La langue française

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Langue

Variantes Singulier Pluriel
Féminin langue langues

Définitions de « langue »

Trésor de la Langue Française informatisé

LANGUE, subst. fém.

I. − [La langue comme organe]
A. −
1. Organe musculeux, mobile, généralement allongé, situé dans la cavité buccale. Les Batraciens ont la langue fixée en avant à l'arc du menton, et libre en arrière (Cuvier, Anat. comp., t. 3, 1805, p. 276).Il [un serpent] faisait bruire ses anneaux sur les dalles, gonflait sa gorge, dardait sa langue fourchue (Gautier, Rom. momie,1858, p. 323).Une sorte de glace dont la pulpe feuilletée crisse sous la langue (Farrère, Homme qui assass.,1907, p. 116).Il se mit à rouler sa cigarette, la lécha d'un coup de langue (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 179).Elle s'est réveillée tristement, avec le bruit de la pluie dans les vitres et cette vague angoisse sous la langue qui donne à la salive un goût fade et miellé (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1427).V. bouche ex. 22 :
1. Ce baiser ne finira plus. Il semble qu'il y ait sous la langue de Chrysis, non pas du miel et du lait comme il est dit dans l'Écriture, mais une eau vivante, mobile, enchantée. Et cette langue elle-même, multiforme, qui se creuse et qui s'enroule, qui se retire et qui s'étire, plus caressante que la main, plus expressive que les yeux, fleur qui s'arrondit en pistil ou s'amincit en pétale, chair qui se raidit pour frémir ou s'amollit pour lécher, Chrysis l'anime de toute sa tendresse et de sa fantaisie passionnée... Louÿs, Aphrodite,1896, p. 182.
SYNT. Bords, base, faces, pointe, sommet de la langue; muscles, muqueuse, papilles de la langue; cancer, inflammation, tumeur, ulcération de la langue; claquement de langue; avoir la langue pâteuse, rouge, sèche, la langue pendante; passer sa langue sur les/ses lèvres; humecter, mouiller ses lèvres de (avec) sa langue.
Loc. ou expr.
a) Langue + adj.
Langue chargée* (v. ce mot II A 2 a).Langue mauvaise* ou mauvaise langue. Langue blanche. La langue est blanche, un peu rouge à la pointe et aux bords (Cadet de Gassicourt, Mal. enf., t. 1, 1880, p. 87).
b) [Langue en fonction de compl. du nom]
Tractions* de la langue.
CHASSE, MAN. Aide de la langue (v. aide1II B 6).Appel de la langue (v. appel B 1 a rem.)
c) Verbe + langue
Avaler sa langue. Mourir. Trois mille francs! Qu'est-ce que vous voulez qu'on fiche avec ça? Il n'y aurait pas six jours de pain, et si l'on comptait sur des étrangers, des gens qui habitaient l'Angleterre, on pouvait tout de suite se coucher et avaler sa langue (Zola, Germinal,1885, p. 1285).
Avoir soif à avaler sa langue. Avoir très soif.
Ennuyeux à avaler sa langue; s'ennuyer à avaler sa langue; avaler sa langue; s'avaler la langue d'embêtement, d'ennui. [En parlant d'une chose] Qui provoque un grand ennui; s'ennuyer extrêmement. Deux créatures qui ne se conviennent pas, pourraient aller chacune de son côté; eh! bien, faute de quelques pistoles, il faut qu'elles restent là en face l'une de l'autre à se bouder, à se maugréer, à s'aigrir l'humeur, à s'avaler la langue d'ennui (Chateaubr., Mém., t. 4, 1848, p. 31).Je m'ennuie ici [à Paris] à avaler trois langues, si je les avais (Sand, Corresp., t. 3, 1863, p. 367).Ils blaguaient les camarades, les convaincus, qui allaient avaler leur langue d'embêtement (Zola, Germinal,1885p. 1344).
Tirer la langue (à qqn). Faire sortir sa langue de la bouche en direction de quelqu'un pour se moquer, pour narguer. Quand elle était assurée de ne plus figurer aux yeux de la gouvernante qu'une quille bleuâtre au bout de la longue allée, elle lui adressait un pied de nez ou lui tirait la langue (Boylesve, Leçon d'amour,1902, p. 74).P. méton. Narguer. Il faut bien s'amuser un peu et tirer la langue à la mort qui nous surveille et nous recommande de ne prendre ni froid ni chaud. Quelle gouvernante! Quelle colle! (Cocteau, Appogiatures,1953, p. 95).
Tirer la langue. Avoir très soif. On tire la langue dans la grange, et les Maloret tirent la langue dans le plein soleil à finir de moissonner (Aymé, Jument,1933, p. 178).
Au fig. Désirer ardemment quelque chose; être dans le besoin. Il n'a rien pour lui. Je ne le voudrais pas dans ma chambre en peinture. Et tu te ruines pour un oiseau pareil; oui, tu te ruines, ma chérie, tu tires la langue (Zola, Nana,1880, p. 1309).
CHASSE, MAN. Donner de la langue. Appeler, exciter (un chien, un cheval) par des claquements de langue.
d) En partic. [La langue de certains animaux utilisée comme aliment] Langue fumée; langue de bœuf, langues de mouton braisées, langue de veau à la vinaigrette. Sa voisine de droite se trouva à demi étouffée, d'une langue de mouton, que sottement elle s'était mis dans la tête d'avaler (Michaux, Plume,1930, p. 172).
Langue fourrée (v. fourré II B 1).
Langue à l'écarlate (v. écarlate II B 2 b).
2. [P. anal. de forme] Elles [les vagues] en jaillissaient en un torrent d'écume nouvelle qui se dressait comme des langues furieuses jusqu'au sommet du rocher (Lamart., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 94).Une autre porte (...) recula soudain (...) et presque aussitôt de maigres langues de lumière se répandirent dans une chaude salle à plafond bas (Cladel, Ompdrailles,1879, p. 358).La cheminée trop large où le bois siffle et crache avant de pousser vers le haut une mince langue de flamme, fourchue comme celle d'une vipère (Bernanos, Crime,1935, p. 848).Le petit garçon à côté de vous mord violemment dans un morceau de pain coupé en deux d'où dépasse une langue de jambon (Butor, Modif.,1957, p. 90).
Langue de feu. Flamme allongée. Venez, Rome à vos yeux va brûler, − Rome entière! (...) Déjà l'incendie, hydre immense, Lève son aile sombre et ses langues de feu (Hugo, Odes ball.,1828, p. 324).Déjà ses langues de feu s'allongeaient en tournoyant jusqu'au clocher (Feuillet, Bellah,1850, p. 319).
THÉOL. Langue de feu (de la Pentecôte). ,,Manifestation théophanique de la descente de l'Esprit-Saint sur les Apôtres le jour de la Pentecôte`` (Foi t. 1 1968). Dans nos mains, sur nos fronts, fais resplendir, ô Dieu! Tes glaives flamboyants et tes langues de feu! (Hugo, Cromw.,1827, p. 331).Et quelque mille ans plus tard, c'est toi qui retombais en langues de feu sur les Apôtres rassemblés dans ton église (Cendrars, Du monde entier,1919, p. 82).Pourquoi ne pas éteindre aussi les « langues de feu » de la Pentecôte? C'est d'ailleurs peine perdue. Nous ne pouvons naturellement pas décrire ce feu (Bremond, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 367).
Langue de terre, de sable. Bande de terre allongée et étroite. Le hardi montagnard défrichant quelques langues de terre entre les fentes des roches inclinées (Dusaulx, Voy. Barège, t. 1, 1796, p. 55).Entre la mer et le ciel (...) s'avance une mince langue de terre couronnée d'un monastère en ruine (Artaud, Théâtre et son double,1938, p. 43).La langue de terre qui joignait au gros de l'île la pointe des parcelles (Queffélec, Recteur,1944, p. 33):
2. Sans même que j'eusse pris conscience du chemin parcouru, j'étais parvenu sur la mince langue de sable qui barrait la lagune et longeait le front de mer. Au milieu de ces eaux toutes vernissées de lune, et hérissée de ses joncs, elle s'allongeait devant moi comme un long liséré de fourrure sombre, et courait se perdre dans un horizon rapproché par la nuit. Gracq, Syrtes,1951, p. 44.
GÉOMORPHOL. Langue glaciaire. Partie inférieure, de forme allongée, d'un glacier. La langue glaciaire (...) présente à la fois de la glace de structure très évoluée (...) et d'abondantes moraines superficielles; elle est le siège des mouvements les plus rapides du glacier et (...) responsable des formes de la vallée glaciaire (George1970).
Langue de glacier. Extension d'un glacier flottant sur la mer. Dans l'Antarctique, les langues de glacier peuvent atteindre plusieurs dizaines de kilomètres (Villen. 1974).
En partic. [Suivi d'un compl. prép. de désignant un animal]
a) [Désigne des plantes, dans la langue courante] Langue d'agneau (plantain); langue de cerf (scolopendre); langue de cheval (dragon); langue de chien (cynoglosse).
b) [Désigne des outils] Langue-de-bœuf, langue-de-carpe, langue-de-vache (v. ces mots).
c) [Désigne un gâteau] . Langue-de-chat (v. ce mot).
B. −
1. [La langue comme organe de la parole] On peut considérer la langue de l'homme, dans le mécanisme de la parole, comme la corde qui lance d'elle-même la flèche qu'on y a ajustée (Joubert, Pensées, t. 1, 1824, p. 148).Il était étonné de sa manière singulière de remuer la langue en prononçant les mots (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 268).À la moindre phrase qu'il avait à prononcer, sa langue s'embarrassait dans sa bouche, sa pensée s'obscurcissait (Billy, Introïbo,1939, p. 243):
3. La conversation devint générale. De temps en temps, madame Rabourdin y mit la langue comme une chatte bien apprise met la patte sur les dentelles de sa maîtresse, en veloutant ses griffes. Balzac, Employés,1837, p. 210.
a) Loc. et expr.
Verbe + langue
Avaler sa langue. Garder obstinément le silence. La petite avalerait sa langue plutôt que de révéler à Michel... (Cocteau, Par. terr.,1938, I, 8, p. 219).
Avoir bien de la langue (vx) (Ac.); avoir la langue bien (trop) longue. Parler trop, ne pas se taire à propos. Ne te fâche pas : tu as eu la langue trop longue, mais de toutes les obsessions, celle du suicide est la plus facile à dépister... (...) chacun de vos muscles nous fait ses confidences, malgré vous, à votre insu (Bernanos, Joie,1929, p. 651).
N'avoir pas (point, plus) de langue. Ne pas (plus) parler. Il est flambé, le nôtre [un lutteur], s'il s'obstine à louvoyer ainsi contre ce félon! Et Blas, ne pouvant admettre cette éventualité, répondait, toujours confiant : − Il gagnera! Le public, lui, n'avait plus de langue et fixait l'œil sur les forcenés (Cladel, Ompdrailles,1879, p. 284).
Ne pas avoir la langue dans sa poche. Avoir la répartie vive. Avoir la langue dans sa poche. Ne pas avoir de répartie. En tout cas s'il ne trouve pas cela (une plaisanterie) trop fort de café, c'est peut-être qu'il a sa langue dans sa poche et du jus de navet dans les veines (Avenel, Calicots,1866, p. 43).
Avoir la langue acérée, (bien) affilée (v. ce mot II A 2 a), bien pendue. Parler beaucoup, facilement; avoir la parole facile et vive. Il avait la langue bien pendue, la réponse facile, et il était enclin aux longs récits (Genevoix, Raboliot,1925, p. 119).Tu as la langue bien pendue, tu peux discuter des heures avec Cazau au sujet de la volaille ou du potager. Avec les enfants, même les plus petits, tu jacasses et bêtifies des journées entières (Mauriac, Nœud vip.,1932, p. 17).
Avoir la langue dorée (vieilli). Parler facilement, élégamment, de façon habile et ornée, généralement trompeuse. Il m'avait entièrement ensorcelé (...). Les mots : honneur, vertu, comtesse, femme honnête, malheur, s'étaient, grâce à sa langue dorée, placés comme par magie dans ses discours (Balzac, Gobseck,1830, p. 407).Le joyeux Marius était bien l'amoureux qui devait plaire à cette ingénue. Intrépide danseur et bon vivant, ayant la mine fleurie et la barbe touffue, l'œil hardi et la langue dorée (Theuriet, Mar. Gérard,1875, p. 191).
P. méton. Une langue dorée. Personne qui parle facilement, élégamment, généralement de façon trompeuse. Est-ce à dire que je vais prendre au pied de la lettre et louer pour leur générosité (...) les plumes de cygne ou les langues dorées qui me prodiguent et me versent ces merveilles morales et sonores? (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 3, 1862, p. 29).
Avoir la langue grasse (vx). ,,Avoir la langue épaisse (...) mal prononcer certaines consonnes, et notamment les R`` (Ac.).
Brûler la langue (à qqn). [Le suj. désigne un acte de parole que le locuteur a envie de réaliser] Ça lui brûle la langue (Rey-Chantr.Expr.1979).
Délier, dénouer la langue (à, de qqn). Faire parler quelqu'un. Il avait fallu la mort pour délier les langues, tant Albertine gardait dans sa conduite, comme cette jeune femme même, de prudente circonspection (Proust, Fugit.,1922, p. 650).Nul n'ignorait à Mégère que l'alcool déliait la langue de Mathurin pour des heures, mais il buvait presque toujours seul, et ne parlait guère qu'à un cheval (Bernanos, Crime,1935, p. 779).
Emploi pronom. passif. La mort laisse le mort sans défense contre ce qu'il parut être. Les craintes révérentielles s'évanouissent. Les langues se délient. Les souvenirs (et vous pensez bien que ce ne sont pas toujours les souvenirs les plus dignes) sortent des mémoires malicieuses (Valéry, Variété IV,1938, p. 22).
Donner, jeter sa langue au(x) chat(s), au(x) chien(s). Renoncer à deviner quelque chose. Je donne ma langue aux chiens, j'avoue mon insuffisance et je m'obstine à ne pas pénétrer pourquoi le baron de Storch (...) n'a plus la confiance du pays (Gobineau, Pléiades,1874, p. 106).Je croyais avoir un certain flair, et quand je m'étais dit : sûrement non, n'avoir pas pu me tromper. Hé bien, j'en donne ma langue aux chats (Proust, Prisonn.,1922, p. 306).Lucciana : C'est un rébus? Silvio : Écoute : des navigateurs sont partis du sud de l'Espagne vers le soleil couchant. Ils fileront toutes voiles dehors, toujours droit devant eux, et, un matin, leurs voiles apparaîtront entre les îles grecques. Lucciana : Je donne ma langue au chat (Salacrou, Terre ronde,1938, I, 4, p. 162).
Donner du plat* de la langue à qqn. Faire merveille du plat* de la langue.
Garder, tenir sa langue. Se taire à propos. Gavard n'avait pu tenir sa langue, contant peu à peu toute l'histoire de Cayenne (Zola, Ventre Paris,1873, p. 746).Elle le supplia de dire quelque chose pour elle. Le prêtre s'était levé. Pas de singeries dans le presbytère. Thomas ferait mieux de garder sa langue, il en aurait besoin plus tard... (Queffélec, Recteur,1944, p. 209).
Se mordre la langue. Se retenir de parler (généralement par crainte de dire quelque chose qu'il vaut mieux éviter de dire dans les circonstances données). Un coup d'œil jeté sur le fermier, la rassura : il ne savait rien, le vieux s'était mordu la langue (Zola, Terre,1887, p. 102).
Se repentir vivement d'avoir parlé. Je n'ai pas eu plutôt lâché cette parole que je m'en suis mordu la langue (Ac.1935).
Prendre langue (avec qqn). Prendre contact avec quelqu'un, entrer en pourparlers. Ludovic connaissait à Bologne deux ou trois domestiques de grandes maisons; il fut convenu qu'il irait prendre langue auprès d'eux (Stendhal, Chartreuse,1839, p. 194).L'amiral chargea cet homme banni [un forçat irréductible] d'aller prendre langue avec les anthropophages (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 181).
Langue + verbe
La langue lui démange. Il a envie de parler, de dire quelque chose. Il avait appris en se levant l'aventure du bal des saules, et il aurait aimé à en régaler le chevalier (...). La langue lui démangeait fort, mais d'un autre côté il était retenu par la crainte des orageuses colères de M. de Seigneulles (Theuriet, Mar. Gérard,1875, p. 21).Le sabotier s'émerveillait de la curiosité de Thomas pour ce qui concernait l'Église. Une fois la langue lui démangeait trop, il interrogea son élève : « Tu veux être prêtre? » L'autre nia (Queffélec, Recteur,1944p. 142).
Avoir la langue qui fourche. Dire un mot pour un autre. Une mère!... La langue m'a fourché... Gendarme, vous êtes une mère! (Courteline, Gend. sans pitié,1899, 3, p. 180).
Sa langue va comme un claquet* de moulin
Avoir qqc. sur la langue
Avoir un bœuf sur la langue (v. bœuf C 2).Ne pas parler, ne pas donner son opinion. Il ne pensait point par ordre, n'avait pas de bœuf sur la langue comme les autres officiers d'active qui s'asseyaient autour de cette table. En toute circonstance, il prenait position. On sentait chez lui l'habitude de dire à peu près ce que bon lui semblait (Vercel, Cap. Conan,1934, p. 41).
Avoir un cheveu sur la langue. Zézayer légèrement.
Avoir un mot (une phrase, une question) sur (le bout de) la langue, au bout de la langue. Être sur le point de dire quelque chose et se retenir de le dire. Au fait, nous dévions. J'avais une question sur le bout de la langue : Vous êtes un peu amoureux de Maria, n'est-ce pas? (Farrère, Homme qui assass.,1907, p. 177):
4. On avait vu cet homme, à cinquante ans passés, rougir comme une jeune fille au moment où il disait à une certaine personne que, dans la difficulté, elle pourrait compter sur lui. Encore, pour lui dire cela, avait-il dû se vaincre; il était venu la voir deux fois déjà dans le but de le lui dire, mais chaque fois, les mots sur la langue, n'avait pas osé, avec la même gêne et la même honte, exactement, que s'il s'était agi pour lui non d'offrir cet argent, mais de le demander. Montherl., Célibataires,1934, p. 804.
Avoir le sentiment qu'on est prêt à trouver un mot qui échappe. J'ai son nom au bout de la langue (A. Daudet, Jack, t. 1, 1876, p. 9).Le nom lui trotte dans la tête, elle l'a sur le bout de la langue − mais elle ne peut pas mettre la main dessus (P. Daninos, Un certain Monsieur Blot,p. 62 ds Rey-Chantr. Expr. 1979).
b) Proverbes
Beau parler n'écorche point la langue (vx). ,,Il est toujours bon de parler honnêtement et civilement`` (Ac.).
(Il faut) tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler, de répondre, de dire qqc. Il faut réfléchir longuement avant de parler. Personne ne comprit goutte à mon exposé et je me vis, pour finir, reprocher aigrement de ne pas avoir protesté avec vigueur au moment où notre cellule avait été critiquée. Sur ce point, je n'aurais pas eu besoin de tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant de répliquer que le blâme n'était que trop juste (M. Leiris, Fibrilles,p. 67 ds Rey-Chantr. Expr. 1979).
Qui langue a, à Rome va (vx). ,,Quand on sait parler, on peut aller partout`` (Ac.).
2. En partic. [P. réf. au contenu du discours] Malitourne croyait avoir enfin, une fois en sa vie, eu la langue heureuse. Mais, quand le propos heurta Madame de Matefelon et la Marquise, le maladroit reprit conscience de son destin (Boylesve, Leçon d'amour,1902, p. 115).T'es un salaud. Ma femme s'est pendue dans la grange (...). C'est toi qui as fait cela. Pas avec tes mains, sûr, avec ta langue, ta pute de langue. T'as dans la bouche tout le jus sucré du mal... (Giono, Colline,1929, p. 138).La justice devra fermer la bouche de certaines personnes dont la langue distille un venin pire que celui de la vipère (Bernanos, Crime,1935, p. 831):
5. Elle ne causait que des autres, racontait leur vie, jusqu'à dire le nombre de chemises qu'ils faisaient blanchir par mois, poussait le besoin de pénétrer dans l'existence des voisins, au point d'écouter aux portes et de décacheter les lettres. Sa langue était redoutée, de la rue Saint-Denis à la rue Jean-Jacques-Rousseau, et de la rue Saint-Honoré à la rue Mauconseil. Zola, Ventre Paris,1873, p. 668.
Avoir une mauvaise, méchante langue; avoir une langue d'aspic, de serpent, de vipère. Tenir des propos calomniateurs, médisants. Cette petite fille a une langue de vipère, et elle a sans doute déjà bavardé... (Theuriet, Mar. Gérard,1875, p. 204).Les foudres qu'échangeaient leurs regards, le choc de leurs caprices, leurs langues méchantes (Cocteau, Enf. terr.,1929, p. 33).
P. méton. Personne qui aime à calomnier, à médire. La police avait un jour surpris, au dire des méchantes langues, le sieur Schmidt au milieu d'une bande de ses partisans (...), gambadant et chantant autour d'un amas de livres d'école auxquels ils avaient mis le feu (Gobineau, Pléiades,1874, p. 117).Entre nous, confidentiellement, je pense qu'il y aura une autopsie... par précaution, vous comprenez?... plutôt pour faire taire les mauvaises langues... (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 36):
6. Laisse dire la calomnie Qui ment, dément, nie et renie Et la médisance bien pire Qui ne donne que pour reprendre Et n'emprunte que pour revendre... Ah! laisse faire, laisse dire! Faire et dire lâches et sottes Faux gens de bien, feintes mascottes, Langues d'aspic et de vipère. Verlaine, Œuvres compl., t. 1, Odes en son honn., 1893, p. 11.
P. iron. Une bonne langue. Je ne dis pas qu'elle ne soit pas volage, et Swann lui-même ne se fait pas faute de l'être, à en croire les bonnes langues qui, comme vous pouvez le penser, vont leur train (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 467).
SYNT. Langue double, envenimée, fausse, flatteuse, médisante, venimeuse, vipérine; langue de traître.
Coup de langue. Médisance, calomnie, raillerie cruelle. Assassiner qqn à coups de langue. Hélas! Marie, il m'a fait pitié. Vous autres grandes dames, vous poignardez un homme à coups de langue (Balzac, Chouans,1829, p. 303).D'Aubigné était de cette race cassante qui ne se refuse jamais un coup de langue, et qui pour un bon mot va perdre vingt amis ou compromettre une utile carrière (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 10, 1851-62, p. 339).
II. − [La langue comme système]
A. −
1. Système de signes vocaux et/ou graphiques, conventionnels, utilisé par un groupe d'individus pour l'expression du mental et la communication. Le plus grand des crimes, c'est de tuer la langue d'une nation avec tout ce qu'elle renferme d'espérance et de génie (Nodier, Fée Miettes,1831, p. 139).La langue est le signe principal d'une nationalité (Michelet, Tabl. Fr.,1833, p. 3).Elle parla tout à coup dans une langue que je n'avais pas encore entendue. C'était des syllabes sonores, gutturales, des gazouillements pleins de charme, une langue primitive sans doute; de l'hébreu, du syriaque, je ne sais (Nerval, Filles feu, Octavie, 1854, p. 644).Elle disait : « Mamma! Oh! Mamma, mamma! » C'est un mot qui est le même dans presque toutes les langues de la terre (Mille, Barnavaux,1908, p. 206).Aventuriers pas très forts sur la grammaire, chancelant sur l'orthographe d'une langue encore instable, mais qui écrivaient comme ils parlaient, les bougres, parce qu'ils étaient des grands vivants, ne faisaient de rhétorique, mais avaient quelque chose à dire et le monde entier à raconter (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 15):
7. On ne distingue les sensations, qu'en leur attachant des signes qui les représentent et les caractérisent : on ne les compare, qu'en représentant et caractérisant également par des signes, ou leurs rapports, ou leurs différences. Voilà ce qui fait dire à Condillac qu'on ne pense point sans le secours des langues, et que les langues sont des méthodes analytiques : mais il faut ici donner au mot langue [it. ds le texte], le sens le plus étendu. Pour que la proposition de Condillac soit parfaitement juste, ce mot doit exprimer le système méthodique des signes par lesquels on fixe ses propres sensations. Cabanis, Rapp. phys. et mor., t. 1, 1808, p. 61.
Loc. et expr.
Langues anciennes, mortes. Langues qui ne sont plus en usage. Il consacre [Roger Bacon] la troisième partie de l'opus majus à l'utilité de l'étude des langues anciennes (grec, arabe, hébreu) (Renan, Avenir sc.,1890, p. 504):
8. On sait un latin, ou, plutôt, on fait semblant de savoir un latin, dont la version du baccalauréat est la fin dernière et définitive. J'estime, pour ma part, que mieux vaudrait rendre l'enseignement des langues mortes entièrement facultatif (...) et dresser seulement quelques élèves à les connaître assez solidement, plutôt que de les contraindre en masse à absorber des parcelles inassimilables de langages qui n'ont jamais existé... Valéry, Variété III,1936, p. 278.
Langue artificielle (v. ce mot ex. 7).
Langues classiques. Langues latine et grecque. Il ne parlait que l'anglais − et peut-être les langues classiques : car un petit Platon en grec (...) sortait de la poche (...) de son blazer (Malraux, Espoir,1937, p. 479).
Langues étrangères, ou p. ell. du déterm., les langues. Langues vivantes étrangères. Cours, école de langues; enseignement des langues; maître (vieilli), professeur de langues; apprendre, étudier les langues; avoir le don des langues, être doué pour les langues. Il est permis de profiter des idées et des images exprimées dans une langue étrangère, pour en enrichir la sienne (Chateaubr., Mém., t. 1, 1848, p. 515).La fille du colonel Jean savait un peu de français et d'anglais (...). J'ai su plus tard que sa famille comptait sur nous pour la perfectionner dans les langues étrangères (About, Roi mont.,1857, p. 36).
Langue internationale. Langue utilisée ou créée pour permettre la communication entre des personnes de langues différentes. Le latin du Moyen Age était encore bien vivant : on pouvait traiter des affaires, bavarder, plaisanter, se disputer, jurer en latin! Il restait en outre la langue littéraire la plus pratiquée de l'Occident, et sa langue internationale la plus utile (P. Burney, Les Langues internationales, Paris, P.U.F., 1962, p. 12).
Langue maternelle. Première langue apprise par une personne (généralement celle de la mère). Il suffit (...) à un enfant d'apprendre sa langue maternelle par l'usage, et la lecture des bons écrivains; il en étudiera les règles quand son jugement sera formé (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 306).L'idée lui vint de forcer tous les élèves de son étude à ne lui répondre qu'en latin; et il persista dans cette résolution, jusqu'au moment où ils furent capables de soutenir avec lui une conversation entière comme ils l'eussent fait dans leur langue maternelle (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Quest. du lat., 1886, p. 566).
Langue nationale. Langue d'un groupe ethnique dont l'usage est reconnu légalement dans et par l'État auquel ce groupe appartient. Les dialectes, (...) les patois viennent se résoudre en une seule et même langue nationale (Durkheim, Divis. trav.,1893, p. 163).
Langue officielle. Langue dont l'emploi est reconnu dans un État ou un organisme pour la rédaction des textes officiels. Les langues officielles de la cour sont le français et l'anglais (Charte Nations Unies,1946, p. 123).En Hongrie, l'effervescence demeura très vive en 1790. Des centaines de pamphlets réclamaient, au nom du « peuple », le rétablissement du régime représentatif et l'adoption du magyar comme langue officielle (Lefebvre, Révol. fr.,1963, p. 205).
Langue sacrée, liturgique, religieuse. Langue utilisée pour l'exercice d'un culte religieux. Les religions, qui durent plus que les races humaines, conservent leur langue sacrée quand les peuples ont perdu les leurs (Lamart., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 107).
Langue seconde (p. oppos. à langue maternelle). Un élève apprendra d'autant mieux un type de structure ou d'emploi en langue seconde qu'il en aura préalablement compris les principes en langue maternelle (E. Roulet, Lang. maternelle et lang. secondes, Paris, Hatier-Credif, 1980, p. 10).
Langue vivante. Langue actuellement en usage. La plainte timorée de Lamennais : « On ne sait presque plus le français, on ne l'écrit plus, on ne le parle plus », − plainte qui ne veut rien dire, sinon : le français étant une langue vivante se modifie périodiquement (Gourmont, Esthét. lang. fr.,1899, p. 120).Que faut-il donc penser de l'évanouissement de vertu, puisque telle est la tendance irréfutable de la langue vivante et que telle est la misérable condition où je trouve réduit un mot qui fut des plus puissants et des plus beaux d'entre les mots (...)? (Valéry, Variété IV,1938, p. 166).
[La langue envisagée du point de vue esthétique, de ses qualités d'expression] Langue pauvre, riche; langue agréable, chantante, dure, gutturale; clarté, élégance d'une langue. La langue française n'est pas la plus abondante, mais elle est la plus riche des langues. L'abondance consiste dans le nombre des mots, la richesse dans la facilité de tout exprimer (Bonald, Législ. primit., t. 1, 1802, p. 346).Langue fluide, voltigeante et rythmée, qui donne à l'idée des chocs sonores, et fait du vocabulaire italien un livre de musique (Fromentin, Dominique,1863, p. 237).Esthétique de la langue française, cela veut dire : examen des conditions dans lesquelles la langue française doit évoluer pour maintenir sa beauté, c'est-à-dire sa pureté originelle (Gourmont, Esthét. lang. fr.,1899p. 7).Les cavaliers zézayaient à l'andalouse, langue molle, coulante et imprononcée, où on supprime les consonnes parce qu'elles demandent un peu d'effort (Montherl., Bestiaires,1926, p. 414).
En partic. Ensemble des règles de la grammaire, des règles concernant le lexique d'un système linguistique donné. Bien connaître sa langue. Je voudrais voir son figure, dit l'Anglais qui, par quelques fautes de langue, donnait parfois, sans le savoir, un tour assez plaisant à ses discours ordinairement graves (Sand, Jeanne,1844, p. 21).
LING. Système abstrait de signes (par opposition au discours, à l'énoncé ou à la parole, qui en sont l'actualisation). La langue est un système de pures valeurs que rien ne détermine en dehors de l'état momentané de ses termes (Saussure, Ling. gén.,1916, p. 116).La conception de la langue comme système, conduit à l'affirmation que « dans la langue il n'y a que des différences » et que « la langue est une forme et non une substance » (F. de Saussure) (Perrot, Ling.,1953, p. 116):
9. L'étude du langage comporte donc deux parties : l'une, essentielle, a pour objet la langue, qui est sociale dans son essence et indépendante de l'individu (...); l'autre, secondaire, a pour objet la partie individuelle du langage, c'est-à-dire la parole (...). Sans doute, ces deux objets sont étroitement liés et se supposent l'un l'autre : la langue est nécessaire pour que la parole soit intelligible et produise tous ses effets; mais celle-ci est nécessaire pour que la langue s'établisse; historiquement, le fait de parole précède toujours. Saussure, Ling. gén.,1916p. 37.
Langue commune (v. ce mot B 1).
Langue spéciale. [P. oppos. à langue courante] Langue dont le vocabulaire est propre à une activité, à un milieu. L'argot donc est la langue spéciale de la pègre, c'est-à-dire l'ensemble des mots propres aux truands, et des malfaiteurs, créés par eux et employés par eux à l'exclusion des autres groupes sociaux qui les ignorent ou ne les utilisent pas en dehors de circonstances exceptionnelles (P. Guiraud, L'Argot, Paris, P.U.F., 1958, p. 7).
Langue véhiculaire*.
Langue vernaculaire*.
Langue vulgaire. [P. oppos. à langue savante, le latin du Haut Moyen Âge jusqu'au xviies.] Langue du peuple, du quotidien. Les clercs (...) gardèrent l'usage du latin (...). Dédaignés des gens instruits, les écrits en langue vulgaire ne s'adressaient guère qu'aux ignorants (France, Vie littér.,1890, p. 270).Descartes revient (...) à chaque instant sur cette idée que ses preuves de l'existence de Dieu dans le Discours ne valent rien parce qu'en un ouvrage écrit en langue vulgaire, où il a voulu que les femmes mêmes pussent entendre quelque chose, il n'a pas osé pousser assez loin les raisons des sceptiques (Lacroix, Marxisme, existent., personn.,1949, p. 90).
[Les langues classées d'après leurs caractères distinctifs apparents] Langues analytiques*, synthétiques*; langues analogues*, transpositives*, inversives*; langues isolantes*, incorporantes*, agglutinantes*; langues formatives*, flexionnelles*.
[Les langues classées d'après leur parenté] Langues indo-européennes, germaniques, néo-latines, romanes, slaves; langues orientales, dravidiennes, tibéto-birmanes :
10. ... une langue qui a évolué dans la discontinuité géographique présente vis-à-vis des langues parentes un ensemble de traits qui n'appartiennent qu'à elle, et quand à son tour cette langue s'est fractionnée, les divers dialectes qui en sont sortis attestent par des traits communs la parenté plus étroite qui les relie entre eux à l'exclusion des dialectes de l'autre territoire. Saussure, Ling. gén.,1916, p. 289.
Langue mère, primitive, source. Langue qui est à l'origine d'autres langues (qui en sont dérivées). Langue fille, dérivée. Langue issue d'une autre langue. Langues sœurs. Langues dérivées d'une même langue mère. Nos langues européennes, qui ne sont que des dialectes de langues primitives (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 338).Il n'en est pas du langage comme de l'humanité : la continuité absolue de son développement empêche d'y distinguer des générations, et Gaston Paris s'élevait avec raison contre la conception de langues filles et de langues mères, parce qu'elle suppose des interruptions (Saussure, Ling. gén.,1916p. 296):
11. Appliqué aux choses linguistiques, le terme de parenté est ambigu et a souvent induit en erreur des gens peu avertis des faits du langage. Certains linguistes même, ce qui est moins excusable, ont parfois pris au sérieux un simple terme métaphorique et ont dressé pour les langues des tableaux généalogiques (...). On s'est cru dès lors autorisé à dire que le français par exemple ou l'italien étaient nés du latin, et à parler de langues mères, et de langues filles, et de langues sœurs. Terminologie fâcheuse, parce qu'elle donne une idée fausse du rapport des langues entre elles. Il n'y a rien de commun entre la « parenté » des langues et la filiation ou la génération, au sens physiologique de ces termes. Vendryes, Langage,1921, p. 349.
2. [Constr. avec un compl. prép. de ou un adj.]
a) [Désignant un domaine, une matière, une science ou une technique] Système de signes spécialisés appartenant à une langue donnée. Langue juridique, mathématique, scientifique; langue de la biologie, du droit, de l'économie, de la médecine. J'ai tâché d'expliquer, mieux qu'on ne l'avait encore fait suivant moi, les raisons spéciales de l'imperfection inévitable de la langue philosophique (Cournot, Fond. connaiss.,1851, p. vi).Voici deux lignes de vraie langue marine; « on cargue la brigantine, on assure les écoutes de gui; une caliourne venant du capelage d'artimon est frappée sur une herse en filin... » (Gourmont, Esthét. lang. fr.,1899, p. 90).Vouivre, en patois de Franche-Comté, est l'équivalent du vieux mot français « guivre » qui signifie serpent et qui est resté dans la langue du blason (Aymé, Vouivre,1943, p. 10).
b) [Désignant une activité, un usage, un groupe social, professionnel ou culturel] Système d'expression spécifique, particulier à un groupe de la communauté linguistique; aspect que peut prendre une langue donnée. Langue diplomatique, poétique; langue écrite, parlée; langue populaire; langue de la conversation; langue du barreau, du commerce, du théâtre. La langue du berger, du marinier, du charretier qui passe, est bien la nôtre, à quelques élisions près, avec des tournures douteuses, des mots hasardés, des terminaisons et des liaisons de fantaisie (Nerval, Filles feu,1854, p. 627).De l'emploi des grands mots dans la langue bourgeoise, par exemple cœur, − mon cœur de mère, ton cœur de fils, − appliqué à un baiser donné le soir ou à un ravaudage de chaussettes. Une langue toujours sur les échasses; à propos de rien, la solennité des mots et la solennité dramatique (Goncourt, Journal,1860, p. 842).C'est ce système que, dans la langue courante, on désigne sous le nom d'état (Durkheim, Divis. trav.,1893, p. 198):
12. ... le langage donné acquis dès notre enfance, étant l'origine statistique et commune, est généralement peu propre à exprimer les états d'une pensée éloignée de la pratique (...). De là naissent les langages techniques, − et parmi eux, la langue littéraire. On voit dans toutes les littératures apparaître, plus ou moins tard, une langue [it. ds le texte] mandarine, parfois très éloignée de la langue usuelle; mais, en général, cette langue littéraire est déduite de l'autre, dont elle tire les mots, les figures, les tours les plus propices aux effets que recherche l'artiste en belles-lettres. Valéry, Variété III,1936, p. 26.
Littér. La langue des dieux. La poésie. Les métaphysiciens d'Élée et Empédocle d'Agrigente chantèrent les mystères de la nature dans la langue des dieux (Ozanam, Philos. Dante,1838, p. 56).
c) En partic. Langue verte. Argot. Avec eux la chanson (...) parle l'argot des faubourgs. Au xviiiesiècle, elle parlait avec Vadé, le langage poissard (...). Nos nouveaux Vadé chantent en langue verte. La langue verte est expressive (France, Vie littér.,1891, p. 393).
3. En partic. Ensemble des moyens linguistiques utilisés par une personne pour exprimer une opinion, un sentiment, un état d'âme. Cette douloureuse aventure du père (...) était jetée à la face du fils avec une abondance fangeuse de détails faux, d'imaginations atroces, en une langue qui roulait l'outrage et l'ordure (Zola, Vérité,1902, p. 120).
a) [En parlant d'un écrivain] Façon particulière d'écrire. Synon. style.La langue de Corneille, de Stendhal; image propre à la langue d'un auteur; fixer des impressions dans une langue exacte, rigoureuse. Zola (...) voyait partout le diable et (...) maudissait la corruption de son temps dans une langue obscène et hyperbolique (Lemaitre, Contemp.,1885, p. 266).Exprimer, dans une langue à la fois élégante et précise, qu'un reflet de soleil échappé à une glace s'était venu loger dans son œil, lui devenait une tâche au-dessus de ses forces (Courteline, Train 8 h. 47,1888, 1repart., 3, p. 32):
13. Elle [l'Académie française] a semblé accueillir et reconnaître à son tour cette vérité, que les grands poëtes ont chacun une langue à part, une langue originale qui, en même temps qu'elle est ou qu'elle devient celle de tous, est la leur aussi en particulier. Qu'on appelle cela style ou langue [it. ds le texte] peu importe, car qui dit langue dit aussi tours et locutions. Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 7, 1864, p. 200.
b) [Constr. avec un compl. prép. de désignant un affect] Façon particulière de s'exprimer, inspirée par cet affect. Langue de l'amour, du dépit, de la haine, de l'envie; parler la langue de la raison. Au point où j'en étais, c'est-à-dire osant à peine épeler sans émoi le mot le plus innocent et le plus usuel de la langue du cœur, mes prévisions les plus hardies n'auraient jamais dépassé toutes seules l'idée d'un sentiment désintéressé et muet (Fromentin, Dominique,1863, p. 92).
B. − P. anal.
1. Système de signes conventionnels quelconques utilisé pour communiquer. Langue chiffrée, langue des signes.
2. Ensemble des moyens d'expression utilisés par un artiste pour créer une œuvre. Langue musicale. Il [Jean Van Dyck] a créé un art vivant, inventé ou perfectionné son mécanisme, fixé une langue et produit des œuvres impérissables (Fromentin, Maîtres autrefois,1876, p. 393).La musique étant une sorte de vague langue universelle est l'organe de la fraternité universelle, non de la domination d'une race (Saint-Saëns, Harm. et mélod.,1885, pp. 314-315).La langue de César Franck est rigoureusement individuelle (D'Indy, C. Franck,1906, p. 64).
C. − Au fig. Manifestation du réel ou de l'imaginaire considérée comme un signe ou un ensemble de signes interprétables, porteurs de signification. Chaque pays a ses harmonies, ses plaintes, ses cris, ses chuchotements mystérieux, et cette langue matérielle des choses n'est pas un des moindres signes caractéristiques dont le voyageur est frappé (Sand, Hiver à Majorque,1842, p. 43).Les lumières du ciel s'éteignent dans l'ombre du soir, la nature s'enveloppe de silence, ses oracles sont muets pour nous. (...) nous ne pouvons entrevoir le secret de notre destinée qu'en interrogeant la langue des symboles, cette langue mystérieuse que parlaient nos pères et que nous ne comprenons plus (Ménard, Rêv. païen,1876, p. 129):
14. Le langage du rêve n'est pas composé de signes abstraits, conventionnellement adoptés par les humains pour la commodité de leurs rapports sociaux; il est fait d'images, qui sont avec la réalité exprimée dans un rapport de participation réelle. De cette attitude fondamentale découlent tous les caractères de cette langue onirique (...). Elle se sert (...) d'images qui sont les mêmes que celles de la langue courante : un chemin épineux ou verglassé y désigne une période difficile de l'existence; les ténèbres parlent de mélancolie; la mort ou la séparation s'annoncent par un voyage ou une traversée. Béguin, Âme romant.,1939, p. 109.
REM. 1.
Languard, -arde, adj.,vx. Médisant. Mon petit, cela t'apprendra à te méfier... de fille oiseuse et languarde (Rolland, J.-Chr., Maison, 1909, p. 1024).
2.
Langué, -ée, adj.,hérald. [En parlant d'un oiseau] Dont la langue est d'un autre émail que le corps. Langué. Se dit des aigles dont la langue est d'un émail particulier (L'Hist. et ses méth.,1961, p. 762).
3.
Languée, subst. fém.,hapax. Elle [la vache] troussait une dernière languée de germen et de fleurs et rentrait à l'étable dont l'ouverture contenait juste ses flancs (Arnoux, Écoute,1923, p. 34).
Prononc. et Orth. : [lɑ ̃:g]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 2emoitié xes. anat. lingua (St Léger, éd. J. Linskill, 158); 1erquart xiies. langue(t) (Cantique des cantiques, 26 ds Foerster-Koschwitz, p. 165a); 2. 2emoitié xes. lingu' « cet organe, considéré comme principal agent de la parole » (St Léger, 169); ca 1210 (Guiot de Provins, Bible, éd. J. Orr, 2431 : il ferait une fort glose Es lengues fauses deslïées, Qui devroient estre lïées De ceu que j'oi dire es decreiz); 1424 longue langue « langue bavarde » (A. Chartier, Belle Dame sans mercy, éd. A. Piaget, 736); 1606 avoir la langue longue, avoir la langue bien pendue « être très bavard » (Nicot); ca 1260 mauvaises laingues « mauvais propos » (Ménestrel Reims, éd. N. de Wailly; § 281); 1528 mauvaises langues « médisants » (Percef., V, fol. 85b ds La Curne); 1549 l'avoir sur le bout de la langue « être sur le point de le dire » (Est.); 1574 prendre langue « entrer en contact » (E. Ph. Cosmopolite, Deuxième Dialogue du Réveille-Matin des Français d'apr. FEW t. 5, p. 358b); 1676 jeter sa langue aux chiens « renoncer à deviner » (Sév., Lettre, éd. Monmerqué, t. 4, p. 354, no500), cf. l'expr. bon à jeter aux chiens, s.v. chien; 1842 donner sa langue aux chiens « id. » (Sue, Myst. Paris, t. 1, p. 333); 1845-46 jeter sa langue aux chats « id. » (Besch.); 1860 donner sa langue aux chats « id. » (Goncourt, Ch. Demailly, p. 227); pour l'explication v. Rey-Chantr. Expr.; 3. fin xes. lingue « système d'expression de la pensée commun à un groupe » (Passion, éd. D'A. S. Avalle, 459); spéc. langue verte 1820-40 (Ms. Jacquinot ds Larch. Suppl. 1883, XI : Professeur de langue verte : Joueur ruiné s'offrant comme conseil et empruntant aux gagnants), d'où l'accept. « argot des joueurs » donnée par Michel en 1856 et reprise par Delvau; 1864 désigne prob. les mots crus (Delvau, Dict. érotique mod., par un professeur de langue verte ds Larch. Nouv. Suppl. 1889); 1866 « argot » (Delvau, v. introd., pp. X-Xij); 4. p. anal. de forme ca 1165 lengue « languettes d'une banderole » (Benoît de Ste-Maure, Troie, éd. L. Constans, 2481); 1347-48 langue de terre « pièce étroite de terre enclavée dans d'autres terres » (Compte des eaux et forêts du douaire de la reine Jeanne d'Evreux, 402 H ds C. A. Bevans, The Old French Vocabulary of Champagne, p. 23); 1636 langue de terre « péninsule » (Monet). Du lat. lingua terme d'anat., « organe de la parole », « système d'expression commun à un groupe » et dans des sens métaph. comme « péninsule », v. aussi TLL s.v., 1446, 62-67. L'expr. langue verte peut s'expliquer p. réf. au tapis vert des joueurs, ou par la hardiesse et crudité de ce vocab. (cf. Esn., s.v. vert et FEW t. 14, p. 507b et notes 3 et 4). Fréq. abs. littér. : 9 687. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 19 778, b) 12 526; xxes. : a) 12 955, b) 9 814. Bbg. Bresson (F.). Langue écrite et langue parlée. Fr. auj. 1977, no39, pp. 67-75. - Dinneen (F.P.) Analogy, langue and parole. In : [Mél. Reichling (A.)]. Lingua. 1968, t. 21, pp. 98-10 - Geschiere (M.L.). Plaidoyer pour la langue. Neophilologus. 1961, t. 45, pp. 21-37. - Gill (A.). La Distinction entre langue et parole. In : [Mél. Orr (J.)]. Manchester, 1953, pp. 90-103. - Jourjon (A.). Rem. lexicogr. R. Philol. fr. 1929, t. 41, pp. 136-137. - Koll (H.-G.). Die Französischen Wörter langue und langage im Mittelalter. Genève-Paris, 1958, 192 p. - Malmberg (B.). Langue-forme-valeur. Semiotica. 1976, t. 18, pp. 195-200. - Mańczak (W.). Les Termes langue et parole désignent-ils qq. ch. de réel? B. Soc. Ling. 1968, t. 63, pp. XXIV-XXVII. - Nique (C.). Notes et déf. pour une approche des ouvrages de ling. Fr. auj. 1972, no19, p. 58. - Pollak (W.). Reflexionen über langue und parole. Moderne Sprachen. 1965, t. 9, pp. 122-133. - Quem. DDL t. 10, 14. - Spence (N.C.W.). A Hardy perennial : the problem of la langue and la parole. Archivum Linguisticum. 1957, t. IX, pp. 1-27; Langue and parole yet again. Neophilologus. 1962, t. 46, pp. 197-200.

Wiktionnaire

Nom commun - français

langue \lɑ̃ɡ\ féminin

  1. (Anatomie) Organe musculaire charnu et mobile, situé à l’intérieur de la bouche, et permettant de percevoir le sens du goût et d’articuler certains sons.
    • Elle saisit le feuillage d’une façon très-singulière, faisant sortir pour cet effet une langue longue, rugueuse, très-étroite et noire, en l’entortillant autour de l’objet qu’elle convoîte. — (Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, Quelques Considérations sur la Girafe, 1827)
    • Elles étaient là, dévotement alignées, et à genoux, baissant la tête, tenant la nappe à deux mains. Melle Lerondeau, bien qu’elle eût soixante-dix an et fût un peu bavarde, était une bonne personne. Elle avait une jolie langue de jeune fille. Les dames Leboucher qui ne se mêlaient jamais à toutes les conversations que l’on peut tenir sur les gens, montraient de leur langue tout juste ce qu’il en faut pour communier. Les autres dames avaient d’assez belles langues, des langues de femme, à la vérité, un peu pointues. Mais la langue de Mme Béchangris était rouge, épaisse, rugueuse et, malgré vous, faisait penser à un caillou. — (Charles-Louis Philippe, Dans la petite ville, 1910, réédition Plein Chant, pages 58-59)
    • La langue, sèche et rouge, devient souvent fuligineuse, c’est-à-dire qu’elle se couvre d’un enduit couleur de suie. — (Jules Guiard, Les Parasites inoculateurs de maladies, Flammarion, Paris, 1918, page 293)
    • Sa langue, d’une mobilité étonnante, courait amoureusement sur ses lèvres comme si elle se promettait de goûter à toutes les félicités d’ici-bas. — (Victor Méric, Les Compagnons de l’Escopette, Éditions de l’Épi, Paris, 1930, page 12)
    • D’abord, tandis que le crapaud guette sa proie, il contracte les muscles rétracteurs de son système hyoglosse, en sorte qu’il ramène vers la glotte l’extrémité libre de la langue. — (Jean Rostand, La Vie des crapauds, 1933)
    • « Quarante-trois jours chez les paras. Excuse-moi, j’ai encore du mal à parler : ils m’ont brûlé la langue », et il me montra sa langue tailladée. — (Henri Alleg, La Question, 1957)
  2. (Par analogie) Chose qui a une forme longue, étroite et peu épaisse.
    • Le Saint-Esprit est descendu sur les apôtres en langues de feu.
    • Une âpre langue de terre rattache l'Égypte au monde asiatique, […] — (Mohammed Essad Bey, Mahomet, 571-632, Payot, 1948, page 9)
  3. (Linguistique) Système d’expression orale ou écrite utilisé par un groupe de personnes (communauté linguistique) pour communiquer.
    • Tandis que la langue française se formait laborieusement des débris de la langue latine […] l’Orient, ce vieux monde, berceau du nôtre, continuait de rouler dans son lointain orbite […] — (Jean-Jacques Ampère, La Littérature française dans ses rapports avec les littératures étrangères au Moyen Âge, tome 1, Revue des Deux Mondes, 1833)
    • L’action des forces d’attraction des grandes langues est cumulative ; elle se poursuit, comme dans la chute des corps, avec une accélération constante. Plus les grandes langues prévaudront sur les petites, moins on sera tenté d’écrire ou de traduire dans ces dernières, moins on sera tenté de les apprendre avec soin et précision. — (H. G. Wells, Anticipations, 1901, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Société du Mercure de France, Paris, 1904)
    • Je me décide à leur parler allemand : pour qu’ils comprennent mieux, j’emploie mon haut allemand le plus clair, la langue officielle des théâtres de Meiningen et de Weimar, le hanovrien saccadé des auteurs juifs qui déclament les traductions de Verlaine. — (Jean Giraudoux, Retour d’Alsace - Août 1914, 1916)
    • L’un était […] probablement silencieux par ordre ; l’autre, gêné de trouver Mikkelsen et Münck parlant sa langue, était d'une loquacité un peu déconcertante. — (Jean-Baptiste Charcot, Dans la mer du Groenland, 1928)
    • Les société humaines ont pour habitat leur langue. Ce ne sont pas les mers, les grottes, les cimes des montagnes ou les bois profonds qui les abritent : mais la voix qu’ils échangent entre eux et ses accents singuliers. Et tous les actes des métiers et des rites se font à l’intérieur de cette merveille sonore, invisible et sans distance, à laquelle tous obéissent. — (Pascal Quignard, La haine de la musique, Gallimard, 1996, collection Folio, page 39)
    • Quoi qu’on fasse, la langue, pour l’immense majorité de ceux qui l’utilisent est un instrument véhiculaire qui favorise les rapports sociaux, les échanges mercantiles. — (Pol Vandromme, Belgique - La descente au tombeau, 2008)
    • On n’écoute jamais assez la langue. Elle est pourtant très éloquente, toujours. De ce que disent ceux qui l’emploient, et de ce qu’ils veulent, et de ce qu’ils pensent, et de la famille d’esprits à laquelle ils appartiennent, elle nous apprend bien davantage, en général, qu’eux ne se soucient de nous en faire savoir, et même qu’ils n'en savent eux-mêmes, bien souvent. — (Renaud Camus, La Grande Déculturation, Paris, Fayard, 2008)
    • Imposer sa langue, c’est imposer sa pensée. — (Claude Hagège)
    • Car, nos ancêtres l'avaient bien compris, la langue est un bien collectif légué d'une génération à l'autre. C'est un lien immatériel qui transcende les siècles et qui unit les morts, les vivants et ceux encore à naître. Il nous incombe à nous, les vivants, de préserver et de transmettre cet héritage. — (Frédéric Lacroix, Pourquoi la loi 101 est un échec, Boréal, 2020, page 256)
  4. (En particulier) (Par ellipse) Langue vernaculaire.
    • Guenièvre : Vous savez même pas comment elle s’appelle.
      Angharad : Laissez, c’est une esclave grecque… Elle parle même pas la langue !
      — (Alexandre Astier, Kaamelott, Livre 2, épisode La Joute Ancillaire)
  5. (Par extension) Langage (pas forcément parlé).
    • Personne n’a mieux parlé que lui la langue des sentiments amoureux.
  6. (En particulier) Vocabulaire ou syntaxe propres à tel ou tel écrivain ou telle ou telle personne.
    • C’est un garçon fort agréable que Bernard. Soigné, rasé de près, le teint clair, il s’exprime dans une langue choisie et ne fait usage de l’argot qu’en d’exceptionnelles circonstances. — (Francis Carco, Images cachées, Éditions Albin Michel, Paris, 1928)
  7. (Canada) (Ichtyologie) Synonyme de plie cynoglosse (poisson).
  8. (Glaciologie) Bande de glace descendant d’un glacier.
    • Actuellement, les glaciers reculent de plusieurs mètres par année, mais certains glaciers, comme les « langues », peuvent perdre plusieurs dizaines de mètres par an. [...] — (Vincent Charpentie, Le piège de cristal : l'archéologie révélée par la fonte des glaciers, Carbone 14, France culture 9 octobre 2021)
  9. (Cartographie, Toponymie) Langue dans laquelle est réputée rédigée une carte, normalement mise en évidence par le titre et la légende[1].
  10. (Miroiterie) Longue fêlure sur une vitre ou un miroir, une fêlure courte se nomme une ammorce.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

LANGUE. n. f.
Organe musculaire charnu et mobile, revêtu d'une membrane muqueuse, placé dans la bouche et qui est le principal instrument de la parole et l'organe du goût. La langue d'un homme, d'un oiseau, d'un cheval, d'un poisson. La pointe ou le bout, le dessus, le dessous de la langue. Le filet ou le frein de la langue. Langue épaisse, mince, déliée, pointue. Avoir la langue sèche, rude, chargée, pâteuse, noire et enflée. Remuer, tirer, montrer la langue. Les chiens lèchent et guérissent leurs plaies avec la langue. Les serpents dardent leur langue. Des langues de mouton, de bœuf, de porc. Accommoder des langues en ragoût. Un ragoût de langues. Langues fumées, fourrées, farcies. Tractions de la langue, Tractions faites pour ranimer un blessé, un asphyxié. Avoir la langue mauvaise, Avoir une langue blanchâtre, dénotant un mauvais état général. En termes de Musique instrumentale, Coup de langue. Voyez COUP. En termes de Chasse et de Manège, Donner de la langue, Appeler, exciter le chien, le cheval, par un bruit qui se fait en appuyant fortement la langue contre le palais et en la retirant vivement. On dit dans un sens analogue, mais seulement en termes de Manège, Aides, appel de la langue. Fig., Faire tirer la langue à quelqu'un, Lui faire attendre indéfiniment une chose dont il a besoin ou qu'il désire. Fam., S'ennuyer à avaler sa langue, Éprouver un ennui excessif. Prov. et fig., Jeter sa langue aux chiens. Voyez CHIEN.

LANGUE se dit, par analogie, de Certaines choses qui ont la forme d'une langue. Le Saint-Esprit est descendu sur les apôtres en langues de feu. Langue de terre, Certain espace de terre beaucoup plus long que large, qui ne tient que par un bout aux autres terres et qui est environné d'eau sur tous les autres côtés. Il y a sur la côte de Provence plusieurs langues de terre qui s'avancent dans la mer. Il se dit aussi des Pièces de terre longues et étroites qui sont enclavées dans d'autres terres. Il y a une langue de terre labourable qui traverse la prairie. Langue-de-serpent, Plante ainsi nommée parce qu'elle a une double feuille, dont la plus petite a quelque rapport avec la langue d'un serpent. Langue-de-chat, Petit gâteau mince et long.

LANGUE, considéré comme le nom de l'organe de la parole, entre dans un grand nombre d'expressions toutes faites et de locutions figurées. Prenez garde à votre langue, elle vous perdra. Sa langue s'est embarrassée et il a dû s'arrêter dès les premiers mots. Fam., Avoir la langue bien pendue, Avoir une grande facilité à parler, parler beaucoup, et souvent avec excès. Fig. et fam., Avoir la langue bien affilée, Avoir beaucoup de babil et aussi Parler avec esprit, subtilité, malice. Avoir une grande volubilité de langue, Parler avec une grande rapidité. Cette opération lui a dénoué la langue, Elle lui a donné plus de facilité pour parler. Fig., Dénouer, délier la langue à quelqu'un, Faire rompre le silence à quelqu'un qui voulait le garder. La peur lui avait lié la langue, l'argent la lui a dénouée, la lui a déliée. Fam., Il a la langue longue, il ne sait pas tenir sa langue, Il parle beaucoup, il dit tout ce qu'il sait, il ne sait pas garder un secret. Par exclamation, Quelle langue! Quel bavard! Quelle bavarde! Fig. et fam., Il a la langue dorée, c'est une langue dorée, se dit de Quelqu'un qui tient des discours faciles, élégants, propres à séduire, mais auxquels on ne peut pas toujours se fier. Être maître, n'être pas maître de sa langue, Savoir, ne pas savoir se taire. Fam., La langue lui a fourché. Voyez FOURCHER. Fam., Avoir un mot sur la langue, sur le bout de la langue. Voyez BOUT. Fig., C'est une fine langue, C'est une personne spirituelle. Fig., C'est une bonne langue, se dit ironiquement d'une Personne médisante. Fig., C'est une mauvaise langue, une méchante langue, une langue dangereuse, une langue de vipère, se dit d'une Personne qui aime à médire, à déchirer la réputation d'autrui. Fig. et fam., Coup de langue. Voyez COUP. Fig. et fam., Se mordre la langue, S'arrêter au moment de dire ce qu'on ne doit pas ou ce qu'on ne veut pas exprimer. J'allais lui dire quelque chose de mortifiant, mais je me suis mordu la langue. Fig. et fam., Se mordre la langue d'avoir parlé, S'en repentir. Je n'ai pas eu plutôt lâché cette parole que je m'en suis mordu la langue. Prov., Il faut tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler, Il faut, avant de parler, mûrement réfléchir. Prendre langue, S'informer de ce qui se passe, de l'état d'une affaire, du caractère, des dispositions de ceux avec qui l'on doit traiter. On envoya quelques gens en avant pour prendre langue. Avant de s'engager dans cette affaire, il est bon de prendre langue.

LANGUE désigne aussi l'Idiome d'une nation, d'une race. La langue grecque, la langue latine, la langue française, etc. Les langues orientales. Les langues indo-germaniques ou aryennes. Une langue abondante, riche, harmonieuse, douce, sonore, pauvre, barbare. Cette langue est fort répandue. Enrichir, polir, perfectionner, fixer, altérer, appauvrir une langue. La richesse, la beauté, la politesse d'une langue. Le génie, le caractère, les étymologies, les dialectes, la grammaire, la syntaxe, l'orthographe, la prosodie d'une langue. Étudier, apprendre, oublier une langue. Il parle plusieurs langues. L'origine, la formation, la propagation des langues. Les apôtres reçurent le don des langues. Professeur de langue grecque. Prov., L'usage est le tyran des langues. L'usage prévaut sur les règles de la grammaire. Fam., On ne s'entend pas, c'est la confusion des langues, se dit d'une Conversation où tout le monde parle à la fois et, par extension, d'une Discussion où l'on ne s'entend pas sur le sens des mots. Langue primitive, Celle qu'on suppose que les hommes ont parlée la première. Les nombreuses dissertations des érudits n'ont pu nous conduire à savoir quelle était la langue primitive. Langue primitive ou originelle se dit aussi de Celle qu'on suppose ne s'être formée d'aucune autre. Langue mère, Celle qui n'étant formée d'aucune autre langue connue a servi à en former d'autres. Et, par opposition, Langue dérivée, Celle qui est formée d'une autre. Langue morte, Celle qu'un peuple a parlée, mais qui n'existe plus que dans les livres. Et, par opposition, Langue vivante, Celle qu'un peuple parle actuellement. On dit dans le même sens Langue ancienne, par opposition à Langue moderne. Langue écrite se dit, chez un peuple qui a des traditions littéraires, d'un Ensemble d'emplois syntaxiques, de tournures, d'acceptions de sens, etc., hérités des bons auteurs. Elle s'oppose à Langue parlée, qui désigne l'Usage familier, plus libre et plus variable. Langue littérale. Voyez LITTÉRAL. Langue maternelle, Celle du pays où l'on est né. Il se dit par opposition à Langue étrangère, Celle d'un autre pays. Langue nationale, Celle que parle généralement une nation. Il se dit aussi par opposition à Langue étrangère. Langue sacrée, Toute langue dans laquelle sont écrits des livres qu'on dit inspirés par la Divinité. Langue universelle, Langue qui serait commune à tous les peuples. Leibnitz a conçu le projet d'une langue universelle. Le latin, qui est su des gens instruits de tous les pays, est une espèce de langue universelle. Jeunes de langues s'est dit de Jeunes gens que les gouvernements entretenaient pour apprendre les langues orientales en vue de servir de consuls ou d'interprètes. L'École des jeunes de langues. On dit aujourd'hui École des langues orientales.

LANGUE signifie quelquefois Langage, manière de parler, abstraction faite de l'idiome dont on se sert. La poésie est la langue des dieux. Personne n'a mieux parlé que lui la langue du sentiment, la langue de l'amour. La langue d'une science, d'un art, L'ensemble des mots, des locutions dont on se sert plus particulièrement dans une science, dans un art. La langue des mathématiques, des beaux-arts. Langue de la philosophie. La langue philosophique.

LANGUE se dit spécialement du Vocabulaire et de la syntaxe propres à tel ou tel écrivain. La langue de Rabelais. La langue de Corneille.

Littré (1872-1877)

LANGUE (lan-gh') s. f.
  • 1Organe principal du goût, qui concourt à la déglutition et à la parole, et qui est formé essentiellement d'un muscle très mobile revêtu d'une membrane muqueuse. Tirer la langue. Montrer sa langue au médecin. Je tondis de ce pré la largeur de ma langue, La Fontaine, Fabl. VII, 1. En général, les animaux qui ont la langue rude sont ordinairement carnassiers, Buffon, Quadrup. t. IV, p. 329, note d, dans POUGENS.

    Langue chargée, langue couverte d'un enduit blanc, jaune, noir ; ce qui se voit dans diverses maladies.

    Tirer la langue à quelqu'un, se moquer d'une personne ou la braver par une grimace.

    Tirer la langue, se dit d'un chien qui, haletant, essoufflé, laisse sa langue pendre hors de la gueule.

    Fig. Tirer la langue d'un pied de long, être dans le besoin.

    Je lui verrais tirer la langue d'un pied de long, que je ne lui donnerais pas un verre d'eau, se dit en parlant d'une personne dont on n'a nulle compassion.

    Avoir soif à avaler sa langue, avoir une grande soif.

    Ennuyeux à avaler sa langue, se dit de ce qu'on ne peut voir, entendre ou lire, sans éprouver un excessif ennui.

    Familièrement. Avaler sa langue, se condamner au silence.

    Jeter sa langue aux chiens, voy. CHIEN, nos 3.

    Se mordre la langue, se faire, en mâchant quelque chose, une morsure à la langue.

    Fig. Se mordre la langue, s'arrêter au moment de dire ce qu'on ne doit pas ou ce qu'on ne veut pas exprimer. J'allais dire une sottise, je me suis mordu la langue.

    Se mordre la langue d'avoir parlé, s'en repentir. À peine eut-il lâché cette parole, qu'il s'en mordit la langue.

    Mince comme la langue d'un chat, comme une langue de chat, très mince, très délié.

  • 2 Terme de chasse et de manége. Donner de la langue, appeler, exciter le chien, le cheval par un bruit qui se fait avec la langue.

    Terme de manége. Les aides de la langue, certains cris que fait le cavalier pour animer le cheval.

  • 3La langue de certains animaux considérée comme aliment. Faire cuire une langue. Manger une langue de bœuf. Il n'acheta que des langues, lesquelles il fit accommoder à toutes les sauces ; l'entrée, le second, l'entremets, tout ne fut que langues, La Fontaine, Vie d'Ésope.

    Langue fourrée, espèce de préparation culinaire de la langue du porc ou du bœuf.

    Langue de carpe, le palais de la carpe, qui est un mets charnu et délicat.

  • 4La langue considérée comme organe de la parole. Il le servit enfin, mais ce fut de la langue, Corneille, Pomp. I, 1. Je vous l'ai déjà dit, votre langue nous perd, Corneille, Héracl. II, 4. Que ne sait point ourdir une langue traîtresse ? La Fontaine, Fabl. III, 6. Je supplie avant tout les dieux de m'assister ; Fassent les immortels, conducteurs de ma langue, Que je ne dise rien qui doive être repris, La Fontaine, ib. XI, 7. Disant que la langue est la pire chose qui soit au monde ; c'est la mère de tous les débats, la nourrice des procès, la source des divisions et des guerres, La Fontaine, Vie d'Ésope. Tudieu ! comme avec lui votre langue cajole ! Molière, Éc. des f. V, 4. Ma langue, en cet endroit, A fait un pas de clerc dont elle s'aperçoit, Molière, le Dép. I, 4. L'on voudrait avoir cent langues pour le faire connaître [l'amour qu'on ressent], Pascal, Pass. de l'amour. L'éloquence de la chaire n'est pas propre au récit des combats et des batailles ; la langue d'un prêtre destinée à louer Jésus-Christ le sauveur des hommes, ne doit pas être employée à parler d'un art qui tend à leur destruction, Fléchier, Turenne. Combien de fois arrêta-t-elle par autorité le coup mortel qu'une langue cruelle allait porter à l'honneur ou à la fortune d'une famille ! Fléchier, Dauph. Et, dès le premier mot, ma langue embarrassée Dans ma bouche vingt fois a demeuré glacée, Racine, Bérén. II, 2. Ah ! c'est trop le livrer à des langues perfides, Racine, Phèdre, V, 3. Sa fureur [de la calomnie], de sang avide, Poursuit partout l'innocent ; Rois, prenez soin de l'absent Contre sa langue homicide, Racine, Esth. III, 3. On a bien raison de dire qu'une des grâces les plus signalées que Dieu puisse accorder aux rois, est de les délivrer de la langue des flatteurs et du silence des gens de bien, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VIII, p. 17, dans POUGENS. Il n'en est pas un seul qui ait conservé sa langue pure et ses lèvres innocentes, Massillon, Carême, Médisance. La langue, dit un apôtre, est un feu dévorant, Massillon, ib. Mais de ces langues diffamantes Dieu saura venger l'innocent, Rousseau J.-B. Odes, I, 4. Sa langue, dont le ciel tolère l'insolence, N'a pas langui dix ans dans un morne silence, Delavigne, Paria, II, 2.

    On dit d'un babillard qu'il n'aura pas de langue pour la moitié de sa vie.

    Avoir la langue grasse, avoir la langue épaisse, éprouver quelque embarras dans la prononciation, prononcer mal certaines consonnes, principalement les r.

    Familièrement. Avoir la langue bien pendue, avoir une grande facilité de parler. Tant sa langue était bien pendue ! Scarron, Virg. VIII. Il arrive tant d'accidents aux femmes en couche, et vous avez la langue si bien pendue, à ce que me dit M. de Grignan, qu'il me faut pour le moins neuf jours de bonne santé pour me faire partir joyeusement, Sévigné, 101.

    Avoir la langue bien affilée, avoir beaucoup de babil.

    Fig. Être sujet aux langues, être exposé aux jugements, aux médisances. Ainsi les actions aux langues sont sujettes, Régnier, Sat. V.

    Dénouer la langue, couper le filet de la langue, opération qui donne plus de facilité pour parler à ceux que le filet gêne.

    Fig. Dénouer, délier la langue à quelqu'un, faire rompre le silence à quelqu'un qui voulait le garder. Voici, Sans marchander, de quoi te délier la langue, Molière, le Dép. I, 4. Non, pour louer un roi que tout le monde loue, Ma langue n'attend pas que l'argent la dénoue, Boileau, Sat. IX.

    Avoir la langue liée, n'oser parler de quelqu'un ou de quelque chose.

    Familièrement. La langue lui va toujours, cette personne babille continuellement.

    Tenir sa langue, se taire. Si vous me promettiez de tenir votre langue, je vous conterais…, Courier, 2e lettre particulière.

    Il a bien de la langue, il a la langue bien longue, il ne saurait tenir sa langue, il parle beaucoup, il dit tout ce qu'il sait, il ne saurait garder un secret. C'est avoir bien de la langue que de ne pouvoir se taire de ses propres affaires, Molière, Fourber. III, 4°.

    Avoir bien de la langue, signifie aussi tenir des discours hardis.

    Par exclamation. Quelle langue ! c'est-à-dire quel bavard ! quelle bavarde !

    Il a la langue dorée, c'est une langue dorée, c'est-à-dire sa parole est facile, élégante, propre à séduire, surtout par des promesses favorables en quelque genre que ce soit. Elle a converti son docteur, cette fine langue dorée, Beaumarchais, Mar. de Fig. IV, 1.

    N'avoir point de langue, parler très peu, ou, quand on devrait parler, garder le silence.

    Être maître, n'être pas maître de sa langue, savoir, ne pas savoir se taire.

    Ne pas savoir conduire sa langue, mal gouverner sa langue, dire des choses qu'il faudrait taire. Je n'ai point sur ma langue un assez grand empire ; De ce que je dirais je ne répondrais pas, Et je me jetterais cent choses sur les bras, Molière, Mis. V, 1.

    Avoir une grande volubilité de langue, parler avec une grande rapidité.

    La langue lui a fourché, il a lâché une parole pour une autre.

    Familièrement. Avoir un mot sur la langue, sur le bout de langue, sur le bord de la langue, croire qu'on va trouver dire un mot qu'on cherche et qui échappe. J'avais ça sur le bord de la langue, et je l'ai oublié en chemin, Vadé, Nicaise, SC. 10.

    C'est une mauvaise langue, une méchante langue, une langue dangereuse, une langue de serpent, une langue de vipère, c'est-à-dire c'est une personne qui aime à dire du mal, des médisances, des calomnies. Langue de serpent, fertile en impostures, Molière, l'Ét. III, 4. Vous serez assailli par ces langues de serpent que votre complaisance a comme aiguisées contre les autres, Fléchier, Serm. I, 278. Oh ! dame, il y a de méchantes langues dans notre village, voyez-vous ? Dancourt, l'Opéra de village, SC. 8.

    On dit dans un sens analogue une langue empoisonnée. Il [le monde] a pour eux [les justes] des yeux plus censeurs et une langue plus empoisonnée, Massillon, Carême, Médisance.

    On dit même quelquefois langue, absolument, pour mauvaise langue. Dorine : Il [Tartuffe] passe pour un saint dans votre fantaisie ; Tout son fait, croyez-moi, n'est rien qu'hypocrisie. - Mme Pernelle : Voyez la langue, Molière, Tartuffe, I, 1.

    Coup de langue, médisance ou mauvais rapport que l'on fait. Le coup de verge fait une meurtrissure ; mais un coup de langue brise les os, Sacy, Bible, Ecclésiastiq. XXVIII, 21. Ces femmes qui donnent toujours le petit coup de langue en passant, Molière, Impromptu, 1. Voilà pas le coup de langue ? Molière, Bourg. gent. III, 12.

    Fig. et familièrement. Donner du plat de la langue, faire de belles promesses qu'on n'a pas dessein d'exécuter.

    Faire merveilles du plat de la langue, chercher à étourdir par de grandes phrases.

    Faire la langue à quelqu'un, lui faire la leçon, lui suggérer ce qu'il doit dire.

    Prendre langue, aller aux renseignements, s'informer. Voilà avec elle un coquin de valet qui est l'espion de la mère ; retirez-vous et me laissez prendre langue, Dancourt, l'Opérateur, sc. 6. Je le connaissais fort, et pris langue avec lui du détail de ce que j'avais à faire, Saint-Simon, 102, 85. Je m'embarquai dans la chaloupe du bâtiment avec le capitaine, pour aller prendre langue à terre, Chateaubriand, Itin. part. I.

    La contradiction des langues, les jugements divers que les hommes portent des mêmes choses. Ah ! regardez plutôt la contradiction des langues et la diversité bizarre des jugements humains, Massillon, Carême, Resp. hum. e parler d'une nation. Apprendre sa langue par principes. Parler une langue étrangère. Vous savez donc l'hébreu ? - L'hébreu ? parfaitement. J'ai dix langues, Cliton, à mon commandement, Corneille, le Ment. IV, 3. Tous les hommes, de quelque nation, de quelque tribu et de quelque langue qu'ils fussent, adorèrent la statue d'or que Nabuchodonosor avait dressée, Sacy, Bible, Daniel, III, 7. Pauline est trop heureuse, ma chère enfant, d'être votre secrétaire… elle apprend la langue française, que la plupart des femmes ne savent pas, Sévigné, 1er juin 1689. Ces audiences où elle recevait les ambassadeurs, entrant dans les intérêts de chacun et parlant à chacun sa langue, Fléchier, Dauphine. Surtout qu'en vos écrits la langue révérée Dans vos plus grands excès vous soit toujours sacrée…, Boileau, Art p. I. L'on ne peut guères charger l'enfance de la connaissance de trop de langues, La Bruyère, XIV. L'intelligence des langues sert comme d'introduction à toutes les sciences, Rollin, Traité des Ét. liv. I, p. 1. On comptait dans ses troupes jusqu'à vingt-deux nations de vingt-deux langues différentes que Mithridate parlait toutes avec facilité, Rollin, Hist. anc. t. X, p. 131, dans POUGENS. C'est, comme on vous a dit, ce maître italien Qui vient montrer sa langue, Regnard, le Distr. III, 3. Ne croyons pas que notre langue soit l'ouvrage de l'ignorance ou du hasard ; elle a ses principes, et qui sont très uniformes, dès le temps de François 1er, D'Olivet, Rem. Racine, § 9. Le fameux docteur Swift forma le dessein, dans les dernières années du règne de la reine Anne, d'établir une académie pour la langue, à l'exemple de l'Académie française, Voltaire, Dict. phil. Société royale. Quand on a un nombre suffisant d'auteurs approuvés, la langue est fixée, Voltaire, ib. Langues. Notre langue se parle à Vienne, à Berlin, à Stockholm, à Copenhague, à Moscou ; elle est la langue de l'Europe ; mais c'est grâce à nos bons livres, et non à la régularité de notre idiome, Voltaire, Lett. Guyot, 7 août 1767. Notre langue et nos belles-lettres ont fait plus de conquêtes que Charlemagne, Voltaire, Lett. Mme Denis, 24 août 1750. C'est le peuple qui a fait les langues ; c'est au philosophe à découvrir l'origine des choses, Diderot, Rech. phil. sur le beau, Œuv. t. II, p. 461. La langue française règne dans la prose ; si ce n'est pas le langage des dieux, c'est celui de la raison et de la vérité, Raynal, Hist. phil. XIX, 12. C'est Charles-Quint qui a dit qu'un homme qui sait quatre langues vaut quatre hommes, Staël, Corinne, VII, 1. En déliant la langue [grecque] du rhythme poétique, Hécatée, Hérodote lui conservèrent les formes de la poésie, les expressions et les mots hors du dialecte commun, Courier, Hérodote, Préface du traducteur.

    Don des langues, grâce que Dieu fait à un homme lors qu'il lui donne, par miracle et sans étude, la connaissance et l'usage d'une langue.

    Langue mère ou matrice, celle qui a servi à en former d'autres ; et, par opposition, langue dérivée, celle qui est formée d'une autre. Le latin est une langue mère par rapport au français, et le français est une langue dérivée. L'hébreu paraît une langue mère dans le domaine syno-arabe. Une langue aryenne primitive à laquelle on ne remonte que conjecturalement et par induction, serait la langue mère du sanscrit, du zend, du grec, du latin, etc. Nos mères et les langues dites mères ont beaucoup de ressemblance ; les unes et les autres ont des enfants qui se marient dans le pays voisin, et qui en altèrent le langage et les mœurs, Voltaire, Dict. phil. Langues. On trouva dans le Canada trois langues mères, l'algonquine, la siouse et la huronne ; on jugea que ces langues étaient primitives, parce qu'elles renfermaient chacune un grand nombre de ces mots imitatifs qui peignent les choses par le son, Raynal, Hist. phil. XV, 4.

    Langue mère, dite beaucoup mieux langue primitive, langue unique que l'on suppose avoir été la mère de toutes les autres. Les langues mères au sens relatif existent réellement ; une langue mère au sens absolu est une pure hypothèse. Plusieurs rabbins prétendent que la langue mère était le samaritain ; quelques autres ont assuré que c'était le bas-breton ; dans cette incertitude, on peut fort bien, sans offenser les habitants de Quimper et de Samarie, n'admettre aucune langue mère, Voltaire, Dict. phil. ABC.

    Langue primitive ou originelle, se dit aussi de celle qu'on suppose ne s'être formée d'aucune autre.

    Langues sœurs, langues que l'on considère comme dérivées d'une même langue mère. Les langues néo-latines sont sœurs.

    Langue morte, celle qu'un peuple a parlée, mais qui n'existe plus que dans les livres. Le latin, l'hébreu sont des langues mortes. Les dictionnaires d'une langue morte ne la présentent qu'en partie, parce que ceux qui les compilent ne sauraient où prendre une infinité de mots qui ont aussi proprement appartenu à cette langue que les mots qui nous en sont encore connus, Préf. du Dict. de FURETIÈRE.

    Par opposition, langue vivante, celle qu'un peuple parle actuellement.

    Langue vulgaire, se dit de tous les idiomes modernes, par opposition aux langues anciennes ou savantes.

    La langue d'oc, l'ancienne langue qui se parlait au delà de la Loire, dont se sont servis les troubadours, que l'on connaît sous le nom de provençal, et que dans le temps on appelait plus ordinairement langue limousine (oc veut dire oui).

    Langue d'oïl (oïl veut dire oui) ou langue d'oui, l'ancien français, la langue française avant le XVe siècle, celle dans laquelle ont écrit les trouvères.

    La langue de si (si veut dire oui), l'italien.

    Langues orientales, langues parlées en Asie, surtout celles de la partie de l'Asie qui est la plus voisine de l'Europe.

    Jeunes de langue, jeunes gens que quelques gouvernements entretiennent pour apprendre les langues orientales, et devenir drogmans.

    La langue sainte, la langue hébraïque.

    Langues du Nord, les langues germaniques et slaves, par opposition aux langues du Midi, qui sont dérivées du latin.

    Langue naturelle ou maternelle, celle du pays où l'on est né, par opposition à langue étrangère, celle d'un autre pays.

    Langue nationale, celle que parle généralement une nation, aussi par opposition à langue étrangère.

    Langue sacrée, toute langue dans laquelle sont écrits les livres qu'on regarde comme inspirés par la Divinité.

    Langues synthétiques ou concrètes, celles qui rendent les indications grammaticales par des terminaisons variables. Langues analytiques, celles qui expriment chaque idée, chaque rapport grammatical par un mot distinct.

    Langue écrite, langue pourvue d'un alphabet et dans laquelle on a composé des livres. Les langues des sauvages ne sont pas des langues écrites.

    Langue écrite, langue littéraire, la partie la plus cultivée d'une langue, celle qui figure seule dans les bons écrivains.

    Langue philosophique, langue où l'on suppose que la génération des mots suivrait exactement celle des pensées.

    Langue universelle, dite aussi langue philosophique, langue qui serait commune à tous les peuples. Il [Leibnitz] conçut le projet d'une langue philosophique qui mît en société toutes les nations, Diderot, Opin. des anc. phil. (Leibnitzianisme).

    Maître de langue, celui qui enseigne une langue vivante.

    Fig. Platon, poëte, s'il en fût, Platon qui n'aimait pas le peuple, l'appelle son maître de langue, Courier, Hérodote, Préface du traducteur.

  • 5 Absolument. La langue, la langue française. La langue fut portée sous Louis XIV au plus haut point de perfection dans tous les genres, non pas en employant des termes nouveaux inutiles, mais en se servant avec art de tous les mots nécessaires qui étaient en usage, Voltaire, Louis XV, 43.
  • 6L'ensemble des règles qui régissent un idiome ; cet idiome considéré par rapport à sa correction. Pour la langue on verra dans peu nos règlements, Et nous y prétendons faire des remuements, Molière, F. sav. III, 2. Sans la langue, en un mot, l'auteur le plus divin Est toujours, quoi qu'il fasse, un méchant écrivain, Boileau, Art p. I. Qu'on dise : il [Ronsard] osa trop, mais l'audace était belle ; Il lassa, sans la vaincre, une langue rebelle ; Et de moins grands, depuis, eurent plus de bonheur, Sainte-Beuve, Poésies, à Ronsard.
  • 7L'ensemble des mots et des tournures dont un auteur fait surtout usage. La langue de Corneille, de Racine. Ce pamphlétaire [P. L. Courier], qui ne se gênait d'aucune vérité périlleuse à dire, hésitait sur un mot, sur une virgule, se montrait timide à toute façon de parler qui n'était pas de la langue de ses auteurs, A. Carrel, Œuvres, tome V, p. 211.

    Langue académique, celle qui se parle dans les discours d'apparat, et, en un autre sens, celle-là seule qui figure dans le Dictionnaire de l'Académie, qui a la sanction de ce corps littéraire. Penser traduire Hérodote dans notre langue académique, langue de cour, cérémonieuse, roide, apprêtée, pauvre d'ailleurs, mutilée par le bel usage, c'est étrangement s'abuser, Courier, Hérodote, Préface du traducteur.

  • 8Manière de parler, abstraction faite de l'idiome dont on se sert. Personne n'a mieux parlé que lui la langue du sentiment, la langue de l'amour. Songez que je vous parle une langue étrangère [celle de l'amour], Racine, Phèdre, II, 2. Fi donc, petit badin, un peu de retenue ; Vous me parlez, marquis, une langue inconnue, Regnard, le Joueur, II, 4.

    La langue des dieux, la poésie. La Grèce avait de grands poëtes, Homère, Antimaque, Pindare, et, parlant la langue des dieux, bégayait à peine celle des hommes, Courier, Hérodote, Préface du traducteur.

    On dit dans le même sens : la langue des vers, la langue poétique. La langue des vers est si magnifique en Italie, que l'on y aurait plus tort que partout ailleurs en renonçant à ses beautés, Staël, Corinne, VII, 2. Que ces conteurs des premiers âges de la Grèce aient conservé la langue poétique dans leur prose, on n'en saurait douter après le témoignage des critiques anciens ou d'Hérodote, qu'il suffit d'ouvrir seulement pour s'en convaincre, Courier, Hérodote, Préface du traducteur.

  • 9La langue d'une science, d'un art, l'ensemble des mots, des locutions dont on fait usage dans cette science, dans cet art. La langue des mathématiques. La langue de la métallurgie. On dit dans le même sens : la langue technique.
  • 10Système de signes appropriés à une notation. L'algèbre est une langue bien faite.
  • 11Moyens d'expression de l'artiste. La langue des couleurs, des sons.
  • 12 Terme de l'ordre de Malte. Les langues, les huit nations dont il était composé ; savoir trois en France, la langue de France, la langue de Provence et la langue d'Auvergne ; deux pour l'Espagne, la langue d'Aragon et la langue de Castille ; et trois autres, la langue d'Italie, la langue d'Allemagne, et la langue d'Angleterre. Le chef de chaque langue se nommait grand prieur.
  • 13Langue, se dit de certaines choses qui ont la forme d'une langue.

    Langues de feu, formes de langue-couleur de feu que le Saint-Esprit fit descendre sur chaque apôtre lorsqu'il leur donna le don des langues pour aller prêcher l'Évangile.

    Langues de feu, flammes allongées que projette un incendie. Déjà l'incendie, hydre immense, Lève son aile sombre et ses langues de feu, Hugo, Odes, IV, Chant de fête de Néron.

    Terme de marine. Langue de voile, morceau de toile que l'on ajoute sur le côté de plusieurs espèces de voiles.

    Langue de terre, certain espace de terre beaucoup plus long que large, qui ne tient que par un bout aux autres terres, et qui est environné d'eau de tous les autres côtés. Cette ville est bâtie sur une langue de terre.

    Langue de terre, se dit aussi d'une terre étroite qui en joint deux autres. Ces deux mers, venant à serrer la terre des deux côtés, font une langue qui attache à la terre ferme cette province, Vaugelas, Q. C. livre III, dans RICHELET. Cette étroite langue de terre, qui joint l'Amérique méridionale avec la septentrionale, est fortifiée par une chaîne de hautes montagnes, Raynal, Hist. phil. VII, 9.

    Il se dit aussi des pièces de terre longues et étroites qui sont enclavées dans d'autres terres. MM. les syndics du pays de Gex savent assez et attesteront combien est stérile le sol de cette petite province, qui n'est qu'une langue de terre d'environ cinq lieues de long et de deux de large, sur le bord du lac de Genève, Voltaire, Polit. et législ. Remontr. du pays de Gex, Au roi en son conseil.

  • 14Trompe des insectes lépidoptères.
  • 15Langue ou glossopètre, dent de poisson fossile.
  • 16Langue, se dit des trois pièces intérieures du périanthe des iris, qui ont leur extrémité relevée, par opposition aux trois pièces extérieures, qui penchent vers la terre et qu'on appelle mentons.

    Langue-d'agneau, nom vulgaire du plantain moyen.

    Langue-de-bœuf, la buglose officinale et la scolopendre.

    Langue-de-bouc, la vipérine.

    Langue-de-cerf, la scolopendre, plante de la famille des fougères.

    Langue-de-chat, bidens tripartita, etc. composée tubuliflore, ou eupatoire à feuilles d'arroche.

    Langue-de-cheval, un des noms vulgaires du ruscus hipoglossum (asparaginées), appelé encore laurier alexandrin.

    Langue-de-chien, voy. CYNOGLOSSE.

    Double-langue, fragon dont les feuilles portent sur le milieu une seconde feuille.

    Langue-de-noyer, langue-de-pommier, espèces d'agaric.

    Langue-d'oie, grassette.

    Langue-d'oiseau, le stellaria holostea, etc. caryophyllées.

    Langue-de-passereau, nom vulgaire du polygonum aviculaire (polygonées), dit aussi renouée. C'est aussi le nom vulgaire de la stellère passerine (thymélées).

    Langue-de-serpent, ophioglosse.

    Langue-de-vache, nom donné par les Espagnols au talin polyandre (portulacées) et au talin crénelé, tous les deux originaires du Pérou.

    Langue-de-vache, dans les environs de Boulogne, nom donné à la scabieuse, scabiosa arvensis, etc. knautia arvensis, COULT. (famille des dipsacées).

    Langue-de-vache, la grande consoude (borraginées), dans quelques cantons de la France.

  • 17Grande-langue, le torcol.
  • 18Nom vulgaire de différentes coquilles. Langue-d'or, nom marchand d'une coquille bivalve ; c'est la telline foliacée.

    Langue-de-serpent, langue-de-tigre, coquilles bivalves.

    Langue-de-chat, espèce de coquille allongée et plate : c'est encore une telline.

  • 19Nom de certains outils ou engins.

    Langue-de-carpe, instrument connu aussi sous le nom de trivelin, dont les dentistes se servent pour l'extraction des dents molaires ou pour celle des racines.

    Langue-de-serpent, petit instrument dont les dentistes se servent pour enlever le tartre des dents de la mâchoire inférieure.

    Langue de balance, style perpendiculaire au fléau, qui se trouve caché par la châsse quand la balance est en équilibre.

    Langue-de-bœuf, outil des maçons qui est taillé en forme de cœur.

    Langue-de-carpe, outil d'acier aigu et tranchant des deux côtés dont se sert l'armurier.

    Langue-de-carpette, outil de serrurier, dont le tranchant est arrondi.

    Langue, bout de tuyau de plomb aplati qui jette l'eau en nappe dans la cuvette d'une garde-robe.

    Terme de marine. Langue, coin pour empêcher que les cercles de fer des mâts ne déchirent les étambrais. On place aussi des langues entre le traversin de la hune et l'avant de la caisse du mât, etc.

  • 20Langue-de-chat, espèce de petite pâtisserie sèche et longue.

PROVERBES

L'usage est le tyran des langues, c'est-à-dire l'usage prévaut sur les règles de la grammaire.

On ne s'entend pas, c'est la confusion des langues, se dit d'une conversation où tout le monde parle à la fois.

Un coup de langue est pire qu'un coup de lance.

Qui langue a, à Rome va, c'est-à-dire qui sait parler, s'expliquer, peut aller partout.

Beau parler n'écorche pas la langue, c'est-à-dire il n'en coûte rien de parler poliment.

Il faut tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler, c'est-à-dire il faut, avant de parler, mûrement réfléchir.

SYNONYME

LANGUE, IDIOME. Langue désigne en général l'expression des pensées par la parole d'après les principes communs à toutes les grammaires. Idiome présente la langue au point de vue des particularités propres à chaque nation. Ainsi on dira : le projet d'une langue universelle, et non d'un idiome universel ; au contraire on dira l'idiome bourguignon, l'idiome picard, etc. et non la langue bourguignonne, la langue picarde.

HISTORIQUE

XIIe s. …cols [coup] de lange ne fait plaie, Chrestien de Troyes, dans HOLLAND, p. 266. Les langues d'or [du gonfanon] li sont as poins batant [lui battent sur les mains], Ronc. 38.

XIIIe s. Citoles et violes font moult melodies ; mais andeus [toutes les deux] sormonte langue soef, Latini, Trésor, p. 356. Quant uns hom a bone langue dehors, et il n'a point de conseil dedans, sa parleure est fierement perilleuse à la cité et à ses amis, Latini, ib. 469. Et s'aucuns fel [felon] sa langue en sache [en tire la langue par dérision]…, Lai de l'Ombre. Et aux langues lascher les freins, Bat. des 7 arts. Et se le crior le sait, il est ateint de fauceté et est en la merci dou seignor de perdre quanque il a et la laingue aussi, As. de Jérus. I, 212. Renart li a la langue traite Bien demi pié fors de la gueule, Ren. 1106. Fils à vilain, fait-il, malfez, Malostruz et mal engendrés, Orgueil de serf, hueil [œil] de larron, Langue de leu [loup], cri de paon, Partonopex, Ms de St-Germain, f° 164, dans LACURNE. Langue ment bien, mais cuer [cœur] ne puet [peut] changier, Bibl. des chartes, 4e série, t. V, p. 27.

XIVe s. Bonnes balences et justes, perciées entre le bras et la langue, sans estre enarchiées, Ordonn. des rois, t. I, p. 760. De langue sçait mieulx menacer, Que ferir de fer ne d'acier, Le liv. du bon Jehan, V. 1147.

XVe s. Ne on n'ose ceuls approuchier Qui ont mains d'or, langues d'argent ; L'on ne tient compte d'autre gent, Deschamps, poésies mss. f° 522. Toutes servantes doivent foy et loyaulté à leur maistresse, avoir courte langue, et longues aureilles et grandes, Aresta amorum, p. 183, dans LACURNE.

XVIe s. Foy n'y est rien, langues y sont cousteaux Par trop mesdire, Marot, I, 380. Ceste langue estoit la mienne maternelle, Montaigne, I, 196. Ils ont des espées de bois appointées par un bout, à la mode des langues de nos espieux, Montaigne, I, 239. Cela ne se passa point sans prisonniers, par lesquels on print langues de toutes parts, D'Aubigné, Hist. I, 213. Après avoir tout un temps joué de la langue [exhorté] en vain envers plusieurs…, D'Aubigné, ib. II, 62. La batterie assiduelle de cette puissante femme et des langues habilles qui la suivoient, avoit coeffé quelques deputez, D'Aubigné, ib. II, 336. La racine,… la base,… la pointe de la langue, Paré, IV, 12. L'herbe dite langue-de-chien desire la terre sablonneuse et legere, De Serres, 620. Langue-de-serpent ne se loge jamais qu'en bonne terre, grasse et humide, De Serres, 620. Autant de langues que l'homme sçait parler, autant de fois est-il homme, Brantôme, CharlesQuint. Mieulx vaut des mains estre battu que de la langue estre feru, Génin, Récréat. t. II, p. 245. Mordre sa langue est mal penser, Génin, ib. Et de souspirs et larmes [ils] feirent langues Pour achever, sans parler, leurs harangues, la Marguerite des marguer. f° 383, dans LACURNE. Gens de langue et procureurs, Nouv. coust. génér. t. I, p. 677. De ceux qui ont esté sept ans hors du pays sans avoir entendu langue ou eu marque d'eux, ib. t. I, p. 577. Hardie langue, couarde lance, Cotgrave Longue langue, courte main, Cotgrave Mieux vaut glisser dupied que de la langue, Cotgrave Le peuple est souverain seigneur de sa langue, et la tient comme un fief de franc alleu, et n'en doit recognoissance à aulcun seigneur, Ramus, dans LIVET, la Gramm. franç. p. 179. Notre langue, qui est aujourd'hui [en 1555] en sa plus grande force et consistance, ne peut souffrir reformation, J. Pelletier, dans LIVET, la Gramm. franç. p. 154. Adieu, vieille forest, le jouet de Zephyre, Où premier j'accorday les langues de ma lyre, Ronsard, La forêt de Gastine.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

LANGUE. Ajoutez :

22Langue de châtaignier, sorte de champignon croissant près de terre sur les troncs d'arbre et alimentaire ; le nom savant est fistuline.
23Langue de vache, sorte d'enclume. On achève de lui donner la configuration voulue en continuant de la battre [la plaque d'argent] tantôt avec la tête et tantôt avec la panne du marteau, sur diverses enclumes appropriées à la forme du vase, et que l'on nomme langues de vache, Œuvres de Benvenuto Cellini, trad. L. Léclanché, Traité de l'orfévrerie, ch. XII, ou t. II, p. 325.
24Anciennement, langue de bœuf, dague, miséricorde très large, portant souvent, dans sa gaîne, un petit couteau nommé bâtardeau.

REMARQUE

Grand comme une langue de chat, se dit d'un objet de très petite dimension. Ne m'en donnez qu'une langue de chat ; je n'en veux qu'une langue de chat. C'est de là que vient langue de chat, nom d'une petite pâtisserie.

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Étymologie de « langue »

(fin Xe siècle) Du moyen français langue, issu de l’ancien français langue, lui-même du latin lingua (« langue »), issu de la forme archaïque dingua, elle-même issue du proto-italique *denɣwā, issu du indo-européen commun *dn̥ǵʰwéh₂s (« langue (organe), discours, langage »).
Apparenté au germanique qui a donné Zunge en allemand et tongue en anglais.
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Wallon, linwe ; Verviers, lèwe ; picard et Berry, lingue ; provenç. lengua, lenga ; cat. llengua ; esp. lengua ; port. lingua, lingoa ; ital. lingua ; du lat. lingua.

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Phonétique du mot « langue »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
langue lɑ̃g

Fréquence d'apparition du mot « langue » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « langue »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « langue »

  • Facilité, dis-je, me voilà ramené droit à Eluard. En effet, des mots de cette ardente langue française, qui jamais ne fut aussi femme que lorsque c’était lui qui la couchait sur le papier, il en est peu qui lui appartiennent autant que celui-là sous la forme de l’adjectif dérivé.
    André Pieyre de Mandiargues — Préface de Capitale de la douleur
  • La langue de l'alchimie est une langue de la rêverie, la langue maternelle de la rêverie cosmique.
    Gaston Bachelard — La Poétique de la rêverie, P.U.F.
  • Parce que nous sommes des métis culturels, parce que, si nous sentons en nègres, nous nous exprimons en français, parce que le français est une langue à vocation universelle, que notre message s’adresse aussi aux Français de France et aux autres hommes, parce que le français est une langue “de gentillesse et d’honnêteté”.
    Léopold Sédar Senghor — Ethiopiques
  • A coup de langue écu d’oreille.
    Proverbe français
  • La musique. Probablement la langue véritable du subconscient, la langue universelle au-delà du possible.
    Louis Geoffroy — Un Verre de bière mon minou
  • La langue anglaise est du hollandais brodé de français.
    John Howell — Lexicon Tetraglotton
  • Une langue est une logique.
    Émile Zola — Les Romanciers naturalistes, les Romanciers contemporains , Charpentier
  • Ce n'est pas un crime de savoir plusieurs langues, c'est plutôt un malheur.
    Jean Paulhan — De la paille et du grain, Gallimard
  • Dans la langue, un mystère, un vieux trésor se trouve Chaque année, le rossignol revêt des plumes neuves, mais il garde sa chanson.
    Frédéric Mistral — Les Îles d'or Lis Isclo d'or
  • Celui qui ne connaît pas les langues étrangères ne sait rien de sa propre langue.
    Johann Wolfgang von Goethe — Maximes et réflexions Maximen und Reflexionen
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Traductions du mot « langue »

Langue Traduction
Anglais language
Espagnol lengua
Italien lingua
Allemand sprache
Chinois 语言
Arabe لغة
Portugais língua
Russe язык
Japonais 言語
Basque hizkuntza
Corse lingua
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Synonymes de « langue »

Source : synonymes de langue sur lebonsynonyme.fr

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