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Conscience

Variantes Singulier Pluriel
Féminin conscience consciences

Définitions de « conscience »

Trésor de la Langue Française informatisé

CONSCIENCE, subst. fém.

[Chez l'homme, à la différence des autres êtres animés] Organisation de son psychisme qui, en lui permettant d'avoir connaissance de ses états, de ses actes et de leur valeur morale, lui permet de se sentir exister, d'être présent à lui-même; p. méton., connaissance qu'a l'homme de ses états, de ses actes et de leur valeur morale :
1. La conscience puise ses aliments dans l'immense milieu qu'elle résume en soi; mais elle ne le résume et ne le contient qu'en le dépassant, qu'en formant une synthèse originale, qu'en devenant l'acte de toutes ces conditions et de ces puissances subalternes. M. Blondel, L'Action,1893, p. 103.
2. ... il est impossible d'assigner à une conscience une autre motivation qu'elle-même. Sinon il faudrait concevoir que la conscience, dans la mesure où elle est un effet, est non consciente (de) soi. Il faudrait que, par quelque côté, elle fût sans être conscience (d') être. Nous tomberions dans cette illusion trop fréquente qui fait de la conscience un demi-inconscient ou une passivité. Mais la conscience est conscience de part en part. Elle ne saurait donc être limitée que par elle-même. Sartre, L'Être et le Néant,1943, p. 22.
3. ... l'unité de la conscience se construit ainsi de proche en proche par une « synthèse de transition ». Le miracle de la conscience est de faire apparaître par l'attention des phénomènes qui rétablissent l'unité de l'objet dans une dimension nouvelle au moment où ils la brisent. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception,1945, p. 39.
[La conscience chez l'homme, p. oppos. aux végétaux et aux animaux] :
4. Radicale aussi, (...) est la différence entre la conscience de l'animal, (...) et la conscience humaine. Car la conscience correspond exactement à la puissance de choix dont l'être vivant dispose; elle est coextensive à la frange d'action possible qui entoure l'action réelle : conscience est synonyme d'invention et de liberté. Or, chez l'animal, l'invention n'est jamais qu'une variation sur le thème de la routine. Bergson, L'Évolution créatrice,1907, p. 264.
[La conscience en tant qu'elle est prêtée à l'univers dans les visions poétiques, animistes] Dans toute la Nature, il [l'artiste] soupçonne une grande conscience semblable à la sienne (A. Rodin, L'Art,1911, pp. 218-219):
5. Sache que tout connaît sa loi, son but, sa route; Que, de l'astre au ciron, l'immensité s'écoute; Que tout a conscience en la création... Hugo, Les Contemplations,t. 3, La Bouche d'ombre, 1856, p. 435.
P. méton. L'être humain même, en tant qu'il est doué de conscience. On ne peut pas réaliser que les autres gens sont des consciences qui se sentent du dedans comme on se sent soi-même, dit Françoise (S. de Beauvoir, L'Invitée,1943, p. 14).
I.− [La conscience en tant qu'elle permet de connaître]
A.− [La conscience du point de vue de son fonctionnement, de ses différents niveaux; la connaissance qu'elle donne du point de vue de sa qualité, de ses différents degrés de clarté]
1. PHILOSOPHIE
Courant, flux de (la) conscience [W. James, Bergson] ,,Flux qualitatif des états intérieurs`` (Piguet 1960).
Champ de (la) conscience. Champ de l'activité cérébrale, dirigé par l'attention qui détermine son contenu et sa plus ou moins grande ouverture, auquel se limite la conscience à un instant donné (cf. H. Ey, La Conscience, Paris, P.U.F., 1963, pp. 41-42).Contenu de la conscience :
6. ... une attention trop contrainte étrique l'action en rétrécissant le champ de conscience et en pliant l'élan spirituel à la courbure égocentrique. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 462.
SYNT. Champ de conscience ouvert, rétréci, étroit; ouverture, ampleur, largeur, resserrement, rétrécissement, étroitesse du champ de conscience; occuper, envahir, quitter le champ de (la) conscience; rétrécir le champ de conscience.
P. ext. Champ de la connaissance claire. Or, pour que les sociétés puissent vivre dans les conditions d'existence qui leur sont maintenant faites, il faut que le champ de la conscience tant individuelle que sociale, s'étende et s'éclaire (Durkheim, De la Division du travail soc.,1893, p. 15).
Fait, phénomène de conscience. Modification du sujet. Acte de (la) conscience. Acte par lequel le sujet prend connaissance de cette modification :
7. Non seulement l'attention donnée aux faits de conscience les modifie et les altère, mais souvent elle les fait passer du néant à l'être; ou, pour parler plus exactement, elle amène à l'état de faits de conscience des phénomènes psychologiques qui n'auraient pas de retentissement dans la conscience sans l'attention qu'on y donne... Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances,1851, p. 547.
8. ... quand je veux m'exprimer, je fais cristalliser dans un acte de conscience un ensemble indéfini de motifs, je rentre dans l'implicite, c'est-à-dire dans l'équivoque et dans le jeu du monde. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception,1945, p. 342.
État de conscience. Ensemble des phénomènes existant simultanément dans la conscience à un instant donné et dont la succession représente l'activité cérébrale du sujet :
9. ... plus un état de conscience est complexe, plus il est personnel, plus il porte la marque des circonstances particulières dans lesquelles nous avons vécu, de notre sexe, de notre tempérament. Durkheim, De la Division du travail soc.,1893, p. 298.
SYNT. État de conscience individuel, personnel, actuel, habituel; états de conscience vécus, identiques, contraires, nouveaux; succession, multiplicité des états de conscience; analyser un état de conscience.
Rem. ,,Il est abusif d'employer l'expression état de conscience comme synonyme de fait de conscience; cette méprise est très fréquente`` (Goblot 1920).
Conscience (psychologique). Intuition par laquelle l'homme prend à tout instant une connaissance immédiate et directe, plus ou moins complète et claire, de son existence, de ses états et de ses actes :
10. Le psychologue, lui, se bornait à étudier la « conscience de soi », qu'il présentait comme un acte de pure appréhension psychologique obtenu en détachant le regard intérieur de toute liaison avec la vie du corps et les solidarités de milieu. Or la donnée la plus immédiate de la conscience psychologique n'est pas un état, fût-il subtil, fût-il unique, c'est une affirmation, saisie comme telle, par elle-même, dans son exercice d'abord, puis dans sa propre réflexion sur son activité. Mounier, Traité du caractère,1946, p. 524.
[La connaissance intervient en dehors de la distinction sujet connaissant − objet connu − acte de connaître, le fait conscient n'étant pas distingué de la connaissance, de la conscience, que le sujet en a] Conscience immédiate, conscience spontanée. Connaissance instantanée, non accompagnée d'effort, du vécu tel qu'il se présente. Synon. conscience instantanée, irréfléchie, primaire, brute...La conscience immédiate n'est rien sans l'entendement qui cherche à comprendre ce qu'elle éprouve globalement (Ricœur, Philos. de la volonté,1949, p. 202):
11. ... il y a entre la conscience immédiate et la pensée (le sujet pensant) la relation même qu'il y a entre le donné (quel qu'il soit, même purement psychique) et l'idée, c'est-à-dire le contenu intelligible non posé comme existant qui seul peut rendre raison du donné, tout en maintenant d'ailleurs le caractère contingent. Marcel, Journal métaphysique,1914, p. 22.
[La connaissance se construit par l'opposition sujet connaissant − objet connu − acte de connaître, le fait conscient est distingué de la connaissance, de la conscience que le sujet en prend] :
12. La conscience qui compare les phénomènes est un acte représentatif de la relation donnée entre eux. (...). La comparaison élémentaire appartient à l'animal. L'homme seul, en comparant, se représente la comparaison même. L'homme prend pour représentés ses actes, ses opérations comme telles. Cette conscience de la conscience est la réflexion. Renouvier, Essais de crit. gén.,3eessai, 1864, p. IX.
Conscience réfléchie. Connaissance claire indirecte, accompagnée d'effort, la conscience effectuant un retour réflexif sur elle-même pour analyser et caractériser avec exactitude le fait conscient ou l'objet de la conscience. Synon. conscience claire et médiate.Le temps, tel que se le représente la conscience réfléchie, est un milieu où nos états de conscience se succèdent distinctement de manière à pouvoir se compter (Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience,1889, p. 78).
[Conscience réfléchie en oppos. paradigmatique] Mouvement et poids sont des distinctions de la conscience réfléchie : la conscience immédiate a la sensation d'un mouvement pesant, en quelque sorte (Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience,1889, p. 49):
13. La conscience réfléchie s'arrête sur une muraille infranchissable de conscience brute, qui surplombe directement l'inconscient. Ruyer, Esquisse d'une philos. de la struct.,1930, p. 165.
Rem. Conscience primitive, conscience réfléchie, conscience subjective, conscience objective (cf. Lalande 1968).
Prise de conscience. ,,Passage à la conscience claire et distincte de ce qui, jusqu'alors, était automatique ou implicitement vécu`` (Lafon 1963-69).
Loi de prise de conscience. ,,« L'individu prend conscience d'une relation d'autant plus tard et plus difficilement que sa conduite a impliqué plus tôt, plus longtemps ou plus fréquemment l'usage automatique de cette relation ». Loi formulée par Ed. Clarapède dans les Archives de Psychologie, en 1918, t. XVII, p. 71`` (Lalande 1968).
Rem. Cf. infra I A 2 et I A 3.
[P. oppos., en partic., à l'état réflexif, à l'état de sommeil, à l'état inconscient ou à l'inconscient] Quand la présence d'un organe atteint le seuil de la conscience, cet organe commence à mal fonctionner. La douleur est un signal d'alarme (Carrel, L'Homme, cet inconnu,1935, p. 130).Mon passé, (...) s'enfonce dans une conscience crépusculaire où la mémoire sombre et s'éteint (Ricœur, Philos. de la volonté,1949, p. 416):
14. De ce corps-sujet, nous n'avons donc pas véritablement conscience, mais par lui nous avons conscience de la totalité du monde. « En un mot, la conscience du corps est latérale et rétrospective; ... J. Vuillemin, L'Être et le travail,1949, p. 32.
SYNT. Conscience obscure, confuse; conscience de veille; seuil, éveil, éclipse de la conscience; lueur, éclair de conscience; arriver à la conscience; atteindre, franchir le seuil de la conscience.
Conscience marginale [W. James] ,,(...) contenu plus ou moins confus de la conscience, en marge de la conscience claire (proche du pré-conscient et du subliminal)`` (Ancelin 1971).
Rem. Pour conscience claire, cf. supra conscience réfléchie.
Conscience hypnagogique. Conscience relative à la phase hypnagogique du sommeil.
2. PSYCHOPATHOL., PSYCHANAL. La conscience psychasthénique présente un mode très particulier que désignent les noms de folie lucide, de délire avec conscience : le malade est plus que conscient de son désordre, il l'observe, le critique, le juge et le repousse (Mounier, Traité du caractère,1946, p. 272):
15. Le sens profond de la cure psychanalytique n'est pas une explication de la conscience par l'inconscient, mais un triomphe de la conscience sur ses propres interdits par le détour d'une autre conscience déchiffreuse. L'analyste est l'accoucheur de la liberté, en aidant le malade à former la pensée qui convient à son mal; il dénoue sa conscience et lui rend sa fluidité... Ricœur, Philos. de la volonté,1949, p. 376.
Conscience morbide. ,,(...) structure générale de la personnalité du psychopathe telle qu'elle lui apparaît à lui-même (...)`` (Porot 1960).
Prise de conscience. Accès à la conscience claire, par une cure psychanalytique, d'un conflit jusque-là refoulé dans l'inconscient et faisant problème.
3. Cour. [Emplois correspondant à certains des emplois philosophiques exposés supra; le plus souvent avec un adj. indiquant la qualité de la connaissance et suivi d'un compl. déterminatif]
a) [Correspond à la notion philosophique de conscience immédiate, spontanée] Conscience de qqc.Connaissance immédiate, intuitive, synthétique et assez floue de quelque chose.
Locutions
Avoir (la) conscience (vague, obscure...) de qqc. Avoir l'intuition, l'impression, le sentiment de quelque chose; avoir connaissance, se rendre compte de quelque chose de façon très globale. Avoir conscience de + inf. passé; avoir conscience que[Souvent dans des constr. négatives] . Ne pas avoir conscience de qqc.; n'avoir aucune conscience de qqc. Ne plus avoir conscience de + inf. passé. ,,Je n'ai pas eu conscience qu'il pleuvait. J'ai eu conscience d'être suivi. J'ai une vague conscience que ce rouge est plus vif, que ce raisonnement ne conclut pas`` (Foulq.-St-Jean 1962, Foulq. 1971).Nul de nous n'a conscience de sa propre nature, sans quoi (...) les mystères de l'âme nous seraient parfaitement connus (Cousin, Hist. de la philos. du XVIIIes.,1829, p. 197).À certains instants, la vérité est si forte que je n'ai plus conscience d'avoir été dans l'erreur (J. Bousquet, Traduit du silence,1935-36, p. 171).Une amorce de sieste dont il avait l'agréable et vague conscience (A. Arnoux, Roi d'un jour,1956, p. 288).
Rem. Ne pas avoir conscience que : ,,On emploie le subjonctif dans les phrases subordonnées à ce verbe. Elle n'avait plus conscience que Marius fût là (V. Hugo). La construction affirmative demande l'indicatif. J'ai conscience que vous avez raison`` (G. O. D'Harvé [36, p. 209] ds Dupré 1972).
Perdre conscience de qqc. Perdre la notion de quelque chose, ne plus en avoir la connaissance minimale qui permettrait en particulier d'ajuster son comportement. Perdre (toute) conscience de ses actes; perdre (la) conscience du réel, du temps, des lieux; perdre conscience de tout. Dans le même sens ne plus avoir conscience de qqc. C'était un étonnement pour ses camarades, que de le voir, au milieu de graves préoccupations, perdre conscience des bienséances et de sa dignité (Arland, L'Ordre,1929, p. 21).
b) [Correspond à la notion philosophique de conscience réfléchie, claire et médiate] Connaissance claire, acquise par l'analyse et la réflexion, de l'expérience vécue. Cette immense déperdition des forces humaines, qui a lieu par l'absence de direction et faute d'une conscience claire du but à atteindre (Renan, L'Avenir de la science,1890, p. 122).Dans la pleine conscience de la responsabilité que j'assume, (...) j'ai cru bien faire en vous parlant ainsi (Bernanos, Sous le soleil de Satan,1926, p. 134).
Locutions
Avoir (la) conscience claire, intense... de qqc. Avoir une connaissance claire, le sentiment net de quelque chose; sentir avec intensité la réalité de quelque chose. Avoir la conscience distincte de qqc.; avoir (la) conscience que; donner (une) conscience (nette) de qqc.; avoir une haute conscience de sa valeur. J'aime à le voir ainsi, ayant la confiance de sa force et la conscience de son mérite (A. Dumas Père, Richard Darlington,1832, I, 1, p. 28).Il est indispensable (...) que vous preniez pleinement conscience de l'étendue de votre faiblesse (M. Butor, La Modification,1957, p. 113):
16. ... ils ne lui offraient pas de conseils et elle n'en demandait pas. Elle avait conscience qu'il n'appartenait qu'à elle de faire son choix et d'arrêter sa vie,... Hémon, Maria Chapdelaine,1916, p. 194.
Prendre conscience de qqc. Acquérir la connaissance claire de quelque chose; apercevoir quelque chose avec suffisamment de netteté pour en tenir compte le cas échéant. Prendre claire et précise conscience de qqc., prendre une conscience intense de qqc., prendre pleine/pleinement conscience de qqc.; donner (une) conscience (nette) de qqc. Pour moi, étranger dans cette vie harmonieuse, j'en prenais une conscience intense (Barrès, Le Jardin de Bérénice,1891, p. 96):
17. Il y a un mouvement spontané des masses. Le rôle des communistes est d'en prendre conscience, pour le faire aboutir : (...). Il ne s'agit pas pour eux d'infuser en quelque sorte aux prolétaires un idéal qui ne leur serait pas immanent, mais au contraire de leur faire prendre pleine conscience de ce qu'ils sont : J. Lacroix, Marxisme, existentialisme, personnalisme,1949, p. 13.
Prise de conscience. Fait de prendre connaissance, conscience de quelque chose, en particulier de l'existence d'un problème, par une démarche intérieure souvent plus morale qu'intellectuelle. Le tiers monde, sans une sérieuse prise de conscience individuelle, ne sera jamais pour nous qu'une formule ([J. R.] ds Giraud-Pamart1971).
SYNT. Prise de conscience claire, aiguë; prise de conscience d'une idée, d'un phénomène, d'une transformation, d'une difficulté, d'un problème; véritable prise de conscience; provoquer une prise de conscience.
Avoir toute sa conscience. Jouir de toutes ses facultés de connaissance actuelle, avoir tous ses esprits.
Perdre conscience. Ne plus être présent à soi-même, perdre (la) connaissance (de son existence) du fait de l'endormissement, d'une drogue...; s'évanouir. Perte de conscience. Reprendre conscience. Reprendre connaissance, revenir à soi. Synon. reprendre ses esprits, ses sens.Recouvrer sa conscience. Le gazon me reçut, étendue et molle (...) Quand je repris conscience, (...) je respirais, le nez frotté d'eau de Cologne, aux pieds de ma mère (Colette, La Maison de Claudine,1922, p. 65).Il se laissa choir sur le matelas, et perdit conscience. Lorsqu'il ouvrit les yeux, il faisait jour (R. Martin du Gard, Les Thibault,Le Cahier gris, 1922, p. 641):
18. Opéré le 2. Anéantissement de l'être sous l'action de l'éther, la chute dans un abîme obscur et sonore, ce grand bruit de cloches semblables à celles des trains américains, surtout cette impossibilité de résister, de se retenir à quoi que ce soit, il doit y avoir un peu de tout cela dans la mort. J'ai trouvé curieuse la minute qui a précédé la perte de conscience, mais pas le moins du monde effrayante. Green, Journal,1929, p. 21.
B.− [La conscience du point de vue de son objet]
1. Cour. (cf. supra I A 3).
2. PHILOS. Conscience de soi(-même), conscience (non-)thétique de soi, conscience poétique; conscience du corps, du vécu; conscience d'autrui, de l'autre; conscience d'objet, de l'objet; conscience du réel; conscience (thétique) du monde; conscience subjective (de soi), conscience objective (du nous); conscience perceptive, percevante :
19. La conscience de soi pour s'affirmer doit se distinguer de ce qui n'est pas elle. L'homme est la créature qui, pour affirmer son être et sa différence, nie. Camus, L'Homme révolté,1951, p. 174.
3. LING. Conscience linguistique [ling. saussurienne],,(...) sentiment intime que le locuteur a des règles et des valeurs linguistiques (...)`` (Ling. 1972); (cf. aussi Vachek 1960).
4. SOCIOL. Conscience de classe. Connaissance claire qu'ont les membres d'une classe sociale du statut qu'occupe leur classe dans l'échelle de la société différenciée dont elle fait partie, et les sentiments que suscite cette connaissance :
20. ... comment Marx, (...) aurait-il méconnu cette action prolétarienne? (...) cette action, tout en assurant en effet au prolétariat quelques avantages économiques partiels, se résume surtout à accroître sa conscience de classe, à développer en lui le sentiment de ses maux et celui de sa force. Jaurès, Ét. socialistes,1901, p. XXXV.
Rem. Cf. infra I C conscience collective.
C.− [Emplois méton. dans lesquels la conscience apparaît comme pouvant être le fait d'un sujet isolé ou d'une collectivité] Ensemble des faits psychiques, saisis par la conscience spontanée, propres à une personne ou à un ensemble de personnes qui les ont en commun; p. méton. siège de ces phénomènes présenté comme un lieu où ils se dérouleraient. Ma conscience est une forteresse (Vigny, Le Journal d'un poète,1846, p. 1249).Ce qu'il y a de meilleur dans la conscience moderne est le tourment de l'infini (Sorel, Réflexions sur la violence,1908, p. 39):
21. ... il le contemplait maintenant du même regard avide qu'il eût regardé sa propre conscience. Et comme sa propre conscience, il eût voulu aussi le jeter hors de lui, revenir dessus, le piétiner, l'anéantir... Bernanos, L'Imposture,1927, p. 454.
SOCIOL. Conscience collective, ou commune, ou de groupe [Durkheim] Ensemble des faits psychiques (représentations, idées, sentiments, aspirations, croyances, interdits...) communs aux membres d'une même société, qui se manifeste par les rites, les traditions, les institutions... et dont l'existence est particulièrement ressentie lors de certains rassemblements. Ses poussées de fièvre [de la monnaie], ses dépressions, ses surexcitations, ses langueurs correspondent à des maladies de la conscience collective (A. Arnoux, Pour solde de tout compte,1958, p. 160).
Rem. ,,Dans la psychologie des foules de G. Le Bon, la conscience collective est l'unité affective de la foule, réalité née du rassemblement et de la tension groupale et déterminant les réactions, les conduites, les croyances de la masse qui se comporte comme un vaste corps. Cette conscience aurait pour caractéristique d'être incapable de réflexion ou d'intelligence et ne comporte que des sentiments et émotions collectives, contagieuses et poussant à l'action immédiate`` (Mucch. Sc. soc. 1969).
II.− [La conscience en tant qu'elle juge la moralité de ce qu'elle connaît] Conscience (morale). Propriété particulière de la conscience humaine (supra I) qui permet à l'homme de porter des jugements normatifs immédiats, fondés sur la distinction du bien et du mal, sur la valeur morale de ses actes; connaissance intuitive, sentiment intime de cette valeur. La conscience prononce sur toutes choses avec l'équité (Mmede Staël, De l'Allemagne,t. 4, 1810, p. 324).Je suis parvenu à avoir la ferme conviction que (...) ce qu'on appelle conscience n'est que la vanité intérieure (Flaubert, Correspondance,1838, p. 39):
22. L'entretien intime de deux scélérats n'est jamais long... Quelque secret que soit leur entretien, il a toujours deux insupportables témoins; Dieu, qu'ils ne voient pas; et la conscience qu'ils sentent. Hugo, Han d'Islande,1823, p. 180.
Allus. littér. ,,Science sans conscience n'est que ruine de l'âme`` (Rabelais, Pantagruel, II, 8).
P. méton. de suj. [La conscience morale en tant qu'elle est le fait d'un ensemble de pers.] Conscience publique. ,,Un acte pareil est une insulte à la conscience publique`` (Ac.1878-1932).Conscience du genre humain, conscience morale des nations (cf. Durkheim, De la Division du travail soc., 1893, p. 4).
Par dérision :
23. Quelques généralités sans précision sur la fidélité et le dévouement que les salariés de toutes sortes doivent à ceux qui les emploient, sur la modération avec laquelle ces derniers doivent user de leur prépondérance économique, une certaine réprobation pour toute concurrence trop ouvertement déloyale, pour toute exploitation par trop criante du consommateur, voilà à peu près tout ce que contient la conscience morale de ces professions. Durckheim, De la Division du travail soc.,1893p. 11.
A.− [La conscience morale du point de vue de sa qualité, de ses différents degrés d'intensité appréciés relativement au système des valeurs morales communes à tous les membres du groupe] Conscience droite, intègre, délicate, scrupuleuse, timorée. Comme il n'était à la cour que depuis quelques heures, sa conscience de province était terriblement pointilleuse (Mérimée, Chronique du règne de Charles IX,1829, p. 108).Mon mari a beaucoup plus d'estime pour Michel Korsakof à cause de son caractère irréductible et pour sa conscience de granit (G. Leroux, Rouletabille chez le tsar,1912, p. 39).
Conscience large. Conscience peu scrupuleuse. Synon. conscience facile, souple, élastique (fam.).Avoir la conscience large, facile, souple, élastique (fam.). Ne pas être scrupuleux et se juger avec une grande indulgence. Synon. ne pas avoir la conscience chatouilleuse (fam.).Il ne me plaît pas, comme à vous, de revenir sur des incidents oubliés. − C'est que vous avez la conscience facile (Estaunié, L'Empreinte,1896, p. 201):
24. ... les idéalistes petits bourgeois n'ont pas toujours la conscience chatouilleuse; à l'occasion ils sont capables d'en encaisser gros sans broncher. S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 547.
Homme de conscience. Homme de devoir. Être homme de conscience; avoir de la conscience. Avoir à conscience de + inf. Tenir pour une obligation de, se faire un devoir de. Faire preuve de conscience. Les hommes de conscience voulaient marcher avec la Constitution à laquelle on leur avait fait jurer d'être fidèles (Mmede Chateaubriand, Mémoires et lettres,1847, p. 59).
[Dans un sens anton.] Homme sans conscience; être sans conscience; faire qqc. sans conscience; manquer de conscience; ne pas avoir de conscience. Tu es donc sans conscience, puisque tu enseignes et démontres des choses que tu ne sais pas (Flaubert, Smarh,1839, p. 17).Votre conscience a besoin de trouver un écho dans une autre conscience. Vous tombez mal, Monsieur Ancelot, je n'ai pas de conscience (Aymé, Travelingue,1941, p. 939).
Avec la conscience du devoir accompli. En jugeant avoir accompli son devoir conformément au système moral accepté :
25. ... mon pauvre homme voit la grande charrette de l'hôtel riverain s'enfoncer sous les arbres (...) et criant, sous le poids des malles et des valises, tandis que lui philosophe pensif, s'en retourne à la lueur des étoiles avec sa brouette vide. (...) mais il n'en vient pas moins là chaque jour, avec la conscience du devoir accompli, ... Hugo, Le Rhin,1842, p. 290.
P. méton. Personne douée d'une conscience morale particulièrement vive, à laquelle elle se conforme sans compromis. Conscience droite; (être) une haute conscience, une conscience pure; tenir qqn pour une conscience. Il faut, en ces heures périlleuses (...) la tranquille résolution des hautes consciences dans l'accomplissement du devoir (Clemenceau, L'Iniquité,1899, p. 441).Clemenceau, qu'il [Swann] déclarait maintenant avoir tenu toujours pour une conscience, un homme de fer (Proust, Le Côté de Guermantes 2,1921, p. 582).
B.− [La conscience morale du point de vue de son fonctionnement, en tant qu'entité personnelle, comme détachée de soi et personnifiée, que l'on interroge ou interpelle, qui réagit et juge, avec laquelle il faut transiger, auprès de laquelle on doit se justifier, qui manifeste son approbation ou sa désapprobation avant ou après l'accomplissement d'un acte...] Notre conscience est un juge infaillible, quand nous ne l'avons pas encore assassinée (Balzac, La Peau de chagrin,1831, p. 150).Si vous avez... dans votre passé... de ces... ces fautes qui troublent notre conscience... ne semblent pas... mériter de pardon... des fautes en apparence irréparables, (...) le pouvoir m'est donné de vous en absoudre (Bernanos, Monsieur Ouine,1943, p. 1520):
26. ... au moment de contracter des devoirs envers cette dame, un scrupule de conscience m'est venu. Depuis le temps que j'ai perdu l'habitude de... de... de l'amour, enfin je ne savais plus si je serais encore capable de... de..., vous savez bien... Maupassant, Contes et nouvelles,t. 2, La Rouille, 1882, p. 795.
SYNT. Conscience bourrelée, inquiète; remords de conscience; être tourmenté par sa conscience; se faire un scrupule de conscience de qqc.; interroger sa conscience, tenir à l'approbation de sa conscience, prendre le chemin tracé par la conscience; composer, transiger, trouver des accommodements avec sa conscience; blesser, gêner la conscience de qqn; conscience qui reproche qqc. à qqn.
Rem. ,,La question de savoir si le jugement est antérieur ou postérieur au sentiment dans la conscience morale, est controversée : selon J. Lachelier, ,,le propre de la conscience est d'approuver ou de blâmer, la joie et la douleur ne venant qu'après le jugement moral``; selon M. Bernès, il faudrait au contraire la définir : « propriété qu'a l'esprit humain de sentir la valeur morale, et de rendre ce sentiment explicite au moyen de jugements normatifs» (Lalande 1968).
Voix de la conscience. Injonction de la conscience relative à un acte futur. Être attentif à la voix de sa conscience, étouffer la voix de sa conscience. Il n'y a pas une voix qui vous crie [MgrSibour] que vous devez prêter à la critique, pas une voix, celle de votre conscience moins que les autres, qui vous avertisse en secret (E. Delacroix, Journal,t. 2, 1854, p. 143).Il [MrMachelin] se fit honte d'une pareille faiblesse, et écouta la voix de sa conscience. Lucien épouserait l'apprentie modiste comme son devoir l'obligeait (Aymé, Le Nain,1934, p. 79).
Rem. ,,M. Bernès ajoute que l'expression classique « la voix de la conscience » est une image qui n'a rien d'essentiel. Elle n'exprime que le caractère immédiat et spontané de la conscience; mais elle en fait disparaître l'intériorité. Elle se rattache à la conception théologique d'un Dieu étranger qui se fait entendre dans l'âme, non à la donnée psychologique d'une vie intérieure qui est nous-mêmes. On peut remarquer d'autre part, en faveur de cette image, qu'elle correspond à un fait réel d'objectivation souvent observé en psychologie; par exemple dans les dédoublements de la conscience, l'inspiration artistique, etc.`` (Lalande, 1968).
Crise, drame de conscience :
27. Le seigneur communiste, demeuré seul à l'écart du champ de bataille, se débattait dans une crise de conscience hésitant s'il marcherait contre le peuple. Aymé, Le Puits des images,1932, p. 72.
Affaire de conscience. Problème mettant en jeu la conscience morale parce qu'il implique, pour que soit préservée la paix de la conscience, le besoin et la nécessité, malgré certaines difficultés, de se conformer à une obligation morale. C'est (une) affaire de conscience; ce n'est pas une affaire de conscience; faire de qqc. une affaire de conscience. Il faut voir les choses comme elles sont. Quoi! d'être malade, ce n'est pas une affaire de conscience! (Bernanos, La Joie,1929, p. 578).
(Faire qqc.) selon, suivant, contre sa conscience. Parler selon sa conscience. Agir contre sa conscience. [En parlant de qqc.] Être contre la conscience (de qqc). Je désapprouve toutes ces mesures; elles sont contre ma conscience, et je ne signerai pas (Scribe, Bertrand et Raton,1833, IV, 5, p. 199).Si les juges ont décidé selon leur conscience, on ne saurait leur en faire un reproche (Aymé, Vogue la galère,1944, p. 46).
Avoir sa conscience pour soi. Avoir, quoi qu'il arrive, la certitude et la satisfaction d'agir − ou d'avoir agi − selon sa conscience. Il me reste ma conscience :
28. Il avait renoncé à beaucoup de choses, il n'écrivait plus, il ne s'amusait pas tous les jours mais ce qu'il avait gagné en échange, c'est qu'il avait sa conscience pour lui, et ça c'était énorme. S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 217.
Bonne conscience. Conscience satisfaite de l'homme qui a le sentiment d'agir conformément aux valeurs morales et de n'avoir aucun reproche à se faire. Avoir bonne conscience :
29. Mystérieuse candeur, et inquiétante, mais d'une inquiétude charmante et qui est à la fausse, à la coupable sécurité du libertinage... la sécurité même, par l'effort incessant d'une bonne conscience... Verlaine, Confessions,1895, p. 118.
Synon. conscience satisfaite.La conscience satisfaite est triste, et l'accomplissement du devoir se complique d'un serrement de cœur (Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 408).
[Souvent par dérision] « Convictions ». Mot qui permet de mettre, avec une bonne conscience, le ton de la force au service de l'incertitude (Valéry, Mauvaises pensées et autres,1942, p. 178).
Péj. Se donner bonne conscience. Trouver les accommodements et l'indulgence nécessaires vis-à-vis de soi-même pour avoir à moindre frais le sentiment de s'acquitter de ses obligations morales et de n'avoir rien à se reprocher [Le suj. désigne qqc.] Donner bonne conscience (à qqn); s'acheter une bonne conscience. Jamais cet homme ne créera un vrai parti de gauche; il sert tout juste d'alibi aux gens qui veulent s'acheter une bonne conscience à bas prix... (S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 524).
Mauvaise conscience. Conscience insatisfaite et culpabilisée de l'homme qui a le sentiment de n'avoir pas − ou d'avoir mal − respecté les valeurs morales. Avoir mauvaise conscience [Le suj. désigne qqn ou qqc.] Donner mauvaise conscience (à qqn). Ainsi risque-t-elle [la littérature], après avoir été au 18esiècle, la mauvaise conscience des privilégiés, de devenir, au 19esiècle, la bonne conscience d'une classe d'oppression (Sartre, Situations II,1948, p. 136).
Être la mauvaise conscience de qqn. Rappeler à qqn les raisons qu'il a d'avoir mauvaise conscience :
30. « Je le gêne, tu comprends. (...). Tu as vu le genre de gens qu'il fréquente? Nous sommes sa mauvaise conscience; il ne demande qu'à s'en débarrasser. » S. de Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 401.
(Avoir la) conscience nette, pure; être de conscience pure; conscience sans reproche; (avoir la) conscience tranquille; (faire qqc.) avec la conscience tranquille; avoir sa conscience en règle; se mettre en règle avec sa conscience; avoir la conscience en paix, en repos; assurer le repos de sa conscience; (faire qqc.) pour le repos de sa conscience, pour apaiser sa conscience. Rollin a répandu sur les crimes des hommes le calme d'une conscience sans reproche (Chateaubriand, Génie du christianisme,t. 2, 1803, p. 97).Elle qui n'avait jamais fait de mal, et dont la conscience était si pure! (Flaubert, Un Cœur simple,1877, p. 45).
P. iron. Le pauvre Bayvet se promenait tranquillement avec la conscience tranquille de ses cent mille livres de revenu (E. Delacroix, Journal,t. 2, 1853, p. 90).
Par acquit de conscience; pour l'acquit de sa conscience (littér.); p. ell., par conscience. Pour s'acquitter d'une obligation et assurer, quoi qu'il arrive, la tranquillité de sa conscience, mais sans conviction et en se donnant le moins de peine possible. Elle les talocha [les deux enfants] encore par conscience (Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, En famille, 1881, p. 358).Je cherchai plutôt par acquit de conscience qu'avec conviction s'il était possible, (...) de donner à mes attributions toute l'ampleur et toute l'autorité qui me paraissaient indispensables (Joffre, Mémoires,1916, p. 431).
Loc. adv. En (toute) conscience. En toute honnêteté, en toute probité. Être tenu en conscience de + inf.; en bonne conscience, en toute tranquillité de conscience; en sûreté de conscience. Sans porter aucunement atteinte à la conscience morale. Mes devoirs sont remplis et je ne me crois plus engagé à rien en conscience (Chateaubriand, Correspondance gén.,t. 2, 1789-1824, p. 112):
31. ... en demeurant irréprochable comme homme privé, on pourra, comme homme public, être en sûreté de conscience et d'honneur le dernier des misérables. Lamennais, De la Religion,1repart., 1825, p. 45.
En mon âme et conscience, dans ma conscience. Dans ma plus intime conviction.
Par dérision. En mon âme et conscience (...) et la main sur le cœur, je te trouve moche (Aymé, Le Bœuf clandestin,1938, p. 131).
[Formule du serment que prononce le premier juré avant de faire connaître le verdict du jury] Sur mon honneur et ma conscience, devant Dieu et devant les hommes, la déclaration du jury est...
Jurer qqc. sur son âme et conscience. Elle a repris son air affable quand je lui ai juré sur mon âme et conscience que, (...) le métier de farceur littéraire ne convenait nullement à mon caractère et à ma position (Janin, L'Âne mort et la femme guillotinée,1829, p. 5).
[Loc. liées aux notions de faute et de remords en tant qu'ils sont ressentis par l'être humain comme ayant un caractère pesant et constituant une charge à porter]
Fam. Avoir qqc. sur la conscience. Avoir un grave manquement à la morale à se reprocher. En avoir gros sur la conscience; se charger la conscience; mettre, laisser qqc. sur la conscience de qqn. Faire, laisser peser sur lui l'entière responsabilité de quelque chose. Observons les règles, afin de n'avoir aucun poids sur la conscience (A. Arnoux, Rêverie d'un policier amateur,1945, p. 46).
P. métaph., pop. ou arg. Se mettre (un aliment) sur la conscience. Mettre (un aliment) dans son estomac, charger son estomac de (cet aliment), manger quelque chose. Se coller un cataplasme sur la conscience. Manger beaucoup. « Allons, colle-toi ça sur la conscience, lui dit la bonne femme en lui tendant un bol de bouillon » (Bruant, 1901, p. 207).
[Le suj. désigne un manquement aux valeurs morales ou le sentiment de culpabilité consécutif à ce manquement] Charger la conscience de qqn; peser sur/à la conscience de qqn; rester sur la conscience de qqn. Il y a un péché qui doit lourdement charger sa conscience (A. Dumas Père, Don Juan de Marana,1836, I, 4, p. 9).[Voiturier] sentait peser sur sa conscience trente cinq ans d'action anticléricale et progressiste (Aymé, La Vouivre,1943, p. 247).
Dire tout ce qu'on a sur la conscience. Dire, avouer tout ce que l'on a à se reprocher. Décharger, soulager, libérer sa conscience.
C.− P. méton.
1. [La conscience morale en tant que pouvoir, droit de juger et d'agir selon ce jugement]
Liberté de conscience. Liberté laissée à chacun, en particulier par les pouvoirs publics, de juger des doctrines, religieuse et philosophique notamment, qui lui conviennent, accompagnée de la liberté d'y conformer sa vie. Respecter la liberté de conscience, reprendre sa liberté de conscience :
32. ... celui qui n'est aux prises qu'avec des niais injustes doit s'interroger avant de leur céder, et partir de là pour reconnaître qu'il n'y a nulle part, entre Dieu et lui, de contrôle légitimement absolu pour les faits de sa vie intime. La conséquence étendue à tous de cette vérité certaine, c'est que la liberté de conscience est inaliénable. G. Sand, Histoire de ma vie,t. 3, 1855, p. 348.
Étouffer, opprimer, violenter les consciences. Empêcher par quelque moyen, en particulier par la force et la répression, l'usage et/ou la manifestation de la liberté de conscience.
DR. DU TRAVAIL, JOURN. Clause de conscience. Disposition légale permettant à un journaliste de rompre le contrat le liant à son employeur, pour des raisons de liberté de conscience, en cas de changement d'orientation du journal, et cela dans des conditions d'indemnisation équivalant à celles prévues pour les licenciements abusifs (cf. G. Belorgey, Le Gouvernement et l'admin. de la France, 1967, p. 144).
Vendre sa conscience. Abandonner à d'autres personnes, en échange de certains avantages, son pouvoir et son droit de juger par soi-même et de se déterminer librement. Marchander, acheter la conscience de qqn.
Objection de conscience. Action d'objecter des devoirs supérieurs d'ordre religieux, ou simplement moral, pour refuser d'accomplir une obligation légale; en partic., refus d'accomplir ses obligations militaires au nom de la religion, ou de la morale, qui condamne la violence et le fait de tuer. Objecteur de conscience. Celui qui oppose une objection de conscience à l'accomplissement de ses obligations militaires :
33. Des militants de l'antimilitarisme comme des pacifistes comprirent que la défense de la nation et de la justice ne faisait qu'un et que cette défense exigeait parfois que l'on prenne les armes. Des objecteurs de conscience voulurent être des soldats. B. Cacérès, Hist. de l'éduc. pop.,1964, p. 137.
2. [La conscience morale en tant qu'ensemble des jugements en fonction desquels une personne agit; par suite, la conscience en tant que lumière qui permet d'orienter ses actes, de diriger sa vie] Éclairer, diriger, endormir, obscurcir les consciences. « L'honneur national! » grommela-t-il, de nouveau. « Tous les grands mots sont déjà mobilisés, pour endormir les consciences! ... » (R. Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 484).
P. méton. [La conscience morale en tant que siège des pensées, des sentiments les plus intimes ou les plus secrets] Lire, pénétrer dans les consciences; sonder les consciences. Il avait le don de conseil; on l'appelait le voyant; il lisait dans les consciences (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 5, 1859, p. 396).
3. [La conscience morale considérée comme ayant son siège dans le cœur]
a) [Le passage de conscience à cœur s'explique par le fait que le premier symbolise l'honnêteté morale et le second la sincérité; p. réf. au geste qui consiste à mettre la main sur son cœur pour protester de sa sincérité, et pour inviter qqn à dire la vérité] Littér., vieilli. (Mettre) la main sur la conscience. (S'interroger) en toute honnêteté. Je parie que vous-même vous avez fait vos farces. Voyons, la main sur la conscience, est-ce vrai? (Maupassant, Une Vie,1883, p. 127).
b) MARBRERIE, SERR. ,,Pièce en bois (...) garnie de fer ou seulement en fer, que l'on pose sur la poitrine pour soutenir et pousser le foret pendant qu'on le fait tourner avec un archet`` (Chabat t. 1 1875, Chabat 1881). Plaque de conscience (R. Champly, Nouv. Encyclop. pratique,t. 11, 1927, p. 89).
D.− [La conscience morale du point de vue de son application dans des domaines particuliers]
1. [La conscience morale appliquée aux obligations professionnelles] Conscience (professionnelle). Scrupuleuse honnêteté que l'on apporte à l'exécution de son travail, inspirée par le sens des exigences de sa profession accompagné de la volonté de s'en acquitter au mieux quelles que soient les difficultés. Mettre beaucoup de conscience dans son travail; faire (un travail) avec conscience; travailler en conscience; (travail) qui est de conscience. Synon. conscience du/de métier, conscience exemplaire.Le travail était de conscience : (...) cent et cent fois j'avais fait, défait et refait la même page (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 2, 1848, p. 251).Nous le vîmes [le nouveau] qui travaillait en conscience, cherchant tous les mots dans le dictionnaire et se donnant beaucoup de mal (Flaubert, Madame Bovary,t. 1, 1857, p. 4).La conscience de certains journalistes est au niveau de leur talent (Maupassant, Bel-Ami,1885, p. 156):
34. Ce manque de conviction dans la valeur de la tâche se traduit d'ailleurs chez nombre de bourgeois (...) par un affaiblissement de la conscience professionnelle. Aymé, Le Confort intellectuel,1949, p. 146.
P. ext. Application, minutie, soin que l'on apporte à l'accomplissement d'un acte quelconque. J'ai recommencé d'aujourd'hui à faire des armes. J'étudie avec conscience cet art compliqué (Flaubert, Correspondance,1847, p. 78).Et il [Voillenier] lisait le journal du matin avec la conscience qu'il apportait à ses moindres actions (P. Bourget, Une Fille-mère,1928, p. 199).
IMPRIM. Travail en conscience. Travail particulièrement délicat pour l'exécution duquel on s'en rapporte à la conscience professionnelle du typographe qui est, en conséquence, rémunéré à l'heure ou à la journée, contrairement à ce qui se passe pour le travail à la pièce. Une journée de conscience. Mettre un compositeur en conscience (Ac. 1835-1932). Homme de conscience, équipe de conscience; ouvriers en conscience; être en conscience.
P. méton. Ensemble des ouvriers travaillant en conscience. C'est ordinairement la conscience qui corrige les tierces (Ac.1835-78).Local où se fait le travail en conscience, où se tiennent les hommes de conscience. Aller à la conscience (Ac. 1835-78). Ce compositeur travaille à la conscience (Ac.1835-1932).
2. [La conscience morale appliquée aux obligations religieuses]
Examen de conscience. Examen approfondi, prescrit par l'Église, de ses pensées, de ses intentions, de ses actes du point de vue de leur valeur morale, fait en particulier pour se préparer à la confession. Faire son examen de conscience; examen de conscience quotidien. Ces examens de conscience tout faits, où les imaginations pures se dépravent en réfléchissant à des monstruosités ignorées (Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes,1847, p. 518):
35. L'examen de conscience est un exercice favorable, même aux professeurs d'amoralisme. Il définit nos remords, les nomme, et par ainsi les retient dans l'âme, comme en vase clos, sous la lumière de l'esprit. À les refouler sans cesse, craignez de leur donner une consistance et un poids charnel. Bernanos, L'Imposture,1927, p. 328.
P. ext. Examen de conscience politique. − État fidèle de l'empire, sa prospérité. − Idées libérales de l'empereur sur la différence des partis (Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 1, 1823, p. 447).Il entreprit (...) un examen de conscience artistique de tous ses écrits (L. Capet, La Technique supérieure de l'archet,1916, préf., p. 6).
Cas de conscience. Difficulté créée par une situation ambiguë où la conscience hésite à se déterminer dans un sens précis faute d'une prescription religieuse à laquelle se référer dans un tel cas.
SYNT. Examen d'un cas de conscience; poser, résoudre un cas de conscience; cas de conscience qui pèse sur qqn.
Faire à qqn un cas de conscience de + subst. ou de + inf. Le tenir pour obligé de faire quelque chose au nom de la morale, quelles que soient les difficultés qui en résultent :
36. C'est vraiment une désolation que de te voir réprimer et lier avec je ne sais quels scrupules ton âme, qui tend de toutes les forces de sa nature à se développer de ce côté. On t'a fait un cas de conscience de suivre cet entraînement, et moi je t'en fais un de ne pas le suivre. M. de Guérin, Correspondance,1834, p. 128.
P. ext., cour. Situation conflictuelle délicate à résoudre, sa solution engageant la conscience morale du sujet; scrupule. Se faire un cas de conscience de qqc. a) Avoir scrupule à faire quelque chose que l'on ressent comme allant à l'encontre de sa conscience morale. b) Se tenir pour obligé de faire quelque chose parce que l'on en ressent l'obligation morale. P. ell., vieilli. Se faire (une) conscience de + subst. ou de + inf. Se faire un cas de conscience de. C'est (une) conscience de. C'est un cas de conscience de. Si vous avez encore des scrupules, qu'à cela ne tienne : tout cas de conscience est respectable (Sandeau, Mllede La Seiglière,1848, p. 118).C'est un mot de vérité que je te demande, et il ne faut pas te faire conscience de me le dire (Sand, François le Champi,1850, p. 136).Quand nous touchions à un magnifique cas de conscience, et dans un problème où toute une nation était intéressée, il ne pensa qu'à sa personne (Barrès, Au service de l'Allemagne,1905, p. 30).
Directeur de conscience. Homme d'Église qui dirige la conscience de quelqu'un pour l'aider à vivre selon les valeurs morales et religieuses. Diriger la conscience de qqn. Avoir un directeur de conscience, avoir la conscience dirigée, cela lève le cœur de dégoût (Léautaud, Journal littér.,t. 1, 1893-1906, p. 85).
HIST. Conseil de conscience. Conseil ecclésiastique appartenant au conseil royal et chargé de régler certaines affaires ecclésiastiques. Conseil de conscience de la reine Anne d'Autriche (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 1, 1840, p. 509).
Rem. On rencontre ds la docum. a) Le verbe trans. conscienciser, néol. d'aut. formé sur le modèle d'humaniser. Donner la conscience à. L'homme est un fabricateur de conscient. Son éminente dignité vient précisément de son aptitude à « conscienciser » la nature et à l'humaniser (L. Daudet, L'Hérédo, 1916, p. 108). b) L'adj. conscientiel, ielle, philos. Qui est relatif à la conscience. Étapes conscientielles (cf. Philos. Relig., 1957, p. 3215). Le mouvement premier de la réflexion est... pour transcender la qualité conscientielle pure de douleur vers un objet-douleur (Sartre, L'Être et le Néant, 1943, p. 401).
Prononc. et Orth. : [kɔ ̃sjɑ ̃:s]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. I. Conscience morale A. 1. ca 1165 « sentiment intérieur qui juge ce qui est bien et ce qui est mal » (Livre des Rois, éd. E. R. Curtius, II, XXIV, 10, p. 107); 1230, sept. bone conscience (Ch. de Thib. de Champ., A. Mun. Troyes ds Gdf. Compl.); 1306 en leur consienche (A. S. Omer, CXXI, pièce 3, ibid.); 1609 cas de conscience, v. cas; 2. av. 1569 liberté de conscience ([Louis de Bourbon, prince de] Condé, Mémoires, p. 641 ds Littré); 3. 1721 conscience publique « ensemble des opinions morales d'une société » (Montesquieu, Lettres Persanes, 129, ibid.); 4. 1673 « la poitrine considérée comme siège de la conscience » mettre la main à la conscience « s'examiner de bonne foi » (Molière, Le Malade Imaginaire, I, 5). B. 1723 « travail d'un typographe taxé pour la durée, non pour la quantité d'effort produit » (Savary des Bruslons, Dict. universel de comm.). II. Conscience psychologique 1. 1676 philos. (Malebranche ds Trév. 1704 : les philosophes entendent par la conscience, le sentiment intérieur qu'on a d'une chose dont on ne peut former d'idée claire et distincte); 2. 1762 « sentiment que l'être humain a de ses états et de ses actes » (J.-J. Rousseau, Emile, I ds Littré). Empr. au lat. class. conscientia (proprement « connaissance en commun ») « claire connaissance qu'on a au fond de soi-même, sentiment intime, sentiment, conscience » [notion de bien et de mal]. Fréq. abs. littér. : 15 179. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 12 637, b) 13 693; xxes. : a) 21 720, b) 33 375. Bbg. Gottsch. Redens. 1930, p. 392. − La Charité (R.). The Concept of judgment in Montaigne. The Hague, 1968, 149 p. − Lindemann (R.). Der Begriff der Conscience im französischen Denken. Iena und Leipzig, 124 p.

Wiktionnaire

Nom commun - français

conscience \kɔ̃.sjɑ̃s\ féminin

  1. Subjectivité ; sentiment intime de vivre l’expérience vécue, d’être le sujet de nos perceptions, émotions, pensées….
    • Éveillé, l’être humain a conscience de son vécu.
  2. Image de soi-même ; conscience de soi.
  3. (En particulier) État de veille dans lequel l’on perçoit le déroulement de sa vie.
    • Quand j’ai repris conscience, je gisais parmi eux sur la cale, ils m’avaient allongé sur un paquet de voiles mal ferlées. — (Bernard Thomas, La vie engloutie, page 64, Flammarion, 1989)
  4. (Par extension) Éthique, sentiment du bien et du mal.
    • Sapience n’entre point en âme malivole, et science sans conscience n’est que ruine de l’âme. — (Rabelais, Pantagruel, 1530)
    • De son côté le guide n’était pas plus à l’aise : une mauvaise conscience, a dit un sage, est le plus chagrinant camarade de nuit que l’on puisse avoir ; le Babillard possédait la pire de toutes les mauvaises consciences, aussi n’avait-il nulle envie de dormir. — (Gustave Aimard, Les Trappeurs de l’Arkansas, Éditions Amyot, Paris, 1858)
    • Tel qui transgressait la loi du repos dominical versait une somme d’argent pour racheter sa faute et mettait ainsi sa conscience en repos en s’évitant un droit de surestarie : on faisait encore ainsi une bonne affaire. — (Étienne Dupont, Le vieux Saint-Malo : Les Corsaires chez eux, Édouard Champion, 1929, p.48)
    • Une religion qui serait seulement faite de conventions extérieures, d’attitudes et de formes serait sans action sur la conscience et ne changerait rien aux secrets de la vie intime. — (Ludovic Naudeau, La France se regarde : le Problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)
    • Chacun a l’impression qu’il nous manquait deux heures pour être vraiment prêts à la guerre. Mais avec conscience les hommes regagnent le temps perdu. — (Jean Giraudoux, Retour d’Alsace - Août 1914, 1916)
    • La presse indigénophile a joué un rôle déterminant dans la formation de la presse «indigène» et de la conscience politique des intellectuels algériens. — (Zahir Ihaddaden, Histoire de la presse indigène en Algérie: des origines jusqu’en 1930, Entreprise Nationale du Livre, 1983)
    • Le mental, c’est quand ça vous arrange. Et la conscience, c’est ce qu’il faut faire. — (Jean-Marie Bigard Mon psy va mieux, 2008)
  5. (Philosophie) Connaissance que nous avons de notre propre existence et des phénomènes de sensibilité et d’activité qui se succèdent en nous.
    • Ce principe de la philosophie cartésienne, je pense, donc je suis, est ce que les adversaires du cartésianisme ont attaqué avec le plus de persévérance; et cela se conçoit, car ce principe admis, l’autorité de la conscience et de la raison s’ensuit nécessairement. — (Jules Simon, Introduction de: « Œuvres de Descartes », édition Charpentier à Paris, 1845)
  6. (Philosophie) Connaissance que nous avons de nous-mêmes par le sentiment intime.
    • L’esprit rayonnait des yeux et donnait au visage de la beauté. Il avait conscience de sa force fascinatrice, comme il avait conscience de son génie. — (Octave Mirbeau La Mort de Balzac, 1907)
  7. Personnalité remarquable par sa droiture, ses idées et sa conduite exemplaire.
    • Cet homme politique est une conscience universelle. - Ce grand écrivain est une conscience du XXe siècle.
  8. (Imprimerie) (Désuet) Travail fait à l’heure pour lequel on s’en rapportait à la conscience de l’ouvrier.
    • Le compositeur particulièrement désigné comme homme de conscience doit être excellent ouvrier, minutieux, et d’une conduite régulière. — (A. Frey, Nouveau manuel complet de Typographie, Manuels-Roret, 1857)
  9. Pièce du vilebrequin servant à appliquer la pression. Cette pièce pouvait faire partie de l’outil (vilebrequin à conscience intégrée) ou être attachée à la ceinture de l’artisan (vilebrequin à conscience ventrale).
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

CONSCIENCE. n. f.
Sentiment intime par lequel l'homme se rend témoignage à lui-même de ce qu'il fait de bien et de mal. Conscience délicate. Conscience scrupuleuse. Conscience timorée. Conscience bourrelée. Conscience tranquille. Scrupule de conscience. Le cri, les reproches de la conscience. Le tribunal de la conscience. Descendre dans sa conscience. Faire une chose pour l'acquit de sa conscience. Cela peut se faire en sûreté de conscience, en toute sûreté de conscience. Agir, parler contre sa conscience, selon sa conscience. Capituler, transiger avec sa conscience. Capitulation de conscience. On l'emploie plus spécialement en matière de religion. Examen de conscience. Directeur de conscience. Diriger les consciences. Liberté de conscience, Liberté pour chacun de croire ce qu'il veut et de conformer ses actes à ses croyances. Cas de conscience, Voyez CAS. Par extension, Se faire un cas de conscience d'une chose, Répugner à la faire, par humanité, par loyauté, par délicatesse, etc. Se faire conscience d'une chose, Se faire scrupule d'une chose, parce qu'on croit qu'elle est contre les bonnes mœurs, contre la raison, contre la bienséance. Je me fais conscience de vous importuner si souvent de la même chose. On dit dans le même sens C'est conscience de faire telle chose. C'est conscience de le laisser dans l'erreur où il est. Avoir de la conscience, être homme de conscience, Être attentif à ne rien faire qui puisse blesser la conscience. On dit, dans le sens contraire, Être sans conscience, n'avoir point de conscience. Avoir la conscience large, N'être guère scrupuleux sur ce qui concerne la probité, le devoir. Avoir la conscience nette, N'avoir rien à se reprocher. Je mets cela, je laisse cela sur votre conscience ; Je m'en remets, je m'en rapporte à votre conscience ; Vous aurez cela sur la conscience, Si vous agissez ainsi, vous aurez à vous le reprocher. Il a certaine chose sur la conscience, Il a certaine chose à se reprocher. Fig., Mettre la main sur la conscience, Examiner de bonne foi si l'on a fait tort à quelqu'un, si l'on a commis quelque injustice. On dit de même à une personne qu'on presse d'avouer la vérité, de parler franchement : Dites-moi, la main sur la conscience, ce que vous pensez de cela. Dire tout ce qu'on a sur la conscience, Ne rien cacher de ce qu'on sait, de ce qu'on a sur le cœur. En conscience, en bonne conscience, En vérité, franchement, selon les règles de la conscience. Je vous le dis en conscience. Ce marchand vend en conscience, il ne surfait point. En bonne conscience, pouvez-vous me demander ce prix? Vous êtes obligé en conscience à cela, de faire cela. J'ai fait ce travail en conscience, Je l'ai fait tel qu'il doit être fait. J'y mets de la conscience, Je ne néglige rien pour m'en acquitter dignement. Sur mon honneur et ma conscience, devant Dieu et devant les hommes, la déclaration du jury est : oui, l'accusé, etc. ; non, l'accusé, etc. Formule qui précède la déclaration du chef d'un jury. La conscience publique, Le sentiment qu'un peuple a du bien et du mal. Un acte pareil est une insulte à la conscience publique. La conscience du genre humain, Le sentiment que tous les hommes ont du bien et du mal. Il se dit, en termes de Philosophie, de la Connaissance que nous avons de notre propre existence et des phénomènes de sensibilité et d'activité qui se succèdent en nous. Les faits de conscience. Il se dit aussi de la Connaissance que nous avons de nous-mêmes par le sentiment intime. Les hommes ont la conscience de leur liberté. Avoir la conscience de son talent. En termes d'Imprimerie, il se dit du Travail fait à l'heure pour lequel on s'en rapporte à la conscience de l'ouvrier. Une journée de conscience. Mettre un compositeur en conscience. Ce compositeur travaille à la conscience.

Littré (1872-1877)

CONSCIENCE (kon-si-an-s') s. f.
  • 1Sentiment de soi-même ou mode de la sensibilité générale qui nous permet de juger de notre existence : c'est ce que les métaphysiciens nomment la conscience du moi. Sitôt que nous avons la conscience de nos sensations, Rousseau, Ém. I. C'est alors qu'il prend la conscience de lui-même, Rousseau, ib. 2. La conscience est le sentiment intime, immédiat, constant de l'activité du moi dans chacun des phénomènes de sa vie morale, Dict. des sci. phil. Conscience. On pourrait définir la conscience le sentiment du moi dans tous les phénomènes de la vie morale, ib.

    Double conscience, phénomène qui s'observe chez les somnambules, et qui consiste en ce qu'ils ont deux existences dont chacune ignore l'autre : dans la veille, ils ne se souviennent pas de ce qu'ils ont fait pendant leur sommeil somnambulique, et, pendant le somnambulisme, ils ne se souviennent pas de ce qu'ils ont fait pendant la veille, quoiqu'ils rattachent très bien ensemble tous les actes qui se passent respectivement dans chacun de ces deux états.

  • 2Témoignage ou jugement secret de l'âme, qui donne l'approbation aux actions bonnes et qui fait reproche des mauvaises ; ou, autrement, mode d'émotion de l'ensemble des instincts bienveillants et désintéressés, ensemble qui porte aussi le nom de sens moral. La voix de la conscience. Ne nous flattons donc point, voyons sans indulgence L'état de notre conscience, La Fontaine, Fabl. VII, 1. Il parle contre sa conscience, Fénelon, Tél. III. Paul, patriarche de Constantinople, déclara sur la fin de sa vie qu'il avait combattu les images [qu'il avait été iconoclaste] contre sa conscience, Bossuet, Hist. I, 11. À ce dernier moment la conscience presse, Corneille, Nicom. IV, 2. Elle lui pardonna son crime, le livrant pour tout supplice à sa conscience, Bossuet, Reine d'Anglet. Selon divers besoins il est une science D'étendre les liens de notre conscience, Et de rectifier le mal de l'action Avec la pureté de notre intention, Molière, Tart. IV, 6. M. Bucquet réunissait toutes ces qualités ; il y joignait ce courage qui sait préférer le sentiment de la conscience à l'opinion de ceux même qu'on estime, Condorcet, Bucquet. Aucun des ministres déplacés ne fut exilé ; l'ambitieux est assez puni par la perte de son pouvoir ; l'homme vertueux jouit en paix, dans une retraite libre, de sa renommée et du témoignage de sa conscience, Condorcet, Maurepas. S'il est contraire à la morale d'agir contre sa conscience, il ne l'est pas moins de se faire une conscience d'après des principes faux et arbitraires ; l'obligation de faire sa conscience est antérieure à l'obligation de suivre sa conscience, Mirabeau, Collection, t. V, p. 302. Vous [les quakers] n'avez pas pris Dieu à témoin, mais vous avez attesté votre conscience, et une conscience pure n'est-elle pas aussi un ciel sans nuage ? Mirabeau, ib. t. V, p. 364. Ordonnez, rien ne coûte à son obéissance, Et du soin de vous plaire il fait sa conscience, Chénier M. J. Tibère, I, 4.

    Pénétrer dans la conscience, savoir ce qui est dans le cœur d'autrui. Les juges, qui ne pénètrent pas dans les consciences, ne jugent que par le dehors de l'action, au lieu que nous regardons principalement à l'intention, Pascal, Prov. VII.

    Opprimer les consciences, empêcher par la force et l'intimidation la manifestation des sentiments religieux ou moraux. Les consciences hardies opprimèrent les consciences faibles, et l'époque de ce grand phénomène fut celle d'une grande servitude, Raynal, Hist. phil. IX, 29.

    La conscience publique, l'ensemble des opinions morales d'une société, d'un peuple, d'une époque, qui font approuver ou blâmer. Quelles que soient ces lois, il faut toujours les suivre et les regarder comme la conscience publique, à laquelle celle des particuliers doit se conformer toujours, Montesquieu, Lett. pers. 129.

    Sur mon honneur et sur ma conscience, serment que prononce le chef du jury avant de lire le verdict.

    Sur ma conscience, en ma conscience, en conscience, sorte de serment familier.

    Avoir une chose sur la conscience, se la reprocher. Vous ne pouviez les porter longtemps sur la conscience, Massillon, Avent, Délai de la conv.

    Familièrement. Avoir sur la conscience, répondre de. M. de la Garde aura sur la conscience tous ces mariages, Sévigné, 314. Vous voulez donc que je mette sur ma conscience le paquet de cette femme ? Sévigné, 62. Je mets sur votre conscience tout le bien que vous dites de moi, Sévigné, 233.

    J'en ai la conscience nette, je n'ai point cela à me reprocher.

    Avoir les mains pures et la conscience nette, être irréprochable.

    Dire tout ce qu'on a sur la conscience, donner un libre cours à des plaintes qu'on croit fondées et qu'on retenait.

    Décharger sa conscience, soulager sa conscience, dire une pensée intime que l'on croit devoir dire.

    Avoir de la conscience, être homme de conscience, être incapable de forfaire à l'honneur, à la probité. Je serais assez lâche pour vous déshonorer ? Non, non, j'ai trop de conscience pour cela, Molière, Fest. de P. II, 3. Quand ils sont gens de conscience, Pascal, Prov. 6. Nous avons considéré, à l'égard des valets, la peine qu'ils ont, quand ils sont gens de conscience, à servir des maîtres débauchés, Pascal, ib.

    N'avoir point de conscience, être sans conscience, ne se faire scrupule de rien.

    Avoir la conscience large, avoir peu de scrupules. L'un et l'autre avaient la conscience assez large, Scarron, Rom. com. ch. 13.

    Mariage de conscience, mariage que l'on fait pour satisfaire à sa conscience, pour régulariser une union irrégulière. Oh ! puisque c'est un mariage de conscience, je n'ai plus rien à vous dire, Dancourt, Chevalier à la mode, I, 3.

    Faire conscience de, avoir conscience de, avoir scrupule de, ne pas vouloir. Et de m'ôter mon bien que l'on ait conscience, Régnier, Sat. III. Je fais conscience de la regretter, Voiture, Lett. 71. Qui n'a pas honte de manquer de parole aux hommes, ne fait pas conscience de tromper les dieux, Vaugelas, Q. C. 424. Alix fit conscience De n'avoir pas mieux gagné son argent, La Fontaine, Quipr.

    On a dit aussi, avec la négation, ne pas faire de conscience. N'en faites point de conscience, La Fontaine, Cord.

    Dans le même sens, se faire une conscience. Vous vous feriez une conscience de faire payer ce que vous ne pouvez leur apprendre [à vos disciples], Fénelon, Socrate.

    Se faire une affaire de conscience, regarder comme un devoir. Ils se font une affaire de conscience de souffrir toutes sortes de religions, Montesquieu, Esp. XXV, 15.

    C'est conscience de, il y a conscience à faire telle chose, c'est-à-dire on la ferait si la conscience ne s'y opposait, on serait coupable de la faire. Ton cœur… tiendrait ses lâchetés à quelque conscience, Régnier, Épît. III. Mais au moins, monsieur, ne m'allez pas tromper ; il y aurait de la conscience à vous, et vous voyez que j'y vais de bonne foi, Molière, Fest. de P. II, 2. C'est une conscience Que de vous laisser faire une telle alliance, Molière, Tart. II, 2. C'est conscience à ceux [de tromper ceux] qui s'assurent en nous, Mais c'est pain bénit, certe, à des gens comme vous, Molière, Éc. des mar. I, 4. Il y avait de la conscience à laisser tromper le pauvre Savoyard, Hamilton, Gramm. 3. Il fait trop cher mourir, ce serait conscience ; Jamais de mon vivant je n'aimai la dépense, Regnard, Légat. IV, 5.

    En sûreté de conscience, à l'abri des reproches que peut faire la conscience. Les services qu'ils peuvent rendre en sûreté de conscience, Pascal, Prov. 6.

    En conscience, selon les lois de la probité, les règles de la conscience. Dites-moi en votre conscience, Régnier, Sat. VIII. Relever ses cheveux, dire : en ma conscience, Régnier, ib. En conscience, quels desseins peut avoir un homme entre le sentiment du mal et l'appréhension de la mort ? Guez de Balzac, liv. II, lett. 3. Agissez en conscience dans le rapport que vous faites, Bossuet, Lett. abb. 87. On ne peut pas se déclarer en conscience, Bossuet, ib. 31. On ne peut pas en bonne conscience enseigner diversement, Bossuet, Var. IV. Il dit que le pauvre peut voler le riche en conscience, Pascal, Prov. 12. Vous êtes obligés, en conscience, de dire…, Pascal, Prov. 2. Je ne crois pas que je doive croire en conscience ce que vous m'en dites, Sévigné, 512.

    En bonne conscience signifie aussi avec franchise.

    Par acquit de conscience, proprement pour le seul effet d'acquitter la conscience, et, par suite, négligemment, sans intérêt. Il a fait cela par acquit de conscience.

  • 3 Terme de religion. Le sentiment des fautes commises. Faire son examen de conscience. Directeur de conscience. On ne les envoie à la mort qu'après leur avoir donné le moyen de pourvoir à leur conscience, Pascal, Prov. 14. On se fait aisément de fausses consciences ; on étouffe tous les remords du péché, Bourdaloue, Pensées, t. I, p. 16. Ils [les jésuites] ont assez bonne opinion d'eux-mêmes pour croire qu'il est utile et comme nécessaire au bien de la religion, que leur crédit s'étende partout et qu'ils gouvernent toutes les consciences, Pascal, Prov. 5. On est obligé de reprocher à ces peuples d'avoir été trop soumis, puisqu'ils ont mis sous le joug leur foi même et leur conscience, Bossuet, Reine d'Anglet. Retirée à la campagne, séquestrée du monde, elle s'occupa trois ans entiers à régler sa conscience et ses affaires, Bossuet, Anne de Gonz.

    Cas de conscience, difficulté sur ce que la religion permet ou défend en certaines circonstances. Vous avez très bien résolu le cas de conscience, Bossuet, Lett. abb. 22. Quand vous avez entrepris de décider les cas de conscience d'une manière favorable et accommodante, Pascal, Prov. 13.

    Se faire un cas de conscience de quelque chose, s'en faire scrupule.

    Liberté de conscience, liberté de ne pas professer la religion dominante dans un pays et de suivre en secret celle à laquelle on appartient ; elle diffère de la liberté des cultes qui permet d'exercer le culte auquel on est attaché.

    Conseil de conscience, conseil qui était autrefois établi pour régler les affaires ecclésiastiques.

  • 4La région du cœur considéré comme le siége de la conscience ; ne s'emploie, en ce sens, que dans les locutions suivantes : Mettre la main sur la conscience, s'examiner de bonne foi. Mais, monsieur, mettez la main à la conscience, est-ce que vous êtes malade ? Molière, Mal. im. I, 5. Que chacun mette la main à la conscience, Bossuet, Préf. rel. Mets la main sur ta conscience, Bossuet, Nécess. 1. Mettons la main sur nos consciences, Bossuet, Soumiss. 2. Mettez la main à la conscience, n'ai-je pas plus de droits que lui [le duc de Chevreuse] ? Saint-Simon, 299, 119.

    Elliptiquement. La main sur la conscience, en toute sincérité. Dites-nous, la main sur la conscience, si vous avez quelque chose à vous reprocher.

    Familièrement. Se mettre quelque chose sur la conscience, mettre quelque chose dans son estomac, l'avaler. Mettez ce verre de vin sur votre conscience.

    Partie ronde que le serrurier applique contre sa poitrine, quand il fait tourner un outil muni d'une mèche.

  • 5En un sens restreint, soin minutieux. J'ai fait ce travail en conscience. J'y mets de la conscience.
  • 6 Terme d'imprimerie. Travail à la journée, sans autre mesure que la conscience de l'ouvrier. Mettre un compositeur en conscience.

    Les compositeurs qui travaillent en conscience. C'est ordinairement la conscience qui corrige les tierces.

    Le lieu où ils travaillent.

HISTORIQUE

XIIe s. Sa cunscience le remorst, Rois, 216.

XIIIe s. Tu as feite moult bele fin, se ta concience est tex come la semblance, Merlin, f° 70. La coscience le roi de France fut apaisie, Chron. de Rains, p. 234. Cui conscience ne reprent, ib. p. 235. Et dit au conte [l'évêque] : ne troublez pas vostre conscience quant le patriarche ne vous absout, Joinville, 271.

XIVe s. Que dieux lui doint voloir, conscience et advis De moi ce pardonner qu'envers lui ai mespris, Guesclin. 797. Car telle conscience avoit ou [au] chevalier, Jà n'essauchast le tort, ains le volt abaissier, Baud. de Seb. VIII, 162. Et que tu t'armes volentiers ; Car c'est tes souverains mestiers ; N'autre honneur, n'autre science Qu'armes, dames et conscience, Machaut, p. 117. Que tout cil qui ne puent [peuvent] estre en religion corporelment soient en religion spirituelment ; hé biaus sire Dieu ! où sera ceste religion fondée, ceste abeie plantée ? Je di qu'ele sera fondée et plantée en une place qu'on appelle conscience, Li enseignemens de l'ame, dans Hist. litt. de la Fr. t. XXIV, p. 375.

XVe s. Sire, vous ne pouvez, à conscience, bonnement faire ce voyage, si l'Eglise n'est à un, Froissart, III, IV, 17. Il ne peut estre que en un tel ost que le roi d'Angleterre menoit, qu'il n'y ait des vilains garçons et des malfaiteurs assez et gens de petite conscience, Froissart, I, I, 272. Il [l'archevêque de Cantorbie] le [Jean Balle] faisoit grand conscience de le faire mourir, Froissart, II, II, 106. À leur despartement ils trouverent quatre nefs anglesches chargées de pourveances et de chevaux, qui s'estoient tenues au dessus de la bataille : si eurent bien conscience, quel temps ni quel tempeste qu'il fist, de prendre ces quatre vaisseaux et de les attacher aux leurs et emmener après eux, Froissart, I, I, 196. …Fouls est et fole Qui conchie [salit] sa conscience ; Tien toudis vraie ta parole, Deschamps, Il faut toujours tenir. Doulce amye, plaise vous de entendre à moy ; dire vous veulx ma conscience [vous dire ce que je pense], Perceforest, t. V, f° 54. Il luy suffist qu'elle ait Dieu, conscience et verité pour soy, et qu'elle prouffite au bien commun, Gerson, Harangue au roi Charles VI, p. 19. Il mourut assez soudainement [Mahomet II] ; touteffois il fist testament, lequel j'ay veu, et fist conscience d'ung impost que nouvellement il avoit mis sur ses subjectz, Commines, VI, 13. Il faut de ce bon vin laver sa conscience, Basselin, LII.

XVIe s. Aucuns en mangent avec ceste conscience [croyance, scrupule] comme si elles estoient dediées aux idoles, et leur conscience infirme est violée, Calvin, Instit. 962. Puis quand il eut prins sur sa conscience Broc de vin blanc, du meilleur qu'on eslise, Marot, III, 64. Mais dictesmoy en conscience, N'apprend-on sagesse ou science Qu'en livres françois seulement ? Marot, IV, 155. D'un default naturel on en faict un default de conscience, Montaigne, I, 34. Ma conscience ne falsifie pas un iota, Montaigne, I, 103. Plutarque faisoit conscience de vendre un bœuf qui l'avoit longtemps servy, Montaigne, II, 135. Il me confessera, s'il parle en conscience, que…, Montaigne, II, 227. Veu le grand nombre de personnes qui ont eu la conscience plus large que la manche d'un cordelier, Lanoue, 97. En telle guerre on n'auroit la conscience agitée d'aucun remord, Lanoue, 455. On void quelques huguenots qui font conscience de rire, Lanoue, 497. La vraye vertu se contente à par soy de la conscience d'avoir bien fait, Amyot, Préf. VI, 31. Par maniere de descharge et acquit de conscience, Amyot, Numa, 18. Tout estoit plein de ceux qui de peur faisoient conscience, D'Aubigné, Hist. I, 143. Je n'avois pas bien dormy la nuit, et sans mentir j'eusse voulu ma conscience couchée à part, D'Aubigné, Conf. II, 9. Sachans qu'ilz ne pourroyent innover les choses sans l'œuvre des grands, ils les voulurent gaigner, leur proposant liberté de conscience [de faire ce qu'ils voudraient], Condé, Mémoires, p. 641. Conserver les pauvres fideles de ce royaume en la liberté de conscience qu'il a pleu au roi leur permettre par ses edits, Condé, ib. p. 646. Et ayant trempé une rostie dedans [un breuvage], la mangea et jetta sur sa conscience tout ce qui estoit au verre, Straparole, 6e nuit, Fab. I. Quand la bourse s'estrecist, la conscience s'eslargist, Contes d'Eutrapel, p. 442, dans LACURNE. On peut user une fois l'an de sa conscience, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 363. Qui n'a conscience n'a honte ne science, Leroux de Lincy, ib. p. 397.

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Encyclopédie, 1re édition (1751)

CONSCIENCE, subst. f. (Phil. Log. Métaph.) L’opinion ou le sentiment intérieur que nous avons nous-mêmes de ce que nous faisons ; c’est ce que les Anglois expriment par le mot de consciousness, qu’on ne peut rendre en François qu’en le périphrasant.

Puisque, de l’aveu de tout le monde, il y a dans l’ame des perceptions qui n’y sont pas à son insçu ; ce sentiment qui lui en donne la connoissance, & qui l’avertit du moins d’une partie de ce qui se passe en elle, M. l’abbé de Condillac l’appelle avec raison conscience. Si, comme le veut Locke, l’ame n’a point de perceptions, dont elle ne prenne connoissance, ensorte qu’il y ait contradiction qu’une perception ne lui soit pas connue, la perception & la conscience doivent être prises pour une seule & même opération. Si au contraire il y a dans l’ame des perceptions dont elle ne prend jamais connoissance, ainsi que les Cartésiens, les Mallebranchistes & les Leibnitiens le prétendent, la conscience & la perception sont deux opérations très-distinctes. Le sentiment de Locke semble le mieux fondé ; car il ne paroît pas qu’il y ait des perceptions dont l’ame ne prenne quelque connoissance plus ou moins forte, d’où il resulte que la perception & la conscience ne sont réellement qu’une même opération sous deux noms. Entant qu’on ne considere cette opération que comme une impression dans l’ame, on peut lui conserver le nom de perception, & entant qu’elle avertit l’ame de sa présence, on peut lui donner celui de conscience. Article de M. le Chevalier de Jaucourt

Conscience, (Cas de) Voyez Cas de conscience & Casuiste.

Conscience, (Droit. nat. Mor.) acte de l’entendement, qui indique ce qui est bon ou mauvais dans les actions morales, & qui prononce sur les choses qu’on a faites ou omises, d’où il naît en nous-mêmes une douce tranquillité ou une inquiétude importune, la joie & la serenité, ou ces remords cruels si bien figurés par le vautour de la fable, qui déchiroit sans cesse le cœur de Promethée.

Ainsi la conscience, cette regle immédiate de nos actions, ce for-intérieur qui nous juge, a ses diverses modifications suivant les divers états de l’ame. Elle peut être décisive, douteuse, droite, mauvaise, probable, erronnée, irrésolue, scrupuleuse, &c. Définissons exactement tous ces mots d’après M. Barbeyrac. Ce sera remplir les vûes auxquelles cet ouvrage est principalement destiné, je veux dire, de fixer les principes les plus importans sur chaque matiere. Par rapport aux détails des diverses questions qui sont agitées sur ce sujet, le lecteur pourra consulter, s’il le juge à-propos, les écrits de Cumberland, de Pufendorf, de Titius, de Buddæus, & de Thomasius.

La conscience (pour la définir avec exactitude), est le jugement que chacun porte de ses propres actions, comparées avec les idées qu’il a d’une certaine regle nommée loi ; ensorte qu’il conclud en lui-même que les premieres sont ou ne sont pas conformes aux dernieres.

Nous disons comparées avec les idées qu’il a de la loi, & non pas avec la loi même, parce que la loi ne sauroit être la regle de nos actions qu’autant qu’on la connoît. Il ne resulte pourtant pas de-là, que chacun puisse se déterminer à faire une chose, du moment qu’il s’imagine qu’elle est permise ou prescrite par la loi, de quelque maniere qu’il se le soit mis dans l’esprit. Mais voici deux regles très-faciles, & que les plus simples peuvent & doivent suivre dans chaque occasion particuliere.

I. Avant que de se déterminer à suivre les mouvemens de la conscience, il faut bien examiner si l’on a les lumieres & les secours nécessaires pour juger de la chose dont il s’agit ; car si l’on manque de ces lumieres & de ces secours (& en ce cas-là il ne faut que la bonne foi & le sens commun pour s’en convaincre), on ne sauroit rien décider, moins encore rien entreprendre, sans une témerité inexcusable & très-dangereuse. On peut appliquer cette regle à tant de gens qui prennent parti sur des disputes de la Religion, ou sur des questions difficiles de Morale, de Politique, sur des matieres de Droit, des procès delicats, des traitemens de maladies compliquées, &c.

II. Supposé qu’en général on ait les lumieres & les secours nécessaires pour juger de la chose dont il s’agit, il faut voir si l’on en a fait usage actuellement, ensorte qu’on puisse se porter sans autre examen à ce que la conscience suggere. Dans le Négoce, par exemple, & dans les autres affaires de la vie civile, on se laisse aller tranquillement à des obliquités & des injustices, dont on verroit aisément la turpitude si l’on faisoit attention à des principes très-clairs, dont on ne peut s’écarter, & que l’on reconnoît d’ailleurs en général.

Comme il est nécessaire de distinguer entre le jugement que l’ame porte avant l’action, & celui qu’elle porte après l’action, on a nommé ces deux choses en termes scholastiques assez commodes, conscience antécedente & conscience subséquente. Il n’y a quelquefois dans les actions que le dernier de ces jugemens, lorsque, par exemple (ce qui est assez ordinaire), on se détermine à agir sans examiner ni penser seulement si l’on fera bien ou mal.

Quand les deux jugemens ont été produits par rapport à une seule & même action, ils sont quelquefois conformes, ce qui arrive lorsque l’on a agi contre ses lumieres ; car alors on se condamne encore plus fortement après l’action : il y a peu de gens qui, ou acquierent en si peu de tems des lumieres capables de leur persuader que ce qu’ils croyent mauvais est légitime, ou révoquent si-tôt leur propre sentence en matiere d’une chose effectivement contraire à la loi. Quelquefois aussi il y a de la diversité dans ces jugemens, ce qui a lieu, ou lorsque l’on s’est déterminé à quelque chose sans une pleine & entiere délibération, soit par passion ou par précipitation, de maniere qu’on n’a pas eu la liberté d’envisager suffisamment la nature & les suites de l’action ; ou lorsque, quoiqu’on ait agi avec une pleine délibération, on s’est déterminé sur un examen très léger ; car l’idée de la chose faite frappe plus vivement que l’idée de la chose à faire, & les réflexions viennent commencer ou achever après coup l’examen.

Voici les divers actes du jugement anticipé, selon les différens états où l’ame se trouve alors.

La conscience est ou décisive ou douteuse, selon le degré de persuasion dans lequel on est, au sujet de la qualité de l’action à faire. Quand on prononce décisivement que telle ou telle chose est conforme ou contraire à la loi, c’est une conscience décisive qui doit être divisée en démonstrative & probable.

La conscience démonstrative est celle qui est fondée sur des raisons démonstratives, autant que le permet la nature des choses morales ; & par conséquent elle est toûjours droite ou conforme à la loi. La conscience probable est celle qui n’est fondée que sur des raisons vraissemblables, & qui par conséquent est ou droite ou erronée, selon qu’il se trouve que l’opinion en elle-même est ou n’est pas conforme à la loi.

Lorsque l’on agit contre les mouvemens d’une conscience décisive, ou l’on se détermine sans aucune répugnance, & alors c’est une conscience mauvaise qui marque un grand fonds de méchanceté, ou bien on succombe à la violence de quelque passion qui flatte agréablement, ou à la crainte d’un grand mal, & alors c’est un péché de foiblesse, d’infirmité. Que si l’on suit les mouvemens d’une conscience décisive, ou l’on se détermine sans hésiter & avec plaisir, & alors c’est une bonne conscience, quand même on se tromperoit, comme il paroît par l’exemple de S. Paul, Act. xxiij. 1. ou bien on agit avec quelque répugnance, & alors, quoique l’action en elle-même soit bonne, elle n’est point réputée telle à cause de la disposition peu convenable qui l’accompagne.

Les fondemens de la conscience probable véritablement telle, sont l’autorité & l’exemple soutenus par un certain sentiment confus de la convenance naturelle qu’il y a dans les choses qui font la matiere de nos devoirs, & quelquefois aussi par des raisons populaires qui semblent tirées de la nature des choses. Comme tous ces fondemens ne sont pas si solides, qu’on ait lieu de s’y reposer absolument, il ne faut s’en contenter que quand on ne peut faire mieux ; & ceux qui se conduisent par une telle conscience, doivent employer tous leurs efforts pour augmenter le degré de vraissemblance de leurs opinions, & pour approcher autant qu’il est possible de la conscience démonstrative.

La conscience douteuse, que nous avons opposée à la décisive, est ou irrésolue ou scrupuleuse. La conscience irrésolue, c’est lorsqu’on ne sait quel parti prendre à cause des raisons qui se présentent de part & d’autre. sinon parfaitement égales, du moins telles qu’il n’y a rien d’un côté ni d’autre qui paroisse assez fort pour que l’on fonde là-dessus un jugement sûr. Dans un tel cas quelle conduite faut-il tenir ? La voici : Il faut s’empêcher d’agir tant que l’on ne sait pas si l’on fera bien ou mal. En effet, lorsque l’on se détermine à agir avant que les doutes qu’on avoit soient entierement dissipés, cela emporte ou un dessein formel de pécher, ou du moins un mépris indiscret de la loi, à laquelle il peut arriver que l’action se trouve effectivement contraire.

La conscience scrupuleuse est produite par des difficultés très-legeres ou frivoles, qui s’élevent dans l’esprit, pendant qu’on ne voit de l’autre côté aucune bonne raison de douter. Comme le scrupule ne vient d’ordinaire que d’une fausse délicatesse de conscience, ou d’une grossiere superstition, on en sera bientôt délivré, si l’on veut examiner la chose sérieusement & dans toutes ses faces.

Liberté de conscience. Entre plusieurs questions que l’on fait au sujet de la conscience errante, il y en a quatre de grande importance sur lesquelles on ne sauroit se refuser de dire un mot : les autres pourront se décider d’après les mêmes principes.

I. On demande, si celui qui se trompe est obligé de suivre les mouvemens de sa conscience. On répond que oüi, soit que l’erreur soit invincible ou vincible : car dès-là qu’on est fermement persuadé, comme nous le supposons, qu’une chose est prescrite ou défendue par la loi, on viole directement le respect dû au législateur, si l’on agit contre cette persuasion, quoique mal fondée.

II. Mais s’ensuit-il de-là que l’on soit toûjours excusable, en suivant les mouvemens d’une conscience erronée ? Nullement : cela n’a lieu que quand l’erreur est invincible.

III. Un homme peut-il juger du principe des erreurs d’un autre homme en matiere de conscience ? C’est la troisieme question, sur laquelle on répondra d’abord, qu’il n’est pas toûjours absolument impossible aux hommes de savoir si quelqu’un est dans l’erreur de mauvaise foi, ou s’il se fait illusion à lui-même : mais pour porter un tel jugement, il ne faut pas moins que des preuves de la derniere évidence ; & il arrive rarement que l’on ait de si fortes preuves. Je ne sai si on pourroit rapporter à ceci l’erreur autrefois si commune chez les Grecs & les Romains, de ceux qui croyoient qu’il étoit permis à un pere ou une mere d’exposer leurs enfans. Mais il semble du moins qu’on y peut rapporter une autre erreur presque aussi grossiere des Juifs du tems de Jesus-Christ, qui la leur reproche fortement. Marth. xv. 4-5. Car on a de la peine à concevoir que des gens qui avoient la loi de Moyse si claire & si expresse sur la nécessité d’honorer & d’assister un pere ou une mere, pussent de bonne foi être persuadés qu’on étoit dispensé de ce devoir par un vœu téméraire, ou plûtôt impie.

Pour ce qui est de savoir si l’erreur d’un homme qui se trompe de bonne foi est vincible ou invincible, il faut convenir que, mettant à part les principes les plus généraux du droit naturel, & les vérités dont les Chrétiens, quoique divisé, en différentes sectes, sont convenus de tout tems, tout le reste est de nature, qu’un homme ne peut sans témérité juger en aucune maniere du principe de l’ignorance, & des erreurs d’autrui : ou s’il peut dire en général qu’il y a des circonstances qui rendent vincibles telles ou telles erreurs, il lui est extrèmement difficile de rien determiner là-dessus par rapport à quelqu’un en particulier, & il n’est jamais nécessaire qu’il le fasse.

IV. La derniere question est si en conséquence du jugement que l’on fait de l’ignorance ou des erreurs d’autrui en matiere de conscience, on peut se porter à quelque action contre ceux que l’on croit être dans cette ignorance ou dans ces erreurs ? Ici nous répondons que lorsque l’erreur ne va point à faire ou à enseigner des choses manifestement contraires aux lois de la société humaine en général, & à celles de la société civile en particulier, l’action la plus convenable par rapport aux errans, est le soin charitable de les ramener à la vérité par des instructions paisibles & solides.

Persécuter quelqu’un par un motif de conscience, deviendroit une espece de contradiction ; ce seroit renfermer dans l’étendue d’un droit une chose qui par elle-même détruit le fondement de ce droit. En effet, dans cette supposition on seroit autorisé à forcer les consciences, en vertu du droit qu’on a d’agir selon sa conscience. Et il n’importe que ce ne soit pas la même personne dont la conscience force, & est forcée : car outre que chacun auroit à son tour autant de raison d’user d’une pareille violence, ce qui mettroit tout le genre humain en combustion, le droit d’agir selon les mouvemens de la conscience, est fondé sur la nature même de l’homme, qui étant commune à tous les hommes, ne sauroit rien autoriser qui accorde à aucun d’eux en particulier la moindre chose qui tende à la diminution de ce droit commun. Ainsi le droit de suivre sa conscience emporte par lui-même cette exception, hors les cas où il s’agiroit de faire violence à la conscience d’autrui.

Si l’on punit ceux qui font ou qui enseignent des choses nuisibles à la société, ce n’est pas à cause qu’ils sont dans l’erreur, quand même ils y seroient de mauvaise foi ; mais parce qu’on a droit pour le bien public de réprimer de tels gens, par quelques principes qu’ils agissent.

Nous laissons à part toutes ces autres questions sur la conscience qui ont été tant agitées dans le siecle passé, & qui n’auroient pas dû paroître dans des tems d’une morale éclairée. Quand la boussole donna la connoissance du monde, on abandonna les côtes d’Afrique ; les lumieres de la navigation changerent la face du commerce, il ne fut plus entre les mains de l’Italie ; toute l’Europe se servit de l’aiguille aimantée comme d’un guide sûr pour traverser les mers sans périls & sans allarmes. Voyez Tolérance. Article de M. le Chevalier de Jaucourt

Conscience, conseil de conscience, (Jurisprud.) Voyez ci-après au mot Conseil.

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Étymologie de « conscience »

Provenç. conciencia, cossiencia ; espagn. conciencia ; ital. coscienza ; du latin conscientia, de cum, et scientia, science.

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Du latin conscientia, lui-même composé du préfixe con- (« avec ») et de scientia (« connaissance »).
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Phonétique du mot « conscience »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
conscience kɔ̃sjɑ̃s

Fréquence d'apparition du mot « conscience » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « conscience »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « conscience »

  • La conscience ne peut avoir tort.
    Alfred de Vigny — Chatterton
  • L'inhibition du “réflexe de sursaut” nécessite d'activer des zones corticales impliquées dans la conscience.
    Sciences et Avenir — État végétatif : un nouveau test de conscience - Sciences et Avenir
  • La conscience est la mère du vice.
    Georges Braque — Le jour et la nuit
  • Conscience collective : somme des inconsciences individuelles.
    Georges Elgozy
  • Une conscience sans scandale est une conscience aliénée.
    Georges Bataille — La Littérature et le mal, Gallimard
  • La conscience vaut mille témoignages.
    Proverbe latin
  • Une bonne conscience est un doux oreiller.
    Proverbe français
  • Une bonne conscience est une fête continuelle.
    Proverbe anglais
  • Présents dans le paysage politique fagnérot depuis 1989, Alain Biaux, ancien maire de la commune, et Denis Fénat, ont bâti la conscience écologiste de leurs administrés. Un travail qui a porté ses fruits, puisque leur liste a été réélue avec 53,3% des voix ce dimanche 28 juin.
    France 3 Grand Est — Fagnières, seule commune écolo de Champagne-Ardenne, où la conscience environnementale ne s'est pas faite en un jour
  • Le bonheur, fruit de la conscience épanouie.
    Roger Fournier — Les sirènes du Saint-Laurent
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Images d'illustration du mot « conscience »

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Traductions du mot « conscience »

Langue Traduction
Anglais awareness
Espagnol conciencia
Italien coscienza
Allemand bewusstsein
Chinois 意识
Arabe وعي - إدراك
Portugais consciência
Russe сознание
Japonais 意識
Basque kontzientzia
Corse a cuscenza
Source : Google Translate API

Synonymes de « conscience »

Source : synonymes de conscience sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « conscience »

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Conscience

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