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Sentiment

Variantes Singulier Pluriel
Masculin sentiment sentiments

Définitions de « sentiment »

Trésor de la Langue Française informatisé

SENTIMENT, subst. masc.

I. − Domaine des sens (excepté la vue et l'ouïe)
A. − Vieilli. Faculté de sentir, de percevoir une sensation. Des expériences directes (...) ont prouvé que le cerveau, la moelle allongée, la moelle épinière et les nerfs, sont (...) les principaux organes du sentiment (Cabanis,Rapp. phys. et mor., t. 1, 1808, p. 54).
P. méton. [Suivi d'un compl. du n.] Sensation. Sentiment de douleur, d'engourdissement. En sortant du bain j'ai eu un léger sentiment de froid, et je me suis mis au lit (Maine de Biran,Journal, 1816, p. 157).Appliquée contre le palais, la langue n'est en contact avec aucun corps qui puisse y produire un sentiment de saveur (Bichat,Rech. physiol. vie et mort, 1822, p. 195).
En partic. Conscience que l'on a de soi et du monde extérieur. L'excès de la douleur et de l'épouvante m'anéantit et m'ôta le sentiment de ce qui se passait autour de moi. Je ne retrouve le souvenir qu'à dater de plusieurs jours après (Sand,Hist. vie, t. 2, 1855, p. 233).
Loc. Être privé de sentiment, être sans sentiment. Être dans un état d'inconscience. L'apoplexie est cet état où les malades tombent dans le sommeil le plus profond, sans sentiment, sans mouvement, quoique les fonctions vitales ne soient point interrompues, et même semblent se faire avec plus de force (Geoffroy,Méd. prat., 1800, p. 462).
B. − CHASSE. Faculté développée chez les chiens de chasse de percevoir l'odeur émise ou laissée par le gibier. Avoir le sentiment très fin. Les chiens, que le sol ne favorisait pas, perdraient le sentiment, avec le fumet de tout cela (La Varende,Trois. jour, 1947, p. 15).
P. méton. Odeur émise par un animal de chasse, et en partic., traces de cette odeur persistant sur l'itinéraire de l'animal (sol, branches, eau). Votre cerf suit l'eau pour effacer sa voie et il marche dans le sens du vent pour que le vent entraîne son sentiment en avant de lui (Druon,Chute corps, 1950, p. 24).[Les chiens] parurent, fouineurs et le nez au sol (...) flairèrent les pierres, la rocaille du chemin, froide et sans sentiment (Vialar,Rendez-vous, 1952, p. 157).
II. − Domaine de l'intellect., de l'intuition
A. − Connaissance, conscience plus ou moins claire que l'on a de quelque chose. Avoir le sentiment de sa puissance, de son néant, de son isolement. Je ne sais comment j'eus le sentiment de son ironie, de mon insuffisance, de quelque chose de manqué. La réaction cuisante de l'échec se produisit en dessous (Jouve,Scène capit., 1935, p. 201):
1. Cette fois, la femme (...) répondit: − Pas d'enfant! C'est notre affaire ! Et vous, le père, pourquoi donc que vous n'en aviez qu'un ? Le père ne répondit pas. La fille eut le sentiment obscur du sacrilège qu'elle venait de commettre. Elle rougit. Ils se considérèrent l'un l'autre, gênés par le reproche et par l'aveu que leur silence prolongeait... R. Bazin,Blé, 1907, p. 100.
Loc. verb. Avoir le sentiment. Avoir l'impression.
[Suivi d'une infinitive] Avoir le sentiment d'avoir manqué à son devoir; avoir le sentiment de reconnaître qqn; avoir le sentiment d'être sacrifié aux autres. Je suis très troublé... J'ai le sentiment de ne pas avoir fait pour cette jeune fille ce que je devais faire (Pailleron,Monde où l'on s'ennuie, 1869, ii, 2, p. 109).
[Suivi d'une complét.] Avoir le sentiment qu'on se sert de soi; avoir le sentiment que son projet échouera. Si mon livre peut les (...) aider, j'aurai le sentiment qu'il n'aura pas été absolument inutile (M. Bloch,Apol. pour hist., 1944, p. xvii).
En partic. Perception de Dieu par la foi, l'intuition mystique. Je sais maintenant parler de Dieu (...). À ces mots qui peignaient d'une manière si touchante les premières émotions d'une âme qu'une parole toute-puissante venait de rendre au sentiment de Dieu et d'elle-même, Élisabeth vit bien que Dieu avait agi miraculeusement par son entremise (Montalembert,Ste Élisabeth, 1836, p. 248).
ESCR. Sentiment du fer. ,,Instinct qui caractérise l'escrimeur expérimenté, qui lui donne une sorte de divination dès le contact de la lame ennemie`` (Sports Mod. Illustr., 1906 ds Petiot 1982). Le sentiment du fer permet de percevoir ou de varier l'intensité des actions (Thirioux,Escrime Moderne,1970,ds Petiot 1982).HIPP. Sentiment du cheval. ,,Qualité du cavalier qui lui permet de juger de l'état, des qualités, du degré de soumission du cheval`` (St-Riquier-Delp. 1975).
B. − Faculté de sentir, de comprendre ou d'apprécier un certain ordre de choses, de valeurs. Sentiment de la famille, de la justice, de la nature, de la patrie, de la propriété, de la réalité; sentiment de l'égalité (des hommes), de l'honneur, de l'humanité, de l'ordre; sentiment du beau, du bonheur, du devoir, du droit; sentiment des convenances, des responsabilités, des arts; sentiment littéraire, linguistique, musical, religieux. J'ai pris un volume de Musset. (...) dès les premiers vers, je frissonnais, et parfois même des larmes s'échappaient de mes yeux. (...) le sentiment poétique s'est réveillé en moi, avec un torrent de pleurs délicieux (Martin du G.,Thib., Cah. gr., 1922, p. 623).Tout la choquait, de ce qui marquait sa situation, sa fortune, et les questions de préséance (...). Ma grand'mère (...) gardait un vif sentiment des hiérarchies (Gide,Si le grain, 1924, p. 364).
C. − Vieilli ou littér. Manière de penser, d'apprécier, propre à une personne. Synon. avis, idée, jugement, opinion, point de vue.Exposer son sentiment sur qqc.; revenir sur son sentiment; partager les sentiments de; être du même sentiment que; changer de sentiment; selon mon sentiment. J'ai une de ces Nouvelles en manuscrit; je vous l'apporterai à ma première visite, et vous m'en direz votre sentiment (Restif de La Bret.,M. Nicolas, 1796, p. 13).Joseph prononça quelques paroles qu'il pensait des plus aimables et qui étaient, au sentiment de Suzanne, terriblement maladroites (Duhamel,Suzanne, 1941, p. 206).
En partic. Manière de penser, propre à un groupe, à un peuple. Synon. opinion.Sentiment populaire. Il y aurait une révolte du sentiment général devant cette application rigoureuse des données les plus rationnelles (Valéry,Variété III, 1936, p. 215).Le sentiment public est que (...) la France est menacée de déclin et qu'elle se défend mal contre ce déclin (Reynaud, 1953ds Doc. hist. contemp., p. 190).
III. − Domaine de l'affectivité
A. −
1. État affectif complexe, assez stable et durable, composé d'éléments intellectuels, émotifs ou moraux, et qui concerne soit le « moi » (orgueil, jalousie...) soit autrui (amour, envie, haine...). Chacun peut devenir gentleman, (...) la vraie noblesse est dans le caractère, dans le mérite personnel, dans la distinction morale, dans l'élévation des sentiments et du langage, dans la dignité de la vie et le respect de soi-même (...). On naît riche, noble, mais on ne naît pas gentleman (Amiel,Journal, 1866, p. 222).Quand il avait pris possession de la terre ancestrale, puis à la naissance de son fils, un sentiment de durée, de plénitude, l'avait pénétré jusque dans sa substance même: la force tranquille de l'arbre qui, à chaque jour, à chaque heure, à chaque instant, enfonce ses racines plus avant dans le sol (Guèvremont,Survenant, 1945, p. 94).
SYNT. a) Sentiment d'admiration, d'aisance, d'amertume, d'amitié, d'amour-propre, d'angoisse, d'effroi, d'enthousiasme, d'estime, d'horreur, d'humiliation, d'inquiétude, de joie, de pitié, de plaisir, de pudeur, de rancune, de résignation, de tendresse, de triomphe. b) Sentiment absolu, agréable, affreux, bizarre, confus, délicieux, enfantin, excessif, exquis, féminin, filial, fort, fugitif, furieux, généreux, impérieux, inconnu, indéfinissable, intérieur, maternel, masculin, mauvais, mystérieux, noble, obscur, paternel, profond, passionné, pur. c) Sentiments partagés par un groupe ; sentiments civiques, collectifs, patriotiques, politiques, nationaux. d) Désordre, exagération, droiture, noblesse, violence de(s) sentiments. e) Analyser, cacher, exacerber, exprimer, faire éclater ses sentiments; revenir à de meilleurs sentiments; être blessé dans ses sentiments; être la proie de sentiments contraires; être dominé par ses sentiments; être maître de ses sentiments.
Loc., p. iron. Ça n'empêche pas les sentiments. Cela n'exclut pas des sentiments affectueux, malgré un contexte cynique ou intéressé. Les républiques bannissent Eschyle, proscrivent le Dante, décapitent André Chénier. En république, voyez-vous, on a bien autre chose à faire que d'avoir du génie! On a tant d'affaires sur les bras, vous comprenez. Mais cela n'empêche pas les sentiments (Villiers de L'I.-A.,Contes cruels, 1883, p. 57).
Au plur.
Les beaux, les bons, les grands sentiments. Les sentiments nobles, généreux et, p. iron., ceux qui sont exprimés avec trop d'emphase pour être authentiques. Par une sorte de pudeur, il lui répugnait, dans son langage, et particulièrement en causant avec Olivier, de faire montre de ce qu'il appelait « les grands sentiments ». Aussitôt exprimés, ceux-ci lui paraissaient moins sincères (Gide,Faux-monn., 1925, p. 1143).Je ne le haïssais pas. Je le rejetterais sans le briser. Mais je ne pouvais me retenir de m'amuser encore un peu: − Comme vous avez de beaux sentiments, Robert! Comme c'est bien de vouloir attendre ma mort (Mauriac,Nœud vip., 1932, p. 226).D'où vient que l'on ne peut guère plus faire de bonne littérature avec de bons sentiments, ni mettre en poésie la vertu (Paulhan,Fleurs Tarbes, 1941, p. 34).
[Empl. dans qq. formules de politesse à la fin d'une lettre] Sentiments dévoués, distingués, respectueux, les meilleurs. J'attends votre réponse avec confiance, monsieur le gouverneur général, et vous prie d'agréer l'expression de mes sentiments très distingués (De Gaulle,Mém. guerre, 1954, p. 295).
PSYCHOL., PSYCHANAL. Sentiment de culpabilité*. Sentiment d'infériorité*. V. aussi complexe* d'infériorité.Sentiment de supériorité*. Sentiment passionnel. ,,Émotivité excessive liée à une représentation prévalente qui dirige l'activité psychique et sociale en lui donnant une forme particulière, expression visible du trouble mental`` (March. 1970). Sentiment de déréalisation. ,,Perte du sentiment de réalité du monde extérieur, qui ne semble plus familier, bien que le malade continue à percevoir ce qui l'entoure et ne présente ni déficit sensoriel, ni troubles instrumentaux ou perceptifs`` (Moor 1966).
2. En partic., au sing. ou au plur. Inclination vive qu'une personne ressent pour une autre de sexe opposé. Synon. amour.Déclarer son, ses sentiments. − Vous prétendez que vous m'aimez et vous ne m'avez jamais dit que j'avais de jolis bras (...). − C'est trop fort! Tout de moi vous crie mon sentiment, et c'est à ces fadaises que vous donnez de l'intérêt. Non, non, je ne vous dirai rien sur vos bras (Montherl.,Bestiaires, 1926, p. 465).Quand j'avais vingt ans j'ai connu une femme intelligente et belle. Un jour j'ai su que mon amour ne me défendait plus ni contre son esprit, ni contre sa beauté. Je renonçais à l'espoir de lui faire partager mes sentiments (J. Bousquet,Trad. du sil., 1935, p. 52).
B. − Absolument
1. Sensibilité de l'homme, sa disposition à être ému, touché. Être capable de sentiment; prendre qqn par les sentiments; tu ne m'auras pas au sentiment! (fam.). Il faut ta réponse avant midi (...). « Je voyais que déjà la résolution de Clémentine était prise, mais elle crut bon de faire montre d'un peu de sentiment. » − Et toi, toi, − gémit-elle. − T'abandonner ainsi, jamais! (Benoit,Atlant., 1919, p. 218).Il y a pour toutes les âmes menées par les voies mystiques un danger contre lequel tous les directeurs orthodoxes les prémunissent, celui d'attacher trop d'importance au sentiment, à la vie émotive dans la vie spirituelle (Théol. cath.t. 4, 11920, p. 785).
P. iron., fam. Sensiblerie, démonstration affective qui n'a pas lieu d'être. Pas tant de sentiment! Laisse le sentiment de côté, dit-il. Dans l'histoire de Richard, il n'a rien à faire (Aymé,Uranus, 1948, p. 79).
Loc. fam.
Faire du sentiment (et sous forme négative ne pas faire de sentiment). Faire intervenir des éléments d'ordre affectif dans une situation où ils ne sont pas de mise. Il ne s'agit pas ici de faire du sentiment. Les affaires sont les affaires (Villiers de L'I.-A.,Contes cruels, 1883, p. 66).
Le faire au(x) sentiment(s). Chercher à obtenir quelque chose de quelqu'un en faisant appel à sa sensibilité, l'apitoyer. Je vous connais, et ... c'est mon frère, hein! Je ne peux pas faire ça. Tu le fais aux sentiments, dit Le Roux. Pas du tout! (Van der Meersch,Invas. 14, 1935, p. 177).
2. Ensemble des états affectifs et, en partic., des états affectifs altruistes visant le bien de l'humanité. C'est le cœur qui gouverne le monde, on a beau dire (...) que les hommes ne valent rien, c'est le sentiment qui fait les vrais miracles de l'histoire (Sand,Corresp., t. 4, 1860, p. 217):
2. ... voir juste, c'est ne croire à rien, ni aux sentiments, ni aux hommes, ni même aux événements: on y fait de faux événements. Là, pour voir juste, il faut peser, chaque matin, la bourse d'un ami, savoir se mettre politiquement au-dessus de tout ce qui arrive; provisoirement, ne rien admirer, ni les œuvres d'art, ni les nobles actions, et donner pour mobile à toute chose l'intérêt personnel. Balzac,E. Grandet, 1834, p. 153.
3. Qualité de la sensibilité artistique chez une personne, un artiste. Jouer du violon avec beaucoup de sentiment. La seule élève encore vivante de Chopin déclarait avec raison que la manière de jouer, le « sentiment » du Maître, ne s'était transmis, à travers elle, qu'à Mmede Cambremer (Proust,Sodome, 1922, p. 814).Tout à l'heure encore dans sa prison, il m'a récité un long passage d'Andromaque et avec un sentiment, une compréhension qui m'ont bouleversé (Aymé,Uranus, 1948, p. 164).
IV. − Vx. Bracelet composé d'un assemblage de cheveux tressés. De tous les bijoux, celui qui est le plus en évidence est un bracelet en cheveux qu'on appelle sentiment. La tresse, large de un et demi à deux centimètres, est composée de différentes parties séparées par autant de plaques ciselées ou émaillées (Le Moniteur de la mode, 20 juin 1843, p. 59 ds Quem. DDL t. 16).
Prononc. et Orth.: [sɑ ̃timɑ ̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Fin xiies. sentement « faculté de recevoir des impressions physiques, sensation » (Sermons St Bernard, 77, 10 ds T.-L.); fin xiiies. perdre le sentement (des membres) (Miracles St Louis, éd. P. B. Fay, II, 51); 1314 sentiment (Chirurgie Henri de Mondeville, éd. A. Bos, 77, p. 30); 2. 1452 « odeur » (A. Gréban, Mystère de la passion, éd. O. Jodogne, 7909); 1540-50 « sens » (La Grise, trad. Guevara, I, 37 ds Hug.); 1542-43 « odorat » (pour les êtres humains) (Changy, trad. Office, chap. 14, ibid.); 1559 « id. » (pour les animaux) (Marguerite de Navarre, L'Heptameron, éd. R. François, LXVIIenouv., p. 393); 1572 « le goût » (Amyot, Bannissement et exil, 3 ds Hug.). B. 1. Fin xiies. « connaissance, fait de savoir quelque chose » (Sermons St Gregoire sur Ezechiel, 81, 9 ds T.-L.); 2. fin xives. « intelligence, sagacité » (Froissart, « Dits » et « Débats », Le dit dou bleu chevalier, éd. A. Fourrier, p. 165); 3. 1381 « opinion » (Eustache Deschamps, Le Lay perilleux, éd. Queux de St Hilaire, t. 2, p. 344); 4. fin xives. « science » (Id., Balades, éd. G. Raynaud, t. 7, p. 23); 5. ca 1390 boin sentement « bon sens » (Chansons inédites tirées d'un manuscrit des livres du roy Modus et de la royne Ratio, éd. G. Tilander ds Neuphilol. Mitt., p. 176); 6. déb. xves. « idée » (Geste des ducs de Bourgogne, 8543 ds Gdf. Compl.); 7. 1616-20 juger au sentiment « fait de connaître, sentir intuitivement » (D'Aubigné, Hist. universelle, IX, 16 ds Hug.). C. 1. 1279 « émotion, tout phénomène de la vie affective » (Laurent du Bois, Somme le roi, B. N. 22932, f o58c ds Gdf. Compl.); fin xiiies. ceste cancon de sentement « d'amour » (Jakemes, Le Roman du castelain de Couci et de la dame de Fayel, éd. M. Delbouille, 3856); 2. 1376 « ressentiment » (Les Livres du roy Modus et de la royne Ratio, éd. G. Tilander, t. 2, 257, 60); 3. 1643 « bon vouloir, dévouement » (Corneille, Pompée, V, 1508); 4. 1693 « intérêt pour quelqu'un ou quelque chose » (Mmede Sévigné, Lettres, 3 juin, éd. M. Monmerqué, t. 10, p. 111); 5. av. 1714 « qualité d'un artiste qui exprime dans toutes les nuances les mouvements de l'affectivité, de la sensibilité » (Fénelon, Jugement sur un poète de son temps ds Œuvres, t. 21, p. 24); 6. 1741 le sentiment (absolu) « partie affective de l'homme » (Marivaux, Marianne, éd. J. Janin, 9epart., 405); 7. 1776-77 le sentiment du beau (Diderot, Pensées détachées sur la peinture, p. 752); 8. 1798 les grands sentiments (ici iron.) (J.-J. Rousseau, Confessions, IV ds Littré). D. 1799 « bracelet de cheveux tressés » (Porte-feuille fr. pour l'an VIII, p. 143 ds Quem. DDL t. 30). Réfection de l'a. fr. sentement, qui a survécu jusqu'au xvies.; dér. de sentir*; suff. -(e)ment1*. Fréq. abs. littér.: 24 546. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 48 273, b) 22 013; xxes.: a) 28 074, b) 34 519. Bbg. Europäische Schlüsselwörter. II. 1. München, 1964, pp. 167-172. − Gohin 1903, p. 300, 339. − Lerch (E.). Passion und « Gefühl ». Archivum Romanicum. 1938, t. 22, p. 321, 349. − Sckomm. 1933, pp. 36-39, 120-124.

Wiktionnaire

Nom commun - français

sentiment \sɑ̃.ti.mɑ̃\ masculin

  1. (Vieilli) Action ou faculté de sentir, de recevoir des impressions.
    • Perdre le sentiment.
    • Il semble qu’il soit mort, il n’a plus de mouvement ni de sentiment.
  2. Faculté que nous avons de connaître, de comprendre, d’apprécier, de sentir directement certaines choses sans le secours du raisonnement, de l’observation ou de l’expérience.
    • […], tout ce désordre fantastique et grimaçant au milieu des ténèbres et de l'humidité froide qui tombe comme un suaire, laisse dans le cœur et dans les nerfs un long sentiment d'horreur. — (Hippolyte Taine, Voyage en Italie, vol.2, 1866)
    • Nous aurions pu discuter à l'infini sans tomber d'accord sur la nécessité qu'évoquait l'inspecteur. C'était, en effet, plus au sentiment qu'à la raison qu'il appartenait, somme toute, de nous départager. — (Francis Carco, Messieurs les vrais de vrai, Les Éditions de France, Paris, 1927)
    • J'ignorais […] quelles abominations pouvaient s'y perpétrer et jusqu'où se dégradaient les sentiments les plus sacrés.— (Jean Rogissart, Hurtebise aux griottes, L’Amitié par le livre, Blainville-sur-Mer, 1954)
    • J'étais alors d'une candeur stupéfiante et d'une délicatesse de sentiment si raffinée que, pour recevoir galamment une « femme mariée » qui me venait voir, j'avais allumé toutes les bougies de mes deux candélabres. — (Francis Carco, Maman Petitdoigt, La Revue de Paris, 1920)
  3. Quelqu’une des affections, des passions, des émotions ; et généralement de tout phénomène de la vie affective.
    • Mais la raison est toujours mesquine auprès du sentiment ; l'une est naturellement bornée, comme tout ce qui est positif, et l'autre est infini. — (Honoré de Balzac, La Femme de trente ans, Paris, 1832)
    • La jalousie est un sentiment qui semble être surtout propre aux êtres passifs ; les chefs ont des sentiments actifs, et la jalousie se transforme chez eux en une soif d'arriver, coûte que coûte, aux positions les plus enviées, […]. — (Georges Sorel, Réflexions sur la violence, Chap.V, La grève générale politique, 1908, p.228)
    • La musique exprime les sentiments, mais elle serait bien empêchée de les définir, et, sans le commentaire des paroles, absent de la musique instrumentale, l’auditeur reste toujours dans un certain vague quant à la nature et à l'objet du sentiment dont s'est inspiré le musicien. — (Pierre Lasserre, Philosophie de Goût musical, Les Cahiers verts n° 11, Grasset, 1922, p.50)
    • […]; j'éprouvai pour cet officier une sympathique confiance qui s'accentua, dans la suite de nos rapports. La fréquentation des Danois a toujours provoqué chez moi des sentiments de même nature ; […]. — (Jean-Baptiste Charcot, Dans la mer du Groenland, 1928)
    • Toutefois, si un magnanime sentiment de fraternité s'imposait sincèrement et définitivement, sans arrière pensée, à tous les esprits européens, alors nous n'aurions pas à nous inquiéter du cosmopolitisme marseillais, intéressant embryon de la civilisation future. — (Ludovic Naudeau, La France se regarde : le Problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)
    • La grande forêt des Ardennes est une des plus chargée de mystères. […]. L'hiver, lorsque la neige a cessé de tomber depuis quelques jours, lorsque l’armée des sapins noirs immobiles se détache sur le sol blanc, le voyageur solitaire doit se défendre contre un sentiment de crainte, presque d'angoisse. — (Georges Blond, L'Agonie de l'Allemagne 1944-1945, Fayard, 1952, p.130)
    • être capable de sentiment, se piquer de sentiment, Avoir l’âme sensible, délicate, se piquer de sensibilité, de délicatesse d’âme.
    • Sentiments naturels, mouvements qui sont inspirés par la nature.
    • La tendresse des pères envers leurs enfants et celle des enfants envers leurs pères sont des sentiments naturels.
  4. Disposition à être facilement ému, touché ou attendri.
    • Feindre, jouer le sentiment.
    • Il agit trop par sentiment et trop peu par raison.
  5. Opinion qu’on a de quelque chose ; ce qu’on en pense ; ce qu’on en pressent.
    • Jusqu’ici, il s’était promené avec son fusil sous le bras, plein d’un sentiment d’altière sécurité, […]. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 356 de l’édition de 1921)
    • Pavlov ne s'est pas borné à abdiquer simplement la psychologie en tant que science. Il voyait naître en lui le sentiment d'hostilité irréconciliable envers cette « alliée de la physiologie » qui n'a pas fait ses preuves. — (E. Asratian, I. Pavlov : sa vie et son œuvre, page 78, Éditions en langues étrangères, Moscou, 1953)
    • Elle faisait face à l'étagère où étaient regroupés mes vinyles. J'ai eu le sentiment qu'elle était en train de juger ma discothèque et qu'à travers elle, elle me jugeait moi. — (Olivier Martinelli, Une Légende, E-fractions éditions, 2014, chap.5)
  6. (Chasse) Traces et odeurs laissées par un gibier.
    • […] ses ruses et ses détours sont inutiles ; il n'a d'autre ressource que de fuir la terre qui le trahit, et de se jeter à l'eau pour dérober son sentiment aux chiens. — (Georges-Louis Leclerc de Buffon, Histoire naturelle des animaux, « Le Cerf », in Œuvres, Bibliothèque de la Pléiade, 2007, page 712.)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

SENTIMENT. n. m.
Action, faculté de sentir, de recevoir des impressions. Perdre le sentiment. Il semble qu'il soit mort, il n'a plus de mouvement ni de sentiment. Il désigne encore la Faculté que nous avons de connaître, de comprendre, d'apprécier, de sentir directement certaines choses sans le secours du raisonnement, de l'observation ou de l'expérience. Avoir le sentiment du juste, de l'injuste. Il n'a pas le sentiment du beau. il a le sentiment de la musique, le sentiment des arts. Avoir le sentiment des convenances. il a le sentiment de sa force, de sa faiblesse. En matière de goût, Juger par sentiment, Juger d'un ouvrage de l'esprit ou d'un ouvrage de l'art par l'impression qu'on en reçoit.

SENTIMENT se dit en outre des Affections, des passions, des émotions et généralement de tout phénomène de la vie affective. Le plaisir et la douleur sont des sentiments. Sentiment d'amour, de tendresse. Sentiment de haine, d'aversion, de colère, de vengeance. Sentiment de pitié. Sentiment de reconnaissance, d'estime, de respect. Sentiment de repentir. Sentiment noble, élevé, généreux, bas, lâche, vil. C'est un homme qui a des sentiments honnêtes, des sentiments vertueux, qui n'a que de bons sentiments. Être capable de sentiment, se piquer de sentiment, Avoir l'âme sensible, délicate, se piquer de sensibilité, de délicatesse d'âme. Sentiments naturels, Mouvements qui sont inspirés par la nature. La tendresse des pères envers leurs enfants et celle des enfants envers leurs pères sont des sentiments naturels.

SENTIMENT se dit absolument de la Disposition à être facilement ému, touché, attendri. Feindre, jouer le sentiment. Il agit trop par sentiment et trop peu par raison. Il désigne aussi l'Opinion qu'on a de quelque chose, ce qu'on en pense, ce qu'on en pressent. Je ne suis pas de son sentiment. Je partage, j'adopte votre sentiment. J'entre dans votre sentiment. Je suivrai toujours vos sentiments. Selon mon sentiment. Je voudrais bien savoir quel est son sentiment là-dessus. Parler contre son sentiment. Tel est mon sentiment. J'ai le sentiment que cela tournera mal.

Littré (1872-1877)

SENTIMENT (san-ti-man) s. m.
  • 1En général, faculté de sentir. Avoir le sentiment exquis, prompt, délicat. Il perd le sentiment, Racine, Andr. V, 5. En baignant son visage, Mes pleurs du sentiment lui rendirent l'usage, Racine, Athal. I, 2. Nous ne connaissons point de caractère qui distingue essentiellement la plante de l'animal, et nous ignorons profondément quel est le degré de l'échelle organique où le sentiment expire, Bonnet, Lett. div. Œuv. t. XII, p. 412, dans POUGENS.

    Terme de chasse. Se dit de l'odorat des chiens. Quand un chien ne peut suivre le gibier, on dit qu'il n'a point de sentiment. Au printemps, lorsque les feuilles naissantes commencent à parer les forêts, que la terre se couvre d'herbes nouvelles et s'émaille de fleurs, leur parfum rend moins sûr le sentiment des chiens, Buffon, Quadrup. t. II, p. 24.

  • 2Résultat de l'action de sentir. Sentiment douloureux. Sentiment agréable. Le mot de sentiment, pris dans le sens métaphysique, n'exprime que les résultats de l'impression des objets sur la machine et de la machine sur l'âme, en vertu des lois de l'union, Bonnet, Ess. anal. âme, 17.
  • 3 Particulièrement. Sensibilité physique. Il n'y a plus de sentiment dans son bras.

    Il se dit aussi de sensations internes, de modifications perceptibles de nos organes intérieurs. Le sentiment de la faim, de la douleur, de la fatigue.

  • 4 Fig. Intérêt pour quelqu'un ou quelque chose. Un homme [Boucard] de cette lenteur et de cette indifférence pour mes intérêts …je m'en vais tâcher de lui redonner quelque sentiment sur toutes ces choses, Sévigné, à Mme de Guitaut, 3 juin 1693.
  • 5Conscience que l'on a de la réalité d'une chose. J'ai un sentiment clair de ma liberté, Bossuet, Lib. arb. 2. On ne connaît son âme que par le sentiment intérieur qu'on en a, Malebranche, Rech. vér. VI, II, 6. Je distingue entre connaître par idée claire, et connaître par sentiment intérieur, Malebranche, Rech. vér. Rép. à Regis, ch. 2.
  • 6Faculté de comprendre, d'apprécier certaines choses. Il n'a pas le sentiment de la musique, des beaux-arts. Sentiment musical. À mesure que le souvenir de nos chutes s'éloigne, le sentiment de notre fragilité s'affaiblit, Massillon, Carême, Mélange. Uniquement conduits par le sentiment présent du bien et du mal, Montesquieu, Rom. V. Au sentiment de sa faiblesse l'homme joindrait le sentiment de ses besoins, Montesquieu, Esp. I, 1. Ému de compassion sur les faiblesses humaines par le profond sentiment des siennes, Rousseau, Ém. IV. Ce sentiment des convenances si juste, si délicat, si fin, qui semblait être en elle le pur instinct du goût, Marmontel, Mém. 1. Le sentiment du beau physique, soit en architecture, soit en harmonie, dépend essentiellement du rapport des objets avec nos organes, Marmontel, Œuv. t. VI, p. 240.

    Choses de sentiment, choses qui appartiennent à l'appréciation du sentiment, non à celle de la raison. Ceux qui sont accoutumés à raisonner par principes, ne comprennent rien aux choses de sentiment, y cherchant des principes, et ne pouvant voir d'une vue, Pascal, Pens. VII, 33, édit. HAVET.

    Juger par sentiment, juger par l'impression qu'on reçoit. Ceux qui sont accoutumés à juger par le sentiment ne comprennent rien aux choses de raisonnement ; car ils veulent d'abord pénétrer d'une vue, et ne sont point accoutumés à chercher les principes, Pascal, ib. Ils examinaient le Cid par l'exacte raison, et ils ne voyaient pas qu'au spectacle on juge par sentiment, Voltaire, Comm. Corn. Poly. Ép. dédic.

  • 7Il se dit des affections, des mouvements de l'âme, des passions. Ah ! mon père, prenez un plus doux sentiment, Corneille, Hor. IV, 1. Ceux à qui Dieu a donné la religion par sentiment du cœur sont bien heureux et bien légitimement persuadés, Pascal, Pens. VIII, 6. La raison agit avec lenteur… le sentiment n'agit pas ainsi, il agit en un instant, et toujours est prêt à agir, Pascal, ib. XXIV, 52. Madame confesse humblement avec tous les sentiments d'une profonde douleur que de ce jour seulement elle commence à connaître Dieu…, Bossuet, Duch d'Orl. Comme Dieu ne voulait plus exposer aux illusions du monde les sentiments d'une piété si sincère, il a fait ce que dit le Sage, il s'est hâté, Bossuet, ib. Il n'y a rien de suivi dans les conseils de ces nations sauvages et mal cultivées ; si la nature y commence souvent de beaux sentiments, elle ne les achève jamais, Bossuet, Hist. III, 3. Bientôt l'amour, fertile en tendres sentiments, S'empara du théâtre ainsi que des romans, Boileau, Art p. III. Et vous-même, étouffant tout sentiment humain…, Racine, Iph. IV, 6. Je n'ai plus de sentiment que pour la tristesse, Fénelon, Tél. XX. Quand ils virent qu'Idoménée prenait des sentiments d'humanité et qu'il voulait être leur père, Fénelon, ib. XII. Je vous conjure surtout de donner aux sentiments cette juste étendue, nécessaire pour les faire entrer dans l'âme du lecteur, Voltaire, Lett. Chabanon, 5 mai 1768. Sentiment n'est pas simple préjugé ; c'est quelque chose de bien plus fort : une mère n'aime pas son fils parce qu'on lui dit qu'il le faut aimer ; elle le chérit heureusement malgré elle, Voltaire, Dict. phil. Préjugés. Qui n'ont que des opinions et jamais des sentiments, Duclos, Consid. mœurs, 5. On cherche dans le ciel les mêmes sentiments qui ont occupé sur la terre, Staël, Corinne, XVIII, 5.
  • 8Particulièrement, les affections bonnes, bienveillantes, tendres. Les sentiments du cœur me paraissent seuls dignes de considération ; c'est en leur faveur que l'on pardonne tout ; c'est un fonds qui nous console, et qui nous paye de tout, Sévigné, 289.

    Absolument. Avoir des sentiments, avoir de l'honneur, de la probité, etc. L'éducation fortifie les sentiments.

    Sentiments naturels, certains mouvements qui sont inspirés par la nature.

    On dit dans le même sens : Cet homme a perdu tous les sentiments de la nature.

    Familièrement. Grands sentiments, sentiments exagérés de probité, d'honneur, etc. Il me fallait des romans à grands sentiments, Rousseau, Conf. IV.

  • 9 Absolument. Le sentiment, l'ensemble des affections tendres qui sont dans le cœur de l'homme. C'était [une dame] l'âme la plus sensible et l'esprit le plus réglé qui fût jamais ; tout était sentiment en elle, jusqu'à ses pensées, mais sentiment dans un accord parfait avec les lumières les plus pures, Staal, Mém. t. III, p. 135. Vous savez bien qu'on a du sentiment avant d'avoir de l'esprit, Marivaux, Marian. 9e part. Il ne nous reste plus pour achever l'homme que de faire un être aimant et sensible, c'est-à-dire de perfectionner la raison par le sentiment, Rousseau, Ém. III. Des hommes plus faits pour juger Despréaux ont mieux rencontré ce talon d'Achille dans la partie du sentiment dont il paraît avoir été privé ; c'était, qu'on nous permette cette expression, une espèce de sens qui manquait à cet illustre écrivain, D'Alembert, Éloges, Despréaux. Voulez-vous vous assurer d'avoir parlé le langage du sentiment, considérez si votre discours rend les accessoires qu'on devrait lire sur votre visage, dans vos yeux et dans tous vos mouvements, Condillac, Art d'écr. II, 12. N'y a-t-il pas dans le cœur de l'homme une pitié divine pour les erreurs que le sentiment ou du moins l'illusion du sentiment aurait fait commettre ? Staël, Corinne, V, 1.

    Être capable de sentiment, se piquer de sentiment, avoir l'âme sensible, délicate, se piquer de sensibilité, de délicatesse d'âme.

  • 10Spécialement. La passion de l'amour. Témoignes-tu pour moi les moindres sentiments ? Corneille, Poly. IV, 3. Son sentiment était si profond, que rien au monde ne pouvait la distraire des objets qui servaient à le nourrir, La Fayette, Princ. de Clèves. J'apprends que les Anglais se sont élevés contre quelques-uns de nos poëtes, qui, à propos et hors de propos, ont voulu faire les héros galants, et leur font pousser à toute outrance les sentiments tendres, Bossuet, Comédie, 15. Le danger, le malheur ajoute au sentiment, Voltaire, Orphel. II, 7. Je suis à peine en mon printemps, Et j'ai déjà des sentiments. - Vous êtes un petit fripon, Voltaire, Poés. mêl. 172. Tendres amis, époux fidèles, sans brûler de ce feu dévorant qui consume l'âme, vous vous aimez d'un sentiment pur et doux qui la nourrit, que la sagesse autorise, que la raison dirige, Rousseau, Hél. III, 18.

    Par plaisanterie. Pousser les beaux sentiments, affecter de dire des choses recherchées et passionnées en matière de galanterie. Héroïnes du temps, mesdames les savantes, Pousseuses de tendresse et de beaux sentiments, Molière, Éc. des femmes, I, 5.

  • 11Disposition à être facilement touché, attendri. Le théâtre met à profit le sentiment. Feindre, jouer le sentiment.

    Mouvement affectueux. Le roi y envoya [chez Luxembourg mourant] quelquefois, par honneur plus que par sentiment, Saint-Simon, 26, 43.

  • 12Dans la littérature, la peinture, la sculpture, expression vive, animée, douce. Ce tableau est plein de sentiment. Un morceau rempli de sentiment. Dans les vers de Virgile, tout pense, tout a du sentiment, tout vous en donne, Fénelon, t. XXI, p. 207. Il faut s'interdire ce ton didactique ; on doit le plus qu'on peut mettre les maximes en sentiment, Voltaire, Comm. Corn. Rem. Pompée, I, 1. Il y a de la naïveté [dans cette romance]… du sentiment même, Beaumarchais, M. de Figaro, II, 4.

    Trait de sentiment, vers de sentiment, trait, vers qui exprime un mouvement du cœur. Combien d'excellents vers on peut citer où il n'y pas l'ombre d'images ! combien même y en a-t-il, comme les vers de sentiment, que toute espèce d'image affaiblirait, qui n'ont que l'expression la plus simple et qui n'en valent que mieux ! D'Alembert, Œuvr. t. IV, p. 164.

  • 13Manière de percevoir les impressions morales. Comme on se gâte l'esprit, on se gâte aussi le sentiment ; on se forme l'esprit et le sentiment par les conversations ; on se gâte l'esprit et le sentiment par les conversations, Pascal, Pens. VII, 16. Tout notre raisonnement se réduit à céder au sentiment ; mais la fantaisie est semblable et contraire au sentiment, de sorte qu'on ne peut distinguer entre ces contraires ; l'un dit que mon sentiment est fantaisie, l'autre que sa fantaisie est sentiment, Pascal, ib. VII, 4. Elles [les lettres de Balzac et de Voiture] sont vides de sentiments qui n'ont régné que depuis leur temps, et qui doivent aux femmes leur naissance, La Bruyère, I.
  • 14Avis, opinion qu'on a sur quelque chose, jugement qu'on en porte… Le mien [intérêt] ne m'est pas si cher que je ne l'oublie volontiers en cette occasion, et ne sorte de mes sentiments pour entrer dans le dessein de la Providence, Guez de Balzac, lett. II, liv. VI. Cet avis, qui tombait dans le sentiment de tous les autres académiciens, fut généralement suivi, Pellisson, Hist. acad. I. Parlez-moi franchement, je serai fort aise de savoir votre sentiment là-dessus, Hauteroche, Crisp. méd. II, 9. Et je crois, à parler à sentiments ouverts, Que nous ne nous en devons guère, Molière, Amph. Prolog. Heurter de front ses sentiments, c'est le moyen de tout gâter, Molière, l'Av. I, 8. Je veux que l'on soit homme, et qu'en toute rencontre Le fond de notre cœur dans nos discours se montre, Que ce soit lui qui parle, et que nos sentiments Ne se masquent jamais sous de vains compliments, Molière, Mis. I, 1. Tout cela… Madame, fut blâmé d'un commun sentiment, Molière, ib. III, 5. Il était lui-même dans ce sentiment, Pascal, Prov. I. Je vous pardonne d'avoir cru qu'Aristote ait été de ce sentiment, Pascal, ib. IV. Elle [Mme de Grignan] a le même sentiment que nous des jolis vers que nous lui avons montrés, Sévigné, à Bussy, 4 mai 1686. L'Angleterre trop libre dans sa croyance, trop licencieuse dans ses sentiments, Bossuet, Reine d'Anglet. Pour entrer dans les sentiments de ces sages historiens, Bossuet, Hist. III, 6. Ne soyons pas de ceux qui pensent diminuer la gloire de Dieu et de Jésus-Christ, quand ils prennent de hauts sentiments de la sainte Vierge et des saints, Bossuet, Sermon. Dévotion à la Ste Vierge, 2. Quoiqu'il ait eu sur la pénitence des sentiments outrés, Bourdaloue, Avent, Sur la pénit. 201. Voilà l'homme en effet : il va du blanc au noir, Il condamne au matin ses sentiments du soir, Boileau, Sat. VIII. Le courtisan n'eut plus de sentiments à soi, Boileau, Épît. IX. Avec mes volontés ton sentiment conspire, Racine, Esth. II, 5. Puis-je, laissant la feinte et les déguisements, Vous découvrir ici mes secrets sentiments ? Racine, Mithr. I, 3. Le sentiment de ceux qui croient les comètes des corps éternels, aussi bien que les planètes, Fontenelle, Guglielmini. Souvenez-vous toujours que je n'enseigne point mon sentiment, je l'expose, Rousseau, Ém. IV.

    Au sentiment de, selon l'opinion de. J'ai un certain valet, nommé Mascarille, qui passe, au sentiment de beaucoup de gens, pour une manière de bel esprit, Molière, Préc. I.

    PROVERBE

    Autant de têtes, autant de sentiments, sur une chose il y a autant d'avis qu'il y a de personnes.

HISTORIQUE

XIIe s. Et ke li amors de la devantriene [intérieure] compassion sormontat en luy lo sentement del corporiien torment, Saint Bernard, p. 143.

XIIIe s. Là je choisi [vis] un papegaut [perroquet], Qui prioit amoreusement Et dousement De sentement Une mauvis par douz assaut, Lay d'amours, Jubinal, t. II, p. 190.

XIVe s. Il [le nerf] a la nativité du cervel ou de la nuche, portant le sentiment et le mouvement d'iceus à chacun membre, H. de Mondeville, f° 9. Bauduins de Sebourc chante joïeusement Une chanson d'amours, faite par sentement, Que Blance li avoit apris noviellement, Baud. de Seb. VI, 393.

XVe s. Et là [Philippe d'Artevelle aux Gantois] de grand sentement parla, Froissart, II, II, 155. Prince, selon mon sentement, Il faut s'acquiter loyaument, Orléans, Ball. 144. Si print à faire balades, rondeaux, virelais, lais et complainctes d'amoureux sentiment, Bouciq. I, 8. Le roy, qui avoit en grant joye ces nouvelles… combien que desja paravant en povoit bien avoir eu quelque sentement, mais non pas si ample, Commines, IV, 6.

XVIe s. Si je vous disois que… le sentement que vous avez du contraire me dementiroit, Marguerite de Navarre, Lett. XXXIII. Elle l'enterra le plus profond en terre qu'il lui fut possible ; si est-ce que les bestes en eurent incontinent le sentiment, qui vinrent manger la charogne, Marguerite de Navarre, Nouv. LVII. Le sentiment [connaissance] de ce qui est, Montaigne, I, 12. Sans respiration et sans sentiment, Montaigne, I, 93. Ces discours [sur l'amitié] me semblent lasches au prix du sentiment que j'en ay, Montaigne, I, 218. La sagesse doibt alleger le sentiment des maulx, Montaigne, I, 228. Le peuple, qui reçoit oppression des soldats, ne les excusera pas tant, pour ce qu'ils le defendent, comme il les maudira pour ce qu'ils le devorent, ensevelissant le souvenir du bien dans le sentiment des maux, Lanoue, 190. Il avoit fait cette escapade contre le sentiment de ses amis, D'Aubigné, Vie, LVI. Il avoit deux filz et une fille, qui n'avoient pas grand sentiment ny gueres de cognoissance de leur calamité, pour le bas aage auquel ilz estoient, Amyot, P. Aem. 56. L'ouye est celui de tous les sentimens, qui plus promptement et plus vivement emeut l'ame et les passions d'icelle, Amyot, Crassus, 44. Au corps sont les sentementz interieurz, que sont entiereté, parité, vigueur, puissance, santé, fermeté de corps et le playsir epanché par tout ledit corps, Bonivard, Amartigenée, p. 150.

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Étymologie de « sentiment »

De l’ancien français sentement.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Sentir, et le suffixe ment (voy. …, MENT, n° 2) ; provenç. sentiment ; espagn. sentimiento ; ital. sentimento.

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Phonétique du mot « sentiment »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
sentiment sɑ̃timɑ̃

Fréquence d'apparition du mot « sentiment » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « sentiment »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « sentiment »

  • En amour, il est plus facile de renoncer à un sentiment que de perdre une habitude.
    Marcel Proust — À la recherche du temps perdu, la Prisonnière , Gallimard
  • Si c'est la raison qui fait l'homme, c'est le sentiment qui le conduit.
    Jean-Jacques Rousseau — Julie ou la Nouvelle Héloïse
  • Dès qu'on s'écarte de deux et deux font quatre, les raisons ne sont que la façade des sentiments.
    Marcel Aymé — Uranus, Gallimard
  • La voix du sentiment ne peut nous égarer, Et l'on n'est point coupable en suivant la nature.
    Évariste Désiré de Forges, chevalier puis vicomte de Parny — Élégies
  • La stérilité de sentiment nourrit la paresse.
    Vauvenargues — Réflexions et maximes
  • Si le symbole meurt, le sentiment reste.
    Sahar Khalifa — L'Impasse de Bab Essaha
  • La sentimentalité est du sentiment à bon marché.
    Arthur Schnitzler
  • L'amour est un sentiment servi par les organes.
    Comte de Belvèze
  • Le style est un sentiment du monde.
    André Malraux — Les Voix du silence
  • Les sentiments nobles poussés à l'absolu produisent des résultats semblables à ceux des plus grands vices.
    Honoré de Balzac — La Cousine Bette
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Traductions du mot « sentiment »

Langue Traduction
Anglais feeling
Espagnol sensación
Italien sensazione
Allemand gefühl
Chinois 感觉
Arabe شعور
Portugais sentindo-me
Russe чувство
Japonais 感じ
Basque sentimendu
Corse sintimentu
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Synonymes de « sentiment »

Source : synonymes de sentiment sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « sentiment »

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Nombre de points du mot sentiment au scrabble : 11 points

Sentiment

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