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Rester

Définitions de « rester »

Trésor de la Langue Française informatisé

RESTER, verbe intrans.

I. − Continuer d'être de façon plus ou moins prolongée ou durable, dans un lieu ou dans un état.
A. − [Dans un lieu]
1. [Le suj. désigne une pers.] Rester à la maison, chez soi, au lit. Je ne peux même pas rester à Paris avec toi: il faut que je rentre coucher ce soir à Maisons! (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 790).Aujourd'hui, je me suis astreint à rester au studio jusqu'à la fin (Schaeffer, Rech. mus. concr., 1952, p. 104).
[Suivi d'un inf. précédé ou non de la prép. à] Si tu veux rester à dîner avec Lanoue, reste (Duhamel, Confess. min., 1920, p. 52).Vous restez déjeuner avec moi. Nous partagerons le bifteck en deux (Romains, Hommes bonne vol., 1932, p. 99).
En partic.
Absol. [P. oppos. à partir, s'en aller] Prolonger la durée de sa présence. Il ne sait jamais ce qu'il doit faire, s'il doit s'en aller ou rester, être ici ou ailleurs! (Mirbeau, Journal femme ch., 1900, p. 82).Il ne laissait pas les hommes souffler. Aux malades, il demandait tous les quarts d'heure: « Ça va-t-il mieux? », pressé de les inscrire sur sa liste de départ. Lui, il restait (Benjamin, Gaspard, 1915, p. 110).
[P. allus. hist.: J'y suis, j'y reste (phrase attribuée à Mac Mahon après la prise du fort de Malakoff en septembre 1855)] P. anal. Il faut admirer, ces grandes revues qui s'installent sur un domaine du savoir avec la certitude tranquille, l'indifférente placidité d'une pyramide d'Égypte. Elles y sont. Elles y restent (L. Febvre, Face au vent, [1946] ds Combats, 1953, p. 34).
Fam. Habiter, demeurer. Voyez-vous les fenêtres où il y a des giroflées? c'est là que reste madame Étienne (Balzac, Ferragus, 1833, p. 106).
2. [Le suj. désigne une chose] Il y avait aussi [dans la malle] un « cahier de devoirs mensuels ». J'en fus surpris, car ces cahiers restaient au cours et les élèves ne les emportaient jamais au dehors (Alain-Fournier, Meaulnes, 1913, p. 328).L'Inspecteur: (...) Qu'est-ce que tu emportes là? Gilberte: Le tableau bleu, Monsieur l'Inspecteur. L'Inspecteur: Que le tableau bleu reste ici! (Giraudoux, Intermezzo, 1933, i, 6, p. 66).
3. Loc. ou expr. div.
a) [Suivi de la prép. en] Rester en arrière (v. arrière1), en tête*; rester en chemin*, en route*; rester en plan (v. plan3), en rade (v. rade1); (ne pas) rester en place*.
b) [Suivi de la prép. à] Rester à sa place*.
c) [Suivi de la prép. sur] Rester sur le cœur*, sur l'estomac*; rester sur le terrain*; rester sur place*; rester sur la place*; rester sur le carreau*.
d) Y rester (fam.). Ne pas sortir vivant d'une situation dangereuse, y laisser sa vie. Ils ne pouvaient plus courir, ils fendaient péniblement le flot, avec la pensée qu'une minute de retard allait être la mort. − Nom de Dieu! c'est le cuvelage qui a crevé, cria Étienne. Je le disais bien que nous y resterions (Zola, Germinal, 1885, p. 1537).
e) Région. Rester de + subst. (désignant une maladie). Mourir de. Le Curé: On va bien, au Landier! le père, la mère? La Guitte: Le père est resté de rhumatismes. La mère va; merci, Monsieur le Curé (La Varende, Tourmente, 1948, p. 36).
f) Rester dans (en travers de) la gorge*.
B. − [Dans un état, une situation]
1.
a) [Le suj. désigne une pers.] J'allai voir sa mère, et je lui parlai de mon rival. Elle m'assura qu'on ne le voyait plus. « Femme fausse! » pensai-je, « tu ignores que je sais ta démarche d'hier: reste dans le doute » (Restif de La Bret., M. Nicolas, 1796, p. 203).Il ne la regarde même pas s'en aller: il reste les bras ballants, béant devant la place où elle était (Barbusse, Feu, 1916, p. 91).
[Suivi d'un adj. attribut ou d'une expr.] Rester coi*, rester court (v. court1), en rester baba (v. baba1); en rester comme deux ronds de flan (v. flan1); en rester tout bête (v. bête2); en rester (tomber*) sur le cul; rester sourd* (à qqc.). Elle devait avoir trente-cinq ans environ, et restait belle, fort belle, bien qu'un peu grasse (Maupass., Contes et nouv., t. 1, MmeParisse, 1886, p. 730).Allons. Reste tranquille. Deux minutes. Deux minutes seulement (Audiberti, Mal court, 1947, ii, p. 173).
[Suivi d'un subst. attribut; précédé ou non de l'art.] Je lui offris de rester brigand pour lui plaire. Tout, monsieur, tout! Je lui offris tout, pourvu qu'elle voulût m'aimer encore! (Mérimée, Carmen, 1845, p. 72).On ne trouvait plus dans ses œuvres [de Lecocq] que des qualités de métier: il restait le bon harmoniste d'autrefois, il savait à souhait faire concorder la parole avec la note et la note avec l'accord (L. Schneider, Maîtres opérette fr., 1924, p. 238).
Loc. Rester (vieille) fille, (vieux) garçon. Vous ensevelir dans un couvent, ce serait de l'égoïsme; quant à rester vieille fille, vous ne le devez pas (Balzac, E. Grandet, 1834, p. 245).Mariez-vous donc! Mariez-vous donc! C'est si gentil, c'est si bon! Pourquoi rester garçon? Allons... Mariez-vous donc! (Benjamin, Gaspard, 1915, p. 44).
[Suivi d'un inf. précédé de sans] Il restait sans parler, un peu intimidé. Très vite il se remit (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1495).Elle reste sans bouger, le dos à la salle, puis elle referme la fenêtre (Anouilh, Antig., 1946, p. 159).
Loc. Rester sans mot* dire.
[Suivi d'un inf. précédé de à] Tout Petit, se faufile sous la table de la cuisine et reste à regarder, avec des yeux d'envie (...), les pommes de terre (Goncourt, Journal, 1864, p. 60).
b) [Le suj. désigne un état d'esprit, un jugement] Continuer d'être. Très grosses pertes pendant les quatre jours de combat. Le moral reste bon (Joffre, Mém., t. 1, 1931, p. 413).Le docteur eut beau l'assurer qu'il y en avait un sur le palier du premier étage, et probablement mort, la conviction de M. Michel restait entière. Il n'y avait pas de rats dans la maison (Camus, Peste, 1947, p. 1221).
c) En partic.
Rester à qqn.Continuer d'être sien, de lui appartenir. Lucile vous reste. Embrasse-la pour moi aussi. Soyez heureux tous les trois... (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p. 134).
Rester avec qqn, du côté de qqn.Continuer d'être avec lui, de par ses idées, ses opinions. Plus d'un sans doute n'attendait qu'un signe pour rester des nôtres (Ambrière, Gdes vac., 1946, p. 294).
Fam. Sa voix s'éleva: − Et puis, vous savez, je reste du syndicat! Compagnon comme devant, le vieux Gilbert! − Vous faites bien! (R. Bazin, Blé, 1907, p. 373).
Rester en vie (p. oppos. à mourir). Continuer d'être vivant. Sigismond sera peut-être assassiné dans une heure. Que des hommes de son espèce restent en vie, c'est un continuel miracle (Montherl., Malatesta, 1946, i, 4, p. 446).
Absol. Ceux qui restent. Les vivants (p. oppos. à ceux qui sont morts). Les vêtements d'un mort trompent la douleur de ceux qui restent (Renard, Journal, 1900, p. 582).
2. [Le suj. désigne un inanimé concr., le verbe a souvent une valeur attributive] Aucune n'ose tirer la chaîne de la cloche. Je me pends après, déchaînant ainsi un tocsin formidable (...). Rien, la porte reste close (Colette, Cl. école, 1900, p. 275).Le bureau de la bourse reste ouvert toute la nuit (Hermant, M. de Courpière, 1907, ii, 10, p. 19).
[Le suj. désigne le temps] Pourvu que le temps reste sec (Frapié, Maternelle, 1904, p. 69).Le temps resta beau (Hémon, M. Chapdelaine, 1916, p. 96).
[Le suj. désigne une théorie, une règle] Nous savons aujourd'hui que par les lois d'un magnétisme universel dont la cause reste inconnue, deux corps, que nul obstacle n'arrête, tendent à se réunir par une force d'impulsion accélérée que l'on appelle gravitation (Proudhon, Propriété, 1840, p. 137).Le préfet peut (...) régler (...) la police des débits de boissons. Dans les communes qui ne sont pas visées par l'arrêté préfectoral, les règlements locaux restent en vigueur (Baradat, Organ. préfect., 1907, p. 331).
En partic. Rester à qqn.Continuer d'être sien, de lui appartenir. Ce n'est pas le temps de savoir, mais c'est toujours le temps de chercher. Mes matériaux me restent: nous avons les localisations (Barrès, Cahiers, t. 5, 1906, p. 237).
Fam. Ce surnom lui est resté. Sa mère l'appelant Paulet par câlinerie, il ne pouvait articuler ce mot et le prononçait Poulet (...). Le surnom de Poulet lui resta (Maupass., Une Vie, 1883, p. 203).
Absol. Continuer d'exister, malgré l'écoulement du temps. Les paroles s'envolent, les écrits restent. Le mensonge passe, la vérité reste. Les gens sages, la postérité surtout, ne jugent que sur les faits (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 285).Un bon livre pénètre et reste, une pièce meurt avec le succès qui la faisait vivre (Renard, Œil clair, 1910, p. 183).
3. Loc. ou expr. div.
a) Rester lettre-morte*; rester maître de soi (v. maître2); rester en contact*; rester le bec* dans l'eau.
b) Que ceci reste entre nous. Que ceci continue de demeurer entre nous et ne soit pas divulgué. Profitendieu père est mon collègue; un homme des plus remarquables et que j'estime tout particulièrement. Mais... (que ceci reste entre nous)... voici que j'apprends qu'il n'est pas le père de l'enfant qui porte son nom! Qu'est-ce que vous dites de ça? (Gide, Faux-monn., 1925, p. 1118).
c) [Rester est suivi de la prép. en] Rester en carafe*, en panne (v. panne3), en repos*, en suspens*, en tutelle*.
d) [Rester est suivi de la prép. sur]
Rester sur la brèche (v. brèche1), sur la défensive*, sur la bonne bouche*, sur sa faim*.
Rester des heures sur qqc. (un travail, un ouvrage). Passer beaucoup de temps à faire quelque chose.
Au fig. S'en tenir à un comportement, à un sentiment, à un état de choses. Rester sur une bonne/mauvaise impression; rester sur un échec, une victoire. La crainte d'être désagréable à un homme qui l'avait comblé, lui et son ami, de prévenances, le retenait; il continua donc de rester sur la même réserve que lui (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 526).Quel charme!... Ces rythmes allitérés... (...) on pourrait analyser. Mais ce serait besogne de pédant. J'aime mieux rester sur ma sensation (Miomandre, Écrit sur eau, 1908, p. 156).
e) En rester à, en être resté à
S'arrêter, s'être arrêté dans un processus, une action en cours. Freud en était resté aux identifications privées et c'est pourquoi il ne pouvait rejoindre la sociologie (Traité sociol., 1968, p. 410):
1. Il faudra sans doute bien du temps avant que la vérité soit connue sur ce mystère de l'astrologie. En attendant qu'il soit levé − et rien ne nous empêche d'en rester sur ce point à une hypothèse de travail − la théorie symboliste fait apparaître une lumière nouvelle sur le plan de la pratique astrologique... Barbault, De psychanal. à astrol., 1961, p. 27.
En rester là (de qqc.); restons-en là. Eugénie, ne comprenant plus rien à la fortune de son père, en resta là de ses calculs (Balzac, E. Grandet, 1834, p. 113).Tout ce que je vous en dis n'est que pour vous servir. Mais je vois que je vous contrarie. Restons-en là et quittons-nous bons amis (A. France, Jocaste, 1879, p. 103).
S'arrêter, au lieu d'aller dans le sens du progrès, ne pas aller de l'avant. Si l'on excepte les peuplades restées encore au stade de la cueillette ou de la chasse (esquimaux, quelques tribus africaines, etc.), l'agriculture est l'activité essentielle d'une économie rudimentaire (Tiers Monde, 1956, p. 144).
f) Loc. impers.
Il reste (suivi d'un adj. attribut) de + inf. Il reste indispensable de gérer et d'administrer nos communes (Fonteneau, Cons. munic., 1965, p. 11).
Il reste (suivi d'un adj. attribut) que + prop. Il reste entendu que l'État peut, dans l'intérêt général, exiger des maintiens ou des modifications de tarifs (Pineau, S.N.C.F. et transp., 1950, p. 61).
Il n'en reste pas moins (suivi d'un adj. attribut) que + prop. Il n'en reste pas moins vrai qu'on ne produit pas pour accumuler des stocks de marchandises, mais bien pour consommer (Brunerie, Industr. alim., 1949, p. 201).
Rem. Conjugué de nos jours avec l'auxil. être, rester se conjuguait dans ce sens avec être ou avoir jusqu'au déb. du xixes. J'ai resté quelques momens dans la bibliothèque (Sénac de Meilhan, Émigré, 1797, p. 1709). J'ai resté seul avec ma femme dans une grande voiture (Maine de Biran, Journal, 1816, p. 206).
II. − Être encore présent, disponible; subsister.
A. − [Le suj. désigne le plus souvent un inanimé] Que de sable lavé, que de rêves promis, Pour qu'un peu d'or, enfin, reste au fond du tamis! Prends ton bâton, chercheur! (Cros, Coffret santal, 1873, p. 36).Je prends ma tasse, où reste encore un peu de thé (Sartre, Nausée, 1938, p. 192).
Qqc. reste à qqn.Peut-être cette immense quantité de valeurs ne provenait pas entièrement de cadeaux et constituait des gages qui lui étaient restés [à Gobseck] faute de paiement (Balzac, Gobseck, 1830, p. 440).
Qqn reste à qqn.Un seul parent me restait: un oncle, vieil officier retraité (Frapié, Maternelle, 1904, p. 2).
Absol. Jenny sourit: − « Tant pis pour les écheveaux qui restent. Finissons seulement celui-ci... » (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 881).
Loc. Rester pour compte*.
B. − [En empl. impers., le suj. réel désigne un animé ou un inanimé concr. ou abstr.]
1. Il reste (+ subst.). Quand les aunes eurent disparu, il restait les souches (Hémon, M. Chapdelaine, 1916, p. 63).L'Europe était alors [au temps de Montesquieu] le meilleur des mondes possibles (...). La science était déjà assez belle, et les arts très délicats; il restait de la religion (Valéry, Variété II, 1929, p. 63).Il reste les autres: les fidèles qui demeurent à mi-côte, qui luttent, succombent, se relèvent (Mauriac, Journal 2, 1937, p. 189).
Littér. Si l'on n'est plus que mille, eh bien, j'en suis! Si même Ils ne sont plus que cent, je brave encor Sylla; S'il en demeure dix, je serai le dixième; Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là! (Hugo, Châtim., 1853, p. 430).
[Constr. avec un compl. indir.] Le progrès de la réflexion et de la conscience psychologique finira sans doute par éliminer les poètes inspirés. Il nous restera des poètes-artistes qui sauront au besoin imiter même l'inspiration pour leur plaisir et celui des autres (Lemaitre, Contemp., 1885, p. 91).Il lui restait de l'essence pour un quart d'heure, au maximum (Malraux, Espoir, 1937, p. 560).Il lui restait une chance, une petite chance (Sartre, Nausée, 1938, p. 207).
ARITHM. [Dans l'opération de la soustraction] Quatre ôté de huit, (il) reste quatre. Si de douze, je retiens quatre, combien me reste-t-il? (A. France, P. Nozière, 1899, p. 45).
[Avec ell. du pron. pers.; le verbe demeure parfois inv.] Il se mit à fourrager parmi les assiettes, cherchant le pain et le saindoux (...). Il trouva un pain. Restait le saindoux. Il le découvrit sans le vouloir (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 210).Restait apparemment quelques points à éclaircir, car Chabot demanda qu'on le laissât seul un instant en société du professeur (Duhamel, Voy. Périot, 1950, p. 183):
2. Sur les cent cinquante électeurs dont se composait le collége (...) se trouvaient vingt légitimistes, (...) et vingt autres noms qui, pour des motifs divers, ne devaient pas répondre à l'appel. Restaient cent-dix votants. Reybaud, J. Paturot, 1842, p. 321.
2. Il reste que; il n'en reste pas moins que. [En parlant de ce qui est encore à considérer, qu'on ne peut négliger] Malgré les perfectionnements remarquables apportés à la locomotive à vapeur au cours de ces dernières années, il n'en reste pas moins que le rendement de cet engin demeure très limité (Bailleul, Matér. roulant ch. de fer, 1951, p. 87).Sans doute, Vichy y a-t-il pu (...) maintenir dans la neutralisation une large partie de nos territoires d'outre-mer. Mais il reste que l'Afrique équatoriale, (...) les établissements français des Indes, Saint-Pierre et Miquelon, se sont déjà affranchis de la capitulation (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p. 675).
[Avec ell. du pron. pers.] Reste que, pour qu'on passe de la grève révolte à la grève moyen d'action dans une négociation, il faut que l'autre voie soit ouverte et que le moyen de négocier existe (Reynaud, Syndic. en Fr., 1963, p. 155).
3. (Tout) ce qu'il reste (de); (tout) ce qui reste (de). [Il] paya trente mille francs (...) les cent cinquante hectares de la Borderie, tout ce qu'il restait de l'ancien domaine des Rognes-Bouqueval (Zola, Terre, 1887, p. 92).Va vite me chercher ce qui reste de chocolat (Miomandre, Écrit sur eau, 1908, p. 278).
[Avec un compl. indir.] Grâce à une certaine habileté, je ne perdis que ce qu'il me restait d'amour-propre (Céline, Voyage, 1932, p. 142):
3. Avais-je le droit, historien, de refaire de l'histoire? De consacrer à l'histoire mon temps, mon activité, tout ce qui me restait de forces, alors que tant d'autres besognes requéraient impérieusement les citoyens? L. Febvre, Face au vent, [1946] ds Combats, 1953, p. 41.
Rem. La forme ce qu'il reste est d'un niveau de lang. plus soigné que ce qui reste. Pourtant la lang. écrite, comme la lang. parlée tend de plus en plus à employer ce qui reste.
C. − [Empl. comme semi-auxil. avec aspect duratif, rester est suivi d'un inf. introd. par la prép. à] Pour les vignes, qu'on ne m'en parle plus. Une rente mensuelle, dont le montant reste à fixer, me sera versée par le notaire (Mauriac, Nœud vip., 1932, p. 257).
Loc. Tout reste à faire dans (ce domaine). On peut dire que dans ce domaine [des recherches scientifiques sur l'hygiène alimentaire] tout reste à peu près à faire dans notre pays (Brunerie, Industr. alim., 1949, p. 204).
En empl. impers.
Il reste à + inf.; il ne reste (plus) qu'à + inf. Nous sommes fatigués, nous avons froid, nous avons faim. Il s'agit donc de trouver abri, feu et nourriture. La forêt a du bois, les nids ont des œufs: il reste à chercher la maison (Verne, Île myst., 1874, p. 26).Il ne restait qu'à longer le quai jusqu'au bout (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p. 26).
[Avec un compl. indir.] Il me reste à + inf.; il ne me reste (plus) qu'à + inf. Il me reste à vous remercier, à vous informer, à vous entretenir. Il me reste beaucoup à apprendre des hommes (Bernanos, M. Ouine, 1943, p. 1464).Il ne me reste plus qu'à me retirer en silence (Claudel, Soulier, 1944, 1repart., 1rejournée, 2, p. 980).
[Avec ell. du pron. pers.] J'écrivis les deux derniers chapitres. Reste à faire les notes (Michelet, Journal, 1858, p. 421).Reste à savoir si/pourquoi. [Suivi d'une interr. indir.] Ce sont nos différences qui nous unissent (...), et (...) en les étudiant nous découvrons nos ressemblances. Reste à savoir pourquoi ces différences existent et pourquoi, bien que croissent nos ressemblances, il est probable qu'elles existeront (...) toujours (Faure, Espr. formes, 1927, p. 80).
Ce qu'il reste à + inf.; ce qui reste à + inf. Cet ordre fut donné dans l'intérêt de la patrie − ce qui reste à démontrer (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p. 166).Il sait ce qu'il reste à faire (Milosz, Amour. init., 1910, p. 71).
[Avec un compl. indir.] S'ils ont un peu de dignité, ils savent ce qui leur reste à faire (Giraudoux, Intermezzo, 1933, i, 4, p. 22):
4. Aussi la domestication du cheval, qui eut lieu vers la fin de la période néolithique, est-elle un fait qu'il est légitime de mettre en rapport, comme principe initial, avec une série de faits archéologiques et historiques. C'est ce qu'il nous reste à montrer... Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum., 1921, p. 226.
Il reste de + inf.; il ne reste plus que de + inf. (plus rare). Et maintenant il ne restait plus que de se taire et d'attendre la longue suite des effets et l'enchaînement des conséquences (Mauriac, Nœud vip., 1932, p. 75).Dans l'impossibilité de prévenir Caracalla avant qu'il se rende au Carrousel, il reste de le prévenir au moment où il y arrivera (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 232).
D. − En partic.
1.
a) Fam. [Le suj. désigne une chose] Rester dans la main, dans les doigts de qqn. Se trouver dans la main (dans les doigts) de quelqu'un après qu'une partie ait été déchirée ou brisée. Ce bouton m'est resté dans la main. Une tenture de velours cramoisi lui barrait encore le passage. Y toucher, à celle-là, terre et cieux! Il n'osait pas; fermant l'œil, il s'y contraignit enfin; arrachée, l'étoffe lui resta dans les doigts (Cladel, Ompdrailles, 1879, p. 367).Du haut de la pendule, Spartacus (...) jetait un regard indigné. Ses chaînes, que je tirais par désœuvrement, me restèrent un jour dans la main (A. France, Bergeret, 1901, p. 54).
b) ÉQUIT. [Le suj. désigne un cheval] Rester dans la main. Se soumettre volontiers à l'action du mors (d'apr. GDEL).
2. Fam. Rester sur les bras* de qqn.
3. MAR. [Le suj. désigne une terre] Demeurer, être situé (sur une aire de vent déterminée). Enfin vers les 9 heures toutes ces terres nous restent au vent, et désormais, débarrassé de toute inquiétude, je fais mettre en panne pour attendre le jour (Dumont d'Urville, Voy. Pôle Sud, t. 5, 1843, p. 219).
Rem. Dans ce sens, rester s'est toujours conjugué avec l'auxil. être.
REM.
Restage, subst. masc.,hapax. Synon. de séjour.Maintenant, en cas d'impossibilité de prolonger mon « restage » ici, (...) je suis à peu près sûr d'un gîte pour plusieurs (...) jours (Verlaine, Corresp., t. 2, 1887, p. 77).
Prononc. et Orth.: [ʀ εste], (il) reste [ʀ εst]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. 1174-76 « s'arrêter » (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 5507); 1861 rester en route (Augier, Effrontés, p. 355); 2. a) ca 1180 « demeurer au même endroit » (Marie de France, Fables, éd. K. Warnke, 18, 5); b) 1617 rester à « se borner à » (D'Aubigné, Faeneste, III, 14 ds Gdf. Compl.); c) 1754 en rester là « s'arrêter, ne pas poursuivre » (Voltaire, Lettre à Guiot ds Littré); 1835 rester sur la bonne bouche (Ac.); 3. 1585 y rester « y laisser sa vie » (Noël Du Fail, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, II, 190); 1730-38 rester sur le champ de bataille (Rollin, Hist. anc., Œuvres, t. 8, p. 277 d'apr. Pougens ds Littré). B. 1. 1671 « persévérer dans telle ou telle situation (de personnes) » (Boileau, Lutrin, IV, ibid.); 2. 1773 « demeurer dans la mémoire des hommes » (Voltaire, Lettre à Mmedu Deffand, ibid.). C. 1. 1382 rester à paier qqc. (Runk.); 2. ca 1480 il reste (charger) « il reste encore à » (Mistere Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 17731); id. reste ... à faire (ibid., 48568); id. il reste faire de (ibid., 10065); av. 1704 reste de (Bourdaloue, Pensées, t. 1, p. 180 ds Littré); 1580 il reste à + inf. « il y a encore à » (Montaigne, Essais, éd. P. Villey et V. L. Saulnier, p. 260); 3. 1657-62 reste zero (Pascal, Pensées, éd. L. Lafuma, p. 527). D. 1. 1550 il reste que + subj. « il est encore donné à quelqu'un de faire quelque chose » (Bible Louvain, Héb. 4, 6 ds FEW t. 10, p. 316); 2. 1604 « être encore vivant » (Montchrestien, Les Lacenes, p. 184); 3. 1754 reste à sçavoir (P. Clément, Les Cinq années littér., II, 5 [A Berlin] ds Quem. DDL t. 30); 4. 1936 reste que + ind. « il est néanmoins vrai que » (Thibaudet, Réflex. litt., p. 256). Empr. au lat.restare « s'arrêter, rester », « persister », « être de reste ». Fréq. abs. littér.: 51 347. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 63 816, b) 82 115; xxes.: a) 78 461, b) 72 727. Bbg. Bogacki (K.). Les Prédicats locatifs statiques en fr.: ét. de sém. et de synt. Warszawa, 1977, p. 69. − Galisson (R.). Lexicogr. différentielle... Ét. Ling. appl. 1975, n o18, pp. 128-143. − Meier (H.). Neue lateinisch-romanische Etymologien. Bonn, 1980, pp. 95-101. − Quem. DDL t. 17; 19 et 30 (s.v. reste à savoir). − Sankoff (G.), Thibault (P.). L'Alternance entre les auxil. avoir et être en fr. parlé à Montréal. Lang. fr. 1977, n o34, pp. 101-103.

Wiktionnaire

Verbe - français

rester \ʁɛs.te\ ou \ʁes.te\ intransitif 1er groupe (voir la conjugaison)

  1. Continuer d’être à un endroit ou dans un état.
    • Plût aux dieux que Teresa fût restée muette elle aussi ! Elle ne cessait de crier […] — (Pierre Louÿs, Trois filles de leur mère, René Bonnel, Paris, 1926, chapitre X)
    • Nous travaillions toute la semaine, et le week-end, je rentrais à la maison auprès de Billie et de ma famille. Tyler restait à South Beach, où les skateuses en bikini l’inspiraient. — (Joe Perry et ‎David Ritz, Rocks : Ma vie avec et sans Aerosmith, traduit par Adrienne Bernardi, éditions Camion blanc, 2015)
    • On nous a fait à tous deux des piqûres antitétaniques, qui nous donneront, paraît-il, de l’urticaire dans deux ou trois jours. Pierre, très abattu, est resté à la clinique. — (Claude Lévi-Strauss, « Chers tous deux » : Lettres à ses parents 1931-1942, Éditions du Seuil, 2015)
  2. Continuer à exister ; perdurer ; persister.
    • L’hiver restera plus longtemps cette année.
  3. Subsister par rapport à quelque chose qui a disparu.
    • D’un autre côté on a prohibé l’exportation de certains produits, dans la crainte qu’il n’en restât plus en assez grande quantité pour la consommation intérieure, ou que les autres nations n’en tirassent avantage. — (James William Gilbart, Lectures sur l'histoire et les principes du commerce chez les anciens, traduit de l’anglais par Mlle F. G., Paris : chez Guillaumin & Cie, 1856, page 117)
    • Cette zone de décolmatage voit passer à travers la toile la majorité des grains tamisables qui restent encore dans le produit alimenté. — (Ch. Berthelot, Épuration, séchage, agglomération et broyage du charbon, Paris : chez Dunod, 1938, page 40)
    • La tache de sang reste sur le vêtement. — Voilà ce qui reste du dîner.
  4. Continuer à être, en parlant de sentiments, de comportements.
    • Un malentendu existe entre lui et les simples mortels. […]. Il arbore superbement un scepticisme, un snobisme de décadence qui leur reste inaccessible et fermé. — (Anatole Claveau, Le Tout-Paris, dans Sermons laïques, Paris : Paul Ollendorff, 1898, 3e édition, page 31)
  5. (Impersonnel) (Il reste (à quelqu’un) quelque chose) Il y a encore (quelque chose), les autres n’existant plus.
    • Il me reste néanmoins quelque inquiétude sur le retardement de celle que vous devriez avoir reçue. — (Samuel Richardson, Histoire de Miss Clarisse Harlove, Lettre 77, traduit par l’Abbé Prévost, 1846)
    • Il ne lui reste que l’espérance.
  6. (Impersonnel) (Il reste (à quelqu’un) à faire quelque chose) Il faut encore (faire quelque chose).
    • […] il reste à examiner si mon système remédie en effet à tous ces défauts sans en introduire d’équivalents, et c’est à cet examen que ce petit ouvrage est destiné. — (Jean-Jacques Rousseau, Dissertation sur la musique moderne, 1743)
    • Il me reste à vous dire que ce Prévan, que vous connaissez peu, est infiniment aimable, & encore plus adroit. — (Pierre Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses, Lettre 70, 1869)
    • Que me reste-t-il à faire ?
  7. (Impersonnel) (Il reste que, ou Reste que) Il est quand même vrai que.
    • Il reste que Victor Hugo a été préoccupé des questions philosophiques, sociales et morales. — (René Doumic, Victor Hugo et ses récents critiques, 1901)
    • Reste que les atteintes contre les biens baissent spectaculairement, alors que les atteintes contre les personnes augmentent, de façon plus discrète. — (Johannes Franck, La délinquance a baissé de plus de 6% en 1995, Libération, 1996-02-07)
    • Mais reste que, après une grosse chute de neige, ils sont nombreux à délaisser ces complexes pour se précipiter hors-piste au mépris de toute sécurité. — (Annie Barbaccia, Pour tous les âges, Le Figaro, 4 février 2008)
  8. (Nord de la France) (Wallonie) (Québec) (Louisiane) (Nouvelle-Calédonie) Habiter.
    • Tu sais où elle reste ? interrogea-t-elle. — (Maxence Van der Meersch, La Maison dans la dune, 1932)
    • Elle reste sur la rue Faillon.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

RESTER. v. intr.
Être de reste, subsister. Voilà ce qui reste du dîner. C'est là tout ce qui reste de sa fortune. C'est tout ce qui me reste. Voilà vingt francs qui restent de votre argent. Il est resté seul de son nom, de sa famille, de son parti. Il s'emploie aussi impersonnellement. Il lui reste encore à payer trois mille francs de l'année dernière. Il ne resta de tout le bataillon que trente hommes. Il ne lui reste que l'espérance. Il me reste à vous dire que... Que me reste-t-il à faire? Il reste encore à prouver que... Dans cet emploi impersonnel de Rester, on supprime souvent le pronom il. Reste à savoir. Reste à examiner tel article. Il s'emploie spécialement en termes d'Arithmétique. Quatre ôté de sept, il reste trois, reste trois.

RESTER signifie aussi Demeurer sur place, dans le lieu où l'on est. La compagnie s'en alla, et je restai. Restez ici, je vous rejoindrai tout à l'heure. Il reste en place, malgré les brimades qu'on lui inflige. Cet homme ne peut rester nulle part, il voyage sans cesse. Son extrême lassitude l'a fait rester en chemin. On l'attendait à Paris, mais il est resté à Lyon. Je resterai auprès de vous. Impersonnellement, L'armée se mit en marche, et il resta deux bataillons pour garder le défilé. Il est resté sur la place et, absolument, Il est resté se dit d'un Homme qui a été tué dans un combat, sur le champ de bataille. Fig. et fam., Rester sur le carreau, Être tué sur place, être vaincu.

RESTER signifie encore Demeurer dans la situation, dans l'état où l'on est. Il resta sans appui. Il voulait rester inconnu. Il est resté oisif tout ce temps-là. Quelques honneurs qu'il ait obtenus, il est resté le même. Restez tranquille. Rester court, Ne plus trouver ce qu'on a dire. Fig. et fam., Rester sur la bonne bouche, Cesser de manger ou de boire, après qu'on a mangé ou bu quelque chose qui flatte le goût. Il signifie, figurément, S'arrêter après quelque chose d'agréable, dans la crainte d'un changement fâcheux. Il a gagné mille francs au jeu et il s'est retiré, afin de rester sur la bonne bouche. Rester à quelqu'un se dit d'un Parent, d'un ami que l'on conserve. C'est le seul ami qui lui reste. En rester à, Se borner à. Quand il aura obtenu cet avancement, il n'en restera pas là, Il voudra avancer encore. Il signifie aussi S'arrêter J'en resterai là, j'en resterai à cela pour aujourd'hui. Restons-en là. Reprenons ce discours où nous en étions restés.

RESTER se dit aussi, dans cette acception, des Choses. La victoire resta indécise entre les deux armées. Dans cette lutte l'avantage lui est resté. Cela m'est resté dans la mémoire. Son bras est resté paralysé. Quand j'ai voulu prendre cet outil, le manche m'est resté dans la main. L'affaire en est restée là. Il signifie encore Demeurer dans la mémoire des hommes, dans l'usage. Les noms de ces deux poètes resteront. Son livre est resté. En termes de Marine, il signifie Être situé. Cette île nous restait à telle aire de vent, Elle était située par rapport à nous dans la ligne de telle aire de vent.

Littré (1872-1877)

RESTER (rè-sté) v. n.
  • 1Demeurer, par opposition à s'en aller (sens le plus voisin du latin, qui est s'arrêter). L'armée se mit en marche, et il resta deux bataillons pour garder le défilé. Restez à votre place. Reste, ah ! reste ; ne reviens jamais ; tu viendrais trop tard ; je ne dois plus te voir ; comment soutiendrais-je ta vue ? Rousseau, Hél. I, 29. On dit qu'un des fils d'Onésicrite, étant venu à Athènes, ne voulait plus retourner à Égine, ne pouvant se résoudre à quitter un lieu où il avait le plaisir d'entendre Diogène ; le père envoya son autre fils, qui fut retenu par les mêmes attraits ; enfin il les vint chercher lui-même, et il resta comme ses fils, Condillac, Hist. anc. III, 18. Napoléon [à Moscou] ne se décide encore ni à rester ni à partir ; vaincu dans ce combat d'opiniâtreté, il remet de jour en jour à avouer sa défaite, Ségur, Hist. de Nap. VIII, 11.

    Ce verbe, qui se conjugue d'ordinaire avec l'auxiliaire être, prend l'auxiliaire avoir quand on veut exprimer que le sujet n'est plus au lieu dont on parle, qu'il n'y était plus, ou qu'il n'y sera plus à l'époque dont il s'agit. Il a resté deux jours à Lyon. J'ai resté sept mois à Colmar sans sortir de ma chambre, Voltaire, dans GIRAULT-DUVIVIER. L'engourdissement où ils ont resté si longtemps, Rousseau, Ém. I.

    Les exemples suivants sont incorrects ; il faut l'auxiliaire être. Si j'avais resté trop longtemps avec elle, Rousseau, Conf. I. Comme s'ils allaient se délasser d'avoir resté assis au salon, Rousseau, Hél. VI, 10.

    Fig. Il y est resté pour les gages ou pour gage, se dit de quelqu'un pris ou tué dans une affaire d'où les autres se sont tirés.

    Il est resté sur la place, ou, absolument, il y est resté, il a été tué sur le champ de bataille. La perte des Romains dans cette bataille fut d'environ sept cents hommes ; les Macédoniens y perdirent treize mille hommes, dont huit mille restèrent sur le champ de bataille, et cinq mille furent faits prisonniers, Rollin, Hist. anc. Œuvr. t. VIII, p. 277, dans POUGENS.

  • 2Être de reste (sens qui est une déduction du premier sens). Voilà vingt francs qui restent de votre argent. Ô ciel ! et ne pourrai-je enfin à mon amour Donner en liberté ce qui reste du jour ? Corneille, Pomp. III, 3. Dans un si grand revers que vous reste-t-il ? - Médée : Moi, Corneille, Médée, I, 5. Que restait-il à une âme qui, par un juste jugement de Dieu, était déchue de toutes les grâces, et ne tenait à Jésus-Christ par aucun lien ?… il restait la souveraine misère et la souveraine miséricorde, Bossuet, Anne de Gonz. Il restait seul de notre famille, Racine, Esth. III, 4. Les vertus guerrières restèrent après qu'on eut perdu toutes les autres, Montesquieu, Rom. 10. Amis, que faut-il faire, et quel parti nous reste ? Voltaire, Tancr. V, 1. Henri te reste à vaincre après tant de guerriers, Voltaire, Henr. IX. Rien ne lui reste plus que les chagrins et l'âge, Delille, Én. V.

    Impersonnellement. Si vous étiez en ma place, je suis assuré qu'il ne vous resterait pas plus de loisir qu'à moi, Voiture, Lett. 68. Je ne sais pas si j'ai encore beaucoup de temps à vivre ; mais il me semble qu'il me reste beaucoup d'années à vous aimer, Voiture, ib. 30. Il ne reste plus à l'homme que le néant et le péché, pour tout fonds le néant, pour toute acquisition le péché, Bossuet, Anne de Gonz. Vous avez perdu ces heureux moments où vous jouissiez des tendresses d'une mère… mais il vous reste ce qu'il y a de plus précieux, l'espérance de la rejoindre dans le jour de l'éternité, Bossuet, ib. Sénèque le philosophe nous apprend que Virgile n'avait pas mieux réussi en prose que Cicéron ne passait pour avoir réussi en vers ; cependant il nous reste de très beaux vers de Cicéron, Voltaire, Ess. poés. ép. 3.

    Il reste… à, et un infinitif. Dieu a des remèdes pour vous guérir ; et il ne reste qu'à les obtenir par des vœux continuels, Bossuet, Anne de Gonz. Que restait il à la reine à demander au ciel, ou à désirer sur la terre ? Fléchier, Mar.-Thér. Avant de se jeter dans le péril, il faut le prévoir et le craindre ; mais, quand on y est, il ne reste plus qu'à le mépriser, Fénelon, Tél. I. Il me reste à parler des guerres que les Carthaginois soutinrent en Sicile du temps de Pyrrhus en Épire, Rollin, Hist. anc. Œuvr. t. I, p. 299, dans POUGENS.

    Il reste… de, et un infinitif. J'ai fait voir combien vous leur aviez imputé d'hérésies l'une après l'autre, manque d'en trouver une que vous ayez pu longtemps maintenir ; de sorte qu'il ne vous était plus resté que de les en accuser, sur ce qu'ils refusaient…, Pascal, Prov. XVIII. Si nos cœurs s'endurcissent après un avertissement si sensible, que lui reste-t-il autre chose [à la Providence] que de nous frapper nous - mêmes sans miséricorde ? Bossuet, Duch. d'Orl. Vous ne démentez point une race funeste… Bourreau de votre fille, il ne vous reste enfin Que d'en faire à sa mère un horrible festin, Racine, Iph. IV, 4.

    Il reste que, et un subjonctif. Il reste que nous expliquions l'article de la suprématie, Bossuet, Var. 10.

    Avec ellipse de il. Restait cette redoutable infanterie de l'armée d'Espagne dont les gros bataillons serrés… demeuraient inébranlables, Bossuet, Louis de Bourbon. Reste à trente-deux consumés par les flammes, Voltaire, Phil. II, 81.

    Reste tel article à examiner, reste à faire attention, reste à savoir, etc. il reste à examiner tel article, à faire attention, à savoir, etc.

    Reste, ainsi employé, se construit aussi avec de. Reste donc de conclure que la foi de la plus grande partie des chrétiens…, Bourdaloue, Pensées, t. I, p. 180.

    Dans une soustraction, de sept ôtez cinq, il reste deux, ou reste deux (non à deux, comme on le dit quelquefois fautivement).

    Bossuet a conjugué rester avec avoir, bien que la conjugaison ordinaire soit avec l'auxiliaire être : Tant qu'il a resté aux Romains tant soit peu de considération pour les Juifs, jamais ils n'ont fait paraître les enseignes romaines dans la Judée, Hist. II, 9.

  • 3Se rester à soi-même, conserver une juste estime de soi-même, une juste confiance en soi-même. Il n'est pour le vrai sage aucun revers funeste ; Et, perdant toute chose, à soi-même il se reste, Molière, Fem. sav. V, 4.
  • 4Persévérer dans telle ou telle situation. Il est resté stupéfait. Il resta sans appui. Viens, Girot, seul ami qui me reste fidèle, Boileau, Lutr. IV. La seule Roxane est restée dans le devoir, et conserve de la modestie, Montesquieu, Lett. pers. 151. Je resterai dans mon opinion, et vous dans la vôtre, Diderot, Mém. t. IV, p. 84, dans POUGENS. Je resterai proscrit, voulant rester debout, Hugo, Ultimaverba.

    Fig. et familièrement. Rester sur la bonne bouche, s'abstenir de tout après avoir pris quelque chose qui flatte le goût ; et fig. s'arrêter après quelque chose d'agréable.

  • 5Il se dit aussi des choses qui demeurent. La victoire reste indécise entre les deux armées. Cela m'est resté dans la mémoire. Son bras est resté paralytique. Quand j'ai voulu prendre cet outil, le manche m'est resté dans la main. Ruiné depuis deux ans, il ne lui est resté que l'espérance. Je sais ce qu'il en coûte, et qu'il est des blessures Dont un cœur généreux peut rarement guérir : La cicatrice en reste, Voltaire, Tancr. V, 3.

    Il se conjugue aussi avec l'auxiliaire avoir. Il a tout perdu, mais il lui a resté l'espérance, Laveaux. (qui admet cet exemple, quand on veut parler du moment où un homme a tout perdu). On ne sait pas comment les choses auraient resté dans cet état, Hamilton, Gramm. 10.

  • 6Rester à quelqu'un en parlant d'un parent, d'un ami que l'on conserve. C'est d'ici que je date ma première connaissance avec mon vieux ami Gauffecourt qui m'est toujours resté, malgré les efforts qu'on a faits pour me l'ôter ; toujours resté ! non, hélas ; je viens de le perdre, Rousseau, Conf. V.

    Il se dit aussi des choses que l'on garde. Le nom lui en est resté. Édouard, après deux victoires remportées en deux jours, prit Calais, qui resta aux Anglais deux cent dix ans, Voltaire, Mœurs, 75.

  • 7Demeurer dans le souvenir des hommes, garder sa renommée. La mode est aujourd'hui de mépriser Colbert et Louis XIV ; cette mode passera, et ces deux noms resteront à la postérité avec Racine et Boileau, Voltaire, Lettr. à Mme du Deffant, 1er nov. 1773. L'ouvrage de Bayle est resté, et Pierre Jurieu [avec ses prophéties] n'est pas même resté dans la bibliothèque bleue avec Nostradamus, Voltaire, Dict. phil. Prophéties. L'avantage unique qui le distingue [le Panégyrique de Trajan, par Pline le jeune], d'être le seul panégyrique de prince qui soit resté après la mort du prince et de l'orateur, D'Alembert, Éloges, Saci.
  • 8En rester à, se borner à. Quand il aura obtenu quelque avancement, il n'en restera pas là, il voudra avancer encore.

    S'arrêter, ne pas poursuivre. Reprenons notre discours où nous en étions restés. J'en étais resté à vous dire que… La dédicace de vos ouvrages, que vous me faites l'honneur de m'offrir, n'ajouterait rien à leur mérite… je ne dédie les miens qu'à mes amis ; ainsi, monsieur, si vous le trouvez bon, nous en resterons là, Voltaire, Lett. Guiot, novembre 1754. L'occasion que j'avais perdue ne revint plus, et nos jeunes amours en restèrent là, Rousseau, Conf. II.

  • 9 Terme de musique. Faire une tenue. Rester sur une note, sur une syllabe.
  • 10 Terme de manége. Rester dans la main, se dit du cheval qui se retient afin d'éviter la pression du canon sur les barres.
  • 11 En termes de mer, on dit d'un objet quelconque qu'il reste à telle aire de vent ou par telle aire de vent, lorsque, relative ment à un autre, il est dans la direction de cette aire de vent, Jal Le lundi, 20e dudit décembre (1688), à sept heures du matin, le cap de Palos me restait à O. S. O. environ quinze lieues, Journal de la route, dans JAL.

    Rester de l'arrière, marcher moins vite que d'autres bâtiments qui précèdent.

    Rester à l'ancre, ne pas quitter l'endroit où l'on est retenu par ses ancres.

REMARQUE

1. Rester à avec un infinitif ne se dit que dans le sens d'être de reste : La chose qui reste à faire ; mais c'est une faute de dire : Nos amis restent bien à venir (il faut : tardent bien) ; Les maçons restèrent deux ans à bâtir cette maison (il faut : employèrent).

2. C'est aussi une faute de se servir de rester au lieu de loger ou demeurer. On dit : Il demeure dans telle rue, et non : il reste dans telle rue.

HISTORIQUE

XVe s. En toute la salle ne peut appercevoir homme ; ja soit qu'il ne restoit pas qu'il n'y eust plusieurs hommes et femmes devisans les uns aux aultres, Percefor. t. VI, f° 27.

XVIe s. Ma comedie est preste, il ne reste qu'à y adjouster les vers, Montaigne, I, 190. Que luy reste il à desirer ? Montaigne, I, 326. Le fol reste après la feste, Cotgrave

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Étymologie de « rester »

(XIIe siècle) Emprunté au latin restare, formé du préfixe augmentatif re- et de stare, « se tenir debout, se tenir ferme ».
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Prov. et esp. restar ; ital. restare ; du lat. restare, rester, demeurer, de re, et stare, être debout (voy. STABLE).

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Phonétique du mot « rester »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
rester rɛste

Fréquence d'apparition du mot « rester » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « rester »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « rester »

  • Mais comme chaque chose a sa raison, et que la fantaisie d’un individu me paraît tout aussi légitime que l’appétit d’un million d’hommes et qu’elle peut tenir autant de place dans le monde, il faut, abstraction faite des choses, et indépendamment de l’humanité qui nous renie, vivre pour sa vocation, monter dans sa tour d’ivoire et là, comme une bayadère dans ses parfums, rester, seul, dans nos rêves
    Gustave Flaubert — Correspondance
  • J'y suis, j'y reste.
    Patrice de Mac-Mahon
  • Nous devons en rester à la vieille coutume de rester la tête haute.
    Johann Wolfgang von Goethe
  • L’ami est celui avec qui on peut rester silencieux.
    Camillo Sbarbaro
  • Pour rester digne il ne faut pas renier notre humanité.
    Philippe Di Folco — Evene.fr - Janvier 2006
  • Il faut savoir rester dans ce qu’on sait faire.
    Yan Lindingre — Evene.fr - Novembre 2006
  • On peut rester dix ans célibataire dans un mariage. On peut parler des heures sans dire un mot. On peut coucher avec la terre entière et rester vierge.
    Christian Bobin — L’Inespérée
  • "C'est un tout. Il faut beaucoup d'ingrédients sur la table pour persuader un joueur de son niveau de rester dans un club, ajoute Arteta. N'oubliez pas qu'il a toujours un contrat ici avec nous. Nous voulons le garder et le prolonger, mais, pour l'instant, il est avec nous et je pense qu'il devrait être très fier de l'endroit où il se trouve."
    RMC SPORT — Arsenal: Aubameyang pourrait rester en cas de victoire en FA Cup
  • Il faut oublier pour rester présent, oublier pour ne pas mourir, oublier pour rester fidèle.
    Marc Augé — Le Monde de l'éducation - Juillet 2001
  • - Le mec du Grand Bleu , il peut rester 10 minutes sans respirer. - Toi , tu peux pas rester 10 minutes sans dire une connerie !
    Les Inconnus — Les Trois Frères
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Traductions du mot « rester »

Langue Traduction
Anglais stay
Espagnol permanecer
Italien restare
Allemand bleibe
Chinois
Arabe البقاء
Portugais fique
Russe оставаться
Japonais 滞在
Basque egon
Corse stà
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Synonymes de « rester »

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Antonymes de « rester »

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Rester

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