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Oreille

Variantes Singulier Pluriel
Féminin oreille oreilles

Définitions de « oreille »

Trésor de la Langue Française informatisé

OREILLE, subst. fém.

I. − Organe sensoriel.
A. − ANAT., PHYSIOL. L'un des deux organes de l'audition et de l'équilibration des Vertébrés, constitué d'éléments logés dans la boîte crânienne et, dans certaines classes, d'éléments visibles. Oreille droite, gauche:
1. L'oreille nous apparaît, telle que nous la voyons s'exercer dans sa fonction auditive, comme un complexe capable de percevoir et d'analyser les pressions acoustiques (...). Elle défie, dans sa précision et sa rapidité d'exécution, toutes les possibilités des machines de laboratoire, si perfectionnées soient-elles. A. Tomatis,L'Oreille et le lang.,1978, p.60.
Oreille interne. Cavité située dans le rocher, composée de deux parties anatomiquement et physiologiquement distinctes: la cochlée qui transforme le message sonore physique en influx nerveux, le vestibule et les canaux semi-circulaires intervenant dans l'équilibration. Ces engins [des champs de foire] dépasseraient évidemment leur but, s'il ne s'agissait que d'affoler les organes de l'oreille interne, dont dépend le sens de l'équilibre (Jeux et sports,1967, p.172).L'appareil stato-acoustique [des Poissons] est représenté par l'oreille interne constituée comme chez les Tétrapodes (Encyclop. univ.t.131978, p.209).
Oreille moyenne. Cavité remplie d'air, limitée vers l'extérieur par le tympan qui, par l'intermédiaire de la chaîne des osselets, transmet les vibrations sonores à l'oreille interne. Certains des malades privés du dispositif de l'oreille moyenne n'entendent que des bruits dépourvus de tonalité et indépendants de la fréquence des oscillations (Piéron,Sensation,1945, p.185).
Oreille externe. Partie visible de l'oreille assurant la réception des vibrations sonores. L'oreille externe −C'est une nouveauté mammalienne. Le tympan, primitivement à fleur de peau, s'enfonce dans un conduit auditif externe, orné en dehors par un pavillon orientable par des muscles peauciers (qui peuvent être atrophiés comme dans l'espèce humaine) (Zool.,t.3, 1972, p.644 [Encyclop. de la Pléiade]).
B. − Cour. [Chez l'homme]
1. Organe de l'ouïe. Par suite d'un refroidissement, il lui vint une angine; peu de temps après, un mal d'oreilles (Flaub.,Coeur simple,1877, p.56).Ah! ce que je souffre dans ce moment de ma superesthésie dans l'oreille (...). Sans doute un déplacement du tympan, un jour que je me suis mouché trop fort (Goncourt,Journal,1894, p.670).
[P. allus. à l'École des Femmes de Molière] Georgette n'en était plus, comme Agnès, à croire que les enfants se font par l'oreille, mais ce mystère ne l'en inquiétait pas moins (Theuriet,Mariage Gérard,1875, p.174).
a) [L'oreille, siège de sensations sonores dues à des phénomènes internes] Avoir des bourdonnements, des bruissements, des tintements d'oreilles/dans les oreilles; avoir les oreilles bourdonnantes, sifflantes; mes/tes oreilles bourdonnent, cornent, sifflent. La nuit (...) est troublée par des rêvasseries d'halluciné, les oreilles tintent, la tête tourne, le délire commence (Vallès,Réfract.,1865, p.41).Il a couru si vite qu'il ne peut plus respirer. Son coeur bat, son sang bruit dans ses oreilles: un chemin de fer, qui roule sous un tunnel (Rolland,J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p.1591).
Expr. fam. Les oreilles ont dû vous tinter, vous siffler. On a beaucoup parlé de vous en votre absence. Les oreilles ont dû vous tinter ce soir. −Pourquoi donc, madame? −On a beaucoup parlé de vous chez moi (Augier,Effrontés,1861, p.402).
b) Ensemble de l'appareil auditif envisagé dans sa fonction de perception, d'identification des sons, de compréhension des messages sonores et p. méton. ouïe. Ne pas en croire* ses oreilles; ouïr, entendre* de ses deux oreilles; avoir des oreilles et ne pas entendre*. Je tire le voile sur des horreurs, dont mes oreilles seules furent à demi témoins (Restif de La Bret.,M. Nicolas,1796, p.115).Des mots, des formules bizarres frappaient ses oreilles. «Avez-vous vu Dick?» «Mes bijoux» «Maman... maman» (Peisson,Parti Liverpool,1932, p.226).On nous annonça qu'il ne s'était rien passé et que nos oreilles avaient mal entendu (Camus,État de siège,1948, 1repart., p.204).
Aller, venir aux oreilles de qqn. Être entendu et p. méton. parvenir à la connaissance de quelqu'un (alors qu'on ne le souhaite pas). Trois ans plus tard, elle était sourde (...). Un seul bruit arrivait maintenant à ses oreilles, la voix du perroquet (Flaub.,Coeur simple,1877, p.56).Le motif du duel avorté étant purement imaginaire, il fallait empêcher qu'il parvînt aux oreilles de l'officier arbitrairement mis en cause (Proust,Sodome,1922, p.1073).
[Avec des verbes exprimant la nature ou l'intensité des sons] Résonner, retentir, sonner à l'oreille/aux oreilles. Une cloche de bois tintait à ses oreilles, en syllabes sourdes, «pour toujours» (Verlaine,OEuvres compl., t.4, Louise Leclercq, 1886, p.145).La vitesse faisait siffler à nos oreilles une légère brise (Benoit,Atlant.,1919, p.293).
[Dans des loc. évoquant l'attention de la pers. qui écoute ou au contraire l'inattention] Avoir l'oreille au guet*, aux aguets*; avoir l'oreille en campagne (rare). Je demandais à Nieuwerkerke l'adresse de la princesse Julie. La princesse Mathilde, qui a toujours l'oreille en campagne, nous dit: «Hein? Qu'est-ce que vous demandez?» (Goncourt,Journal,1864, p.37).
Écouter de toutes ses oreilles, n'écouter que d'une oreille; être (tout yeux) tout oreilles (cf. être tout ouïe*). S'enfonçant dans son fauteuil avec le ramassement de l'homme qui se dispose à écouter, qui devient tout oreilles, il mit son menton dans sa main (A. Daudet, Nabab,1877, p.143).
Prêter, tendre l'oreille (à qqc.); dresser l'oreille; oreille tendue. Quand on prêtait l'oreille, on entendait aussi un tout petit bruit comme celui d'un ruisseau dans sa rigole (Ramuz,Gde peur mont.,1926, p.51).V. fouiner ex. 2.
Avoir l'oreille à qqc. Fixer son attention sur un objet capable d'émettre un son. Chez les autres l'ennui commence avec la tâche, ils font juste, jusqu'au point où la réprimande sévirait, ils ont l'oeil sur le soleil et l'oreille à la cloche (Pesquidoux,Livre raison,1928, p.262).
P. anal., expr. Les murs* ont des oreilles.
Entrer* par une oreille et sortir par l'autre.
Ouvrir*, fermer* l'oreille/les oreilles; se boucher* les oreilles.
Ne pas avoir d'oreille(s). Refuser d'entendre, de savoir, de comprendre. Mary-Ann essaya de calmer sa mère, mais la bonne dame n'avait pas d'oreilles (About,Roi mont.,1857, p.60).Il constatait la surdité des hauts lieux. Les privilégiés n'ont pas d'oreille du côté des déshérités (Hugo,Homme qui rit, t.3, 1869, p.186).Proverbe. Ventre affamé* n'a pas d'oreilles.
Ne pas mettre ses oreilles dans sa poche. Ne rien perdre de ce qui se dit. Il s'assit, sans souffler, sur le sable, et ne mit pas ses oreilles dans sa poche (Sand,F. le Champi,1848, p.208).
[Avec adj. exprimant l'attitude, l'état d'esprit de la pers. qui écoute] Prêter une oreille indulgente, complaisante; tendre une oreille avide. [Les Français] sont incapables de se plaire à des oeuvres issues d'une esthétique inconnue. Ils ne feraient pourtant que leur devoir, s'ils les écoutaient quelquefois d'une oreille et d'un esprit moins fermés (P. Lalo, Mus.,1899, p.389).Mon camarade (...) prête maintenant une oreille amusée au «phénomène vocal», une dame brune qui file des contre-mi presque insaisissables (Colette,Music-hall,1913, p.17).
[Dans des loc. évoquant une manière de parler à la pers. qui vous écoute] Chuchoter, glisser, murmurer à l'oreille, dans le creux de l'oreille, dans le cornet de l'oreille; crier aux oreilles. La Templinerie, aussi sourd qu'un pot, essayant en vain d'entendre ce qu'on lui cornait aux oreilles (Cladel,Ompdrailles,1879, p.48).Boulingrin, souffla la duchesse à son vieil ami dans le tuyau de l'oreille, est-ce que cette affaire ne vous paraît pas louche? (A. France,Hist. duchesse de Cigogne,1909, p.153).
Au fig. J'ai reçu avec un extrême plaisir votre lettre confidentielle du 1erjuillet. J'en avais besoin, car depuis longtemps nous ne nous étions rien dit à l'oreille (J. de Maistre, Corresp., t.4, 1812, p.246).
De bouche* à oreille ou d'oreille à oreille. Confidentiellement. Les plus grands chagrins ont accablé madame de B... (...). Je ne puis rien vous en dire; ce sont de ces choses dont on se parle d'oreille à oreille (Balzac,Lettres Étr., t.1, 1834, p.161).
[Dans des empl. ou loc. évoquant les capacités de l'oreille, la sensibilité de l'ouïe]
α) [La capacité de percevoir simplement les sons] Avoir bonne oreille, avoir l'oreille fine; c'est ma bonne, ma mauvaise oreille; avoir l'oreille dure, être dur d'oreille, être sourd d'une oreille/des deux oreilles; l'oreille durcit. [Charles X] s'assit auprès de la même table, penchant vers moi sa bonne oreille pour mieux entendre (Chateaubr.,Mém., t.4, 1848, p.217).Si j'ai une oreille paresseuse, je dois regarder plus attentivement de ce côté-là en traversant les rues (Alain,Propos,1921, p.342).
Au fig. Faire la sourde* oreille; ne pas tomber dans l'oreille d'un sourd*; ne pas l'entendre* de cette oreille.
β) [La capacité naturelle ou acquise par l'éducation, l'habitude, de distinguer les moindres nuances des sons, d'en goûter l'harmonie] Un bruit de grelots et le petit trot d'un cheval firent sursauter Séryeuse. Son oreille ne pouvait s'y tromper; c'était la voiture de sa mère (Radiguet,Bal,1923, p.124).
MUS. Avoir l'oreille juste, musicale, sensible, fausse; affiner, éduquer, exercer, former l'oreille; gâter l'oreille; jouer d'oreille. Dans mon enfance, j'avais l'oreille très délicate et l'on s'amusait souvent à me faire désigner la note produite par tel ou tel objet sonore (Saint-Saëns,Harm. et mélod.,1885, p.241).L'autre danger que dénonce Igor Strawinsky dans ses mémoires: «L'habitude continue d'écouter des timbres altérés et parfois défigurés, abîme l'oreille, laquelle désapprend ainsi à jouir du son musical naturel» (Mauriac,Journal 2,1937, p.129).
Avoir de l'oreille. Avoir l'oreille juste. Êtes-vous capable de me dire si le troisième violon a fait une fausse note à l'ouverture du troisième acte? −Non. −Alors taisez-vous. Vous n'avez pas d'oreille (Maupass.,Mt-Oriol,1887, p.166).
Oreille absolue. ,,On dit qu'un sujet a une oreille absolue quand il est apte à reconnaître ou à reproduire la hauteur de sons isolés, sans les mettre en rapport avec d'autres sons de hauteur connue`` (Éduc. 1979).
P. anal. [En poésie ou dans la prose] Rime pour l'oreille. Feriez-vous rimer trône et couronne? L'oreille, il faut l'avouer, n'est pas très satisfaite de cette rime (A. France,Servien,1882, p.163).Racine écrivait pour les oreilles; son vers est remarquablement plein; la faute de l'e muet est rare dans son oeuvre (Gourmont,Esthét. lang. fr.,1899, p.234).
[Pour une époque, un groupe social particulier] Qui de nous se fait une idée de l'harmonie de la prose de Démosthène et de Cicéron, de la cadence des vers d'Alcée et d'Horace, telles qu'elles étaient saisies par une oreille grecque et latine? (Chateaubr.,Mém., t.1, 1848, p.509).On a cru noter (...) que l'oreille moderne n'entendait plus certaines tonalités discernables jadis (Huyghe,Dialog. avec visible,1955, p.51).
[Dans des empl. ou loc. évoquant la manière dont l'oreille, la sensibilité de l'auditeur est affectée par les sons] Charmer, satisfaire l'oreille/les oreilles; blesser, choquer, déchirer, écorcher l'oreille/les oreilles; assourdir, étourdir les oreilles. Du banc des officiers partirent des huées et des sifflets à fendre les oreilles (Mérimée,Mosaïque,1833, p.122).Lucien avait réellement l'oreille offensée par la voix éclatante de ce bel homme (Stendhal,L. Leuwen, t.3, 1835, p.31).
Fam. Casser les oreilles. Faire beaucoup de bruit et p.ext. importuner. Non, mais, Paule! Est-ce que tu vas nous foutre la paix, oui! −Vous dites? (...) −Je dis que tu nous casses les oreilles. Laisse ces enfants tranquilles (H. Bazin, Vipère,1948, p.70).
Battre, rebattre les oreilles et aussi rabattre les oreilles. Ennuyer en répétant toujours la même chose. Une vieille rengaine de Massenet, dont la petite nous rebat les oreilles (Proust,Prisonn.,1922, p.11).
Rem. Les grammairiens normatifs condamnent rabattre les oreilles. ,,On rebat (et non rabat) les oreilles de quelqu'un (...). L'expression rebattre les oreilles est évidemment l'expression correcte. Il est certain que dans l'usage parlé on utilise parfois −mais pour rire −l'expression rabattre les oreilles, qui prend une valeur imagée plus expressive`` (Dupré 1972).
En partic. [À propos de mots choquants, crus] Terme qui choque, offense l'oreille. [Rimbaud] venait à la bibliothèque de ladite ville et y demandait des ouvrages malsonnants aux oreilles du bibliothécaire en chef (Verlaine,OEuvres compl., t.4, Poètes maud., 1884, p.19).−Patron... commença l'inspecteur. Le magistrat tressaille toujours à ce mot grossier auquel son oreille ne peut se faire (Bernanos,Crime,1935, p.829).
[Suivi d'un adj. qualifiant la pers. qui écoute] Choquer les oreilles innocentes, sensibles de qqn; avoir l'oreille prude. La mère de Georgette était venue seule, ne se souciant pas d'exposer les chastes oreilles de sa fille aux plaisanteries un peu crues d'un déjeuner de chasseurs (Theuriet,Mariage Gérard,1875, p.140).Dans la bouche de Milan, elle [la crudité du langage] avait un naturel qui blessait les oreilles civilisées (Aymé,Travelingue,1941, p.61).
c) Mémoire de l'oreille [et empl. évoquant la mémoire auditive]. L'oreille encore pleine des applaudissements tarasconnais (A. Daudet, Tartarin de T.,1872, p.49).Anaïs, Luce, quelques autres, ont heureusement une bonne mémoire de l'oreille, et me suivent de la voix dès la troisième fois (Colette,Cl. école,1900, p.247).
Avoir dans l'oreille. Se souvenir (de sons, de paroles). J'ai encore dans l'oreille cette voix spéciale que tu prenais alors, lorsque ta vanité était en jeu (Mauriac,Noeud vip.,1932, p.66).
2. P. méton. Personne qui écoute. Se garer des oreilles curieuses; les oreilles ennemies écoutent. Il se tuait à faire comprendre à la marquise d'Espard, à madame de Nucingen et à la comtesse, dans une conversation à huit oreilles, qu'elles devaient admettre madame Rabourdin dans leur coalition (Balzac,Employés,1837, p.210).Prudemment, la Pierronne se taisait, à présent qu'il y avait trop d'oreilles (Zola,Germinal,1885, p.1226):
2. L'homme se remit à parler, avec cette volubilité des solitaires qui pensent avoir enfin rencontré une oreille bienveillante... Duhamel,Confess. min.,1920, p.135.
Avoir une oreille dans (un lieu). Connaître une personne qui vous rapporte tout ce qu'il s'y passe. Valérie (...) voulant avoir une oreille dans la famille Hulot, caressait beaucoup la vieille fille (Balzac,Cous. Bette,1846, p.92).
Être l'oreille de qqn. Recueillir des informations pour son compte. Basile: Semen est un habile ministre, zélé pour le bien public (...). Il est l'oreille de notre glorieux tsar. Fedor: Plût au ciel que notre glorieux tsar eût une oreille moins avide à recueillir les dénonciations! (Mérimée,Débuts aventur.,1853, p.317).
3. Au fig.
a) L'oreille du coeur, l'oreille intérieure. La sensibilité. Renan, dans la Prière sur l'Acropole, en tira [du voyage de Grèce] le cantique de l'esprit, un lied de l'intelligence, léger et fait de rien, mais que notre oreille intérieure ne peut plus écarter (Thibaudet,Réflex. crit.,1936, p.9).Je savais avec ce mot que je trouverais l'oreille de votre coeur (Claudel,Soulier,1944, 1repart., 2ejournée, 3, p.1008).
b) Confiance que l'on accorde à quelqu'un. [L'évêque] commençait à retirer chaque jour un peu plus de son oreille aux religieux (Fabre,Lucifer,1884, p.70).
Avoir l'oreille de qqn. Avoir toute sa confiance, en être écouté favorablement. Avoir l'oreille du roi, c'est tirer et pousser à sa fantaisie le verrou de la conscience royale, et fourrer dans cette conscience ce qu'on veut (Hugo,Homme qui rit, t.2, 1869, p.28).Donc passons sur l'Écho de Paris (...) mais n'as-tu pas l'oreille de quelques autres journaux où je pourrais travailler? (Verlaine,Corresp., t.1, 1890, p.233).
C. − En partic. Oreille externe et principalement pavillon de l'oreille.
1. [Chez l'homme] La conversation générale des femmes sur la plage: leurs oreilles, qu'elles se sont fait percer pour mettre des boucles d'oreille (Goncourt,Journal,1864, p.66).Un petit morvandiau, tout brun? (...) qui a les oreilles sans ourlet et la peau tannée? (R. Bazin, Blé,1907, p.29):
3. ... il passait et repassait la main sur les oreilles décollées, qui pliaient le long de la joue et se redressaient comme des ressorts, et devenaient brûlantes... Martin du G.,Thib., Cah. gr., 1922, p.673.
SYNT. Hélix, lobe, lobule, tragus de l'oreille; oreille(s) grande(s), petite(s), bien contournée(s), bordée(s), ourlée(s), rouge(s), transparente(s); oreilles broussailleuses, poilues, velues; oreilles détachées, écartées, en feuilles de choux, en chou-fleur; (se) laver les oreilles, mettre du coton dans ses oreilles; se frotter, se gratter l'oreille; enfoncer son chapeau jusqu'aux oreilles, remonter son col jusqu'aux oreilles; mettre son crayon sur l'oreille; appliquer, coller son oreille contre une porte; anneaux, pendants d'oreilles.
Avoir, mettre, poser (son chapeau) sur l'oreille. [Signe de détermination ou d'insouciance, de laisser-aller] Alfred avait le canotier sur l'oreille. Loin de sa femme, ce petit quadragénaire gras reprenait du poil de la bête (Mauriac,Noeud vip.,1932, p.215).Il marchait en balançant les poings, son chapeau mou crânement posé sur l'oreille (Van der Meersch,Invas. 14,1935, p.205).
Couper une oreille, les oreilles. [Pour châtier les malfaiteurs, les voleurs autrefois, ou pour menacer] Jeune homme, j'ai eu le bonheur, à Bristol, de n'avoir qu'une oreille coupée quand je méritais qu'il ne m'en restât pas une (Janin,Âne mort,1829, p.68).
Frotter* les oreilles, donner* sur les oreilles, secouer les oreilles à qqn. Donner une correction. Je vais te secouer les oreilles, fumiste! Filou! (Audiberti,Quoat,1946, 2etabl., p.51).
Pincer, tirer les oreilles; prendre par l'oreille. [Pour châtier, surtout pour punir un enfant] Spinello, tu es bien ignorant pour ton âge. J'ai grande envie de te tirer les oreilles comme à un mauvais écolier (A. France,Puits ste Claire,1895, p.79).J'aurais pris le gamin par les oreilles et je vous l'aurais fouetté avec une bonne poignée d'orties (Bernanos,Crime,1935, p.815).
Loc. fam. Avoir la puce* à l'oreille. Dépendre* les oreilles. Dormir* sur ses deux oreilles, sur l'une ou l'autre oreille; ne dormir* que d'une oreille. Fendre* l'oreille. Pendre* à l'oreille.
En avoir sur l'oreille (vieilli). ,,Être fatigué, abattu`` (Littré).
Ne pas avoir de coton dans les oreilles. Ne rien perdre de ce qui se dit. Certain Boniface (...) s'était vanté jadis de n'avoir jamais eu de la cire aux yeux, ni les prunelles à la poche, ni du coton dans les oreilles (Cladel,Ompdrailles,1879, p.310).
Chauffer*, échauffer les oreilles. Agacer. Avoir chaud aux oreilles. Être agacé. C'était la seconde fois, cet après-midi là, qu'on autorisait ainsi quelqu'un à lui parler. Et ce n'était pas seulement parce que (...) il était en vacances. C'était une question de caste, en quelque sorte, et le commissaire commençait à en avoir chaud aux oreilles (Simenon,Vac. Maigret,1948, p.119).
Se faire tirer l'oreille. Se faire prier, être peu enclin à faire quelque chose. La main leste à la poche, ne se faisant jamais tirer l'oreille pour payer des glaces ou du punch, il prêtait cinquante francs sans jamais les redemander (Balzac,Employés,1837, p.88).
P. métaph. Sa destination avait toujours été d'être magnifique; mais ses rentes se faisaient un peu tirer l'oreille (Montherl.,Bestiaires,1926, p.389).
Y laisser ses oreilles. ,,Être maltraité`` (Littré). Rapporter ses deux oreilles. Revenir sain et sauf d'une aventure, d'une entreprise dangereuse. Après avoir été la dupe d'une femme, il devait être la dupe du monde et des fausses amitiés. L'expérience qu'il a gagnée est chèrement payée, voilà tout. Nos ancêtres disaient: pourvu qu'un fils de famille revienne avec ses deux oreilles et l'honneur sauf, tout est bien (Balzac,Illus. perdues,1843, p.576).Croyez-vous mon fils capable de s'afficher avec cette ouvrière? −Et quand cela serait, répondit le barbier en riant, pourvu qu'un garçon rapporte au logis ses deux oreilles, il n'y a pas à s'inquiéter du reste (Theuriet,Mariage Gérard,1875, p.24).
Pédaler avec les oreilles. ,,Dodeliner de la tête en pédalant, signe extérieur d'une grande fatigue`` (Glossaire du sport cycliste ds Vie Lang. 1966 no173, p.452).
P. exagér. [À propos d'un rire, d'une grimace] Rire d'une oreille à l'autre. Et Pierrot d'élargir jusqu'aux oreilles une grimace enfarinée (Bertrand,Gaspard,1841, p.84).Un rire d'allégresse fendait sa bouche jusqu'aux oreilles, ses yeux tout ronds s'illuminaient (A. France,Pt Pierre,1918, p.120).
Loc. adv. fam. à valeur intensive
Jusqu'aux oreilles. Entièrement. Être crotté jusqu'aux oreilles. Elle rencontre son regard et rougit jusqu'aux oreilles (Bernanos,M. Ouine,1943, p.1478).
Au fig. Synon. jusqu'au cou.Être dans une affaire jusqu'aux oreilles. Oh! Oh! comme je vais être seul maintenant! Et me voilà dans le malheur jusqu'aux oreilles! (Maeterl.,Maleine,1889, p.221).
Par-dessus les oreilles
Autant que l'on peut, à l'excès. Si l'on avait pu voir dans toutes les chambres, on aurait assisté à quelque chose de drôle, le petit monde s'en donnant par-dessus les oreilles (Zola,Nana,1880, p.1314).Pour neuf lecteurs sur dix, un roman est un plat dont ils s'empiffrent et dont ils veulent avoir par-dessus les oreilles (A. France,Vie littér.,1892, p.318).
En avoir par-dessus les oreilles. En avoir assez, être accablé. Synon. en avoir par-dessus la tête.Quant à la Cibo, j'en ai par-dessus les oreilles: hier encore, il a fallu l'avoir sur le dos pendant toute la chasse (Musset,Lorenzaccio,1834, iv, 1, p.214).
En loc. adj., vieilli. Vin d'une oreille. Bon vin (,,parce que le bon vin fait pencher la tête de celui qui le goûte d'un côté seulement``, (Littré);) vin de deux oreilles. Mauvais vin (,,parce qu'on secoue la tête et par conséquent les deux oreilles``, (Littré).)
Rem. Explication différente chez A. France (Rabelais, 1909, p.3): Et, quand il s'écrie que le pineau est à une oreille, c'est que les Chinonais mettaient le bon vin dans des cruchons à une oreille, ou (...) à une seule anse.
2. [Chez les animaux] L'âne qui marche en tête, l'âne coronel, a toujours un petit plumet qui marque sa supériorité dans la hiérarchie de la gent à longues oreilles (Gautier,Tra los montes,1843, p.70).Les oreilles [du taureau] pointaient, tantôt l'une, tantôt l'autre, tantôt les deux à la fois, dans un mouvement sans repos (Montherl.,Bestiaires,1926, p.526):
4. [Le lièvre] dort, les oreilles soigneusement rabattues sur le dos, pareil à une grosse pierre terne (...) et les bouts noirs et blancs de ses oreilles frémissent quand un bruit étrange aux rumeurs coutumières de la forêt heurte ses notes discordantes au concert monotone qui berce son sommeil. Pergaud,De Goupil,1910, p.127.
SYNT. Oreilles larges, petites, pointues, rondes; oreilles mobiles; oreilles aplaties, couchées, droites, pendantes; coucher, dresser, remuer les oreilles; chauvir des oreilles; couper, tailler les oreilles d'un chien.
[Chez le cheval] Les oreilles sont un élément important de la beauté de la tête quand elles sont hardies, c'est-à-dire quand leur taille, leur forme, leur port sont corrects. Trop grandes, ce sont des oreilles d'âne (...). Si les oreilles sont ballottantes pendant la marche, on dit que le cheval a des oreilles de cochon ou qu'il a les oreilles plaquées (Larousse du cheval,1975, p.195).
[P. allus. au conte du Petit Chaperon Rouge] Léo: Tais-toi, Yvonne approche... Georges: −Tu as de grandes oreilles, Léo. Léo: −C'est pour mieux empêcher qu'on te dévore, mon enfant! (Cocteau,Parents,1938, i, 8, p.219).
Oreilles d'âne. [Symbole de l'ignorance] Cette tombe, si mon souvenir est exact, était située près du lavabo surmonté d'une tête de moine à oreilles d'âne, ces oreilles-là me reviennent de droit si j'ai cité de travers (Hugo,Corresp.,1862, p.394).[P. allus. à Midas] Certaines nuits, j'étais naïvement effrayé par mon intelligence, sachant que si l'artiste métamorphose tout en or, il ne saurait se passer d'oreilles d'âne. Je me tâtais les tempes, je me mêlais les cheveux, je cherchais des oreilles d'âne. J'en trouvais dans mon manque de culture et dans ma prétention même (Cocteau,Potomak,1919, p.22).
ART CULIN. Oreilles de veau, de porc farcies, frites, grillées, à la Mirepoix. −Voulez-vous du thé? −Du thé? parle-moi d'une bonne soupe aux oignons, à la bonne heure; et puis, attends... −Une oreille de veau à la vinaigrette? −Oui, c'est cela, une oreille à la vinaigrette (Erckm.-Chatr.,Ami Fritz,1864, p.38).
TAUROM. Récompense accordée au matador. Si le public a particulièrement apprécié le travail du matador, il demandera au président l'octroi de l'oreille du toro (...). L'octroi de la deuxième oreille, éventuellement de la queue, est de la compétence exclusive du président qui n'a pas à se ranger à une pétition du public (Cas.-DupuyTaurom.1981).
Loc. fig.
Tenir le loup par les oreilles. ,,Être aux prises avec une situation difficile sans savoir comment en sortir`` (Ac. 1935).
[À propos de pers., p. anal. avec les attitudes, les possibilités des oreilles de certains animaux]
Avoir l'oreille basse. Être honteux, humilié. Aussitôt qu'il paraissait avec ses souliers ferrés, ses bas de laine bleue (...), on affectait de mettre la conversation sur un ton de cour: ne sachant quelle contenance tenir, Stamply se retirait confus, humilié et l'oreille basse (Sandeau,Mllede La Seiglière,1848, p.90).−Avez-vous eu souvent l'oreille basse, dans la vie? vous demande-t-il (Villiers de l'I.-A.,Contes cruels,1883, p.348).
[P. allus. à la fable de La Fontaine, L'Âne vêtu de la peau du lion] Laisser passer, montrer (le bout de) l'oreille. Se dévoiler involontairement, laisser deviner ses intentions. Je ne réussis plus à me prendre au sérieux dans mon rôle turc; Loti passe le bout de l'oreille sous le turban d'Arif, et je retombe sottement sur moi-même (Loti,Aziyadé,1879, p.106).Le bout de l'oreille. Ce qui révèle quelque chose. Le bon Dieu est cruel de ne pas laisser entrevoir aux sous-préfets le petit bout de l'oreille de l'avenir (Hugo,Hist. crime,1877, p.191).
Secouer les oreilles. Ne plus se soucier de quelque chose. Il faut que je retrouve l'homme qui m'a insulté, répétait Leuwen (...). −Dans le métier que nous faisons, vous et moi, répondit enfin Coffe d'un fort grand sans-froid, il faut secouer les oreilles et aller en avant (Stendhal,L. Leuwen, t.3, 1835, p.49).
Proverbe. Chien* hargneux a toujours l'oreille déchirée.
P. compar. ou p. métaph.
Serviette nouée en oreilles de lapin. Le muguet: deux longues oreilles vertes et un petit bouton blanc (Renard,Journal,1900, p.581).Une grande consoude, aux feuilles en oreilles d'âne (Genevoix,Rroû,1931, p.112).
(Cheveux coupés en) oreilles de chien. Coiffure, à la mode, sous le Directoire, dans laquelle deux longues mèches de cheveux encadraient le visage. Deconinck déclamait entre ses oreilles de chien envolées par-dessus le haut collet de son habit, et il brandissait son chapeau à la Robinson (Adam,Enf. Aust.,1902, p.266).
II. − P. anal.
A. P. anal. de fonction
1. Oreille artificielle. ,,Dispositif utilisé pour étalonner les écouteurs, comportant un microphone destiné à mesurer la pression acoustique et un coupleur tel que l'impédance acoustique de l'ensemble soit sensiblement égale à celle de l'oreille humaine moyenne`` (Piéron 1973).
2. Oreille électronique. ,,Appareil composé d'un microphone, d'amplificateurs, de filtres et d'écouteurs, employé pour la rééducation des troubles phonatoires et de la dyslexie`` (Lafon 1969).
B. − P. anal. de forme ou de position
1. Partie latérale ou partie saillante d'un objet.
a) Vx. ,,Pli qu'on fait à un feuillet de livre, au coin d'en haut ou d'en bas, pour marquer l'endroit où l'on a interrompu sa lecture`` (Ac. 1935). Synon. corne.
b) Un des coins d'une pièce de tissu nouée, qui dépasse du noeud. Il portait sous son bras une toilette verte (...) puis, défaisant les quatre oreilles de la toilette, il découvrit un tas de petits livres jaunes (A. France,Bonnard,1881, p.269).Beaube (...) amenait les meubles sur une brouette; deux ballots dans des draps noués à grandes oreilles, un sac de jute bossué de casseroles (Hamp.,Champagne,1909, p.92).
c) [Dans des pièces d'habillement]
Une des deux parties d'un bonnet, d'une casquette qui servent à couvrir les oreilles. Synon. oreillette, oreillon.Le plus petit était coiffé d'une casquette militaire, à oreilles rabattues (Vercel,Cap. Conan,1934, p.122).
Une des attaches d'un pantalon, d'une culotte. Il attacha les boucles d'or aux oreilles de son ample culotte de soie (Balzac,Mais. chat,1830, p.30).
Une des deux parties d'une chaussure qui couvrent le cou de pied et dans lesquelles on passe les lacets. Des souliers dont les oreilles étaient attachées avec des rubans à noeuds barbotants (Balzac,Cous. Bette,1846, p.263).
d) Une des deux pièces qui reviennent de chaque côté du dossier dans certains fauteuils pour soutenir la tête. Synon. oreillard, oreillette, oreillon.Bergère à oreilles. Tout y sent les précautions contre les courants d'air; de grands rideaux, deux fauteuils à oreilles (Butor,Passage Milan,1954, p.122).
e) Appendice ou l'un des appendices pleins ou évidés d'un objet, placés de chaque côté de cet objet et qui servent généralement à le saisir commodément, à le fixer. Oreilles d'une écuelle, d'un pot, d'une soupière; cruchon à oreille. L'écrou à oreilles ou à poignée destiné à être serré à la main (Gorgeu,Machines-outils,1928, p.47).La mère accrocha son écumoire à l'oreille de la marmite (Aymé,Jument,1933, p.176).Il existe (...) des bandes en papier, munies d'oreilles ou d'autres dispositifs permettant de les attacher à leurs voisines (Jolley,Trait. inform.,1968, p.197).
f) Dans d'autres domaines
AGRIC. Oreille (d'une charrue). Synon. de versoir.Le versoir ou oreille a pour but de retourner la bande de terre qui vient d'être découpée verticalement par le coutre et horizontalement par le soc (Passelègue,Mach. agric.,1930, p.16).
ARCHIT. Partie saillante d'un appui de fenêtre ou d'un seuil de porte, encastrée de chaque côté dans le tableau de la baie (v. Chabat 1881 et Noël 1968).
MAR. Oreille (d'une ancre). Partie large et saillante de la patte d'une ancre qui sert à la maintenir à la même place (v. Bonn.-Paris 1859 et Soé-Dup. 1906).
MUS. ,,Dans les jeux d'orgues, petites lames que l'on soude à la bouche des tuyaux et qui servent à les accorder`` (Jossier 1881).
2. En comp. Oreille + subst. désignant le plus souvent un animal et précisant l'analogie
a) BOT. [Nom populaire de certains végétaux]
Oreille de + subst. désignant un animé
Oreille d'âne. Consoude. (v. supra I C 2). Synon. oreille de vache.Les banquettes [d'un chemin] étaient mangées par des bardanes, le sol même de la route était jonché d'oreilles d'âne, de pieds d'alouette, de dents de lion (Giono,Chron., Noé, 1947, p.236).V. consoude ex.
Oreille d'homme. Asaret d'Europe ou cabaret. C'est une substance solide qui est contenue dans la racine du cabaret ou oreille d'homme (Wurtz,Dict. chim., t.1, 1ervol., 1869, p.428).
Oreille de Judas. ,,Champignon noir, translucide, veiné, souvent consommé dans les restaurants chinois`` (Lar. encyclop.). L'oreille de Judas (...) champignon en forme de lame (Plantefol,Bot. et biol. végét., t.2, 1931, p.134).
Oreille de lièvre. Buplèvre en faux (v. D. Aichele, Quelle est donc cette plante, Paris, Nathan, 1975, p.128). Pézize. Synon. oreille d'âne.L'oreille de lièvre (...) est une belle Pézize dissymétrique, en pavillon dressé, fixé latéralement par un pied velu, blanc, très court. Elle simule une longue oreille jaune ocre, on la trouve en automne dans les bois (C. Lemoine, G. Claustres, Connaître et reconnaître les champignons,1977, p.226).Plantain lancéolé (v. D. Aichele, op. cit., p.378).
Oreille d'ours. Primevère auricule. Madame Granson (...) avait arboré son chapeau vert à bouquets d'oreilles d'ours (Balzac,Vieille fille,1836, p.334).
Oreille de souris. Myosotis (v. Gatin 1924). Piloselle. Synon. oreille de rat.
Oreille de + subst. désignant une plante, le plus souvent un arbre.[Nom populaire des pleurotes qui poussent généralement sur le bois] Oreille de l'olivier, de l'orme. Le Pleurote du Panicaut ou oreille de chardon (...) pousse en fin d'été et en automne sur les vieilles souches de chardons panicauts, dans les jachères, les landes sèches, pierreuses, les lieux secs herbeux (C. Lemoine, G. Claustres, Connaître et reconnaître les champignons,1977p.136).
b) ZOOL. Nom populaire de coquillages marins.
Oreille de mer ou oreille de Saint-Pierre. Haliotide ou ormeau. De superbes oreilles de mer, dont la nacre est du plus bel orient; elles ont jusqu'à neuf pouces de longueur, sur quatre de largeur (Voy. La Pérouse,t.2, 1797, p.282).
Oreille de Midas. [Les naturels] nous apportèrent quelques coquilles et entre autres une grande quantité de celles dites oreilles de Midas, dont le débit était toujours assuré parmi nos matelots conchyliologistes (Dumont d'Urville,Voy. Pôle Sud, t.6, 1844, p. 121).
c) MARINE
Oreille d'âne. ,,Sorte de cuillère en tôle légère, comportant une partie tubulaire, qu'on insère dans un hublot ouvert, dans le sens du vent, pour que la partie extérieure fasse résistance à l'air et que la partie tubulaire amène cet air à l'intérieur`` (Le Clère 1960).
Oreille de lièvre. Voile latine triangulaire. Montrer ses oreilles de lièvre. ,,Porter les voiles en ciseau`` (Gruss 1978).
d) CH. DE FER. Oreille de cochon. Appareil servant à la remise sur rails des véhicules déraillés, constitué par une plaque triangulaire formant rampe qui guide la roue déraillée jusqu'à la table de roulement du rail (d'apr. Lar. encyclop.).
e) TECHNOL. Oreille d'âne. ,,Outil méplat que l'on passe dans l'anneau d'une clef pour la fixer sur l'étau lorsqu'on lime le panneton`` (Chabat t.2 1876).
REM. 1. [En compos.] V. couvre-oreille, cure-oreille, perce-oreille et aussi gratte-oreilles, subst. masc.[La chatte] choisit longuement dans le jardin une branche taillée en biseau (...) pour s'en servir en guise de brosse à dents d'abord, puis de gratte-oreilles (Colette,Mais. Cl.,1922,p.246).2.
Oreillé, -ée, adj.a) Pourvu d'oreilles. Ânes magnifiquement oreillés (Guérin 1892). b) Hérald. [En parlant de poissons, de coquilles] Dont les oreillettes sont d'une autre couleur. Dauphin d'argent oreillé de gueule (DG).
Prononc. et Orth.: [ɔ ʀ εj]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. a) Fin xes. aurelia «partie visible de l'organe de l'ouïe» (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 160); b) ca 1100 oreille (d'un animal) (Roland, éd. J. Bédier, 732); 2. a) ca 1145 oreille «organe de l'ouïe (Wace, Conception ND, éd. W. R. Ashford, 1804); 1636 oreille extérieure (Monet); 1690 oreille intérieure, interne, externe (Fur.); 1814 oreille moyenne (Nysten); b) ca 1155 «attention prêtée à un interlocuteur» (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 4784: surde oreille fist); c) 1547 mus. (J. Martin, Architecture, trad. de Vitruve, p.151: avec le jugement de l'oreille musicienne); 1630 (Malherbe, Poésies VI, Lxxiii, éd. J. Lavaud, p.203: une si juste oreille); 1690 avoir de l'oreille (Fur.); d) 1559 «confiance» (Du Bellay, Le poète courtisan ds OEuvres, éd. Ch. Marty-Laveaux, t.2, p.70: S'il gaigne comme toy des grands Princes l'oreille); e) 1660 «personne qui entend, qui écoute» (Bossuet, Sermons, Charité fraternelle ds Littré, § 9); 3. a) 1952 oreille électronique (Figaro, 19-20 janv., p.7); b) 1959 oreille artificielle (Electron.). B. P. anal. de forme 1. a) 1247 oraille «anse (d'un van)» (ds G. Espinas, Vie urbaine de Douai, III, 62 ds Fonds Barbier); b) 2emoitié xiiies. «partie de la chaussure où l'on passe les boucles, les lacets» (Gaufrey, éd. F. Guessard et P. Chabaille, 5648: l'oreille d'un souler); c) 1322 «anse d'un récipient» (Dehaisnes, Doc. et extr. divers concernant l'hist. de l'art dans les Flandres... t.1, p.247: paielle d'arain noeve a deus orelles); d) 1388 «pièce métallique» (B. Prost, Inventaires, t.2, p.347: grant caudiere à deux oreilles); e) 1478 «partie d'un couvre-chef» (Arnaud d'Agnel, Comptes du roi René, t.2, p.98: bonnetz à grans oreilles); f) xves. [date du ms.] «manche de charrue» (Gloss. de Garlande, éd. A. Scheler, p.307: Stiva [...] orille); g) 1606 mar. oreille de lievre «sorte de voile» (Nicot); h) 1636 mus. «lame de plomb, dans les jeux d'orgues» (Mersenne, Harmonie universelle, Livre des orgues, p.330); i) 1642 «pli fait à une page de livre» (Oudin Fr.-Ital.); j) 1678 mar. oreille de l'ancre (Guillet, Les Arts de l'homme d'épée); k) 1704 «coin de la toile qui enveloppe un ballot» (Trév.); l) 1721 agric. «versoir de charrue» (Liger, Nouv. maison rustique, t.1, 2epart., p.501); m) 1724 oreilles de chien terme de mode (Satyre nouvelle ... ds Brunot t.6, p.1104); 1797 sobriquet donné à la jeunesse dorée, pendant le Directoire (texte ds Brunot t.9, p.836) ; n) 1755 écrou à oreilles (Encyclop. t.5, s.v. écrou); o) 1830 «partie latérale d'un dossier de fauteuil» (Balzac, Bal Sceaux, p.95: fauteuil à oreilles), cf. oreillette; p) 1868 archit. «entaille au bout d'un appui de croisée ou d'un seuil» (Littré); q) 1876 oreille d'âne «outil passant dans l'anneau d'une clé» (Chabat); r) 1952 oreille d'âne «conduit cylindrique en tôle permettant l'aération d'une cabine de navire» (Gruss); 2. bot. a) 1546 oreille de souris (J. Martin, trad. [F. Colonna] Discours du songe de Poliphile, fo17 rods Quem. DDL t.12, s.v. adiante: Alsine ou oreille de soriz); b) 1552 oreille de Judas sorte de champignon (Rabelais, Quart livre, chap.LX, éd. R. Marichal, p.242: aureilles de Judas); c) 1570 oreille d'homme «asaret» (Pena et Lobel ds Roll. Flore t.9, p.217); d) 1591 oreille de souris «piloselle» (Lobelius, ibid. t.7, p.197); e) 1611 oreille de lièvre «myosotis» (Cotgr.); f) 1611 oreille d'âne «grande consoude» (ibid.); g) 1694 oreille de souris «myosotis» (Tournefort Bot. t.1, p.210); h) 1887 oreille de lièvre «pezize» (Joret ds Roll. Flore t.11, p.175); 3. zool. a) 1611 oreille de mer (Cotgr.); b) 1832 oreille de Saint-Pierre, oreille de boeuf (Raymond). Du lat. pop. auricula «oreille; ouïe; anse de cruche; en compos. dans quelques noms de plantes: auricula muris, etc.», dimin. en -icula (cf. suff. -ule*) du lat. class. auris «oreille; oreille attentive, attention; jugement de l'oreille; orillon d'une charrue», auquel il s'est substitué. Fréq. abs. littér.: 10602. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 13579, b) 18314; xxes.: a) 16023, b) 14052. Bbg. Långfors (A.). Notes lexicogr. Neuphilol. Mitt. 1940, t.41, pp.110-112. _Quem. DDL t.19, 20.

Wiktionnaire

Nom commun - français

oreille \ɔ.ʁɛj\ féminin

  1. (Anatomie) Appareil de l’audition divisé en trois parties.
    • On distingue l’oreille externe, l’oreille moyenne et l’oreille interne.
  2. Organe de l’ouïe, placé de chaque côté de la tête.
    • L’argent ! ce mot retentissait à mes oreilles, toutes les minutes. Je n’entendais jamais que le tintement de ce mot qui, à la fin, avait pris comme une sonorité d’écus remués. — (Octave Mirbeau, La tête coupée,)
    • Et toutes celles qui sentaient leurs oreilles mûrir contre leur tête ainsi qu’un fruit délicieux ; toutes celles dont les grand’mères avaient cru amollir le lobe, depuis l’hiver, en le massant de leurs doigts maigres ; celles que les gamins embrassaient le soir, sous les oreilles ; et les oreilles qui ne voulaient plus être tirées, et les oreilles qui s’étalaient, nacrées, comme une coquille qui attend sa perle ; et toutes les petites filles, dont les aïeules étaient mortes dans l’année, leur léguant à jamais des boucles déjà trop minces, toutes se rangèrent par deux, tapotant les jupes. — (Jean Giraudoux, Provinciales, Grasset, 1922, réédition Le Livre de Poche, pages 89-90)
    • Il tendit vers moi son oreille droite. Elle avait une forme remarquable, une oreille plutôt de petite taille, au lobe lisse et rebondi, comme une madeleine qui sortirait du four.— (Haruki Murakami, Saules aveugles, femme endormie, traduit par Hélène Morita, 2006)
  3. L’ouïe, le sens qui perçoit les sons.
    • Que voulez-vous, Monsieur ? demanda- t-elle au jeune homme d’une voix qui bruit à ses oreilles comme une musique délicieuse. — (Alexandre Dumas, La Reine Margot, 1845, volume I, chapitre V)
    • Dans dix ans, parmi les vestiges de Beaumat, les souffles du vent, les croassements des corbeaux et la chute des pierres retentiront seuls ; nulle oreille humaine ne les entendra et la cloche du village elle-même se taira, fatiguée de tinter seulement pour les morts. — (Ludovic Naudeau, La France se regarde : le Problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)
    • Depuis l'Argonne de 1914, […] je n'ai pas l’oreille si mal bâtie que d'avoir, en vingt et un ans, oublié l'art d'apprécier au son la trajectoire d'un obus et le point de chute probable. — (Marc Bloch, L'étrange défaite : La déposition d'un vaincu, 1940, FolioHistoire Gallimard, 1990, page 86)
  4. Appréciation de la justesse des sons musicaux, de la régularité de la mesure.
    • Sans prévenir, il se mit à chanter, opératiquement, dans le registre ténor et en italien, même si Kit savait parfaitement que Reef n'avait aucune oreille, et était incapable de chanter en entier For He's a Jolly Good Fellow sans changer de ton. — (Thomas Pynchon, Contre-jour, traduit de l'anglais (USA) par Claro, Le Seuil, 2014)
  5. Le pavillon, la partie externe qui est autour du trou de l’oreille (sens 2).
    • Tavannes remit la pie sur son bâton, et s’amusa à rouler et à dérouler les oreilles d’un lévrier. — (Alexandre Dumas, La Reine Margot, 1845, volume I, chapitre VI)
    • Toutes avaient des bijoux en or et de lourds anneaux passés dans les oreilles. — (Isabelle Eberhardt, Yasmina, 1902)
    • Plusieurs n'utilisent pas les oreilles pour écouter. Au moins, maintenant, elles servent à tenir le masque — (Michel Beaudry, Pas le temps de lâcher, Le Journal de Montréal, 28 novembre 2020)
  6. (Par extension) (Cuisine) Cet organe apprêté en cuisine.
    • Les oreilles de veau ont de commun avec les pieds et les cervelles, l'avantage de pouvoir être frites ou mangées à la poulette ; et de plus elles se laissent farcir , accommoder aux pois, aux oignons, au fromage, etc. — (Alexandre Balthazar Laurent Grimod de La Reynière, Almanach des gourmands: servant de guide dans les moyens de faire la bonne chère, Maradan, Paris, an XII, page 12)
  7. (Figuré) (Désuet) Attention ; intérêt ; confiance.
    • C’est un avantage d’avoir l’oreille du conseil d’administration.
    • — Adieu, assassin à robe grise : je retrouverai l’oreille du Cardinal en ton absence. — (Alfred de Vigny, Cinq-Mars, Michel Lévy frères, 1863)
  8. (Par métonymie) Personne qui entend ou écoute ce que l'on dit.
    • Se pourrait-il que lui, prêtre, pasteur d’âmes, s’oubliât à proférer des paroles imprudentes, des mots qui pourraient choquer ces oreilles innocentes, éveiller des pensers mauvais […]. — (Louis Pergaud, Le Sermon difficile, dans Les Rustiques, nouvelles villageoises, 1921)
    • Pour commencer, tu devrais fermer la porte. Inutile que des oreilles indiscrètes nous entendent nous disputer. — (Cathy Williams, Trompeuse séduction, éd. Harlequin, 2015)
  9. Ce qui évoque, par sa forme ou par sa position, l’auricule d’un humain ou d’un animal :
    1. anse ou poignée en excroissance sur les cotés d’un récipient ou d’un instrument.
      • Elle saisit précieusement la tasse par l’oreille.
    2. (Vieilli) Corne, petite partie du haut ou du bas d’un feuillet d’un livre qu’on a plié pour marquer une page.
      • […] prenait-elle un livre ? elle le renversait sens-dessus-dessous, tout ouvert, sur la première table, au risque de le tacher, ou bien elle en pliait les pages en y faisant des oreilles, chose qui casse le papier et déplaît souverainement à ceux qui connaissent les livres. — (Sophie de Renneville, Charles et Eugénie, ou la Bénédiction paternelle, Genets jeune, 1822, tome 2, page 8)
    3. (Vieilli) Partie de toile d’emballage qu’on laisse aux quatre coins d’un ballot pour pouvoir le saisir, le soulever, le transporter plus facilement.
    4. (Vieilli) Chacune des deux dents d’un peigne qui sont placées aux extrémités, et qui, étant plus fortes que les autres, servent à les maintenir et à les préserver.
    5. (Botanique) Appendice qui se trouve, par paire, à la base de certaines feuilles et de quelques pétales. — Note : On les nomme aussi oreillon ou oreillette.
  10. (Québec) (Familier) Écouteur.
  11. Élément latéral du dossier d'un fauteuil, destiné à reposer la tête. — Note : On le nomme aussi oreillette.
  12. (Maçonnerie) Partie débordante sur le mur, à gauche et à droite, d'un appui de fenêtre.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

OREILLE. n. f.
Organe de l'ouïe, placé de chaque côté de la tête. Oreille droite. Oreille gauche. Le tympan de l'oreille. Se boucher les oreilles. Avoir un bourdonnement, un tintement d'oreille. Les oreilles me cornent. En termes d'Anatomie, Oreille externe, Partie extérieure de l'oreille; Oreille interne, Partie intérieure de l'oreille, qui contient le labyrinthe, organe essentiel de l'audition; Oreille moyenne, La caisse du tympan et la trompe d'Eustache. Fig., Fermer l'oreille à quelque discours, Ne vouloir pas l'écouter. Fig., Ouvrir l'oreille, Écouter très attentivement. J'ouvre l'oreille et je n'entends rien. Fig., Ouvrir les oreilles, Écouter favorablement une proposition par quelque motif d'intérêt. Quand je lui ai fait espérer telle chose, il a ouvert les oreilles, cela lui a fait ouvrir les oreilles, il a commencé à ouvrir les oreilles. Fig., Prêter l'oreille, Être attentif ou Écouter favorablement. Prêtez-moi l'oreille. Prêtez l'oreille à ce que je vous dis. Prêter une oreille attentive à quelqu'un, à quelque discours. Il ne faut pas prêter l'oreille aux calomniateurs, à la calomnie. Fig., Dresser l'oreille, les oreilles, Devenir très attentif à ce qui se dit. Faire dresser l'oreille, Éveiller, attirer l'attention. Fig., Écouter de toutes ses oreilles, Écouter de toute son attention. On dit aussi Être tout oreilles. Fig. et fam., Les oreilles ont bien dû vous corner, vous tinter, Nous avons beaucoup parlé de vous, nous avons souvent parlé de vous en votre absence. Fig. et fam., Les oreilles vous cornent se dit à Quelqu'un qui croit entendre ce qu'on ne lui dit pas, ou un bruit qui n'est pas réel. Fig. et fam., Corner aux oreilles de quelqu'un, Parler continuellement d'une chose à quelqu'un, dans le dessein de la lui persuader. Fam., Dire un mot à l'oreille de quelqu'un, Parler à quelqu'un de fort près, de manière à n'être entendu que de lui seul. On dit dans le même sens Parler à l'oreille de quelqu'un. L'expression analogue Dire deux mots à l'oreille de quelqu'un se prend comme une menace. S'il ne change pas de conduite, je lui dirai deux mots à l'oreille. Fam., Souffler quelque chose aux oreilles de quelqu'un, Lui dire quelque chose secrètement. Venir aux oreilles se dit des Choses dont on entend parler. Si cela vient aux oreilles de votre père, vous recevrez une forte réprimande. Fam., Avoir les oreilles rebattues d'une chose, En avoir souvent entendu parler, en être ennuyé. On a les oreilles rebattues de cette question. Fam., Étourdir, rompre les oreilles à quelqu'un, Lui tenir des discours qui l'importunent, qui le fatiguent. Il m'a étourdi les oreilles de ses réclamations, de ses plaintes. Il m'a rompu les oreilles de ses projets. Fig., et fam., Cela lui entre par une oreille et lui sort par l'autre se dit en parlant d'une Personne qui oublie facilement les conseils qu'on lui donne, les remontrances qu'on lui fait, ou en général qui ne fait aucune attention à ce qu'on lui dit. Prov. et fig., Ventre affamé n'a point d'oreilles, Un homme, pressé par la faim ou par quelque nécessité urgente, n'entend point les représentations qu'on lui fait. Prov. et fig., Les murs ont des oreilles se dit Lorsqu'on parle dans un lieu où l'on peut craindre d'être entendu.

OREILLE se dit aussi, soit au singulier, soit au pluriel, de l'Ouïe, du sens de la perception des sons. Avoir l'oreille bonne, l'oreille fine. Avoir l'oreille dure. Être dur d'oreille. Avoir une certaine dureté d'oreille. On lui faisait entendre de la bonne musique pour former son oreille, pour lui former l'oreille. Cet instrument flatte, charme l'oreille. Cette musique discordante blesse, offense, choque, écorche, déchire l'oreille, les oreilles. Ce musicien a l'oreille juste, l'oreille délicate. Il a de l'oreille. Il n'a pas d'oreille. Il manque d'oreille. Avoir l'oreille sensible au rythme des vers. L'harmonie de ses vers, de sa prose satisfait l'oreille la plus difficile, la plus sévère. Je n'ai pas l'oreille faite à cette musique. Mes oreilles ne sont pas accoutumées à ce grand bruit. Fam., Faire la sourde oreille, Faire semblant de ne pas entendre ce qu'on dit, n'y avoir point d'égard. Fig., Avoir les oreilles délicates, Se fâcher aisément, se choquer des moindres choses. Fig., Avoir des oreilles chastes, Craindre les paroles qui blessent tant soit peu la pudeur. Fig., Avoir l'oreille de quelqu'un, Avoir un libre accès auprès de lui, en être écouté favorablement. Il a l'oreille de ce ministre.

OREILLE se dit souvent de l'Oreille externe, de la partie cartilagineuse qui est au-dehors et autour du trou de l'oreille. Oreilles plates, bordées, rebordées, ourlées. Oreilles rouges. Oreilles pointues. Oreilles de satyre. Le pavillon de l'oreille. Le lobe de l'oreille. Tirer les oreilles à quelqu'un. Se faire percer les oreilles. Boucles, pendants d'oreilles. Il se dit aussi des Animaux. Une oreille de veau. Manger des oreilles de cochon. Un chien qui secoue les oreilles. Un cheval qui chauvit des oreilles. Voyez CHAUVIR. Fig. et fam., Avoir l'oreille basse, Être humilié, mortifié par quelque perte, par quelque mauvais succès. On dit dans le même sens Baisser l'oreille. Fig. et fam., Avoir la puce à l'oreille, Être inquiet, pressentir quelque difficulté contre laquelle il faut se prémunir. Il a la puce à l'oreille. Cette lettre lui a mis la puce à l'oreille. Fig. et fam., Se gratter l'oreille, Se sentir embarrassé. Fig. et fam., Se faire tirer l'oreille, Avoir de la peine à consentir à quelque chose. Il s'est fait tirer l'oreille pour faire ce qu'on lui demandait. Fig. et fam., Dormir sur les deux oreilles, Être parfaitement tranquille. Vous pouvez dormir sur les deux oreilles, votre affaire réussira. Fig. et fam., Échauffer les oreilles à quelqu'un, Le mettre en colère par quelque discours. Ne lui échauffez pas les oreilles. Si vous lui échauffez les oreilles, vous vous en repentirez. Fig. et fam., Frotter les oreilles, tirer les oreilles, donner sur les oreilles, Infliger une correction, faire de vifs reproches. Fig. et fam., Avoir sur les oreilles, Recevoir une correction, subir des reproches. Fig. et fam., Fendre l'oreille à quelqu'un, Le mettre à la retraite, en réforme. Fam., Mettre son chapeau, porter le chapeau sur l'oreille, Le mettre, le porter penché de côté pour se donner un air décidé. Fig. et fam., Montrer, laisser passer, laisser percer le bout de l'oreille, Laisser voir ce qu'on est, laisser deviner ses intentions. Prov. et fig., Tenir le loup par les oreilles, Être aux prises avec une situation difficile sans savoir comment en sortir. Prov. et fig., Chien hargneux a toujours l'oreille déchirée, Il arrive toujours quelque accident aux gens querelleurs.

OREILLE se dit, par analogie, des Parties d'objets qui ont quelque ressemblance de forme avec l'oreille. Les oreilles d'une écuelle. Une tasse à oreilles. Un plat à oreilles. Les oreilles d'un fauteuil, d'une bergère. L'oreille d'une charrue. Les oreilles d'une ancre. Il désigne particulièrement un Pli qu'on fait à un feuillet de livre, au coin d'en haut ou d'en bas, pour marquer l'endroit où l'on a interrompu sa lecture, ou quelque passage qu'on veut pouvoir retrouver facilement. Marquez ce passage, faites-y une oreille. Il a vieilli dans ce sens; on dit plutôt Faire une corne à un livre. Il se dit également de la Partie de toile d'emballage qu'on laisse aux quatre coins d'un ballot pour pouvoir le saisir, le soulever, le transporter plus facilement. Il se dit encore de Chacune des deux dents d'un peigne qui sont placées aux extrémités, et qui, étant plus fortes que les autres, servent à les maintenir et à les préserver. En termes de Botanique, il se dit des Appendices qui se trouvent à la base de certaines feuilles et de quelques pétales. On les appelle aussi Oreillons ou Oreillettes. Oreille-d'ours ou Cortuse, Petite plante printanière, à fleur monopétale, qui sert à l'ornement des jardins. Oreille-de-souris ou Myosotis, Petite plante à fleurs bleues et quelquefois blanches, dont une espèce, à feuilles velues, croît au bord des eaux et dans les lieux humides; on l'appelle communément Ne m'oubliez pas.

JUSQU'AUX OREILLES, loc. adv. Des pieds à la tête. Être crotté jusqu'aux oreilles. Il s'est mis de la boue jusqu'aux oreilles. Il s'emploie figurément et signifie Très avant, profondément. Il est dans les procès jusqu'aux oreilles. Il s'y est mis, il s'y est plongé jusqu'aux oreilles. On dit plutôt aujourd'hui Jusqu'au cou.

PAR-DESSUS LES OREILLES, loc. adv. Il n'est d'usage qu'au figuré et signifie Plus qu'on ne peut endurer, supporter. J'ai de cet homme-là par-dessus les oreilles. Il est familier.

Littré (1872-1877)

OREILLE (o-rè-ll', ll mouillées, et non o-rè-ye) s. f.

Résumé

  • 1° Appareil de l'audition qui est divisé en trois parties.
  • 2° Organe de l'ouïe, placé de chaque côté de la tête.
  • 3° L'ouïe, le sens qui perçoit les sons.
  • 4° Appréciation des sons musicaux.
  • 5° Délicatesse de l'ouïe.
  • 6° La partie externe qui est autour du trou de l'oreille.
  • Fig. Les oreilles du cœur.
  • Fig. Attention, intérêt, confiance.
  • 9° Oreille se dit quelquefois pour la personne qui entend, qui écoute.
  • 10° Il se dit de ce qui a quelque ressemblance avec la figure d'une oreille.
  • 11° Petite partie du haut ou du has d'un feuillet d'un livre qu'on a plié pour marquer une page.
  • 12° Oreille de ballot, le coin de la toile qui enveloppe le ballot.
  • 13° Les deux espèces de grosses dents qui terminent le peigne des deux côtés.
  • 14° Différentes acceptions dans le langage de la marine.
  • 15° L'une des deux cimes d'une montagne bifurquée.
  • 16° Appendice de certaines feuilles.
  • 17° Ancien nom des oreillettes du cœur.
  • 18° Nom de différentes plantes et champignons.
  • 19° Nom de diverses coquilles.
  • 20° Nom d'un poisson, d'un oiseau.
  • 21° Jusqu'aux oreilles.
  • 22° Par-dessus les oreilles.
  • 1Appareil de l'audition qui est divisé en trois parties : l'oreille externe, qui comprend le pavillon et le conduit auditif ; l'oreille moyenne, formée par la caisse du tympan et ses dépendances ; et l'oreille interne ou le labyrinthe, qui comprend le vestibule, le limaçon et les canaux demi-circulaires. L'oreille humaine est une machine acoustique de la plus savante composition, et dont l'anatomie moderne donne un détail qui étonnerait le philosophe…, Bonnet, Contempl. nat. V, 14.
  • 2Organe de l'ouïe, placé de chaque côté de la tête. Oreille droite, gauche. Les deux oreilles. Les maux d'oreille. Se boucher les oreilles. Un tintement d'oreilles. Passez donc de l'autre côté ; car cette oreille-ci est destinée pour les langues scientifiques et étrangères, et l'autre est pour la vulgaire et la maternelle, Molière, Mar. forcé, 6. Faut-il vous le rebattre Aux oreilles cent fois, et crier comme quatre ? Molière, Tart. V, 3. De toutes les machines, il n'y en a aucune qui travaille autant que la langue, aucune d'aussi orgueilleuse et d'aussi passive que l'oreille, Diderot, Claude et Nér. II, 20.

    Fig. Avoir les oreilles bouchées, ne pas écouter, ne pas accorder d'attention. La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles ; On a beau la prier ; La cruelle qu'elle est se bouche les oreilles Et nous laisse crier, Malherbe, VI, 18. Dans les audiences vulgaires [des juges]… celui-là se présente à vous par coutume ou par bienséance… celui-ci, plus cruel encore, a les oreilles bouchées par ses préventions, Bossuet, le Tellier. Les oreilles y sont bouchées et les cœurs de fer, Fénelon, Dial. des morts anc. 18.

    Entendre des deux oreilles, se dit par pléonasme emphatique pour affirmer qu'on a bien entendu. Rien n'est plus vrai, madame : je l'ai entendu de mes deux oreilles, Lamotte, Talisman, sc. 12.

    Être tout oreilles, écouter avec une extrême attention. Nous sommes tout oreille. Oh ! vous parlez si bien que je suis tout oreille, Boissy, Babillard, sc. 9.

    Familièrement. De toutes ses oreilles, avec une grande attention. Approchez et venez de toutes vos oreilles Prendre part au plaisir d'entendre des merveilles, Molière, Femm. sav. III, 2. Nous y sommes de toutes nos oreilles, Molière, Préc. 10. Écoutez-moi tous deux de toutes vos oreilles, Baron, Andrienne, II, 3. Vous, monsieur le baron, écoutez de toutes vos oreilles, Destouches, Fausse Agn. I, 2.

    Fig. Il entend, il n'entend pas de cette oreille-là, il consent, il ne consent pas, il accède, il n'accède pas. L'abbé Duviquet, son successeur, entend fort bien de cette oreille-là, Arnault, Loisirs d'un banni, t. II, p. 48, dans POUGENS.

    Prêter l'oreille, être attentif. Prête, sans me troubler, l'oreille à mes discours, Corneille, Cinna, V, 1. Si vous prêtez l'oreille, vous recevrez l'instruction, Sacy, Bible, Ecclésiastique, VI, 34. Prêtez-moi l'un et l'autre une oreille attentive, Racine, Athal. II, 5. Il prête l'oreille au moindre bruit, Fénelon, Tel. III. Les esprits entre eux se prêtent l'oreille, Diderot, Ess. sur la vertu.

    Dans le style relevé ou poétique. Que la terre prête l'oreille aux paroles de ma bouche ! Bossuet, Hist. II, 3. Cieux, écoutez ma voix ; terre, prête l'oreille ! Racine, Athal. III, 7.

    Prêter l'oreille, donner créance. La destinée ordinaire de ceux qui refusent de prêter l'oreille à la vérité, est d'être entraînés à leur perte par des prophètes trompeurs, Bossuet, Hist. II, 9. Est-ce à vous de prêter l'oreille à leurs discours ? Racine, Brit. IV, 4.

    Prêter l'oreille, accéder, écouter favorablement. Je ne doute point qu'il ne prêtât l'oreille à la proposition, Molière, l'Avare, IV, 1. Ses douces consolations [d'une abbesse] rétablirent dans le cœur de la princesse Anne ce que d'importuns empressements en avaient banni ; elle prêtait de nouveau l'oreille à Dieu, qui l'appelait avec tant d'attrait à la vie religieuse, Bossuet, Anne de Gonz.

    Fig. Ouvrir l'oreille, écouter attentivement. J'ouvre l'oreille et je n'entends rien.

    Fig. Ouvrir l'oreille, écouter favorablement les propositions, les suggestions. Byzance ouvre, dis-tu, l'oreille à ces menées, Corneille, Héracl. I, 1. Enfin j'ouvre l'oreille aux conseils de la rage, Rotrou, Antig. I, 6.

    L'argent lui fait ouvrir les oreilles, se dit de celui qui, pour de l'argent, consent à quelque proposition. Une marquise ! deux cent mille francs ! oh ! oh ! cela me fait ouvrir les oreilles, Dancourt, les Fonds perdus, III, 7.

    Fig. Fermer l'oreille, ne pas vouloir écouter. Le Parthe… fait un tel effort, Que, la ville aux abois, on lui parle d'accord ; Il veut fermer l'oreille, enflé de l'avantage, Corneille, Rodog. I, 6. Combien de fois on ferme l'oreille aux plaintes des innocents ! Bossuet, 1er sermon, Quinquagés. I. Fermons l'œil aux présents et l'oreille à la brigue, Racine, Plaid. II, 14. On ferme l'oreille aux avis qu'on ne se sent pas la force de suivre ; ils importunent parce qu'ils humilient, Diderot, Claude et Nér. II, 26.

    On dit dans un sens analogue : détourner ses oreilles de. Détourne, roi puissant, détourne tes oreilles De tout conseil barbare et mensonger, Racine, Esth. III, 3.

    Fermer l'oreille à quelqu'un, l'empêcher d'entendre. Je crains d'avoir fermé votre oreille à ses cris, Racine, Phèdre, II, 5.

    Parler à l'oreille, parler très près de l'oreille et de manière à n'être entendu que de la personne à qui l'on parle. Ayant la mauvaise coutume de parler toujours aux oreilles des personnes, et de faire un secret de tout, Scarron, Rom. com. I, 19. La doctrine ancienne [le catholicisme], qui doit être prêchée sur les toits, pouvait à peine parler à l'oreille [dans l'Angleterre protestante], Bossuet, Reine d'Anglet. Je ne vous dissimulerai pas même que je n'aime point du tout qu'on se parle à l'oreille quand on est à table, et qu'on dise ce qu'on a fait hier à son voisin qui ne s'en soucie guère, ou qui en abuse, Voltaire, Lett. d'Autré, 6 sept. 1765.

    Dire quelque chose à l'oreille de quelqu'un, lui parler de manière à n'être entendu que de lui seul. Vous n'avez pu savoir cette grande nouvelle, Sans la dire à l'oreille à quelque âme infidèle, Corneille, Héracl. II, 1. De la moindre vétille il fiat une merveille, Et jusques au bonjour il dit tout à l'oreille, Molière, Mis. II, 5. Des bruits incertains se disaient à l'oreille parmi les courtisans, Hamilton, Gramm. 5. Puis-je en secret, Ô gentille merveille, Vous dire ici quatre mots à l'oreille ? Voltaire, Enf. prodigue, IV, 2.

    Dire deux mots à l'oreille de quelqu'un, le menacer, et même lui proposer un duel. Il faut que de ce fat j'arrête les complots, Et qu'à l'oreille un peu je lui dise deux mots, Molière, Tart. III, 1.

    Souffler quelque chose aux oreilles de quelqu'un, lui dire quelque chose secrètement.

    On dit de même : murmurer à l'oreille. Ne leur irez-vous pas murmurer à l'oreille : Vous qui vivez, donnez une pensée aux morts ? Hugo, Rayons et ombres, XXXIV.

    Cela lui entre par une oreille et lui sort par l'autre, se dit de celui qui ne fait pas grand cas de ce qu'on lui dit, ou de celui qui n'a pas beaucoup de mémoire ou d'attention. Le Grenadin, sur cela, se répandit en remercîments, qui ne m'auraient fait qu'entrer par une oreille et sortir par l'autre, s'il ne m'eût assuré que sa reconnaissance suivrait de près le service que je lui rendais, Lesage, Gil Bas, VIII, 8.

    Familièrement. Avoir les oreilles battues, rebattues d'une chose, être ennuyé d'en entendre parler.

    Étourdir, rompre les oreilles à quelqu'un, l'importuner par ses discours.

    Corner quelque chose aux oreilles de quelqu'un, vouloir persuader quelque chose à quelqu'un à force de lui en parler.

    Les oreilles ont dû vous corner, se dit à quelqu'un dont on a beaucoup parlé pendant son absence (locution née d'une vieille idée populaire, que, lorsque les oreilles vous cornent, c'est signe qu'on parle de vous).

    Les oreilles lui cornent, il croit entendre ce qu'il n'entend pas.

    Les oreilles lui en tintent, se dit de quelqu'un auquel on rebat quelque chose.

  • 3L'ouïe, le sens qui perçoit les sons. Avoir l'oreille fine. Être dur d'oreille. Tout ignorant se surprend par l'oreille, Scarron, Poés. div. Œuv. t. VII, p. 167, dans POUGENS. Des Romains expirants sous un cruel vainqueur Les cris vont à l'oreille et ne vont point au cœur, Brébeuf, Phars. VII. Je vous étudie des yeux et des oreilles, Molière, Critique, 3. Ce sont repas friands qu'on donne à mon oreille, Molière, Femm. sav. III, 1. Que ferez-vous ici, faibles discoureurs ?… dissiperez-vous ces conseils cachés en chatouillant les oreilles ? Bossuet, Bourgoing. Mais il est des objets que l'art judicieux Doit offrir à l'oreille et reculer des yeux, Boileau, Art p. III. Oui, c'est Agamemnon, c'est ton roi qui t'éveille ; Viens, reconnais la voix qui frappe ton oreille, Racine, Iph. I, 1. Elle pourrait avoir écouté sans avoir entendu ; la salle est grande, et la bonne dame n'a pas l'oreille fine, Dancourt, la Folle enchère, sc. 8. À l'oreille, à l'audition. Tel écrit récité se soutint à l'oreille, Qui, dans l'impression au grand jour se montrant, Ne soutient pas des yeux le regard pénétrant, Boileau, Art p. IV.

    N'avoir point d'oreilles pour quelque chose, ne pas vouloir y accéder. Ils [les Juifs] n'eurent plus d'yeux ni d'oreilles que pour celles [des prophéties] qui leur annoncent des triomphes, Bossuet, Hist. II, 5.

    N'avoir point d'oreilles pour quelqu'un, ne pas l'écouter. Il n'a point d'yeux pour lui, ni d'oreilles pour moi, Corneille, Perthar. V, 1.

    Venir à l'oreille, aux oreilles de quelqu'un, arriver à sa connaissance. Il ferait le diable à quatre, si cela venait à ses oreilles, Molière, G. Dand I, 2. Le bruit parvint jusqu'aux oreilles de Sésostris, Fénelon, Tél. II.

    Faire la sourde oreille, ne pas vouloir entendre ce qu'on vous dit, ne pas vouloir faire ce qu'on vous demande. Je voyais… Neptune à mes cris faire la sourde oreille, Malherbe, V, 26. Il m'en a bien dit quelque petite chose ; mais j'ai fait la sourde oreille, Genlis, Théât. d'éduc. l'Amant anonyme, IV, 2.

    Cela écorche l'oreille, cela est très rude, très peu agréable à entendre. Un seul endroit y mène [à la gloire] et de ce seul endroit Droite et roide… Pluton : Ah ! elle m'écorche les oreilles, Boileau, les Héros de roman.

  • 4Appréciation des sons musicaux. Avoir l'oreille juste. Avoir l'oreille fausse. Quoique les musiciens distinguent fort bien les différentes consonnances, ce n'est point qu'ils en distinguent les rapports par des idées claires ; c'est l'oreille seule qui juge chez eux de la différence des sons ; la raison n'y connaît rien, Malebranche, Rech. vér. Éclairc. liv. III, t. IV, p. 213, dans POUGENS.

    Absolument. Avoir de l'oreille, apprécier la justesse des sons, la régularité de la mesure. On dit par opposition : n'avoir pas d'oreille.

  • 5Délicatesse de l'ouïe. Qui témoigna jamais une si juste oreille à remarquer des tons les divers changements ? Malherbe, VI, 1. Le vers le mieux rempli, la plus noble pensée, Ne peut plaire à l'esprit quand l'oreille est blessée, Boileau, Art p. I. Comme le remarque Quintilien, il n'est guère possible qu'une chose aille au cœur, quand elle commence par choquer l'oreille, qui en est comme le vestibule et l'entrée, Rollin, Traité des Ét. III, 3. Pour obéir à l'oreille, jamais ne négligeons le nombre, mais varions-le souvent, D'Olivet, Prosod. franç. V, 2. Les oreilles, que Cicéron appelle superbes, sont fort capricieuses, Voltaire, Lett. Chabanon, 16 mars 1767. Avec un peu d'oreille de la part de l'écrivain, les hiatus ne seront ni fréquents ni choquants dans sa prose, D'Alembert, Mél. litt. Œuv. t. III, p. 234, dans POUGENS. Les vers sont une espèce de chant, sur lequel l'oreille est si inexorable, que la raison même est quelquefois contrainte de lui faire de légers sacrifices, D'Alembert, Sur le goût, Œuv. t. III, p. 417.

    Avoir de l'oreille, avoir le sentiment de la cadence et de l'harmonie. Tout le quatrième chant [de l'Énéide] est rempli de vers touchants qui font verser des larmes à ceux qui ont de l'oreille et du sentiment, Voltaire, Dict. phil. Épopée. Il suffit d'avoir un peu d'oreille pour éviter les dissonances, Buffon, Morc. choisis, p. 10. Tous ces vers sont pleins de dissonances ; et celui qui ne les sent pas n'a point d'oreille, Diderot, Lett. sur les sourds et muets.

    Fig. Avoir les oreilles délicates, se choquer des moindres choses.

    Fig. Avoir les oreilles chastes, craindre les paroles qui blessent la pudeur. Quelqu'un même des laquais cria tout haut qu'elles étaient plus chastes des oreilles que de tout le reste du corps, Molière, Critique, 3.

  • 6La partie externe qui est autour du trou de l'oreille, ordinairement en forme de cornet, d'entonnoir. Mettre un vésicatoire derrière l'oreille. Un ânier, son sceptre à la main, Menait, en empereur romain, Deux coursiers à longues oreilles [ânes], La Fontaine, Fabl. II, 10. Un lièvre, apercevant l'ombre de ses oreilles, La Fontaine, ib. V, 4. Un petit bout d'oreille échappé par malheur Découvrit la fourbe et l'erreur, La Fontaine, ib. V, 21. Il a l'oreille rouge, et le teint bien fleuri, Molière, Tart. II, 3. Presque tous les animaux libres et sauvages ont les oreilles droites ; le sanglier les a droites et roides, le cochon domestique les a inclinées et demi-pendantes, Buffon, Quadrup. t. I, p. 392. Les plus petites oreilles sont, à ce qu'on prétend, les plus jolies ; mais les plus grandes et qui sont en même temps bien bordées sont celles qui entendent le mieux, Buffon, Hist. nat. hom. Œuv. t. IV, p. 306. L'oreille extérieure n'est qu'un accessoire à l'oreille intérieure ; sa concavité, ses plis peuvent servir à augmenter la quantité du son ; mais on entend encore fort bien sans oreilles extérieures, Buffon, ib. p. 482. On ne sait sur quoi peut être fondée cette coutume singulière de s'agrandir si prodigieusement les oreilles ; il est vrai qu'on ne sait guère mieux d'où peut venir l'usage presque général dans toutes les nations de percer les oreilles et quelquefois les narines, pour porter des boucles, Buffon, ib. p. 307. Un autre usage de Taïti, commun aux hommes et aux femmes, c'est de se percer les oreilles, et d'y porter des perles ou des fleurs de toute espèce, Bougainville, Voy. t. II, p. 79, dans POUGENS.

    Boucle d'oreille, pendant d'oreille, bijou que les femmes portent à l'oreille, préalablement percée.

    Fig. Laisser passer le bout de l'oreille, laisser, quoiqu'on veuille le cacher, reconnaître ce qu'on est, ce qu'on veut ; locution prise de l'âne qui, revêtu de la peau du lion, est reconnu à un bout d'oreille qui passe.

    Fig. Pendre à l'oreille, être imminent. Un grand désagrément lui pend à l'oreille.

    Être toujours pendu aux oreilles de quelqu'un, être assidu à le suivre, à lui parler. Après avoir été pendue aux oreilles du roi, et demandé ce régiment Royal avec fureur, Sévigné, 4 sept. 1675.

    Terme d'équitation. Oreilles hardies, oreilles de cheval dont les pointes se présentent en avant et semblent s'unir l'une à l'autre.

    Boiter de l'oreille, aller de l'oreille, se dit du cheval qui accompagne chaque pas d'un mouvement de tête.

    Oreilles d'âne, oreilles semblables à celles d'un âne qu'Apollon infligea au roi Midas, à cause de son ignorance. J'irai creuser la terre, et, comme ce barbier, Faire dire aux roseaux par un nouvel organe : Midas, le roi Midas a des oreilles d'âne, Boileau, Sat. IX.

    On dit dans un sens analogue : grandes oreilles. La cour a sifflé tes talents ; Paris applaudit tes merveilles ; Grétry, les oreilles des grands Sont souvent de grandes oreilles, Voltaire, Poésies mêlées, CCXXIII. [à propos de l'opéra de Midas de Grétry, sifflé à Versailles, applaudi à Paris]. Nonotte trouve Quinault plat ; quoi ! tu n'aimes pas l'auteur d'Atys et d'Armide ! tant pis, Nonotte, cela prouve que tu as l'âme dure et point d'oreille ou trop d'oreille, Voltaire, Mél. litt. Honnêtetés litt. Petite digression.

    Oreilles d'âne, papier roulé en forme d'oreille d'âne que l'on met aux oreilles des enfants coupables, dans leurs devoirs ou leurs réponses, de quelque grossière ignorance.

    Fig. Tenir le loup par les oreilles, ne savoir quel parti prendre parce qu'il y a du péril de tous les côtés (locution tirée d'un dicton latin qui exprime l'embarras de lâcher le loup ainsi tenu et de continuer à le tenir). Elle tient, comme on dit, le loup par les oreilles, Corneille, le Ment. IV, 7.

    Fig. Dormir sur les deux oreilles, sur l'une et l'autre oreille, être plein de sécurité. …Censeurs, je vous conseille De dormir comme moi sur l'une et l'autre oreille, La Fontaine, Oies. Qu'il eut, pour ne rien faire, un merveilleux talent ! Qu'il dormait bien sur l'une et l'autre oreille ! Fontenelle, Poés. div. Œuv. t. IV, p. 385, dans POUGENS. Dormez donc sur l'une et l'autre oreille, mon cher petit neveu…, Voltaire, Lett. la Houlière, 22 oct. 1770.

    On a dit dans un sens analogue : mettre l'oreille sous le coude, c'est-à-dire rassurer. C'est afin que je vous mette l'oreille sous le coude, Malherbe, Trad. des ép. de Sénèque, Ép. 24.

    Secouer les oreilles, ne tenir compte de quelque chose, s'en moquer. Magnac éclata à la cour, où il fit un étrange bruit ; mais Villars, qui avait le prix de la victoire et Mme de Maintenon pour lui, n'en fit que secouer l'oreille, Saint-Simon, 111, 195.

    Secouer les oreilles, se dit aussi d'une personne à qui il arrive quelque accident, quelque affront, et qui témoigne ne pas s'en soucier. On l'a chassé de cette société, il n'a fait que secouer les oreilles.

    Vin d'une oreille, le bon vin ; vin de deux oreilles, le mauvais ; on appelle ainsi le bon vin, parce que le bon vin fait pencher la tête de celui qui le goûte d'un côté seulement ; et le mauvais vin, parce qu'on secoue la tête et par conséquent les deux oreilles (c'est l'explication donnée par de Brieux).

    Dresser les oreilles, faire attention à ce qui est dit. À ces propositions il dressa les oreilles.

    Avoir l'oreille basse, être humilié, mortifié. Il lui fallut à jeun retourner au logis, Honteux comme un renard qu'une poule aurait pris, Serrant la queue et portant bas l'oreille, La Fontaine, Fabl. I, 18.

    Baisser l'oreille, être las, triste, harassé, mélancolique. Mais enfin ma fierté a baissé l'oreille, Molière, Princ. d'Él. II, 2. Ils viennent tous me dire : allons, vite une lettre pour madame la duchesse… je baisse les oreilles, j'écris, et puis je suis tout honteux, et je voudrais m'aller cacher, Voltaire, Lett. Mme de Choiseul, 1er juin 1770.

    Avoir l'oreille basse, se dit aussi pour être fatigué, abattu par le travail, par des excès, par la maladie.

    En avoir sur l'oreille, être fatigué, abattu. Sa dernière maladie l'a beaucoup vieilli, il en a sur l'oreille.

    Tirer l'oreille, les oreilles, tirer fortement l'oreille à un enfant, à un écolier pour le punir de quelque faute. Si un élève de l'école de Raphaël ou des Carraches en avait fait autant, n'en aurait-il pas eu les oreilles tirées d'un demi-pied ? Diderot, Salon de 1767, Œuv. t. XIV, p. 87, dans POUGENS. Tirer l'oreille à quelqu'un, la lui pincer par signe d'amitié ou pour avertissement.

    Tirer l'oreille, éveiller, exciter. À qui l'ambition la nuit tire l'oreille, Régnier, Sat. XI. Ce soin ambitieux me tirant par l'oreille, Boileau, Épître V. Déjà me tirant par l'oreille, L'ambition hâte mes pas, Béranger, Hab. de cour.

    Se faire tirer l'oreille, faire quelque chose lentement, avec mauvaise volonté. Dis-nous quel est notre destin Sans te faire tirer l'oreille, Scarron, Virg. III. Allons, monsieur, faites les choses galamment, et sans vous faire tirer l'oreille, Molière, Mar. forcé, 16. On se fit un peu tirer l'oreille d'abord, Hamilton, Gramm. 8. Voilà monsieur Clitandre qui me doit cent cinquante pistoles, par exemple je sais bien pour lui qu'il ne se fera pas tirer l'oreille, Dancourt, la Désolat. des joueuses, sc. 9.

    Se faire tirer l'oreille, est une locution qui vient de l'ancien usage d'amener des témoins tirés par l'oreille (testes per aurem attracti, voy. HORACE, Sat. I, 9), usage qui est spécifié dans la loi des Bavarois (voy. DU CANGE, auris).

    Se prendre par les oreilles, se quereller, se battre. Débuter dans une querelle de musique par se prendre par les oreilles, cela est assez naturel, Grimm, Correspond. t. IV, p. 7, dans POUGENS.

    Par plaisanterie. Je gage mes oreilles, se dit quand on veut affirmer quelque chose. …S'il est ici, je gage mes oreilles Qu'il est dans quelque allée à bayer aux corneilles, Piron, Métrom. I, 1.

    Y laisser ses oreilles, être maltraité, ne pas revenir sain et sauf de quelque entreprise périlleuse.

    Il sera bien heureux s'il en rapporte ses oreilles, se dit de quelqu'un engagé dans une affaire périlleuse.

    Je lui couperai les oreilles, se dit par menace à quelqu'un qu'on châtiera. Laissez-moi, je lui veux couper les deux oreilles, Molière, Tart. V, 2. Moi, je lui couperais sur-le-champ les oreilles, S'il n'était pas garant de tout ce qu'il a dit, Molière, l'Ét. III, 3.

    Frotter les oreilles à quelqu'un, ou lui donner sur les oreilles, lui infliger une correction manuelle. Jour de Dieu ! je saurai vous frotter les oreilles, Molière, Tart. I, 1. Je te donnerai sur les oreilles, Molière, Pourc. III, 9. Ôtez-vous de là, vous, ma mie, que je ne vous donne sur les oreilles, Dancourt, Cheval. à la mode, V, 3. Défendez-vous mieux contre les mahométans, qui vous donnent tous les jours sur les oreilles, Voltaire, Dict. phil. Volonté. Les Russes vous donnent [à vous Ottomans] sur les oreilles depuis trois ans, et vous les frotteront encore, Voltaire, Lett. à Cath. 93.

    Avoir sur les oreilles, recevoir quelque correction, manuelle ou autre. Si la conversation s'échauffe, la marquise aura sur les oreilles, Dancourt, la Folle enchère, sc. 18. On m'a parlé aussi d'un dictionnaire [le Dictionnaire philosophique] où beaucoup d'honnêtes fripons ont rudement sur les oreilles, D'Alembert, Lett. à Voltaire, 9 juillet 1764.

    Il se gratte l'oreille, se dit d'un homme qui a quelque chagrin qui l'inquiète, ou qui a peine à se souvenir de quelque chose.

    Avoir la puce à l'oreille, être inquiet de quelque chose.

    Mettre la puce à l'oreille, inquiéter.

    Échauffer les oreilles à quelqu'un, le mettre en colère par quelque discours. Dites-lui ma pensée, et l'avertissez bien Qu'elle ne vienne pas m'échauffer les oreilles, Molière, Femm. sav. III, 8. Retire-toi, te dis-je, et ne m'échauffe pas les oreilles, Molière, l'Avare, II, 3. Quand la maréchale de la Meilleraye lui échauffait les oreilles [à Saint-Ruth], il jouait du bâton et la rouait de coups, Saint-Simon, 264, 41.

    Avoir le bouquet sur l'oreille, voy. BOUQUET 1, n° 2.

  • 7Dans le style relevé. Les oreilles du cœur, la sensibilité morale. Qu'il [le Seigneur] vous donne ces oreilles du cœur qui seules font entendre sa voix, Massillon, Carême, Parole.
  • 8 Fig. Attention, intérêt, confiance Je dois ici l'oreille à d'autres intérêts, Corneille, Sophon. IV, 2. Ne possédez-vous pas son oreille et son cœur ? Racine, Esth. III, 2. J'approchai par degrés de l'oreille des rois, Racine, Athal. III, 3. …Me fit faire une opération, pénible dans les commencements, mais qui me fut plus heureuse dans la suite, parce qu'elle m'approcha de l'oreille et de la confiance de mes maîtres, Montesquieu, Lett. pers. 64.

    Avoir l'oreille de quelqu'un, en être favorablement écouté. C'est beaucoup que d'avoir l'oreille du grand maître, Corneille, Othon, II, 2. On dirait qu'ils ont seuls l'oreille d'Apollon, Boileau, Disc. au roi. Ces gens ont l'oreille des plus grands princes, sont de tous leurs plaisirs et de toutes leurs fêtes, La Bruyère, VIII. Je suis bien plus en état de vous servir, présentement que j'ai l'oreille du premier ministre, Lesage, Gil Blas, XI, 13.

  • 9 Fig. Oreille se dit quelquefois pour la personne même qui entend, qui écoute. Si vous vous laissez gagner aux soupçons, si vous prenez facilement des ombrages et des défiances, prenez garde pour le moins de ne les porter pas aux oreilles importantes, Bossuet, Sermons, Charité fratern. autre conclusion. Je me plais à répéter toutes ces paroles [relatives au service des pauvres], malgré les oreilles délicates ; elles effacent les discours les plus magnifiques, Bossuet, Anne de Gonz.
  • 10Il se dit de ce qui a quelque ressemblance avec la figure de l'oreille. Les oreilles d'une écuelle. Il avait la tête enfoncée dans un bonnet de laine brune à longues oreilles ; et sa barbe, plus blanche que la neige, lui descendait jusqu'à la ceinture, Lesage, Gil Bl. IV, 9.

    Oreilles de soulier, les parties du soulier où sont attachées les boucles ou les cordons.

    Quand quelqu'un menace de donner sur les oreilles, on répondait autrefois : ce sera donc sur les oreilles de mes souliers.

    Oreille de la charrue, voy. VERSOIR.

    Oreilles d'abricots, abricots confits dont on a rejoint les deux moitiés après en avoir ôté les noyaux.

  • 11Petite partie du haut ou du bas d'un feuillet d'un livre qu'on a plié pour marquer une page qu'on veut retrouver. Faire une oreille à un livre. Lisez la page 34, où il y a une oreille, et voyez les lignes que j'ai marquées avec un crayon, Pascal, Prov. IV.

    On dit plutôt maintenant : faire une corne à un livre.

  • 12Oreille de ballot, le coin de la toile qui enveloppe le ballot, et que l'emballeur laisse en forme d'oreille quand il coud la toile, afin que par cette oreille on puisse prendre le ballot pour le remuer.
  • 13 Les deux espèces de grosses dents qui terminent le peigne des deux côtés et qui renferment les véritables dents, se nomment les oreilles, Dict. des arts et mét. Tabletier.

    Dans les jeux d'orgues, petites lames que l'on soude à la bouche des tuyaux, et qui servent à les accorder.

    Terme d'imprimerie. Languette de frisquette.

    Terme de menuiserie. Voussure dont la partie supérieure est droite en devant, et dont le fond est bombé en arc.

    Partie saillante de certaines pièces employées dans les constructions, et qui servent à les assembler, à l'aide de boulons, à d'autres pièces fixes.

    Terme de maçonnerie. Entaille qu'on fait au bout d'un appui de croisée ou d'un seuil pour qu'il entre dans le tableau de la baie et conserve une saillie sur le nu du mur.

    Partie saillante qui excède une pièce de serrurerie, et sert de repère pour une autre pièce.

    Dans certaines machines, saillies ajoutées à un objet pour lui donner plus d'empatement, ou pour lui permettre de s'appuyer sur un autre.

    Petits appendices qui portent les galets du glissoir de la tige d'un piston.

    Petite saillie sur les côtés de la charnière de certaines coquilles bivalves.

  • 14 Terme de marine. Oreille de l'ancre, chacun des angles de la base du triangle qui a le nom de patte de l'ancre.

    Oreille de lièvre, angle aigu de la voile latine, dans sa partie supérieure. Orienté en oreille de lièvre.

    Donner de l'oreille à une pièce de bois, à un bordage, les conformer de manière que, sur leur longueur, plusieurs parties se trouvent dans des plans différents et différemment inclinés.

    Taquets à oreilles, taquets à double tête qui sont fixés dans la muraille d'un bâtiment pour y tourner les écoutes des basses voiles.

    Oreilles d'âne, forts taquets à deux têtes qui servent à tourner, à amarrer.

  • 15L'une des deux cimes d'une montagne bifurquée. Son sommet [d'une montagne] est l'oreille orientale d'un énorme cratère dont l'enceinte est entièrement culbutée du côté du couchant, Ramond, Instit. Mém. scient. 1813, 1814, 1815, p. 115.
  • 16 Terme de botanique. Appendice qui se trouve à la base de certaines feuilles de quelques plantes. On dit aussi oreillon et oreillette.

    Les jardiniers appellent oreillettes les feuilles séminales. On peut planter en pépinière de petites laitues, dès qu'elles ont les oreilles un peu grandes, La Quintinye, Jardins, 1re part. dans RICHELET.

  • 17Nom donné anciennement aux oreillettes du cœur. Ces deux dernières [l'artère veineuse et la veine cave] s'élargissent avant que d'entrer dans le cœur, et y font comme deux bourses nommées les oreilles du cœur, Descartes, Méth. V, 5.
  • 18Nom de différentes plantes. Oreille de lièvre, le buplèvre en faux, buplevrum falcatum, L. ombellifères.

    Oreille d'ours, primevère oreille d'ours, primula auricula, L. primulacées.

    Oreille de souris, le myosotis des champs, borraginées ; on donne aussi le nom d'oreille de souris au cerastum tomentosum, L. petite caryophyllée dont les feuilles velues ressemblent à celles du myosotis.

    Oreille d'âne, la grande consoude.

    Oreille d'homme, l'asaret d'Europe, asarum europaeum, L. aristolochiées.

    Grande oreille de chat, l'hieracium auricula.

    Nom d'un grand nombre de champignons : oreille d'âne ou d'ours ; oreille brune ; oreille de chardon ; oreille de chat, etc. etc.

    Oreille de houx, la girolle, champignon comestible.

    Oreille de Judas, nom d'un champignon sans queue, qui est une espèce d'agaric, qu'on trouve attaché au tronc du sureau ; la figure en est souvent celle de l'oreille humaine.

  • 19Nom de diverses coquilles : oreille d'âne, oreille de bœuf, oreille de Vénus, etc.

    Oreille de Saint-Pierre, nom sous lequel on mange à Marseille l'animal de la fissurelle grecque (univalves).

    Oreille de mer, voy. ORMIER.

  • 20Oreille grande, nom donné par les marins au scombre thon.

    Oreille blanche, oiseau du Paraguay.

  • 21Jusqu'aux oreilles, loc. adv. Des pieds à la tête. Il est crotté jusqu'aux oreilles.

    Fig. Très avant. Il est dans cette intrigue jusqu'aux oreilles. Employé jusqu'aux oreilles en procès et en chicane, qui est un métier qu'il aime fort, Patin, Lett. t. II, p. 1.

  • 22 Fig. Par-dessus les oreilles, loc. adv. De manière à être accablé. Ce qu'il y avait de pis, c'est que Jenni avait des dettes par-dessus les oreilles, Voltaire, Jenni, 4. En attendant, j'ai de la besogne par-dessus les oreilles, Diderot, Mém. t. III, p. 63, dans POUGENS.

PROVERBES

Les murailles, les murs ont des oreilles, c'est-à-dire il faut prendre garde aux paroles que l'on prononce, même en des lieux fermés. Les murs ayant des oreilles, dit-on, La Fontaine, Quipr. Les planchers sur lesquels je suis, ont des yeux ; les murs qui m'entourent, ont des oreilles, Rousseau, Confess. VII.

Un chien hargneux a toujours les oreilles déchirées, c'est-à-dire les gens querelleurs sont sujets à avoir quelque mal.

Ventre affamé n'a point d'oreilles, c'est-à-dire on n'écoute rien quand on est pressé de la faim.

REMARQUE

Mme de Sévigné a dit : chanter des oreilles. La bonne princesse [de Tarente] alla à son prêche : je les entendais tous qui chantaient des oreilles ; car je n'ai jamais entendu des tons comme ceux-là, 25 déc. 1675. C'est une expression qu'elle a prise à Rabelais : Durant la procession ils [les frères Fredons] fredonnoyent entre les dents melodieusement ne sçais quelles antiphones ; car je n'entendoys leur patelin, et attentifvement escoutant aperceus qu'ils ne chantoyent que des aureilles, Pant. V, 27. Dans Rabelais, chanter des oreilles, comme on voit, c'est ne rendre aucun son, ne pas chanter du tout. Mme de Sévigné a détourné cette expression, pour signifier : chanter mal.

HISTORIQUE

XIe s. La destre oreille al premier ver [verrat] [il] trancha, Ch. de Rol. LVI.

XIIe s. Par dous feiz [deux fois] i fu pris ; si l'en laissa aler ; Mais ainceis [auparavant] li fist l'um les oreilles couper, Th. le mart. 31. À plusors ont trenchies et aureilles et piez, Rou, 1398. Li message del rei dist al duc en l'aureille, ib. 3460. Tel venjance frai sur Juda e sur Jerusalem, que à ces [ceux] ki l'orrunt l'entendront], tut les orilles lur en cornerunt, Rois, p. 420.

XIIIe s. Li autre philosophe ki apeloient les orelles porte de savoir, Alebrand, f° 36. En l'oreille [elle] lui prent tantost à conseiller, Berte, X. Mais cele fet oroille sorde, Qui n'est mie fole ne lorde, Ren. 1816. Yzengrin [le loup] a drecié l'oreille ; Primes regarde, et puis oreille [il écoute], Qu'en la paroi un trou avoit, ib. 12256.

XIVe s. On lui copera une aroille, Du Cange, auditus. Les oreilles vous deveroient bien fort et souvent manjier [démanger] ; car je ne sui en compagnie, que on ne parole tous jours de vous, Machaut, p. 144. Où il alloyt, tretout trembloit, Rien devant luy ne resistoit, Ains chacun si bassoit l'oreille, Liv. du bon Jeh. 619. Il nous ont dit tant de merveilles, Qu'ilz m'ont cassé les deux oreilles, ib. 1146.

XVe s. Il s'enclina et descendit moult voulontiers pour l'amour du roi de France, car à tel roi on peut bien tendre l'oreille [avoir égard], Froissart, IV, p. 279, dans LACURNE. Ce qui m'entre par une oreille, Par l'aultre sault comme est venu, Orléans, Rond. Le duc, à chose qu'ils dissent, ne voulut ouvrir les aureilles, et en estoit très mal content, Juvénal Des Ursins, Charles VI, 1391. [Le saulcier] luy presta l'oreille et dist qu'il n'y pourroit rien faire sans le moyen de Colinet queux du roy, J. de Troyes, Chron. 1475. Auquel Jean donna oreille et fut content de l'ouir, Du Cange, auris, an 1447. Chascun avoit les oreilles longues et pendans en tristeur sans corage, Chastelain, Chron. des D. de Bourg. II, 75. Or prient pour leur bienfaicteur, Ou qu'on leur tire les oreilles, Villon, Grand testum.

XVIe s. J'ay, respondit Panurge, la pusse en l'oreille, je me veulx marier, Rabelais, III, 7. Vous aurez sur l'oreille, Despériers, Contes, CXVIII. Il ne vouloit point qu'un esclave tensast son filz, ne qu'il luy tirast l'oreille, Amyot, Caton, 41. Or la femme de Sinam n'eut pas plustost ce dessein au cœur qu'elle l'eut à la bouche, et Amorath aux oreilles par un rapport incertain, D'Aubigné, Hist. II, 389. À l'instigation de plusieurs princes qu'il nomma à l'oreille, et desquels le nom fut supprimé, D'Aubigné, II, 458. Les deux epiphyses du cœur, nommées oreilles d'iceluy, à raison de la similitude qu'elles ont aux oreilles, Paré, II, 11. Le chancelier du Prat, lequel au traité de Cambray avoit plus l'oreille de madame la regente que nul autre, Du Bellay, M. 459. Elles ne gaignent rien de crier misericorde ny de demander pardon ; car Boccal avoit lors l'oreille de marchand, Merlin Coccaie, t. II, p. 209. Sac plein dresse les oreilles, Cotgrave Bois ont oreilles, et champs œillets, Cotgrave On appelle aujourd'huy à la cour pendans d'oreilles, ceux qui à toutes heures soufflent aux oreilles des grands ; parce qu'ils sont toujours comme pendus à leurs oreilles, H. Estienne, Nouv. lang. ital. p. 565. Une bouche et deux oreilles, Génin, Récréat. t. II, p. 252. L'empereur lui fit la sourde oreille, Brantôme, Moncade. À beau parleur closes oreilles, Leroux de Lincy, t. II, p. 225.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

OREILLE. Ajoutez :
23Disposition des cheveux que l'on compare à une oreille de chien, parce qu'ils tombent sur les tempes. Voici le Juif en longue lévite, avec ses bottes éculées, avec ses oreilles de chien en avant des tempes, ses rides multiples du front, A. Rambaud, Rev. des Deux-Mondes, 15 nov. 1874, p. 348.

REMARQUE

Ajoutez :

2. L'expression chanter de l'oreille qu'a employée Rabelais et à sa suite Mme de Sévigné reçoit quelque lumière de ce qui suit. De l'oreille a signifié, dans l'ancienne langue, d'une manière imparfaite, mal, à peine, ainsi que le prouve ce passage : Tant [les clercs] ont les cuers cointes et gobes, Et tant sont plain de grant outrage, Qu'autel, ne crucefiz, n'ymage N'enclinent mes fors [excepté] de l'oreille, Gautier de Coinsy, les Miracles de la Sainte Vierge, p. 510, éd. abbé Poquet.

3. On dit dormir sur les deux oreilles, pour dire dormir profondément. Dormir à la fois sur les deux oreilles est impossible ; impossibilité à laquelle La Fontaine songeait, quand il a mis s'il se peut dans ces vers : Voici pourquoi je lui conseille De dormir, s'il se peut, d'un et d'autre côté, Coupe enchantée. Quoique ces exagérations jusqu'à l'impossible soient du langage proverbial, il semble que dormir sur les deux oreilles signifie simplement dormir sur l'une ou sur l'autre oreille indifféremment, sur la bonne comme sur la mauvaise, sur le côté gauche aussi bien que sur le côté droit.

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Étymologie de « oreille »

Picard, éraille, éreille, areille, eraile ; bourguig. airoaille, oraille ; provenç. aurelha ; catal. aurella ; espagn. oreja ; portug. orelha ; ital. orecchia ; bas-lat. oricula (auriculas, quas rustici dicebant oriculas, POMP. FESTUS) ; du latin auricula, diminutif de auris, oreille (voy. OUÏR). Auris est pour ausis ; comparez le grec οὖς, ὠτὸς ; goth. auso, oreille, hausjan, ouïr ; allem. hören, entendre, Ohr, oreille.

ÉTYMOLOGIE

Ajoutez : Oricla était aussi une forme populaire, que le grammairien Probus condamne, recommandant de prononcer auris.

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Du moyen français oreille, de l’ancien français oreille (c. 1100), aurelia (Xe siècle), du latin populaire auriculă (« oreille », « bout de l’oreille » ; « anse de cruche »), diminutif du latin classique auris (« oreille »).
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « oreille »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
oreille ɔrɛj

Fréquence d'apparition du mot « oreille » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « oreille »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « oreille »

  • Femme qui prête l'oreille prêtera bientôt autre chose.
    Paul-Louis Courier — Correspondance
  • Le bouche à oreille est le meilleur des médias.
    Bill Bernbach
  • A coup de langue écu d’oreille.
    Proverbe français
  • L'oreille distraite est l'organe du malentendu.
    Albert Brie — Le Mot du silencieux
  • Au sourd, l’oeil sert d’oreille.
    Proverbe italien
  • Ventre affamé n'a point d'oreilles.
    Jean de La Fontaine — Fables, le Milan et le Rossignol
  • Que celui qui a des oreilles entende !
    Évangile selon saint Matthieu, XIII, 9
  • Pour certains, la culture est une boucle d’oreille. Pour d’autres, c’est une oreille.
    Jean-Claude Carrière — Détails de ce monde
  • Parfois, elles grattent et chatouillent. Alors certains ne résistent pas à l’envie d’y mettre le doigt. Organe de l’ouïe et élément primordial de notre équilibre, l’oreille est aussi une petite usine à crottes. Elle produit au quotidien le cérumen, qui recouvre la peau fine de nos conduits auditifs.
    C'est un peu cracra : C'est jaune et ça fait les oreilles sales, mais à quoi sert le cérumen ?
  • Un secret a toujours la forme d'une oreille.
    Jean Cocteau — Le Rappel à l'ordre, Stock
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Traductions du mot « oreille »

Langue Traduction
Anglais hear
Espagnol oír
Italien sentire
Allemand hören
Chinois
Arabe سمع
Portugais ouvir
Russe заслушивать
Japonais 聞く
Basque entzun
Corse senti
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Synonymes de « oreille »

Source : synonymes de oreille sur lebonsynonyme.fr

Combien de points fait le mot oreille au Scrabble ?

Nombre de points du mot oreille au scrabble : 7 points

Oreille

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