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Tromper

Définitions de « tromper »

Trésor de la Langue Française informatisé

TROMPER, verbe trans.

A. − Empl. trans.
1. Qqn trompe qqn
a) Donner volontairement une idée erronée de la réalité, induire en erreur en usant de mensonges, de dissimulation, de ruse. Synon. abuser, baiser1(arg.), berner, duper, mystifier, posséder (fam.).Tromper qqn avec de belles paroles; tromper un expert; tromper qqn dans un marché; tromper l'ennemi. Dans le commencement de mon veuvage, je faisais de véritables folies: on était obligé de me tromper pour me faire prendre quelques alimens (Leclercq, Prov. dram., MmeSorbet, 1835, 6, p. 145).D'ailleurs vous êtes des menteurs. On m'avait dit qu'il y aurait une dizaine de réfractaires, et vous êtes plus de quatre-vingts. Vous m'avez trompé! Vous avez trompé mes officiers! (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 293).
Empl. abs. [Méphistophélès] a (...) quelque chose de doucereux auprès des femmes, parce que, dans cette seule circonstance, il a besoin de tromper pour séduire (Staël, Allemagne, t. 3, 1810, p. 74).
Empl. pronom. réfl. Se mentir (à soi-même). Il ne faut jamais chercher la confirmation de son idée ou de sa théorie parce qu'alors on cherche à se tromper et par suite on trompe les autres (Cl. Bernard, Princ. méd. exp., 1878, p. 251).Vous ne reviendrez pas, vous ne reviendrez jamais, si vous nous quittez aujourd'hui. N'essayez pas de me tromper. N'essayez pas de vous tromper vous-même (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 253).
Empl. pronom. réciproque. Se mentir l'un à l'autre. Ils se trompaient donc l'un l'autre, triste fatalité de leur mutuelle situation, et ils s'écrivaient comme si de rien n'était (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 90).D'ailleurs, Andrée, inutile de nous tromper l'un l'autre. J'ai trouvé un papier, un matin, dans la chambre d'Albertine (Proust, Fugit., 1922, p. 618).
Loc. Tromper le/son monde. Faire illusion auprès des autres sur ses qualités, sa personnalité. N'est-ce pas vous (...) qui, pour mieux tromper le monde, revêtez comme votre tunique la blonde candeur de la science allemande? (Quinet, All. et Ital., 1836, p. 109).Je me donne un air absorbé, pour tromper mon monde, mais j'écoute hypocritement le marchand de chevaux qui parle toujours (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 82).
Tromper qqn sur qqc.Faire prendre à quelqu'un une chose pour ce qu'elle n'est pas. Tromper qqn sur la marchandise, sur la qualité d'un produit. On avait trompé le maréchal de Bellune sur des amas de vivres et de fourrages (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 194).Nos opérations de droite et du centre (...) contribueraient peut-être à tromper l'ennemi sur nos intentions véritables (Joffre, Mém., t. 1, 1931, p. 243).
b) En partic. Tromper qqn (avec qqn).Être infidèle à quelqu'un; avoir une aventure (avec quelqu'un). Synon. trahir.Nana trompait Satin comme elle trompait le comte, s'enrageant dans des toquades monstrueuses, ramassant des filles au coin des bornes (Zola, Nana, 1880, p. 1453).Il ne se disait pas: « Je vais tromper Anne. Cela implique que je l'aime moins », mais: « C'est ennuyeux, cette envie que j'ai d'Elsa! Il faudra que ça se fasse vite, ou je vais avoir des complications avec Anne » (Sagan, Bonjour tristesse, 1954, p. 163).
c) [Le suj., le compl. d'obj. dir. désignent une pers. ou un animal] Induire en erreur par des ruses, des faux-semblants (pour échapper à une poursuite, déjouer une surveillance). Synon. donner le change* à.Prisonnier qui trompe son gardien. Cette manœuvre (...) propre au cerf traqué (...) a, entre autres avantages, celui de tromper les chasseurs et les chiens (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 536).Il attendait le taureau et le trompa au dernier moment par un écart, dans un tonnerre d'applaudissements (Montherl., Bestiaires, 1926, p. 557).
P. méton. [Le compl. d'obj. dir. désigne un inanimé abstr.] Se soustraire (à l'attention de quelqu'un). Tromper les regards de qqn. Un ancien forçat (...) était parvenu à tromper la vigilance de la police; il avait changé de nom et avait réussi à se faire nommer maire d'une de nos petites villes du Nord (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 435).Je ne me rappelais même plus comment j'avais trompé la surveillance du poinçonneur, mais j'admettais que je m'étais introduit frauduleusement dans le wagon (Sartre, Mots, 1964, p. 90).
2. Qqc. trompe qqn.Présenter à l'esprit une idée trompeuse; provoquer une erreur de jugement, d'appréciation. Synon. abuser.
a) [Le suj. désigne un inanimé concr.] Le brouillard trompe les conducteurs. La vraie mer est froide et noire, pleine de bêtes; elle rampe sous cette mince pellicule verte qui est faite pour tromper les gens (Sartre, Nausée, 1938, p. 159).
b) [Le suj. désigne un inanimé abstr.] Témoignage qui trompe les jurés. C'est là encore une des causes nombreuses qui peuvent tromper le médecin (Cl. Bernard, Princ. méd. exp., 1878, p. 250).
Empl. abs. La mémoire, les sens trompent parfois. Les pensées trompent et mentent (Mauriac, Journal 2, 1937, p. 176).
Locutions
C'est ce qui/voilà ce qui vous trompe. C'est en cela que vous faites erreur. Il est donc riche, votre comte?Ma foi! je le crois.Mais cela doit se voir, ce me semble?Voilà ce qui vous trompe (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 580).Siegfried: Mademoiselle Éva n'a rien à voir entre nous. Zelten: C'est ce qui vous trompe, elle a beaucoup à voir (Giraudoux, Siegfried, 1928, iii, 2, p. 116).
Cela/telle chose ne trompe personne. Cela/telle chose ne fait illusion à personne. Mais en parlant de morale, comment ne rien dire des religions? Ce serait une affectation déplacée: elle ne tromperait personne (Senancour, Obermann, t. 2, 1840, p. 181).Nos mensonges ne trompent personne. Si, parfois, nous embellissons le vrai, c'est parce qu'il n'était pas assez bien, c'est parce que le manioc sans sel n'a pas de saveur (Maran, Batouala, 1921, p. 75).
Ne pas tromper. Être un indice sûr (de quelque chose). Je réponds de la petite. Deux grands yeux languissants, cela ne trompe pas (Musset, Lorenzaccio, 1834, i, 1, p. 83).Certaines grâces vous sont prodiguées comme avec excès, sans mesure (...). Pour moi, ce signe ne peut tromper: le diable est entré dans votre vie (Bernanos, Soleil Satan, 1926, p. 221).
3. Qqc./qqn trompe qqc.
a) Ne pas correspondre à ce qu'on pouvait attendre ou souhaiter de positif. Synon. décevoir.Ce résultat médiocre a trompé notre attente; cet enfant a trompé les espoirs de ses parents. Ce dénouement trompe nécessairement la curiosité. Peut-être en est-il ainsi de tous les dénouements vrais (Balzac, E. Grandet, 1834, p. 265).On n'aime point tromper la confiance vraie (Alain, Propos, 1921, p. 199).
b) Calmer par une satisfaction illusoire ou momentanée; faire diversion à une situation désagréable. Synon. apaiser.Tromper sa faim, sa soif (avec /par qqc.); divertissement propre à tromper l'ennui. Le moment du dîner amena d'autres conversations et trompa son chagrin; la gaieté prit le dessus (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 241).J'étais dans le grand salon noir occupé à fumer une cigarette, pour tromper ma fièvre (Jouve, Scène capit., 1935, p. 211).
Loc. Tromper le temps, les heures, les dernières minutes. S'occuper pour ne pas trouver le temps trop long. Ils cherchaient à tromper les heures en mille sortes d'occupations, et, continuellement pressés par l'inquiétude qui les dévorait, se répandaient de tous côtés, au bois, aux courses, dans les sociétés (Bourges, Crépusc. dieux, 1884, p. 133).
B. − Empl. pronom.
1. Commettre une erreur. Synon. pop., fam. se gourer, se planter.Se tromper de beaucoup, grossièrement, lourdement. Quand un acteur se trompe, le public souligne, quelquefois gentiment, comme pour dire: « Nous sommes là » (Renard, Journal, 1901, p. 658).Une face de bon facteur qui arrive, à force de suivre son nez, à finir sa tournée sans se tromper une fois (Aymé, Jument, 1933, p. 294).
Locutions
Tout le monde peut se tromper. [Pour reconnaître une erreur et la minimiser] Je puis vous assurer que personne au ministère n'a défendu vos dépêches télégraphiques avec plus de suite (...). Mais enfin, tout le monde peut se tromper (Stendhal, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 199).« Cette... méfiance, à l'égard de ton père... »« Tout le monde peut se tromper. La preuve! » (Martin du G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 722).
Ou je me trompe fort (ou...) [Pour indiquer la quasi-certitude qu'on a de qqc.] Un cavas est accroupi, un cavas rouge et or, à bonnet pointu et à grand cimeterre;livrée anglaise, ou je me trompe fort (Farrère, Homme qui assass., 1907, p. 81).Ou je me trompe fort, ou Marc et Philippe vont faire une maladie, tellement ils sont jaloux (Duhamel, Suzanne, 1941, p. 238).
Si je ne me trompe. [Pour atténuer ou, p. iron., renforcer une affirmation] Sauf erreur de ma part. Platon (...) dans son traité de la République (...) amène sur la scène, je ne sais trop comment, un certain Lévantin (Arménien, si je ne me trompe) (J. de Maistre, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 300).J'en pourrais citer beaucoup d'exemples. En voici un qui remonte, si je ne me trompe, aux premiers temps de Justine dans notre maison (A. France, Pt Pierre, 1918, p. 219).
2. [Avec un compl. prép.] Se tromper dans ses prévisions, en telle matière. [Le] pardon misérable que vous ne manquez pas d'accorder à celui qui se trompe en ses calculs (Boylesve, Leçon d'amour, 1902, p. 151).Il lui faisait remonter tout exprès, les cinq étages sur la cour pour lui répéter une fois de plus (...) qu'il se trompait dans toutes les adresses (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 467).
En partic.
Se tromper à qqc.Être victime d'une illusion, se méprendre, en considérant quelque chose. Synon. se laisser prendre*.Ne vous y trompez pas! Qu'on ne s'y trompe pas! On pourrait se tromper à son air innocent; impossible de se tromper à ces paroles. Ce n'est pas assez de vouloir du bien à ceux qu'on aime, il faut qu'ils ne puissent pas s'y tromper un instant (Amiel, Journal, 1866, p. 183):
Quelles que soient les variétés d'espèces qui cohabitent, quelles que soient même les différences extérieures des procédés d'adaptation dont elles usent, il y a dans toute cette population végétale un signalement commun, auquel ne se trompe pas un œil exercé. Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p. 7.
Loc. C'est à s'y tromper; on s'y tromperait; on peut, on pourrait s'y tromper. Les apparences sont telles qu'une méprise est possible. Je m'étonne (...) que vous n'ayez pas compris plus tôt que vous aviez affaire à un homme de génie. (...) On peut s'y tromper, en effet (Larbaud, F. Marquez, 1911, p. 157).Par les seules ressources d'une peinture monochrome, il a provoqué l'illusion parfaite d'une statue équestre appliquée avec son socle contre la paroi (...). Virtuosité du réalisme! On pourrait s'y tromper (Huyghe, Dialog. avec visible, 1955, p. 170).À s'y tromper. À tel point qu'une méprise est possible. Il lui ressemble à s'y tromper. Une habile combinaison d'émail imitait à s'y tromper le plumage ocellé de l'oiseau (Gautier, Rom. momie, 1858, p. 197).
Se tromper de + nombre.Faire une erreur numérique de. Se tromper d'un franc en rendant la monnaie. Maheu avait une montre qu'il ne regarda même pas. (...) jamais il ne se trompait de cinq minutes (Zola, Germinal, 1885, p. 1169).Almagro, tu t'es trompé de cent ans. Dans cent ans il sera temps de prendre la charrue, maintenant c'est avec le glaive que nous devons labourer (Claudel, Soulier, 1944, 2epart., 2, p. 1048).
♦ Dans le domaine concr.Se tromper de + subst. sans art.Prendre une chose, une personne pour une autre; faire une confusion concernant telle chose, telle personne. Se tromper de chapeau, de chemin, de direction, d'étage, de jour, de mot, de saison; se tromper d'interlocuteur. Très-peu sensible aux choses qui nous entouraient (...), assez indifférent au cours des saisons pour se tromper de mois comme il se serait trompé d'heure (Fromentin, Dominique, 1863, p. 53).Je n'osais plus m'enchanter de ma geste future mais dans le fond j'étais terrorisé: on avait dû se tromper d'enfant ou de vocation (Sartre, Mots, 1964, p. 135).Loc. fig., fam. Se tromper d'adresse, de porte. V. adresse1I A 2, porte1I A 2 a γ.
♦ Dans le domaine intellectuel.Se tromper sur qqc./qqn.Faire une erreur de jugement, d'appréciation au sujet de quelque chose, de quelqu'un. Synon. s'illusionner.Vous vous trompez également sur les chiffres (Hugo, Corresp., 1862, p. 419).Dois-je vous dire, monsieur, lui répondit le directeur, parfait gentleman, que pas un de nous ne s'est trompé un seul instant sur votre personnalité (Fargue, Piéton Paris, 1939, p. 231).
REM. 1.
Trompable, adj.,rare. [En parlant d'une pers., d'un ensemble de pers.] Qui peut être trompé, trahi. Le pouvoir de la société en France, le plus indépendant et le plus frondeur des pouvoirs, a été remplacé par le pouvoir de l'opinion publique, le plus trompable et le plus servile (Goncourt, Journal, 1862, p. 1014).
2.
Trompailler, verbe trans.,péj., fam. Trompailler qqn (avec qqn). Être infidèle à quelqu'un, avoir une aventure (avec quelqu'un). Elle me donne tous les jours de tels maux de tête que je suis obligée de prendre chaque fois un cachet de pyramidon. Et tout cela parce qu'il a plu à Basin pendant un an de me trompailler avec elle (Proust, Guermantes 2, 1921, p. 493).
Prononc. et Orth.: [tʀ ɔ ̃pe], (il) trompe [tʀ ɔ ̃:p]. Homon. de formes conjuguées: trompe. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) Ca 1352-1356 se trouver trompé « être dans une situation délicate » (Jean le Bel, Chronique, éd. J. Viard et E. Déprez, t. 1, p. 209); b) 1388 se tromper de qqn « se jouer de quelqu'un » (Arch., JJ 135, pièce 135 ds Gdf.); c) 1396 trans. « se moquer de quelqu'un » (Manière de lang., éd. J. Gessler, p. 81); 2. a) 1420 « donner volontairement à quelqu'un une idée erronée de la réalité, de la vérité » (Rel. de la Loy, A. Tournai ds Gdf. Compl.); ca 1456-69 empl. abs. (Pathelin, éd. R. T. Holbrook, 44); 1534 pronom. (Rabelais, Gargantua, éd. R. Calder et M. A. Screech, XXIX, p. 186); 1633 si je ne me trompe (Peiresc, Lettr., IV, 89 ds Quem. DDL t. 19); 1812 se tromper de + subst. sans art. « faire une confusion concernant telle chose, prendre une chose pour une autre » (Mozin-Biber); b) 1667 « être infidèle aux engagements sentimentaux ou conjugaux pris envers quelqu'un » (Molière, Le Misanthrope, IV, 2 ds Œuvres, éd. E. Despois et P. Mesnard, t. 5, p. 519); c) 1672 tromper les regards « échapper aux regards » (Racine, Bajazet, I, 1 ds Œuvres, éd. P. Mesnard, t. 2, p. 500); 1718 « se soustraire habilement à l'attention de quelqu'un » (Ac.); d) 1673 « induire (une personne ou un animal) en erreur par des faux-semblants de façon à déjouer une surveillance, à échapper à une poursuite » (Racine, Mithridate, III, 1 ds Œuvres, t. 3, p. 56); 3. a) 1552 « calmer par une satisfaction illusoire, une diversion momentanée » (Rabelais, Quart Livre, éd. R. Marichal, p. 3); b) 1558 tromper le temps « s'occuper, faire quelque chose pour ne pas trouver le temps trop long » (B. Des Périers, Nouv. récréations et joyeux devis, 1, éd. Kr. Kasprzyk, p. 13); 4. en parlant de choses a) 1553 « présenter à l'esprit une idée, une représentation trompeuse » (La Bible, s.l., impr. J. Gerard, Ps. 78 d'apr. FEW t. 17, p. 378a); b) 1580 « ne pas correspondre à ce que l'on attendait, à ce que l'on espérait » (Montaigne, Essais, I, 26, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 164). Empl. fig. de tromper « jouer de la trompe » (ca 1195, Ambroise, Guerre sainte, 2339 ds T.-L.), dér. de trompe*, dés. -er. Fréq. abs. littér.: 11 289. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 18 721, b) 15 777; xxes.: a) 14 651, b) 14 825. Bbg. Dane (J.A.). Linguistic trumpery. Rom. R. 1980, t. 71, pp. 114-121. − Goug. Mots t. 1 1962, pp. 136-137. − Guiraud (P.). Le Ch. morpho-sém. du mot tromper. B. Soc. Ling. 1968, t. 63, pp. 96-109. − Posner (R.). Lexical gaps and how to plug them. Mél. Ullmann (S.). Leeds, 1981, p. 129.

Wiktionnaire

Verbe - français

tromper \tʁɔ̃.pe\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison) (pronominal : se tromper)

  1. (Absolument) Induire en erreur, par artifice.
    • Delcassé ne mentait pas, mais il lui arrivait de tromper sur ses intentions, sur ses projets. Il trompait par ses silences, il trompait par des flux de paroles derrière lesquels il abritait des desseins patiemment médités. — (Joseph Caillaux, Mes Mémoires, I, Ma jeunesse orgueilleuse, 1942)
    • Les partis les plus austrophiles comprennent qu'ils ont été trompés et protestent vigoureusement. C'est le cas par exemple du Bloc des Gauches du Royaume de Pologne qui est indigné et indique que le pays de Chelm comporte 66 % de Polonais contre 33,8% d'Ukrainiens. — (Ghislain de Castelbajac, « La France et la question polonaise (1914-1919) », dans Recherches sur la France et le problème des nationalités pendant la Première Guerre mondiale (Pologne, Lituanie, Ukraine) , sous la direction de Georges-Henri Soutou, Presses de l'Université de Paris-Sorbonne, 1995, page 91)
  2. (Génériquement) (forme qqn trompe qqn). Abuser de la confiance de quelqu’un.
    • La première, selon le même père, est d’éviter la démangeaison de disputer, et une certaine ostentation puérile de tromper son adversaire. — (Démonstrations évangéliques de Tertullien, Chez l'éditeur, 1843, page 1217)
    1. (Société) Trahir, être infidèle à son partenaire.
      • Je ne vous saurois dire lequel étoit le plus aise des deux, ou lui de tromper sa femme ou elle de tromper son mari. — (Les Vieux Conteurs Français, 1841, page 330)
      • Malheureusement pour elle, mettant toute son étude à tromper son mari, elle n’était pas assez attentive à tromper ses amants, je veux dire à leur cacher qu’elle les trompait les uns avec les autres. — (Anatole France, Les Sept Femmes de la Barbe-Bleue et autres contes merveilleux, 1909)
      • — Tu la trompes, ta femme ?
        — Ça arrive.
        — Et alors ?
        — Ça ne compte pas. C’est le rayon d’à côté.
        — (Robert Merle, Week-end à Zuydcoote, 1949, réédition Le Livre de Poche, page 160)
  3. (Par extension) (forme qqn trompe qqc). Utiliser un artifice pour sortir d’une situation. → voir tromper sa faim, tromper l’ennui et tromper le temps
    • Peu à peu, avec de l’eau qui désaltère, de la kacha qui trompe sa faim, l’enfant se calme dans les bras de sa nouvelle mère […] sa— (Jean-Claude Grumberg, La plus précieuse des marchandises, Le Seuil, 2019)
    1. Décevoir l’attente d’un groupe par un comportement contraire.
      • Ce jeune homme n’a point trompé l’attente qu’on avoit de lui : il a surpassé l'attente du public. — (Antoine Furetière, Dictionnaire universel, 1727)
  4. (Figuré) (Personnification) (forme qqc trompe qqn) abuser, provoquer une erreur de jugement, d'appréciation. Note :  : forme passive de la précédente (qqn est trompé par qqc).
    • Sa tenue trompe, soit-il de peu, alors que sa compétence ne trompe pas. — (Ilaria Brocchini, En deçà des apparences, Éditions L'Harmattan, 2018, page 12)
  5. (Par extension) (forme qqc trompe qqc) Déjouer une situation par un artifice, un événement, une action.
    • […] le Journal des Débats affirme que « la continuation des hostilités a trompé toutes les prévisions. — (La phalange : journal de la science sociale, 1841, page 303)
    1. (Escrime) Soustraire sa lame à la parade adverse.
      • Si l’adversaire prend le contre de Quarte, portez le coupé de revers en dessous dans le bas du dehors, avec élévation du poignet et opposition ; ce coup trompe le contre de Quarte [...] — (B. De Bast, Manuel d’escrime, Kips, 1836, page 92)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

TROMPER. v. tr.
Induire en erreur, par artifice. Tromper l'acheteur sur la qualité de la marchandise. Tromper adroitement, grossièrement. Tromper hardiment, effrontément. Ce marchand nous a trompés. Les plus fins y sont trompés. Il tromperait son père. Absolument, Il est incapable de tromper. Tromper au jeu, Tricher. Tromper la vigilance de quelqu'un, Tromper quelqu'un malgré sa vigilance, échapper à sa surveillance. Le prisonnier parvint à tromper la vigilance de ses gardes. Tromper les regards, Échapper aux regards.

TROMPER signifie spécialement Trahir, être infidèle à son mari, à sa femme, à son amant, etc. Cette femme trompe son mari. Il la trompe indignement. Il se dit figurément des Choses qui donnent lieu à quelque erreur, à quelque méprise. L'horloge nous a trompés. Sa maladie a trompé tous les médecins. Cet homme a une mine qui trompe. Nos sens nous trompent souvent. Mes yeux ne m'ont point trompé. Fam., C'est ce qui vous trompe, À cet égard vous êtes dans l'erreur.

TROMPER signifie aussi, figurément, Décevoir, faire ou dire quelque chose de contraire à l'attente de quelqu'un, soit en bien, soit en mal. Il a trompé nos espérances, trompé notre attente. Il a trompé ma confiance. On attendait beaucoup de lui, il a trompé tout le monde. Je n'attendais rien de bon de cette affaire, j'ai été agréablement trompé. Il fut trompé dans son espoir. Tromper son ennui, ses ennuis, ses peines, Se distraire de ses ennuis, du sujet de ses peines. Tromper le temps, S'amuser, s'occuper à quelque chose, afin de ne pas trouver le temps long.

TROMPER se dit des Choses dans un sens analogue. L'événement a trompé leurs calculs, leurs conjectures.

SE TROMPER signifie Commettre une erreur, s'abuser. Vous vous trompez, cela n'est pas ainsi. Il se trompe dans son calcul. Il s'est trompé deux fois en récitant. Cet auteur s'est trompé. Je puis me tromper. Plus fin que moi s'y tromperait. Ne vous y trompez pas. Il se trompe lourdement. Il s'est trompé à son désavantage, à son détriment. Vous vous trompez du tout au tout. À se tromper, à s'y tromper, Au point qu'on y peut être trompé. Il lui ressemble à s'y tromper. Se tromper de robe, se tromper d'heure, etc., Prendre une route, prendre une heure pour une autre, etc. Fig. et par ironie, C'est un homme qui ne se trompe qu'à son avantage, qu'à son profit, C'est un homme qui ne s'abuse que dans les choses où l'erreur peut tourner à son avantage. Si je ne me trompe, Locution employée en forme de correctif, quand on n'est pas parfaitement certain d'un fait, ou quand on veut éviter le ton d'assurance et de présomption en donnant son avis. On dit aussi : Je me trompe fort ou telle chose est ainsi. Le participe passé

TROMPÉ s'emploie adjectivement. Un mari trompé, Un mari trahi par sa femme.

Littré (1872-1877)

TROMPER (tron-pé) v. a.
  • 1Induire en erreur en employant la ruse, l'artifice, le mensonge. Il me répondit en se moquant de moi, que je devais avoir observé que le monde veut être trompé ; ce mot est vrai, et se vérifia en cette occasion, Retz, Mém. t. III, liv. IV, p. 125, dans POUGENS. Vouloir tromper le ciel, c'est folie à la terre, La Fontaine, Fabl. IV, 19. Il faut que les princes ou leurs ministres s'étudient… à le séduire [le peuple] et tromper par les apparences, le gagner et tourner à leurs desseins, Naudé, Coups d'États, ch. IV, édit. de 1667, p. 242. Si je voulais, je citerais M. de la Rochefoucauld, qui était aussi aisé à tromper que moi, Sévigné, 435. Quand, pour punir les scandales, ou pour réveiller les peuples et les pasteurs, il [Dieu] permet à l'esprit de séduction de tromper les âmes hautaines, Bossuet, Reine d'Anglet. Il fut donné à celui-ci [Cromwell] de tromper les peuples et de prévaloir contre les rois, Bossuet, ib. On ne permet à un homme de bien d'être trompé qu'une fois, Bossuet, Rem. Réponse, IX, I, 14. S'il y avait moins de dupes, il y aurait moins de ce qu'on appelle des hommes fins ou entendus, et de ceux qui tirent autant de vanité que de distinction d'avoir su pendant tout le cours de leur vie tromper les autres, La Bruyère, XI. Je m'imaginais n'être trompé qu'à demi, puisque je savais que j'étais trompé, Fénelon, Tél. XII. On disait à Ferdinand, roi d'Aragon, que le roi de France se plaignait qu'il l'avait trompé deux fois : il en a menti, répondit-il, je l'ai trompé plus de dix, Saint-Foix, Ess. Paris, Œuv. t. IV, p. 381, dans POUGENS. Ne dites point qu'il faut tromper les hommes au nom de Dieu ; ce serait le discours d'un diable, s'il y avait des diables, Voltaire, Philos. Déf. Bolingbr. Axiomes, 1. Des questions très intéressantes et très utiles, celle-ci par exemple : S'il peut être utile de tromper le peuple ? nous n'avons jamais osé à l'Académie française proposer ce beau sujet, D'Alembert, Lett. au roi de Pr. 22 sept. 1777. Moi qu'ils ne trouvent pas digne d'être trompée, je vois leurs actions, Graffigny, Lett. péruv. 2.

    Absolument. On la croyait incapable ni de tromper ni d'être trompée, Bossuet, Anne de Gonz. Jadis l'homme vivait au travail occupé, Et, ne trompant jamais, n'était jamais trompé, Boileau, Épît. IX. L'enseigne est à leur porte [des maisons de jeu] ; on y lirait presque : ici l'on trompe de bonne foi, La Bruyère, VI. N'est-ce pas tromper que d'entretenir quelqu'un dans son erreur ? Comte de Caylus, Acad. de ces dames, Œuv. t. XII, p. 223, dans POUGENS.

    Cette femme trompe son mari, elle lui est infidèle.

    Au jeu, tromper, tricher. Je me donne au diable, s'il est possible que vous gagniez. - Et d'où vient ? dit Caméron, qui commençait à s'impatienter. - Voulez-vous le savoir ? dit Matta ; ma foi, c'est que nous vous trompons, Hamilton, Gram. III.

  • 2Séduire, en parlant des femmes qu'on trompe. Mathurine à don Juan : Ne m'allez pas tromper, je vous prie, il y aurait de la conscience à vous ; et vous voyez comme j'y vais à la bonne foi, Molière, Festin, II, 2. Trop crédules esprits que sa flamme [de Thésée] a trompés, Racine, Phèdre, I, 1. Les filles, en ce temps si souvent attrapées, Sur la foi des serments avaient été trompées, Regnard, Ménechm. v, 1.
  • 3Échapper à quelqu'un. Tromper des surveillants. Il a trompé la vigilance de ses gardiens. J'ai su tromper les yeux par qui j'étais gardé, Racine, Phèdre, III, 5. Mais pouvaient-ils tromper tant de jaloux regards ? Racine, Bajaz. I, 1. Il trompa leur poursuite à la faveur de l'obscurité, Lesage, Diable boit. 1.

    Tromper la loi, l'éluder.

  • 4En parlant des choses, donner lieu à une erreur, à une méprise. L'horloge nous a trompés. Mes yeux, moyennant ce secours [du toucher], Ne me trompent jamais en mo mentant toujours, La Fontaine, Fabl. VII, 18. Pendant qu'un philosophe assure Que toujours par leurs sens les hommes sont dupés, Un autre philosophe jure Qu'ils ne nous ont jamais trompés, La Fontaine, ib.

    Absolument. Cet homme a une mine qui trompe.

    À tromper, de manière à faire illusion. L'épaule est prise si juste, qu'on la voit toute nue à travers le vêtement, et ce vêtement est à tromper, Diderot, Salon de 1767, Œuv. t. XIV, p. 274, dans POUGENS.

    Familièrement. C'est ce qui vous trompe, à l'égard de cela vous êtes dans l'erreur.

  • 5Faire tomber dans quelque erreur. Comme ici son orgueil [de l'âme] la trompe, il faut lui faire sentir par quelque autre endroit sa pauvreté et sa misère, Bossuet, la Vallière. Cette vie dont la fuite précipitée nous trompe toujours, Bossuet, Mar.-Thér. Le burlesque effronté Trompa les yeux d'abord, plut par la nouveauté, Boileau, Art p. I.
  • 6Agir contrairement à ce qui était attendu soit en bien, soit en mal. Il a trompé nos espérances. Tromper la confiance. On attendait beaucoup moins de lui, il a trompé tout le monde. Il [Charles de Sévigné] avait pitié de toutes mes douleurs, et le hasard a voulu qu'il ne m'ait trompée en rien de ce qu'il m'a promis, pas même à la promenade d'hier, dont je me suis mieux portée que je n'espérais, Sévigné, 16 févr. 1676. Ils [les dieux] ont trompé les soins d'un père infortuné Qui protégeait en vain ce qu'ils ont condamné, Racine, Iphig. IV, 4. Ce serait grand dommage que vous trompassiez votre vocation, Rousseau, Lett. à Sauttersheim, 20 mai 1764.

    Absolument. Dieu saura vous montrer par d'importants bienfaits, Que sa parole est stable et ne trompe jamais, Racine, Athal. I, 1.

    Il se dit des choses en un sens analogue. L'insolent en eût perdu la vie ; Mais mon âge a trompé ma généreuse envie, Corneille, Cid, I, 8. La retraite presque toujours a trompé ceux qu'elle flattait de l'espérance du repos, Bossuet, le Tellier. Il m'a trompé une fois, ce monde ingrat ; il ne me trompera plus, Fénelon, Dial. des morts mod. 1. Voilà comme les événements trompent presque toujours les politiques, Voltaire, Ann. Emp. Ferdinand II, 1635.

  • 7Faire diversion à. Ô mort, éloigne-toi de notre pensée, et laisse-nous tromper pour un peu de temps la violence de notre douleur par le souvenir de notre joie, Bossuet, Duch. d'Orl. Trompons, si nous pouvons notre douleur… par le souvenir de nos joies passées, Fléchier, Mar.-Thér. Trompe leurs inquiétudes ; amuse-les par la musique, les danses, les boissons délicieuses, Montesquieu, Lett. pers. 2. Enfin il est fini ce jour dont rien n'a trompé la longueur, Riccoboni, Œuv. t. I, p. 95, dans POUGENS. Par vous tout s'embellit, et l'heureuse sagesse Trompe l'ennui, l'exil, l'hiver et la vieillesse, Delille, Trois règ. 1.

    Tromper le temps, s'occuper à quelque chose, afin de ne pas trouver le temps long. Si nous ne faisions simplement que vivre, sans qu'il s'y mêlât quelque chose qui trompe et en fasse couler plus doucement les moments, Bossuet, Sermons, sur l'honneur, fragment sur le même sujet. Ils cherchent à tromper le temps par mille sortes d'occupations, Bossuet, 1er panég. St Fr. de Paule, 2.

    Tromper le chemin, faire diversion à la longueur du chemin. Lui discourant, pour tromper le chemin, De chose et d'autre…, La Fontaine, Orais.

  • 8 Terme de manége. Tromper un cheval, changer subitement de main après un seul quart de volte.
  • 9Se tromper, v. réfl. S'induire soi-même en erreur. Il est aussi facile de se tromper soi-même sans s'en apercevoir, qu'il est difficile de tromper les autres sans qu'ils s'en aperçoivent, La Rochefoucauld, Max. 115. Et l'amour-propre engage à se tromper soi-même, Molière, Tart. IV, 3. Nous ne voyions en Madame ni cette ostentation par laquelle on veut tromper les autres, ni ces émotions d'une âme alarmée par lesquelles on se trompe soi-même, Bossuet, Duch. d'Orl. Oui, c'est Joas, je cherche en vain à me tromper, Racine, Athal. v, 6. On croit tromper les autres, mais on ne se trompe jamais soi-même, Marmontel, Œuv. t. VI, p. 168.
  • 10S'abuser, être dans l'erreur. Quand on veut reprendre avec utilité, et montrer à un autre qu'il se trompe, il faut observer par quel côté il envisage la chose ; car elle est vraie ordinairement de ce côté-là, et lui avouer cette vérité, mais lui découvrir le côté par où elle est fausse, Pascal, Pens. VI, 26, éd. HAVET. Mais que les hommes ne s'y trompent pas : Dieu redresse quand il lui plaît le sens égaré, Bossuet, Hist. III, 7. Racontait-il [Turenne] quelques-unes de ces actions qui l'avaient rendu si célèbre ? on eût dit qu'il n'en avait été que le spectateur, et l'on doutait si c'était lui qui se trompait ou la renommée, Fléchier, Turenne. Pour ceux qui sont ruinés [par un juge], il importe peu que ce soit ou par un homme qui les trompe, ou par un homme qui s'est trompé, Fléchier, Lamoign. Il écrit une seconde lettre, et, après les avoir achevées toutes deux, il se trompe à l'adresse, La Bruyère, XI. Craignez de vous tromper ; mais ne craignez jamais de laisser voir aux autres que vous avez été trompé, Fénelon, Tél. XXIV. C'est un homme rare que celui qui ne peut faire pis que de se tromper, Fontenelle, Renau. Me trompé-je ? ai-je un bandeau sur les yeux ? Voltaire, Lett. d'Argental, 21 déc. 1768.

    À se tromper, à s'y tromper, au point d'être trompé. Mme Evrard : Cette petite est le portrait de son père. - M. Dubriage : Oui vraiment ! et Julien, il ressemble à sa mère ! - Mme Evrard : à s'y tromper, Collin D'Harleville, Vieux célib. III, 4. Teniers, qui imitait, à s'y tromper, les tableaux des Bassan, Boutard, Dict. des arts du dessin, pastiche.

    Se tromper de route, d'heure, d'adresse, manquer la bonne route, l'heure indiquée, l'adresse véritable d'une personne.

    Fig. et par ironie. C'est un homme qui ne se trompe qu'à son profit, il ne se trompe que quand l'erreur tourne à son avantage.

    Si je ne me trompe, locution employée en forme de correctif, quand on n'est pas très certain d'une chose, ou quand on veut éviter un ton tranchant. Je ne sais si je me trompe ; mais vous avez toute la mine d'avoir fait quelque comédie, Molière, Préc. 10. Tous ces rois-là [de Juda et d'Israël] s'assassinent un peu trop souvent les uns les autres ; c'est une mauvaise politique, si je ne m trompe, Voltaire, Philos. Quest. Zapata, 44.

    On dit dans le même sens : Je me trompe, je suis bien trompé. Je suis bien trompé, s'il n'en est ainsi. Je me trompe, ou vos vœux, par Esther secondés, Obtiendront plus encor que vous ne demandez, Racine, Esth. III, 2. Je suis fort trompé, ou j'ai trouvé un bon expédient pour me démêler d'avec mad…, Fontenelle, Lett. gal. II, 15.

SYNONYME

TROMPER, DÉCEVOIR. Décevoir, c'est abuser par quelque chose d'apparent, de spécieux, d'engageant. Tromper, c'est abuser par la ruse, par le mensonge, par l'artifice.

HISTORIQUE

XIVe s. Icelui supliant veant que ladite femme se trompoit et moquoit de lui, Du Cange, trompator.

XVe s. On ne sçaura trouver mon per [égal], Par saint Jacques, non, de tromper, Patelin, v. 43. Je ne pourrois souffrir qu'une telle gouge se trompast et de vous et de moi si longuement, Louis XI, Nouv. XXXIII. Il semble que vous trompez [vous moquez] des statuts et ordonnances de l'Église, Louis XI, ib. XCIV.

XVIe s. Plusieurs gens malades ont, à la lecture d'ycelles, trompé leurs ennuys, Rabelais, Pant. 4, Prol. Le tromper peult servir pour le coup, Montaigne, I, 24. Pourquoy ne tromperoit-il aux escus, puisqu'il trompe aux espingles ? Montaigne, I, 108. Ils trompent l'esperance qu'on en a conçue, Montaigne, I, 181. Je ne conseille pas qu'on confonde leurs regles ; on s'y tromperoit, Montaigne, I, 214. Je ne sçais si je me trompe, mais il m'a tousjours semblé que…, Montaigne, I, 394. Pour vous donner le moyen de tromper le temps, Despériers, Contes, I. Ainsi prit congé d'elle, et s'en alla pensant bien l'avoir trompée, mais estant bien trompé luy mesme, Amyot, Anton. 106.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

TROMPER. - HIST. XIVe s. Ajoutez : Si s'en fussent rallez les Flaments… ainsy se fussent les seigneurs trouvé trompez et desgarnis de leurs gens, J. le Bel, Vrayes chroniques, t. I, p. 191. Et si tu vouldras trumper [mocquer] aucun, dites ainsi : Dieux vous donne bonne nuit et bon repos et bial lit, et vous dehors, Rev. critique, 5e année, 2e semestre, p. 400.

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Étymologie de « tromper »

(1694) Dénominal de l’ancien français trompe (« tromperie, menterie »).
Note : Tromper signifiait avant le XIVe siècle « jouer de la trompe ». Ce verbe neutre, en prenant la forme réfléchie, « se tromper », acquit le sens de « se jouer de », puis de « se moquer de ». Il s’agit d’un cas de néologisme de signification.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Le sens propre et ancien de tromper est jouer de la trompe. Néanmoins Diez pense que tromper au sens d'abuser vient non pas de là, mais de trompe, qui a signifié toupie (voy. TROMPE 2), et qu'il signifie, au propre, faire aller comme une toupie. Mais l'emploi le plus ancien de tromper au sens d'abuser est se tromper de quelqu'un, ce qui signifie s'en jouer. Tromper, jouer de la trompe, s'est construit avec le pronom personnel comme tant d'autres verbes neutres ; et se tromper a passé au sens de se moquer (voyez, à l'historique de trompette, un exemple de la transition, et comparez se jouer de quelqu'un et jouer quelqu'un).

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Phonétique du mot « tromper »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
tromper trɔ̃pe

Fréquence d'apparition du mot « tromper » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « tromper »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « tromper »

  • La raison nous trompe plus souvent que la nature.
    Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues — Réflexions et Maximes
  • L'art de plaire est l'art de tromper.
    Luc de Clapiers, marquis de Vauvenargues — Réflexions et Maximes
  • C’est double plaisir de tromper le trompeur.
    Jean de La Fontaine — Le coq et le renard
  • C'est encore un effet de la faiblesse des hommes que la lumière les aveugle souvent aussi bien que les ténèbres, et que la vérité les trompe aussi bien que l'erreur.
    Pierre Nicole — Essais de morale, De la faiblesse de l'homme
  • Vaut mieux se tromper que de s'étrangler.
    Proverbe québécois
  • On peut tromper une personne mille fois. On peut tromper mille personne une fois. Mais on ne peut pas tromper mille personnes, mille fois.
    Alain Berberian — La Cité de la peur
  • Pour tromper le monde, ressemblez au monde.
    William Shakespeare — Macbeth
  • Vous pouvez tromper quelques personnes tout le temps. Vous pouvez tromper tout le monde un certain temps. Mais vous ne pouvez tromper tout le monde tout le temps.
    Abraham Lincoln
  • A force de choisir, on finit par se tromper.
    Proverbe provençal
  • Une dupe, c'est un homme trompé, bien sûr, mais non pas tant trompé par les autres que par lui-même.
    Jean Dutourd — Les Dupes, Gallimard
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Traductions du mot « tromper »

Langue Traduction
Anglais deceive
Espagnol engañar
Italien ingannare
Allemand täuschen
Chinois 欺骗
Arabe يخدع
Portugais enganar
Russe обманывать
Japonais 欺く
Basque engainatzen
Corse ingannà
Source : Google Translate API

Synonymes de « tromper »

Source : synonymes de tromper sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « tromper »

Combien de points fait le mot tromper au Scrabble ?

Nombre de points du mot tromper au scrabble : 11 points

Tromper

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