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Acide

Variantes Singulier Pluriel
Masculin et féminin acide acides

Définitions de « acide »

Trésor de la Langue Française informatisé

ACIDE1, adj. et subst.

A.− Au propre
1. [Gén. en parlant d'un fruit, d'une liqueur, d'une boisson] Qui a une saveur aigre, piquante et plus ou moins désagréable, comme les fruits encore verts, le citron, l'oseille, le vinaigre, le verjus :
1. ... jusqu'ici il ne s'est encore présenté aucune circonstance où quelque saveur ait dû être appréciée avec une exactitude rigoureuse, on a été forcé de s'en tenir à un petit nombre d'expressions générales, telles que doux, sucré, acide, acerbe, et autres pareilles, qui s'expriment, en dernière analyse, par les deux suivantes : agréable ou désagréable au goût, ... J.-A. Brillat-Savarin, Physiologie du goût,1825, p. 41.
2. ... il plaça d'un côté le gobelet, de l'autre le pot de grès plein d'une piquette acide... T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 457.
Rem. Pour un emploi laud., cf. inf. ex. 3.
Emploi subst. masc. [P. ell. d'un subst. comme corps, substance, etc.] :
3. Il circule parmi les femmes une doctrine funeste, et qui fait périr chaque année bien des jeunes personnes, savoir : que les acides, et surtout le vinaigre, sont des préservatifs contre l'obésité. Sans doute l'usage continu des acides fait maigrir, mais c'est en détruisant la fraîcheur, la santé et la vie;... J.-A. Brillat-Savarin, Physiologie du goût,1825, p. 233.
En partic., arg. Absinthe :
4. [Le Demi Solde :] Viens boire un « acide » au café Soumet. G. d'Esparbès, Le Demi-Solde,1899, p. 138.
5. « de la bonne acide », 81eterrit., 1914-1917. Esn.Poilu1919, p. 558.
2. P. ext. Piquant, excitant aux sens (autres que le goût) :
6. ... du vent acide comme citron; ... J. Barbey d'Aurevilly, Troisième memorandum,1856, p. 46.
7. Où est l'acide printemps frileux, tendre, hésitant... Colette, La Jumelle noire,t. 2, 1938, p. 37.
En partic., dans la lang. de la crit. musicale.Où dominent, de façon quelque peu agaçante, les notes très aiguës :
8. ... il s'ensuit une instrumentation un peu acide, un peu piquante. L. de La Laurencie, L'École française de violon,1922, p. 223.
B.− Au fig. Aigre et désagréable.
1. Péj. [Pour qualifier des paroles, un écrit, une humeur, etc.] :
9. Il y a des pages de Talmeyr, dures et acides, veloutées de noir, dont l'eau-forte ne passera point. L. Daudet, Salons et journaux,1917, p. 146.
10. Sa célébrité croissante lui valut, évidemment, un courrier toujours plus massif, d'autres visites, d'autres importuns plus tenaces, des corvées nouvelles, des polémiques plus acides... Bien peu de joies! L.-F. Céline, Mort à crédit,1936, p. 406.
11. Mes trop grandes oreilles, mes cheveux secs, ma galoche de menton, le mépris des faibles, la méfiance envers la bonté, l'horreur du mièvre, l'esprit de contradiction, le goût de la bagarre, de la viande, des fruits et des phrases acides, l'opiniâtreté, l'avarice, le culte de ma force et la force de mon culte... Salut, Folcoche! Je suis bien ton fils si je ne suis pas ton enfant. H. Bazin, Vipère au poing,1948, p. 256.
2. [En parlant d'une pers. (notamment d'une femme) ou de son comportement] Piquant, voire excitant, mais non sans produire quelque agacement :
12. « Elle est d'une beauté acide et mordante, dont je sens moi-même quelque peu l'atteinte... » A. France, La Rôtisserie de la Reine Pédauque,1893, p. 292.
13. J'aime son esprit contradicteur, sa présence doucement acide, ses rébellions de branche printanière [d'une jeune fille]. Colette, Fanal bleu,1949, p. 116.
Sans idée d'agacement :
14. Elle ne peut retenir un éclat de rire, qui gicle, acide et frais comme du cidre d'auberge. R. Martin du Gard, Devenir,1909, p. 48.
Stylistique − Acide, en dehors de son emploi sc. et techn., appartient à une série d'adj. notant des impressions sensorielles que distingue p. ex. l'intensité (acide est plus fort que acidulé) ou la référence (une humeur aigre renvoie plutôt à l'agent, des propos acides renvoient plutôt à la pers. visée). Les mots de cette série peuvent d'autre part recevoir, selon leur cont. distributionnel, une connotation péj. ou méliorative (cf. plus haut sous A 1, rem. et B 2), et donc entrer dans 2 sous-séries styl. Pour ces différenciations, cf. aigre, styl.

ACIDE2, adj. et subst. masc.

I.− Emploi adj., CHIM. [En parlant d'une substance]
A.− Qui a une certaine concentration en ions H+.
Solution acide :
1. Le pH est le logarithme changé de signe de la concentration ionique d'un milieu liquide. Il mesure la force d'une solution acide : plus le pH est haut, plus on va vers l'alcalinité. E. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 177.
B.− Qui a les propriétés d'un acide :
2. ... comme la silice joue dans les combinaisons minérales le rôle d'un acide, on peut aussi les qualifier de roches acides. A. de Lapparent, Abrégé de géologie,1886, p. 110.
II.− Emploi subst.
A.− CHIM. Nom générique des corps composés susceptibles de libérer des ions H+en solution. Anton. base :
3. Les chimistes connaissent des acides et des bases, doués en général de propriétés contrastantes, et dont les propriétés se neutralisent respectivement lorsque ces corps s'unissent pour donner naissance à des composés que l'on nomme sels. Dans l'origine, la dénomination d'acide a été tirée de la propriété qu'ont certains corps de la première catégorie, et les plus remarquables, de nous procurer des saveurs analogues à celle du vin aigri par la fermentation; mais ce n'est là qu'une propriété secondaire, d'une énergie variable, qui n'appartient pas à des corps dont l'analogie chimique avec les principaux acides est évidente. A. Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances,1851, p. 345.
4. Un acide c'est un corps dont l'ionisation donne naissance à des ions H en excès. A. Policard, Précis d'histologie physiologique,1922, p. 56.
5. Les acides, les bases et les sels donnent avec l'eau et l'alcool des solutions conduisant le courant et possédant, (...) des pressions osmotiques anormales. M. Gasnier, Dépôts métalliques directs et indirects,1927, p. 170.
Rem. 1. Syntagmes fréq. On distingue des acides minéraux : acide azotique, carbonique, chlorhydrique, sulfurique, etc., et des acides organiques : acides aminés, gras, etc. (cf. ces mots). 2. En chim. mod., acide désigne aussi des corps susceptibles de libérer des particules électrophiles.
Autres domaines
GRAVURE :
6. La gravure à l'eau-forte est un dessin fixé sur le métal par la morsure d'un acide. M. Lalanne, Traité de la gravure à l'eau forte,1866, p. 5.
INDUSTR. SUCRIÈRE :
7. L'acide sulfureux employé dans les [sucreries] pour la sulfitation des jus, des sirops ou des égouts s'obtient généralement en brûlant du soufre. E. Saillard, Betterave et sucrerie de betterave,1923, p. 35.
MÉTALL. Noir d'acide :
8. Les pièces, [de métaux ferreux], sortant du bain acide, [de décapage], sont souvent couvertes d'une boue noire adhérente connue sous le nom de noir d'acide et sur laquelle le lavage n'a pas d'action. M. Gasnier, Dépôts métalliques directs et indirects,1927, p. 40.
VITRERIE :
9. Le déplissage [du verre] au grès ou à l'acide fait partie des travaux de vitrerie. E. Robinot, Vérification pratique et métrie des travaux du bâtiment,t. 6, 1930, p. 57.
PHARMACIE :
10. Les baumes contiennent, mélangés à des essences, des acides aromatiques, tels que l'acide benzoïque. Plantefol, Cours de botanique et de biologie végétale, t. 1, 1931, p. 384.
B.− P. compar., péj. [En parlant notamment de la pensée, de l'ironie... dont on veut marquer le caractère corrosif, mordant, désagréable] :
11. Malgré la plate adoration qu'on a pour l'esprit, pour cette eau-forte, cet acide de vitriol qui ronge tout, vous n'admettez point l'esprit comme compensation des bonnes manières. Stendhal, Lucien Leuwen,t. 2, 1836, p. 394.
12. ... l'ironie a la violence des acides les plus promps, ... H. Murger, Scènes de la vie de bohème,1851, p. 13.
13. C'est donc la pensée qui joue ici le rôle d'élément néfaste, d'acide corrosif, et qui condamne l'homme à un malheur assuré; ... P. Bourget, Essais de psychologie contemporaine,1883, p. 116.
14. ... cela nous fait penser au travail intime et subtil de la grâce sur l'âme préalablement décapée et nettoyée, quelque chose d'onctueux comme l'huile et de mordant comme l'acide. P. Claudel, Un Poète regarde la croix,1938, p. 135.
Prononc. − 1. Forme phon. : [asid]. Passy 1914 transcrit [iˑ] mi-long. Enq. : /asid/. 2. Dér. et composés : acidage, acidé, acidi-alcalimètre, acidifère, acidifiable, acidifiant, acidification, acidifier, acidimètre, acidimétrie, acidimétrique, acidité, acido- (butyrométrie, etc., cf. Lar. encyclop.), acidoïde, acidose, acidosique, acidyle (cf. Lar. encyclop.).
Étymol. ET HIST. I.− Adj. 1. 1545 « qui a une saveur piquante et déplaisante », sens propre (Guillaume Guéroult, Hist. des plantes, 283 ds Quem. t. 1 1959, p. 49 : Ce fruict rude, acide ou mal plaisant au goust); 2. 1690 chim. « qui possède les propriétés des acides » (Fur. 1960 : ... les liqueurs acides rougissent la teinture du tournesol); 3. 1842 au fig. (V. Hugo, Le Rhin, Lettres à un ami, p. 28 : Une lieue plus loin, nous traversions un village dont c'était la fête et qui célébrait cette fête avec une musique des plus acides). Empr. au lat. acidus, attesté dep. Plaute (Pseud., 739 ds TLL, I, 398, 76-77 s.v. acidus : ecquid is homo habet aceti in pectore? atque acidissumi; cf. Cels., 2, 20, p. 67, ibid., 398, 78-79 : ex pomis quodcunque neque acerbum neque acidum est); emploi fig. « désagréable, pénible » dep. Iers. av. J.-C. : − d'un homme (Sén., Dial. 5, 43, 1 ds TLL s.v., 399, 34); − d'un inanimé (Apul., Met. 5, 30, ibid., 399, 35), cf. cognomen Acidus (TLL s.v.). II.− Subst. 1690 chim. « composé hydrogéné de saveur âcre, qui a une action corrosive et dissolvante et qui forme les sels en se combinant avec les bases » (Fur. 1690 : Acide... terme de chymie est un sel picquant, un peu potentiel et disolvant qui est en tous les mixtes et qui leur a donné l'être. Il est en ce sens opposé à l'alkali). Au xixes., le mot passe dans la lang. commune avec des emplois fig. Empr. au lat. acidus (cf. sup. acide, adj.), subst. au plur. en lat. médiév. comme terme d'(al)chimie. « substance de saveur piquante », ainsi : ixes., Tract. de causis mulierum, 44 ds Mittellat. W. s.v. : pocionis constringunt azida.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 661. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 747, b) 1595; xxes. : a) 579, b) 969.
BBG. − Bader-th. 1962. − Bailly (R.) 1969. − Bar 1960. − Baulig 1956. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Bouillet 1859. − Brard 1838. − Chesn. 1857. − Comm. t. 1 1837. − Criqui 1967. − Delorme 1962. − Dodin 1968. − Électron. 1963-64. − Fér. 1768. − Fromh.-King 1968. − Galiana Astronaut. 1963. − Galiana Déc. sc. 1968. − Grand. 1962. − Laf. 1878. − Littré-Robin 1865. − Mét. 1955. − Mont. 1967. − Nysten 1814-20. − Pamart (P.). De l'alchimie à la chimie. Vie Lang. 1969, no204, p. 134-143. − Pétrol. 1964. − Piéron 1963. − Plais.-Caill. 1958. − Privat-Foc. 1870. − Uv.-Chapman 1956.

Wiktionnaire

Nom commun - français

acide \a.sid\ masculin

  1. (Chimie) (Familier) Liquide chimiquement capable d’attaquer et de dissoudre les métaux, voire certaines roches.
    • Les maisons peuvent brûler, […] l’amour d’une jeune fille poursuit son vol, comme la nature sa marche, comme cet effroyable acide que la chimie a découvert, et qui peut trouer le globe si rien ne l’absorbe au centre. — (Honoré de Balzac, Modeste Mignon, 1844)
    1. Agent chimique utilisé depuis le 15e siècle pour attaquer les parties non protégées d'un support métallique.
  2. (Chimie) Composé chimique capable, selon Joannes Brønsted, de céder un ou des protons ; ou selon Gilbert Lewis, d’accepter un doublet électronique.
    • La liqueur hydrochlorique séparée de l’acide silicique par la filtration, est traitée comme il a été dit p. 357, quand j’ai parlé de la marche à suivre dans l’analyse des substances silicifères qui sont décomposées par les acides. — (Henri Rose, Traité pratique d’analyse chimique, vol. 2, 1832, page 364)
    • Le tannin, qui vient de la rafle, des pépins et des pellicules donne de l’âpreté […] Les acides communiquent de la verdeur. — (Edmond Nivoit, Notions élémentaires sur l’industrie dans le département des Ardennes, E. Jolly, Charleville, 1869, page 136)
  3. (Chimie) (Par extension) Solution dont le pH est inférieur à 7.
    • Chlorure de chaux […]
      Celui-ci, au contact des acides même les plus faibles, dégage de l’acide hypochloreux qui est un décolorant et un désinfectant énergique.
      — (Cousin & Serres, Chimie, physique, mécanique et métallurgie dentaires, 1911)
    • Cette solution a un pH de 1, c’est un acide puissant.
  4. (Familier) Nom courant du LSD (Lyserg Säure Diäthylamid, diéthylamide de l’acide lysergique).
    • Ils ont pris de l’acide.

Adjectif - français

acide \a.sid\ masculin et féminin identiques

  1. Qualifie une saveur aigre ou piquante.
    • Le vinaigre est acide.
    • Fruit acide.
    • Ces pommes sont bien acides.
  2. (Chimie) Qualifie une molécule capable de céder un proton (acide de Brønsted) ou d’accepter un doublet électronique (acide de Lewis).
    • C’est une molécule très acide.
  3. (Chimie) Qualifie une solution dont le pH est inférieur à 7, c’est-à-dire quand la concentration en protons de la solution est supérieure à 10-7 moles par litre.
    • L’actinobacille préfère donc de beaucoup les milieux légèrement alcalins et redoute les milieux acides. — (XIVe Congrès international de médecine, Madrid, avril 23–30, 1903 : Section de physiologie, physique et chimie biologiques, Imprenta de J. Sastre y ca., 1904, p. 279)
  4. (Géologie) Se dit d’une roche riche en silice (plus de 65 %).
  5. (Figuré) Déplaisant, blessant.
    • Tes paroles acides l’ont fait pleurer. — Un compliment, une plaisanterie acide.
    • Néanmoins, et comme il est dit plus haut, tout en construisant un discours acide sur le monde moderne et sur ses travers sociétaux, l’espèce humaine reste, en dernier lieu, sa véritable cible. — (Salah El Gharbi, Yasmina Reza, ou, le théâtre des paradoxes, 2010)
  6. (Figuré) Qualifie une couleur qui agace la vue.
    • Des feux tantôt roses, tantôt d’un bleu acide qui tournait au vert pomme, scintillaient à l’extérieur des Folies. — (Francis Carco, L’Homme de minuit, Éditions Albin Michel, Paris, 1938)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

ACIDE. adj. des deux genres
. Qui a une saveur aigre. Fruit acide. Ces pommes sont bien acides. Il s'emploie au sens figuré : Un compliment, une plaisanterie acide. Il se dit, en termes de Chimie, de Ce qui jouit des propriétés physiques ou chimiques des acides. Liqueur acide. Sel acide. Il s'emploie aussi comme nom masculin et désigne Toute substance qui imprime sur la langue une saveur analogue à celle du vinaigre et qui fait passer au rouge les couleurs bleues des végétaux. Il se dit plus spécialement, en termes de Chimie, des Corps composés qui ont pour caractère de saturer plus ou moins complètement les alcalis. Acide végétal. Acide animal. Acide minéral. Acide acétique, nitrique, sulfurique, carbonique, etc.

Littré (1872-1877)

ACIDE (a-si-d') adj.
  • 1Qui a la saveur du vinaigre. Le fruit encore verd, la vigne encore acide Tentent de ton palais l'inquiétude avide, Chénier, 61.
  • 2En chimie, qui jouit des propriétés des acides.
  • 3Pris substantivement. Il [le lait] tourne facilement à l'acide, Rousseau, Ém. I.

HISTORIQUE

XVIe s. Ce phlegme ou pituite est doux ou insipide et non salé ni acide, Paré, XX, 25.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

ACIDE, adj. qui se prend quelquefois subst. (Ord. Encyclop. Entendem. Science de la Nat. Chim.) ce qui pique la langue & lui cause en même tems un sentiment d’aigreur. Voyez Goût, Acidité.

On divise ordinairement les acides en manifestes & cachés.

Les acides manifestes sont ceux que nous venons de définir, savoir ceux qui causent une impression sensible. Tels sont le vinaigre, & l’esprit de vinaigre ; les sucs de pomme sauvage, de citrons, d’oranges, de limons, d’épine-vinette, de tamarins, & des fruits qui ne sont pas murs : l’esprit d’alun, l’esprit de vitriol, l’esprit de soufre, tiré par la cloche, l’esprit de sel, &c. sont autant d’acides manifestes. Voyez Vinaigre, Nitre, Vitriol, Alun, Soufre, &c.

Les acides cachés sont ceux qui n’ont pas assez d’acidité pour se faire sentir au goût, mais qui ressemblent aux acides manifestes par d’autres propriétés suffisantes pour les mettre au rang des acides.

Il paroît par-là qu’il y a des caracteres d’acidité plus généraux que celui d’un goût aigre, quoique l’on considere principalement ce goût, en parlant des acides.

La grande marque, ou la marque générale à laquelle on reconnoît les acides, c’est l’effervescence qui se fait lorsqu’on les mêle avec une autre sorte de corps appellés alkalis. Voyez Effervescence & Alkali.

Cependant il ne faut pas toûjours s’arrêter à cette seule propriété pour déterminer qu’une substance est acide, parce que tout acide ne fait pas effervescence, ou ne fermente pas avec tout alkali ; il est des acides que le goût seul fait connoître mieux qu’aucune autre épreuve. Les acides se reconnoissent encore à quelques changemens de couleur qu’ils causent a certains corps. Par exemple, pour éprouver un acide caché, mettez-le avec une teinture bleue de quelque végétal, comme sera une infusion, ou du sirop de violettes délayé dans de l’eau ; si la teinture bleue devient rouge par ce mêlange, c’est une marque d’acidité ; & la teinture bleue deviendra plus ou moins rouge, selon que le corps qu’on éprouvera par son moyen sera plus ou moins acide. Si au contraire la teinture bleue devenoit verte, c’est une preuve d’alkalicité.

Tout ce qui est acide est sel, ou ce qui fait l’acidité de tout corps acide ou aigre, est sel. On peut même dire que l’acide fait l’essence de tout sel, non-seulement de tout sel acide, comme on le comprend aisément, mais encore de tout sel moyen, & même, ce qui paroîtra d’abord extraordinaire, de tout sel alkali. Les sels moyens ne sont sels que par leur acide, joint à une terre particuliere qui l’a adouci ; ce qui forme une matiere qui n’est ni acide ni alkaline, & qu’on nomme pour cette raison, sel moyen, ou neutre.

Les alkalis ne sont sels, que par un peu d’acide concentré par la fusion dans beaucoup de terre absorbante, qui par ce mélange intime avec l’acide, est dissoluble, & a de la saveur, en un mot, est saline.

Les acides sont ou minéraux, comme est celui du sel commun ; ou végétaux, comme est le vinaigre ; ou animaux, comme est l’acide des fourmis.

Il y a trois especes différentes d’acides minéraux ; savoir, l’acide vitriolique, l’acide du nitre, & l’acide du sel commun.

L’acide vitriolique se trouve dans les vitriols, dans l’alun, dans le soufre minéral, &c. l’acide vitriolique joint à un fer dissout ou mêlé avec de l’eau, & un peu de terre, forme le vitriol verd, ferrugineux, comme est le vitriol d’Angleterre, celui de Liége, &c.

Lorsque l’acide vitriolique est joint de même à du cuivre, il en résulte un vitriol bleu, tel qu’est la couperose bleue, ou vitriol de Chypre.

On croit que la base métallique du vitriol blanc est le zinc ; & je soupçonne que le peu de terre qui entre dans la composition des vitriols, est alkaline, & de la nature de la base du sel commun ; c’est ce qui fait qu’il y a un peu de sel commun dans le vitriol. Voyez Vitriol, Couperose.

L’acide vitriolique incorporé avec une terre de la nature de la craie, mêlée avec un peu de la base du sel commun, & avec une très-petite quantité de bitume, fait l’alun. Voyez Alun.

L’acide vitriolique combiné avec un peu de bitume, donne le soufre minéral. Il faut très-peu de bitume pour ôter à l’acide vitriolique sa fluidité, & pour lui donner une consistance de corps solide, telle qu’est celle du soufre. Il faut bien peu de ce soufre aussi pour faire perdre au mercure sa fluidité, & pour le fixer en quelque sorte, ce qui fait le cinnabre. V. Soufre, Cinnabre.

On peut dire la même chose de l’acide du sel commun : il donne différens sels. Voyez l’analyse des eaux de Plombieres dans les Memoires de l’Académie Royale des Sciences, de l’année 1746.

L’acide du sel commun, incorporé naturellement avec une terre alkaline de la nature de la soude, constitue le sel gemme, qui se trouve en especes de carrieres ou de mines en différentes parties du globe terrestre ; ce qui fait les fontaines & les puits salés lorsque l’eau traverse des terres salées. V. Salines.

L’acide du sel commun joint ainsi à cette terre alkaline, & de plus intimement mêlé avec des matieres grasses qui résultent du bitume & de la pourriture des plantes & des animaux qui vivent & meurent dans la mer, forme le sel marin.

L’acide marin incorporé à une grande quantité de matiere bitumineuse & à très-peu de terre alkaline, donne un petit sel grenu, qu’il est impossible de mettre en crystaux distincts. Voyez Sel commun.

L’acide nitreux, qui est l’eau forte ou l’esprit de nitre, joint à une terre alkaline semblable au sel alkali du tartre, forme le nitre, qu’on nomme vulgairement salpetre ; & cette sorte de nitre est différente encore selon différentes combinaisons : quoiqu’en général le salpetre de houssage, le nitre fossile des mines & notre nitre, ne different pas entre eux essentiellement, ils ne sont cependant pas absolument les mêmes.

L’acide nitreux est naturellement combiné avec un principe gras, qui donne à l’esprit de nitre lorsqu’il est en vapeurs dans le balon pendant la distillation, une couleur rouge orangée, qui le distingue dans la distillation de tous les autres acides & esprits. Cette couleur rouge des vapeurs de l’esprit de nitre lui a fait donner par les Alchimistes le nom de sang de la salamandre. Voyez Nitre.

C’est aussi l’acide qui fait l’essence saline des sels des végétaux. Les sels de la terre dissous dans l’eau, que les plantes en tirent pour leur accroissement & pour leur entretien, deviennent propres à la plante qui les reçoit. Ce qui forme les sels de la terre, sont les acides minéraux dont nous venons de parler. Les plantes tirent l’un ou l’autre de ces sels, suivant qu’ils se trouvent plus dans la terre où elles sont plantées, & selon les différentes especes de plantes ; c’est pourquoi il y a des plantes dont on tire du tartre vitriolé, comme sont les plantes aromatiques, le romarin, &c. d’autres desquelles on tire un sel nitreux, comme sont les plantes rafraîchissantes, la pariétaire, &c. Il y a des plantes qui donnent beaucoup de sel commun ; ce sont les plantes marines, comme est le kali.

Comme les végétaux tirent leur salure de la terre où ils sont plantés, les animaux s’approprient les sels des plantes dont ils se nourrissent : c’est pourquoi il y a dans les animaux de l’acide vitriolique, de l’acide nitreux, & de l’acide du sel commun. V. la Chimie Medicinale, Partie II. chap. j.

On ne doit pas révoquer en doute qu’il y a de l’acide dans les animaux : les sages Medecins reconnoissent avec Hippocrate qu’il y a dans l’homme du doux, de l’amer, du salé, de l’acide, & de l’acre. Tant que ces choses, qui sont de qualités différentes, ne sont point à part, en dépôt, & qu’elles sont proportionnées entre elles, & dans un mouvement naturel, elles font la santé : si au contraire elles dominent sensiblement les unes sur les autres, qu’elles restent en repos, & qu’elles soient dans un trop grand mouvement, elles produisent la maladie, & l’espece de la maladie est différente, selon la différente nature de ce qui domine, & selon la différente partie où il se porte.

Il y a dans les animaux plus ou moins de salure, & par conséquent plus ou moins d’acide, comme le prouvent plusieurs opérations de Chimie, & particulierement celle du phosphore ; & cette salure est différente dans les différentes especes d’animaux : elle est dans la plûpart, de la nature du sel ammoniac, ou de celle du nitre. Il y a aussi des animaux dont la salure approche plus de l’acidité, & cette acidité est volatile, comme on peut le reconnoître dans les fourmis.

Les acides sont ou fixes, comme est l’acide du vitriol, le tartre ; ou volatils, comme sont les esprits sulphureux, les esprits fumans, & l’esprit de fourmis.

En général, les acides sont plus pesans que ne sont les sels neutres & les alkalis.

Les acides sont fort utiles en medecine, comme est celui du citron, de l’épine-vinette, de la groseille & du vinaigre ; on peut mettre au nombre des remedes acides, l’eau de Rabel, l’esprit de nitre dulcifié, & l’esprit de sel dulcifié, qui sont d’un bon usage pour la guérison de plusieurs maladies.

Les acides coagulent les liqueurs animales, comme on le voit arriver au lait quand on y mêle quelque acide : c’est pourquoi on se sert des acides pour prévenir la dissolution du sang sur la fin des fievres ardentes, lorsqu’il s’est formé dans les humeurs du malade un acre urineux qui vise à l’alkali. C’est pourquoi Hippocrate recommandoit les acides dans ces cas.

Les acides temperent l’effervescence de la bile & du sang ; c’est ce qui les rend utiles à ceux qui ont le visage rouge par trop de chaleur : & au contraire les acides sont nuisibles à ceux qui ne sont point ainsi échauffés, ou qui ont des sentimens de froid dans les chairs, & qui ont le visage pâle.

Dans certains cas les acides font atténuans & apéritifs ; comme lorsqu’il y a des humeurs glaireuses ou couenneuses avec chaleur : alors les acides agissant sur les fibres, sont des remedes toniques qui les excitent à briser les liqueurs visqueuses.

Les acides sont les corps les plus pénétrans par rapport au tissu & à la forme de leurs parties, comme les fluides sont aussi les corps les plus pénétrans par rapport à la petitesse & à la mobilité de leurs parties ; de sorte que des acides en liqueur sont ce qu’il y a de plus propre à pénétrer & à dissoudre : c’est pourquoi on est quelquefois obligé d’ajoûter de l’eau aux eaux-fortes dont on se sert pour dissoudre les métaux, non pas pour affoiblir ces eaux-fortes, comme on le dit ordinairement, au contraire c’est pour les rendre plus fortes en leur donnant plus de fluidité.

Les acides minéraux sont des dissolvans plus forts que les acides végétaux, & les acides végétaux plus forts que les acides animaux.

Cela est vrai en général, mais souffre des exceptions particulieres par rapport à différens corps qui se dissolvent plus aisément par des acides plus foibles, c’est-à-dire qui sont réputés plus foibles, parce qu’ils dissolvent moins de corps, & les dissolvent moins fortement que ne les dissolvent les acides plus forts, comme sont les acides minéraux, qui sont nommés pour cela eaux-fortes.

Les autres acides, même les acides animaux, sont plus forts pour dissoudre certains corps que ne le sont les eaux-fortes. On a un exemple de cela dans la dissolution de l’ivoire par le petit-lait. Le petit-lait aigre dissout les os, les dents, & l’ivoire.

Nous avons expliqué plus haut comment les acides les plus forts, comme sont les eaux-fortes, perdent leur force & s’adoucissent par les alkalis, en devenant simplement des corps salés. Nous devons ajoûter ici que les acides s’adoucissent encore davantage par les corps huileux, comme est l’esprit de vin : les acides ainsi joints à une matiere grasse, font des savons acides, comme les alkalis joints à des matieres grasses, font les savons alkalis, qui sont les savons ordinaires.

Les acides dulcifiés sont des liqueurs fort agréables. L’esprit de nitre ou l’eau-forte qui a une odeur insupportable, devient très-agréable lorsque cet acide est mêlé avec un peu d’esprit de vin ; & l’odeur qui en résulte, ne tient ni de celle de l’eau-forte, ni de celle de l’esprit de vin.

Les liqueurs les plus douces, comme sont les différens laits, & les plus agréables, comme sont les différens vins, sont des acides adoucis.

C’est sur-tout des différentes proportions de l’acide & de l’huile, & de leurs différentes combinaisons, que dépendent les différentes qualités des vins. (M)

Acides, adj. pris subst. (Medecine.) Les acides sont regardés avec raison par les Medecins comme une des causes générales des maladies. Les acides occasionnent divers accidens selon les parties qu’ils occupent. Tant qu’ils sont contenus dans le ventricule, ils causent des rapports aigres, un sentiment de faim, des picotemens douloureux, qui produisent même la cardialgie : parvenus aux intestins, dans le duodenum, ils diminuent l’action de la bile ; dans les autres ils produisent la passion iliaque, les spasmes ; en resserrant l’orifice des vaisseaux lactées, ils donnent naissance à des diarrhées chroniques, qui souvent se terminent en dyssenteries : lorsqu’ils se mêlent avec le sang, ils en alterent la qualité, y produisent un épaississement, auquel la lymphe qui doit servir de matiere aux secrétions, se trouve aussi sujette : de là naissent les obstructions dans les glandes du mesentere ; maladie commune aux enfans, les fibres dont leurs parties sont composées, étant encore trop molles pour émousser les pointes des acides qui se rencontrent dans la plûpart des alimens qu’ils prennent. Les gens sédentaires & qui travaillent beaucoup dans le cabinet, se trouvent souvent attaqués des maladies que produit l’acrimonie acide ; la dissipation & l’exercice étant très-nécessaires pour prévenir ces maladies en augmentant la transpiration. Les pâles-couleurs auxquelles les filles sont si sujettes lorsque leurs regles n’ont point encore paru, ou ont été supprimées par quelque accident, sont aussi des suites de l’acrimonie acide ; ce qui leur occasionne l’appétit dépravé qu’elles ont pour le charbon, la craie, le plâtre, & autres matieres de cette espece, qui sont toutes absorbantes & contraires aux acides.

L’on vient à bout de détruire les acides, & d’arrêter le ravage qu’ils peuvent faire, lorsque l’on s’apperçoit de bonne-heure de leur existence dans l’estomac, en les évacuant en partie par le moyen des émétiques, auxquels on fait succéder l’usage des absorbans, les remedes apéritifs & martiaux, qui sont tous très-propres pour donner du ressort aux parties solides, & de la fluidité aux liqueurs ; enfin en mettant en usage les remedes, qui fermentant promptement avec les acides, forment des sels d’une nature particuliere, & qui ont une vertu stimulante, diaphorétique, & capable de résoudre les obstructions.

Tous ces remedes doivent être administrés avec soin, & l’on doit toûjours avoir égard aux forces, à l’âge, au tempérament, & au sexe des malades. (N)

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Étymologie de « acide »

Provenç. aci ; espagn. et ital. acido ; d'acidus, du radical qui est dans le latin acus, aiguille (voy. AIGUILLE), dans acutus (voy. AIGU), et dans le grec ἄχη, pointe ; il faut aussi en rapprocher le radical grec ox dans ὸξὺς, aigu (voy. OXYDE).

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(1545) Du latin acidus.
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Phonétique du mot « acide »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
acide asid

Fréquence d'apparition du mot « acide » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « acide »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « acide »

  • En 2008, le mannequin Katie Piper a été victime d'une attaque à l'acide sulfurique. Douze ans après, son agresseur va bientôt pouvoir retrouver sa liberté.
    Closermag.fr — Katie Piper : l'agresseur du mannequin défigurée à l'acide bientôt libre - Closer
  • La mémoire elle-même est rongée par un acide et il ne reste plus de tous les cris de souffrance et de tous les visages horrifiés du passé que des appels de plus en plus sourds, et des contours vagues.
    Patrick Modiano — Livret de famille
  • Le vinaigre trop acide ronge le vase qui le contient.
    Proverbe turc
  • Le plus corrosif des acides est le silence.
    Andreas Frangias — L'Épidémie
  • Toute vie n'est qu'acide nucléique. Le reste, ce sont des commentaires.
    Isaac Asimov — La relativité a tort, 1988
  • Quand le rêve est trop violent, il désaffecte le désir comme un acide ronge doucement un métal précieux.
    Dominique Blondeau — Que mon désir soit ta demeure
  • Les moustiques attirés par l'odeur d'acide lactique dans la sueur humaine
    Futura — Brève | Les moustiques attirés par l'odeur d'acide lactique dans la sueur humaine
  • La cour d'appel d'Aix-en-Provence a condamné mercredi à 15 ans de prison un homme qui après des mois de harcèlement et de violences avait aspergé d'acide sulfurique son ex-concubine dont il n'acceptait pas la séparation.
    France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur — Marseille : il asperge son ex-compagne à l'acide, 15 ans de prison en appel
  • Une fois sur place, les sapeurs-pompiers ont effectivement constaté une fuite sur cette citerne transportant de l'acide nitrique. Un périmètre de sécurité a été établi et l'aire de service est actuellement fermé.
    Faits-divers - Justice | Roussillon : une fuite sur un camion citerne transportant de l'acide
  • La filiale chinoise Celanese (Nanjing) Chemical du groupe texan Celanese a récemment prolongé un contrat de long terme avec Nanjing Chengzhi Clean Energy pour un approvisionnement pérenne en monoxyde de carbone. Il s’agit d’alimenter son usine de production d’acide acétique installée dans le parc industriel chimique de Nanjing, dans la ville de Nanjing, à l'est de la Chine (province du Jiangsu). Cette usine produit 1,2 Mt/an d’acide acétique qui sert ensuite à la fabrication de nombreux produits : les peintures et les revêtements, les adhésifs, les bouteilles en plastique, les emballages alimentaires et les matériaux de construction.
    info-chimie.fr — Celanese sécurise l'approvisionnement de son usine d'acide acétique à Nanjing
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Traductions du mot « acide »

Langue Traduction
Anglais acid
Espagnol ácido
Italien acido
Allemand säure
Portugais ácido
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Synonymes de « acide »

Source : synonymes de acide sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « acide »

Combien de points fait le mot acide au Scrabble ?

Nombre de points du mot acide au scrabble : 8 points

Acide

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