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Loin

Définitions de « loin »

Trésor de la Langue Française informatisé

LOIN, adv.

I.
A. − [Dans l'espace]
1. À une grande distance (relativement à un observateur ou à un point d'origine). Anton. près, proche.Tu viendras à la maison. Tu es du midi, bon, c'est pas si loin. Tu prends ton train et puis voilà Dijon, et c'est là (Giono, Gd troupeau,1931, p. 42).Devant la porte, nous en avons parlé avec Raymond, puis nous avons décidé de prendre l'autobus. La plage n'était pas très loin, mais nous irions plus vite ainsi (Camus, Étranger,1942, p. 1159).
Plus loin. À une certaine distance (de là). Allez jouer un peu plus loin, mes enfants. Je n'ai pas le temps de m'occuper de vous, en ce moment (Bourdet, Sexe faible,1931, III, p. 464).J'ai traversé de nouveau la place Saint-François. Plus loin, j'ai tourné à droite, et gagné la rive du Paillon (Romains, Hommes bonne vol.,1939, p. 44).
Il y a loin de... à... Il y a une grande distance de... à... Je compte sur votre visite dans mon domicile privé (...). Mais comme il y a loin de mon quartier au vôtre et que vous pourriez faire une course inutile, dès que vous serez à Paris, donnez-moi un rendez-vous (Flaub., Corresp.,1868, p. 356).
Proverbe. Loin des yeux loin du cœur. On oublie vite les absents. V. cœur III D 3 b.
2. En partic. [Dans un texte écrit ou oral] Plus loin. Plus avant, plus bas. Ces mêmes répétitions je les retrouve également dans Phèdre. Œnone, prends pitié de ma jalouse rage... Et quatre vers plus loin : Dans mes jaloux transports... (Gide, Journal,1939, p. 10).Vers la fin du mois cependant, et à peu près pendant la semaine de prières dont il sera question plus loin, des transformations plus graves modifièrent l'aspect de notre ville (Camus, Peste,1947, p. 1281).
B. − Au fig.
1. À un degré avancé, au-delà (d'une certaine limite). L'art de traduire est poussé plus loin en allemand que dans aucun autre dialecte européen (...). W. Schlegel a traduit les poëtes anglais, italiens et espagnols, avec une vérité de coloris dont il n'y avoit point d'exemple avant lui (Staël, Allemagne, t. 2, 1810, p. 103).Elle alla jusqu'à s'accuser d'avoir porté trop loin sa fierté de femme (Balzac, Méd. camp.,1833, p. 209):
1. Il est probablement impossible de mener plus loin que Mallarmé la volonté de transfiguration du réel, qu'avaient proclamée les romantiques allemands. Mais, à ce degré de pureté et à cette marge de l'absurde, le propos des romantiques n'est plus guère reconnaissable. Béguin, Âme romant.,1939, p. 383.
2. En partic.
a) Aller loin
α) [Le suj. désigne une pers.]
Aller loin, un peu loin, trop loin. Exagérer, dépasser la mesure, ce qui est convenable. René Lahrier (...) baisa et mordilla longuement l'un après l'autre les petits doigts (...). Cependant, un moment vint où il dut aller un peu plus loin, car la jeune femme, soudain, fut debout (Courteline, Ronds-de-cuir,1893, 4etabl., II, p. 144).Cette fois-ci vous êtes allé trop loin et vous serez puni de cette imposture (Camus, État de siège,1948, 1repart., p. 217):
2. Je disais (...) à un jeune écrivain qu'en littérature il fallait crever le plafond, autrement cela ne valait pas la peine de songer à écrire. Indispensable d'aller trop loin sans se demander, surtout, jusqu'où, selon le mot fameux, il convient d'aller trop loin. Trop de malins savent jusqu'où il faut aller trop loin. La vraie limite est bien au-delà. Green, Journal,1952, p. 169.
[Dans une phrase au fut.] Être promis à la réussite, au succès. Une petite qui a de la tête, qu'il dit paternel. Et il ajoute : − Jolie comme elle se présente elle ira loin. − En Argentine, dit Thérèse (Queneau, Loin Rueil,1944, p. 18).
Aller plus loin. Dépasser ce qui a été atteint. Il y a eu un temps où je croyais avoir atteint l'extrémité de la douleur. Eh bien! non, on peut encore aller plus loin. Au bout de cette contrée, c'est un bonheur stérile et magnifique (Camus, Caligula,1944, IV, 13, p. 105).
[Dans un raisonnement, dans la conversation] Continuer. Mais, avant d'aller plus loin, je crois bon d'ouvrir une parenthèse (Gide, Ainsi soit-il,1951, p. 1222).Aller jusqu'à dire que. Le déshonneur ne pourra prendre sur un nom tel que le vôtre. Vous serez une veuve et la veuve d'un fou, voilà tout. J'irai plus loin : mon crime n'ayant point l'argent pour moteur ne sera point déshonorant (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 472).
Ne pas aller plus loin. En rester à ce qui a été dit ou fait :
3. J'aurais pu aller plus avant avec André Gide, mais la politesse du cœur exigeait que je n'allasse pas plus loin. Je savais que ce plus loin ne pouvait être réciproque. Le voyage dans Gide m'était plus facile que ne lui eût été facile le voyage en moi. Mes préoccupations étaient si peu conformes aux siennes que nous abordions toujours des sujets de surface... Cocteau, Poés. crit. I,1959, p. 228.
Sans aller (chercher) plus loin. Sans se donner la peine de chercher davantage (d'apr. Rey-Chantr. Expr. 1979).
β) [Le suj. désigne une chose] Avoir une grande portée, de l'importance. Les choses allèrent si loin que l'agence Rensdoc (...) annonça (...) six mille deux cent trente et un rats collectés et brûlés dans la seule journée du 25 (Camus, Peste,1947, p. 1228):
4. Un très profond et très redoutable docteur Marcel Jouhandeau, a écrit : « Du moment qu'on a découvert et comme éveillé certains horizons de la chair et de l'esprit, ils ne vous permettent plus de les oublier (...). Vous portez avec vous (...) une expérience de replis cachés qui tour à tour s'éclaire, vous fascine, vous cerne ». Cela va loin... Mauriac, Journal 2,1937, p. 120.
Ne pas aller loin. Ne pas prendre, ne pas avoir beaucoup d'importance, être de peu de valeur. Agréable visite de Boylesve; je sens bien que la conversation n'ira pas très loin avec lui, mais j'ai chaque fois plus grand plaisir à le revoir (Gide, Journal,1910, p. 291).− Nous allons nous balader à bicyclette cet été. − Comme dépaysement, ça ne va pas loin! (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 173).
b)
α) Ailleurs.
[En pensée, moralement] Être loin. Être perdu dans ses pensées, ne pas prêter attention à la réalité présente. Synon. être absent :
5. Lulu Doumer regarde on ne sait où. Elle gratte un petit coin du cuir chevelu d'un index recourbé avec distinction. − Tu as des poux? lui demande Thérèse. Lulu Doumer ne répond pas : elle est très loin. Queneau, Loin Rueil,1944, p. 18.
En partic. Revenir de loin. Réchapper d'une grave maladie, d'un grave danger (d'apr. Rey-Chantr. Expr. 1979).
β) [Évoquant les conséquences de qqc.]
Mener* loin.
Voir (plus) loin. Prévoir les conséquences (d'une situation, d'un événement), faire preuve de prévoyance, de perspicacité. Le travailleur qui ne voit pas plus loin que la paye du samedi, l'état qui ne voit pas plus loin que l'équilibre momentané de son budget. L'un et l'autre, je le disais, cherchent à nous asservir par la loi (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 197):
6. Société des Nations. − Unique moyen, et moyen infaillible, de rendre désormais toute guerre impossible (...). Et il faut voir plus loin encore. Cette Société des Nations devrait être l'instigatrice d'une politique et d'une économie internationale... Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 925.
Loc. Ne pas voir plus loin que (le bout de) son nez. Ne pas être prévoyant, perspicace. Si je parle de divorce, c'est parce que vous ne voyez pas plus loin que le bout de votre nez. (...) menacez-les du divorce, cria-t-il avec impatience en croisant ses doigts jaunis par le tabac, et ils feront ce que vous voudrez (Drieu La Roch., Rêv. bourg.,1937, p. 152).
P. métaph. :
7. ... Kafka, dont le message se combinait de si heureuse façon avec celui des Américains, montrait quelles régions encore inexplorées pourraient s'ouvrir à l'écrivain, débarrassé enfin de cette triste myopie qui le forçait à examiner de tout près chaque objet et l'empêchait de voir plus loin que le bout de son nez. Sarraute, Ère soupçon,1956, p. 14.
γ) Proverbe. Qui veut voyager loin ménage sa monture (Rey-Chantr.Expr.1979).Pour mener à bien une entreprise, il ne faut pas gaspiller ses forces au départ.
c) Loc. Il (n') y a (pas) loin de... à ... Il (n') y a (pas) une grande différence de... à... Je sais, moi, qu'il y a encore très loin de ce que j'écris à ce que je rêve d'écrire (Green, Journal,1935, p. 48).Mais de là à leur demander conseil, il y a loin (Giraudoux, Folle,1944, II, p. 125).Il n'y a pas loin du contentement à la suffisance (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 49).
Proverbe. Il y a loin de la coupe* aux lèvres (v. ce mot A). Il y a une grande différence entre les projets ou les promesses, et les réalisations effectives :
8. ... on a retrouvé la liste des gratifications royales accordées aux artistes en cette année 1745. Un sieur Rousseau, musicien, y figure pour sept cent quatre-vingt-douze livres. M. Alexis François explique à ce propos qu'il peut y avoir loin de la coupe aux lèvres et d'une liste de gratifications à ceux qui effectivement les touchent... Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 218.
Rem. Loin s'en faut. ,,Cette locution hasardeuse, venue apparemment par contamination de loin de là et de tant s'en faut, n'est signalée par aucun dictionnaire`` (Grev. 1969, § 844, p. 831). ,,Damourette et Pichon (t. VI, p. 656) ont noté cet exemple : Sans être vulgaire (loin s'en faut, il avait une certaine allure) (P. V. Stock, dans le Mercure de France, 15 juin 1938, p. 554)`` (ibid., note 1). Liski, lui, n'était pas accablé. Loin s'en fallait. Ici, comme ailleurs, il restait (...) sûr de sa force (Le Breton, Razzia, 1954, p. 212).
C. − P. anal. [Dans le temps]
1. À une grande distance (du moment où l'on parle ou dont on parle).
a) [Dans le passé] Le plus loin dont je me souvienne, c'est qu'étant à Angers, ma mère nous mena, ma sœur et moi, à la promenade (Restif de La Bret., M. Nicolas,1796, p. 105).Repassant ensuite la grande fugue en si mineur pour orgue (de mémoire (...)) j'avais quelque mal à la bien jouer et il me semblait être revenu loin en arrière (Gide, Journal,1930, p. 987).Et il me revient un souvenir. Lorsque j'étais petit garçon... je remonte loin dans mon enfance. L'enfance, ce grand territoire d'où chacun est sorti! (Saint-Exup., Pilote guerre,1942, p. 311).
Dater de loin. Dater d'une époque éloignée :
9. Cette idée fixe datait de loin. Dès 1903, pendant mon année de service militaire, j'avais voulu donner à mes amis un premier exemple de cette « manière », en écrivant une longue nouvelle, Jean Flers, qui, déjà, était conçue en dialogues, accompagnés d'indications scéniques. Martin du G., Souv. autobiogr.,1955, p. lxi.
b) [Dans l'avenir] J'ai senti mon cœur battre d'espoir, de trop d'espoir, peut-être, en nous voyant réunis tous les trois, comme autrefois, à Paris; je me suis dit que le retour [à la vie normale] n'était peut-être pas loin (Green, Journal,1943, p. 18).L'extermination progressive mais générale des guerriers, et le retour (...) au règne des seuls hommes de connaissance (...). À partir de 1992. (...) 1992, c'est bien loin, dit Ricarda (Abellio, Pacifiques,1946, p. 209):
10. L'art est en train de ne pas échapper à l'expérience et à l'analyse exacte. Je le sens et j'en vois des indices. Le jour n'est pas loin où certaines recherches encore jeunes y arriveront. Valéry, Corresp. [avec Gide], 1902, p. 395.
2. Loc. verb. Il n'ira pas loin. Il va mourir bientôt; il n'en a plus pour longtemps. M'est avis qu'il n'ira pas loin maintenant... Non, il ne fera pas de vieux os (Dumas père, Le Comte de Monte-Cristo,1848, III, 6, p. 78).
II. − Dans les loc. adv.
A. − [Dans l'espace]
Au loin. À une grande distance, en un lieu éloigné. Des gens chantaient au loin dans les avenues du parc (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 432).
De loin. D'une distance assez grande, d'un endroit éloigné (relativement à un point déterminé). Un fils de (...) vingt-huit ans (...) et une fille (...) on les aperçoit souvent, de loin, cultivant leurs terres (Martin du G., Vieille Fr.,1933, p. 1080).J'ai peur de son visage quand elle m'apercevra. J'ai peur de l'aborder. Je la suis de loin avant de l'aborder (Montherl., Encore inst. bonh.,1934, p. 727).V. âcre ex. 9.
De loin en loin; de loin à loin (Ac.) vx. De place en place. De loin en loin, dans une ferme, un petit bois, derrière un rocher, les groupes de dynamiteurs attendent (Malraux, Espoir,1937, p. 627).Un carnet de cuir noir. Il le feuillette un instant : beaucoup de pages blanches et, de loin en loin, quelques lignes tracées à l'encre rouge (Sartre, Nausée,1938, p. 141):
11. La Place d'Armes, les boulevards, la promenade du Front-de-mer, de loin en loin, étaient souillés. Nettoyée à l'aube de ses bêtes mortes, la ville les retrouvait peu à peu, de plus en plus nombreuses, pendant la journée. Camus, Peste,1947, p. 1227.
B. − Au fig.
1. De loin
a) [Marque un écart important, une grande différence] De beaucoup. Elle le lui avait donné [le secret] comme elle se fût donnée elle-même, si l'enfant ne l'eût encore chez elle emporté de loin sur la femme (Bernanos, Mouchette,1937, p. 1292):
12. Tossa Del Mar (...) possède une jolie plage, (...) des maisons anciennes (...) mais toutes ces beautés n'égalent pas − de loin − celles des villages français moins célèbres à l'étranger, comme Collioure, qu'une couleur bien plus précieuse auréole. Lhote, Peint. d'abord,1942, p. 167.
b) Faiblement, médiocrement, vaguement. Ne s'intéresser que de loin à qqc, à qqn. (Rey-Chantr. Expr., 1979).
2. De près ou de loin. De quelque manière, plus ou moins. Toutes les nations au sein desquelles a pénétré soit directement soit médiatement la lumière du christianisme, et qui, de près ou de loin, ont subi son influence (Lamennais ds L'Avenir,1831, p. 316).Quel est le Russe à l'époque qui n'avait pas été mêlé de près ou de loin à la révolution de 1905-08 (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 67).
Ni de près ni de loin. En aucune manière. Va, ma fille, qu'un jeune homme te plaise, le premier venu, et je lui ouvre mes deux bras sans marchander (...) pour peu, bien entendu, qu'il n'appartienne ni de près ni de loin à la caste détestable des artistes (Feuillet, Scènes et com.,1854, pp. 82-83).
3. Voir venir (qqc.) de loin. S'attendre à quelque chose, ne pas (en) être surpris (d'apr. Rey-Chantr. Expr. 1979).
C. − P. anal. [Dans le temps] De loin en loin; de loin à loin (vx). De temps à autre, de temps en temps. Cependant la conversation est languissante entre Virginie et Auguste (...). Ils échangent seulement quelques mots de loin à loin (Kock, Pucelle,1834, p. 304).Je l'avais revu de loin en loin aux promenades ou dans les bals, et toujours nous causions ensemble avec assez de penchant et d'intérêt (Sainte-Beuve, Volupté, t. 2, 1834, p. 201).Il était devenu mon ami, un de ces amis qu'on rejoint de loin en loin, puis de plus en plus souvent, quand on a envie d'une soirée excitante (Abellio, Pacifiques,1946, p. 35).
III. − Dans des loc. prép.
A. − [Dans l'espace] Loin de. À une grande distance de. Ils habitaient alors bien loin d'ici, du côté de Berbloocke, à la lisière de ces marais si dangereux qu'on ne peut les passer de nuit que derrière un chien des Flandres (Bernanos, Mouchette,1937, p. 1278).Les blessés dont le bras était plâtré marchaient, leur bras saucissonné de linge tenu loin du corps par l'attelle, comme des violonistes, violon au cou (Malraux, Espoir,1937, p. 514).Que ferais-je sans vous à mes côtés, que deviendrais-je loin de vous? (Camus, Malentendu,1944, I, 8, p. 143).
Non loin de. Pendant deux heures j'avais l'illusion de n'être plus prisonnier. Je ne pouvais toutefois nourrir l'illusion de n'être plus militaire, car la salle était pleine d'uniformes. Un jour, j'eus la jouissance de déjeuner non loin d'un officier de la Wehrmacht (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 327).
B. − Au fig.
1.
a) Être loin de qqn ou qqc. [Désigne un éloignement moral, ou en pensée] Son tranquille et joli visage enveloppé de dentelles exprimait une suavité qui m'enflamma. Présumant trop de moi-même, je n'avais pas compris mon supplice; être si près et si loin d'elle! (Balzac, Peau chagr.,1831, p. 162).Comme tu es loin de moi, tout à coup..., comme tout est changé! Il y avait autour de moi quelque chose de vivant et de chaud. Quelque chose qui vient de mourir (Sartre, Mouches,1943, II, 1ertabl., 4, p. 63).
b) Être loin de compte*, loin du compte*.
c) Pas loin de. À peu près, presque. Il a pas loin de quinze ans, le bébé, inspecteur. J'ai l'impression que vous n'êtes pas aussi au courant que vous le prétendez. − Possible, possible, il y a des bébés de tous les âges (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 436).
2. [Adversatif; avec une valeur de négation emphatique]
Loin de + compl. désignant une pers. + l'idée de, l'intention de + inf. [Indique que l'on se défend d'avoir telle ou telle idée, telle ou telle intention] Loin de moi l'idée de blâmer mon illustre et malheureux ami; mais la sincérité dont je fais profession me force à dire qu'il employait une heure le matin et une heure le soir à se peigner, se brosser, se parfumer, se frotter d'une infinité de pâtes (Taine, Notes Paris,1867, p. 336).
[P. ell. du subst. idée, intention] Loin de moi de vous en faire le reproche (Colin1971).Loin de moi l'idée de prétendre que vous ne pouvez pas être conquérants, agités, transportés d'activités intermittentes. Loin de moi de vous empêcher de le faire ou de vous y pousser (Gobineau, Corresp. [avec Tocqueville], 1856, p. 259).
(Bien) loin de là. (Bien) au contraire, tant s'en faut. Ah! Non, ce n'est pas le vice, alors ça, loin de là (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 229).Comprenez donc que ce n'est pas vous qui m'êtes odieux, monsieur Fanning, bien loin de là. Vous m'inspirez au contraire une sympathie dont vous ne soupçonnez pas la force (Mauriac, Asmodée,1938, III, 6, p. 114).
Être loin de + inf. [Exprime le contraire de ce qu'on pouvait croire, attendre] Les chiffres pour Les Rayons et les Ombres et N.-D. de Paris sont loin d'être exacts (Hugo, Corresp.,1865, p. 505).Il boit, mais il était fait pour l'opium : on se trompe aussi de vice; beaucoup d'hommes ne rencontrent pas celui qui les sauverait. Dommage, car il est loin d'être sans valeur (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 210).
(Bien) loin de + inf. Au lieu de. Le directeur signait des pièces administratives. Loin d'expédier en hâte cette besogne, il y apportait grand soin, écrivait son nom avec une lenteur laborieuse (Duhamel, Combat ombres,1939, p. 88).De pauvres gens qui, bien loin de songer à défier personne, se faisaient tout petits, afin de passer inaperçus le plus longtemps possible (Bernanos, Dialog. Carm.,1948, 4etabl., 7, p. 1659).
C. − P. anal. [Dans le temps]
Plus loin (vieilli). Plus tard. Tout indique l'approche d'une grande capitale : une heure plus loin, nous apercevons, au sommet d'une éminence, une petite mosquée isolée (Lamart., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 207).
Loin de. À une grande distance de. Cet embryon, si loin encore de la vie, et qui aura toute sa vie inconnue à vivre! (Martin du G., Thib., Épil., 1940, p. 928).
Ne pas, ne plus être loin de. Être bientôt, presqu'à. Monsieur le curé devrait d'abord aller s'étendre un peu avant le jour. On ne doit plus être loin de cinq heures (Bernanos, Crime,1935, p. 738).
IV. − Dans des loc. conj.
A. − [Dans l'espace]
Au plus loin que + subj.À la plus grande distance possible que (d'apr. Ac. 1835-1935). Au plus loin que ma vue puisse s'étendre, je n'aperçois rien (d'apr. Ac. 1835-1935).
Aussi loin que, si loin que + ind.À une aussi grande distance que. Aussi loin qu'on pouvait voir par cette fenêtre, la grande surface était lisse comme une nappe fraîchement repassée, aucun pas d'homme ni de bête, ne l'avait tachée (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 12).
+ subj. [Avec une nuance concessive]La grève générale commençait. Ce n'était plus la grève de Hong-Kong, déclenchée lentement, épique et morne : c'était une manœuvre d'armée. Aussi loin qu'il pût voir, plus un magasin n'était ouvert (Malraux, Cond. hum.,1933, p. 243):
13. ... le Matterhorn s'éclairait peu à peu sur les abîmes bleus du ciel, plus insondables que les plus profonds abîmes de la terre, et dont le croassement des corbeaux, si loin qu'il se perdît, ne donnait pas la vertigineuse hauteur... Peyré, Matterhorn,1939, p. 257.
D'aussi loin que, de si loin que + ind. D'une aussi grande distance que. En campagne, des affamés traînaient dans les chemins pleins d'eau du dégel (...). Et de si loin qu'ils apercevaient une fumée, ils descendaient vers elle (Pourrat, Gaspard,1930, p. 58):
14. Le gardien [du cimetière] saluait Xavier, d'aussi loin qu'il l'apercevait. Tout ce qu'il pouvait pour ses morts, Xavier l'accomplissait, en leur assurant, par de continuels pourboires, la faveur de cet homme. Mauriac, Myst. Frontenac,1933, p. 26.
Du plus loin que + ind. De la plus grande distance que. Ce sont mes sœurs, cria-t-elle du plus loin qu'elle m'aperçut, qui n'ont pas voulu partir sans te remercier de tes munificences (Nodier, Fée Miettes,1831, p. 169):
15. ... nous le reconnaissions bientôt, dans la foule des voyageurs qui sortaient du funiculaire, à sa haute taille, à sa démarche de maître de menuet. Du plus loin qu'il nous voyait, il se « plaçait », pour obéir aux injonctions d'un photographe invisible... Sartre, Mots,1964, p. 16.
B. − Au fig.
1. [Avec une nuance concessive] Si loin que :
16. Si loin qu'on puisse se tenir de tout préjugé, moral ou social, on les subit en partie et même, pour les meilleurs d'entre eux (il y a de bons et de mauvais préjugés), on leur conforme sa vie. Camus, Sisyphe,1942, p. 81.
2. [Adversatif] Bien loin que + subj.Synon. au lieu que.Quand Agnès embrassait Geneviève (...) bien loin que ce fût chez lui une jalousie, cela éveillait en lui pour sa petite sœur une curiosité tendre (Drieu La Roch.,Rêv. bourg.,1937,p. 191)V. enjoindre B 1 ex. de Mauriac.
Loin que + subj., littér.Loin que la condition des peuples fût rendue plus heureuse, elle devint de jour en jour plus fâcheuse et plus misérable (Volney, Ruines,1791, p. 69).Et, finalement, loin que mon corps ne soit pour moi qu'un fragment de l'espace, il n'y aurait pas pour moi d'espace si je n'avais pas de corps (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception,1945, p. 119):
17. ... loin que les manières anglaises parussent disgracieuses même en France, les Français tant imités imitoient à leur tour, et l'Angleterre a été pendant long-temps aussi à la mode à Paris que Paris partout ailleurs. Staël, Allemagne, t. 1, 1810, p. 145.
C. − P. anal. [Dans le temps]
1. Du plus loin que + subj.De la date la plus reculée que. Du plus loin que je me souvienne, qu'il me souvienne, la chose était ainsi (Ac.1835, 1878).Du plus loin qu'il m'en souvienne (Ac.1935).
Fam. C'est du plus loin qu'il me souvienne (Ac. 1835-1935). ,,Se dit d'une chose dont le souvenir est presque effacé`` (Ac. 1835, 1878).
2. Aussi loin que + subj.Aussi loin que je sache remonter dans le passé de mes ascendants, je ne vois que protestants rigides et contraints (Martin du G., Notes Gide,1951, p. 1373).Aussi loin que je me souvienne, j'étais fière d'être l'aînée : la première (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 9).
Rem. On relève un emploi littér., au sens de « lointain ». a) Subst. masc. Deux bras de paille, Un dos de foin, Blessés, troués, disjoints, Ils s'en venaient des loins, Comme d'une bataille (Verhaeren, Camp. halluc., 1893, p. 30). J'entendais dans le loin du ciel le battement d'aile d'un faucon (Giono, Eau vive, 1943, p. 65). Conserver nos libres distances Si le loin s'approche trop près Et notre allure de stance La faire boiter exprès (Cocteau, Clair-obscur, 1954, p. 35). b) Adj. Un voyage loin (Dupré 1972). On avait fait venir des plantes rouges des pays loin, aux fruits très dangereux (Jammes, De l'angélus, 1898, p. 66). Une beauté sans nom emplit l'azur, du faîte des pignons enfumés au plus loin horizon (Id., Clairières, 1906, p. 29). Cet emploi est jugé ,,inacceptable`` par Dupré 1972.
Prononc. et Orth. : [lwε ̃]. Att. ds. Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. A. Dans l'espace 1. Ca 1050 dans le syntagme an luinz « au loin, dans le lointain » (St Alexis, éd. Chr. Storey, 473 : E tantes feiz pur tei an luinz [ai] guardét); ca 1100 (Roland, éd. J. Bédier, 1897 : Li quens Rollant ne li est guaires loign; 1992 : Ne loinz ne près); ca 1274 loing veöir (Adenet Le Roi, Berte, éd. A. Henry, 759); 1530 il y a loyng d'ici a (Palsgr., p. 825 a : aussi loyng qu'il y a dicy a Romme); 2. 1538 fig. sans aller plus loing « sans se donner la peine de chercher davantage » (Est., s.v. longe); 1640 voir de loin « prévoir longtemps à l'avance les événements » (Oudin, Curiositez, s.v. voir). B. Dans le temps 1. fin xiies. « pendant longtemps » (Homélies de St Grégoire sur Ezéchiel, 111, 26 ds T.-L.); 2. ca 1225 « d'il y a longtemps, qui s'est passé à une époque éloignée » (Perlesvaus, 9565, ibid.). II. loin de A. Dans l'espace 1. ca 1100 (Roland, 250 : Vos n'irez pas uan de mei si luign); ca 1165 (Benoît de Ste-Maure, Troie, 4614 ds T.-L. : De Troie esteit set liues loinz); 2. a) 1530 fig. loyn de + inf., « qui n'est pas près de » (Palsgr., p. 861 b : bien loin de mettre fin à la besoigne; v. aussi FEW t. 5, p. 405 b, note 4); b) 1640 loin de + inf., adversatif « au lieu de » (Corneille, Horace, II,1). B. Dans le temps 1530 (Palsgr., p. 861 b : pas loyng du commencement). III. de loin A. Dans l'espace 1. a) 1119 de luinz « à distance, éloigné » (Philippe de Thaon, Comput, 2563 ds T.-L.); b) ca 1160 (Eneas, 643, ibid. : Eneas de bien loin les vit, Contr'els ala); 2. fig. a) ca 1175 dans l'expression d'une compar. « de beaucoup » (Horn, 2308 ibid.); b) ca 1245 (Philippe Mousket, Chron., 25379, ibid. : S'iert parens le roi d'auques loing); c) 1672 revenir de loin (Sévigné, Lettres, éd. Gérard-Gailly, t. 1, p. 469). B. Dans le temps ca 1165 (Benoît de Ste-Maure, op. cit., 25984 ds T.-L.). IV. (de) loin a loin, de loin en loin 1. 1119 Dans l'espace luinz a luinz « (de deux éléments) à une certaine distance l'un de l'autre » (Philippe de Thaon, op. cit., 2535 ds T.-L.); ca 1180 de luin a luin (Thomas, Tristan, 1211, ibid.); 2. 1620 Dans le temps de loin à loin (D'Aubigné, Hist. univ., xi, 17 ds Hug.); 1762, 18 sept. de loin en loin (D'Alembert, Lett. à Voltaire ds Littré). V. de si loin, d'aussi loin que 1. Dans l'espace ca 1170 de si loing com (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 361); 1669 d'aussi loin qu'il me vit (Racine, Britannicus, I, 1); 2. Dans le temps 1607 (Hulsius d'apr. FEW t. 5, p. 402 b). VI. au loin 1. Dans le temps ca 1165 « à la longue, avec le temps » (Benoît de Ste-Maure, op. cit., 17680 ds T.-L.), en a. fr. seulement; 2. Dans l'espace ca 1170 (Béroul, Tristan, éd. E. Muret, 4371). VII. loin que + subj., adversatif « au lieu de » 1666 (Molière, Misanthrope, V, 1). Du lat. longe « loin, au loin; longuement » au propre et au fig.; avec un verbe marquant la différence « de beaucoup, de loin ». Fréq. abs. littér. : 28 465. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 38 292, b) 39 621; xxes. : a) 41 135, b) 42 415. Bbg. Gohin 1903, p. 337.

Wiktionnaire

Nom commun - français

loin \lwɛ̃\ masculin singulier

  1. Ce qui est distant.
    • Au loin.

Adverbe - français

loin \lwɛ̃\ invariable, adverbe de lieu ou adverbe de temps

  1. Se trouvant à une grande distance.
    • Ces maisons sont loin d’ici.
    • Nous sommes parents, mais de loin, nous sommes parents à un degré éloigné.
    • Ne connaître quelqu’un ni de près ni de loin, ne pas le connaître du tout.
    • Revenir de loin, réchapper d’une maladie très grave ou de quelque grand danger.
    • Voir venir quelqu’un de loin, voir où il en veut venir, quelle est son intention, malgré les détours qu’il prend, soit dans ses discours, soit dans ses démarches.
    • (Désuet) A beau mentir qui vient de loin, celui qui revient d’un pays fort éloigné peut raconter tout ce qu’il veut, sans craindre qu’on le démente.
  2. Se situant à une période très antérieure ou très postérieure à l’instant présent.
    • L’été est loin.
    • Cet homme a beaucoup d’expérience et de pénétration, il voit loin dans l’avenir.
  3. (Figuré) Avec excès.
    • Porter loin, pousser loin sa haine, son ressentiment, son animosité, sa vengeance, ses prétentions, etc.
  4. (Figuré) Profondément.
    • Aristote a été loin dans la connaissance des choses naturelles.
  5. (Figuré) Haut.
    • Aller loin, s’élever à de hauts emplois, être favorisé par la fortune.
    • Ce jeune homme est exceptionnellement doué, il ira loin.
    • Son talent, son application au travail le mèneront loin.
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

LOIN. adv. de lieu
. À une grande distance dans l'espace. Bien loin. Fort loin. Si loin. Demeurer, aller loin. Sa vue porte loin, très loin. Pousser loin ses conquêtes, ses victoires. Substantivement, Il y a loin de Paris à Marseille. Fig., Porter loin, pousser loin sa haine, son ressentiment, son animosité, sa vengeance, ses prétentions, etc. Ce principe s'étend plus loin qu'on ne le croirait au premier coup d'œil. Cet homme a beaucoup d'expérience et de pénétration, il voit loin dans l'avenir. Aristote a été loin dans la connaissance des choses naturelles. Si on se risque à aborder cette question, on ira loin, trop loin. Arrêtez-vous à cette idée, n'allez pas plus loin. Cette affaire ira plus loin qu'on ne pense. Pourquoi rejeter, renvoyer si loin ce que je vous propose? Mener, pousser une affaire loin. Aller loin signifie aussi Être favorisé par la fortune, s'élever à de hauts emplois. Ce jeune homme est exceptionnellement doué, il ira loin. On dit de même Son talent, son application au travail le mèneront loin. Mener loin signifie aussi Exposer à de graves et fâcheuses conséquences. L'attitude qu'il a cru devoir prendre peut le mener loin. L'affaire risque de nous mener loin. Fig. et fam., Ne pas voir plus loin que son nez, que le bout de son nez. Voyez BOUT. Fig. et fam., Il ne le portera pas loin, se dit d'un Homme par qui on a été offensé et signifie qu'on se vengera de lui avant peu. Renvoyer bien loin quelqu'un, quelque chose, Repousser fortement, vivement des propositions, des ouvertures. Dès les premiers mots que je voulus lui dire, il me renvoya bien loin.

DE LOIN, loc. adv. D'une grande distance. Venir de loin. Voir de loin. Parler de loin. Voir de loin signifie aussi figurément Avoir beaucoup de prévoyance, pressentir longtemps d'avance ce qui doit arriver. Prov., À beau mentir qui vient de loin, Celui qui revient d'un pays fort éloigné peut raconter tout ce qu'il veut, sans craindre qu'on le démente. Fig. et fam., Voir venir quelqu'un de loin, Voir où il en veut venir, quelle est son intention, malgré les détours qu'il prend, soit dans ses discours, soit dans ses démarches. Fig. et fam., Revenir de loin, de bien loin, Réchapper d'une maladie très grave ou de quelque grand danger. Il se dit de même d'un Grand changement d'idées, de sentiments, de conduite. Il se prend toujours en bonne part. Fig. et fam., Ne connaître quelqu'un ni de près ni de loin, Ne pas le connaître du tout. Fig., Nous sommes parents, mais de loin, Nous sommes parents à un degré éloigné.

DU PLUS LOIN, D'AUSSI LOIN QUE, loc. conj. De la plus grande distance possible. Du plus loin, d'aussi loin que je l'ai aperçu, j'ai couru au-devant de lui.

AU LOIN, loc. adv. À une grande distance Voir au loin Voyager, chasser au loin. Il s'en est allé au loin chercher aventure.

AU PLUS LOIN, loc. adv. À la plus grande distance possible. Au plus loin que ma vue puisse s'étendre, je n'aperçois rien.

LOIN À LOIN, DE LOIN À LOIN, et, ordinairement,

DE LOIN EN LOIN, loc. adv. de lieu. À de grandes distances, à de longs intervalles. Planter des arbres loin à loin, de loin en loin. Les maisons, les hameaux sont semés dans la plaine de loin en loin.

LOIN DE, loc. prép. Loin d'ici. Loin du lieu où vous êtes. Loin de la ville. Non loin de là. Nous habitons loin l'un de l'autre. Fig., Il est encore loin de la perfection. Loin de moi une semblable pensée! Voilà qui est bien loin de ma pensée. Ils sont encore tous deux loin de compte, bien loin de compte, se dit de Deux personnes qui ont une convention, un marché à faire, et qui ne peuvent tomber d'accord. Fig., Nous sommes loin de compte ensemble signifie aussi Nous sommes loin de nous entendre, d'être du même avis. Prov., Loin des yeux, loin du cœur. Voyez CŒUR. Être loin, bien loin de faire une chose, Être dans des dispositions toutes contraires à celles qui pourraient porter à faire une chose. Je suis loin, bien loin de m'enorgueillir d'un si faible succès.

LOIN DE, BIEN LOIN DE, et plus rarement,

LOIN QUE, BIEN LOIN QUE, loc. prép. ou conj. Au lieu de, tant s'en faut que. Loin de me remercier, il m'a dit des injures. Bien loin qu'il se repente, bien loin de se repentir, il s'obstine dans sa rebellion. Fig.,

LOIN DE LÀ, loc. adv. Au contraire. On vous dit de cesser vos démarches; loin de là, redoublez-les.

LOIN est aussi adverbe de temps et signifie À une grande distance dans la durée. Vous parlez de me payer dans deux ans, c'est me remettre bien loin. Ce jour est encore loin. Ce malade n'ira pas loin, Il mourra bientôt. Avec la dépense qu'il fait, cet homme n'ira pas loin, Il sera bientôt ruiné. Substantivement, Vous me parlez du temps de notre première enfance, c'est parler de loin, c'est se souvenir de loin.

DE LOIN, loc. adv. Prévoir de loin.

DU PLUS LOIN QUE, loc. conj. Du plus loin qu'il me souvienne, qu'il m'en souvienne, la chose était ainsi. Fam., C'est du plus loin qu'il me souvienne, se dit d'une Chose qui date des premiers temps dont on se souvient.

DE LOIN EN LOIN, loc. adv. Il ne vient plus me voir que de loin en loin. De tels événements n'arrivent que de loin en loin.

LOIN DE, loc. prép. Nous sommes encore loin de Pâques.

Littré (1872-1877)

LOIN (loin ; l'n ne se lie pas ; la nuit est loin encore ; cependant quelques-uns disent loin-n'encore ; au XVIIe siècle, Dangeau, Gramm. p. 10, dit que c'était une prononciation normande) adv.
  • 1À une grande distance dans l'espace. Pourquoi tenter si loin des courses inutiles ? Racine, Mithr. III, 1. Ceux qui ont le temps d'aller vivre tous les jours très loin de chez eux et qui n'ont pas le temps pendant six mois d'écrire une seule lettre à leurs amis, Voltaire, Lett. Damilaville, 30 mars 1764. Je m'en irai si loin que je n'entendrai parler ni d'eux ni de vous, Diderot, Père de famille, V, 9.

    À une lieue loin, à cent lieues loin, à la distance d'une lieue, de cent lieues. C'est une belle conversation que celle que l'on fait de deux cents lieues loin, Sévigné, 1er janv. 1676. J'admire, ma fille, que deux cents lieues loin c'est vous qui me gouvernez, Sévigné, 2 août 1689. On fait toujours mal ses affaires de cent trente lieues loin, Voltaire, Lett. d'Alembert, 1er fév. 1773.

    Fig. Elle [la Champmeslé] surpasse la Desoillets [autre actrice] de cent lieues loin ; et moi, qu'on croit assez bonne pour le théâtre, je ne suis pas digne d'allumer les chandelles quand elle paraît, Sévigné, 15 janv. 1672.

    Il est bien loin s'il court toujours, se dit de quelqu'un qui vient de s'en aller et qu'on demande.

    Familièrement. Il ne voit pas plus loin que le bout de son nez, il a la vue courte ; et fig. il n'a pas de pénétration, de prévoyance.

    Voir loin, avoir la vue longue.

    Fig. Voir loin, percer l'avenir, pénétrer les mystères. J'ai d'autres yeux, Absyrte, et vois un peu plus loin, Corneille, Tois. d'or, I, 2. Mais regardez plus loin : songez en ce malheur Quelle gloire va suivre un moment de douleur, Racine, Bérén. IV, 6. Mais moi qui vois plus loin, qui par un long usage Des maximes du trône ai fait l'apprentissage, Racine, Baj. IV, 7.

    Fig. Aller loin, faire fortune, s'élever à de hauts emplois. Ce garçon-là ira loin, Courier, Lett. I, 136.

    On dit de même : Cet emploi peut le mener loin. Sa valeur doit le mener loin, Lamotte, Calendr. des vieill. sc. 10.

    Dans un sens analogue. Il aspirait plus loin [il avait de plus grands desseins] qu'à la main de Junie, Racine, Brit V, 6.

    Fig. Aller loin, faire des progrès. Nous allons plus loin que les autres peuples en plus d'un genre ; et c'est peut-être parce que nous sommes venus les derniers, Voltaire, Mœurs, 6.

    Aller loin, pénétrer avant, faire effet. Le hasard va plus loin souvent que la prudence, Voltaire, Mérope, IV, 1.

    Aller loin, être poussé à un plus grand effet. Amant avec transport, mais jaloux sans retour, Sa haine va toujours plus loin que son amour, Racine, Mithr. I, 5.

    Aller plus loin, se porter à un plus grand excès. Les sociniens ont été plus loin que les luthériens, Bossuet, Reine d'Anglet.

    Aller plus loin, faire plus de progrès. Comme les vieux philosophes grecs qui voyaient avec plaisir s'élever des jeunes gens qui devaient aller plus loin qu'eux, Voltaire, Lett. de la Touraille, 12 mai 1766.

    Aller trop loin, exagérer. Si on ajoute que la fortune y est indifférente, c'est aller trop loin, Vauvenargues, Du bonh.

    Aller trop loin, se dit aussi d'actions, de paroles qui dépassent la mesure.

    N'allez pas plus loin, formule de politesse qui se dit pour empêcher quelqu'un de nous reconduire plus qu'il n'a déjà fait. Laissez, ma bru, laissez ; ne venez pas plus loin ; Ce sont toutes façons dont je n'ai pas besoin, Molière, Tart. I, 1.

    Fig. N'aller pas plus loin, s'en tenir à ce qui a été dit ou fait. Je reconnais ce soin, Et ne souhaite pas que vous alliez plus loin, Racine, Brit. IV, 4.

    Fig. Mener loin, précipiter dans des affaires fâcheuses. On peut vous mener loin avec de pareils gages, Molière, Tart. V, 1.

    Fig. Pousser loin, entraîner à des actions qui causent plus tard des regrets. Le regret d'avoir été poussé si loin par ses malheurs, Bossuet, Louis de Bourbon.

    Il ne le portera pas loin, c'est-à-dire il sera bientôt puni, ou bien, s'il s'agit d'une offense, vengeance ne tardera pas à en être prise.

    Fig. Renvoyer bien loin quelqu'un, quelque chose, repousser fortement, vivement des propositions, des ouvertures. Je vous mandais que… mais vous me renvoyâtes bien loin, et vous me dites que c'était lui souhaiter le pis qui pût lui arriver, Sévigné, 30 oct. 1689.

    Fig. Ce principe s'étend plus loin qu'il ne le semble. Je ne vais guère loin chercher dans mon cœur pour y trouver de la douceur pour vous, Sévigné, à Bussy, 16 avril 1670. Vous seule pouvez faire la joie et la douleur de ma vie ; je ne connais que vous, et hors de vous tout est loin de moi, Sévigné, 18 mars 1671. Quel général porta plus loin la prévoyance ? Bossuet, Louis de Bourbon. Il n'y a pas loin entre la vertu qui se repose et la vertu qui s'égare, Massillon, Avent. Concep. Il n'y a jamais loin entre l'affaiblissement et la chute, Massillon, Carême, Mélange. Il y a moins loin d'un homme à un homme, à Londres qu'à Vienne, Voltaire, Dict. phil. Boire à la santé. Les Tartares-Mantchoux sont incontestablement les ancêtres des Péruviens ; car Mango-Capak est le premier inca du Pérou ; Mango ressemble à Manco, Manco à Mancu, Mancu à Mantchu, et de là à Mantchou il n'y a pas loin, Voltaire, ib. Population.

    Fig. Porter loin, pousser loin la haine, la vengeance, se venger avec âpreté, sans merci.

  • 2À une grande distance dans le temps. Ce retard nous remet bien loin. Ce jour est encor loin, Corneille, Nicom. III, 2. Sans reculer plus loin l'effet de ma parole, Je vous rends dans trois mois au pied du Capitole, Racine, Mithr. III, 1. Elle [une jeune dame] allait triomphante de je ne sais combien de libertés, sans intéresser la sienne ; son heure n'était pas encore venue, mais elle n'était pas si loin, Hamilton, Gramm. 9.

    Ce malade n'ira pas loin, il mourra bientôt.

    Fig. Avec la dépense qu'il fait, cet homme n'ira pas loin, il sera bientôt ruiné.

  • 3Non loin de, à une petite distance. Ils [les chevaux d'Hippolyte] s'arrêtent non loin de ces tombeaux antiques…, Racine, Phèdre, V, 6. Trajan, non loin du Gange, enchaîna trente rois ; à peine a-t-il un nom fameux par la victoire, Voltaire, Épître XLIX. Les deux armées se rencontrèrent dans le golfe de Lépante, l'ancien Naupactus, non loin de Corinthe, Voltaire, Mœurs, 160.
  • 4De loin, loc. adv. D'une grande distance dans l'espace. Je vois de loin, j'atteins de même, La Fontaine, Fabl. IV, 19. J'en sais beaucoup de par le monde à qui ceci conviendrait bien : De loin, c'est quelque chose ; et de près, ce n'est rien, La Fontaine, ib. IV, 10. L'horreur de l'hiver à la campagne n'est que de loin ; de près ce n'est plus de même, Sévigné, 12 oct. 1689. Louis, qui entend de si loin les gémissements des chrétiens affligés, Bossuet, Reine d'Anglet. Il est bien difficile de juger et de conduire de si loin, Maintenon, Lett. au card. de Noailles, 2 fév. 1703. Allons ; et de si loin évitons la cruelle, Que de longtemps, Arsace, on ne nous parle d'elle, Racine, Bérén. III, 4. Leur gloire de si loin n'éblouit pas mes yeux, Racine, Mithr. IV, 4. Il faut servir les Français de loin, et malgré eux ; c'est le peuple d'Athènes, Voltaire, Lett. Mme d'Argental, 14 mars 1752. Que je puisse de loin l'entrevoir seulement ! Briffault, Ninus II, I, 5.

    Fig. Quoi ! vous à qui Néron doit le jour qu'il respire, Qui l'avez appelé de si loin à l'empire ? Racine, Brit. I, 1.

    Je vous vois venir de loin, c'est-à-dire je me doute de ce que vous allez dire, faire.

    Revenir de loin, de bien loin, réchapper d'une maladie très grave, ou de quelque grand danger, ou de quelque ancienne habitude. L'âme, délivrée de la captivité des sens… est enfin revenue à elle-même ; elle est revenue de bien loin…, Bossuet, la Vallière. Voyez [à l'approche de la mort] cette bouche ouverte, ce visage allongé, cette respiration entrecoupée, ce jugement offusqué qui revient par certains moments comme de fort loin, Bossuet, Pensées chrét. et mor. 38. Qu'il aurait fallu s'y prendre plus tôt, qu'on ne revient pas de si loin…, Massillon, Carême, Lazare.

    La jeunesse revient de bien loin, se dit d'un jeune homme malade et duquel on ne désespère pas tout à fait. Cela fait voir que la sagesse revient de loin comme la jeunesse, Sévigné, 5 nov. 1676.

    Fig. et familièrement. Ne connaître quelqu'un ni de près, ni de loin, ne pas le connaître du tout.

    Nous sommes parents, mais de loin, c'est-à-dire nous sommes parents à un degré éloigné.

  • 5De loin, d'une grande distance dans le temps. J'ai prévu d'assez loin ce que j'en viens d'apprendre, Corneille, Rodog. V, 4. Qui prévoyait de plus loin ? Bossuet, le Tellier. Anne avertie de loin par un mal aussi cruel qu'irrémédiable, Bossuet, Reine d'Anglet. Je ne sais point prévoir les malheurs de si loin, Racine, Andr. I, 2. Quel important besoin Vous a fait devancer l'aurore de si loin ? Racine, Iphig. I, 1. Mon mal vient de plus loin, Racine, Phèd. I, 3. Vous preniez de si loin vos mesures, Massillon, Avent, Jug.

    Voir de loin, avoir beaucoup de prévoyance, pressentir longtemps d'avance ce qui doit arriver.

  • 6De bien loin, de beaucoup. Restait le roi, de bien loin le plus important, Saint-Simon, 73, 194.
  • 7Du plus loin, d'aussi loin que, loc. conjonct. de lieu (avec l'indicatif), de la plus grande distance possible. Lui-même, d'aussi loin qu'il nous a vus paraître : Adorez, a-t-il dit, l'ordre de votre maître, Racine, Baj. V, 11. Quoi qu'il en soit, Néron, d'aussi loin qu'il me vit, Laissa sur son visage éclater son dépit, Racine, Brit. I, 1.

    Du plus loin que, d'aussi loin que, en parlant du temps (avec le subjonctif). Du plus loin que je me souvienne, qu'il m'en souvienne, la chose était ainsi.

    C'est du plus loin qu'il me souvienne, se dit d'une chose dont le souvenir est presque effacé.

  • 8Au loin, loc. adv. À une grande distance. Voir au loin. Voyager au loin. C'est un petit village ou plutôt un hameau, Bâti sur le penchant d'un long rang de collines, D'où l'œil s'égare au loin dans les plaines voisines, Boileau, Épître VI. La rive au loin gémit, blanchissante d'écume, Racine, Iphig. V, 6. N'allons jamais au loin, quand ce que nous cherchons est tout auprès, Voltaire, Dict. phil. Influence.
  • 9Au plus loin que (avec le subjonctif), loc. adv. de lieu, à la plus grande distance possible. Au plus loin que ma vue puisse s'étendre, je n'aperçois rien.
  • 10Loin à loin, de loin à loin, de loin en loin, loc. adv. À de grandes distances, à de longs intervalles. Planter des arbres loin à loin. Nos batteries, disposées un peu trop loin à loin, ne purent être prêtes qu'une heure après, Saint-Simon, 12, 134. Ces sortes de hardiesses font un merveilleux effet dans la poésie, lorsqu'elles sont placées à propos de loin à loin, D'Olivet, Rem. sur Racine, § 41.

    Il se dit aussi du temps. Tous les secours qu'on a tirés des ecclésiastiques pour les besoins du royaume ne sont tirés que de loin à loin, Patru, Œuv. div. p. 810, dans RICHELET. Les nouvelles de sa venue [de Cyrus] viennent de loin à loin, comme avait prédit Jérémie, Bossuet, Hist. II, 4. Ses lettres viennent plus de loin à loin qu'au commencement, Bayle, Lett. 87, 5 janv. 1691, t. I, p. 297. Je leur dirai avec Origène qu'il y a eu très peu de persécutions, et encore de loin à loin, Voltaire, Philos. Déf. Mil. Bolingbroke, ch. XLII. Les états généraux, convoqués de loin à loin, se demandaient les lois et les usages, Voltaire, Mœurs, 84. Je ne reçois plus de vos nouvelles que de loin en loin, et je trouve cela très mauvais, D'Alembert, Lett. à Voltaire, 18 sept. 1762. La cour de Versailles a jeté de loin en loin quelques regards sur Madagascar, mais sans en sentir jamais vivement le prix, Raynal, Hist. phil. IV, 5.

  • 11Loin de, loc. prép. À distance de. …loin du monde ingrat que bienheureux tu quittes, Régnier, Ép. I. Elle va, loin de vous et loin de sa patrie, Accepter pour époux le roi de Ligurie, Voltaire, Brutus, II, 2. Je vis heureux dans une retraite charmante, fâché seulement d'être heureux loin de vous, Voltaire, Lett. Thiriot, juillet 1735. Amis, loin de la ville, Loin des palais de roi, Loin de la cour servile, Loin de la foule vile, trouvez-moi, trouvez-moi… Quelque asile sauvage, Hugo, Odes, Rêves.

    Fig. Mais que vous êtes loin de cette ardeur parfaite Qui vous est nécessaire et que je vous souhaite ! Corneille, Poly. I, 1. Vous louez Revel par où je l'ai loué, en disant que je l'avais trouvé vrai et loin de toute vanité, Sévigné, 21 sept. 1689. Qu'alors il était loin de tant de renommée ! Voltaire, Fanat. I, 4.

    Elliptiquement, loin exprime l'injonction d'éloigner, d'écarter. Loin, bien loin, tristes pensées, Malherbe, II, 2. Loin de moi les pensées de ces impies ! Sacy, Bible, Job, XXII, 18. Loin de nous les héros sans humanité ! Bossuet, Louis de Bourbon. Loin ces rimeurs craintifs…, Boileau, Art p. II. Loin de moi les mortels assez audacieux Pour juger par eux-même et pour voir par leurs yeux ! Voltaire, Fanat. III, 6. Loin tous ces conquérants en ravages fertiles ! Delille, Jardins, IV.

    Loin de là, se dit pour signifier qu'il ne faut pas manquer à telle ou telle chose. On vous conseille d'abandonner cette affaire ; loin de là, il faut la pousser activement.

    Être loin de son compte, se tromper dans son raisonnement, dans son calcul, dans ses prétentions, dans ses espérances.

    Ils sont encore tous deux bien loin de compte, se dit de deux personnes qui ont une convention, un marché à faire, et qui ne peuvent tomber d'accord.

    Être loin, bien loin de faire une chose, être dans des dispositions toutes contraires à celles qui pousseraient à faire cette chose. Je suis loin de vanter ma victoire et mon zèle, Voltaire, Oreste, III, 6.

    Bien loin, ou, simplement, loin, se construisant avec la préposition de, suivie d'un verbe à l'infinitif, ou avec la conjonction que et le subjonctif, signifie au lieu de, tant s'en faut que. L'adversité, loin qu'elle soit un mal, est souvent un remède et le contre-poison de la prospérité. Celui-ci, loin de tourner le dos, Veut vendre au moins sa vie, et mourir en héros, La Fontaine, Fabl. X, 14. Loin de trembler devant les autels, on y méprise Jésus-Christ présent, Bossuet, Louis de Bourbon. Quoi ! cher prince, avec toi je me verrais unie ! Et, loin que ma tendresse eût exposé la vie, Tu verrais…, Racine, Mithr. IV, 1. Hélas ! loin de vouloir éviter sa colère, La plus soudaine mort me sera la plus chère, Racine, Brit. V, 7. Loin de vous accabler, avec vous je soupire, Voltaire, Brutus, IV, 1.

  • 12Loin de, se dit aussi de la distance dans le temps. Nous sommes encore loin du carnaval.

PROVERBES

Loin des yeux, loin du cœur, se dit pour exprimer que l'absence amortit les affections.

Près de l'église, loin de Dieu, se dit d'un homme qui loge près de l'église et qui n'est guère dévot.

Il est auprès de cette belle comme le bénitier est dans l'église, près de la porte et loin du cœur, se dit, par un jeu de mot entre cœur et chœur, d'un amoureux qui n'est point aimé de celle qu'il aime.

A beau mentir qui vient de loin, se dit de ceux qui, au retour de pays lointains, racontent des choses incroyables.

Pas à pas on va loin, c'est-à-dire quand on va toujours, on ne laisse pas d'avancer, quoiqu'on aille lentement.

REMARQUE

1. Boileau a dit : Bien loin de convenir qu'il y a du sublime dans les paroles que Moïse fait prononcer à Dieu au commencement de la Genèse… (10e réflexion sur Longin). On pourrait demander qu'il y ait ; bien loin équivalant à une négation. Mais il y a ici une proposition déjà faite et que l'on doit rappeler dans ses propres termes ; c'est ce qui justifie l'indicatif.

2. Anciennement on disait de loin à loin. De loin en loin ne paraît que dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle.

HISTORIQUE

XIe s. Luin et pref [près], Lois de Guill. 42. Sire Alexis, tanz jurz t'ai dessiret, E tantes feiz [tant de fois] pur tei au luinz guardet [regardé], Si revenisses [tu revenais] ta spuse conforter, St-Alexis, XCV. Vous n'irez pas uan [cette année] de mei si luign, Ch. de Rol. XVII. Li quens Rolanz Gautier de luin apele, ib. LXII. Cist [ceux-ci, les ennemis] nous sont près, mais trop nous est loin Charles, ib. LXXXV. Ne loing ne près ne puet vedeir [voir] si clair, ib. CXLVIII.

XIIe s. De long reluist li teinz [la couleur] et li blazons, Ronc. 132. Mainte longue semaine Trai [je passe], quant sui loing de lui [d'elle], Couci, VIII. Et quant je plus sui loing de la contrée, Tant est mes cuers [mon cœur] plus près et ma pensée, ib. XVII. Les contrées qui moult sont long de lor, Machab. I, 8.

XIIIe s. Adan, pou [peu] sont de gent, n'aient oï Dire qu'on vait moult loins tout belement, Mätzner, p. 82. L'en doit bien reculer pour le plus loing saillir, Berte, XII. Cil dame Diex, faitele, qui haut siet et loin voit, ib. XXVIII. Ne il n'avoient mie pooir de pourchacier viandes quatre arbalestrées loing de l'ost, Villehardouin, LXXIV. Sachiés pour voir [vrai], li arbre furent Si loing à loing cum estre durent, la Rose, 1376.

XIVe s. Les extremes sont plus loing l'un de l'autre et à plus grant distance de l'un à l'autre que il n'a de chascun d'eulx au moien, Oresme, Eth. 52. Quant li princes choisi [vit] Bertran qui venoit là, De si loin qu'il le vit, à rire commença, Guesclin. 13497.

XVe s. Ma lettre escrivi et scellay, Et à mon ami l'enveai, Qui la lut, et, trois jours après, Petit loing ou petit plus près [un peu plus ou un peu moins], Me rescrivi en tel maniere, Deschamps, Poés. mss. f° 495. L'un dit que promectez de loing, Et qu'en estes bonne maistresse, L'aultre que faillez au besoing, Orléans, Chanson 33. Et ne regardoient point à plus loing, Commines, V, 16. Hier, n'a pas plus loin, je tins l'œil sur vous, et d'un lieu, là où j'estois, je vous y vis arriver, Louis XI, Nouv. XXXIII.

XVIe s. L'effect surmonte de si loing la pensée, que…, Montaigne, I, 81. Les choses nous paroissent souvent plus grandes de loing que de prez, Montaigne, ib. Trouvant un jour une mienne parente En un festin, parente d'assez loin…, Ronsard, 776. Loin des yeux, loin du cœur, c'est la regle ordinaire, Desportes, Élégies, I, 4.

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Étymologie de « loin »

Bourguig. lon ; Verviers, lons ; provenç. long, loing, lonh, lung, luenh, lunh ; catal. lluny ; anc. espagn. luene ; portug. longe ; ital. lungi ; du lat. longe, de longus, long. Loinz, loins représente longis (a longis ; voy. CERTES et VOLONTIERS pour l's).

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Via l’ancien français loing, du latin longe (« loin », « au loin »).
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « loin »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
loin lwɛ̃

Citations contenant le mot « loin »

  • Le tact dans l'audace c'est de savoir jusqu'où on peut aller trop loin. Jean Cocteau, Le Rappel à l'ordre, Stock
  • Ici, c'est autre chose que loin, c'est ailleurs. Jean Giono, L'Iris de Suse, Gallimard
  • De loin, c'est quelque chose : et de près ce n'est rien. Jean de La Fontaine, Fables, le Chameau et les Bâtons flottants
  • On ne va jamais plus loin que lorsqu'on ne sait pas où l'on va, a dit un homme politique célèbre. Henri Monnier, Mémoires de M. Joseph Prudhomme
  • On va loin quand on ne sait où l'on va, et qui ne voit le but le passe. Charles Nodier, Fantaisies et légendes, M. Cazotte
  • Ton il ne peut pas apercevoir ses propres cils. Tu n'es pas capable de voir ta propre faute. Tu distingues ce qui est loin et tu ignores ce qui est près de toi. Wang Anshi, 
  • Loin des yeux, loin du coeur. De Proverbe français , 
  • Tambour loin a joli son. De Proverbe guadeloupéen , 
  • Qui va loin revient près… De Proverbe africain , 
  • Plus on va loin, moins on apprend. De Lao-Tseu , 
  • A beau mentir qui vient de loin. De Tuet , 
  • Les beaux chemins ne mènent pas loin. De Proverbe chinois , 
  • Petit à petit, on va loin. De Proverbe péruvien , 
  • Voir loin, parler franc, agir ferme. De Pierre de Coubertin , 
  • Plus loin, plus haut, plus fort. De Père Didon / Jeux Olympiques , 
  • Qui veut voyager loin ménage sa monture. De Jean Racine / Les Plaideurs , 
  • Regarder loin, c’est regarder tôt. De Hubert Reeves / Patience dans l’azur , 
  • Plus vous saurez regarder loin dans le passé, plus vous verrez loin dans le futur. De Winston Churchill , 
  • Déporté, ça veut dire être loin de ce qui nous porte, loin de la vie. De Hafid Aggoune / Les avenirs , 
  • Dans la colonie de vacances de Biscarrosse (Landes) où se rend le JT de TF1 dans la vidéo ci-dessus, un vent de liberté règne. Loin des parents, chacun profite à sa manière de l'ambiance colo entre copains. Paddle, planche à voile et catamaran figurent parmi les activités qui occupent les journées de ces jeunes vacanciers. Une occasion de se retrouver loin des écrans et des téléphones tout en étant plus près de la nature. LCI, En colonie de vacances à Biscarrosse, les enfants s'éclatent loin des parents | LCI
  • Le tact dans l'audace c'est de savoir jusqu'où on peut aller trop loin. Jean Cocteau, Le Rappel à l'ordre, Stock
  • Ici, c'est autre chose que loin, c'est ailleurs. Jean Giono, L'Iris de Suse, Gallimard
  • De loin, c'est quelque chose : et de près ce n'est rien. Jean de La Fontaine, Fables, le Chameau et les Bâtons flottants
  • On ne va jamais plus loin que lorsqu'on ne sait pas où l'on va, a dit un homme politique célèbre. Henri Monnier, Mémoires de M. Joseph Prudhomme
  • On va loin quand on ne sait où l'on va, et qui ne voit le but le passe. Charles Nodier, Fantaisies et légendes, M. Cazotte

Images d'illustration du mot « loin »

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Traductions du mot « loin »

Langue Traduction
Anglais far
Espagnol lejos
Italien lontano
Allemand weit
Chinois
Arabe بعيدا
Portugais longe
Russe далеко
Japonais はるか
Basque urrun
Corse luntanu
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Synonymes de « loin »

Source : synonymes de loin sur lebonsynonyme.fr

Antonymes de « loin »

Combien de points fait le mot loin au Scrabble ?

Nombre de points du mot loin au scrabble : 4 points

Loin

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