIQUE

Xe s. Voldrent [ils voulurent] la faire diavle servir, Eulalie.

XIe s. Bel sire reis, je vus ai servit tant, Ch. de Rol. LXVII. Artus et li sien les feroient [frappaient], Et des espées les servoient, à vins et à cens les occistrent, Brut, ms. f° 100, dans LACURNE. Et fine amor si ne doit pas grever Ceus qui painent toz jors de lui servir, Couci, X. Cele cui [que] j'ai toz jors en remenbrance, Si que mes cuers ne sert d'autre labor, ib. XVI. Ainçois me dout [je crains] qu'en trestout mon aage Ne puisse assez li [elle] et s'amor servir, ib. XI. De pou [peu] me sert que me vuet [veut] conforter D'autrui aimer…, ib. X. Et sachiez bien, se biauz servirs ne ment [trompe]…, ib. XII. On ne puet [peut] pas servir à tant seignour, ib. XXIV. De maint annui [j'] ai puis esté servis Et eschapez de perilleuse voie, ib. p.124. Cel jour firent François d'Anseys chevalier ; Car encores servoit au role d'escuier, Sax. IV. Car onc ne lui rendimes… Coustume ne peage fors de nos aciers frois ; Mais de ce l'avons bien servi par maintes fois, ib. XXXIII. Unz sainz huem li a dit, cui il l'ala gehir [avouer], Que l'endemain matin, quant devra Deu servir, Qu'il chant de saint Estiefne le primerain martyr, Th. le mart. 35. À son soper [elle] le servi bel E del peisson e del gastel, Grégoire, p. 89.

XIIIe s. Mains grans princes ce jour de servir [à table] se presente, Berte, X. Com celle qui ne fine [cesse] De servir plus à gré qu'une povre meschine [servante], ib. LVI. Et dist Belins : je n'en puis mès, Je serf à un vilein felon Qui onc ne me fist se mal non, Ren. 13173. Et quant par votre fol respons M'avés mon songe ainsinc espons, Servi m'avés de grans mençonges, la Rose, 6631. Toutes fames sers et honore, D'eles servir poine et labore, ib. 2125.

XIVe s. Tousjours li mieux servi sont tousjours li plus grant, Guesclin, var. des vers 18118-18131. J'ai tout adez oï et dire et recorder ; Qui sert et ne parsert, il ne peut profiter, ib. 9014. Jehan Dourderon, poure valet charton, servant devant autrui [au service d'autrui], Du Cange, servire. Il s'en revint à S. Felix le dimanche suivant, pour servir son jour [comparaître à l'assignation] à l'endemain ensuivant contre ledit David, ib.

XVe s. Nonobstant qu'ils eussent bien servy son pere au recouvrement et pacification du royaulme, Commines, I, 3. C'est si tard qu'il ne sert plus de gueres, Commines, I, 10. Et pour les pers de France s'y trouverent ceux qui s'ensuivent : le premier fut le duc d'Alençon (qui servoit pour le duc de Bourgongne) ; le deuxieme, monseigneur de Bourbon (qui servoit pour le duc de Normandie)…, Commines, VIII, 20. Tout sert ; mais par sainte Marie, Il ne fait pas ce tour qui veult, Villon, Nouv. ball.

XVIe s. Il montoit sur une vieille mulle, laquelle avoit servi neuf roys, Rabelais, Garg. I, 22. Ceste cavillation ne leur sert de rien, Calvin, Inst. 94. Ils avoient la charge de penser les povres, et leur servir, Calvin, ib. 852. Il n'est question sinon de nourrir entre nous charité, en servant les uns aux autres, Calvin, ib. 967. Dans la ville d'Amboise demeuroit le serviteur d'une princesse, qui la servoit de valet de chambre, Marguerite de Navarre, Nouv. XXVII. Se servir d'une chose, Montaigne, I, 19. Le tromper peult servir pour le coup, Montaigne, I, 24. Moyen qui sert à vaincre, Montaigne, I, 25. Quoi qu'il en soit, je ne vouldrois pas estre servy de cette façon, Montaigne, I, 59. Qui a apprins à mourir, il a desapprins à servir, Montaigne, I, 77. J'en sçais à qui il a servy d'y apporter…, Montaigne, I, 94. Les exemples fabuleux y servent comme les vrais, Montaigne, I, 102. Je ne fus jamais sans homme qui m'en servist [de la musique, qui m'en jouât], Montaigne, I, 195. Le sommelier servit de ce vin au pape, Montaigne, I, 253. On trouve des personnes ayans des opinions differentes, quant à la maniere de servir à Dieu, Lanoue, 79. Les sciences servent d'un grand ornement aux nobles, Lanoue, 121. Il les feit servir de viandes fort simples et communes, Amyot, Numa, 26. Servir et honorer les dieux, Amyot, ib. 31. Mais tout cela ne servoit de rien, Amyot, Sylla, 73. Il estoit servy en vaisselle d'or et d'argent, Amyot, Lucull. 80. L'epiglotte sert de comprimer le passage et conduit des cartilages du larynx, Paré, IV, 15. Un seul hommeau, et le plus souvent le plus lasche et femenin de la nation… tout empesché de servir vilement à la moindre femmelette, La Boétie, Serv. volont. Qui sert commun, nul ne le paye, et, s'il defaut, chascun l'abaye, Cotgrave Assez demande qui bien sert, Cotgrave Un bien servy [certificat donné à un domestique], Oudin, Dict.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

SERVIR. Ajoutez :
35Se servir, être mis, servi sur table. Ce plat se sert sur les meilleures tables.
Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Étymologie de « servir »

Bourguig. sarvi ; Berry, sarvir ; wallon, siervi ; provenç. servir, sirvir ; espagn. servir ; ital. servire ; du lat. servire.

Version électronique créée par François Gannaz - http://www.littre.org - licence Creative Commons Attribution

Du latin servire (« servir », « être esclave », « vivre dans la servitude »).
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « servir »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
servir sɛrvir

Fréquence d'apparition du mot « servir » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « servir »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « servir »

  • Chaque miette de vie doit servir à conquérir la dignité !
    Fatou Diome — Le ventre de l’Atlantique
  • Ce qui cesse de servir finit par être nuisible.
    Esther Rochon — En hommage aux araignées
  • Vous ne savez pas comment servir les hommes. Comment sauriez-vous servir les dieux ?
    Confucius — Entretiens
  • On n'est jamais si bien servi que par soi-même.
    Charles Guillaume Étienne — Brueys et Palaprat
  • L’huître, de la grosseur d’un galet moyen, est d’une apparence plus rugueuse, d’une couleur moins unie, brillamment blanchâtre. C’est un monde opiniâtrement clos. Pourtant on peut l’ouvrir : il faut alors la tenir au creux d’un torchon, se servir d’un couteau ébréché et peu franc, s’y reprendre à plusieurs fois. Les doigts curieux s’y coupent, s’y cassent les ongles : c’est un travail grossier. Les coups qu’on lui porte marquent son enveloppe de ronds blancs, d’une sorte de halos.À l’intérieur l’on trouve tout un monde, à boire et à manger : sous un firmament (à proprement parler) de nacre, les cieux d’en dessus s’affaissent sur les cieux d’en dessous, pour ne plus former qu’une mare, un sachet visqueux et verdâtre, qui flue et reflue à l’odeur et à la vue, frangé d’une dentelle noirâtre sur les bords.Parfois très rare une formule perle à leur gosier de nacre, d’où l’on trouve aussitôt à s’orner.
    Francis Ponge —  Le parti pris des choses 
  • Je pourrais noyer le poisson, m’en tirer par des clichés, et vous servir tout à trac l’épopée du Sauveur, des martyrs et tutti quanti.
    Yann Queffélec — Le Charme noir
  • Tels étaient à peu près le sens et le but de ces prosternations de Gaudiosa. Et celle-ci, à la vérité, malgré son jeune âge, semblait convaincue jusqu’au fond de l’âme de la solennité de sa mission qui était, qu’il nous soit permis de faire cette comparaison, de servir de miroir aux alouettes ou d’appeau pour les fatals surveillants célestes.
    Elsa Morante — Mensonge et sortilège
  • L'homme doué sait se servir de son obscurité.
    Jacques de Voragine — La légende dorée
  • Pour être vivante, une légende doit servir.
    Louis Lefebvre — Le Collier d'Hurrucan
  • Un coeur né pour servir sait mal comme on commande.
    Pierre Corneille — La Mort de Pompée
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Traductions du mot « servir »

Langue Traduction
Anglais to serve
Espagnol servir
Italien per servire
Allemand dienen
Chinois 服务
Arabe ليخدم
Portugais servir
Russe служить
Japonais 奉仕する
Basque zerbitzatu
Corse serve
Source : Google Translate API

Synonymes de « servir »

Source : synonymes de servir sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « servir »

Combien de points fait le mot servir au Scrabble ?

Nombre de points du mot servir au scrabble : 9 points

Servir

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