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Bête

Variantes Singulier Pluriel
Masculin et féminin bête bêtes

Définitions de « bête »

Trésor de la Langue Française informatisé

BÊTE1, subst. fém.

I.− Usuel. Être appartenant au règne animal autre que l'homme. Bête à quatre pieds (Ac. 1798-1932, Besch. 1845); bête brute (Ac. 1798-1932, Besch. 1845, Lar. 19e, Nouv. Lar. ill.); belle bête :
1. Quand le gouverneur d'un roi enfant dit à son élève jadis : maître, tout est à vous; ce peuple vous appartient corps et biens, bêtes et gens; faites-en ce que vous voudrez; cela fut remarqué. Courier, Pamphlets politiques,Simple Discours à l'occasion d'une souscription pour l'acquisition de Chambord, 1821, p. 75.
2. Un de ces sauvages allait m'enfiler avec sa lance, Renard le voit, pousse son cheval entre nous deux pour détourner le coup; sa pauvre bête, un bel animal, ma foi! reçoit le fer, ... Balzac, Le Médecin de campagne,1833, p. 248.
SYNT. (indiquant notamment des variétés de bêtes, le classement morphol. correspondant généralement à un classement sém.). 1. Mode de vie. Bête + adj. Bête farouche. ,,Il savait (...) apprivoiser les bêtes farouches`` (Flaubert, Salammbô, t. 1, 1863, p. 28). Bête fauve. ,,Dans l'état de nature, un adolescent pourvoit déjà à ses besoins : il harponne le poisson au fond des eaux, il abat d'un coup de flèche l'oiseau au haut des airs, il atteint la bête fauve à la course`` (Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature, 1814, p. 292). Bête féroce. ,,Je n'ai vu jusqu'à présent aucune bête féroce`` (Flaubert, Correspondance, 1860, p. 238). Bête carnassière. ,,Les Bêtes carnassières Viendront, la nuit, hurler sur le corps encor chaud, Et les oiseaux plonger leurs becs dans ses paupières`` (Leconte de Lisle, Poèmes barbares, La Vigne de Naboth, 1878, p. 29). Bête domestique. ,,... les jeux des bêtes domestiques`` (Pesquidoux, Le Livre de raison, 1928 p. 254). Bête marine. ,,Les bêtes marines se mettent à palpiter des nageoires`` (Flaubert, La Tentation de st Antoine, 1849, p. 408). Bête aumaille. Se dit ,,des bêtes pâturant en forêt`` (Plais. 1969). Bête nuisible. ,,L'extermination des bêtes nuisibles commença dans le parc`` (Giraudoux, Bella, 1926, p. 109). 2. Usage qu'en fait l'homme : a) [l'usage procède directement d'une propriété de la bête] Bête + à + subst. concr. Bête à poil, bête à plume; rare, bête de plume, de poil (cf. Verne, L'Île mystérieuse, 1874, p. 78). Bête à cornes; bête à laine; bête à lait. ,,Mais ce n'était pas là ses seules bêtes à cornes; il ne comptait pas ce qu'il appelait ses « bines » et ses « manes ». Augustin apprit qu'à côté des bêtes à lait, cheptel proprement dit des exploitations rurales, d'autres animaux s'achètent au printemps, se revendent à l'automne, et s'engraissent dans l'intervalle`` (Malègue, Augustin, t. 1, 1933, p. 198); b) [l'usage ne procède pas directement d'une propriété de la bête] Bête + de + subst. concr. ou abstr. Bête de trait. ,,... sur tout le pourtour du bassin oriental de la Méditerranée? Bêtes de bât et bêtes de trait (le chameau est attelé aux arabas dans le cap Bon) sont innombrables`` (M. Wolkowitsch, L'Élevage dans le monde, 1966, p. 41). Bête de bât (Id., ibid.). Bête de somme. Bête destinée à transporter des fardeaux. ,,Le lama fut l'unique bête de somme des anciennes civilisations américaines`` (Vidal de La Blache, Principes de géogr. hum., 1921, p. 223). Bête de boucherie (M. Wolkowitsch, L'Élevage dans le monde, 1966, p. 167). Bête d'élevage; bête d'engraissement (Id., ibid.).
Loc. proverbiales
Au temps où les bêtes parlaient (Soulié, Les Mémoires du diable, t. 2, 1837, p. 57). Il y a très longtemps, au temps où le merveilleux était chose quotidienne.
Chercher la petite bête. S'efforcer de trouver la moindre petite erreur, le plus petit détail qui permette de critiquer quelqu'un ou quelque chose :
3. « ... je vous dirai que je n'aime pas beaucoup chercher la petite bête et m'égarer dans des pointes d'aiguilles; on ne perd pas son temps à couper les cheveux en quatre ici, ce n'est pas le genre de la maison », répondit MmeVerdurin que le docteur Cottard regardait avec une admiration béate et un zèle studieux se jouer au milieu de ce flot d'expressions toutes faites. Proust, Du côté de chez Swann,1913, p. 213.
Reprendre du poil de la bête. Se ressaisir, reprendre le dessus. ... un révolutionnaire éreinté qui reprend du poil de la bête (A. Arnoux, Roi d'un jour,1956, p. 41).
II.− Emplois spéciaux (cf. aussi supra synt.)
A.− Au sing.
1. RELIG., MYTH.
a) La bête (de l'Apocalypse). Animal fantastique que décrit St Jean et qui représente, pense-t-on, l'Antéchrist.
Au fig. Une chose horrible, épouvantable.
Ironique :
4. Je suis accablé, j'écris mon discours; je le lis demain; puis le 1eravril. J'attends Marianne ce soir; j'emménage, je meuble, j'organise, ce qui est une des sept bêtes de l'Apocalypse. Lamartine, Correspondance,1830, p. 17.
b) La bête (du Gévaudan). Animal qui sema la terreur dans une grande partie de la France de 1765 à 1787 et qui se révéla être un loup cervier. Le temps n'était plus de la bête du Gévaudan (Pourrat, Gaspard des montagnes,Le Pavillon des amourettes, 1930, p. 218).
c) Absol. La bête. Animal mythique dont on menace les petits enfants pour leur faire peur. Si tu cries encore, je fais venir la bête (Lar. 19e, Lar. 20e).
2. JEUX
a) La bête, la bête hombrée. Ancien jeu de cartes ressemblant au jeu de l'hombre, qui se jouait avec un jeu de piquet à trois et jusqu'à sept joueurs. Jouer à la bête (Ac. 1798-1932, Besch. 1845) :
5. ... on allait faire une longue promenade pour aider la digestion, et en rentrant on ferait une partie de bête hombrée pour attendre le repas du soir, ... Brillat-Savarin, Physiol. du goût,1825, p. 379.
b) P. méton. La mise, la somme qu'on engage au jeu de la bête. Mettre sa bête. ,,Déposer l'enjeu`` (Besch. 1845, Ac. 1878-1932, Guérin 1892). Ma bête est sur le jeu (Ac. 1798-1932, Besch. 1845).Tirer la bête, gagner la bête. ,,Gagner les coups`` (Ac. 1798-1932, Besch. 1845).
c) Faire la bête (Ac. 1798-1932, Besch. 1845, Guérin 1892).
Perdre au jeu de la bête, c'est-à-dire gagner moins de trois levées.
P. ext. Perdre à n'importe quel jeu de cartes (cf. Esn. 1966).
Remonter sur sa bête (Ac. 1798-1878, Besch. 1845, Lar. 19e). Gagner le coup suivant celui où on a fait la bête, regagner l'enjeu qu'on avait perdu, se « refaire ».
Au fig. Recouvrer l'avantage, ,,réparer une perte, un mécompte, une mésaventure`` (Littré, Guérin 1892) :
6. On a été si content au café de Fleurus de te savoir remonté sur ta bête, qu'on t'a conservé ton assiette au dîner et qu'on a tiré pour toi à la loterie... E. et J. de Goncourt, Manette Salomon,1867, p. 224.
B.− Au plur. Les bêtes.
1. HIST. ROMAINE
a) Les bêtes féroces que les Romains faisaient combattre dans les cirques. Combat de bêtes (Ac. 1798-1835, Besch. 1845, Rob.).
b) Les bêtes féroces auxquelles ils livraient les premiers chrétiens. Les chrétiens livrés aux bêtes (Bloy, La Femme pauvre,1897, p. 52).
P. métaph. Être condamné aux bêtes ou être livré aux bêtes. Être livré à un jugement, à une critique féroce et sans pitié :
7. On me dénoncera, mais vous êtes là, et vous empêcherez que je ne sois livré aux bêtes pour avoir fait, malgré le roi, ce que le roi veut, et qui importe au salut de l'armée. Courier, Lettres de France et d'Italie,1825, p. 706.
2. [Vie rurale]
a) Les animaux domestiques de la ferme. Donner à manger aux bêtes; nourrir les bêtes; s'occuper des bêtes :
8. Certes Geneviève met la main à l'ouvrage elle-même et on la voit parfois, comme elle commande, qui aide. Taillant le pain pour les enfants et portant le fourrage aux bêtes, ... Claudel, Feuilles de Saints,Sainte Geneviève, 1925, p. 632.
b) Fam. La vermine : insectes nuisibles, vers, chenilles, etc. Les bêtes, certaines années, mangent tous les fruits (Nouv. Lar. ill.);lit infesté de bêtes (Nouv. Lar. ill.).
C.− Au sing. et au plur.
1. CHASSE, VÉN. Bête poursuivie à la chasse.
a) [La spécification est donnée par la situation] Détourner la bête (Ac. 1878-1932, DG); relancer la bête (Ac. 1798-1932); la bête donne le change (Ac. 1835-1932); la bête est dans les filets, dans les toiles (Ac. 1798-1932).
b) [La spécification est donnée par un adj. ou un compl. prép.]
Bête douce (cerf, chevreuil, biche), bête fauve (cerf, chevreuil, daim), bête broutante (chevreuil, chamois, bouquetin), bête mordante (loup, renard), bête noire (sanglier), bête rousse (jeune sanglier entre six mois et un an, loup, renard), menues bêtes (lièvres, renards), grandes bêtes (cerfs, daims, chevreuils), bête puante (renards, blaireaux, putois) :
9. Il louchait un peu et ne regardait jamais personne. Dans la race humaine, il me faisait l'effet de ce que sont les bêtes puantes chez les animaux. C'était un putois ou un renard, ce galopin-là. Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, Le Garde, 1884, p. 978.
Bête de compagnie (jeune sanglier qui vit en bande; s'emploie aussi au fig. pour des pers.); bête de proie.
Rem. Les syntagmes ci-dessus sont cités par la majorité des dict. gén. et les dict. techn. de chasse Baudr. Chasses 1834 et Remig. 1963.
P. métaph. [En parlant de l'attitude d'une pers., ressemblant à celle d'une bête pourchassée] Bête à l'affût. ,,On eût dit une bête à l'affût`` (G. Leroux, Le Parfum de la Dame en noir,1908, p. 102).Bête traquée. ,,Et je mène cette vie de bête traquée, sans une cache qui soit sûre, embusqué toujours ou blotti, dangereux et poursuivi, menaçant et menacé`` (Claudel, L'Otage,1911, I, 1, p. 233).Bête aux abois; bête prise au piège, dans les filets, dans les toiles. ,,Dans les yeux de Gaubert il y a le regard de la bête prise au piège`` (Giono, Regain,1930, p. 158).
2. ZOOL. POP. (dénomination vulg. de bêtes à dénominations sc. variables)
a) [La spécification est indiquée par un adj.] Bête rouge (Ac. Compl. 1842, Lar. 19e, Littré, Guérin 1892, DG). Puce d'Amérique du genre acarus. Bête noire (Lar. 19e, Littré, Guérin 1892, DG). Insecte du type ténébrion, grillon domestique, blatte.
b) [La spécification est donnée par un compl. prép.] . Bête à bon Dieu, ou bête à Martin ou encore vache à Dieu. ,,Sous des feuilles de rosier, je trouve une bête à bon Dieu`` (E. et J. de Goncourt, Journal,1893, p. 410).Bête à feu (Lar. 19e, Littré). Lampyre, taupin, scolopendre, ver luisant. Bête à la grande dent (Littré, DG). Morse. Bête à patates. ,,Doryphore`` (Dul. 1968). Bête de la mort (Lar. 19e, Littré, DG). Espèce de blaps; chouette, en partic. effraie.
III.− Emplois p. anal.
A.− [Pour désigner un obj., p. anal. avec un trait caractéristique des bêtes]
1. Un train, une locomotive :
10. ... quand, après avoir dit adieu à nos deux amis Fritz et Luigi, nous sommes montés dans notre wagon; on a fermé la portière, la bête de fer a renâclé comme un cheval qui piaffe, et nous sommes partis. Flaubert, Par les champs et par les grèves,1848, p. 163.
2. Rare. Une motocyclette. Leurs motocyclettes, petites bêtes dangereuses et nickelées (Morand, Londres,1933, p. 145).
3. P. ext. Un objet inconnu, indéterminé. Quelle bête est-ce là? (Rob.).
B.− [Pour désigner une pers. p. anal. avec un trait caractéristique des bêtes]
1. [P. réf. à l'aspect ou au comportement phys. des bêtes] (Regarder), examiner qqn comme une bête curieuse. ,,Le vieux monsieur (...), m'examina comme une bête curieuse`` (About, Le Roi des montagnes,1857, p. 292).(Être) nu comme une bête. ,,Elle les [mineurs] voyait mal, à la lueur rougeâtre des lampes, entièrement nus comme des bêtes`` (Zola, Germinal,1885, p. 1398).Faire la bête à deux dos. Image érotique tirée de Rabelais pour décrire l'acte sexuel :
11. Franchement, je ne vois pas quelle lecture peuvent s'interdire des femmes mariées qui font, ou ont le droit de faire la bête à deux dos toutes les nuits. Renard, Journal,1890, p. 58.
Rem. Certaines anal. sont à la fois physiques et morales cf. l'expr. bête de race : ,,Cette nature toute de feu et de glace d'Élisabeth ne pouvait admettre le tiède... Bête de race elle était, bête de race elle voulait Paul`` (Cocteau, Les Enfants terribles, 1929, p. 69).
2. [P. réf. au niveau moral ou intellectuel des bêtes]
a) Péjoratif
[P. réf. à la répulsion qu'inspirent certaines bêtes] Être la bête d'aversion, la bête noire de qqn. Être la personne, la chose qu'on déteste par dessus tout. ,,L'Empereur était sa bête noire`` (G. Sand, Histoire de ma vie, t. 2,1855, p. 345).
Proverbe. Morte la bête, mort le venin. (T. Gautier, Le Capitaine Fracasse, 1863, p. 345). Un ennemi mort ne peut plus être nuisible.
[En parlant de l'intelligence d'une pers.] Être une bête. Être sot, inintelligent :
12. Personne ne doutait au Ministère que le père Saillard ne fût une bête, mais personne n'avait jamais pu savoir jusqu'où allait sa bêtise. Balzac, Les Employés,1837, p. 48.
Faire la bête. Affecter la bêtise. Voyons, ne fais pas la bête (Zola, L'Œuvre,1886, p. 190).
[En parlant de la méthode de travail] Être une bête à concours. Se dit d'un écolier, étudiant, artiste qui travaille avec acharnement pour obtenir des concours.
Proverbe. Quand Jean Bête est mort, il a laissé des héritiers (Ac. Compl. 1842, Besch. 1845, Lar. 19e, Littré, Nouv. Lar. ill.).
b) Laud. [P. réf. à la sympathie qu'inspirent certaines bêtes] C'est une fine bête, une maligne bête (Ac. 1835-1932, Besch. 1845, Littré, Guérin 1892); c'est une bonne bête (Ac. 1932, Besch. 1845, Guérin 1892, Littré).
c) Arg. [En parlant d'une pers.] Bête à cornes (France 1907). Mari trompé. Bête à pain. Protecteur, dans le langage des prostituées. On en trouve à gogo des bêtes à pain quand on sait s'y prendre! (Huysmans, Les Sœurs Vatard,1879, p. 103).
3. [P. réf. au niveau spirituel présumé des bêtes] Partie animale dans l'homme, celle des instincts et de la sensualité, que les philosophes opposent traditionnellement à la partie spirituelle, à l'âme. Je me suis aperçu, par diverses observations, que l'homme est composé d'une âme et d'une bête (X. de Maistre, Voyage autour de ma chambre,1794, p. 13).Le paysan sans religion est une bête féroce (Chateaubriand, Génie du Christianisme, t. 2, 1803, p. 374).C'était comme sa bête brute de Coupeau (Zola, L'Assommoir,1877, p. 751).
Vivre en bête, mourir en bête (Ac. 1798-1932, Besch. 1845, Lar. 19e, Lar. 20e). Vivre, mourir sans le concours de la religion.
Proverbe. Qui veut faire l'ange fait la bête. Maxime tirée de Pascal; celui qui veut trop s'élever au-dessus de la condition humaine, risque de retomber beaucoup plus bas encore (expr. citée par Alain, Propos, 1914, p. 189).
PRONONC. : [bεt]. Passy 1914 indique [bε:t]. Pour Grammont Prononc. 1958, p. 38 la voyelle est longue, mais moins que devant consonne allongeante (r, z, z̆, v, ou y final). Enq. : /bet, (D)/.
ÉTYMOL. ET HIST. − V. bête2.

BÊTE2, adj.

A.− [En parlant d'une pers. ou de son comportement] Qui manque d'intelligence.
1. [En parlant d'une pers.] :
1. ... je ne sais pas si je suis bête ou spirituel, bon ou mauvais, avare ou prodigue. Comme tout le monde, je flotte entre tout cela; ... Flaubert, Correspondance,1846, p. 387.
2. [En parlant de la physionomie, du comportement (d'une pers.), et partic. de ses propos] :
2. C'était M. le comte Sosthène de La Rochefoucauld. Il est difficile d'avoir l'air plus bête et plus sot que cet homme. Delécluze, Journal,1825, p. 245.
SYNT. Un propos bête (Ac. 1798-1932, Besch. 1845), une conduite bête (Ibid., Rob.), voilà une réponse bien bête (Ac. 1835-1932), exclamations bêtes (E. et J. de Goncourt, Journal, 1872, p. 917), questions bêtes (Zola, Nana, 1880, p. 1301), éclats de rire bêtes (Zola, Thérèse Raquin, 1867, p. 158).
Spéc. L'âge bête. Moment de l'adolescence où le sujet traverse une crise d'originalité juvénile et où se forme son caractère :
3. Il y a dans l'âge de l'homme et de l'enfant un certain moment de transition qu'on appelle l'âge bête. Eh bien, l'an 1817 répondait assez fidèlement, du moins dans les choses de la littérature et du goût, à ce premier âge intermédiaire et gauche. Sainte-Beuve, Nouveaux lundis,t. 11, 1863-69, p. 418.
Pas si bête!
[En parlant d'une pers.] Je ne suis pas assez bête pour commettre une faute. Il voulait m'entraîner à faire un mauvais marché, mais pas si bête! (Ac. 1835-1932, Lar. 19e) :
4. ... mademoiselle veut-elle que je revienne? − Je te le dirai d'ici à un mois; mais pas de bavardages, ne parle de moi à personne. − Oh! Pas si bête, s'écria Jean Berville. Stendhal, Lamiel,1842, p. 139.
[En parlant d'un comportement] Que je te donne de l'argent, pas si bête! (Lar. 19e).
3. P. ext. et p. exagér.
a) Vieilli. Ignorant :
5. ... de tout temps on les fâcha [les Français] en leur parlant musique; c'est le seul article sur lequel ils soient bêtes. Stendhal, Rome, Naples et Florence,t. 2, 1817, p. 234.
b) Déraisonnable. Suis-je bête de pleurer ainsi! (Littré) :
6. Mon Dieu, suis-je bête d'aimer comme cela les gens et de m'être attachée à vous plus qu'à Cibot! Balzac, Le Cousin Pons,1847, p. 140.
c) Maladroit. Avoir des doigts bêtes; être bête de ses mains :
7. ... le caporal Salavert qui a la juste réputation de n'être pas bête de ses mains, adapte une bougie dans la suspension qu'il a fabriquée avec une boîte de camembert et du fil de fer. Barbusse, Le Feu,1916, p. 191.
d) Étourdi. Comme je suis bête d'avoir oublié cela! (Lar. 20e, Lar. encyclop.).
e) Rester bête. Être stupéfait, rester déconcerté. Je reste bête (Colette, L'Envers du music-hall,1913, p. 243).
f) Bon à l'excès, dupe :
8. ... je voudrais faire de toi quelque chose de tout à fait à part, ni ami, ni maîtresse; cela est trop restreint, trop exclusif; on n'aime pas assez son ami, on est trop bête avec sa maîtresse. Flaubert, Correspondance,1846, p. 343.
4. Loc. et proverbes
a) Bête comme
Bête comme + subst. désignant un animal.Bête comme un âne Si c' est gentil, d' abuser de cet innocent, parce qu' il est fort et bête comme un âne! (Zola, La Terre,1887, p. 353).Bête comme un dindon [Il avait ] l' air orgueilleux comme un paon, bête comme un dindon (Flaubert, L'Éducation sentimentale,t. 1,1869, p. 94).Bête comme un mouton. S'ils étaient bêtes comme des moutons (Erckmann-Chatrian, Histoire d'un paysan, t. 1, 1870, p. 157).Bête comme une oie. Une petite femme bête comme une oie (Balzac, La Maison de Nucingen,1838, p. 651).
Bête comme + subst. désignant un objet.Bête comme une bûche je reste là devant, froid comme un marbre et bête comme une bûche. (Flaubert, Correspondance,1857, p. 49).Bête comme un chou Sans compter qu' elle est bête comme un chou! (Flaubert, L'Éducation sentimentale,t. 1,1869, p. 209).(Le plus souvent en parlant d'une situation, d'une idée). C'est bête comme chou. C'est simple comme tout, c'est enfantin. Inès. − Vous allez voir comme c'est bête. Bête comme chou! (Sartre, Huis clos,1944, p. 133).Bête comme une cruche. Bête comme un panier. Une grande fille enfarinée, bête comme un panier (R. Rolland, Jean-Christophe,La Foire sur la place, 1908, p. 680).Bête comme un pot. Il me semble que je deviens bête comme un pot (Flaubert, Correspondance,1850, p. 186).
Bête comme + subst. désignant une partie du corps.Bête comme ses pieds. Une femme bête comme ses pieds (J. Bousquet, Traduit du silence,1935-36, p. 225).
Bête comme + expr. formulaire machinale.Bête comme bonjour et bonsoir (Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 248).
Rem. Cette expr. s'emploie gén. pour caractériser une idée une situation.
b) Bête à + verbe.Bête à manger du foin. M. de Renneville cousin des Monval, était beau et bête à manger du foin (Stendhal, Vie de Henry Brulard,t. 2, 1836, p. 262).Bête à manger de l'herbe (G. Sand, Correspondance, t. 3, 1812-76, p. 367). Bête à pleurer (R. Rolland, Jean-Christophe, Le Matin, 1904, p. 144).
B.− [En parlant d'inanimés abstr.]
1. Manifestant un manque d'intelligence. Comme l'article de Pelletan est bête! (Flaubert, Correspondance,1853, p. 261);des romans bêtes (Hugo, Les Misérables, t. 1, 1862, p. 195).
Familier
[La tournure une bête de..., un bête de... met en valeur le subst. qualifié] Cette bête de pièce (A. Daudet, Le Nabab,1877, p. 133).
Emploi subst. C'est d'un bête! Cela est d'une bêtise inimaginable.
2. P. ext.
a) Se dit d'un événement regrettable, dont on comprend mal le sens. Accident bête, mort bête (Lar. Lang. fr.) :
9. Il y a une espèce de grand hasard bête qui nous fait naître, qui nous fait mourir; il y a le noir avant, il y a le noir après... Druon, Les Grandes familles,t. 2, 1948, p. 173.
b) Banal, conventionnel, sans originalité :
10. Elle [Thérèse] considérait d'un œil hostile cette écriture bête [de sa fille]. La forme allongée de l'enveloppe, aussi, était bête, et la couleur améthyste du papier, et jusqu'à l'encre rouge : oui, il n'était rien là qui ne fût signe de niaiserie. Mauriac, La Fin de la nuit,1935, p. 118.
Spéc., dans le domaine artistique.L'art bête et abominable des architectes parisiens de l'Empire et de la Restauration (Hugo, Le Rhin,1842, p. 241);un grand vase de terre cuite classiquement bête (G. Sand, Histoire de ma vie,t. 2, 1855, p. 171).
PRONONC. ET ORTH. − Cf. bête1.
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Subst. ca 1100 beste « animal [terme générique] » (Roland, éd. Bédier, 1597); 1160-70 au fig. [en parlant d'un homme] « être stupide » (Béroul, Tristan, 1309 dans T.-L.); 2. adj. ca 1220 id. « stupide [en parlant d'un homme] » (G. de Coincy, Mir. Vierge, 321, 294, ibid.), seulement en a.fr. (T.-L.); repris au xviiies. 1763 (Diderot, Salon de 1763 cité par Greimas dans Fr. mod., t. 23, p. 138). Empr. au lat. bēstĭa qui, d'une part s'est transmis par voie pop. sous la forme bīstia (v. biche, a.fr. bisse), d'autre part s'est maintenu sous la forme class. (bēstĭa) et s'est transmis par voie d'empr. par l'intermédiaire d'une forme *bestie, v. Fouché, Phonét., 417. L'hyp. d'une formation pop. à partir de *bĕsta, Dauzat 1968, EWFS2(forme non attestée de manière sûre − v. TLL, s.v. bēstĭa, 1935, 34-37 −, mais déduite du dimin. bēstŭla, Fortunat, Vita Martini, 3, 341, var., ibid., s.v. bestiola, 1941, 27) fait difficulté parce qu'elle fait appel à une 2evar. de bēstia (bīstia postulé par a.fr. bisse est bien attesté).
STAT. − Fréq. abs. littér. : 11 607. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 6 214, b) 21 140; xxes. : a) 25 529, b) 13 378.
DÉR. 1.
Bêterie, subst. fém.,rare. Bêtise. Quel crime pouvait-on bien entendre par stupre! Sacrilège, bêterie, magie noire! (Toulet, Comme une fantaisie,1918, p. 41).Attesté dans Besch. 1845, Lar. 19e, Guérin 1892. 1reattest. 1534 (Rabelais, Gargantua, éd. Marty-Laveaux, t. 1, p. 59), attesté seulement au xvies. (Hug.), repris dep. Besch. 1845; dér. de bête2, suff. -erie*. Fréq. abs. littér. : 2.
2.
Bêtet, subst. masc.Se dit de ,,tout être animé, effrayant ou comique`` (A. Lefebvre dans Rheims 1969). Je la tuerai sous mes pieds comme un bêtet! (Claudel, La Jeune fille Violaine,1reversion, 1892, IV, p. 547). 1reattest. 1892 id.; dér. de bête2, suff. -et*. Fréq. abs. littér. : 3.
3.
Bêtir, verbe intrans.,rare. Devenir bête. Augustine qui bêtissait en grandissant (Zola, L'Assommoir,1877, p. 643).1reattest. 1877 id.; dér. de bête2, dés. -er. Fréq. abs. littér. : 2. Rem. Parallèlement à abêtir/abêtissement, on rencontre le subst. masc. bêtissement. Synon. de abêtissement (cf. Mounier, Traité du caractère, 1946, p. 616).
4.
Bêtot, ote, subst. et adj.Synon. adouci de bête ou bêta.Ses grandes compositions sont bêtotes et veulement peintes (E. et J. de Goncourt, Journal,1892, p. 272).En interj. adressée à une personne, bêtot a une nuance affective (cf. E. et J. de Goncourt, Renée Mauperin, 1864, p. 322). 1reattest. 1864 id., dér. de bête2, suff. ot*. Fréq. abs. littér. : 3. Rem. Chez Balzac, on rencontre le synon. bestiot, ote, même sens. Elle était ignorante comme une carpe, et un peu bestiote (Vieille fille, 1836, p. 329); une admirable créature (un peu bestiote) (Lettres à l'Étrangère, t. 1, 1850, p. 213).
BBG. − De Gorog 1958, p. 84. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 140. − Kemna 1901, p. 192.

Wiktionnaire

Nom commun - français

bête \bɛt\ féminin

  1. Tout animal autre que l’être humain.
    • Posément le uhlan avait replié sa carte, ressanglé, puis enfourché sa bête. Il disparut. — (Paul et Victor Margueritte, Le Désastre, Plon-Nourrit & Cie, 86e éd., page 184)
    • Là, un champ labouré n’avait pas été ensemencé ; ici, une pièce de blé était trépignée par les bêtes […] — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 418 de l’édition de 1921)
    • Dans l’air rafraîchi où une impalpable brume se condensait en rosée, les bêtes levèrent leur mufle humide […] — (Louis Pergaud, « Un satyre », dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
    • […] l’ouverture donnait sur la loge de Gaby Million où la vedette avait laissé ses chiens. Les bêtes se mirent à aboyer.
      — Naturellement c’est plein de cabots, crut devoir déclarer spirituellement Mr. Morgan. Mes girls aussi en trimbaleraient une meute si je le tolérais.
      — (Francis Carco, L’Homme de minuit, Éditions Albin Michel, Paris, 1938)
    • Le Dr Marengo portait un manteau à col de castorette. Sa barbiche, soyeuse et unie, semblait un morceau de la même bête dont le pelage ornait son vêtement. — (Dominique Fernandez, Dans la main de l'ange, éd. Grasset, 1982, chapitre 3)
  2. (Par ellipse) Bête sauvage.
    • Par là, en effet, et par cet instituteur moitié homme et moitié bête, ils ont voulu signifier qu’un prince doit avoir en quelque sorte ces deux natures, et que l’une a besoin d’être soutenue par l’autre. Le prince, devant donc agir en bête, tâchera d’être tout à la fois renard et lion : car, s’il n’est que lion, il n’apercevra point les piéges ; s’il n’est que renard, il ne se défendra point contre les loups ; et il a également besoin d’être renard pour connaître les piéges, et lion pour épouvanter les loups. Ceux qui s’en tiennent tout simplement à être lions sont très-malhabiles. — (Nicolas Machiavel, Le Prince, chapitre XVIII, 1513)
    1. (Chasse) Pièce de gibier, tout animal qu’on poursuit dans les chasses à courre.
      • Relancer la bête.
      • La bête donne le change.
    2. Animal féroce que, chez les Romains, on faisait combattre dans le cirque.
      • Combat de bêtes.
      • Ces martyrs furent exposés, livrés aux bêtes.
  3. (Religion) (Au singulier) Le mal ; le malin ; le diable.
    • […] toutes deux dramatisées par le discours polémique qui tente de faire vivre l’imminence eschatologique à travers la prise de conscience d’une surgie de la Bête remplie d’ordure et d’impiété […] — (Denis Crouzet, Les Guerriers de Dieu : la violence au temps des troubles de religion (vers 1525 - vers 1610), Champ Vallon, 2005, page 262)
  4. Tout animal, y compris l'humain.
    • Une réflexion sur le mot « bête ». Pour un biologiste, il n'est en rien péjoratif : nous ne sommes ni un ange ni une plante, nous sommes littéralement une bête. — (Cyrille Barrette, La vraie nature de la bête humaine, Éditions Multimonde, 2020, p. 13)
  5. (Cartes à jouer, Jeux) Jeu de cartes auquel on joue à trois, à quatre ou à cinq. Ce jeu, ou un jeu très approchant, s’appelle aussi « bête ombrée ».
    • Jouer à la bête.
  6. (Cartes à jouer, Jeux) Somme que l’on dépose quand on a perdu un coup et qui reste au jeu pour être payée à celui qui gagnera le coup d’après ou un des coups suivants.
    • Ma bête est sur le jeu.
    • Mettre sa bête.
    • Tirer la bête, gagner la bête.
  7. (Figuré) Personne.
    • La bête est dans nos filets : Nous nous sommes rendus maîtres de telle personne.
    • C’est une fine bête, une maligne bête : Se dit d’une personne rusée et artificieuse.
    • C’est une bonne bête : Se dit d’une personne de peu d’esprit, mais d’un bon naturel.
    • 5 juin 43 – Il est bête mais il est généreux. C’est une bonne bête. — (Benoîte et Flora Groult, Journal à quatre mains, Denoël, 1962, page 283)
    • Vivre en bête, mourir en bête : Vivre, mourir sans aucun sentiment de religion.
  8. Ce qui, chez l’être humain, le rapproche de l’animal : les sens, les passions, les appétits matériels.
    • Si l’on pouvait toujours réfléchir, on ferait moins de fautes, mais la bête l’emporte.
  9. Personne stupide ou qui n’a que peu ou pas d’esprit, de bon sens. Synonyme : bêta.
    • C’est une vraie bête.
  10. (Éducation) Élève très doué.
    • [Titre] L’abeille, une bête en maths — (Nathaniel Herzberg, L’abeille, une bête en maths, Le Monde. Mis en ligne le 9 février 2019)
  11. (Par extension) Chose quelconque.
    • Venez par là, je vais vous montrer la bête ; que l’allure imposante de l’unité centrale ne vous effraie pas !

Adjectif - français

bête \bɛt\ masculin et féminin identiques

  1. (Injurieux) Sot, stupide, abruti, etc., en parlant de la conduite, des propos, des manières, etc.
    • […] j’ai bien cru que c’était une de ces femmes comme on en voit beaucoup, qui prennent un mari pour avoir une contenance, qui le choisissent riche pour se donner du bon temps, et bête pour le duper sans danger. — (Casimir Colomb, « Mademoiselle Renée », dans La Revue des deux mondes, tome LXXXVIII, 1870, p. 154)
    • – Imbécile de cataracte ! – maugréa Bert. – Y a-t-il rien de plus bête que de tomber comme ça tout le temps. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 361 de l’édition de 1921)
    • Il a connu aussi un idiot, qui vendait des journaux et auquel on n’a jamais pu repasser une pièce fausse; il ne faudrait pas croire que les idiots soient plus bêtes que les autres. — (Jean Giraudoux, Retour d’Alsace - Août 1914, 1916)
    • La SNCB n’utilise pas de composteurs automatiques réservés à la clientèle, cela évite sans doute la confusion contrôlés contrôleurs, pas bêtes les Belges ! — (Pascal Liandrat, Aventure poétique en e-mails, vol. 2, Société des Écrivains, Paris, 2014, p. 43)
  2. (Québec) En colère, de mauvaise humeur.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

BÊTE. n. f.
Animal privé de raison. Bête à quatre pieds. Bête sauvage. Bête farouche. Bête féroce. Bête brute. Bête à cornes. Bête à laine. Bête à poil. Bête de charge, de voiture. Bête de somme. Quelle vilaine bête! Une grosse bête. Une petite bête. Une bête venimeuse. Des peaux de bêtes. Bête à bon Dieu, Nom vulgaire de la coccinelle. Fam. et fig., Remonter sur sa bête, Recouvrer l'avantage ou le bien qu'on avait perdu, reprendre des forces, être rétabli dans un emploi. Fam. et fig., Reprendre du poil de la bête. Voyez POIL. Prov. et fig., Morte la bête, mort le venin, Un ennemi, un méchant ne peut plus nuire quand il est mort et, par extension, Le danger cesse avec la cause. Fig. et fam., Vivre en bête, mourir en bête, Vivre, mourir sans aucun sentiment de religion. Pop., Bête épaulée, Bête de trait ou de somme qui ne vaut plus rien et qui n'est plus en état de servir. Fig. et fam., C'est la bête noire du pays, se dit de Quelqu'un qui est généralement haï. C'est ma bête noire, ma bête d'aversion. Fig. et fam., C'est une fine bête, une maligne bête, se dit d'une Personne rusée et artificieuse. Ne vous fiez pas à lui, c'est une fine bête, une maligne bête. Fig. et fam., C'est une bonne bête, se dit d'une Personne de peu d'esprit, mais d'un bon naturel. En termes de Chasse, il désigne absolument le Cerf, le sanglier, le daim, ou tout autre animal qu'on poursuit dans les chasses à courre. Relancer la bête. Détourner la bête. La bête donne le change. Fig. et fam., La bête est dans nos filets, Nous nous sommes rendus maîtres de telle personne. Bêtes fauves, Les cerfs, les chevreuils, les daims. Bêtes noires, Les sangliers, etc. Bêtes puantes, Les renards, les blaireaux, etc. Bêtes de compagnie, Jeunes sangliers qui vont encore par troupes.

BÊTES se dit absolument, au pluriel, des Bêtes sauvages, des animaux féroces que, chez les Romains, on faisait combattre dans le cirque et auxquels on livrait quelquefois des condamnés à mort. Combat de bêtes. Ces martyrs furent exposés, livrés aux bêtes. Ce saint martyr fut dévoré par les bêtes. Fig. et par plaisanterie, Être condamné aux bêles, Être livré aux bêtes, Être livré à la critique des gens ignorants ou malveillants.

BÊTE se dit, figurément et familièrement, de Ce qui, dans l'homme, le rapproche de la bête : les sens, les passions, les appétits matériels. Si l'on pouvait toujours réfléchir, on ferait moins de fautes, mais la bête l'emporte. Prov., Qui fait l'ange fait la bête, Celui qui veut trop s'élever au-dessus de la condition humaine tombe souvent au-dessous. Il se dit aussi, figurément et familièrement, d'une Personne stupide ou qui n'a que peu ou point d'esprit, de bon sens. C'est une bête. C'est une vraie bête, une grosse bête, une grande bête. C'est la bête du bon Dieu se dit d'une Personne qui pousse la bonté, la crédulité jusqu'à la bêtise. Faire la bête, Affecter la bêtise. Vous faites la bête, mais vous me comprenez fort bien. Il signifie aussi Refuser quelque chose mal à propos, contre ses véritables intérêts. On vous offre un bel établissement, ne le refusez pas et n'allez pas faire la bête, ne vous avisez point de faire la bête. Il s'emploie aussi adjectivement, dans l'acception de Qui est sot, stupide. Cet homme-là, cette femme-là est bien bête. Il est impossible d'être plus bête. Il est bête à manger du foin. Il n'est pas si bête qu'il en a l'air. Il se dit souvent de la Conduite, des propos, des manières, etc. Une conduite bête. Un propos bête. Voilà une réponse bien bête. Rien de si bête que ce qu'il vient de dire, que ce qu'il a fait. Il écoutait d'un air bête. Fam. et par ellipse, Pas si bête, Je ne suis pas assez sot pour consentir à faire telle chose. Il voulait m'entraîner à faire un mauvais marché; mais pas si bête.

BÊTE, nom, signifie aussi une Sorte de jeu de cartes auquel on joue à trois, à quatre ou à cinq. Jouer à la bête. Ce jeu, ou un jeu très approchant, s'appelle aussi Bête ombrée. Il se dit également, en termes de jeux de Cartes, de la Somme que l'on dépose quand on a perdu un coup et qui reste au jeu pour être payée à celui qui gagnera le coup d'après ou un des coups suivants. Ma bête est sur le jeu. Faire la bête. Mettre sa bête. Tirer la bête, gagner la bête.

Littré (1872-1877)

BÊTE (bê-t') s. f.
  • 1Tout animal excepté l'homme, ou, dans le langage scientifique, animal qui est placé, dans la série, au-dessous du genre humain. La bête est privée de raison. On a discuté sur l'âme des bêtes. Suivant Descartes, les bêtes sont des machines. Viens mon chien, viens ma pauvre bête ; Mange malgré mon désespoir, Béranger, Violon brisé. Le vin ne fait pas mourir l'homme, il le rend bête, Fénelon, Tél. VIII. Par exemple, il ne croyait pas que les bêtes fussent de pures machines, comme on le peut croire par un effort de raisonnement et par la liaison d'un système qui conduit là ; il le croyait comme on croit communément le contraire, parce qu'on le voit ou qu'on pense le voir, Fontenelle, Carré.
  • 2Bêtes à cornes, les bœufs, les vaches, les chèvres, etc. Bêtes à laine, celles qui portent une toison. Bêtes à poil, boucs, chèvres, cochons. Bêtes de somme, celles qui portent des fardeaux. Bêtes de trait, celles qu'on attelle à une voiture.

    Bête épaulée, bête de trait ou de somme qui a l'épaule disloquée, et, en général, qui ne vaut plus rien et qui n'est plus en état de servir ; et figurément, une personne absolument sans capacité ; une fille qui a fait une faute. On l'a trompé, on lui a fait épouser une bête épaulée.

  • 3Bêtes féroces, celles qui se repaissent de chair et de sang.

    Bêtes farouches, celles qu'il est difficile d'approcher et presque impossible d'apprivoiser.

    Bêtes sauvages, celles qui vivent en liberté dans les bois et les campagnes.

  • 4 En termes de chasse, bêtes fauves, les cerfs, les chevreuils, les daims, ainsi que leurs femelles et leurs faons. Bêtes noires, les sangliers, leurs femelles et leurs marcassins. Bêtes puantes, les renards, les blaireaux, les fouines, les putois, etc. Bêtes rousses ou carnassières, les loups, les renards, les blaireaux, les fouines, les putois, etc.

    Bêtes de compagnie, jeunes sangliers qui vont encore en troupes.

    Les bêtes, les biches.

    Au singulier et absolument, la bête, celle que poursuivent les chasseurs. La bête a donné le change. Lancer, détourner la bête.

    Fig. La bête est dans nos filets, nous nous sommes rendus maîtres de telle personne, nous l'avons fait tomber dans quelque piége.

  • 5Au pluriel et absolument, les bêtes, les animaux féroces que les Romains faisaient figurer dans le cirque. Les martyrs étaient livrés aux bêtes.

    Fig. Être livré aux bêtes, être livré au jugement, à la critique de gens ignorants ou passionnés.

  • 6En langage mystique, la bête, le caractère animal qui se retrouve au fond de l'humanité. N'est-il pas juste d'imprimer le sceau douloureux de la croix sur une chair qui a été marquée tant de fois du caractère honteux de la bête ? Massillon, Jeûne.

    La grande bête, nom, dans l'Apocalypse, de l'Antechrist.

  • 7La partie animale de notre personne. Je suis fatigué, la bête n'en peut plus.
  • 8La bête noire, la bête d'aversion, ou simplement la bête, la personne qu'on déteste le plus. Un amiral était sa bête [à Pontchartrain], et un amiral bâtard du roi son bourreau, Saint-Simon, 141, 63. Pour les femmes, elles étaient toutes ses bêtes [à Larochefoucauld], à peine pouvait-il souffrir ses parentes, Saint-Simon, 229, 72. Je craindrais l'avarice, qui est ma bête, Sévigné, 567. J'aime bien moins mon peuple et la religion que je ne hais la révolution, qui est proprement ma bête noire, Courier, II, 260.
  • 9Personne de peu d'esprit, de jugement. Je n'ai été qu'une bête. Chacun eût cru passer pour une bête, La Fontaine, Fab. V, 1. Ainsi cette raison [de l'homme] est une étrange bête, Régnier, Sat. XI.

    Fig. et familièrement. Une fine, une maligne bête, une personne rusée, méchante, artificieuse. Et ne sais bête au monde pire Que l'écolier, si ce n'est le pédant, La Fontaine, Fab. IX, 5. Pour voir la prison où cette méchante bête était renfermée, Hamilton, Gramm. 9.

    C'est une bonne bête, une personne de peu d'esprit, mais d'un bon naturel.

    C'est la bête du bon Dieu, il pousse la bonté, la crédulité jusqu'à la bêtise.

    Faire la bête, pleurer, s'attrister sans raison ; et aussi affecter la bêtise, et encore refuser mal à propos.

    Adj. Sot, stupide. Un air bête. Elle ne songe qu'à se rendre bête, Sévigné, 427. Vraiment nous sommes bien bêtes, Sévigné, 9. C'est agir en dieu qui n'est pas bête, Molière, Amph. Prol. Bien m'y connais, et ne suis des plus bêtes ; Très peu s'en faut que ne soyez l'amour, Lafare, à Mme B. Vous le verrez plus stupide et plus bête que le fils du manant, Rousseau, Ém. II.

    Par exagération. Suis-je bête de pleurer ainsi !

    Elliptiquement et familièrement. Pas si bête ! c'est-à-dire je ne suis pas assez sot pour faire telle chose.

  • 10Jeu de cartes qui se joue à quatre ou à cinq, en donnant cinq cartes à chacun, après avoir ôté du jeu les petites cartes. À la bête, gémir d'un roi venu sans garde, Boileau, Sat. X.
  • 11Somme qu'on dépose quand on a perdu un coup et qui reste au jeu pour celui qui gagnera. Faire sa bête. Mettre la bête. Tirer la bête.

    Remonter sur sa bête, gagner le coup après celui où on a fait la bête et reprendre ce qu'on avait perdu ; et figurément, réparer une perte, un mécompte, une mésaventure. Chavigny me demanda si le cardinal serait assez innocent pour ne se pas servir de cette occasion pour remonter sur sa bête, Retz, II, 114.

  • 12Bête à Dieu, ou bête à Martin, ou bête à bon Dieu, nom vulgaire des coccinelles.

    Bête à feu, nom vulgaire des vers luisants.

    Bête noire, nom vulgaire du grillon et de la blatte.

    Bêtes rouges, insectes du genre acarus.

    Bête à la grande dent, un des noms vulgaires du morse.

    Bête de la mort, nom vulgaire de la chouette, effraie ou fresaie.

PROVERBES

Reprendre du poil de la bête, chercher son remède dans la chose même.

Morte la bête, mort le venin, c'est-à-dire un ennemi ne peut plus nuire quand il est mort, ou bien, après la mort de notre ennemi, notre ressentiment doit s'éteindre.

Quand Jean bête est mort, il a bien laissé des héritiers, c'est-à-dire il y a encore bien des sots au monde.

HISTORIQUE

XIe s. Beste [cheval] n'i a qui encontre lui aille, Ch. de Rol. CXIII. Que n'i adeist [approche] ne beste ne lion, ib. CLXXIV.

XIIe s. At dons Deus cure des beestes ? Il nen avoit fait mais ke dous nobles creatures, ki resnaules [raisonnables] estoient, et ki devoient estre bien aürouses, Saint Bernard, 524. Sauvages bestes ne les pourront manger, Ronc. p. 83.

XIIIe s. De plus crueuse beste ne fut parole ouïe, Berte, II. Car de paour [je] fuoie comme une beste mue, ib. LII. Ours ne lion n'est ne beste sauvage, Qui, tel foiz est, ne freigne son vouloir De faire mal et ennui et domage, Eust. le Peintre, dans Couci. J'ai assez capons et gelines, Et assez bestes aumelines, Grosses brebiz et crasses vaches, Ren. 11472. Se un home achate une beste restive, et que le vendeur li dit : ceste beste est restive, et je por restive la vos vens, Ass. de Jér. I, 183. N'est mie legiere à garder La beste qui se veut embler, Fl. et Bl. 1635. Et teles uzures apele on bestes de fer, porce qu'eles ne poent morir à lor segneurs, Beaumanoir, LXVIII, 18.

XIVe s. Et ceste [proposition] est false : homme est beste, Oresme, Prol. En la maniere que l'en duit et chastie un asne ou un autre beste de labeur, Oresme, Eth. 326. Il s'ensuivroit que nulle des bestes mues [muettes] ne les enfans ne feissent nulle operacion voluntairement, Oresme, ib. 63.

XVe s. Les seigneurs sont gouvernés par le clergé, ils ne sauroient vivre et seroient comme bestes si le clergé n'estoit, Froissart, II, III, 27. [Ils étaient] hommes formés à la semblance de leur seigneur, et on les tenoit comme bestes [Discours des serfs anglais], Froissart, II, II, 106. Seigneurs, vecy un homme honeste ; Par le grant Dieu ! ce n'est pas beste, La Pass. de N. S. J. C. Qui ce feroit seroit bien beste, Mir. de Ste Genev. Je treuve, quant à moi, que les gens sont bien bestes, Qui ne se font plus tost au vin rompre les testes, Qu'aux coups de coutelas, en cherchant du renom, Basselin, XIX. Et croyez que Dieu n'a pas estably l'office du roy ne de prince pour estre exercé par les bestes ne par ceulx qui par gloire dient : je ne suis pas clerc, Commines, II, 6.

XVIe s. Chassans devant eux un grand butin de bestes blanches et d'aumailles, Du Bellay, M. 408. Du poil de la beste qui te mordit ou de son sang seras guery, Génin, Récréat. t. II, p. 237. Nous allons les uns après les autres comme les bestes de compagnie, Charron, Sagesse, II, 1.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

BÊTE. Ajoutez :
13La bête, absolument, se dit quelquefois pour la fouine, le putois, la belette. Dans mon paillier rien ne m'était resté ; Depuis deux jours la bête a tout mangé, La Fontaine, Faucon.
14Nom donné par les protestants à Rome, à l'Église romaine, qu'ils comparent à la bête de l'Apocalypse. Les vaudois et les albigeois, et Jean Wiclef et Jean Huss et tous les autres de cette sorte reviennent partout dans les nouvelles interprétations [des protestants] comme de fidèles témoins de la vérité persécutée par la bête, Bossuet, Var. XIII, 37.

REMARQUE

Corneille a dit faire de la bête, au lieu de faire la bête : J'ai fait autrefois de la bête, J'avais des Philis à la tête, Corneille, Lexique, éd. Marty Laveaux.

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Étymologie de « bête »

Bourguig. béte ; provenç. espagn. et ital. bestia ; portug. besta ; du latin bestia.

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(XIe siècle) De l’ancien français beste, issu du latin bestia (sens identique).
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « bête »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
bête bɛt

Fréquence d'apparition du mot « bête » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « bête »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « bête »

  • L'homme n'est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l'ange fait la bête.
    Blaise Pascal — Discours sur les passions de l'amour
  • Ce qui distingue l’homme de la bête, c’est que la bête n’est pas toujours obligée de lutter pour ne pas se comporter comme un homme.
    Georges Wolinski
  • Celui qui pose une question risque cinq minutes d'avoir l'air bête. Celui qui ne pose pas de question restera bête toute sa vie.
    Proverbe chinois
  • Il ne faut pas prendre le public pour plus bête qu'il n'est, mais il ne faut pas le prendre pour moins bête qu'il ne s'estime.
    Philippe Caubère — Les Carnets d'un jeune homme - 1976-1981
  • Vous avouerez que la formule manque de bienveillance envers cette partie du corps qui permet de nous mouvoir quotidiennement. Mais bon, la symbolique du «haut» contre le «bas» est tenace. Ainsi, l’expression française emploie l’opposition «tête» versus «pied» pour souligner le manque d’intelligence d’une personne. Notons encore l’existence de tout un panel: bête à manger du foin, bête comme la lune…
    Le Temps — «Etre bête comme ses pieds» - Le Temps
  • Tous les hommes sont des bêtes ; les princes sont des bêtes qui ne sont pas attachées.
    Montesquieu
  • Nous sommes volontiers meilleurs pour les bêtes qui nous aiment que pour les femmes qui nous aiment. Est-ce parce que les bêtes ne parlent pas ?
    George Eliot — Adam Bede
  • Du bon miel dans le pt'it déj des lève tôt ce matin avec l'abeille et la bête ! Circuit Court nous fait découvrir cette miellerie de Mérigny tenue par deux passionnés, Philippe Pavageau & Aurélie Houbre.
    France Bleu — L'abeille et la bête à Mérigny (36)
  • Les bêtes ont inconsciemment le désir d'être humaines quand les hommes ont consciemment le désir d'être des bêtes.
    Marie-Claire Blais — Le Jour est noir
  • L'homme est une bête qui a un esprit permettant de soumettre les autres bêtes et les autres hommes.
    Jacques Poirier — Kosmose
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Traductions du mot « bête »

Langue Traduction
Anglais stupid
Espagnol bestia
Italien stupido
Allemand blöd
Chinois
Arabe غبي
Portugais estúpido
Russe глупый
Japonais 愚か
Basque ergela
Corse scemu
Source : Google Translate API

Antonymes de « bête »

Combien de points fait le mot bête au Scrabble ?

Nombre de points du mot bête au scrabble : 5 points

Bête

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