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Corne

Variantes Singulier Pluriel
Féminin corne cornes

Définitions de « corne »

Trésor de la Langue Française informatisé

CORNE, subst. fém.

I.− Au sing. et/ou au plur.
A.− [Attribut de la tête d'êtres vivants]
1. [Concerne des animaux]
a) Excroissance dure, pointue et conique, plus ou moins longue et recourbée, qui pousse sur la tête de certains mammifères ruminants (le plus souvent, formation épidermique entourant une protubérance osseuse, le cornillon). Cornes de bélier, de vache, de taureau; un coup de corne; cornes luisantes; cornes dressées comme des baïonnettes; secouer ses cornes; scier les cornes d'un taureau; attacher un bœuf par les cornes. Ses nattes roulées sur les oreilles comme des cornes de mérinos australiens (Morand, Eur. gal.,1925, p. 53):
1. Le fameux Pepillo, très célèbre matador, fut tué à Madrid par un taureau; il fut pris dans le côté par la corne, ... Delacroix, Journal,1832, p. 157.
Bêtes à cornes. Bœufs, vaches et chèvres par opposition aux bêtes à laine (moutons, brebis). Arg. Fourchette.
En corne. En forme de corne d'animal :
2. C'était la Jungfrau sortant des nuages sa cime en corne, d'un blanc pur de neige amoncelée. A. Daudet, Tartarin sur les Alpes,1885, p. 142.
Loc. Avoir le petit doigt en corne. En l'air et replié.
Loc. fig. Prendre le taureau par les cornes. Agir en s'attaquant de front à ce que l'on a à faire, à des difficultés que l'on doit surmonter, etc. Attaquer l'ennemi là où il serait le plus dur, (...) prendre le taureau par les cornes (De Gaulle, Mém. guerre,1956, p. 257).
Vx. Pouvoir baiser une chèvre entre les deux cornes. Se dit d'une personne très maigre. Montrer le bout de sa corne. Se laisser entrevoir. Synon. montrer le bout du nez.Montrer les cornes. Montrer qu'on a l'intention d'attaquer ou de se défendre. Synon. montrer les dents.Rentrer ses cornes. Prendre une position de repli, renoncer à un combat. Armand Dubarnet rentra ses cornes et revint à son roquefort (Mauriac, Galigaï,1952, p. 60).Prendre qqn sur ses cornes. Le prendre en grippe.
b) P. anal. Excroissances caduques qui poussent sur la tête des cervidés (cerf, chevreuil, daim, renne, etc.) et sont des formations dermiques; l'extrémité de ces excroissances. Cornes d'antilope. La Nymphe qui chassait le Cerf aux belles cornes (Régnier, Jeux rust.,1897, p. 102):
3. Mais le petit renne est bien joli, avec ses cornes en jeune velours et ses longs cils de vierge. Colette, En pays connu,1949, p. 176.
Rem. On parle plus exactement dans ce cas de bois; cf. aussi andouiller et ramure.
BOT., pop. Corne de cerf. Plante à feuilles très découpées qui ,,représentent des petites cornes de cerf`` (Roll. Flore t. 2 1967, p. 126).
Corne du rhinocéros. Excroissance qui pousse à l'extrémité de son nez. Dans la corne du nez du rhinocéros, (...) qui avait usé la sienne jusqu'à la racine (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 245).
Éléments saillants sur la tête de divers animaux autres que les mammifères (reptiles, insectes, mollusques, etc.). Les cornes d'une sauterelle, vipère à cornes. Le gros scarabée noir dont la tête est armée d'une corne (Green, Journal,1935, p. 29).Les cornes d'un escargot, d'une limace. Pédoncules rétractiles qui portent les organes de la vision :
4. À l'enterrement d'une feuille morte Deux escargots s'en vont Ils ont la coquille noire Du crêpe autour des cornes Prévert, Paroles,1946, p. 89.
2. [Concerne des êtres mythologiques]
a) Appendice unique, planté au milieu du front, avec lequel on représentait l'animal imaginaire et symbolique de pureté, appelé licorne ou unicorne; défense du narval, que l'on identifiait à cette corne.
b) Excroissance en forme de corne d'animal, que l'on attribue à des divinités, à des êtres chimériques. Les cornes du diable; les cornes des satyres, des chèvre-pieds. Quand on parle d'enfer, Satan montre sa corne (Hugo, Han d'Isl.,1823, p. 298).Un « troll » immense (...) muni de cornes et d'une longue queue comme le diable (Green, Journal,1938, p. 139).
Les cornes de Moïse. Représentation des rayons qui, selon la tradition biblique, encadraient sa tête lorsqu'il redescendit du Sinaï.
[Jurons] Par la double corne de Mahom [Mahomet assimilé au diable]! Par la corne de Belzébuth! Corne du diable! Cornedieu!
3. [Concerne des êtres humains]
a) Protubérance analogue au cornillon des animaux, située sur le front. Des cornes luisantes bossellent son front dénudé (Gautier, Rom. momie,1858, p. 320).Entre autres Anglais extraordinaires, il y a le duc de Buceleugh qui a une corne au milieu du front (Mérimée, Lettres à une inconnue,1870, p. 325).
b) Attribut symbolique ayant la forme d'une corne d'animal et exprimant la dérision, la honte.
Faire les cornes à qqn. Lui faire un geste de dérision, de moquerie, qui consiste à dresser les deux index au-dessus de la tête pour figurer une paire de cornes. Oh! le méchant! faisons-lui les cornes (Renard, Journal,1889, p. 36):
5. Cham, de la main droite, dont un doigt est replié, fait les cornes au dormeur, geste de mépris fort usité encore en Italie. Mérimée, Étude sur les arts au Moyen Âge,1870, p. 202.
Au fig. Se moquer de quelqu'un. J'ai planté vingt-trois cèdres de Salomon (...) ils font les cornes à leur maître de peu de durée (Chateaubriand, Mémoires,t. 3, 1848, p. 3).Ouh, les cornes! Interjection de moquerie, de provocation.
Avoir, porter des cornes (le plus souvent en parlant d'un homme). Être cocu, trompé (cf. cornard A). Son homme est mort, le printemps passé, et voilà dix ans qu'elle lui faisait porter des cornes (Sartre, Mouches,1943, II, tabl. 1, 1, p. 42).Planter des cornes à son mari. Le tromper. Madame va rejoindre ses parents (...) par la même occasion elle plantera une corne ou deux à son imbécile de mari (Sand, Corresp.,t. 1, 1812-76, p. 292).
B.− [P. anal. avec la forme des cornes] Parties, éléments doubles et/ou protubérants, saillants.
1. [P. réf. au fait que les cornes vont par paire] Chacune des deux extrémités plus ou moins pointues d'un objet. Les cornes d'un compas; moustaches cirées en cornes; les cornes d'un croissant. Les deux cornes du magnifique croissant que la ville de Bordeaux forme sur la Garonne (Stendhal, Mém. d'un touriste,t. 3, 1838, p. 52).
Littér. L'astre aux cornes d'argent. La lune. En ce moment où la lune montre là-bas un bout de corne (Vallès, J. Vingtras,Enf., 1879, p. 114).
P. métaph. Élément protubérant simple ou double évoquant la forme d'une corne. La flamme de la lampe gicla en deux fines cornes bleues (Giono, Eau vive,1943, p. 337).La corne d'une montagne bleue entame le soleil déclinant (Colette, Pays. et portr.,1954, p. 129).
2. HABILL., TISSUS
a) Partie saillante, protubérance (d'une coiffure) qui se dresse sur la tête comme une corne. Chapeau à trois cornes; les cornes d'un bicorne, d'un tricorne; hennin à deux cornes. Casque à cornes (parfois constituées par de véritables cornes d'animaux, symbole de force, de pouvoir) :
6. ... les cornes d'orfèvrerie (tantours), hautes de plus d'un pied, que les femmes druses et maronites portent sur la tête... Nerval, Voyage en Orient,t. 2, 1851, p. 79.
b) Pointe(s) d'une étoffe que l'on noue sur la tête en guise de coiffure. Les cornes d'un foulard, d'une marmotte. Le mouchoir de tête se voyait posé de travers avec des cornes caricaturales (E. de Goncourt, Élisa,1877, p. 255).
Faire des cornes à un mouchoir, à un foulard, etc. En nouer les quatre coins pour qu'il tienne sur la tête.
c) [En parlant d'objets en tissu] Une corne de coussin, les cornes d'un édredon. La couche était défaite, (...) les oreillers aplatis, les cornes en avant (Huysmans, Marthe,1876, p. 84).Elle s'essuie la main à la corne de son tablier (Genevoix, Laframboise, 1942, p. 83).
Spéc. La corne d'une serviette, d'un torchon. Son coin, mouillé et tordu sur lui-même. Tandis que les cornes des serviettes, trempées dans un peu d'eau froide, frottent légèrement les pommettes frileuses (Renard, Poil Carotte,1894, p. 137).Faire une corne à son mouchoir. En nouer un coin pour se rappeler quelque chose. Synon. nœud.
Loc. vieillie. Étoffe coupée de corne en coin. En diagonale. P. anal. Bâtiment de corne en coin. Mal orienté.
3. [En parlant d'un terrain]
a) La corne d'un bois, d'une pièce de terre. Un des angles (plus ou moins réguliers) qui le délimitent; p. méton., partie de terre située à l'intérieur de cet angle. La corne d'un boqueteau, d'une pinède. Il y avait dans cette corne de forêt du vent, de la vie et de l'énergie (Giono, Eau vive,1943, p. 70).Bref, voilà le serviteur qui installe le pliant, au bout d'un champ de blé, à la corne d'un taillis, et voilà l'empereur qui s'assied (Zola, Débâcle,1892, p. 185):
7. Chaque langue a ses métaphores particulières (...) Qu'est-ce que la corne d'un bois? Cela est fort intelligible pour un Russe, qui ne comprendrait peut-être pas aussi bien le coin d'un bois. Mérimée, Études de litt. russe,1870, p. 232.
b) Pointe avancée d'une terre. Il m'a débarqué de nuit sur une petite corne des Baléares où c'est tout rochers, agaves et trucs qui piquent (Colette, Chambre d'hôtel,1940, p. 105).
c) FORTIF. Avancée (d'un ouvrage) formée d'un demi-bastion. Ouvrage à cornes. P. ext. Poste avancé :
8. Le capitaine fit ses « cornes », comme il disait, c'est-à-dire qu'il établit trois postes qui détachèrent en avant des sentinelles. G. d'Esparbès, La Grogne,1905, p. 29.
4. ARCHIT. Forme allongée et recourbée des angles (des toits, etc.), dans certaines constructions. Maison à cornes; les cornes d'un pavillon; créneaux à deux cornes. Quant à ses toits [de la pagode] couverts de céramiques dorées, ils ont des cornes à tous les angles, mais des cornes très très longues qui s'inclinent, se redressent, menacent en tous sens (Loti, Pèl. Angkor,1912, p. 88):
9. ... l'église de Moissicourt dont le haut clocher à quatre cornes s'aperçoit de loin dans la plaine. Billy, Introïbo,1939, p. 6.
5. [En parlant d'un livre, d'un journal, d'une carte de visite, etc.] La corne d'un carton, d'une feuille de papier, d'un livre. Ce volume ancien darde de dessous l'oreiller sa corne amicale (Colette, Gigi,1944, p. 117):
10. Elle saisit à brassée tous les papiers et les jeta sous le canapé (...) une corne de lettre passait encore, comme le bout de l'oreille d'un petit chat blanc. A. France, Le Livre de mon ami,1885, p. 91.
Spéc. Pliure faite à l'un des coins (cf. corner1I A 1). Monsieur a l'habitude de faire des cornes comme cela aux beaux endroits (Mérimée, 2 hérit.,1853, p. 2).Les cartes de visite lui montraient leurs innombrables petites cornes (A. France, Révolte anges,1914, p. 338).
6. Divers domaines spéc.
a) ANAT. Parties d'organes, d'éléments osseux qui constituent des saillies, des prolongements (d'apr. Méd. Biol. t. 1 1970). Corne frontale, temporale du ventricule latéral du cerveau; corne supérieure du péricarde; corne sensitive, petite corne de l'os hyoïde.
Corne utérine. L'une des deux extrémités des cavités d'un utérus bicorne; l'une des deux extrémités du fond d'un utérus normal.
b) ARCHIT. Corne d'abaque. Angle saillant du tailloir des chapiteaux corinthiens. Corne de bélier. Volute ornementée à l'angle d'un chapiteau ionique composé. Corne de vache. Voussure en cône tronqué qui relie deux ouvertures de largeur différente; évidement que l'on pratique parfois sur les arêtes des voûtes.
c) BLAS. Toque ducale avec rang de perles surmontant les armes de doges de Venise (cf. Adeline, Lex. termes art, 1884).
d) MAR. Espar fixé par un croissant à l'arrière d'un mât, soulevé obliquement par une drisse, et qui sert à enverguer certaines voiles ou à accrocher un pavillon. Corne de brigantine, d'artimon. Un trois-mât, avec un pavillon noir à la corne (Cendrars, Homme foudr.,1945, p. 109).
C.− P. méton. Corne d'animal, considérée par rapport à son intérieur creux et à ses utilisations possibles.
1. [La corne sert de récipient]
a) Récipient en forme de corne. Cornes d'argent ciselées; boire du vin dans des cornes de bœuf. De petites cornes d'auroch où mousse la cervoise (Laforgue, Moral. légend.,1887, p. 63).De[s] cornes à boire en ivoire avec des anneaux d'argent (A. France, Balth.,1889, p. 220).
Arg. Estomac. Se rincer la corne.
b) MYTH. Corne d'abondance. Corne de la chèvre Amalthée, nourrice de Zeus (Jupiter), pleine de fruits, de fleurs, etc. symbole d'une prodigalité de biens et de richesses.
P. ext., B.-A. Motif graphique ou sculptural d'ornementation qui reproduit cette corne. Cornes d'abondance des chapiteaux corinthiens.
[P. anal. de forme] Cette corne d'abondance que dessine le littoral syrien (Morand, Route Indes,1936, p. 231).
[P. anal. de fonction] Les jeunes auteurs sur qui plane la corne d'abondance du cinéma (Fargue, Piéton Paris,1939, p. 93).
2. [La corne sert à produire des sons]
a) Instrument de signalisation servant à appeler. Corne d'appel; corne du berger; corne à bouquin (synon. cornet à bouquin); corne du raccommodeur de porcelaine; corne droite, cintrée. Corne de brume. Utilisée sur les bateaux. Tous les hommes poussent des hurlements, soufflent dans des cornes de bœufs (Lorrain, Heures Corse,1905, p. 104).La corne de bélier retentit (Tharaud, Royaume Dieu,1920, p. 192).
b) Vieilli. Avertisseur d'automobile, de bicyclette, etc., constitué à l'origine par un instrument en forme de corne prolongée par une poire en caoutchouc que l'on pressait pour obtenir un son. La corne des autobus. Un sifflet de chemin de fer, la corne du tramway passant sur le grondement continu de Paris (A. Daudet, Évangéliste,1883, p. 13).Il fallait répondre à l'appel du téléphone, au signal d'une corne d'automobile (Chardonne, Dest. sent. III,1936, p. 190).
c) MUS. Instrument à vent. Le kéren, ou corne, espèce de trompette recourbée, faite avec la corne de bélier (F. Clément, Hist. gén. mus. relig.,1860, p. 5).
Corne de chamois. Un des jeux de l'orgue.
II.− Au sing.
A.−
1. Substance, à base de kératine, dont est constituée la corne des animaux. Râpure, rognures, râclure de corne; viande dure comme de la corne. Moi qui suis blonde, mais d'un vilain blond, plus dur, couleur corne (H. Bazin, Lève-toi,1952, p. 84).
2. P. ext. Substance élastique et résistante, utilisée de diverses manières, après qu'on l'a débitée, teinte, etc. Mouler de la corne; lunettes à montures de corne; boutons en corne; peigne de corne. Le bois, l'os, la corne et l'ivoire pour la fabrication des dés à jouer (Faral, Vie temps St Louis,1942, p. 206).
Spéc., anciennement. Lame mince et translucide de cette substance, servant de vitre; châssis garni de corne. Vitres de corne. Une lanterne de corne qui faisait tout voir trouble et donnait plus de nuit que de jour (Hugo, Quatre-vingt-treize,1874, p. 230).
Expr. littér. La porte de corne et la porte d'ivoire. La faculté que nous avons de rêver pendant le sommeil. Le rêve est une seconde vie. Je n'ai pu percer sans frémir ces portes d'ivoire ou de corne qui nous séparent du « monde invisible » (Béguin, Âme romant.,1939, p. 225):
11. La porte d'ivoire, par laquelle, selon le poète, s'échappent les songes faux, est toujours plus agréable que la porte de corne qui seule donne passage à la vérité. Sainte-Beuve, Nouveaux lundis,t. 7, 1863-69, p. 80.
3. P. méton. Une corne. Un chausse-pieds, fait de corne ou, par extension, de matière plastique.
B.− Substance de même nature que celle des cornes d'animaux, qui se trouve en particulier sous les pieds des chevaux (cf. sabot). P. ext. Durcissement de l'épiderme plantaire. L'odeur de la corne brûlée chez un maréchal-ferrant; sabots à la corne usée. Les chevaux surpris hennissaient et frappaient le bois de leur corne sonore (Gautier, Rom. momie,1858, p. 207).Et ses pieds citadins chausseront ici leur semelle de corne naturelle, lentement épaissie sur le silex et les sillons tondus (Colette, Mais. Cl.,1922, p. 279).
MÉD. Corne cutanée. Tumeur épithéliale bénigne. Synon. papillome corné.
Rem. 1. Certains dict. attestent le dér. cornage, subst. masc. a) Zool., vx. Ensemble des cornes ou des bois d'un animal. Synon. bois, ramure. b) Féod. Droit perçu par le seigneur ou par l'abbé sur la vente des bêtes à cornes (cf. Fén. 1970). Attest. anc., dans ce sens : 1130 lat. médiév. domaine angl. cornagium « droit sur les bêtes à cornes » (ds Latham); 1248 id. domaine fr. (Testament de Humbert de Beaujeu ds Du Cange); 1249 cornage (Arch. Meurthe ds Gdf.) − 1555, ibid. 2. Lar. 19e-Lar. encyclop. et Quillet 1965 attestent l'adj. masc. corneux. [En parlant du cuir] Qui présente, par défaut de tannage, des parties sèches et dures comme de la corne (supra II).
Prononc. et Orth. : [kɔ ʀn]. Enq. : /koʀn/. Ds Ac. depuis 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1120 « excroissance dure et pointue qui pousse sur la tête de certains mammifères » (ici d'un animal fabuleux d'aspect analogue) (Ph. de Thaun, Bestiaire, éd. E. Walberg, 763); 2. id. p. anal., du capricorne, signe du zodiaque (Id., Comput, 1787 ds T.-L.); 1330-32 d'un limaçon (G. de Digulleville, Vie humaine, 755-56 ds T.-L.); 3. ca 1341 instrument de mus. (G. de Machaut, Remède de Fortune, éd. E. Hoepffner, 3982); 4. xves. plur. attribut des maris trompés (d'apr. FEW, t. 2, p. 1202 a); 5. 1559 corne d'abondance (Amyot, P. Aem., 55 ds Littré). B. 1. 1194-97 « chaque extrémité pointue d'une mitre » (Hélinant de Froidmont, Vers de la mort, éd. F. Wulff et E. Walberg, XIX, 11); 2. ca 1265 « chaque extrémité du croissant de la lune » (Brunet Latin, Trésor, éd. J. Carmody, I, 115, 29). C. Ca 1340 « substance dure constituée par ces cornes de mammifères » (Livre des métiers, dialogues fr. flam., E 4a ds T.-L.). Du lat. vulg. *corna, class. cornua, plur. de cornu (cor*), considéré comme fém. singulier. Fréq. abs. littér. : 1 743 (Cornebleu : 2. Corne-diable : 2. Corne-dieu : 2). Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 229, b) 2 802; xxes. : a) 2 014, b) 1 944. Bbg. Brücker (F.). Die Blasinstrumente in der altfranzösischen Literatur. Giessen, 1926, p. 5. − Gottsch. Redens. 1930, passim.Goug. Mots t. 2 1966, pp. 103-105. − La Landelle (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 30, 54. − Sain. Sources t. 3 1972 [1930], p. 167, 404. − Tracc. 1907, p. 130.

Wiktionnaire

Nom commun - français

corne \kɔʁn\ féminin

  1. (Zoologie) Excroissance dure qui pousse sur le front des ruminants, sur le nez du rhinocéros. Note : Pour les cervidés, on parle de bois sauf quand ils sont travaillés comme matière dans l’industrie.
    • Les grandes cornes qui surmontent la tète du bouc, et la longue barbe qui est suspendue à son menton, lui donnent un air bizarre et équivoque : […]. — (Georges-Louis Leclerc de Buffon, Œuvres complètes, tome 3, page 602, Furne & Cie - París, 1842)
    • Le vieux Melchior, […], le nez pincé dans ses grandes besicles de corne et les lèvres serrées, ne pouvait s’empêcher de déposer sur l’établi sa loupe et son poinçon […]. — (Erckmann-Chatrian, Histoire d’un conscrit de 1813, J. Hetzel, 1864)
    • Le boutonnier traditionnel presse la nacre ou la corne qu'il découpe et transforme en petits galets ronds ou en pions. Puis il les façonne au tour ou à la meule pour leur donner une forme arrondie, les perce et les polit avant de les teinter, de les décorer ou de les graver. — (Dictionnaire de l'artisanat et des métiers, Institut supérieur des Métiers, éditions Le Cherche-midi, 2012, page 54)
    • C'est ce qui a mis en grand honneur l'anis, le corail rouge, le bouillon de vipère dont parle Mme de Sévigné, l’orviétan, le bézoard, la thériaque, la corne de cerf ou l’œil d’écrevisse réduits en poudre, etc. — (Pierre Janet Les médications psychologiques, tome 1 : L'action morale, l'utilisation de l'automatisme, Paris : chez Alcan, 1919, L'Harmattan, 2007, page 18)
    • (Chasse) (Par métonymie) Tête du chevreuil.
    1. Cette excroissance attribuée à des êtres ou des animaux imaginaires, en particulier, que la mythologie donnait aux représentations des fleuves et aux satyres et les chrétiens au diable.
      • Les cornes du diable.
      • Qui n’a vu dessous leurs combats Le Pô mettre les cornes bas ? — (François de Malherbe, IV, 5)
    2. Cette excroissance métaphorique, symbole du cocuage et que l’on attribue à la personne trompée.
      • Des cornes te poussent. Ton mari, ta femme, te trompe, t’es infidèle.
      • La Valentine, elle ne le quitte pas des yeux… Je vous parie bien que, s’il reste ici, le père Georges se paie une seconde paire de cornes avec son propre frangin ! — (Jean Anouilh, Le Voyageur sans bagage, 1937)
      • — L’instituteur : Si cette longue-vue est si forte, il aura peut-être un grand plaisir de voir pousser ses courgettes ou ses tomates. — Amélie : S’il regarde dans son jardin, tout ce qu’il verra pousser, c’est une paire de cornes ! — (Manon des sources (1952), film de Marcel Pagnol, juste après la scène du « jeu du poil », lorsque deux femmes du village s’étonnent de l’irresponsabilité du prêt d’une longue-vue à Ange, juché en haut du clocher de l'église, pour surveiller les gendarmes partis à la poursuite de Manon des sources, au risque de surprendre inopinément sa femme, légère de la cuisse, dans ses ébats avec le réparateur de pylônes.)
      • Il ne lui manquait que des cornes. Mais j’espère pour l’honneur des femmes, qu’il avait dû en porter. — (Marcel Pagnol, Le château de ma mère, 1958, collection Le Livre de Poche, page 325)
  2. (Zoologie) Appendice assimilé, par sa forme ou sa fonction, à la corne des ruminants.
    1. Très longue dent du narval qui a longtemps été confondue avec la corne de la licorne.
      • Les mâles possèdent une unique corne torsadée, issue de l’incisive supérieure gauche, qui peut mesurer jusqu’à trois mètres de long.
    2. Pédicule qui supporte l’œil de l’escargot.
      • Les limaçons montrent leurs cornes.
    3. Petites touffes de plumes qui sont sur la tête du grand-duc.
    4. Éminence pointue que le céraste d’Égypte [serpent] porte au-dessus de chaque œil.
    5. Prolongement qui surmonte la tête ou le corselet de divers insectes.
      • Sc. Noir ; corcelet avec une corne horizontale, subulée ; tête avec une corne subulée, presque recourbée. — (« 64. Scarabé disparate », dans Entomologie, ou Histoire naturelle des insectes, par Guillaume-Antoine Olivier, Coléoptères, tome 1, Paris : Imprimerie de Beaudoin, 1789, p. 58)
  3. (Par métonymie) Objet fait avec une corne.
    1. (Musique) Instrument à vent, dont se servent les vachers et qui est ordinairement fait d’une corne.
      • Les Romains se formaient en bataille aux éclats de la corne et du lituus. — (François René Chateaubriand, Mart. 193.)
      • Dix ou vingt mille cornes, klaxons et trompes proclament éperdument la mobilisation du plaisir;... — (Ludovic Naudeau, La France se regarde : le Problème de la natalité, Librairie Hachette, Paris, 1931)
      • En arrivant à Normée le berger souffle dans sa corne pour annoncer son retour. Les chiens aboient. Par petits groupes, les bêtes, sans se tromper, rentrent dans leur cour respective, […]. — (Mariel J.- Brunhes Delamarre, Le berger dans la France des villages, Éditions du CNRS, 1970, page 164)
    2. (Par extension) Sous-famille des instruments à vent soit fait d’une corne, soit la rappelant par sa forme.
      • L'olifant est un instrument de musique de la famille des cornes.
    3. (Par extension) Instrument sonore de signalisation.
      • Puis l’heure sonne à Saint-Jacques, au Val-de-Grâce, les arbres dépouillés frissonnent au vent de nuit ; un sifflet de chemin de fer, la corne du tramway passent sur le grondement continu de Paris… — (Alphonse Daudet, L’Évangéliste, E. Dentu, Paris, 1883, page 9)
      • Un énorme porte-conteneur passe la pointe du Soldat, au bout de l’île du Frioul, et adresse deux coups de corne à la rade endormie. — (Xavier-Marie Bonnot, Les vagues reviennent toujours au rivage, Belfond, 2021, page 266)
    4. Chausse-pied fait de la moitié d’une corne coupée dans sa longueur.
      • Surtout ma fille, gardez-vous bien d’appeler le garçon ou votre mari et n’oubliez pas, en étendant le bras tout le long de la jambe du client, quand vous vous êtes accroupie ou agenouillée près de lui, pour aller placer votre corne derrière son talon, de rougir, c’est à cela que ces messieurs tiennent le plus, on ne sait pourquoi. — (Marcel Jouhandeau, Chaminadour, Gallimard, 1941 et 1953, Le Livre de Poche, page 32)
  4. (Par analogie) Chose qui par sa forme ou sa dureté rappelle une corne.
    • Les cornes d’un croissant.
    • Chapeau à cornes.
    • Des marins, des officiers en chapeaux à cornes, des armes, des bottes, des boissons. — (Amin Maalouf, Le rocher de Tanios, Grasset, 1993, Le Livre de Poche, page 255)
    1. Crête dont étaient surmontés les anciens bonnets carrés.
      • Bonnet à trois cornes, à quatre cornes.
    2. (Botanique) Appendices qui naissent sur la fructification de certains cryptogames. Éperons de certaines fleurs.
    3. (Anatomie) Nom de diverses parties plus ou moins saillantes à la surface des organes dont elles dépendent.
      • Les cornes de l’os hyoïde. Les cornes de l’utérus.
      • Les cornes du larynx.
    4. (Architecture) Angle saillant et recourbé comme une corne.
      • Les cornes d’un autel antique.
    5. (Géographie) Sommet anguleux d’une montagne, dit aussi aiguille et dent.
    6. (Topographie) Angle avancé d’un bois.
      • Le Toine ? un vieux garçon qui vivait à la corne du bois, au temps de leur jeunesse, dans une maison isolée, sans commerce avec personne. — (Marcel Jouhandeau, Chaminadour, Gallimard, 1941 et 1953, collection Le Livre de Poche, page 323)
      • Il n’avait pas connu les heures de garde pendant la Grande Guerre à la corne d’un bois, dans un dépôt de munitions avec des tirailleurs sénégalais qui ne badinaient pas avec la consigne. — (Édouard Bled, J’avais un an en 1900, Fayard, 1987, Le Livre de Poche, page 301)
    7. (Métiers) Éminence qui dépasse le rebord d’un réchaud.
    8. Raie blanche sur la tranche de cuir indiquant qu’il a été mal tanné.
    9. Nom de plusieurs outils de tonnelier et de charron.
    10. diacritique adscrit à une lettre.
    11. Coin, angle d’un feuillet, dans un livre, corné pour marquer l’endroit qu’on veut retrouver.
      • Faire une corne à un livre, à un feuillet, etc.,
      • On dit de même : Faire une corne à une carte, etc.
  5. (Au singulier) (Indénombrable) Substance (kératine) compacte, blanchâtre ou noirâtre, terne ou luisante, dure ou molle qui provient de la peau, des ongles, des sabots, etc.
    1. Partie dure qui est aux pieds du cheval, de l’âne, etc. (Par métonymie) Sabot.
      • Voyant son maître en joie, il [l'âne] s’en vient lourdement, Lève une corne tout usée, La lui porte au menton fort amoureusement. — (Jean de la Fontaine, Fab. IV, 5)
      • Ce cheval est difficile à ferrer, il a la corne ferme, dure, molle, sujette à s’éclater.
    2. (Médecine) Couche cornée ou stratum corneum, production qui s’observe chez l’homme, surtout chez les vieillards, à la face, aux mains et aux autres parties du corps habituellement découvertes.
      • J’ai de la corne aux pieds.
  6. (Par métonymie) Ouvrage fait dans cette substance.
    • Peigne de corne.
    • Tabatière de corne.
    • Avant de s’étendre sur le lit, le Bressan ne manquait jamais d’examiner quelque détail de la place de la Concorde en corne, chef-d’œuvre du père Busard, posée sur la table du fils. Elle avait été sculptée au tour et à la fraiseuse, d’après une carte postale. Tout y était, même les chaînes autour de l’obélisque, les voitures et les autobus dans le sens giratoire, les feux rouge, jaune et vert, qu’on pouvait allumer tour à tour, en appuyant sur un bouton, également en corne, et le sergent de ville de service au coin de la rue Royale. — (Roger Vailland, 325.000 francs, 1954, réédition Le Livre de Poche, page 146)
    1. (Cuisine) Ustensile culinaire souple, plat et réniforme, servant à racler le fond d’un cul-de-poule. Autrefois fait de corne de bœuf, il est de nos jours fabriqué en plastique.
  7. (Marine) Perche fixée à l’arrière d’un mât, maintenue par une drisse, et qui sert à fixer un pavillon ou une voile.
    • Ce bâtiment tant redouté déroula à sa corne le drapeau de l’indépendance mexicaine ! — (Jules Verne, Un drame au Mexique , 1876)
    • Le roi n’eût jamais souffert qu’un pavillon, autre que le sien, flottât à une corne d’artimon ou au sommet du grand mât ; […]. — (Étienne Dupont, Le vieux Saint-Malo : Les Corsaires chez eux, Édouard Champion, 1929, page 53)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

CORNE. n. f.
Excroissance pointue et dure qui surmonte la tête des ruminants et de quelques autres animaux. Corne de taureau, de vache, de bélier, de daim, de licorne, de narval, de rhinocéros, etc. Un taureau qui donne, qui frappe de la corne. Le bélier heurte de ses cornes. Prendre, saisir, attacher une bête par les cornes. On dit aussi Les cornes du diable. Il se dit, par extension, des Ouvrages faits en corne. Peigne de corne. Manche de corne. Il se dit spécialement d'un Instrument à vent, appelé aussi CORNET et ordinairement fait d'une corne. Il se dit aussi de la Moitié d'une corne coupée dans sa longueur et dont on se sert pour relever ou maintenir le quartier d'un soulier. Bêtes à cornes, se dit seulement des Bœufs des vaches et des chèvres, par opposition aux brebis et aux moutons. Un troupeau de bêtes à cornes. Fig. et fam., Attaquer le taureau, la bête par les cornes, prendre le bœuf par les cornes, Entamer une affaire par le côté le plus difficile. Fig. et fam., Montrer les cornes, Se mettre en état de se défendre. Fig. et fam., Il mangerait le diable et ses cornes, se dit d'un Grand mangeur. Fig. et fam., Porter les cornes, avoir des cornes, se dit d'un Mari trompé ou d'une Femme dont le mari est infidèle. Fam., Faire les cornes à quelqu'un, Faire par dérision avec deux doigts un signe qui représente des cornes. Il lui fit les cornes. Corne d'abondance. Voyez ABONDANCE. Corne de cerf, Le bois du cerf, lorsqu'il est employé dans l'industrie. Un couteau emmanché de corne de cerf. De la raclure de corne de cerf. De la gelée de corne de cerf. Corne-de-cerf, en termes de Botanique, est le Nom de diverses plantes, et particulièrement d'une Variété de Cochléaria, de la famille des Crucifères, dont les feuilles sont divisées à peu près comme le bois du cerf, et aussi d'une Espèce du genre Plantain. En termes de Conchyliologie, Cornes d'Ammon, Genre de coquilles fossiles qui ressemblent à des cornes de bélier et qu'on nomme plus ordinairement AMMONITES. En termes d'Anatomie, il se dit de Certaines parties du corps humain qui ressemblent à des cornes. Les cornes de la matrice, du larynx. Il désigne aussi la Partie dure qui est au pied du cheval, du mulet, de l'âne, etc. Dans ce sens, il ne se dit qu'au singulier. Ce cheval est difficile à ferrer, il a la corne ferme, dure, molle, sujette à s'éclater. Il se dit, par analogie, de Certaines pointes que les limaçons, quelques serpents et quelques insectes portent sur la tête. Les limaçons montrent leurs cornes, resserrent leurs cornes. Les cerfs-volants ont des cornes. Il se dit, par extension, des Pointes, des angles saillants que présentent certains objets. Les cornes d'un croissant. Chapeau à cornes. On appelait cornes les crêtes dont étaient surmontés les anciens bonnets carrés. Bonnet à trois cornes, à quatre cornes. Faire une corne à un livre, à un feuillet, etc., Plier le coin, l'angle d'un feuillet, dans un livre, pour marquer l'endroit qu'on veut retrouver. On dit de même Faire une corne à une carte, etc. En termes de Fortification, Ouvrage à cornes, Ouvrage avancé hors du corps de la place et qui consiste en une courtine et en deux demi-bastions. En termes de Marine, Corne d'artimon, Sorte de vergue qui embrasse l'arrière du mat d'artimon par une entaille en croissant faite à son gros bout et qui porte la voile d'artimon.

Littré (1872-1877)

CORNE (kor-n') s. f.
  • 1 Terme d'histoire naturelle. Nom d'éminences coniques et dures qui naissent sur le front des ruminants, sur le nez du rhinocéros. Les bêtes à cornes, les bœufs, les vaches, les chèvres, par opposition aux brebis et aux moutons. Un troupeau de bêtes à cornes. Son front large est orné de cornes menaçantes, Racine, Phèd. V, 6. Un lièvre, apercevant l'ombre de ses oreilles, Craignit que quelque inquisiteur N'allât interpréter à cornes leur longueur, Ne les soutînt en tout à des cornes pareilles, La Fontaine, Fabl. V, 4. On les fera passer [les oreilles du lièvre] pour cornes, Dit l'animal craintif, et cornes de licornes, La Fontaine, ib.

    Fig. Attaquer, prendre le taureau par les cornes, entamer une affaire par le côté le plus difficile, et aussi attaquer en face les difficultés.

    Montrer les cornes, se mettre en état de défense. M. de Fréjus commença, tout petit garçon qu'il était encore, à montrer les cornes au cardinal de Noailles, Saint-Simon, 450, 38.

    Lever les cornes, se mettre en état d'agir contre son supérieur.

    Terme de vétérinaire. Catarrhe des cornes, affection de la membrane muqueuse des sinus frontaux du bœuf, caractérisée par l'inflammation et une sécrétion abondante de mucosités.

    Fig. Les cornes lui en sont venues à la tête, il en a été tout surpris.

    Il est aussi étonné que si les cornes lui venaient à la tête, se dit pour exprimer l'étonnement d'un homme pour quelque nouvelle, quelque événement. Contez cela au coadjuteur pour lui faire venir des cornes à la tête, Sévigné, 161.

    Faire les cornes à quelqu'un, faire avec les doigts disposés de manière à représenter des cornes, un geste qui est un geste de raillerie et injurieux. On dit aussi dans le même sens : montrer les cornes.

    Mettre des cornes à un enfant qui ne sait pas ses leçons, qui fait mal ses devoirs, lui placer derrière les oreilles des feuillets de papier roulés en forme de cornes. Je n'ai dormi qu'un moment, Et voilà son rudiment, Le coquin m'en fait des cornes, Béranger, Me d'école.

    Fig. Porter des cornes, avoir des cornes, être trompé par sa femme, par allusion sans doute aux cornes, symbole de moquerie. Cocu de long et de travers, Sot au delà de toutes bornes, Comment te plains-tu de mes vers, Toi qui souffres si bien les cornes ? Malherbe, IV, 15. Je ne veux point porter des cornes, si je puis, Molière, Éc. des maris, I, 2. Voilà un hardi maraut de vouloir planter des cornes à Jupiter, Perrot D'Ablancourt, Lucien, t. I, dans RICHELET. Une femme qui ait déjà planté cornes au front de son mari, Voltaire, Phil. III, 329.

  • 2Attribut que la mythologie donnait aux représentations des fleuves et aux satyres. Qui n'a vu dessous leurs combats Le Pô mettre les cornes bas ? Malherbe, IV, 5.
  • 3Attribut que la légende chrétienne a donné aux diables. Le diable et ses cornes. Le Tasse, en donnant des cornes à Satan, l'a rendu presque ridicule, Chateaubriand, Génie, II, V, 9.

    Fig. Voilà qui fut fait, je lui trouvai des cornes [je le trouvai laid], Sévigné, 233.

    Il mangerait le diable et ses cornes, se dit l'un grand mangeur.

  • 4Corne de cerf, le bois du cerf lorsqu'il est employé dans les arts. Qui croirait avilir l'honneur de ses châteaux, Si de cinquante cerfs les cornes menaçantes N'ornaient pompeusement ses portes triomphantes ? Delille, Homme des champs, I.

    Terme de vénerie. Corne, la tête du chevreuil.

    Corne de narval ou de licorne de mer, dont conique, droite et longue de la mâchoire supérieure d'un cétacé.

    Terme de pathologie. Cornes cutanées, productions morbides qui s'observent chez l'homme, surtout chez les vieillards, à la face, aux mains et aux autres parties du corps habituellement découvertes.

  • 5Substance compacte, blanchâtre ou noirâtre, terne ou luisante, dure ou molle, qui revêt ordinairement des parties du corps de certains animaux.

    La partie dure qui est aux pieds du cheval, de l'âne, etc. Voyant son maître en joie, il [l'âne] s'en vient lourdement, Lève une corne tout usée, La lui porte au menton fort amoureusement, La Fontaine, Fab. IV, 5.

    Substance cornée. Tabatière, peigne de corne. L'autre [porte des enfers] est faite de corne, et du sein des lieux sombres Elle donne passage aux véritables ombres, Delille, Énéide, VI.

    C'est de la corne, se dit d'une viande qui est dure.

  • 6Nom de différents ustensiles.

    Corne d'amorce, corne de bœuf façonnée en étui et renfermant de la poudre.

    Terme de jeux. Tenir la corne, avoir les dés et jouer pour son compte. Corne est ici pour cornet.

    Terme de vétérinaire. Donner un coup de corne à un cheval, le saigner au palais avec une corne de cerf ou de chevreuil dont le bout est pointu et affilé.

    Il n'a pas besoin qu'on lui donne un coup de corne pour avoir de l'appétit, se dit d'un homme qui mange de grand appétit.

    Petite palette en corne, dite aussi chausse-pied, dont on se sert pour mettre ses souliers.

    Instrument à vent, dont se servent les vachers et qui est ordinairement fait d'une corne. Les Romains se formaient en bataille aux éclats de la corne et du lituus, Chateaubriand, Mart. 193.

  • 7Appendice assimilé à une corne.

    Petites touffes de plumes qui sont sur la tête du duc, sorte d'oiseau de nuit.

    Éminences pointues que le céraste d'Égypte [serpent] porte au-dessus de chaque œil.

    Prolongement qui surmonte la tête ou le corselet de divers insectes. Ce cerf-volant a de belles cornes.

    Pédicules qui supportent les yeux des limaçons. Les limaçons montrent leurs cornes. À peine étais-je assis sur une de ces bornes Que deux gros limaçons me présentent les cornes, Boursault, Merc. gal. III, 4.

    Terme de botanique. Appendices qui naissent sur la fructification de certains cryptogames. Éperons de certaines fleurs.

    Terme d'anatomie. Nom de diverses parties plus ou moins saillantes à la surface des organes dont elles dépendent. Les cornes de l'os hyoïde. Les cornes de l'utérus.

  • 8Terme du langage poétique. Corne d'abondance, corne de la chèvre Amalthée, nourrice de Jupiter, de laquelle il avait voulu, pour récompense, qu'il sortît sans cesse une abondance de toutes sortes de biens. Il le dépeignait tenant en main la corne d'abondance, Fénelon, Tél. XI. D'augustes déités Qui viennent sur les pas de la belle espérance Verser la corne d'or où fleurit l'abondance, Chénier, 36.

    Corne d'or ou d'abondance. On nommait ainsi autrefois le port de Constantinople, parce que le commerce y transportait tous les produits de l'univers.

  • 9Angle saillant et recourbé comme une corne. Les cornes d'un autel antique.

    Les cornes de la charrue, nom donné au manche de la charrue, parce qu'il présente en effet deux bâtons qui vont en s'écartant l'un de l'autre comme des cornes. Nouveau Cincinnatus, on l'a vu [M. Lullin de Châteauvieux] tenir alternativement les rênes du gouvernement et les cornes de la charrue, Bonnet, Usage des feuilles, 5e mém.

    Chapeau à trois cornes, chapeau dont le bord a été relevé en trois parties, de manière à présenter trois pointes ou cornes. Il n'est guère en usage que chez les ecclésiastiques. Dans le chapeau d'ordonnance qu'on nomme souvent à trois cornes par suite d'anciennes habitudes, une des cornes s'est aplatie et a disparu ; il n'en reste vraiment que deux. Le capuce et la toque à trois cornes Ont extorqué des hommages sans bornes, Voltaire, P. diable.

    Corne ducale, bonnet que portait le doge de Venise et qui avait une pointe arrondie sur le derrière.

    Faire une corne à un livre, y faire une marque en pliant le coin d'une page.

    Cornes du croissant de la lune, les parties du croissant qui sont tournées vers la région du ciel opposée au soleil. Voilà deux grandes cornes [le Péloponnèse et l'Égypte] arrachées au croissant des Turcs, Voltaire, Lett. à Cath. 45.

    Terme de marine. Corne d'artimon, vergue qui porte la voile du mât de ce nom.

    Terme de géographie. Sommet anguleux d'une montagne, dit aussi aiguille et dent.

  • 10 Terme de fortification. Ouvrage à cornes, pièce extérieure, dont la tête est fortifiée de deux demi-bastions, joints par une courtine, et fermés de deux côtés par deux ailes parallèles l'une à l'autre. Prendre les dehors du plus bel ouvrage à cornes, Sévigné, 301. C'est la prise d'un ouvrage à cornes, Sévigné, 472.
  • 11 Terme d'architecture. Corne d'abaque, encoignure du tailloir des chapiteaux corinthiens.

    Corne de bélier, ornement qui sert de volute au chapiteau ionique composé.

    Corne de vache, espèce de voûte, en cône tronqué.

    Maison corne en coin, maison mal orientée.

  • 12 Terme de botanique. Corne de cerf, nom vulgaire de la sénebière corne de cerf et du plantain.
  • 13Corne d'Ammon, genre de coquillage fossile, en forme de corne de bélier. Voy. AMMON.
  • 14 Terme de métiers. Éminence qui dépasse le rebord d'un réchaud.

    Nom de plusieurs outils de tonnelier et de charron.

    Raie blanche sur la tranche de cuir indiquant qu'il a été mal tanné.

PROVERBES

Il entend de corne, il a mangé de la vache, se dit de quelqu'un qui a mal entendu.

On prend les hommes par les paroles et les bêtes par les cornes.

HISTORIQUE

XIIe s. Je dis as mesfaisanz : ne voilez [veuillez] exalcer la corne, Liber psalm. p. 100. Si ad enpaint Reinalt qu'ariere rehusa [recula], E le corn del mantel hors des mains li sacha, Th. le mart. 148. Sedechias, li fiz Chanaa, se fist cornes de fer, si dist…, Rois, 335. E Sadoc prist une corne à ulie [huile] del tabernacle, e enuinst à rei Salomun, ib. 225.

XIIIe s. [La mitre] a deux cornes, dont l'une senefie confession et l'autre satisfacion, Chron. de Rains, p. 105. Jehan le Ermin, qui estoit artillier le roy, ala lors à Damas pour acheter cornes et glus pour faire arbalestres, Joinville, 258. Belin [le bélier] s'esmuet de grant ravine ; Quant vint au leu [loup], ses cornes cline, Ren. 6428. Et Turc aux ars de cor les vont bien destruisant, Chanson d'Antioche, t. I, p. 31.

XIVe s. Item un arc de cor d'arbaleste ou prix de vingt sols, De Laborde, Émaux, p. 223. Arbalestes de cor et d'if, De Laborde, ib.

XVe s. Les dames et damoiselles menoient grands et excessifs estats, et cornes merveilleuses hautes et larges, et avoient de chascun costé en lieu de bourleis deux grandes oreilles si larges que, quand elles vouloient passer l'huys d'une chambre, il falloit qu'elles se tournassent de costé et baissassent, ou elles n'eussent pu passer, Juvénal Des Ursins, Hist. de Charles VI, p. 336, dans LACURNE. Et eurent les Anglois sur corne [furent battus], Vigiles de Charles VII, t. II, p. 97, dans LACURNE. Pour bailler aux Anglois sur corne, ib. p. 57. Et elle, qui fut tant esbahie que se cornes lui fussent venues, de primesaut ne sut que repondre, Louis XI, Nouv. XXX.

XVIe s. Plusieurs garçons lui faisoient des cornes par derriere, en signe de moquerie, Marguerite de Navarre, Nouv. III. Afin que, quand vos maris vous donneront les cornes de chevreuil, vous leur en donniez de cerf, Marguerite de Navarre, ib. III. On veoit croistre la nuict des cornes à tel qui ne les avoit pas en se couchant, Montaigne, I, 92. S'humilier et baisser les cornes, Montaigne, II, 227. Des couppes d'argent, des tasses et gobelets faits en forme des cornes d'abondance, Amyot, P. Aem. 55. Suivoient six vingt bœufs gras et refaicts, ayans toutes les cornes dorées et les testes couronnées de festons, Amyot, ib. 56. Et la recueille lon ne plus ne moins qu'une rosée dedans la corne du pied d'un asne, pour ce qu'il n'y a autre sorte de vaisseau qui la puisse contenir, Amyot, Alex. 123. Le mareschal d'Aumont faisoit la corne [l'aile] gauche, aiant à chacun de ses estriers un regiment françois, D'Aubigné, Hist. III, 229. Il se sent tant mon obligé, que c'est pour l'amour de moy qu'il porte cette corne de cheveux, D'Aubigné, Conf. II, 1. Les elephans, estant irrités, chargent les hommes sur leurs cornes, et les jettent si haut, que…, Paré, Animaux, 13. La corne-de-cerf, le cerfeuil, le nazitor ou cresson alenois, et autres menues herbes, De Serres, 536. Nous fismes une autre grande attaque, en la quelle nous ecornasmes la moitié de la corne, Bassompierre, Mém. t. II, p. 234, dans LACURNE. Doncq quel proufit vient il à l'humain gendre [au genre humain] Dessus son chief les cornes d'orgueil prendre ? Les triomphes de Pétrarque, trad. par le baron D'OPEDE, f° 97, dans LACURNE. Bœufs portent cornes, et veaux cornettes, Des Accords, Bigarr. f° 48, dans LACURNE.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

CORNE. Ajoutez :
15Synonyme de croissant, petit pain ou gâteau ainsi nommé pour sa forme.
16Nom donné dans le Midi aux bras principaux de la vigne, sur lesquels naissent les sarments fructifères.
3La Corne (avec un grand C) se dit de certains caps. Constantin qui rendit si célèbre par tout l'univers le golfe de la Corne d'or, Journ. offic. 13 oct. 1874, p. 7001, 2e col.
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Étymologie de « corne »

Du moyen français, de l’ancien français, du latin populaire *corna, en latin classique cornua, pluriel de cornu, pris pour un féminin singulier. À rapprocher de l’hébreu biblique קרן, keren (« corne ») [1], de l'arabe qorn (قرن)[2].
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Bourguig. cone ; wallon, coine ; provenç. corn ; espagn. cuerno ; ital. corno ; du latin cornu ; grec, ϰέρας ; allem. Horn. On remarquera dans l'historique, arc de cor : c'est un arc fait de deux cornes reliées par le milieu avec du bois d'if ; que cor puisse provenir de cornu, c'est ce que prouvent les cors du cerf.

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Phonétique du mot « corne »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
corne kɔrn

Fréquence d'apparition du mot « corne » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « corne »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « corne »

  • Le Rêve est une seconde vie. Je n'ai pu percer sans frémir ces portes d'ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible.
    Gérard de Nerval — Aurélia
  • J'ai la peau de l'âme trop sensible. Il faudrait apprendre à son âme à marcher pieds nus. S'y faire une corne. Se répéter la sentence chinoise : Rétrécis ton cœur.
  • C’est une jolie allégorie que celle qui fait sortir les songes vrais par la porte de corne, et les songes faux, c’est-à-dire les illusions agréables, par la porte d’ivoire.
    Chamfort — Maximes et pensées
  • Le loup attaque de la dent, le taureau de la corne.
    Horace — Satires
  • Il faut prendre le taureau par les cornes.
    Proverbe français
  • Le Diable a deux cornes, l’orgueil et le mensonge.
    Lanza del Vasto
  • Le diable pourrait mourir que je n'hériterais pas de ses cornes.
    Proverbe français
  • Il a du foin aux cornes, fuyez, sauvez-vous.
    Horace en latin Quintus Horatius Flaccus — Satires, I, 4, 34
  • Un mariage est soit une corne d'abondance, soit une abondance de cornes.
    Frédéric Dard — Les Mots en épingle
  • Alors que les consommateurs sont en train de faire leurs courses pour les fêtes de Noël et du jour de l'An, la présidente de la Région est montée au créneau, une nouvelle fois, pour défendre la filière agroalimentaire d'Occitanie. " Nous sommes sur une terre de Cocagne, une corne d'abondance" et il y a donc tous les produits à proximité.
    Le Journal d'Ici — - "Nous sommes sur une terre de Cocagne, une corne d'abondance" | Le Journal d'Ici
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Traductions du mot « corne »

Langue Traduction
Anglais horn
Espagnol cuerno
Italien corno
Allemand horn
Chinois 喇叭
Arabe بوق
Portugais chifre
Russe рог
Japonais ホーン
Basque adarra
Corse cornu
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Synonymes de « corne »

Source : synonymes de corne sur lebonsynonyme.fr

Combien de points fait le mot corne au Scrabble ?

Nombre de points du mot corne au scrabble : 7 points

Corne

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