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Spirituel

Variantes Singulier Pluriel
Masculin spirituel spirituels
Féminin spirituelle spirituelles

Définitions de « spirituel »

Trésor de la Langue Française informatisé

SPIRITUEL, -ELLE, adj. et subst.

I. − (Ce) qui est de l'ordre de l'esprit ou de l'âme, qui concerne sa vie, ses manifestations, qui est du domaine des valeurs morales et intellectuelles; (personne) qui étudie ce domaine.
A. − Adjectif
1. [Corresp. à esprit 1reSection III, en tant que principe immatériel] PHILOS., RELIG. Synon. immatériel.
a) Qui est esprit, qui n'a pas de corps. Synon. incorporel; anton. corporel, organique, matériel.Être spirituel. Dans ces cercles qui mutuellement s'attiraient vers leur centre, il reconnut les neuf ordres de créatures spirituelles qui, entraînées par l'amour, entraînent elles-mêmes le monde entier. C'étaient les anges (Ozanam, Philos. Dante, 1838, p. 210).
b) Qui est de l'ordre de l'esprit (considéré comme un principe indépendant), qui concerne l'esprit; dont l'origine n'est pas matérielle. Nature spirituelle de l'âme; partie spirituelle de l'être. Quel avantage avons-nous à soutenir ou à croire que l'univers est plutôt spirituel que matériel? (Maeterl., Av. gd sil., 1934, p. 110).Si les admirables Rêveries ne nous réconcilient pas avec l'homme, elles accroissent notre pitié pour ce grand malade. Sa maladie est surtout spirituelle: étrange délire obsidional (Mauriac, Trois gds hommes dev. Dieu, 1947, p. 128).
2. [Corresp. à esprit 2eSection I et II, en tant que principe de la pensée, de l'activité réfléchie de l'homme, de l'affectivité]
a) Qui se rapporte au domaine de l'esprit, de la pensée, de l'activité intellectuelle.
α) [En parlant d'un inanimé abstr.] [Le mort] agit même plus qu'un vivant parce que, la véritable réalité n'étant dégagée que par l'esprit, étant l'objet d'une opération spirituelle, nous ne connaissons vraiment que ce que nous sommes obligés de recréer par la pensée, ce que nous cache la vie de tous les jours (Proust, Sodome, 1922, p. 770).Il est donc naturel quand on parle des affaires spirituelles, (en appelant spirituel tout ce qui est science, art, philosophie, etc.), il est donc naturel, parlant de nos affaires spirituelles et de nos affaires d'ordre pratique, qu'il existe entre elles un parallélisme remarquable, qu'on puisse observer ce parallélisme, et parfois en déduire quelque enseignement (Valéry, Regards sur monde act., 1931, p. 226).
[Fonctionne souvent comme quasi-synon. de imaginaire, intellectuel, mental ou a tendance à former avec eux un couple synon.] Activité mentale et spirituelle. Le théâtre comme l'alchimie est, quand on le considère dans son principe et souterrainement, attaché à un certain nombre de bases, qui sont les mêmes pour tous les arts, et qui visent dans le domaine spirituel et imaginaire à une efficacité analogue à celle qui, dans le domaine physique, permet de faire réellement de l'or (Artaud, Théâtre et son double, 1938, p. 58).
β) [En parlant de relations entre plusieurs pers.]
[En parlant d'un inanimé abstr.] Qui se situe au niveau de l'esprit, de la pensée, des valeurs intellectuelles. Synon. intellectuel, mental.Il n'y eut peut-être jamais d'autre lien spirituel entre nous que notre tendresse profonde pour la musique (Milosz, Amour. init., 1910, p. 166).Il y a, en revanche, des cas où l'on croit sentir sinon la collaboration effective, du moins l'influence spirituelle et prépondérante du plus grand des Le Nain, Louis (Jamot, Les Le Nain, 1929, p. 72).
[En parlant de pers.] Qui manifeste une parenté, une filiation dans l'ordre de l'esprit, de l'intelligence. Frère spirituel. Le théoricien de la volonté, ce jumeau spirituel de Louis Lambert, consentant à perdre une parcelle de cette précieuse substance (Baudel., Paradis artif., 1860, p. 384).Ce qui est commun à tous les Français d'une certaine famille spirituelle, qu'ils appartiennent à la descendance de Pascal, ou qu'ils soient fils de Diderot et de Voltaire, n'est-ce pas, aujourd'hui, le dégoût? (Mauriac, Bâillon dén., 1945, p. 418).
Fils, fille spirituel(le). V. fils I B 1 c.Quelque princesse d'amour de Porto-Riche? Quelque fille spirituelle du malicieux et tendre théâtre de Maurice Donnay? (Fargue, Piéton Paris, 1939, p. 185).
γ) [En parlant d'une pers.] Préoccupé des choses de l'esprit plus que des biens matériels. Synon. idéaliste; anton. matérialiste, terre à terre.Reconnaissons-le: il existe des variétés dans la femme comme dans l'homme (...) Certes, il y a (...) des femmes purement spirituelles ou purement matérielles (Balzac, Employés, 1837, p. 11).
Empl. subst. masc., rare. Personne qui a une vie intellectuelle intense, qui est préoccupée des choses de l'esprit; philosophe qui professe le spiritualisme. Ce n'est pas l'homme qui a le moins d'esprit qui vit le moins par l'esprit. Le pauvre d'esprit créa l'Esprit, création des pauvres d'esprit. Et ce furent des « spirituels » qui créèrent ce qu'ils nommèrent la Chair (Valéry, Tel quel I, 1941, p. 63).
b) [Corresp. à esprit en tant que principe de la vie psychique, en partic. des facultés affectives; en parlant d'un affect, d'un sentiment, d'un lien entre plusieurs pers.] Qui se situe au niveau de l'âme, de l'esprit, de la vie psychique, sans rien de sensuel; qui a rapport à la vie intérieure de l'âme dégagée des sens, aux fonctions supérieures de l'esprit. Anton. charnel, physique2, sensuel.Bonheur corporel et spirituel; plaisir spirituel; union spirituelle. Voulez-vous de mon dévouement, de mon amour spirituel? (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 220).
3. RELIG. Qui n'appartient pas au monde physique mais au monde de l'esprit, de l'âme, à la vie religieuse, au domaine moral distinct des réalités du monde sensible et de la vie pratique. Anton. mondain, séculier, temporel.Administration, autorité, bien, puissance, règlement, royaume spirituel(le). Chaque bourgade étoit gouvernée par deux missionnaires, qui dirigeoient toutes les affaires spirituelles et temporelles des petites républiques (Chateaubr., Génie, t. 2, 1803, p. 433).
Chef, père spirituel. Responsable au point de vue religieux. Le tsar est le chef et le père spirituel de cent cinquante millions d'hommes. Responsabilité effroyable qui n'est qu'apparente. Peut-être n'a-t-il réellement à sa charge, devant Dieu, que deux ou trois êtres humains (Bloy,Journal,1894,p. 150).L'évêque étant le chef spirituel de son diocèse, nul autre que le pape, duquel il tenait son autorité, n'avait qualité pour lui demander des comptes et se prononcer sur eux (Billy, Introïbo, 1939, p. 104).
Gouvernement spirituel. V. gouvernement B 2 a.
Pouvoir spirituel. V. pouvoir2I D 2 a.
B. − Subst. masc. sing. à valeur de neutre
1. Ce qui appartient au domaine de l'esprit, de la pensée, de l'âme. L'esprit est tout. Le matériel est esclave du spirituel (Martin du G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 615):
1. ... quelques hommes donnent l'idée, − ou l'illusion, − de ce que le monde, et particulièrement l'Europe, eût pu devenir, si la puissance politique et la puissance de l'esprit eussent pu se pénétrer l'une l'autre, ou, du moins, entretenir des rapports moins incertains. Le réel eût assagi les idées; le spirituel eût, peut-être, ennobli les actes... Valéry, Variété IV, 1938, p. 95.
2. Anton. charnel, sensuel.Il y avait en lui une souplesse et une diversité essentielles. Il y avait du spirituel et du sensuel, du détachement et du désir (Valéry, Variété IV, 1938, p. 26).V. corporel A 2 ex. de Péguy.
3. Anton. de mondain, séculier, temporel.Je n'ai rapporté l'histoire de l'ange et de l'ermite que pour montrer l'abîme qui sépare le temporel du spirituel (A. France, Opin. J. Coignard, 1893, p. 275).La ligne à suivre est bien simple: s'occuper (...) de la situation matérielle, faire face aux multiples travaux non choisis qui m'incombent, et pour le restetant sur le plan religieux que sur celui du posthumeveiller à ce que jamais le temporel ne vienne à refluer ainsi sur le spirituel (Du Bos, Journal, 1927, p. 187).
II. − (Ce/personne) qui concerne, étudie la vie de l'âme en tant qu'émanation et reflet d'un principe supérieur; qui est relatif à la pratique ou à la vie religieuse, à la spiritualité, à la religion.
A. − Adjectif
1. Relatif à la vie religieuse. Synon. religieux.Doctrine, discipline spirituelle. À cette époque les fondations de sa vie intérieure [de la Mère Agnès] étaient assurées, son pli spirituel était pris et la courbe de son ascension nettement tracée (Bremond, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 212).
2. Relatif à la pratique de la méditation et de l'union mystique avec Dieu, aux moyens pour y parvenir. Communion spirituelle. Ce n'étoit plus eux [les grands et les riches], ni leurs femmes, ni leurs enfans, qui venoient à leur tour dans les paroisses de Paris (...) présenter le pain bénit, en signe d'alliance spirituelle avec Jésus-Christ et avec tous les fidèles de son Église (Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 200).
Vie spirituelle. Vie de l'âme qui tend à l'union avec Dieu; vie religieuse. Chez les Dominicains je suis témoin d'une vie spirituelle très intense, très prenante. Les Pères sont des hommes remarquables par leur science et leur forte piété (Billy, Introïbo, 1939, p. 164).
[En parlant de moyens]
[En parlant d'un inanimé abstr.] Combat spirituel; gymnastique spirituelle. Elle avait requis l'aide spirituelle de son directeur contre des tentations, des troubles dont elle ne précisa pas la nature (Mauriac, Baiser Lépreux, 1922, p. 188).Nicolas Machiavel (...), étranger non seulement à tout mysticisme, mais encore au christianisme (je veux dire à ce qui, dans la religion, est pour un chrétien nourriture spirituelle) (L. Febvre, Leur hist. et la nôtre, [1938] ds Combats, 1953, p. 281).Bouquet spirituel. V. bouquet1D 2 b.
Exercice spirituel. V. exercice A 2 b.C'étaient des Chadelya, disciples du vieux Cheikh et Ghazouani, qui se livraient à leurs exercices spirituels (Psichari, Voy. centur., 1914, p. 39).La discipline des Renseignements Généraux, se dit-il, vaut bien celle des Exercices spirituels de Saint-Ignace (Nizan, Conspir., 1938, p. 214).
[En parlant d'une pers.] Directeur, guide spirituel; médecin spirituel (vx). Synon. de confesseur, directeur (de conscience).Mais les fêtes d'Esther et cet éclat mondain jeté sur des pensionnaires élevées dans la piété avaient blessé les directeurs spirituels de Mmede Maintenon (A. France, Génie lat., 1909, p. 161).Vous avez l'air d'un vrai prêtre, vous! Je veux me confesser à vous. Je l'écoutai donc et pus constater quelles ascensions merveilleuses Dieu avait réalisées dans cette âme, si difficile sur le choix d'un guide spirituel (Billy, Introïbo, 1939, p. 197).
3. Fondé sur l'Église, organisé sur des bases religieuses. Monarchie, puissance spirituelle. Pour réaliser ce grand dessein de miséricorde et d'amour, conçu de toute éternité dans la pensée de son Père, le Fils de Dieu forma une société spirituelle destinée à recueillir ceux qui croiroient en lui, et il institua pour la gouverner un sacerdoce nouveau, un corps de pasteurs chargés de répandre sa parole et d'administrer ses sacrements (Lamennais, Religion, 1826, p. 53).Catholique, il [Napoléon] l'est devenu lorsqu'il eut commencé à se bercer de l'illusion que le pape pourrait devenir, entre ses mains, le plus diligent des préfets, et, le Saint-Siège, le ministère de la police spirituelle (J.-R. Bloch, Dest. du S., 1931, p. 257).
4. Rempli, pénétré de spiritualité; de spiritualité.
a) [En parlant d'une pers.] Qui fait preuve d'une grande spiritualité. Synon. mystique, religieux.Par la pénitence, le renoncement, la méditation, développons en nous l'homme spirituel [déclare le christianisme] (Taine, Philos. art, t. 2, 1865, p. 145).
b) [En parlant d'un inanimé abstr.] De spiritualité. École spirituelle. Il est certain que le domaine de l'âme s'étend chaque jour davantage (...). On dirait que nous approchons d'une période spirituelle (Maeterl., Trésor humbles, 1896, p. 29).
Lecture spirituelle. La lecture spirituelle de six heures et demie du soir consiste en une pieuse lecture que, sur l'indication du supérieur, font à haute voix les meilleurs lecteurs, dans la salle des exercices, soit en une causerie du supérieur sur la vie sacerdotale (Billy, Introïbo, 1939, p. 80).
LITT. Livre, ouvrage spirituel; littérature spirituelle. Qui traite de religion, de spiritualité. Ses livres spirituels [de l'Église russe] présentent à cet égard [de la suprématie du Pape] des confessions si claires, si expresses, si puissantes qu'on a peine à comprendre comment la science qui consent à les prononcer, refuse de s'y rendre (J. de Maistre, Pape, 1819, p. 60).Le P. Guilloré reste un des classiques de la littérature spirituelle. Le Traité de l'oraison − le second acte du long drame dont nous suivons présentement les péripéties(...) est une façon de chef-d'œuvre (Bremond, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 478).
MUSIQUE
Chant spirituel, musique spirituelle. Chant religieux; musique religieuse, sacrée. Au moyen âge, Peire d'Alverne (fin XIIes.), pour la langue d'oc, et Gauthier de Coincy (✝ 1236), pour la langue d'oïl, ont employé pour ces chants [les chants dits spirituels, c'est-à-dire d'une qualité religieuse] en langue vulgaire le titre de chanson pieuse (...). Au XVIes., a prévalu le terme de spirituel (BrenetMus.1926, p. 419).Ce fut aussi l'époque d'une autre forme de la musique, purement religieuse ou « spirituelle » (Gastoué, Vie mus. église, 1929, p. 37).
Concert spirituel. Concert où l'on exécute une musique à caractère religieux. Le soir, Concert spirituel à la Madeleine (Stabat Mater de Rossini, Les Sept Paroles de Haydn, Ave verum de Mozart, etc.) (Amiel, Journal, 1866, p. 197):
2. ... l'histoire de la musique, qui pour la plus grande partie avait été depuis saint Grégoire l'histoire de la musique religieuse, sera surtout celle de la symphonie, du théâtre, de la musique de chambre, et aussi du concert spirituel, issu sans doute de la musique d'église, mais devenu un genre, comme les autres, de musique personnelle. Potiron, Mus. église, 1945, p. 69.
5. Vx. [En parlant de l'interprétation des livres révélés] Allégorique, figuré, mystique. Anton. littéral.Signification spirituelle. Il est nécessaire (...) de distinguer soigneusement les sens spirituels certains, voulus par le Saint-Esprit, acteur principal de l'Écriture, et exprimés médiatement sous le sens littéral, des interprétations spirituelles, proposées avec plus ou moins de fondement par les Pères et les exégètes catholiques (Bouyer1963).
B. − Subst. masc.
1. Subst. masc. sing. à valeur de neutre. Mysticisme, ce qui touche à la religion, à Dieu. En réalité, toute l'éducation moderne tend à nous armer contre le spirituel. Pour avoir la paix, pour établir un équilibre durable (...) on nous apprend à déjouer toutes les ruses de ce perpétuel assiégeant qui est Dieu. On lui oppose une invincible tiédeur (...) c'est le ciel tout entier avec ses gouffres et ses millions d'astres qui se rue sur nous (Green, Journal, 1942, p. 220).
2. Subst. masc. Personne faisant preuve d'une grande spiritualité, servant de modèle ou de référence à ceux qui cherchent à développer leur vie spirituelle; mystique, religieux. Au premier rang des spirituels, il [Fumet] met les chartreux, puis les carmes. Il me dit que sur cent vocations de chartreux, il n'y en a que dix qui « tiennent » (Green, Journal, 1945, p. 259).Beaucoup de penseurs et de spirituels de l'Inde modernetels Tilak et Gandhiéveillés à l'urgence des réformes sociales et politiques réclamées par leur temps, attachent à cette « voie de la délivrance » une valeur privilégiée (Philos., Relig., 1957, p. 52-11).
HIST. RELIG.
,,Nom qui fut donné, dans le treizième siècle, à des membres de l'ordre des frères mineurs de Saint-François qui firent schisme dans cet ordre, sous prétexte d'observance exacte de la règle`` (Ac. Compl. 1842).
Quiétiste au XVIIes. Il semble, écrit un (...) spirituel, que « l'âme devrait avoir inclination à l'oraison de repos », et néanmoins, il n'est pas de violence qu'elle ne se fasse, pour se maintenir en état d'activité. C'est que le démon d'abord lui persuade qu'elle perdra son temps à ne plus agir. Comme il appréhende qu'elle ne surgisse à bon port au havre de l'oraison de quiétude (Bremond, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 538).
III. − [Corresp. à esprit 2eSection I D 2 b, en tant que forme d'intelligence aiguë, vive et mordante]
A. − Adjectif
1. Courant
a) [En parlant d'une pers.] Qui a de l'esprit, qui manifeste une forme d'intelligence vive et mordante, qui excelle dans l'art d'opérer des rapprochements drôles ou de manier les idées et les mots avec une verve fine et piquante. Synon. brillant1, intelligent; anton. lourd, plat1, sot.Elle était assez spirituelle pour comprendre parfaitement que s'écarter ainsi de la foule, ce n'est pas se cacher, mais annoncer que l'on ne veut pas être vu (Karr, Sous tilleuls, 1832, p. 216).Un petit homme au regard pétillant de sottise (...) Il n'en est pas moins convaincu qu'il est spirituel et fort intelligent (Green, Journal, 1956, p. 163).
[P. méton.]
[En parlant des traits ou de l'expression du visage] Qui annonce, dénote de l'esprit, une intelligence fine et piquante. Anton. sot, stupide.Air, minois, nez, regard spirituel; physionomie spirituelle. Il faut aller vous coucher, reprit-elle avec cet air ironique si bien fait pour sa tête fine et spirituelle (Dumas fils, Dame Cam., 1848, p. 132).Une verrue dans le sourcil gauche qui lui donnait l'œil spirituel, d'autant qu'il en clignait (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 233).
[En parlant d'une attitude, d'un comportement hum.] Espiègle, fin, malicieux. Méchanceté, vivacité spirituelle. La voix enrouée, mate et spirituelle de Préault, qui fait tomber dans mon oreille des histoires, des anecdotes, des mots (Goncourt, Journal,1865, p. 160).Malgré l'empâtement des traits, la lèvre supérieure se retroussait toujours de même, vers la gauche, de biais, avec une spirituelle lenteur, tandis qu'une lueur malicieuse s'allumait insensiblement entre les paupières plissées (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 827).
[En parlant d'un produit de l'esprit, d'une action] Qui est plein d'esprit, d'intelligence; qui manifeste du piquant; en partic., qui amuse, fait rire. Synon. amusant, brillant1, fin, malicieux, plaisant ;Anton. plat1, sot, stupide.Argument, article, écrit, mot spirituel; histoire, parole, phrase, plaisanterie, réponse spirituelle. Le style pathétique, élevé, harmonieux, et propre à l'éloquence de la tribune, était aussi facile à un Grec ou à un Romain, que le style spirituel et poli, vif et court, badin et flatteur, est facile à un Français (Joubert, Pensées, t. 1, 1824, p. 412).Le genre de réflexions spirituelles qu'il faut savoir garder pour soi (Butor, Passage Milan, 1954, p. 80).
[En parlant d'une manière d'écrire] Reprendre, nous l'espérons tous, cette plume spirituelle qui se rouille (Colette, Vagab., 1910, p. 206).
P. antiphr. Ne pas être intelligent, malin. Ah! c'est malin, c'est spirituel (Rob. 1985).
Loc. Trouver spirituel de + inf. Trouver amusant, intelligent, malin de. Trouver spirituel de dire, de faire qqc. Elle chercha de la main la clef ordinairement sur la serrure et la chercha vainement. La veuve Fipart avait trouvé spirituel de l'emporter (Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859, p. 480).
b) Littér. [En parlant d'une chose concr.]
Fin. Il arrosait, ce vin, le plus spirituel des déjeuners. Peu de viandes, à la vérité, mais toutes remarquablement épicées. Beaucoup de gâteaux, crêpes au miel, beignets aromatisés (Benoit, Atlant., 1919, p. 135).
Alerte, vif. Le silence, ici, c'est (...) le trot d'un cheval du pays aux petits sabots spirituels, des trompes d'automobiles (Colette, Entrave, 1913, p. 12).
2. Domaine artist.
a) BEAUX-ARTS (dessin, peint.). [En parlant d'une œuvre d'art, d'une représentation picturale] Bien rendu, vivant. Dessin, tableau spirituel; caricature spirituelle. Toujours ces mains spirituelles, contournées de vermillon, aux demi-teintes bleues, où sur la pleine pâte, le courant de la chair serpente; ces mains vivantes, ces anatomies spirituelles, où la tache de vermillon et de bleu, posée comme au hasard du pinceau, mais posée juste, les fait vivre et remuer avec la transparence d'une chair vénitienne (Goncourt, Journal, 1860, p. 805).
[P. méton.]
[En parlant de la manière de peindre] Qui exprime le caractère des objets, qui donne de la vie. Touche spirituelle. Sa couleur [de M. Blin] est faible, mais sa brosse est légère, facile, spirituelle; son dessin est entendu; ses tons sont très harmonieux (Castagnary, Salons, t. 1, 1859, p. 92).
[En parlant d'un artiste] Parfois péj. Dont l'art est vivant. Un peintre spirituel, enlevant chaque année quelques succès faciles au moyen de petits tableaux anecdotiques lestement troussés (Castagnary, Salons, t. 2, 1878, p. 324).
b) MUS. [En parlant d'un air, d'une note] Au caractère alerte, vif. Sa musique, mélodique, spirituelle, bien écrite et facilement conçue l'a placé [Auber] comme chef d'école dans l'opéra-comique français au XIXesiècle (Rougon1935, p. 311).
B. − Subst. masc.
1. Subst. masc. sing. à valeur de neutre
a) Finesse d'esprit; caractère amusant, plaisant. [La duchesse de Maufrigneuse] ne connaissait pas le cabaret: d'Esgrignon lui arrangea une charmante partie au Rocher de Cancale avec la société des aimables roués qu'elle pratiquait en les moralisant, et qui fut d'une gaieté, d'un spirituel, d'un amusant égal au prix du souper (Balzac, Cabinet ant., 1839, p. 72).
b) Le genre spirituel. La personne en cause [celle de qui on rit] (...) n'est pas toujours celle qui parle. Il y aurait ici une importante distinction à faire entre le spirituel et le comique. Peut-être trouverait-on qu'un mot est dit comique quand il nous fait rire de celui qui le prononce, et spirituel quand il nous fait rire d'un tiers ou rire de nous. Mais, le plus souvent, nous ne saurions décider si le mot est comique ou spirituel. Il est risible simplement (Bergson, Le Rire, Paris, P.U.F., 1950 [1900], pp. 79-80).
c) Domaine artist. (beaux-arts).Caractère véridique, vivant d'une œuvre d'art. Ce qui est inestimable dans ces planches, c'est la mise dans l'air de ces personnages, le spirituel de ces figures, l'expert de ces regards, la réalité de ces postures (Huysmans, Art mod., 1883, p. 218).
2. Subst. masc., vx. Personne d'esprit. Cet ouvrage spirituel [Les Folies de Regnard] (...) est original par l'esprit qui y est à chaque vers, et jusque dans les situations, mais généralement froid (...) Il doit enchanter les spirituels-froids qui fourmillent dans le monde (Stendhal, Journal, t. 1, 1805, p. 259).
Loc., péj. Faire le spirituel. Chercher avec affectation à faire preuve d'esprit. Synon. faire le bel esprit*.Bah! reprit un autre, qui voulait faire le spirituel, tous ces nobles de la ville haute sont les mêmes, ils portent le deuil de leur garde-robe et de leurs espérances (Theuriet, Mariage Gérard, 1875, p. 14).
REM.
Spirituellerie, subst. fém.,hapax. Raffinement subtil. [Au Salon, au Palais de l'Industrie] De l'esprit non pas même de touche, mais de sujet; de la littérature de pinceau, avec deux idéals menant tout cela. L'un est je ne sais quelle poussière d'idées anacréontiques; des énigmes effleurées sur la toile, de la poudre de l'aile d'un papillon gris; l'antiquité et la mythologie par le petit et par le menu, par une spirituellerie morale qu'elle n'a jamais connue: des hannetons attachés par la patte, que des grands enfants s'amusent à faire cogner contre les murs de marbre du Parthénon (Goncourt, Journal, 1857, p. 379).
Prononc. et Orth.: [spiʀitɥ εl]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 2emoit. xes. esperitiel « de nature immatérielle, de l'ordre de l'esprit » (St Léger, éd. J. Linskill, 172); b) ca 1165 « surnaturel » (Benoît de Ste-Maure, Troie, 24002 ds T.-L.); c) ca 1190 (Chanson d'Aspremont, 1875, ibid.: Dex, dist Richiers, bials pere esperital); d) xiiies. (Sermons poitevins, 15, ibid.: Hom qui est de .II.natures, de nature corporau et de nature esperitau); e) ca 1485 (Mystère Viel Testament, éd. J. de Rothschild, t. 4, p. 366: Qui met [...] zizanie entre les fréres Tant charnelz que esperituelz); f) 1672 subst. (Mmede Sévigné, Corresp., éd. R. Duchêne, t. 1, p. 500); 2. a) 2emoit. xes. « relatif à l'âme de l'homme » (St Léger, 215); b) 1174-76 « (d'une personne) pieux, religieux » (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 569); c) ca 1200 vie spiritueile (Dialogue Grégoire, éd. W. Foerster, p. 102); d) xiiies. (Sermons poitevins, loc. cit.: Hom [...] a mester de doble pain, dau pain corporau au cors, e dau pain esperitau a l'arme); e) 1316-28 (Ovide Moralisé, éd. C. de Boer, t. 1, p. 145: Adont l'aime Dieus per amours, Si li porte comme a s'amie Spirituele compagnie); f) 1376 lumiere esperituele, mort esperituele (Modus et Ratio, éd. G. Tilander, t. 1, p. 146); g) 1508 pasture spirituelle (du pasteur envers ses ouailles) (Éloy d'Amerval, Livre de la diablerie, éd. Ch.-F. Ward, p. 220b); 3. a) 1247 « qui appartient à l'Église » (Charte ds Du Cange, s.v. spiritualia: esperitues choses); b) 1283 (Philippe de Beaumanoir, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, t. 1, p. 153: justice esperituel); c) 1511 subst. (Gringore, Jeu du Prince des Sotz ds Œuvres, éd. Ch. d'Héricault et A. de Montaiglon, t. 1, p. 229: Mais gardons l'esperituel, Du temporel ne nous meslons); 4. a) 1509 « relatif à la pensée, à l'intellect » (Jean Lemaire de Belges, Illustr., Œuvr., I, 248, Stecher ds Gdf. Compl.: laboriosité spirituelle); b) 1571 enfant spirituel (en parlant d'un livre) (La Porte, Epith. Avert., ibid.); c) 1573 « qui montre de la finesse d'esprit » (Guill. Paradin, Hist. de Lyon, III, XXIX, ibid.: L'autre dame estoit nommee Pernette du Guillet, toute spirituelle, gentille et tres chaste, laquelle a vescu en grand renom de tout meslé savoir); d) 1769 domaine artist. (Diderot, Salons, p. 328: touche spirituelle; p. 423: un faire très-spirituel). Empr. au b. lat.spiritalis, spiritualis dér. de spiritus « esprit », littéral. « propre au souffle, au principe vital » (sens représenté dep. le xvies. par spiritueux*), surtout att. chez les Pères de l'Église qui l'empl. p. oppos. à « corporel, charnel, matériel », pour qualifier ce qui se rapporte à l'âme, à l'Esprit divin, au Saint-Esprit, d'où « symbolique, mystique » et « du domaine de l'intelligence spirituelle » [c'est-à-dire « qui n'est pas victime de la lettre »], v. Blaise Lat. chrét.; le double domaine sém. du mot, théologico-mystique et ressortissant à la philos. de la nature, explique les empl. de spirituel (et de ses dér.) dans les différents champs de la philos., la théol. et la psychol. aussi bien que son empl. dans la terminol. jur. eccl. (sens 3) ou l'affaiblissement de sens que représente le sens 4 c (v. FEW t. 12, pp. 190-191). L'a. fr. empl. indifféremment les quatre formes spirit-, espirit-, sperit-, esperit- corresp. aux formes de esprit*, la 1reéliminant les autres au xvies. Fréq. abs. littér.: 5 500. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 6 647, b) 5 271; xxes.: a) 5 781, b) 11 418. Bbg. Gorcy (G.). Cf. bbg. spiritualité. − Gordon (W. T.). A. History of semantics. Amsterdam; Philadelphia, 1982, pp. 53-471.

Wiktionnaire

Adjectif - français

spirituel \spi.ʁi.tɥɛl\

  1. Qui est de la nature de l’esprit, ou qui le concerne.
    • Le génie de la Résistance, c'est d'avoir su conjoindre, face à une même urgence historique, toutes les forces spirituelles de ce pays. — (Jean-Louis Crémieux-Brilhac, « Ce qui reste du gaullisme, c'est un sens aigu du social », dans Marianne, 12 juin 2010)
  2. (Religion) Relatif à l’âme, à la conscience, par opposition à sensuel, charnel.
    • La vie spirituelle.
    • Des lectures spirituelles.
    • Entretiens spirituels.
    • Exercice spirituel.
    • Communion spirituelle, prière par laquelle quelqu’un s’unit d’esprit à ceux qui communient, par laquelle il demande à Dieu de lui accorder les mêmes grâces que s’il communiait.
    • Concert spirituel, concert de musique religieuse.
  3. (Religion) Qui regarde la religion, l’Église, par opposition à temporel.
    • Peu de chefs religieux bénéficient d’une réputation aussi enviable que celle de Tenzin Gyasto, chef spirituel et temporel du Tibet bouddhiste, qui se fait aussi appeler Sa Sainteté le dalaï-lama. — (Louis Dubé, La sagesse du dalaï-lama : Préceptes et pratique du bouddhisme tibétain, dans Le Québec sceptique, n° 66, été 2008, page 5)
    • Toute différente était la situation dans le bled es-siba dont les tribus reconnaissaient généralement le sultan comme chef spirituel, mais ils n'admettaient pas sa souveraineté temporelle et ne toléraient chez elles aucun des rouages de l'administration chérifienne. — (Frédéric Weisgerber, Au seuil du Maroc Moderne, Institut des Hautes Études Marocaines, Rabat : Les éditions de la porte, 1947, page 41)
  4. Qui est mystique, allégorique, par opposition à littéral.
    • Jacob et Ésaü, dans le sens spirituel, représentent les bons et les méchants.
  5. Qualifie les liens de l’esprit, de l’intelligence.
    • Fils spirituel de Dominique de Villepin dont il fut pendant dix ans l’un des plus proches conseillers, il s’est forgé durant son passage au gouvernement une image de modéré et de centriste bon teint, proche d’Alain Juppé et de Nathalie Kociusco-Morizet. — (Eric Brunet, L’Obsession gaulliste : Alain, François, Nicolas, Marine et les autres…, Éditions Albin Michel, 2016)
  6. Qui a de l’esprit.
    • Nous avons tous de grandes prétentions à la force d’âme. En France, nul homme, fût-il médiocre, ne consent à passer pour simplement spirituel. — (Honoré de Balzac, La Femme de trente ans, Paris, 1832)
    • Je me suis toujours demandé pourquoi les Français, si spirituels chez eux, sont si bêtes en voyage ! — (Eugène Labiche, Le Voyage de monsieur Perrichon, 1860, acte II, scène 2. L’édition de 1985 précise « Ce texte est conforme à l’édition originale ; cependant les graphies ont été modernisées. »)
  7. Qui est ingénieux, où il y a de l’esprit.
    • Il songe à tout, aux plus petites choses. Il crayonne de malicieux portraits, raconte avec enjouement des anecdotes spirituelles. — (Octave Mirbeau La Mort de Balzac, 1907)
  8. (Par extension) Qualifie une physionomie, on devine, on présume que la personne a de l’esprit.

Nom commun - français

spirituel \spi.ʁi.tɥɛl\ masculin singulier

  1. Ce qui regarde la religion, l’église, par opposition au temporel.
    • On a dit qu’avec Notre-Dame, c’était le cœur de Paris qui avait été touché. Mais pourquoi le cœur de Paris, ce n’est pas l’Arc de triomphe ou l’obélisque de la Concorde ? Parce que les guerres, les conquêtes et les gouvernants passent, mais le spirituel demeure. — (Michel Serres, Nicolas Truong, L’ultime entretien de Michel Serres au « Monde » : « Philosopher, c’est passer partout », Le Monde. Mis en ligne le 3 juin 2019)
    • Il ne se mêle que du spirituel et laisse à un autre le soin du temporel.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

SPIRITUEL, ELLE. adj.
Qui est incorporel, qui est esprit. Les anges sont des substances spirituelles. Dans le langage religieux, il signifie Qui a rapport à l'âme, à la conscience, par opposition à Sensuel, charnel. La vie spirituelle. Des lectures spirituelles. Entretiens spirituels. Exercice spirituel. Communion spirituelle, Prière par laquelle quelqu'un s'unit d'esprit à ceux qui communient, par laquelle il demande à Dieu de lui accorder les mêmes grâces que s'il communiait. Concert spirituel, Concert de musique religieuse.

SPIRITUEL signifie aussi Qui regarde la religion, l'Église, par opposition à Temporel. Poser des bornes entre la puissance spirituelle et la puissance temporelle. On doit éviter de confondre les affaires spirituelles et les affaires temporelles, les intérêts spirituels et les intérêts temporels. Sacrifier les biens temporels aux biens spirituels. Substantivement, Le spirituel d'un bénéfice. Il ne se mêle que du spirituel et laisse à un autre le soin du temporel. Il signifie encore Qui est mystique, allégorique, par opposition à Littéral. Jacob et Ésaü, dans le sens spirituel, représentent les bons et les méchants. Il se dit aussi des Liens de l'esprit, de l'intelligence. Parenté spirituelle. Fils spirituel. Il signifie également Qui a de l'esprit. Un homme fort spirituel. Une femme très spirituelle. Il signifie encore, en parlant des Choses, Qui est ingénieux, où il y a de l'esprit. Une réponse spirituelle. Une pensée spirituelle. Un ouvrage spirituel. Il a l'air spirituel, la physionomie spirituelle, À son air, à sa physionomie, on devine, on présume qu'il a de l'esprit.

Littré (1872-1877)

SPIRITUEL (spi-ri-tu-èl, è-l') adj.
  • 1Qui est esprit, qui n's pas de corps. Les anges sont des substances spirituelles. L'ennuyeuse chose que d'être si peu spirituelle, que de ne pouvoir faire un pas sans son corps ! Sévigné, 14 août 1680. C'est par là que nous connaissons que Dieu est parfaitement libre en tout ce qu'il fait au dehors, corporel ou spirituel, sensible ou intelligible, Bossuet, Libre arb. 2. Les idées que Dieu a eues [des êtres en les créant] ne sont point différentes de lui-même ; et ainsi toutes les créatures, même les plus matérielles et les plus terrestres, sont en Dieu, quoique d'une manière toute spirituelle que nous ne pouvons comprendre, Malebranche, Rech. vér. III, II, 5. Nous savons que l'âme est spirituelle ; mais nous ne savons point du tout ce que c'est qu'esprit, Voltaire, Pol. et lég. Traité tolérance, Extr. tol. des juifs.

    Fig. Famille spirituelle, suite de gens qui, dans les lettres ou les sciences, appartiennent au même ordre d'idées. Puisqu'il n'y en a presque point eu [de philosophes] qui n'aient fait gloire de tirer leur savoir et, s'il faut ainsi dire, leur extraction spirituelle de ce grand homme [Socrate], La Mothe le Vayer, Vertu des païens, II, Avant-propos. M. l'abbé Bignon les présenta tous deux ensemble [Tournefort et Homberg] à l'Académie, deux premiers-nés pour ainsi dire, dignes de l'être d'un tel père et d'annoncer toute la famille spirituelle qui les a suivis, Fontenelle, Tournefort.

    Substantivement. La nature… empoigna les âmes de Samson, d'Hector… d'Alexandre, de César… puis, les ayant pulvérisées, calcinées, rectifiées, elle réduisit toute cette confection en un spirituel sublime, qui n'attendait plus qu'un fourreau pour s'y fourrer, Cyrano de Bergerac, Péd. joué, I, 1.

  • 2Qui a rapport à l'esprit, à l'âme. Vous avez ouï le langage de la ville de paix, qui s'appelle la Jérusalem mystique ; et vous avez ouï le langage de la ville de trouble que l'Écriture appelle la spirituelle Sodome ; lequel de ces deux langages entendez-vous ? lequel parlez-vous ? Pascal, Prov. XI. Rome a été le chef de l'empire spirituel que Jésus-Christ a voulu étendre par toute la terre, Bossuet, Hist. III, 1. Cette humeur [l'humeur de chacun de nous] est la cause de toutes nos maladies spirituelles et de toutes nos chutes, Bossuet, Lettr. Corn. 149. Je crois que ceux-là se trompent, qui pensent que la rébellion du corps n'est cause que des vices grossiers, tels que sont l'intempérance et l'impudicité ; et non de ceux qu'on appelle spirituels, comme l'orgueil et l'en vie, Malebranche, Rech. vér. Éclair. l. I, t. IV, p. 116, dans POUGENS.
  • 3 Terme de dévotion. Qui regarde la conduite de l'âme, la conscience, par opposition à sensuel, charnel, corporel. Il y a diversité de dons spirituels ; mais il n'y a qu'un même esprit, Sacy, Bible, St Paul, 1re épît. aux Corinth. XII, 4. Je ne dis pas ceci par le zèle pieux d'une dévotion spirituelle, Pascal, Pens. IX, 1, édit. HAVET. Elle [Mme la Dauphine] porte à l'Agneau sans tache immolé sur l'autel… des pensées pures, des affections spirituelles, Fléchier, Dauphine.

    Substantivement. Elle [Mme de Marans] mariait le luth avec la voix, et le spirituel avec les grossièretés qui font horreur, Sévigné, 4 mai 1672.

    Vie spirituelle ou vie intérieure, habitude de la méditation ou de la contemplation, soin de réfléchir sur soi-même pour arriver à la perfection chrétienne.

    Bouquet spirituel, sentence, réflexion sainte, passage de l'Écriture, que l'on se rappelle de temps en temps dans la journée.

    Lecture spirituelle, exercices spirituels, lecture, exercices excitant la dévotion.

    Communion spirituelle, la part que ceux qui ne communient point, prennent à l'action du prêtre quand il communie, en s'unissant avec lui en esprit.

    Concert spirituel, concert public que l'on donne un des jours de la semaine sainte ; autrefois tous les théâtres faisaient relâche pendant la quinzaine de Pâques, et, à l'Académie royale de musique, on remplaçait le spectacle par des concerts où l'on chantait de la musique religieuse, ou de la musique d'un caractère élevé et sévère. Aujourd'hui, on appelle concerts spirituels ceux où l'on exécute une musique d'un caractère religieux. Les spectacles sont cessés, et les concerts spirituels sont fort courus, Lettres de Mlle Aïssé, de Paris, 1728, édit. DENTU, p. 183. On ferme l'Opéra le jour du vendredi saint, de Pâques, de Noël, de la Pentecôte ; mais l'orchestre de l'Opéra, les chanteurs ou les chanteuses vont sur un autre théâtre qu'on appelle concert spirituel, Mercier, Tabl. de Paris, 1559.

    Médecins spirituels, guides spirituels, pères spirituels, les confesseurs, les directeurs. Faisons-nous bien connaître aux médecins spirituels de nos âmes, afin qu'ils puissent mieux nous traiter, Bourdaloue, 24e dim. après la Pentec. Domin. t. IV, p. 451.

  • 4Il se dit des personnes chez qui règne la spiritualité. L'homme spirituel juge de tout et n'est jugé de personne, Sacy, Bible, St Paul, 1re épître aux Corinth. II, 15. Hé ! dites-moi, chères âmes, sont-elles [les personnes qui aiment à se répandre au dehors] pour l'ordinaire bien spirituelles et filles d'oraison, si elles ne sont recueillies ? Bossuet, Sermons, Silence, 1. Chrétiens qui, malgré leur relâchement, se piquent encore d'être spirituels et parfaits dans leur religion, Bourdaloue, Carême, II, Richesses, 32.

    Substantivement. Ce sont de faux spirituels qui blâment l'attachement qu'on a à Jésus-Christ, Bossuet, Lett. Corn. 98. Sainte Thérèse trouve des demi-spirituels, des demi-savants qui lui reprochent la stérilité de son âme, Fléchier, Panég. Ste Thérèse.

    Nom qui fut donné dans le XIIIe siècle à des membres de l'ordre des frères mineurs de l'ordre. de Saint-François qui firent schisme.

  • 5Qui concerne la religion, l'Église, par opposition à temporel. Le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel. Rentrer dans les emplois purement spirituels de ma profession, mais avec sûreté, Retz, t. II, liv. III, p. 155, dans POUGENS. Le même [Andronic Paléologue] craignait que Dieu ne lui demandât compte du temps qu'il employait à gouverner son État, et qu'il dérobait aux affaires spirituelles, Montesquieu, Rom. 22.

    Substantivement. Le spirituel et le temporel. Le spirituel d'un bénéfice. Les princes ne peuvent rien pour l'Église, touchant le spirituel, qu'en lui obéissant, Fénelon, t. XVII, p. 247.

  • 6En parlant de l'interprétation des livres révélés, il s'oppose à littéral, et se dit du sens mystique ou allégorique. Les prophéties ont un sens caché et spirituel, dont ce peuple [juif] était ennemi, sous le charnel, dont il était ami, Pascal, Pens. XV, 7, éd. HAVET. Le sens spirituel est de plusieurs sortes : 1° le sens moral ; 2° le sens allégorique ; 3° le sens anagogique, Dumarsais, Œuv. t. III, p. 222.
  • 7Qui a de l'esprit. La princesse de Rossana, quoique très spirituelle, n'approchait pas du génie de la signora Olympia, Retz, IV, 84. Elle juge, elle prononce, elle décide, parce qu'elle se croit femme spirituelle et intelligente ; mais elle aurait beaucoup plus de raison et plus d'esprit, si elle s'en croyait moins pourvue, Bourdaloue, Pensées, t. II, p. 228.

    Molière l'a employé comme substantif féminin pour dire une femme trop adonnée à la recherche de l'esprit. Moi, j'irais me charger d'une spirituelle Qui ne parlerait rien que cercle et que ruelle ! Molière, Éc. des femmes, I, 1.

    En parlant des choses, qui annonce de l'esprit. Physionomie spirituelle. Des yeux vifs et spirituels. L'air spirituel est dans les hommes ce que la régularité des traits est dans les femmes ; c'est le genre de beauté où les plus vains puissent aspirer, La Bruyère, XII. Il est aussi aisé d'être un homme d'esprit et d'avoir l'air d'un sot, que de cacher un sot sous une physionomie spirituelle, Diderot, le Neveu de Rameau.

    Où il y a de l'esprit. Une réponse spirituelle. Lors même que la pensée est colorée par l'imagination ou animée par le sentiment, elle nous frappe d'autant plus qu'elle est plus spirituelle, c'est-à-dire plus vive, plus finement saisie, et d'une combinaison à la fois plus juste et plus nouvelle dans ses rapports, Marmontel, Œuvr. t. IX, p. 416.

    Dans la gravure, touche spirituelle, touche qui est donnée avec vivacité, et qui, d'un seul trait, prête à l'objet le caractère, l'effet qui lui est propre.

HISTORIQUE

XIIe s. Droiz est ke la sainte pense [pensée] rapresset par spiritueil chastiement tot ce ke ele sent charneilment elleveir en soi, Job, p. 452. Al jugement en vient la maisnie Nerun ; Lur pere espirital jugent comme bricun, Que li reis le presist e mesist en prisun, Th. le mart. 44.

XIIIe s. Les autres [choses] sont spirituels, lesqueles commencent et ne finissent, ce sont li angle et les ames, Latini, Trésor, p. 21. Poi [peu] seroit doutée l'espée esperituel des malvès, s'il ne cuidoient que l'espée temporel s'en mellat, Beaumanoir, I, 38.

XIVe s. Les deables les mainent tellement de pechié en pechié, qu'ilz sont occis et mors de la mort spirituelle, Modus, f° 64, verso.

XVe s. Tous les princes d'Allemagne tant spirituels que temporels, Commines, IV, 2.

XVIe s. Les maladies spirituelles en ont aussi besoin [de remèdes], Lanoue, 328. L'artere est semblablement vaisseau à sang, mais plus spirituel, Paré, I, 10.

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Étymologie de « spirituel »

Provenç. espirital ; espagn. espiritual ; ital. spirituale ; du lat. spiritalis ou spiritualis, de spiritus (voy. ESPRIT).

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(Xe siècle) Du bas latin spiritualis, variante de spiritalis (« propre à l’esprit »), dérivé de spīrĭtus « souffle, esprit ».
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Phonétique du mot « spirituel »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
spirituel spiritµɛl

Fréquence d'apparition du mot « spirituel » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « spirituel »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « spirituel »

  • Femme nue, femme noireVêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté !J’ai grandi à ton ombre ; la douceur de tes mains bandait mes yeux.Et voilà qu’au cœur de l’Été et de Midi, je te découvre Terre promise, du haut d’un haut col calcinéEt ta beauté me foudroie en plein cœur, comme l’éclair d’un aigle.Femme nue, femme obscureFruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais lyrique ma boucheSavane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d’EstTam-tam sculpté, tam-tam tendu qui grondes sous les doigts du VainqueurTa voix grave de contralto est le chant spirituel de l’Aimée.Femme nue, femme obscureHuile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l’athlète, aux flancs des princes du MaliGazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peauDélices des jeux de l’esprit, les reflets de l’or rouge sur ta peau qui se moireA l’ombre de ta chevelure, s’éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.Femme nue, femme noireJe chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’ÉternelAvant que le Destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie.
    Léopold Sédar Senghor —  Chants d’ombre
  • Sur le plan spirituel, toute douleur est une chance ; sur le plan spirituel seulement.
    Emil Michel Cioran
  • Pour approcher le spirituel en art, on fera usage aussi peu que possible de la réalité, parce que la réalité est opposée au spirituel.
    Piet Mondrian
  • Femme nue, femme noireVétue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beautéJ’ai grandi à ton ombre ; la douceur de tes mains bandait mes yeuxEt voilà qu’au cœur de l’Eté et de Midi,Je te découvre, Terre promise, du haut d’un haut col calcinéEt ta beauté me foudroie en plein cœur, comme l’éclair d’un aigleFemme nue, femme obscureFruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais lyrique ma boucheSavane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d’EstTamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueurTa voix grave de contralto est le chant spirituel de l’AiméeFemme noire, femme obscureHuile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l’athlète, aux flancs des princes du MaliGazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau.Délices des jeux de l’Esprit, les reflets de l’or rongent ta peau qui se moireA l’ombre de ta chevelure, s’éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.Femme nue, femme noireJe chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’EternelAvant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie.
    Léopold Sédar Senghor — « Femme noire »
  • On peut dire quelque chose de spirituel pour tout et contre tout.
    Georg Christoph Lichtenberg — Aphorismes
  • Requiem : nécro spirituel.
    Jacques Pater — Le Petit Pater illustré
  • La conscience spirituelle qui émane de ce texte signale l’avènement d’une pensée plus ample (« Tout est lié ») fondée sur des observations concrètes et précises. C’est pourquoi elle dispose de recommandations très pratiques. Elle révèle surtout que l’évolution de la doctrine sociale de l’Église catholique s’est opérée selon une logique œcuménique que l’on retrouve également en France et chez un grand nombre de leaders religieux de la planète.
    The Conversation — Débat : Comment la spiritualité peut nous aider à penser la crise
  • La maladie du scrupule est un des fléaux de la vie spirituelle.
    André Billy — L'Approbaniste, Flammarion
  • Ce qui fait de nous des laïques n’est pas la séparation du temporel et du spirituel, c’est la séparation du spirituel et du religieux.
    Alain Finkielkraut — Extrait de l'interview du Figaro du 13 octobre 2015
  • Le XXIème siècle sera spirituel ou ne sera pas.
    André Malraux
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Traductions du mot « spirituel »

Langue Traduction
Anglais spiritual
Espagnol espiritual
Italien spirituale
Allemand spirituell
Chinois 精神
Arabe روحاني
Portugais espiritual
Russe духовный
Japonais スピリチュアル
Basque espirituala
Corse spirituale
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Synonymes de « spirituel »

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Antonymes de « spirituel »

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Spirituel

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