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Supposer

Définitions de « supposer »

Trésor de la Langue Française informatisé

SUPPOSER, verbe trans.

A. − Empl. trans.
1. Poser comme vrai.
a) Supposer + subst.
[Le compl. représente un point de départ] Poser, considérer quelque chose comme vrai, afin d'en déduire quelque chose, une conséquence. Supposer la connaissance, l'existence. Je n'aime pas les difficultés; je ne les suppose pas. De là les mécomptes, les tristesses, le découragement (Dupanloup, Journal, 1851-76, p. 88):
[Laplace] supposait l'attraction, l'invariabilité des lois de la mécanique, et s'assignait pour seule tâche d'expliquer le sens de rotation des planètes et de leurs satellites, le peu d'excentricité des orbes, et la faiblesse des inclinaisons. Valéry, Variété[I], 1924, p. 135.
[Le compl. représente une explication] Poser quelque chose comme hypothèse servant de base à un raisonnement, à une argumentation.
[Le compl. est un subst.] Ça consistait (...) à supposer deux adversaires, A et B (Verlaine, Œuvres compl., t. 4, Prisons, 1893, p. 399).Supposons, par exemple, une sphère dont un hémisphère soit bleu et l'autre rouge (...). Soit maintenant un vase sphérique contenant un liquide bleu qui devient rouge par suite d'une réaction chimique (H. Poincaré, Valeur sc., 1905, p. 84).
[Le compl. est déterminé par un adj. en fonction d'attribut] Prêter une qualité à quelque chose. Supposer deux droites parallèles. Quelques puissants qu'on suppose les effets de la grève générale révolutionnaire, ils ne seront pas supérieurs à ceux des grandes guerres et des grandes invasions (Jaurès, Ét. soc., 1901, p. 112).Villages couleur du sol, du sable, de la roche; villages que je suppose coptes, habités par des apprentis stylites (Gide, Journal, 1946, p. 291).
b) [Le compl. d'obj. est une complét. introd. par que] Considérer quelque chose comme probable; poser quelque chose comme hypothèse.
[Le verbe de la sub. est à l'ind. indiquant la certitude de l'assertion] Admettre comme certain (ce qui va suivre). Je suppose que vous revenez par Dieppe (Flaub.,Corresp.,1871,p. 283).(...) Vous savez sans doute qui je suis?Non, mais je suppose que vous appartenez à la police.Commissaire Maigret...Enchantée (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p. 158).
[Le verbe de la sub. est au subj., empl. pour un tour hyp.] Émettre une hypothèse. Supposons que trahir devienne une devise (Hugo, Légende, t. 5, 1877, p. 1093).Monsieur: Vous me connaissez? Jean: Non, monsieur, du tout! Monsieur: Alors, qu'est-ce qui vous fait supposer que je sois l'homme que je suis. Jean: Heu... rien! ou plutôt, ce qui revient au même, tout! (Guitry, Veilleur, 1911, ii, p. 16).
À supposer que + subj.Mais il y a de grandes chances pour que l'œuvre s'écarte de ce plan initial, à supposer que je parvienne à le trouver a priori (Schaeffer, Rech. mus. concr., 1952, p. 89).
Supposons que + subj.Supposons encore qu'il s'agisse d'une série d'expériences ayant pour objet de déterminer comment la tension de la vapeur d'eau varie avec la température du liquide générateur (Cournot, Fond. connaiss., 1851, p. 65).
En supposant que + ind. ou subj. (selon que le fait est envisagé comme réel ou comme hyp., éventuel).En supposant que le médecin le plus habile ne puisse prévoir les révolutions de la santé d'un homme bien portant, il peut prévoir tout le cours d'une maladie quand elle est déterminée (Saint-Martin, Homme désir, 1790, p. 92).La souffrance est une punition du péché; or les bêtes n'ont pas péché; donc elles ne peuvent souffrir, donc elles sont de pures machines. Le P. Bougeant échappait à l'argument, en supposant que les bêtes étaient des démons (Renan, Avenir sc., 1890, p. 512).
c) [Le suj. désigne qqc.; le compl. d'obj. désigne qqc.] Exiger comme condition nécessaire, comme préalable; impliquer. L'attention, à son plus haut degré, est la même chose que la prière. Elle suppose la foi et l'amour. L'attention absolument sans mélange est prière. Si on tourne l'intelligence vers le bien, il est impossible que peu à peu toute l'âme n'y soit pas attirée malgré elle (S. Weil, Pesanteur, 1943, p. 119).
2. [Le suj. désigne une pers.; le compl. est un subst. (+ adj.) ou une complét.] Poser comme possible, probable.
a) Faire des conjectures à partir d'éléments réels; présumer. [Le compl. désigne qqc.] 42 îles Aleutiennes ou île des Renards, et autres îles, qu'on suppose être situées dans l'Ouest, l'Ouest-Sud-Ouest et l'Ouest-Nord-Ouest de celles-ci (Voy. La Pérouse, t. 1, 1797, p. 145).[Le compl. désigne qqn] Lui demander dans quelles conditions sa mère lui avait remis le portrait de celui qu'elle supposait être son père (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Ermite, 1886, p. 1058).Il ne faut pas supposer les autres plus bêtes que nous (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 211).
b) Échafauder, en esprit, quelque chose de vraisemblable; imaginer.
[Le compl. désigne qqc.] Je me plais à supposer des revenants et des fées. Je me ferais dresser les cheveux sur la tête en me racontant à moi-même des histoires de revenants (Mérimée, Lettres Mmede La Rochejacquelein, 1856, p. 56).En peinture (...) l'esprit ne peut supposer que ce que les yeux aperçoivent (Delacroix, Journal, 1857, p. 22).[Le compl. désigne qqn] Supposer + compl. d'obj. + attribut du compl.L'auteur place son héros dans le beau siècle des arts, et le suppose écolier d'Albert Dürer, contemporain de Raphaël (Staël, Allemagne, t. 3, 1810, p. 267).Si vous craignez que l'on ne prodigue l'accusation elle-même, c'est que vous supposez l'assemblée factieuse (Constant, Princ. pol., 1815, p. 88).
Supposer qqc. à/chez qqn.Prêter, attribuer quelque chose (une qualité, un défaut) à quelqu'un. Son visage rassemble tous les trésors de la santé et de la jeunesse. Son teint n'est pas celui d'une habitante des villes, c'est le teint qu'on suppose aux bergères des romans (Sénac de Meilhan, Émigré, 1797, p. 1604).Voyez, je vous suppose l'âme assez haute pour qu'on n'ait rien à vous cacher (Curel, Nouv. idole, 1899, ii, 3, p. 197).
c) Absol., par affaiblissement. Je suppose. À mon avis, pour autant que je sache. (Henri de Régnier, je suppose): « Gide n'aime pas les vers » (Gide, Journal, 1902, p. 121).
[Pour marquer la réprobation ou la mise en garde] Chez qui vous croyez-vous? Pas chez vous, je suppose! (...) Alors, payez la casse et poliment, hein! (Vercel, Cap. Conan, 1934, p. 221).
3. Poser comme vrai quelque chose de faux, avec intention de tromper.
a) Vieilli. Produire, alléguer pour vrai quelque chose de faux; prétendre. Je suis arrivée un peu avant l'heure du dîner à Loewenstein; on a été surpris de me voir; mais j'ai supposé une affaire qui avait avancé un voyage que je devais faire (Sénac de Meilhan, Émigré, 1797, p. 1651).Deux mois après le mariage, j'irai voyager avec mon mari, et il nous sera facile de supposer que mon fils est né à une époque convenable (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p. 437).
Supposer qqc. à qqn.Attribuer faussement quelque chose à quelqu'un. (Dict. xixeet xxes.).
b) Substituer quelque chose à autre chose; mettre une chose à la place d'une autre en la donnant pour authentique. Parut un ouvrage intitulé: Mémoires de M. de Vergennes, ministre des affaires étrangères. Je le lus d'abord rapidement; je le parcourus de nouveau, et je m'en voulais à moi-même de ne pas le trouver digne de son auteur. Enfin, après l'avoir bien examiné, je me décidai à croire que le nom de l'auteur était supposé (Baudry des Loz., Voy. Louisiane, 1802, p. 4).Il ne soupçonnait point les Barricini de meurtre (...) mais il les accusait d'avoir supposé la lettre du bandit Agostini; et cette lettre (...) avait causé la mort de son père (Mérimée, Colomba, 1840, p. 82).
Supposer un enfant. ,,Vouloir le faire passer, le faire reconnaître pour fils ou fille de ceux dont il n'est pas né`` (Ac. 1798-1935). On supposa un enfant pour frustrer les héritiers collatéraux (Ac.1798-1935).
VÉN. Donner le change en lançant un autre animal sur la voie. Supposer revient à substituer et s'explique de soi-même, on dit que la bête donne le change quand elle parvient à supposer une autre bête en son lieu (A. France, Génie lat., 1909, p. 84).
B. − Empl. pronom.
1. passif. Être supposé. La culpabilité ne se suppose pas, elle se prouve. En fait, l'inégalité des facultés existe; en droit, elle n'est point admise, elle ne compte pour rien, elle ne se suppose pas (Proudhon, Propriété, 1840, p. 278).
2. réfl. S'imaginer être. Virgile, pour ajouter à la mélancolie de son site, se suppose occupé à tisser une corbeille de branches de houx (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p. 121).
3. réciproque. Se faire présumer réciproquement, ne pouvoir exister l'un sans l'autre. L'autorité et l'obéissance se supposent mutuellement. Il n'y a pas plus d'idée de fini sans idée d'infini, qu'il n'y a d'idée d'infini sans l'idée préalable de fini; d'où il suit qu'à la rigueur ces idées se supposent et, si l'on veut, se limitent réciproquement (Cousin, Hist. philos. XVIIIes., 2, 1829, p. 187).
Prononc. et Orth.: [sypoze], (il) suppose [-po:z]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Mil. xiies. « placer dessous » (Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, XXXVI, 25) − 1628, Stœr, Dictionaire françois-alleman-latin, Geneve; 2. a) 1280 « présumer, conjecturer » (Clef d'Amour, éd. A. Doutrepont, 281); b) ca 1330 supposé que (G. de Digulleville, Pélérinage de vie humaine, 1411 ds T.-L.); 3. 1370 « comporter comme condition nécessaire » (Oresme, Ethiques, éd. A. D. Menut, p. 149); 4. a) 1520 « substituer, mettre à la place » (G. Michel, tr. Suétone, II, 60 vods Hug.); b) 1538 « donner faussement comme authentique (p. ex. un testament) » (Est., s.v. subiico). Empr. au lat.supponere (francisé d'apr. poser) littéral. « placer dessous » d'où « placer sous l'autorité de », « substituer (une personne ou une chose à une autre, de manière frauduleuse) » et dans le domaine intellectuel « soumettre quelque chose à une opération de l'esprit »; les sens 2 et 3 se sont développés en français. Fréq. abs. littér.: 7 625. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 12 632, b) 8 366; xxes.: a) 9 866, b) 11 230.
DÉR.
Supposable, adj,littér. Qui peut être supposé; en partic., qui peut être posé comme hypothèse de départ ou qui peut être présumé, conjecturé. Intention supposable; toutes les qualités supposables. L'étendue du corps suppose donc déjà l'espace (...); or, tout point réel quelconque est étendu, est dans l'espace; donc ôtez l'idée d'espace et d'étendue et nul corps réel n'est supposable (Cousin, Hist. philos. XVIIIes., 1829, p. 156). [sypozabl̥]. 1resattest. [ca 1460, Chastellain d'apr. Lar. Lang. fr.] 1823 (Boiste); de supposer, suff. -able*. − Fréq. abs. littér.: 12.

Wiktionnaire

Verbe - français

supposer \sy.po.ze\ transitif 1er groupe (voir la conjugaison)

  1. Poser une chose pour établie, l’admettre par hypothèse, afin d’en tirer ensuite quelque induction.
    • Mais pour qu’une grammaire française soit respectée, il faut premièrement que la langue française continue à être employée et, ceux qui s’efforcent de l’empailler en conviendront, cette condition suppose l’existence d’un certain nombre de Français. — (Ludovic Naudeau, La France se regarde : le Problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)
    • L’aisance avec laquelle les poètes juifs maniaient le vers français permet de supposer que leur talent a dû s’exercer dans les genres les plus variés. — (Léon Berman, Histoire des Juifs de France des origines à nos jours, 1937)
  2. (Vieilli) Faire admettre le faux pour vrai.
    • Le nommé Jacques Marguelot a été accusé d'avoir, le 22 juillet 1790, proclamé, à son de tambour, dans un jour de foire, à Montargis , qu'il étoit défendu de payer les droits de champart; que les décrets qui ordonnoient ce paiement, étoient faux ; qu'ils avoient été supposés par la noblesse; et qu'il étoit autorisé, par les magistrats, à proclamer la défense de payer les champarts; […]. — (M. Le Hodey, Journal des états généraux, convoqués par Louis XVI, le 27 avril 1789' ; aujourd'hui Assemblée nationale permanente ou Journal logographique, tome 32, Paris : chez Le Hodey, 1791, page 130)
    • Supposer un enfant, le faire reconnaître pour fils ou fille de ceux dont il n’est pas né.
    • On supposa un enfant pour frustrer les héritiers collatéraux.
  3. Former une conjecture ; présumer en bien ou en mal.
    • Dans le monde catholique règne donc une improbité générale, qui conduit les dévots à supposer que les relations économiques dépendent principalement des gens qui tiennent la caisse. — (Georges Sorel, Réflexions sur la violence, 1908, p.294)
    • Je me doutais bien d’une supercherie, alors même que rien ne me permettait de supposer que vous ne fussiez pas Butteridge. — (H. G. Wells, La Guerre dans les airs, 1908, traduction d’Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz, Mercure de France, Paris, 1910, page 171 de l’édition de 1921)
    • De plus, on assimile volontiers les femmes adultères aux prostituées et la pratique de la fornication, prostibulaire ou adultère, suppose le mensonge ou la clandestinité, comme l'ont si bien illustré les fabliaux, qui insistent sur les mensonges de l'épouse volage. — (Nicole Gonthier, Sanglant Coupaul ! Orde Ribaude !: Les injures au Moyen Âge, Presses universitaires de Rennes, 2007)
    • Un soir, attendant l'heure du dîner, Claire et Marcelle, cédant je suppose à une prière générale, jouèrent quelques morceaux ensemble, la pianiste accompagnant sa sœur violoniste. — (André Roussin, La Boîte à couleurs, Éditions Albin Michel, 2013, p. 2008)
  4. Former le préalable à une chose qui demande, qui exige que quelque autre chose soit ou ait été.
    • La justification suppose une accusation.
    • Dans le syllogisme, une conclusion suppose deux prémisses.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

SUPPOSER. v. tr.
Poser une chose pour établie, l'admettre par hypothèse, afin d'en tirer ensuite quelque induction. Vous commencez par supposer ce qui est en question. Supposons que ce fait soit vrai, supposons cela vrai, quelle conséquence en voulez-vous tirer? Vous supposez une chose impossible, une chose qui ne peut jamais arriver. En supposant qu'il y consente. Il signifie aussi Former une conjecture, présumer en bien ou en mal. Je suppose qu'il sera bientôt las de ce genre de vie. Vous le supposez donc bien lâche, bien intéressé. Vous me supposez un crédit, un mérite, des talents que je n'ai pas. Ses ennemis lui supposèrent des projets coupables. Pourquoi supposer ce qui n'est pas? Supposer un enfant, Vouloir le faire passer, le faire reconnaître pour fils ou fille de ceux dont il n'est pas né. On supposa un enfant pour frustrer les héritiers collatéraux.

SUPPOSER se dit en outre d'une Chose qui demande, qui exige que quelque autre chose soit ou ait été. La justification suppose une accusation. Dans le syllogisme, une conclusion suppose deux prémisses. Le participe

SUPPOSÉ s'emploie comme adjectif et signifie Qui est faux, controuvé, fabriqué frauduleusement. Se présenter sous un nom supposé. Un testament supposé. Cela supposé, Dans cette supposition. On dit aussi Supposé que, Dans la supposition que. On dit encore : Supposé tel événement. Supposé votre consentement.

Littré (1872-1877)

SUPPOSER (su-pô-zé) v. a.
  • 1Poser une chose comme établie, comme admise, pour en tirer une conséquence. L'abbé de Molières suppose une portion de matière au centre de chacun de ces globes, ce que le père Malebranche n'a pas supposé, Mairan, Éloges, Molières. L'auteur suppose tout et ne prouve rien, Voltaire, Lett. de Lisle de Sales, 25 nov. 1770. Quand on suppose dans les définitions ce qu'on se propose de prouver, il n'est pas bien difficile de faire des démonstrations, Condillac, Trait. des syst. 10.

    Supposer que, avec le subjonctif. Supposons toutefois qu'encor fidèle et pure, Sa vertu de ce choc revienne sans blessure, Boileau, Sat. x.

    Supposer que, avec l'indicatif. Supposons que l'esprit de l'homme est comme un miroir où les images de tous les corps voisins viennent s'imprimer, Fénelon, Exist. I, 53.

    Absolument. En mathématique, on suppose ; en physique, on pose et on établit, Buffon, Hist. nat. 1er disc.

  • 2Former une conjecture, présumer. Vous me supposez un crédit que je n'ai pas. Qu'avez-vous dit, madame, et que supposez-vous Pour la faire douter du sort de son époux ? Corneille, Perthar. I, 4. Qui désigné-je à votre avis Par ce rat si peu secourable ? Un moine ? non, mais un dervis ; Je suppose qu'un moine est toujours charitable, La Fontaine, Fabl. VII, 3. Supposant tout cela vrai, était-ce là l'occasion de le dire ? Rousseau, 9e prom. Supposez-la sensible, et tout est expliqué, Lanoue, Coq. corrig. III, 1. Lorsque je supposai tous les domestiques profondément endormis, je pris une lanterne sourde…, Genlis, Vœux témér. t. I, p. 200, dans POUGENS.

    Supposer de, avec l'infinitif. Elle [l'âme] est aussi ardente que jamais dans cette recherche [de quelque chose de ferme], et suppose d'avoir les forces nécessaires pour cette conquête, Pascal, Vrai bien, 3, édit. FAUGÈRE.

  • 3Alléguer ou produire pour vrai ce qui est faux. Ses ennemis lui supposaient des projets coupables. L'ingrat Maximin doit seul être accusé Du forfait qu'à Licine il avait supposé, Th. Corneille, Maxim. v, 1. Mithridate, dans la lettre qu'il écrivit à Arsace, roi des Parthes, accuse les Romains d'avoir supposé un faux testament d'Attale, pour frustrer Aristonic, fils d'Eumène, du royaume de son père, Rollin, Hist. anc. Œuvr. t. IX, p. 357. Mme Oronte : Un galant homme doit-il supposer des lettres ? - Valère : Supposer ? moi, madame ? Lesage, Crispin riv. de son maître, sc. 21. Il [Voltaire] prétend dans ses notes [sur la pièce du Triumvirat] que la conspiration de Cinna n'a jamais existé, que cette aventure est supposée par Sénèque, et qu'il l'inventa pour en faire un sujet de déclamation, Voltaire, Lett. d'Argental, 12 mai 1766.

    Supposer à quelqu'un une pièce, la lui attribuer faussement (emploi vieilli). Les ennemis qu'il avait à la cour, tramant sa ruine par le moyen de quelques lettres qu'ils lui supposèrent, donnèrent de violents soupçons à l'empereur qu'il formait une conspiration contre lui, Mézer. Hist. de Fr. av. Clovis, III, 4. Les jésuites qui, pour se donner la liberté de le déchirer [un écrit], sans paraître toutefois offenser nos personnes, disent qu'ils ne le considèrent pas comme venant de nous, mais comme une pièce qu'on nous suppose, Pascal, 2e factum pour les curés de Paris. On doute justement si tous les écrits qui portent le nom d'Hippocrate sont en effet de lui ; plus justement encore quels sont ceux qu'on lui a supposés, Pellisson, Mém. pour les gens de lettres, II.

    Supposer quelque chose à quelqu'un, le lui dire mensongèrement (emploi vieilli). Honteux qu'un homme seul eût triomphé de trois, Qu'il en eût tué deux et mis l'autre aux abois, Phorbas nous supposa ce qu'il nous en fit croire, Et parla de brigands…, Corneille, Œd. III, 2. Il faisait tout ce qu'il pouvait pour retarder l'exécution de cette alliance, jusques à faire intervenir même don Ignigo de Cardenas, ambassadeur d'Espagne, qui supposa à la reine que le roi son maître en désirait le retardement, Richelieu, Mém. liv. VI, 1615, dans GODEFROY, Lex. de Corn.

    Supposer un enfant, vouloir le faire reconnaître pour fils ou fille de ceux dont il n'est pas né. Il [le mari de Mme de Coligny] la menace qu'on dira… qu'elle a supposé son enfant, Sévigné, 23 fév. 1681.

  • 4Il se dit d'une chose qui exige que quelque autre chose soit ou ait été. La faveur des princes n'exclut pas le mérite, mais elle ne le suppose pas non plus, La Bruyère, XII. Six cent mille hommes en état de porter les armes supposent une multitude d'environ deux millions, en comptant les vieillards, les femmes et les enfants, Voltaire, Dict. phil. Moïse. Pierre des Vignes, tant accusé d'avoir fait le prétendu livre des trois imposteurs, ou du moins d'avoir eu des sentiments que le titre du livre suppose, Voltaire, Ann Emp. Frédéric II, 1220. Cela suppose bien de la subtilité dans le renard, bien de la stupidité dans l'outarde, et peut-être encore plus de crédulité dans l'écrivain, Buffon, Ois. t. III, p. 48. Tout ce raisonnement suppose que l'image qui se trace dans l'œil à la vue d'un globe, n'est qu'un cercle plat…, Condillac, Conn. hum. sect. 6.
  • 5 Terme de chasse, se dit du vieux cerf qui, chassé, essaye d'en substituer un autre. L'animal chargé d'ans, vieux cerf et de dix cors, En suppose un plus jeune et l'oblige par force à présenter aux chiens une nouvelle amorce, La Fontaine, Fabl. x, 1.
  • 6Se supposer, v. réfl. Imaginer qu'on est… Je me supposerai dans le Lycée ayant les Platon et les Xénophon pour juges, Rousseau, Orig.
  • 7Il se dit des choses qui exigent réciproquement qu'elles soient ou qu'elles aient été. Inquiétudes d'esprit, inégalité d'humeur, inconstance de cœur, incertitude de conduite : tous vices de l'âme, mais différents, et qui, avec tout le rapport qui paraît entre eux, ne se supposent pas toujours l'un l'autre dans un même sujet, La Bruyère, XI.

HISTORIQUE

XIIIe s. Et cil font vilenie qui le piour [le pire] y glosent, Et qui pour les acteurs [auteurs] le plus sain n'y supposent, J. de Meung, Test. 74.

XIVe s. Souposées les choses qui sont à suposer, H. de Mondeville, f° 38. Or supposons li rois ait envers toi mespris, à tort t'ait assailli com fel et d'ire espris…, Girart de Ross. v. 2199. Il n'est nul qui elisist vivre sans amis, supposé que il eust tous les autres biens, Oresme, Éth. 228. Elettion proprement dite suppose deliberaction faite par raison et suppose liberté et prudence, Oresme, ib. 63.

XVIe s. La femme de Philippus l'avoit pris [un enfant] d'une cousturiere natifve d'Argos, incontinent qu'il fut né, et se l'avoit supposé, Amyot, P. Aem. 13. Quand se vint à la cacheter et y apposer son seau, il supposa dextrement celle qu'il avoit escrite en derriere, et la lui bailla, Amyot, Lysand. 37. Ils attiltrerent un messager qui apporta des lettres fausses et supposées à Sertorius, Amyot, Sertor. 39. Il avoit cherché les moyens de se faire supposer à la gloire et aux triomphes des royaumes de Pont et d'Armenie, Amyot, Pomp. 47. [Les flatteurs] hommes faulx et supposez, Amyot, Comment élever les enfants, 39.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

SUPPOSER. Ajoutez :
8Substituer. Elle [l'Iphigénie en Tauride] n'est fondée que sur cette feinte que Diane enleva Iphigénie du sacrifice en une nuée, et supposa une biche en la place, Corneille, Rodog. Avertiss.
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Étymologie de « supposer »

Verbe fait du lat. sub, sous, et du franç. poser, à l'imitation du lat. supponere, qu'ont les autres langues romanes : provenç. supponer ; espagn. suponer ; portug. suppor ; ital. sopporre.

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(XIIIe siècle) Dérivé de poser, avec le préfixe sub-, francisation du latin supponere (« mettre sous, substituer »). Le sens moderne est issu du latin scolaire suppositivus (« suppositif, hypothétique »), lui-même calque du grec ὑποθετικός, hupothetikos.
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Phonétique du mot « supposer »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
supposer sypoze

Fréquence d'apparition du mot « supposer » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « supposer »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « supposer »

  • L'expression "mort naturelle" est charmante. Elle laisse supposer qu'il existe une mort surnaturelle, voire une mort contre nature.
    Gabriel Matzneff
  • A supposer qu'une femme déclare son amour à un homme au cours des cinq actes d'une pièce, celle-ci n'est monotone que s'il s'agit du même homme.
    George Bernard Shaw
  • Le 14 FOUDRE DELTA devrait rapidement porter le poids de la course et conserver, au moins, un accessit, ce que sa cote d'ouverture ne vous laissera pas supposer...
    RTL.fr — Quinté+ du 3 août 2020 à Clairefontaine-Deauville : les pronostics
  • Après trois ans d'amour, Capucine Anav et Alain-Fabien Delon se sont séparés. Alors que la jeune femme a assuré qu'ils sont toujours en bons termes, l'acteur a posté un message sur Instagram qui laisse supposer le contraire.
    Voici.fr — Alain-Fabien Delon et Capucine Anav séparés « en bons termes » ? Le message énigmatique de l’acteur - Voici
  • Essayer de prouver à un sot sa sottise, c'est lui supposer ce qu'on entreprend de lui contester.
    Anonyme
  • C’est la familiarité de mes ennemis qui, plus que tout, me désoblige - car elle laisserait à supposer que ce sont là d’anciens amis.
    Sacha Guitry
  • Désormais sous pavillon chinois, le club zurichois connaît là un échec de plus dans son histoire récente, une année après sa relégation. Les Sauterelles ne remonteront pas cette saison et cela laisse supposer une trêve agitée. D'autant qu'avec Neuchâtel Xamax relégué (et peut-être Sion ou Thoune), la concurrence promet d'être relevée encore la saison prochaine.
    Malgré sa défaite, Vaduz obtient sa place en barrages | Journal du Jura
  • Il faut toujours supposer le lecteur intelligent, ne pas tout lui mâcher.
    Philippe Claudel — Evene.fr - Mars 2006
  • Parce que le beau est toujours étonnant, il serait absurde de supposer que ce qui est étonnant est toujours beau.
    Charles Baudelaire — Salon de 1859
  • Pie : Oiseau dont les dispositions pour le vol ont conduit certains à supposer qu'on pourrait lui apprendre à parler.
    Ambrose Bierce — Le Dictionnaire du diable
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Traductions du mot « supposer »

Langue Traduction
Anglais suppose
Espagnol suponer
Italien supporre
Allemand annehmen
Chinois 假设
Arabe افترض
Portugais supor
Russe предполагать
Japonais と思います
Basque suposatzen
Corse suppone
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Synonymes de « supposer »

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Supposer

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