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Trahir

Définitions de « trahir »

Trésor de la Langue Française informatisé

TRAHIR, verbe trans.

I. − Empl. trans.
A. − [Corresp. à trahison]
1. [Le compl. d'obj. désigne une pers., une collectivité]
a) Livrer ou abandonner avec perfidie. Trahir son camp, son chef, sa patrie, son pays; trahir qqn par intérêts. J'ai vu les jours affreux où le cri de déroute: « Nous sommes trahis! » dispersait nos bataillons devant l'envahisseur (Clemenceau, Iniquité, 1899, p. 50).Les généraux nous trahissent (...) et livrent nos armées à l'ennemi (A. France, Dieux ont soif, 1912, p. 114).
Absol. Faire cause commune avec l'ennemi. Il suffirait d'un capitaine qui trahît ou qui perdît la tête pour que de grandes catastrophes arrivassent (Mérimée, Lettres ctessede Montijo, t. 1, 1848, p. 295).
b) Tromper la confiance de quelqu'un; manquer à la foi donnée à quelqu'un, à la solidarité envers quelqu'un. Trahir ses amis, ses camarades. Et cette victoire elle aussi je l'ai donnée, bien des fois, à ceux qui s'en étaient remis à moi de tout leur sort, je la leur ai donnée malgré eux, contre eux, dupé par eux, trahi par eux, trahi par mes maîtres, trahi par mon frère, trahi par mes fils (Montherl., Malatesta, 1946, II, 5, p. 476).Quand l'élève trahit le maître c'est tout à l'honneur du maître. Cela prouve que le maître lui a permis de s'opposer à lui et de devenir un homme (Choisy, Psychanal., 1950, p. 227).
Absol. Quoi de plus simple? Quand on veut trahir, ce ne sont jamais les raisons qui manquent (Aymé, Vogue, 1944, p. 143).
Proverbe. On n'est jamais trahi que par les siens. ,,Ce sont les amis (qui ont donné leur foi) et non les ennemis qui trahissent`` (Rob. 1985).
En partic. Abandonner la personne aimée pour une autre personne. Il se crut un homme sensible trahi par une femme infidèle (Staël, Corinne, t. 3, 1807, p. 310).
Part. passé en empl. adj. Époux trahi. Un murmure passa entre ses dents serrées, le « oh » gémissant et violent de l'amant trahi (Vercors, Sil. mer, 1942, p. 75).
Part. passé en empl. subst. La vieillesse et la maladie, pour lesquelles j'acquiers une grande répulsion: toutes deux voudront bientôt me serrer de près. D'avance, je me bouche les narines... Les malades d'amour, les trahis, les jaloux doivent sentir la même odeur (Colette, Naiss. jour, 1928, p. 12).
2. Trahir qqc.
a) Manquer à quelque chose qu'on doit observer. Synon. rompre, violer.Trahir sa foi, une promesse, la parole donnée, ses engagements. Leur chef avait fait vœu d'une victime humaine, Et puis il avait cru pouvoir impunément Se jouer de Diane et trahir son serment! (Dumas père, Caligula, 1837, ii, 9, p. 78).Lui aussi avait été trompé par ce prêtre, tout souillé de son adultère divin, ayant trahi ses serments, rapportant sur lui des caresses défendues, dont la senteur lointaine suffisait à exaspérer sa continence de bouc qui ne s'était jamais satisfait (Zola, Faute Abbé Mouret, 1875, p. 1441).
b) Mal seconder, mal servir quelque chose; agir contre quelque chose, à l'encontre de quelque chose. Synon. desservir3, faire du tort à, nuire à.Trahir une cause, un parti; trahir le droit, la justice, la vérité; trahir les intérêts de qqn. Il a une particularité [le marchand de cognac]: sa dignité de marchand. Il se laissera ruiner plutôt que de trahir la marque (Chardonne, Attach., 1943, p. 64).S'il est des injures inexpiables, c'est bien celles que nous reçûmes de ces anciens compagnons de chaîne, qui n'avaient pas même l'excuse de l'ignorance pour trahir notre cause et travestir la vérité (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 130).
En partic. Ne pas répondre à une attente, rendre vain. Synon. décevoir.La fortune a trahi nos efforts; les événements trahirent ses espérances (Ac. 1835-1935). Sous prétexte de lui faire confiance, tu trahis la confiance que d'autres ont mise en toi (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 371).
Part. passé en empl. adj. Ses jeunes traits étaient empreints d'une grâce nébuleuse, son regard attestait des efforts trahis, mille espérances trompées (Balzac, Peau chagr., 1831, p. 8).
3. Au fig.
a) Trahir qqn.[Le suj. désigne une chose] Faire défaut à, ne pas seconder quelqu'un. Synon. abandonner, lâcher1.Jeanne devint toute pâle et sentit tout son sang affluer à son cœur... Elle voulut se lever, courir à la rencontre de celui qu'elle attendait... Ses forces la trahirent, et elle ne put quitter son siège (Ponson du Terr., Rocambole, t. 1, 1859, p. 630).Quelle image plus effrayante souhaiter: celle d'un homme que son corps trahit et qui faute d'être mort à temps consomme la comédie en attendant la fin (Camus, Sisyphe, 1942, p. 105).
b) Trahir qqn/qqc.[Le suj. désigne une pers.]
Ne pas être fidèle à l'esprit de quelqu'un. J'ai vu MmeBartet jouer Antigone à la Comédie-Française. Elle était exquise de goût, de plastique et de douceur, mais elle trahissait Sophocle (Barrès, Voy. Sparte, 1906, p. 87).Nietzsche, du moins dans sa théorie de la surhumanité, Marx avant lui avec la société sans classes, remplacent tous deux l'au-delà par le plus tard. En cela, Nietzsche trahissait les Grecs et l'enseignement de Jésus qui, selon lui, remplaçaient l'au-delà par le tout de suite (Camus, Homme rév., 1951, p. 104).
Ne pas traduire fidèlement quelque chose. Synon. déformer, dénaturer, fausser.Mon mari s'est laissé aller à sa vivacité et ses paroles ont sûrement trahi sa pensée (Aymé, Cléramb., 1950, ii, 8, p. 115).Ce théâtre [de Feydeau] est le direct héritier de la tragédie grecque. Nos classiques en avaient trahi l'esprit, en y introduisant le sentiment et sa gratuité, ses nuances, ses contradictions savamment combinées (Morand, Eau sous ponts, 1954, p. 99).
Absol. Comment faire tenir en quelques lignes une journée de lectures, de réflexions, d'entretiens? Les faits saillants ne s'expliquent que par tout ce qui manque. Résumer, c'est dénaturer, c'est trahir (Green, Journal, 1949, p. 234).
B. − P. ext.
1. [Le suj. désigne une pers.]
a) Trahir qqc.Faire connaître volontairement ce qui devait rester caché. Synon. divulguer, livrer, révéler.Bien sûr elle n'aurait jamais trahi un secret; mais elle n'encourageait pas aux confidences: elle affichait trop de curiosité et témoignait trop peu de sympathie (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 541).
b) Région. (Berry, Sologne). Trahir qqn.Découvrir, surprendre quelqu'un. Le soir où il avait colleté, c'était elle [la fillette] qui l'avait trahi cherchant ses places au bois (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 179).
2. [Le suj. désigne une chose] Faire connaître. Il ne voulait pas être reconnu, mais sa voix l'a trahi (Ac.1935).Mais un mouvement imprimé au bouton de la porte avait trahi ma présence, et Max l'ouvrit au moment où je battais en retraite (Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 116).
En partic. Laisser apparaître; être le signe, l'indice de quelque chose. Synon. annoncer, déceler, dénoter, indiquer, montrer.Les larges épaules, la taille courte et trapue, les fortes mains trahissaient l'homme habitué à de rudes exercices (Ponson du Terr., Rocambole, t. 2, 1859, p. 32):
Déjà, il était devant l'étalage des journaux, et, à travers la haute vitre, il apercevait Marie-Jeanne, assise au comptoir, toute pâle, avec un volume ouvert devant elle, dont elle avait sans doute interrompu la lecture, pour causer avec un homme pas très âgé, dont le visage trahissait une usure précoce. Bourget, Actes suivent, 1926, p. 121.
[Le compl. d'obj. désigne un état, un sentiment] Un léger tremblement trahissait sa nervosité. Il n'y avait aucun luxe: la grande table, les chaises, un buffet d'acajou; et, seuls, deux fauteuils profonds trahissaient l'amour du bien-être, les longues digestions heureuses (Zola, Germinal, 1885, p. 1195).Ses gestes incohérents trahissaient sa fébrilité (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 670).
II. − Empl. pronom.
A. − Se livrer, se dénoncer les uns les autres. Malatesta: (...) Je marche au milieu des traîtres comme on marche au milieu des arbres dans une forêt. Isotta: Ils se trahissent d'abord entre eux. C'est pourquoi vous êtes en vie (Montherl., Malatesta, 1946, i, 8, p. 461).
B. − Empl. pronom. réfl.
1. Manquer à soi-même, se renier. La science a pour objet l'étude des phénomènes; elle se trahit elle-même, si elle commence par se faire des phénomènes une idée qui les transforme en choses en soi (É. Boutroux, Contingence, 1874, p. 32).Mentir; je m'y résignai mal: il me semblait me trahir moi-même (Beauvoir, Mém. j. fille, 1958, p. 192).
2. Se faire découvrir. Se trahir en faisant du bruit. (Dict. xixeet xxes.).
En partic. Laisser paraître des idées, des sentiments, un état qu'on voulait cacher. Comme l'écrivain, le peintre se met dans son œuvre; il y est présent, il s'y trahit et s'y révèle (Séailles, E. Carrière, 1911, p. 31).La jeune fille souffrait (...), sans discrétion (...) Au reste, eût-elle gardé pour la solitude de sa chambre ses explosions de chagrin qu'elle se fût encore trahie par son silence, ses soupirs, ses yeux rougis (Green, Malfaiteur, 1955, p. 78).
C. − Être révélé, se manifester. Eh bien, Modeste est gaie! (...) Cette gaieté se trahit par les notes de sa voix, par des accents que je saisis, que j'explique (Balzac, Modeste Mignon, 1844, p. 35).Dans l'Oural, le voisinage d'une côte se trahit par la nature arénacée des sédiments du grès d'Artinsk (Lapparent, Abr. géol., 1886, p. 211).
REM.
Trahisseur, subst. masc.,rare. Personne qui trahit. Là sont les trahisseurs mêlés aux parricides, Tous les despotes fous redevenus lucides, L'homme loup et l'homme renard (Hugo, Légende, t. 6, 1883, p. 72).
Prononc. et Orth.: [tʀai:ʀ], (il) trahit [tʀai]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Fin xes. « tromper perfidement, manquer de foi envers quelqu'un » (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 150: Per que'm trades in to baisol?); ca 1160 traïr (Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 1749); 2. ca 1590 fig. trahir « révéler » (Montaigne, Essais, I, 21, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 102). Francisation sur le modèle des verbes en -ir, du lat. tradere « transmettre », « confier »; écrit avec -h- pour séparer les voyelles. Fréq. abs. littér.: 3 977. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 6 163, b) 4 754; xxes.: a) 4 642, b) 6 312.

Wiktionnaire

Verbe - français

trahir \tʁa.iʁ\ transitif 2e groupe (voir la conjugaison) (pronominal : se trahir)

  1. Faire une perfidie à quelqu’un ; lui manquer de foi.
    • Monsieur, répondit la reine, je puis ne pas aimer mon mari, mais personne n’a le droit d’exiger de moi que je le trahisse. De bonne foi, trahiriez-vous les secrets de la princesse de Porcian, votre femme ? — (Alexandre Dumas, La Reine Margot, 1845, volume I, chapitre II)
    • Je fus stupide et naïf, je méritai ce qui m'arriva. Je me fis détrousser. Peu m'importait l'argent que je perdis. On me trahit. — (William Guéraiche, Philippines contemporaines, Éditions Les Indes savantes, 2013, page 273)
  2. Manquer de respect ou de considération, en parlant des choses.
    • Oui, mon père à peine en terre, j'étais coupable, oubliant mon deuil, trahissant mon chagrin et son souvenir. — (Jean Rogissart, Hurtebise aux griottes, L’Amitié par le livre, Blainville-sur-Mer, 1954, p. 33)
    • Trahir les intérêts de quelqu’un, la confiance de son ami.
    • Trahir la vérité, sa conscience, son devoir, sa promesse, sa foi, ses serments.
  3. (Droit) (Absolument) Livrer son pays, sa patrie ; agir par perfidie contre la sécurité de son pays.
  4. Découvrir ou révéler ce qu’on voulait tenir caché.
    • Maudit accent qui me trahit toujours ! C’est vrai, j’arrive d’Italie. — (Michel Zévaco, Le Capitan, 1906, Arthème Fayard, collection « Le Livre populaire » no 31, 1907)
    • Pensant à son accoutrement, il se défit de son faux-col et de sa casquette blanche d’aéronaute, qui pouvaient le trahir, […]. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 356 de l’édition de 1921)
    • Sa figure intelligente, dont les traits et le teint trahissaient une assez forte proportion de sang soudanais, […], prenait par moments une expression de grande affabilité. — (Frédéric Weisgerber, Trois mois de campagne au Maroc : étude géographique de la région parcourue, Paris : Ernest Leroux, 1904, page 67)
    • Rien dans son regard ne trahissait jamais la moindre pitié, c’était un pur soldat, dépourvu d’états d'âme. — (Arkan Simaan, L’écuyer d’Henri le Navigateur, éditions L'Harmattan, 2007, page 36)
  5. Surprendre.
    • S’il lui arrivait à présent de trahir un lapin au taillis, assis sur son derrière […]. — (Maurice Genevoix, Raboliot, 1925, quatrième partie, chapitre 2, page 221 de l’édition du Livre de Poche)
  6. Ne pas seconder, desservir, rendre vain, décevoir.
    • La fortune a trahi nos efforts.
    • Les événements trahirent ses espérances.
  7. (Pronominal) Agir contre ses propres intérêts.
    • Il s’est trahi lui-même en cette affaire.
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Littré (1872-1877)

TRAHIR (tra-ir ; au XVIe siècle, Palsgrave, p. 19, recommande de prononcer l'h aspirée) v. a.
  • 1Proprement, livrer par perfidie, et, en général, faire une perfidie à quelqu'un. Qui trahit tous nos dieux aurait pu vous trahir, Corneille, Poly. III, 2. Monsieur ajouta encore deux ou trois conditions aussi engageantes, que j'ai oubliées, avec des opprobres contre la Rivière, qui le trahissait, me dit-il, pour les deux autres, et qui les trahissait pourtant tous trois, Retz, Mém. t. II, liv. III, p. 186, dans POUGENS. Le roi d'Angleterre est toujours trahi, même par ses propres officiers, Sévigné, 496. Les gardes fidèles de nos rois [les Ecossais] trahissent le leur [Charles Ier], Bossuet, Reine d'Angleterre. Moi ! je pourrais trahir le Dieu que j'aime ! Racine, Esth. II, 9. Une femme [Cléopâtre] à qui Antoine avait sacrifié le monde entier le trahit, Montesquieu, Rom. 13. Quiconque est soupçonneux invite à le trahir, Voltaire, Zaïre, I, 5.

    Absolument. Qui promet de trahir peut manquer de parole, Corneille, Othon, v, 6. Je crois qu'à mon exemple, impuissant à trahir, Il hait à cœur ouvert ou cesse de haïr, Racine, Brit. v, 1.

  • 2Manquer à ce que l'on doit à quelqu'un, sacrifier ses intérêts. Vous m'avez de César confié la jeunesse… Mais vous avais-je fait serment de le trahir ? Racine, Brit. I, 2. De quel droit sur vous-même osez-vous attenter ?… Vous offensez les dieux auteurs de votre vie ; Vous trahissez l'époux à qui la foi vous lie ; Vous trahissez enfin vos enfants malheureux, Que vous précipitez sous un joug rigoureux, Racine, Phèdre, I, 3.

    Trahir les intérêts de quelqu'un. Trahir les intérêts ne signifie dans notre langue que mal conduire, oublier les intérêts de quelqu'un, nuire à ses intérêts, non pas être perfide et traître, Voltaire, Louis XV, 34.

    Trahir la confiance de quelqu'un, manquer à la confiance qu'il a en nous. La mort de Bing, coupable ou non, annonçait d'une manière terrible à ceux qui servaient la nation, le sort qui les attendait, s'ils trahissaient la confiance qu'on avait en eux, Raynal, Hist. phil. x, 15.

  • 3Être infidèle en amour, en amitié. Lui [Pyrrhus] qui me fut si cher et qui m'a pu trahir ! Racine, Andr. II, 1. Penses-tu qu'en effet Zaïre me trahisse ? Voltaire, Zaïre, IV, 5. Isabelle, fille de Philippe le Bel, femme galante, jalouse de son mari, qu'elle trahissait, Voltaire, Mœurs, 75.
  • 4Agir contre, en parlant de devoirs, de sentiments, d'obligations. Mais ce serait trahir tout ce que je leur dois, Que leur promettre un cœur, quand il n'est plus à moi, Corneille, Œd. I, 3. Morbleu ! c'est une chose indigne, lâche, infâme, De s'abaisser ainsi jusqu'à trahir son âme ! Molière, Mis. I, 1. Je ne viens pas ici justifier la créature devant son créateur ; je trahirais l'humilité de l'une, j'offenserais la vérité de l'autre, Fléchier, Duch. d'Aiguillon. Ainsi les uns trahissaient l'empereur par une préoccupation de religion ; l'autre trahissait sa religion par la passion qu'il avait de devenir empereur, Fléchier, Hist. de Théod. III, 5. Je vais trahir ma gloire et montrer ma faiblesse, Quinault, Rol. I, 5. Je ne puis estimer ces dangereux auteurs Qui… Trahissant la vertu sur un papier coupable…, Boileau, Art p. IV. Ils [les janissaires] ne trahiraient pas l'honneur de tant d'années, Racine, Baj. I, 1. Un enfant est peu propre à trahir sa pensée, Racine, Ath. II, 6. J'ai si souvent trahi là-dessus mes promesses, Massillon, Avent, Délai. L'excès de mon zèle m'a fait trahir mon devoir, Lesage, Diable boit. 4. Ce serait trahir la mémoire de Corneille que de ne pas imiter la candeur avec laquelle il se juge lui-même : on doit la vérité au public, Voltaire, Comm. Corn. Rem. Horace, v, sc. dern.

    Trahir la vérité, parler contre la vérité. Et parce que j'en use avec honnêteté, Et ne le veux trahir, lui, ni la vérité, Molière, Mis. v, 1. M'avez-vous vu, monsieur, trahir la vérité dans quelque occasion que ce fût ? Beaumarchais, Mère coupable, III, 8.

    Trahir ses sentiments, parler contre ses sentiments. Ce sont des sentiments que je ne puis trahir ; Je ne veux point de rois qui sachent obéir, Corneille, Nicom. III, 2. Si vous êtes touché de la vertu et de la justice, pourquoi trahir là-dessus vos sentiments ? Massillon, Carême, Resp. hum.

  • 5Trahir quelqu'un, révéler son secret. Ah ! malheureux Arcas, ta m'as trahi, Racine, Iph. IV, 4.

    Trahir le secret d'autrui, le révéler. Quoique je sois jeune, j'ai déjà vieilli dans l'habitude de ne dire jamais mon secret, et encore plus de ne trahir jamais, sous aucun prétexte, le secret d'autrui, Fénelon, Tél. III.

    Avec un nom de personne pour régime indirect et un nom de chose pour régime direct, révéler à, par trahison. Mais surtout cachez-lui ce que je fais pour vous… Que je vous puisse encor trahir son artifice, Et, pour mieux vous servir, rester à son service, Corneille, la Pl. roy II, 1. Cléopâtre a lieu d'attendre ce jour-là à faire confidence à Laonice de ses desseins et des véritables raisons de tout ce qu'elle a fait ; elle [Laonice] eût pu trahir son secret aux princes, ou à Rodogune, si elle l'eût su plus tôt, Corneille, Rod. Examen.

  • 6Payer d'ingratitude. Commençons un combat qui montre par l'issue Qui l'aura mieux de nous ou donnée ou reçue [la vie] : Tu trahis mes bienfaits, je les veux redoubler, Corneille, Cinna, v, 3.
  • 7Déceler. Un cri, un geste involontaire, un mot échappé trahissent le sentiment, la pensée qu'on voudrait cacher. Elle m'a cru vainqueur… Et soudain sa colère a trahi son amour, Corneille, Cid, v, 7. Sa douleur a trahi les secrets de son âme, Et ne vous permet plus de douter de sa flamme, Corneille, ib. IV, 5. La rougeur de son front trahissait sa pensée, Voltaire, Sémir. II, 1.
  • 8En parlant des choses, ne pas seconder, rendre vain, décevoir. S'il est pour me trahir des esprits assez bas, Ma vertu pour le moins ne me trahira pas, Corneille, Cinna, I, 4. Hélas ! tout me trahit, et ma puissance est vaine ! Quinault, Arm. v, 4. Vous n'auriez pas survécu à un accident qui eût trahi là-dessus vos précautions et vos artifices, Massillon, Avent, Jug. univ. Si le clergé se flatta que la paix le rétablirait dans ses possessions, les événements trahirent ses espérances, Raynal, Hist phil. IV, 17.

    Ma parole a trahi ma pensée, mon intention, elle l'a mal traduite. (La parole, acte volontaire, traduit mal la pensée ; mais un mot échappé involontairement la décèlerait ; voy. plus haut, au n° 7.)

  • 9Faire défaut à. Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire… Trahit donc ma querelle, et ne fait rien pour moi ! Corneille, Cid, I, 7.
  • 10Se trahir, v. réfl. Agir contre ses propres intérêts. Dussé-je me trahir, Puisque vous le voulez, je jure d'obéir, Corneille, D. Sanche, I, 3. Vous-même, en ma faveur, vous voulez vous trahir ! Racine, Phèdre, II, 2.
  • 11Découvrir par imprudence ou par hasard ce qu'on voulait tenir caché. Ah ! je respire enfin, et ma joie est extrême Que le traître une fois se soit trahi lui-même, Racine, Bajaz. IV, 5. Songez à vos promesses, craignez de vous trahir dans cette première entrevue, Genlis, Veillées du château t. II, p. 79, dans POUGENS.

    Révéler le secret l'un de l'autre. Mais, en obéissant, ne nous trahissons pas, Racine, Mithr. I, 5.

REMARQUE

Corneille a employé trahir à dans le sens de sacrifier à : Et, mettant différence entre ces deux coupables, J'ai trahi la justice à l'amour paternel, Corneille, Poly. III, 3. Il a dit aussi se trahir à pour se livrer à : Souffrir qu'il se trahisse aux rigueurs de mon sort, Corneille, Hér. IV, 1.

HISTORIQUE

XIe. s. Traït vos ad ki à guarder vos out, Ch. de Rol. XCI.

XIIe s. Se j'en travail [souffre], je n'en sai qui blasmer, Fors ses douz ieus et son simple viaire, Dont li mien sont traïs en l'esgarder, Couci, II. Douce dame, d'orgueil vous deffendez, Ne trahissiez vos biens [qualités] ne vos biautez, ib. XIV.

XIIIe s. Lors pristrent conseil privéement pour lor seigneur traïr, Villehardouin, XCVII. [toi] Qui ainsi m'as traïe de traïson cruel, Berte, XXVI. Blanchefleur traïrai [j'empoisonnerai] en pomme ou en cerise, ib. LXXVI. Et Blanchefleurs s'escrie : haro ! traï, traï, ib. LXXXIX.

XVe s. Quand les seigneurs de France veirent leur logis ardoir et ouirent le ery, ils coururent vers leurs logis, crians : trahy, trahy, Froissart, liv. v, p. 97, dans LACURNE.

XVIe s. Mais paravant je luy voy Douter le mutin suysse Qui avoit trahy sa foy, Du Bellay, J. III, 41, recto. Les mouvements forcez de nostre visage nous trahissent aux assistants, Montaigne, I, 97. Il trahit aux Russiens Visilicie, grande et riche cité, Montaigne, III, 247. Antigonus n'a pas esté seul, qui a dit qu'il aimoit ceulx qui trahissoient, et avoit en haine ceulx qui avoient trahi, Amyot, Rom. 26. Ilz conspirerent de trahir la chose publique aux barbares, Amyot, Arist. 32. Il [Antoine] se retira dedans la ville, criant que Cleopatra l'avoit trahy à ceulx contre qui il avoit entrepris et fait la guerre pour l'amour d'elle, Amyot, Anton. 98. Quand l'espoir, riant à mes yeux, De mon cœur vous trahit la porte, Desportes, Œuv. p. 273.

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Étymologie de « trahir »

Du moyen français trahir, de l’ancien français traïr, trair, trahir, du latin trādere (« transmettre, livrer, remettre par trahison »), d’où « trahir » dérivé de dăre (« donner ») avec le préfixe trans-. La racine latine a aussi donné le substantif tradition (« action de transmettre, ce qui est transmis »).
Cognat du portugais trair, de l’occitan traïr, l’espagnol traer, de l’italien tradire.
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Prov. trahir ; cat. trair ; anc. espagn. traer ; portug. trair ; ital. tradire ; du lat. tradere, livrer, corrompu par la bouche romane en tradire, de tra, indiquant transmission, et dere, pour dare, donner.

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Phonétique du mot « trahir »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
trahir trair

Fréquence d'apparition du mot « trahir » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « trahir »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « trahir »

  • Tel qui trahit se perd, et les autres avec lui.
    Anonyme — Chanson de Roland
  • Rome, si tu te plains que c'est là te trahir, Fais-toi des ennemis que je puisse haïr.
    Pierre Corneille — Horace, I, 1, Sabine
  • Vivent mes ennemis ! Eux du moins ne peuvent pas me trahir.
    Henry Millon de Montherlant — Malatesta, I, 8, Malatesta , Gallimard
  • Judas aurait pu devenir un saint, le patron de nous tous qui ne cessons de trahir.
    François Mauriac
  • Un scénariste doit chaque jour tuer son père, violer sa mère et trahir sa patrie.
    Luis Bunuel
  • Quiconque est soupçonneux invite à le trahir.
    Voltaire — Zaïre
  • On n’est jamais trahi ; on se sert des autres pour se trahir soi-même.
    André de Richaud — La confession publique
  • Chacun a besoin que l'autre ait besoin de lui. Dans un couple, trahir l'autre, c'est se trahir soi-même.
    Pierre Dehaye — Un Même Mystère
  • Qui est souvent à la cour du roi, finit toujours par trahir ses amis.
    Proverbe africain
  • Pour trahir, il faut d'abord appartenir.
    Harold "Kim" Philby
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Traductions du mot « trahir »

Langue Traduction
Anglais to betray
Espagnol traicionar
Italien tradire
Allemand verraten
Chinois 背叛
Arabe لخيانة
Portugais trair
Russe предавать
Japonais 裏切る
Basque traizioa egiteko
Corse tradisce
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Synonymes de « trahir »

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Antonymes de « trahir »

Combien de points fait le mot trahir au Scrabble ?

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Trahir

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