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Prêter

Définitions de « prêter »

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PRÊTER, verbe

I. − Empl. trans. dir. Prêter qqc. à qqn, à qqc.
A. −
1. [Le compl. d'obj. désigne un objet, de l'argent] Mettre une chose à la disposition de quelqu'un à condition qu'il la rendra. Anton. emprunter.Le premier gredin venu (...) devient notre seigneur et maître le jour où nous lui empruntons cent sous, qu'il nous prête après nous avoir fait dépenser pour cent écus de ruses ou d'humilité (Murger,Scènes vie boh., 1851, p.286).Le bon Glatigny (...) désespérant de posséder jamais cet ouvrage en volume, l'apprit par coeur dans je ne sais quel vieux journal (...) qu'on lui avait prêté pour quelques heures (France, Vie littér., 1891, p.363). −(...) Mais où mets-tu tes livres? −Je n'en ai pas. Quand j'ai lu un livre je le prête à des amis qui ne me le rendent pas (Beauvoir,Mandarins, 1954, p.290).
Absol. Prêter de l'argent. Prêter à intérêts, sans intérêts; prêter sur gage, sur nantissement, sur titre; prêter à fonds* perdu; prêter au jour le jour. Il prêtait à des personnes pouvant offrir de bonnes garanties hypothécaires (Flaub.,Éduc. sent., t.2, 1869, p.53).Je lui dois de l'argent, à mon portier: mille livres. Il prête à quatre cents pour cent (Farrère,Homme qui assass., 1907, p.131).Aux cultivateurs de la région, il prêtait sur hypothèques, comme pour leur rendre service et avec une bonhomie qui faisait oublier, sur le moment, ses taux usuraires (Aymé,Jument, 1933, p.16).
Prêter à la petite semaine. Prêter pour un temps très court et à fort intérêt. Son père (...) lui servait une pension de cent francs par mois, bien qu'il eût gagné des sommes fort rondes en prêtant à la petite semaine (Zola,E. Rougon, 1876, p.37).
Expressions Qui donne aux pauvres/à l'Église, prête à Dieu. «Faites l'aumône! Qui donne à l'église, prête à Dieu» (About,Roi mont., 1857, p.133).
On ne prête qu'aux riches. Nous voulons un gouvernement qui intervienne dans l'industrie, parce que là où l'on ne prête qu'aux riches, il faut un banquier social qui prête aux pauvres (L. Blanc,Organ. trav., 1845, p.xxv).Le gaz de Lacq s'en va maintenant vers les régions déjà industrialisées (on ne prête qu'aux riches) (Encyclop. éduc., 1960, p.40).Infra B 3.
Empl. pronom. réciproque. Les mitrailleuses (...) il y en a une pour trois compagnies. En cas d'attaque, elles se la prêtent (Malraux,Espoir, 1937, p.578).
2. P. anal. [Le compl. d'obj. désigne une pers.] Mettre momentanément quelqu'un (sur qui on a autorité) à la disposition de quelqu'un. La duchesse, les barons et les états de Bretagne envoyèrent une ambassade au roi d'Angleterre, et le requirent de leur prêter M. de Richemont pour commander les Bretons et délivrer son frère, s'obligeant à le rendre après, mort ou vif (Barante,Hist. ducs Bourg., t.4, 1821-24, p.393).Le maître de la police avait résolu de prier le journal L'Époque de lui prêter son jeune reporter (G. Leroux,Parfum, 1908, p.74).
Empl. pronom. réciproque. Des hommes faits [à Sparte], afin d'être de meilleurs amis, se prêtent leurs femmes (Taine,Philos. art, t.2, 1865, p.185).
B. − [Le compl. d'obj. désigne gén. une chose abstr.]
1. Accorder, offrir quelque chose à quelqu'un (généralement pour un temps limité). Clément [VII] qui voulait l'avoir à Florence [Michel-Ange], lui prêtait toute sa faveur (Stendhal,Hist. peint. Ital., t.2, 1817, p.251).Je vous félicite de prêter les lumières de votre conscience à un tribunal plus sûr et moins faillible peut-être que tout autre (A. France,Dieux ont soif, 1912, p.106).J'ai perdu mes sept meilleurs amis. Autant dire que Dieu, sept fois, m'a fait des grâces sans que j'y prisse garde. Il me prêtait une amitié, me l'ôtait, m'en envoyait une autre et ainsi de suite (Cocteau,Poés. crit.II, 1960, p.30):
1. Vous saviez bien que cette vie terrestre devait finir (...). Vous vous insurgez comme si vous alliez être dépouillé d'un bien qui vous était acquis! Mais vous saviez que notre vie nous est seulement prêtée par le bon Dieu. Martin du G.,Thib., Mort père, 1929, p.1258.
Expr. Si Dieu me/te... prête vie. Si je/tu... vis assez longtemps. Une explication en vaudevilles, que j'aurai l'honneur de leur chanter au dessert, si Dieu me prête vie jusque là; car on m'a prédit que je mourrais avant la fin d'un dîner (Jouy,Hermite, t.4, 1813, p.231).
[Le suj. désigne une chose] Si vous voulez attendre encore une heure, la lune sera assez haut dans le ciel pour nous prêter sa lumière (Sand,Indiana, 1832, p.300).Le beau jardin qui vous prête ses abris d'ombre (Verhaeren,Mult. splendeur, 1906, p.66).
Absol. Riche, épargne le pauvre, et toi, pauvre, pardonne Au riche, car le sort prête et jamais ne donne (Hugo,Pape, 1878, p.69).
Empl. pronom.
réfl., rare. Se donner. Le visiteur (...) pour se prêter une contenance, souffla sur les verres de son lorgnon (Huysmans,En mén., 1881, p.279).
réciproque. Se donner mutuellement, échanger. Ses deux communions, le protestantisme et le catholicisme, s'entre aident l'une l'autre à mieux périr. Elles se prêtent l'une à l'autre leurs doutes, leur foi, leurs églises, leurs berceaux, leurs tombeaux (Quinet,All. et Ital., 1836, p.65).L'abri que les branches et les troncs se prêtent mutuellement (Pesquidoux,Livre raison, 1928, p.21).
a) [Dans des loc. indiquant que l'on accorde son aide à qqn, que l'on soutient qqc.]
Prêter (son) aide, assistance, son appui, son concours, son office. Un professeur dans un des lycées de Paris, nous prête son concours éclairé, toutes les fois qu'il s'agit de recommander un ouvrage nouveau d'éducation (Mallarmé,Dern. mode, 1874, p.777).Au nom des Français Libres, je m'engage (...) à prêter à l'U.R.S.S. aide et assistance dans cette lutte par tous moyens dont je dispose (De Gaulle,Mém. guerre, 1954, p.546).V. aide ex. 7.
Empl. pronom. réciproque. [Le suj. peut désigner une chose] Les progrès de la philosophie et des sciences ont étendu, ont favorisé ceux des lettres, et celles-ci ont servi à rendre l'étude des sciences plus facile, et la philosophie plus populaire. Elles se sont prêté un mutuel appui (Condorcet,Esq. tabl. hist., 1794, p.197).
En partic. Prêter son concours à (un spectacle). Y participer en qualité d'interprète. Celles qui prêtaient leur concours à toutes les matinées et soirées recevaient des roses peintes par la marquise (Proust,Guermantes 2, 1921, p.375).
Prêter l'appui, le secours de + subst. Aider, soutenir par tel moyen, grâce à telle chose. Prêter l'appui de ses épaules (v. appui ex. 4), l'appui de son amitié. J'aurais, faute de confiance dans mes lumières, prêté le secours de ma voix à la majorité du conseil, n'eût un obstacle achevé de me retenir (Chateaubr.,Mém., t.3, 1848, p.237).
Empl. pronom. réciproque. La société des femmes ne nuit qu'aux laiderons; les autres se prêtent pour leur triomphe l'appui mutuel de leur éclat (Arnoux,Roi, 1956, p.162).
Prêter + subst. indiquant le moyen de l'action. Le même, qui, dans l'assemblée constituante, prêta sa voix à la cabale dominante (Robesp.,Discours, Guerre, t.8, 1792, p.196).Les historiens sont des menteurs privilégiés qui prêtent leurs plumes aux croyances populaires (Balzac, Cath. de Médicis, Introd., 1843, p.5). 1815-1848 (...) La chambre vote à plusieurs reprises une réduction d'impôts. D'illustres orateurs prêtent leur talent à cette cause (Stocker,Sel, 1949, p.109).
[Au propre et au fig., le subst. désigne une partie du corps] Prêter la/les main(s)*, prêter main-forte*. Nous lui prêtions volontiers nos épaules pour s'y appuyer jusqu'à sa porte (Vallès,Réfract., 1865, p.117).Le roi Berlu, menacé d'excommunication s'il ne prêtait pas son bras à l'Église pour la recherche des Edéniques, envoya (...) des gens d'armes (A. France,Barbe-Bleue, Mir. Gd St Nic., 1909, p.120).
Empl. pronom. réciproque. Les Gobseck, les Palma, les Werbrust, les Gigonnet se prêtaient mutuellement la main; mais du Tillet n'était pas assez intime avec eux pour leur demander leur aide (Balzac,C. Birotteau, 1837, p.85).
Empl. pronom. réfl. [Équivaut à prêter la main, prêter son aide] Serviable comme pas un, toujours sur le point de se prêter pour un foin qui pressait ou pour veiller un mort (Giono,Baumugnes, 1929, p.82).
b) [Dans des loc. indiquant que l'on accorde de l'attention, de l'intérêt à qqn, à qqc.]
Prêter attention/attention + déterm. Un enfant qui rit intérieurement de son professeur tout en paraissant lui prêter la plus grande attention (Balzac,E. Grandet, 1834, p.134).Marat mangeait rapidement, sans prêter grande attention à ce qu'il avalait (Vailland,Drôle de jeu, 1945, p.38).
Prêter l'oreille/oreille + déterm. Écouter attentivement ou favorablement; au fig., prendre en considération (v. oreille). Je me trouve le plus heureux des hommes d'avoir prêté l'oreille à ses propositions (Restif de La Bret.,M. Nicolas, 1796, p.64).L'art grec (...) a prêté une oreille complaisante à la doctrine de l'illusion totale de Gorgias (Huyghe,Dialog. avec visible, 1955, p.125).
Rare. Prêter les yeu., les regards. Regarder avec attention. Le peintre a prêté un instant au spectacle vénitien ses regards amusés et surpris (Nolhac,Fragonard, 1931, p.90).Elle lui prêtait tantôt son regard dérobé, tantôt sa sensible oreille (Colette,Duo, 1934, p.173).
Littér. Prêter coeur/un coeur + adj. ou part. Prendre de l'intérêt. Dans ses heures de musique, de lecture ou de promenade, elle ne prêtait plus qu'un coeur possédé par un chagrin jaloux et qui ne le quittait pas un instant (Proust,Plais. et jours, 1896, p.122).
c) Prêter foi. Croire. Mes affaires vont fort bien. Ne prête aucune foi à tous les mauvais bruits que l'on pourrait faire courir (Napoléon Ier, Lettres Joseph., 1807, p.138).
d) Domaine jur.Prêter serment. Attester solennellement l'existence ou la non-existence d'un fait ou d'un acte juridique; s'engager solennellement devant l'autorité qualifiée à dire la vérité ou à remplir sa mission selon les règles y afférant (d'apr. Roland-Boyer 1983). Prêter serment au roi; délier qqn du serment prêté. Nous avons tous prêté serment entre les mains de M. le duc. Ils ont juré foi de gentilhomme, moi, foi de procureur (Courier,Pamphlets pol., Lettres partic. 2, 1820, p.65).Quoiqu'il [Turenne] eût prêté serment de fidélité, il corrompit son armée, se déclara pour la Fronde, et marcha sur Paris (Las Cases,Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.246).C'était le vice-consul (...) qui présidait [le mariage] et a fait prêter serment aux témoins (Larbaud,Journal, 1931, p.255).
2. Attribuer, donner à quelque chose, à quelqu'un certains caractères, certaines qualités. Aucune honte à la suite des voluptés faciles (...). L'important c'est de ne pas y prêter d'importance (Gide,Journal, 1948, p.323):
2. Qui nomme-t-on gens pratiques, sinon ceux qui, ne sachant point prêter une âme aux choses, s'en prennent à cette dure écorce de vérité à laquelle seule s'attachent les esprits sans imagination et sans sympathie? Blondel,Action, 1893, p.161.
♦ Dans le domaine littér. ou artist.Ne pouvant prêter de la flamme à ces tristes sires, (...) [Velasquez] leur donnait la majesté froide (...), le geste et la pose d'étiquette (Gautier,Guide Louvre, 1872, p.279).[MlleBréval] prête à la princesse captive un caractère et une âme (P. Lalo,Mus., 1899, p.93).
P. ext. Donner en modèle. Michel Chrestien, un des jeunes gens du Cénacle, avait prêté pour le sénateur sa tête républicaine (Balzac,Rabouill., 1842, p.318).C'est cette vallée que j'ai peinte et c'est notre maison, dans l'Immoraliste. Le pays ne m'a pas seulement prêté son décor; à travers tout le livre j'ai poursuivi profondément sa ressemblance (Gide,Si le grain, 1924, p.392).
[Le suj. désigne une circonstance, un fait, un trait partic.] Donner par sa présence, son existence tel caractère. Marguerite a de beaux yeux meurtris auxquels les larmes prêtent un éclat bien émouvant et comme enfantin (Duhamel,Confess. min., 1920, p.171).C'était la première fois qu'Henri ne songeait pas à sourire des airs importants de Scriassine; cette grande silhouette sombre à ses côtés prêtait à la scène une inquiétante solennité (Beauvoir,Mandarins, 1954, p.296).La colère prête à ce génie si bizarrement divers [Bossuet] un don fort inattendu pour la comédie, car il fait rire de MmeGuyon (Green,Journal, 1956, p.197).
3. Attribuer à quelqu'un, sans raison fondée et souvent à tort, un caractère, un trait, un acte, une pensée. Prêter à qqn des aventures, de l'esprit, de la perfidie, de la niaiserie, ses propres sentiments, le dessein, l'intention, la pensée de (faire telle chose). Les gens doubles prêtent toujours aux autres leur duplicité (Balzac,U. Mirouët, 1841, p.16).Elle (...) contemplait la salle avec un port de tête et un sourire comme on en prête aux impératrices de légende (Chardonne,Bonheur Barbezieux, 1938, p.58):
3. ... il admirait les beaux corps et les belles figures, à quelque sexe qu'ils appartinssent. Cette dernière particularité lui faisait prêter de mauvaises moeurs; car les mauvaises moeurs sont la seule chose que les gens prêtent sans réfléchir. Cocteau,Gd écart, 1923, p.7.
Absol. Cette manière d'envisager Pascal n'est pas fausse (...). En le voyant ainsi, nous y mettons involontairement du nôtre, nous lui prêtons (Sainte-Beuve,Portr. contemp., t.5, 1844, p.212).
Expr. On (ne) prête (qu')aux riches. On n'attribue un caractère, des actes (qu')à ceux qui se sont déjà fait remarquer dans des domaines analogues. Tous ceux-là dont aucun chroniqueur jamais ne recueillit les paroles, qui n'écrivent pas, qui ne parlent pas, à qui les clercs, les maîtres, les gens en place, comme on prête aux riches, attribuent les pensées qu'il leur plaît (Guéhenno,Journal «Révol.», 1938, p.81).On lui prêtait à peu près tous les mots piquants qui se pouvaient faire, parce qu'on aime prêter aux riches (L. Madelin,Hist. du Consulat et de l'Empire, t.3, 1937-54ds Rob. 1985).
Empl. pronom. réfl. Il mettait de l'étrange dans les choses les plus banales. Il se prêtait une vie intérieure, un coeur ravagé, des ambitions (Aragon,Beaux quart., 1936, p.312).
[Le compl. second. désigne une chose] Les hommes ne reçoivent d'ordinaire qu'avec difficultés ce qui n'est point selon les règles qu'ils prêtent à l'univers et pensent ensuite y avoir découvertes (Toulet,Mariage Don Quichotte, 1902, p.36).Un écrivain proteste contre le sens erroné que l'on prête à son ouvrage. Il souffre d'éveiller dans le lecteur d'autres sentiments que ceux qu'il voulut lui inspirer (Mauriac,Journal 2, 1937, p.123).
C. − [Le compl. d'obj. désigne une partie du corps ou d'une chose] Présenter, offrir pour laisser faire quelque chose. Je suis défiguré par la cautérisation du docteur Stroehlin (...). Je me mords les doigts d'avoir prêté ma joue à une pareille expérience (Amiel,Journal, 1866, p.304).Le major Gresloup arracha une poignée d'herbes et bouchonna son rouan, qui prêta les flancs à l'opération, satisfait (Adam,Enf. Aust., 1902, p.274).Démétrios, suppliant, tendit la tête... Elle força vivement son regard et prêta ses luxurieuses lèvres (Louys,Aphrodite, 1896, p.57).
En partic.
Prêter (le) flanc*. Prêter le flanc à la critique, aux calomnies, aux sarcasmes.
Vieilli. Prêter le collet à qqn. Se présenter pour lutter, combattre contre quelqu'un; au fig., être prêt à résister à quelqu'un, à disputer contre lui. (Ds Littré). Ne m'avez-vous pas dit que vous aviez autrefois pratiqué l'escrime? −(...) Je renonçai à cet exercice l'an dernier. −Nous le reprendons, répliqua don Jose, et je vous prêterai le collet tant qu'il vous plaira (Feuillet,Onesta, 1848, p.283).
MAR. Prêter le côté. Présenter le travers. Un bâtiment à la cape prête le côté au vent et à la mer (Will.1831).
II. − Empl. trans. indir. Prêter à qqc.
A. − Donner lieu, donner matière à.
1. + subst.
[Le suj. désigne une pers.] C'était un homme sans conséquence, qui ne prêtait ni à la médisance, ni même à la calomnie (Karr,Sous tilleuls, 1832, p.215).Enfin, il prêtait à la plaisanterie par une figure si poupine, que le père Guerbet prétendait qu'il avait fini par prendre le visage de ses pratiques (Balzac,Paysans, 1850, p.285).Supra II C prêter le flanc à.
[Le suj. désigne une chose] Terme qui prête à obscurité, à double entente; fait qui prête à discussion, aux commentaires; prêter à l'erreur, à la critique, à confusion, à controverse, à (l')équivoque. On louait tout ce qui prêtait à la louange, on excusait tout ce qui prêtait au blâme (Duras,Ourika, 1824, p.29).[Socrate] propose une sorte d'idéal quasi paradoxal, qui prête à la fois à l'admiration et au sourire (Gide,Journal, 1948, p.329).
2. + inf. [Le suj. désigne une chose ou une pers.]Je ne me fais pas encore à l'idée de prêter à rire, par ma seule présence (Amiel,Journal, 1866, p.307).
Prêter à + inf. à qqn.Tigrane demeure pour moi un peu énigmatique (...). Il me prête indéfiniment à réfléchir (Barrès,Voy. Sparte, 1906, p.130).Des événements qui nous avaient paru néfastes, fâcheux, revenaient pêle-mêle avec les autres et nous prêtaient à rire (Duhamel,Confess. min., 1920, p.69).
B. − Littér. Se prêter à (infra III). Les situations de ce genre prêtent bien plus à la pantomime qu'à la parole, et les mots ne sont là que pour achever les gestes (Staël,Allemagne, t.3, 1810, p.170).[Décor des Puritains] La détrempe prête admirablement à cette simplicité d'effets, les teintes ne se mêlant pas comme dans l'huile (Delacroix,Journal, 1847, p.199).Le premier Dauphin prêtait moins sans doute à l'éducation; il avait une douceur poussée jusqu'à l'apathie (Sainte-Beuve,Caus. lundi, t.2, 1850, p.8).
Absol. L'homme d'esprit inventif a souvent une infinité de manières possibles de se produire et de faire: l'occasion décide; à moins d'une volonté très-haute, on se jette du premier côté qui prête (Sainte-Beuve,Portr. contemp., t.3, 1840, p.119).Il nous faut du pittoresque, des architectures à effet, des rues bizarres avec des clairs de lune, des montagnes et des forêts, il nous faut des sujets de descriptions qui prêtent! (Huysmans,En mén., 1881, p.113).
III. − Empl. pronom. Se prêter à qqc.
A. − [Le suj. désigne une chose]
1. Être approprié, convenir particulièrement pour une action, un usage.
+ subst.Se prêter à un emploi, une étude, une expérience, une opération, une théorie; se prêter bien, mal, facilement, particulièrement à qqc. La préconception vraiment un peu enfantine que seul le mode de penser allemand se prête à une philosophie véritable (Du Bos,Journal, 1927, p.165).La machine à dérouler (...) le bois (...) permet d'obtenir des panneaux (...) se prêtant bien au cintrage et au pliage (Guillemin,Constr., calcul et essais avions, 1929, p.7).V. étalement A ex. de Huyghe et hôtel ex. 4.
Rare. [Le compl. désigne une chose concr.] Il y avait au premier rang un tout petit, de quatre ou cinq ans; sa tunique trop grande, trop lourde, trop cuirassée surtout, ne se prêtait pas à ses membres débiles et souples (Barrès,Déracinés, 1897, p.495).
+ inf.La mer se prêtait si bien à faire la fonction de voie de communication (Proust,Fugit., 1922, p.627).Je suis en désaccord absolu avec Théophile Gautier, qui prétend que la danse se prête peu à rendre des idées métaphysiques (Lifar,Traité chorégr., 1952, p.44).Certains hôtels, devenus trop importants pour leur activité actuelle, se prêtent parfaitement à être modernisés et transformés au moins partiellement en établissements de cure (Jocard,Tour. et action État, 1966, p.160).
2. S'adapter, se soumettre à. Dans la recherche des causes, nous avons écarté tout ce qui se prête trop aux jugements personnels et aux appréciations subjectives (Durkheim,Divis. trav., 1893, p.xlii).L'erreur et le mensonge sont généralement plus croyables (...) que l'intransigeante vérité; malléables, ils se prêtent et se plient mieux aux circonstances (Arnoux,Solde, 1958, p.242).
3. Absol. Prêter (infra IV). Le cuir a la propriété de se prêter quand il est humide et de conserver une fois sec, la forme demandée (J. Coulon,Technol. gén. modiste, 1951, p.53).
B. − [Le suj. désigne une pers.]
1. Ne pas s'abandonner totalement à quelque chose, ne pas se livrer complètement à quelqu'un, ne pas s'adonner entièrement (à une activité). La duchesse (...) avait jugé que l'instant était venu de faire sentir à ce soldat impérial que les duchesses pouvaient bien se prêter à l'amour, mais ne s'y donnaient pas (Balzac,Langeais, 1834, p.288).On se prête, malgré soi, à ce jeu coquet ou passionné de la possession, mais on ne se donne jamais (Maupass.,Sur l'eau, 1888, p.326).Si tu me vis, sous l'oeil des barbares, me prêter à vingt groupes bruyants et divers, c'était pour qu'on me laissât le répit de me construire une vision personnelle de l'univers (Barrès,Homme libre, 1889, pp.12-13).
Absol. Quand par hasard Melchior se force à écouter, il tombe dans un autre défaut, il ne fait que se prêter, il ne se donne pas (Balzac,Modeste Mignon, 1844, p.220).Devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû (...) maintenez votre indépendance et votre humble dignité; prêtez-vous pour un temps, s'il le faut, mais ne vous aliénez pas (Sainte-Beuve,Caus. lundi, t.11, 1864, p.402).
2. Consentir, se soumettre à quelque chose. Synon. céder, se plier à.Se prêter de bonne, de mauvaise grâce aux avances, au caprice, aux desseins, aux extravagances, aux manies de qqn.
+ subst.Andermatt ne se fâchait jamais et se prêtait à toutes ses plaisanteries, en homme supérieur, sûr de lui (Maupass.,Mt-Oriol, 1887, p.50).Un fonctionnaire peut se prêter librement à une interview portant sur des questions étrangères au service auquel il appartient (Encyclop. éduc., 1960, p.288):
4. Chaque fois que le jeune Ernest sortait de chez son père, il subissait son interrogatoire inquisitorial sur tout ce que le comte avait fait et dit. L'enfant se prêtait complaisamment aux désirs de sa mère (...) et il allait au-devant de toutes les questions. Balzac,Gobseck, 1830, p.427.
+ inf.Accepter de (faire quelque chose). Avec quelle joie Henriette se prêtait à me laisser jouer le rôle de son mari, à me faire occuper sa place à table (Balzac,Lys, 1836, p.213).J'ai voulu voir ces bambins qui dormaient par là... Elle s'est prêtée en riant à me les montrer (Toepffer,Nouv. genev., 1839, p.245).
3. Consentir à quelque chose en y prenant part, permettre que quelque chose ait lieu. Se prêter à une conjuration, à un trafic. Cet homme (...) par cupidité, s'était prêté, pendant tout l'hiver, aux entrevues des deux amants (Sand,Indiana, 1832, p.98).Elle se prêtait sans enthousiasme à la manoeuvre qui devait pousser à la mairie le protégé de Valtier (Aymé,Jument, 1933, p.125):
5. Certes, il demeurait coupable, ainsi que Georges et Phiphi, de s'être prêté à un jeu cruel mais il ne s'y serait pas prêté, affirmait-il, s'il avait cru que l'arme était chargée. Gide,Faux-monn., 1925, p.1245.
IV. − Empl. intrans. [Le suj. désigne une matière] S'allonger sous un effort de traction et conserver au moins partiellement cet allongement (d'apr. Rama 1973). Supra III A 3. Pour qu'elles arrivent [les toiles employées dans l'enveloppe d'un pneu] à épouser (...) sans plis la forme du moule, il faut qu'elles prêtent suffisamment (Graffigny, Industr. caoutch., 1928, p.159).
REM.
Prêter, subst. masc.Action de prêter. Proverbe. Ami au prêter, ennemi au rendre. Celui à qui on a prêté de l'argent devient soudain l'ennemi du prêteur quand il faut le rendre. (Ds M. Maloux, Dict. des proverbes, sentences et maximes, Paris, Larousse, 1960, p.23). V. ange II B 5.
Prononc. et Orth.: [pʀ εte], [pʀe-], (il) prête [pʀ εt]. Ac. 1694, 1718: prester; dep. 1740: prêter. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1140 «mettre à la disposition de quelqu'un» (G. Gaimar, Hist. des Anglais, éd. Bell, 6449); 1538 prêter secours, aide (Est.); ca 1562 prêter la main à qqn «l'aider à réussir» (Bonivard, Advis et devis de la source de l'idolatrie, 70); 1611 prêter l'épaule à (Cotgr.); 1636 prêter main-forte (Monet); prêter les mains (Molière, Misanthrope, IV, 3); 1914 prêter son concours (Jaurès, Paix menacée, p.35); 2. a) 1180 «fournir une chose à condition qu'elle soit rendue» (Marie de France, Fables, 4, 6, 8 ds T.-L.); 1668 p.plaisant. je vous prête le bonjour (Molière, L'Avare, II, 5); b) 1585 prêter sur gage (N. Du Fail, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, II, 32); 1845-46 prêter à la petite semaine (Besch.); c) 1639 subst. c'est un preter à jamais rendre (Chapelain ds Kuhn, p.120); 1808 c'est un prêté pour un rendu (Hautel t.2); 1813 un prêté-donné (J.-F. Rolland, Dict. mauv. lang., p.111); 1835 c'est un prêté-rendu (Ac.); 3. ca 1225 «conférer, accorder, procurer» fig. (Reclus de Molliens, Miserere, 4, 3 ds T.-L.); 1269 prester l'oreille (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 14541); 1538 prêter serment (Est.); 1548 prêter attention (N. Du Fail, Baliverneries, éd. J. Assézat, 152); 1567 prêter silence (Amyot, Ciceron, 27 ds Littré); av. 1615 prêter sa voix (Pasquier, Recherches, 879); 1601 prêter les yeux (Montchrestien, Ep. Déd., éd. Petit de Julleville, 5); 4. 1580 «donner matière à» (Montaigne, Essais, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier p.122); 1820 prêter à l'équivoque (C. Delavigne, Les Comédiens, III, 2 ds Littré); 1832 prêter à la plaisanterie (Raymond); 1834 prêter à rire (Land.); 1859 prêter au ridicule (Augier, Beau mariage, p.232); 5. 1587 prêter le collet à qqn «s'offrir pour se battre» (F. de La Noue, Discours politiques et militaires ds Littré); 1740 prêter le flanc «donner prise à une accusation» (Ac.); 6. 1588 «attribuer ou proposer d'attribuer tel ou tel caractère» (Montaigne, op. cit., p.127); 1845-46 on ne prête qu'aux riches (Besch.). B. 1. 1580 verbe pronom. «consentir à quelque chose, supporter, accepter de bonne grâce» (Montaigne, op. cit., p.505); 1683 «se laisser aller momentanément» (Bossuet, Oraison funèbre de Marie-Thérèse d'Autriche ds Littré); 1759 «être propre à, pouvoir s'adapter à» (Diderot, Lettre à MlleVoland, 14 août, ibid.); av. 1784 «s'accommoder» (Id., Neveu de Rameau, éd. Piazza, 100); 2. 1680 verbe intrans. «pouvoir s'étirer, s'étendre (d'un tissu, d'une peau)» (Rich.). Du lat. praestare «mettre à la disposition, procurer, fournir» l'expr. prêter serment est un calque du lat. jusjurandum praestare. Fréq. abs. littér.: 5173. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 7993, b) 6311; xxes.: a) 6672, b) 7785.

Wiktionnaire

Verbe - français

prêter \pʁe.te\ ou \pʁɛ.te\ transitif ou intransitif 1er groupe (voir la conjugaison) (pronominal : se prêter)

  1. Fournir, donner.
    • Elle s'était levée et prêtait l'oreille à des bruits imaginaires. — (Michel Zévaco, Le Capitan, 1906, Arthème Fayard, collection « Le Livre populaire » no 31, 1907)
    • Tous les hommes, […], écoutaient nonchalamment, sans y prêter grande attention, un mauvais phonographe, aux accents métalliques. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 385 de l’édition de 1921)
    • Historiquement, la « tête gouvernante » de l'impérialisme nord-américain prête une attention supérieure au contrôle militaire, tandis que sa « tête privée » se consacre au contrôle économique. — (Armando Uribe, Le livre noir de l’intervention américaine au Chili, traduction de Karine Berriot & Françoise Campo, Seuil, 1974)
    • La nuit lui prêtait son ombre.
    • Prêter secours, aide, faveur, etc., secourir, aider, favoriser quelqu’un en quelque chose.
    • Prêter la main à quelque chose, aider à faire quelque chose, être complice de quelque chose.
    • Il a prêté la main à ce vol, à ce meurtre.
    • Prêter la main à quelqu’un, l’aider à porter quelque chose de pesant, à remuer, à soulever quelque fardeau ; et, figurément, l’aider à réussir dans une entreprise.
    • Prêtez-moi un peu la main.
    • Prêter l’épaule.
    • Prêter serment, faire serment devant témoins.
    • Prêter serment devant un tribunal.
    • Il fut admis à prêter serment.
    • Prêter foi et hommage se disait d’un vassal qui rendait foi et hommage au seigneur duquel il relevait.
    • Prêter son nom, laisser faire en son nom un acte où l’on n’a point d’intérêt, dont un autre a les avantages et les charges. Il se dit aussi de celui qui autorise un autre à se servir de son nom en quelque occasion → voir prête-nom.
    • Prêter sa voix, prêter son ministère à quelqu’un, parler pour lui, s’employer pour lui.
  2. Fournir une chose sous condition que celui qui la reçoit la rendra ; permettre l’usage temporaire d’une chose. Il s’emploie absolument dans ce sens; c’est alors le plus souvent d’argent qu’il s’agit.
    • […], et si tu me rembourses pas les cinq cents francs que je t’ai prêtés pour acheter ta vache, je te fous l’huissier dans les pattes. Je te dis pas ça pour te menacer, au contraire : mais tu comprends ! — (Louis Pergaud, Deux Électeurs sérieux, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
    • Prêter sa voiture.
    • Prêter des meubles.
    • Il nous a prêté sa maison.
    • Prêtez-moi cette brochure.
    • Il ne rend jamais les livres qu’on lui prête.
    • C’est un homme qui n’aime pas à prêter.
    • Prêter à intérêt.
    • Prêter à la petite semaine, prêter pour un temps très court et à un intérêt très élevé.
  3. Attribuer, imputer.
    • Prêter à quelqu’un des propos, des opinions, des projets, des intentions, une action, un ouvrage, une chanson, une plaisanterie.
    • Prêter à une personne des torts, un ridicule, un travers.
  4. (Intransitif) Fournir matière à ; donner lieu à.
    • Envisagé du bord, un débarquement semblait d’autant plus difficile qu’outre les remous et les brisants qui encerclaient l’îlot, la configuration du rocher ne s’y prête guère. — (Jean-Baptiste Charcot, Dans la mer du Groenland, 1928)
    • Sa présence à Sagra ne prêtait pas moins à cent explications banales. — (Julien Gracq, Le Rivage des Syrtes, José Corti, 1951)
    • Mais à cette réunion, j’eus le tort de présenter mes idées sous une forme édulcorée (la théorie de l’onde-pilote) qui prêtait à de nombreuses objections. — (Louis de Broglie; La Physique quantique restera-t-elle indéterministe ? Séance de l’Académie des Sciences, du 25 avril 1953)
    • Nul ne sait si l'histoire d'un automobiliste faisant marche arrière pour « confisquer » le « barbecue » (le surnom du radar mobile) qui venait de le griller» est vraie. Ou juste imaginaire parce que prêtant à sourire. — (Denis Boulard, Radar Business, Éditions First-Gründ, 2012 chapitre 7)
    • Ce que vous me dites prête à penser.
  5. S’étendre aisément quand on les tire, en parlant du cuir, des étoffes, et autres choses de même nature.
    • Du cuir qui prête.
    • Un bas qui prête.
    • Une étoffe qui prête.
    • C’est un sujet qui prête, se dit, en parlant des ouvrages de l’esprit, d’un sujet qui peut fournir des développements brillants, suggérer des idées intéressantes.
  6. (Pronominal) S’adonner, se laisser aller momentanément à quelque chose.
    • Se prêter à l’espérance, à l’illusion.
  7. (Pronominal) Consentir par complaisance à quelque chose ; se plier à.
    • Notons que le terme association a été très mal choisi. Il n'implique pas que les plantes se prêtent une aide quelconque. En général, elles sont concurrentes. — (Henri Gaussen, Géographie des Plantes, Armand Colin, 1933, page 114)
    • Je me prêterai à cet accommodement.
  8. Convenir à ; être utilisable pour.
    • Ces lignes pures, ce ton fauve et doré, prêteraient merveilleusement à la peinture, et il est fâcheux que Léopold Robert, ce Raphaël des paysans, soit mort si jeune et n’ait pas fait le voyage d’Espagne. — (Théophile Gautier, Voyage en Espagne, 1840, édition Charpentier, 1859)
  9. (Pronominal) Convenir à ; être utilisable pour.
    • Grâce à la nature du sol (tirs et hamri) et à l’abondance des précipitations, une grande partie de la zone côtière se prête admirablement à l’exploitation agricole. — (Frédéric Weisgerber, Trois mois de campagne au Maroc : étude géographique de la région parcourue, Paris : Ernest Leroux, 1904, page 219)
    • Le sol argilo-calcaire, parfois décalcifié en surface — devenant argilo-siliceux au contact des grès bigarrés — se prête bien à la culture des céréales. — (Gustave Malcuit, Contributions à l’étude phytosociologique des Vosges méridionales saônoises : les associations végétales de la vallée de la Lanterne, thèse de doctorat, Société d’édition du Nord, 1929, p. 13)
    • Un sandwich enroulé (wrap en anglais) dans une tortilla de blé, voilà l'idée toute simple née en Californie dans les années 1990. Digne descendant du burrito, le wrap n'a pas tardé à conquérir le monde, tant il se prête à toutes les variations. — (Estérelle Payany, Wraps, éditions Variations gourmandes/Solar éditions, 2012, introduction)
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Littré (1872-1877)

PRÊTER (prê-té) v. a.
  • 1Fournir, mettre à la disposition (ce qui est le sens du latin præstare). Bien loin de vous prêter l'appui dont vous parlez…, Corneille, Nicom. I, 2. Petit poisson deviendra grand, Pourvu que Dieu lui prête vie, La Fontaine, Fabl. V, 3. Un guerrier est invincible quand il combat avec foi, et quand il prête des mains pures au dieu des batailles qui le conduit, Fléchier, Turenne. Si les dieux m'ont prêté des ailes, Ce n'est pas pour fuir le danger, Quinault, Persée, V, 4. Ô toi [nuit], de mon repos compagne aimable et sombre, à de si noirs forfaits prêteras-tu ton ombre ? Boileau, Lutr. II. [ô Dieu] prête à mes discours un charme qui lui plaise [au roi], Racine, Esth. I, 4.

    N'accorder que pour un moment. Ô sort… Reprenez la faveur que vous m'avez prêtée, Et rendez-moi la mort que vous m'avez ôtée, Corneille, Poly. II, 1.

    Prêter secours, aide, faveur, etc. secourir, aider, favoriser quelqu'un en quelque chose.

    Prêter un exemple à quelqu'un, lui donner un exemple qui l'autorise à faire quelque chose. Vous voyez qu'à son rang elle me sacrifie, Madame, et vous voulez que je la justifie ! Qu'après tous les mépris qu'elle montre pour moi, Je lui prête un exemple à me voler sa foi ? Corneille, Pulch. III, 4.

    Prêter main-forte, appuyer par la force l'exécution des ordres de la justice.

    En un autre sens, prêter main-forte, venir en aide. La moitié de tes gens doit occuper la porte, L'autre moitié te suivre et te prêter main-forte, Corneille, Cinna, V, 1.

    Prêter la main ou les mains à quelque chose, voy. MAIN, n° 5.

    Prêter la main, les mains à quelqu'un, venir en aide à quelqu'un. Cher Néarque, pour vaincre un si fort ennemi, Prête du haut du ciel la main à ton ami, Corneille, Poly. IV, 1. À vous prêter les mains ma tendresse consent, Molière, Mis. IV, 3. Venez me revoir, lorsque vous serez déterminé à quelque chose, et soyez persuadé que vous me trouverez disposé à vous prêter la main, Lesage, Estev. Gonz. 31. Trompé par une fausse expérience de Boyle, il [Newton] croit que l'humidité du globe se dessèche à la longue, et qu'il faudra que Dieu lui prête une main réformatrice, Voltaire, Dict. phil. Fin du monde.

    Se prêter la main, se secourir mutuellement. C'est ainsi que le despotisme et la superstition se prêtent la main, Diderot, Opin. des anc. philos. (Japonais).

    Prêter l'épaule, venir en aide. Il croit que ce climat [l'Égypte]… Ayant sauvé le ciel, sauvera bien la terre, Et… Pourra prêter l'épaule au monde chancelant, Corneille, Pomp. I, 1.

    Prêter son bras, fournir le secours de ses armes, de sa vaillance. Jamais il n'a prêté son bras à tes desseins, Corneille, Médée, II, 2. S'il les pousse trop loin [ses projets], moi-même je l'en blâme ; Je lui prête mon bras sans engager mon âme, Corneille, Sert. III, 2.

    Prêter l'oreille, écouter attentivement, en silence. Seigneur, prêtez l'oreille à mes paroles ; entendez mes cris, Sacy, Bible, Psaumes, V, 2. Cieux, écoutez ma voix ; terre, prête l'oreille, Racine, Athal. III, 7. Prêtez-moi l'un et l'autre une oreille attentive, Racine, ib. II, 5. Pourquoi dit-on prêter l'oreille, et que prêter les yeux n'est pas français ? n'est-ce point qu'on peut s'empêcher à toute force d'entendre, en détournant ailleurs son attention, et qu'on ne peut s'empêcher de voir, quand on a les yeux ouverts ? Voltaire, Comm. Corn. Rem. Rod. V, 3. Cachons-nous et prêtons l'oreille ; Car j'entends la porte s'ouvrir, Picard, Visitand. I, 7.

    Prêter l'oreille, signifie aussi donner créance. Nés et nourris dans la liberté, ils ne prêteront jamais l'oreille à aucune proposition qui tende à la servitude, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. III, p. 201, dans POUGENS.

    Prêter l'œil et l'oreille à, regarder et écouter. Même notre grand roi, ce foudre de la guerre, Le front ceint de lauriers, daigne bien quelquefois Prêter l'œil et l'oreille au théâtre françois, Corneille, l'Illus. com. V, 5.

    Prêter silence, faire silence. J'ai forcé ma colère à te prêter silence, Pour voir à quel excès irait ton insolence, Corneille, Héracl. I, 2.

    Prêter attention, prêter son attention, écouter attentivement. Asseyez-vous, monsieur, je vous conjure, et prêtez-moi votre attention, Beaumarchais, Mère coup. IV, 13.

    Prêter l'esprit à, accorder de l'attention. Immobile à leurs coups, en lui-même il rappelle Ce qu'eut de beau sa vie et ce qu'on dira d'elle, Et tient la trahison que le roi leur prescrit, Trop au-dessous de lui pour y prêter l'esprit, Corneille, Pomp. II, 2.

    Prêter serment, faire serment devant quelqu'un. M. de Luxembourg prêta le serment de sa charge de capitaine des gardes du corps, Pellisson, Lett. hist. t. I, p. 356. Tout vieux que je suis, je m'intéresse à ces belles Circassiennes qui ont prêté à Votre Majesté serment de fidélité, et qui prêteront sans doute le même serment à leurs amants, Voltaire, Lett. Catherine, 2 sept. 1769.

    Terme de féodalité. Prêter foi et hommage, voy. PRESTATION.

    Prêter sa voix, prêter son ministère à quelqu'un, parler pour lui, s'employer pour lui. C'est moi qui prête ici ma voix au malheureux ! Racine, Athal. II, 5.

    Prêter une défense à quelqu'un, employer tels ou tels moyens pour sa défense. L'histoire est trop connue pour retrancher le péril qu'il [le jeune Horace] court d'une mort infâme après l'avoir tuée [sa sœur] ; et la défense que lui prête son père pour obtenir sa grâce n'aurait plus de lieu s'il demeurait innocent, Corneille, Hor. Examen.

    Prêter son crédit, prêter ses amis à quelqu'un, lui rendre service par son crédit ou par l'intervention de ses amis.

  • 2Il se dit aussi des choses qui procurent, qui communiquent. Tes malheurs te prêtaient encor de nouveaux charmes, Racine, Phèdre, II, 5. La géographie ainsi considérée pourrait prêter des lumières à la physique, ou du moins donner des doutes, Voltaire, Russ I, 1. Son trouble lui prêtait de nouveaux agréments, Gresset, Méch. IV, 1. J'ose prendre mes vœux pour de l'espoir ; l'ardeur de mes désirs prête à leur objet la possibilité qui lui manque, Rousseau, Hél. I, 1. Pendant ce récit, le génie tenace de Napoléon fut moins frappé de ces avantages en eux-mêmes que de l'appui qu'ils prêtaient à l'illusion dont il venait de nous entretenir, Ségur, Hist. de Nap V, 3.

    Prêter une preuve, servir de preuve. Votre exemple lui prête une preuve assez claire, Que le trône est plus doux que le sein d'une mère, Corneille, Œd. I, 5.

    Prêter un prétexte, servir de prétexte. Il faut qu'il [l'hymen]… prête un doux prétexte à qui veut tout donner, Corneille, Sur. II, 1.

  • 3Particulièrement, donner une chose à condition qu'on la rendra. Pour tirer d'eux ce qu'on leur prête, Il faut que l'on en vienne aux coups, La Fontaine, Fabl. II, 7. Donner est un mot pour qui il a tant d'aversion, qu'il ne dit jamais, je vous donne, mais, je vous prête le bonjour, Molière, l'Av. II, 5. À Rome, il fut permis au mari de prêter sa femme à un autre, Montesquieu, Esp. XXVI, 18. Il est des circonstances où, si vous prêtez votre argent, vous vous faites un ennemi secret ; refusez-le, vous avez un ennemi ouvert, Voltaire, Fragm. hist. 14. Côme de Médicis, le plus riche particulier de l'Europe, lui prêta [à Sforce] cinquante mille écus, avec lesquels il gagna les troupes milanaises, Duclos, Œuv. t. II, p. 301.

    Absolument, en parlant d'argent. Cette honnête usurière, Qui nous prête, par heure, à vingt sous par écu, Regnard, le Joueur, I, 6. Dans un gouvernement où personne n'a de fortune assurée, on prête plus à la personne qu'aux biens, Montesquieu, Esp. V, 15. Il donnait avec bien plus de plaisir qu'il ne prêtait ; car souvent l'expérience lui avait fait connaître qu'il donnait ce qu'il croyait prêter, et qu'il s'en fallait bien qu'en trompant ainsi sa bienfaisance par une extension forcée, on lui en eût plus d'obligation, D'Alembert, Éloges, Milord Maréchal. On ne voit donc pas que prêter à intérêt c'est vendre ; qu'emprunter à intérêt, c'est acheter ; que l'argent qu'on prête est la marchandise qui se vend ; que l'argent qu'on doit rendre est le prix qui se paye, Condillac, Comm. gouv. I, 18.

    Prêter à la petite semaine, voy. PRÊT 2.

    Fig. Rome seule aujourd'hui peut résister à Rome, Il faut pour la braver qu'elle nous prête un homme, Corneille, Sertor. II, 1. Rien de la part des sens ne le saurait toucher, Et loin de prêter l'âme à leurs vaines délices…, Corneille, Imit. II, 9.

    Fig. Prêter sa main, être seulement l'exécuteur de la volonté d'un autre. Il m'a prêté sa main, il a tué le comte, Corneille, Cid, II, 9. Guillaume, enfant de chœur, prêta sa main novice [pour un tirage au sort], Boileau, Lutr. I.

    Fig. Prêter sa plume écrire pour quelqu'un.

    Fig. Prêter son nom, laisser faire en son nom. Et jusques à ce jour Atalide a prêté son nom à cet amour [de Roxane et de Bajazet], Racine, Baj. I, 1.

    Prêter son nom, autoriser un autre à se servir de notre nom en quelque occasion.

  • 4Présenter, acception qui n'est usitée que dans deux locutions et qui est une combinaison du sens étymologique (præstare, fournir) et du sens particulier (prêter, ne présenter que momentanément).

    Prêter le collet à quelqu'un, se présenter pour lutter ou combattre corps à corps avec lui.

    Fig. et familièrement. Prêter le collet à quelqu'un, être prêt à lui résister, à disputer contre lui. Recommençons notre commerce, je suis prêt à vous prêter le collet, Bussy-Rabutin, Lett. t. IV, p. 90, dans POUGENS. Je vous prêterai le collet en tout genre d'érudition, Molière, Am. méd. II, 4. Mon cousin est de mon sang, et cela lui suffit pour prêter le collet à tous les godelureaux de Paris, Destouches, Fausse Agnès, II 1.

    Prêter le flanc à l'ennemi, se poster ou marcher de manière que l'ennemi puisse attaquer en flanc. Si les ennemis voulaient aller à Limbourg, ils seraient obligés de lui prêter le flanc, à moins qu'ils n'allassent faire un grand tour, Pellisson, Lett. hist. t. II, p. 296.

    Fig. Prêter le flanc, donner prise sur soi. Il avait su faire rire le public aux dépens de ses adversaires ; il leur prêta le flanc en travestissant maladroitement l'objet de leur culte, D'Alembert, Éloges, Lamotte.

    Terme de marine. Prêter le côté à un fort, à un bâtiment, se dit d'un vaisseau qui se prépare pour combattre.

    Prêter le côté, est souvent synonyme de présenter le côté ou le travers.

    Prêter le côté au vent, à la mer, être à la cape.

  • 5 Fig. Attribuer, imputer. Prêter à quelqu'un des torts, un travers, des ridicules. J'avais si peu songé au dessein qu'elle me prêtait, que…, Maintenon, Lett. à Mme de St-Géran, 1er avril 1679. Dans ses égarements mon cœur opiniâtre Lui prête des raisons, l'excuse, l'idolâtre, Racine, Brit. III, 6. Je crois bien que l'historien a prêté ces discours à Pyrrhus et à Fabricius, Rollin, Hist. anc. Œuv. t. VII, p. 388, dans POUGENS. En général, on leur a prêté [aux cailles] des vues, une sagacité, un discernement qui feraient presque douter que ceux qui leur ont fait honneur de ces qualités en aient fait beaucoup d'usage eux-mêmes, Buffon, Ois. t. IV, p. 260. Ayez une aventure, on vous en prête cent, Desmahis, l'Impert. sc. 3.
  • 6 Fig. Elliptiquement, prêter à, en sous-entendant matière, sujet, occasion. Cette action prête à de fâcheuses interprétations. Prêter à la plaisanterie, à la critique, à la censure, au ridicule. Dans les lois générales, les exceptions prêtent toujours à l'arbitraire, Décret du 23 floréal an II, Rapport de Cambon, p 95. Dans ce maudit foyer tout prête à l'équivoque, Delavigne, les Comédiens, III, 2.

    Des grammairiens ont remarqué qu'il ne fallait pas dire prêter à rire, mais apprêter à rire. Ainsi ce vers serait fautif : Dès qu'un mari peu résigné Prêtait à rire au voisinage, Béranger, Contr. de mar. Cependant, si l'ellipse est telle qu'il a été dit, il est aussi loisible de dire prêter à rire, à plaisanter, que prêter au rire, à la plaisanterie.

  • 7 V. n. En parlant des étoffes, du cuir, etc. s'étendre. Ce drap prête beaucoup. Mes vers prêtent, ils s'allongent et se raccourcissent comme on veut, Legrand, la Nouveauté, sc. 14.

    Fig. C'est un sujet qui peut prêter, qui est susceptible de beaucoup de développements.

  • 8 S. m. Un prêter, action de prêter. Ami au prêter, ennemi au rendre, c'est-à-dire on se fait souvent un ennemi de celui qu'on a obligé, quand on exige le remboursement de ce qu'on a prêté.

    C'est un prêter à ne jamais rendre, se dit quand on prête à un insolvable ou à un ingrat.

  • 9Se prêter, v. réfl. Être prêté. Bientôt se parjurer cessa d'être un parjure ; L'argent à tout denier se prêta sans usure, Boileau, Sat. XI.
  • 10 Fig. Se prêter, se laisser aller momentanément à quelque chose. Et quoi qu'étale ici le monde, Ce n'est qu'avec dédain que l'œil s'y doit prêter, Corneille, Imit. II, 1. Elle sut se prêter au monde avec toute la dignité que demandait sa grandeur, Bossuet, Mar.-Thér. Le torrent n'entraîne que ceux qui veulent bien s'y prêter, Massillon, Pet. Car. Drap. Au théâtre, on se prête toujours aux sentiments naturels des personnages : on devient enthousiaste avec Polyeucte, inflexible avec Horace, tendre avec Chimène, Voltaire, Comm. Corn. Rem. Poly II, 6. Le roi [Louis XV], quoiqu'enfant, ne fut nullement étonné, fit un petit compliment, et se prêta de bonne grâce aux caresses du czar [Pierre Ier], Duclos, Œuv. t. V, p. 293. Toutes les fois que l'illusion est agréable, on s'y prête avec complaisance ; et tout ce qui est possible, on le suppose vrai, Marmontel, Œuv. t. VII, p. 48.

    Se prêter à soi-même, se laisser aller à ses propres penchants. Pour ne jamais sortir de l'état où vous êtes, vous n'avez qu'à suivre vos penchants, vous prêter à vous-mêmes, vous laisser entraîner mollement au courant, Massillon, Carême, Fausse conf.

  • 11Consentir par complaisance. Se prêter à un accommodement. Je me prêtai de bon cœur à tout, et je commençai par bien constater à ses propres yeux le plaisir que j'avais à lui complaire, Rousseau, Ém. III.

    Fig. Je résolus d'abandonner un climat où la nature se prêtait à peine aux besoins de l'homme, Barthélemy, Anach. ch. 1.

    User de complaisance. De l'humeur dont il est, j'admire seulement Qu'il daigne se prêter à nous pour un moment, Piron, Métrom. IV, 4. Les lois se sont prêtées à la faiblesse et aux passions, en ne réprimant que ce qui attaque ouvertement la société, Duclos, Consid. mœurs, IV. Prêtons-nous sagement aux misères humaines, Bernis, Ép. IV, Indép.

    Il faut se prêter aux circonstances, il faut savoir endurer, patienter selon les temps.

    Se prêter aux mains, laisser faire les mains auxquelles on est remis. La situation des dames romaines était la même que celle de nos dames entourées de plusieurs femmes ; il fallait se prêter aux mains qui les servaient de la façon la plus simple et la plus commode pour les unes et pour les autres, Hist. des Vest. dans DESFONTAINES.

    Absolument. Il faut savoir se prêter, il faut savoir user de complaisance à propos. Ce sont des visites à recevoir et à rendre… il faut cependant se prêter et paraître content, Diderot, Lett. à Mlle Voland, 14 août 1759.

  • 12S'accommoder. La langue italienne se prête à toutes les nuances de la gaieté, Staël, Corinne, IX, 1. Le vague de la musique se prête à tous les mouvements de l'âme, Staël, ib. IX, 2. Il est temps de montrer que, loin de rapetisser la pensée, le christianisme se prête merveilleusement aux élans de l'âme, Chateaubriand, Génie, I, I, 1.

    PROVERBE

    On ne prête qu'aux riches, on n'oblige que ceux dont on peut espérer des services ; et fig. on attribue volontiers aux personnes, suivant la réputation qu'elles se sont faite, certaines actions, bonnes ou mauvaises, des traits d'esprit ou des sottises.

HISTORIQUE

XIIIe s. Dex, ausi comme à ses hoirs, leur prestera ce que mestiers [besoin] leur sera en terre, Psautier, f° 45. Veuls tu bien savoir, enseigne ; car ainsi se preste doctrine ; se ele est espandue, croist, et se ele est teuue, descroit, Latini, Trésor, p. 367. De prester à usure mout bien nous guerirons [nous nous soutiendrons bien en prêtant], Berte, LXXVII. Dont Dex me prest par son plaisir sens et force et discretion ! H. de Valenciennes, I. Cele amoit trop sa janglerie, Volentiers li prestoit l'oreille, la Rose, 14773. Cil qui preste sor gage, Beaumanoir, XXXIV, 22. S'aucuns a poi d'ommes à fere jugement en se [sa] cort, il doit requerre au segneur de qui il tient, qu'il li prest de ses homes qui sunt si per, Beaumanoir, LXVII, 3. En coze prestée rendre n'a point de terme, s'il n'i fu mis au prester, Beaumanoir, XXXIV, 20.

XIVe s. Prester aux poures quant ils en ont besoing, et leur pardonner la debt, Ménagier, I, 3.

XVe s. Seigneurs, prestez-moy un peu le parler. Adonc chascun fist silence, Perceforest, t. VI, f° 97. Il devoit prester au roy quatre places… mais il ne la bailla pas [Spolete], Commines, VII, 12.

XVIe s. Prester beau jeu, Montaigne, I, 2. À la verité, si nature ne preste un peu, il est malaysé que l'art…, Montaigne, I, 77. Nature nous preste la main et…, Montaigne, I, 81. Prester à la lettre, Montaigne, II, 181. Prester à un escript un sens qu'il n'a pas, Montaigne, I, 131. Ils prestent à la matiere, l'allongent et l'amplifient, Montaigne, I, 233. Des lames de fer qui, à l'endroit des joinctures, prestoient au mouvement, Montaigne, II, 96. Ils se prestent et accommodent aux inclinations naturelles, Montaigne, II, 234. Je cuideroye au bout de deux ans composer un corps, avec lequel j'oseroye bien prester le collet à un autre regiment tel qu'il fust, Lanoue, 284. Il les contraignit de se rendre à luy, et oultre ce de luy prester serment de fidelité, Amyot, Eum. 8. Et luy estant presté silence, il feit un serment…, Amyot, Cicéron, 27. Tu [ô Seigneur] les avois prestez et non donnez au monde [ceux que Desportes pleure], Et as peu comme tiens à toy les retirer, Desportes, Œuv. chrét. Plainte. Qui preste non r'a ; si r'a, non tost ; si tost, non tout ; si tout, non gré ; si gré, non tel, Loysel, n° 672. Du temps qu'on se cachoit pour prester argent, Cotgrave Au prester ange, au rendre diable, Cotgrave Par prester ennemy est amy, et amy souvent ennemy, Génin, Récréat. t. II, p. 246.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

PRÊTER.
11Se prêter.

Absolument. Ajoutez : Un cardinal, avant d'être élu pape, se prête volontiers pour le devenir ; et il y a plusieurs exemples de ces sortes de marchés, De Bernis, à d'Aubeterre, 6 avr. 1769, dans CRÉTINEAU JOLY, Clément XIV et les Jésuites, p. 248.

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Étymologie de « prêter »

Berry, preûter ; wallon, prusté ; provenç. et espagn. prestar ; ital. prestare ; du latin præstare, fournir, de præ, en avant, et stare, se tenir debout (verbe neutre, passé au sens actif).

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(1140)[1] Du latin praestare (« mettre à la disposition, procurer, fournir »)[1].
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Phonétique du mot « prêter »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
prêter prɛte

Fréquence d'apparition du mot « prêter » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « prêter »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « prêter »

  • Donnez de l'argent, n'en prêtez pas. Donner ne fait que des ingrats, prêter fait des ennemis.
    Alexandre Dumas, fils
  • Qui donne aux pauvres prête à Dieu ; qui donne à l’Etat voudrait bien ne pas prêter à rire.
    Franc Nohain
  • Il faut savoir se prêter au rêve lorsque le rêve se prête à nous.
    Albert Camus — Noces
  • Si prêter pouvait servir à quelque chose, on prêterait même les femmes.
    Proverbe yougoslave
  • Femme qui prête l'oreille prêtera bientôt autre chose.
    Paul-Louis Courier — Correspondance
  • Précisément, Vine va prêter 100 millions de dollars sur 5 ans - somme pouvant être portée à 125 millions de dollars. Le fonds américain réalise une bonne affaire : il sera rémunéré avec un taux d’intérêt élevé de 8% par an. “Vine n’a pas cherché avec acharnement à trouver un financement bancaire, et s’est vite dit que financer lui-même était dans ses compétences et serait une bonne affaire”, indique un proche des discussions. Toutefois, Luc Besson espère retrouver dès 2022 des crédits bancaires moins onéreux (à un taux de seulement 3,5%), et pouvoir alors se passer du prêt de Vine.
    Capital.fr — Les banques ne veulent plus prêter d'argent à Luc Besson - Capital.fr
  • On ne sait pas si la proposition est sérieuse, ironique ou un peu des deux ! Le boss de Leigh Centurions a proposé de prêter 6 joueurs à Toronto pour que le Wolfpack puisse terminer la Super League 2020. Derek Beaumont a même expliqué qu’il continuerait lui-même à payer ses joueurs et que du coup l’équipe canadienne n’avait plus de raison de ne pas terminer la saison. Il a ajouté que si le Wolfpack refusait de terminer la saison, il devait donner sa place à Leigh Centurions qui se fera un bonheur de le faire à leur place.
    Treize Mondial — Super League - Derek Beaumont veut prêter 6 joueurs à Toronto pour terminer la saison - Rugby à XIII - Treize Mondial
  • Si les prêts servaient à quelque chose, on prêterait aussi les femmes.
    Proverbe slovène
  • Ce devait être Caychax, à quelques kilomètres de là, mais Appy a finalement été désigné : "A Caychax, il n'y avait pas assez d'habitants qui effectuent des trajets quotidiens", explique un habitant d'Appy. Renault a donc choisi cette toute petite commune ariégeoise située sur la route des Corniches, à 930 mètres d'altitude, pour en faire un "village 100% véhicules électriques". Chaque foyer se voit donc prêter une Zoé pour trois ans. Gratuitement. 
    ladepeche.fr — Pourquoi Renault a décidé de prêter des Zoé pour trois ans à tous les foyers d'un village d'Ariège ? - ladepeche.fr
  • Le temps a cessé d’être une suite insensible de jours, à remplir de cours et d’exposés, de stations dans les cafés et à la bibliothèque, menant aux examens et aux vacances d’été, à l’avenir. Il est devenu une chose informe qui avançait à l’intérieur de moi et qu’il fallait détruire à tout prix. J’allais aux cours de littérature et de sociologie, au restau U, je buvais des cafés midi et soir à la Faluche, le bar réservé aux étudiants. Je n’étais plus dans le même monde. Il y avait les autres filles, avec leurs ventres vides, et moi. Pour penser ma situation, je n’employais aucun des termes qui la désignent, ni « j’attends un enfant », ni « enceinte », encore moins « grossesse », voisin de « grotesque ». Ils contenaient l’acceptation d’un futur qui n’aurait pas lieu. Ce n’était pas la peine de nommer ce que j’avais décidé de faire disparaître. Dans l’agenda, j’écrivais : « ça », « cette chose-là », une seule fois « enceinte ». Je passais de l’incrédulité que cela m’arrive, à moi, à la certitude que cela devait forcément m’arriver. Cela m’attendait depuis la première fois que j’avais joui sous mes draps, à quatorze ans, n’ayant jamais pu, ensuite – malgré des prières à la Vierge et différentes saintes -, m’empêcher de renouveler l’expérience, rêvant avec persistance que j’étais une pute. Il était même miraculeux que je ne me sois pas trouvée plus tôt dans cette situation. Jusqu’à l’été précédent, j’avais réussi aux prix d’efforts et d’humiliations – être traitée de salope et d’allumeuse – à ne pas faire l’amour complètement. Je n’avais finalement dû mon salut qu’à la violence d’un désir qui, s’accommodant mal des limites du flirt, m’avait conduite à redouter jusqu’au simple baiser. J’établissais confusément un lien entre ma classe sociale d’origine et ce qui m’arrivait. Première à faire des études supérieures dans une famille d’ouvriers et de petits commerçants, j’avais échappé à l’usine et au comptoir. Mais ni le bac ni la licence de lettres n’avaient réussi à détourner la fatalité de la transmission d’une pauvreté dont la fille enceinte était, au même titre que l’alcoolique, l’emblème. J’étais rattrapée par le cul et ce qui poussait en moi c’était, d’une certaine manière, l’échec social. Je n’éprouvais aucune appréhension à l’idée d’avorter. Cela me paraissait, sinon facile, du moins faisable, et ne nécessitant aucun courage particulier. Une épreuve ordinaire. Il suffisait de suivre la voie dans laquelle une longue cohorte de femmes m’avait précédée. Depuis l’adolescence, j’avais accumulé des récits, lus dans des romans, apportés par la rumeur du quartier dans les conversations à voix basse. J’avais acquis un savoir vague sur les moyens à utiliser, l’aiguille à tricoter, la queue de persil, les injections d’eau savonneuse, l’équitation – la meilleure solution consistant à trouver un médecin dit « marron » ou une femme au joli nom, une « faiseuse d’anges », l’un et l’autre très coûteux mais je n’avais aucune idée des tarifs. L’année d’avant, une jeune femme divorcée m’avait racontée qu’un médecin de Strasbourg lui avait fait passer un enfant, sans me donner de détails, sauf, « j’avais tellement mal que je me cramponnais au lavabo ». J’étais prêter à me cramponner moi aussi au lavabo. Je ne pensais pas que je puisse en mourir.
    Annie Ernaux — L’Événement – Éditions Gallimard 2000
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Traductions du mot « prêter »

Langue Traduction
Anglais to lend
Espagnol a prestar
Italien prestare
Allemand verleihen
Chinois
Arabe تقرض
Portugais emprestar
Russe давать взаймы
Japonais 貸す
Basque maileguan
Corse prestassi
Source : Google Translate API

Antonymes de « prêter »

Combien de points fait le mot prêter au Scrabble ?

Nombre de points du mot prêter au scrabble : 7 points

Prêter

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