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Jouer

Définitions de « jouer »

Trésor de la Langue Française informatisé

JOUER, verbe

I. − [Le suj. désigne une pers.] Qqn joue
A. − Faire quelque chose pour se distraire, s'amuser.
1. Emploi intrans. [Le suj. désigne un enfant] Ces enfants jouent ensemble (Ac.1835-1935).Un enfant qui joue avec son camarade (DG). J'étais sortie de la salle à manger pour aller jouer dans l'antichambre (Gyp, Souv. pte fille,1927, p. 85).Dans son dos, Mathieu entendait les cris des gamins qui jouaient dans les ruelles abandonnées du village (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 144).
Au fig., fam., vx. [Le suj. désigne une pers. adulte] Envoyer jouer qqn. ,,Ne pas écouter quelqu'un`` (Littré). Synon. envoyer (qqn) promener.
2. Emploi pronom. réfl., vieilli
a) [Le suj. désigne un enfant] Enfant qui se joue. La bordure du couvercle représentait des hortensias dans lesquels se jouaient des amours (Balzac, Cous. Bette,1846, p. 690).
[P. ext., ds une expr., le suj. désigne une pers. adulte] Faire qqc. en se jouant. Faire quelque chose sans s'appliquer, sans y trouver de difficulté. M. Perrier m'a demandé (...) de lui donner un dessin, une bagatelle, a-t-il dit, pour avoir un souvenir de vous, de ces choses que vous faites en vous jouant et en pensant à autre chose (Delacroix, Journal,1854, p. 232).Plus un acteur est admirable, plus il semble improviser, moins il semble fournir d'efforts. On dirait qu'il joue en se jouant (Cocteau, Foyer artistes,1947, p. 122).
b) P. anal. [Le suj. désigne un animal] Écureuil qui se joue dans les branches. La belle lumière emplissant la lande, et là-haut les campagnes de l'air où se jouaient deux aigles (Pourrat, Gaspard,1930, p. 250).
3. Emploi trans. indir. [Le suj. désigne un enfant]
a) S'adonner à un jeu.
α) Jouer + compl. prép. spécifiant l'objet nécessaire au jeu.Jouer au ballon, au cerceau, à la poupée; jouer avec une balle, une dînette. Il est resté enfant; il s'amuse avec des images, joue aux billes, à la toupie (Gide, Souv. Cour d'ass.,1913, p. 629).
P. anal. [Le suj. désigne un animal] Sur le trottoir, un chaton blanc tacheté joue avec l'arrière-train d'une souris piégée, encore vivante, qui se débat (J.-R. Bloch, Dest. S.,1931, p. 45).[Le suj. désigne une chose] Il fait si doux que j'ai ouvert la fenêtre de la chambre, ce matin, et la brise joue avec les rideaux de tulle (Green, Journal,1944, p. 97).
β) Jouer + compl. prép. spécifiant le jeu.Jouer à chat perché, à colin-maillard, aux quatre coins, à la marelle. Cette chambre de la rue au Lard était un grand galetas (...). Les enfants y jouaient à cache-cache, dans la haute armoire de noyer et sous le lit colossal de la mère Chantemesse (Zola, Ventre Paris,1873, p. 764).On jouait (...) aux charades, aux portraits chinois, on commérait, on discutait (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 241):
1. On m'a conté qu'une bonne jouait au loup avec deux enfants; elle se couvrait d'une peau de loup qui servait de descente de lit, et les enfants feignaient d'avoir grand'peur; mais aussitôt ils avaient peur, et ils en rêvaient; les parents firent cesser ce jeu. Alain, Propos,1929, p. 843.
γ) Jouer + compl. spécifiant l'action qui est l'objet du jeu.Jouer à faire des pâtés, à se poursuivre. L'abbé Godard entrait dans la sacristie, lorsqu'il tomba sur Delphin et sur Nénesse, qui jouaient à se pousser, en préparant les burettes (Zola, Terre,1887, p. 56).
b) Imiter par jeu. [Le suj. désigne un enfant et, p. anal. une pers. adulte]
α) Jouer + compl. prép. spécifiant la fonction ou la pers. que l'on imite.Jouer à la marchande; jouer à Guillaume Tell. Jamais la jeune fille ne s'était tant amusée. Elle avait joué à la bergère (Maupass., Bel-Ami,1885, p. 381).La petite MlleGoton, une fillette autoritaire qui jouait avec lui à la maîtresse d'école (Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 30).Nadine avait besoin de commander pour prendre de l'assurance (...). Il y avait bien longtemps que je ne l'avais vue si rayonnante. Ça l'amusait de jouer à la maîtresse de maison (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 214):
2. La récréation d'aujourd'hui. L'explosion habituelle (...) les cris pour le plaisir de crier, le galop pour le plaisir de galoper. Puis, les mots si charmants : − Louise, veux-tu, on va jouer au papa et à la maman? Frapié, Maternelle,1904, p. 194.
β) Jouer + compl. prép. spécifiant l'activité que l'on reproduit.Jouer à la guerre, à la noce.
c) [P. ext., le suj. désigne une pers. adulte] Jouer + compl. prép. spécifiant l'objet de l'action.Manipuler distraitement, de façon machinale. Jouer avec un brin d'herbe, un couvert, une serrure. Elle ne jouait pas avec ses aiguillettes de diamants pour montrer sa main blanche et effilée (Sand, Lélia,1833, p. 137).N'osant reprendre son travail, il se mit à jouer avec son porte-plume (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 28).Houten jouait avec sa canne à pommeau d'argent (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 267).
B. − Faire quelque chose par jeu, par plaisanterie. J'ai dit cela pour jouer.
1. Emploi trans. indir. Jouer + compl. prép. spécifiant la pers.Jouer avec qqn, de qqn. N'en faire aucun cas, s'en moquer. Je jouais de lui avec une aisance merveilleuse... D'un simple regard, je le faisais passer de la colère à l'attendrissement (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 85):
3. La duchesse de Castries a pu jouer avec ce pauvre grand homme obèse et brèche-dent; mais c'est elle au fond qui, sous les traits de la duchesse de Langeais, restera, grâce à lui, notre jouet éternel. Mauriac, Gds hommes,1949, p. 161.
Emploi pronom. réfl. La fortune se joue des hommes (Ac.1935).Le vieux lansquenet se joue de nous, dit Poussin en revenant devant le prétendu tableau. Je ne vois là que des couleurs confusément amassées (Balzac, Chef-d'œuvre,1831, p. 31).
Se jouer à qqn, avec qqn (vieilli). Attaquer quelqu'un, se mesurer avec quelqu'un :
4. − Mais comment? dit madame de Tèle. Je ne me mêle pas de politique, moi, monsieur... − C'est véritablement une chose délicieuse, se dit à part lui le jeune comte, que de se jouer avec une personne si spirituelle. Feuillet, Camors,1867, p. 143.
2. Emploi trans. indir. Jouer + compl. prép. spécifiant la chose.
a) Considérer quelque chose comme un jouet, refuser d'y accorder de l'importance. Jouer avec la crédulité de qqn; jouer avec sa réputation, sa santé. Il le jugeait si criminel d'avoir imprudemment joué, par épicuréisme sentimental, avec l'âme malade de la pauvre Alba (Bourget, Cosmopolis,1893, p. 476).
Au fig. Jouer avec le feu (v. ce mot I A 1).
Emploi pronom. réfl. Se jouer des lois, de toutes les difficultés. Le docteur Caméristus (...) voyait dans la vie humaine un principe élevé, secret, un phénomène inexplicable qui se joue des bistouris, trompe la chirurgie, échappe aux médicaments (Balzac, Peau chagr.,1831, p. 254):
5. Nous nous ingénions à nous faire des surprises, et nous nous jouons des ébahissements devant des choses quotidiennes. Les choses ne nous étonnent plus; voilà pourquoi nous sommes tristes. Gide, Corresp. [avec Valéry], 1891, p. 121.
Se jouer à qqc. Se hasarder à quelque chose qui présente des risques. [M. de Meilhan] était en verve dans cette année [1787], et son ambition semblait se jouer à tout, au risque de se nuire à elle-même (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 10, 1851-62, p. 102).
b) Manipuler avec habileté les choses de l'esprit et du langage. Il jouait avec la grammaire, le dictionnaire, la double entente des termes (Goncourt, Man. Salomon,1867, p. 25).Les agadistes avaient en commun avec les chrétiens (...) une exégèse arbitraire qui rappelle la façon dont les prédicateurs du moyen âge jouaient avec les textes (Renan, Évangiles,1877, p. 66):
6. Ce qui n'eût été qu'un jeu pour vous, maître [Alexandre Dumas], − qui avez su si bien jouer avec nos chroniques et nos mémoires (...) était devenu pour moi une obsession, un vertige. Nerval, Filles feu,1854, p. 493.
En partic. Jouer sur les mots. Faire des équivoques, tirer parti de l'ambiguïté créée par certains mots :
7. « Si on vous demande qui vous êtes (...) et quel est ce mouvement, répondez que vous êtes chrétiens et que votre mouvement c'est l'Église catholique. » Voilà ce qui s'appelle jouer sur les mots : ceux qui interrogent ainsi nos jeunes gens ne leur demandent pas s'ils sont catholiques, puisqu'ils le savent déjà. Mauriac, Bâillon dén.,1945, p. 459.
Se servir des choses évoquées par les mots pour amuser, divertir l'esprit. Un calembour console de bien des chagrins; et jouer avec les mots est un moyen comme un autre de jouer avec les pensées, les actions et les êtres (Musset, Fantasio,1834, II, 1, p. 211).Ainsi, quand elle était mécontente de moi, elle jouait sur mon nom d'Aurore et m'appelait horreur, injure qui m'exaspérait (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 170).
C. − Se livrer, avec une ou plusieurs autres personnes, à un jeu où l'on peut perdre ou gagner. Jouer avec qqn, contre qqn; bien, mal jouer; table à jouer; jouer une partie, la belle, la revanche :
8. « Tiens, le voilà ton atout. − Qu'est-ce que c'est l'atout? » Grande échine noire courbée sur le jeu : « Hahaha! » « Quoi? Voilà l'atout, il vient de le jouer. » « Je ne sais pas, je n'ai pas vu... » « Si, maintenant je viens de jouer atout. » « Ah bon, alors atout cœur ». Sartre, Nausée,1938, p. 36.
SYNT. Jouer à la belote, au bridge, au poker; jouer aux cartes, aux dames, aux dés. [Termes propres à certains jeux] Jouer en carreau (vx), jouer cœur, jouer dans la couleur; jouer un pion, une carte, une pièce.
Jouer un jeu. Le pratiquer. Jouer le bridge, le piquet. Il jouait heureusement l'écarté, faisait le charme des réunions par ses talents (Balzac, Employés,1837, p. 117).
Emploi pronom. à sens passif. Le bridge se joue à quatre (Dub.).
Expressions
C'est à vous de jouer. C'est votre tour de déplacer un pion, une pièce, de produire une carte. (Dict. xxes.). Au fig. À vous de jouer. À vous d'agir. (Dict. xxes.).
Au fig. Jouer à coup sûr. ,,Être certain du succès des moyens qu'on emploie dans une affaire`` (Ac. 1935).
Jouer au plus sûr. ,,Choisir de deux expédients celui où il y a le moins de risque`` (Littré).
Au fig. Jouer à qui perd gagne. V. gagner II B 1 b.
Au fig. Jouer à quitte ou double. V. III A.
Au fig. Jouer au plus fin. User de finesse, d'adresse pour venir à bout de ses desseins. À la rigueur, un criminel peut espérer jouer au plus fin avec la justice. L'innocent, lui, risque trop : elle lui brise les reins du premier coup (Bernanos, Crime,1935, p. 808).
Au fig. Jouer cartes sur table. V. carte II A 1 c.Jouer jeu sur table. V. jeu I C 2.
Jouer la carte de. V. carte II p. métaph. ou au fig.
Jouer sa dernière carte. V. carte II A 1 c.
Au fig. Jouer de bonheur. Avoir de la chance dans une situation où des difficultés sont à craindre. Le général Brune a eu sept balles dans ses habits, sans avoir été touché par aucune; c'est jouer de bonheur (Napoléon 1er, Lettres Joséph.,1796, p. 44).
Jouer de malheur. ,,N'avoir point de chance au jeu`` (Littré).
Au fig. Jouer de malchance, de malheur. Manquer de chance dans une affaire, une entreprise. Les clefs sont déposées chez la mère Clovis, notre ancienne femme de ménage. C'était jouer de malchance. Impossible d'aller demander les clefs à cette vieille toupie : elle aurait, sur ma visite, sur ce retour, imaginé des fables effrayantes, de saugrenus romans policiers (Duhamel, Maîtres,1937, p. 54).
Au fig. Jouer double jeu. V. jeu II C 2 c.
Jouer franc jeu. V. franc3II A 2 b.
Jouer le jeu. Jouer suivant les règles imposées par le jeu. Vous ne jouez pas le jeu (Ac.1935).Au fig. V. jeu I A 2.
Au fig. Jouer le jeu de (qqn). V. jeu II C 2 b.
Au fig. Jouer bien son jeu. ,,Se comporter adroitement en quelque affaire, savoir bien dissimuler pour arriver à ses fins`` (Ac. 1835-1935).
Jouer le grand jeu. V. jeu I C 2.
Jouer un vilain jeu, un jeu cruel. V. jeu I A 1.
Au fig. [Dans une affaire importante] Jouer sa dernière partie. Entreprendre une ultime tentative. Alors, Renoldi, avec la détermination d'un désespéré qui joue sa dernière partie, se mit à parler à son tour, plaida la cause des pauvres filles (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Passion, 1882, p. 830).
La partie reste à jouer. Rien n'est encore acquis. Mais le directeur ouvrit la bouche, et tout aussitôt, à l'intonation, au débit, à l'expression du visage, Laurent comprit que la partie restait à jouer et de manière imprévisible (Duhamel, Combat ombres,1939, p. 168).
Jouer serré. ,,Jouer avec prudence`` (DG).
Au fig. Dans une affaire, une discussion, ne laisser aucune prise à son partenaire. Dans ce dédale de mystères (...) le moindre faux pas (...) pourrait nous perdre... Depuis trois jours ma police est en défaut et n'arrive à aucun résultat; donc, nous avons affaire à forte partie et il faut jouer aussi serré qu'elle (Ponson du Terr., Rocambole, t. 1, 1859, p. 456).
Ne jouer que pour l'honneur, ne jouer que l'honneur. Jouer sans intéresser le jeu. (Dict. xixes.).
D. − Participer à un jeu, à une activité où l'argent et le hasard sont essentiels.
1. Emploi trans. Jouer qqc. (à, sur qqc.)
a) Mettre en jeu, miser quelque chose. Jouer une forte somme; jouer ses derniers sous. À Clichy, ils jouaient des dindons au loto (Goncourt, Journal,1852, p. 75).Il reprit alors l'habitude d'aller comme autrefois, après son dîner, jouer des consommations au Café des Mille Colonnes (Reider, MlleVallantin,1862, p. 209).Ce samedi soir il n'y a personne. Le prolétaire est parti jouer son indemnité de chômage aux courses de lévriers, ou s'amuser au cinéma (Morand, Londres,1933, p. 106):
9. − Quelques sympathiques p'petits jetons, dit-il au distributeur. − De combien? − De vingt. Il décida de jouer un jeton chaque fois; toujours pair. Il lui fallait gagner au moins trois cents dollars. Il misa. Le 5 sortit. Perdu. Malraux, Cond. hum.,1933, p. 358.
Jouer sur. Parier sur. Jouer mille francs sur un cheval.
P. ell. Jouer le rouge, jouer pair ou impair. Jamais je n'aurais eu l'idée de jouer un cheval avec un nom pareil (Queneau, Loin Rueil,1944, p. 89).
Au fig. [Catherine de Médicis] résolut de jouer successivement le parti qui voulait la ruine de la maison de Valois, les Bourbons qui voulaient la couronne, et les Réformés (Balzac, Cath. de Médicis, Introd., 1843, p. 9).
Expressions
Jouer gros jeu. V. gros II A 2 et jeu b.
Jouer jusqu'à sa dernière chemise. Être un joueur enragé (d'apr. DG).
Jouer un jeu d'enfer. V. enfer II B 2 p. ext.
Emploi pronom. à sens passif. Des sommes considérables se jouent dans les casinos.
b) Au fig. Exposer à un risque. La pensée qu'il allait jouer sa vie le lendemain avait répandu sur son visage une teinte de mélancolie profonde (Ponson du Terr., Rocambole, t. 1, 1859, p. 352).« Il a quand même du culot, ce Sitnikoff. Car, enfin, il joue sa tête » (Bourget, Actes suivent,1926, p. 93).La France jouait son destin au combat (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 575):
10. Rien encore n'inquiétait Pauline, elle gardait son allure brave, sans comprendre qu'elle jouait son bonheur, à n'être pas lasse et à n'avoir pas besoin d'être secourue. Zola, Joie de vivre,1884, p. 1026.
Expressions
Jouer à pile ou face. V. face I D 3.
Jouer le tout pour le tout. Prendre un maximum de risques. (Dict. xxes.).
Jouer son va-tout. Tenter sa dernière chance. Il semble bien que le commandement allemand (...) ait constamment hésité, même au temps où il remportait sur les Russes de si impressionnants succès, à jouer son va-tout et à se lancer dans une offensive décisive (Joffre, Mém., t. 2, 1931, p. 3).
Jouer sur le velours*.
Jouer sur plusieurs tableaux*.
Emploi pronom. à sens passif. Se jouer (sur qqc.). Être décidé de manière irrémédiable. Reims et Soissons perdus. Ah! qui porte donc aujourd'hui dans ses mains la fortune de la France? Et cette bataille décisive se joue aux portes de Paris! (Mauriac, Écrits intimes, Journal d'un homme de trente ans, 1948, p. 164).Elle sentait bien que se jouaient à cette heure son sort et celui de ses mémoires (Arnoux, Roi,1956, p. 244):
11. Un homme se sent niais, stupide, ahuri, sans présence, sans esprit, et il s'en rend compte (...). Mais il lui demeure cette lueur : que l'on peut perdre tout ceci, mais connaître qu'on l'a perdu. C'est là le dernier atout de la connaissance. Tout se joue sur ce désespoir déclaré, suprême étincelle de l'âme, et suprême occasion de tout regagner... Valéry, Tel quel II,1943, p. 56.
Rem. On relève en ce sens jouer employé au passif. Pour le Freudien classique tout est joué à sept ans (Choisy, Psychanal., 1950, p. 46).
2. Emploi trans. indir.
a) Jouer à + subst. spécifiant le jeu.Engager de l'argent dans un jeu de hasard. Jouer au baccara, au tiercé, aux courses, à la loterie, à la roulette :
12. Il était d'un rat! imaginez-vous, le soir, en se couchant, il cachait ses louis dans ses bottes, et quand nous jouions au bésigue, il mettait des haricots, parce qu'un jour j'avais fait la blague de sauter sur l'enjeu... Zola, Nana,1880, p. 1482.
b) P. anal. Jouer à, sur + subst. spécifiant l'objet de la spéculation.Spéculer. Jouer à la bourse, à la hausse; jouer sur les grains, sur la rente. Le marquis faisait des affaires avec sagacité; à portée de savoir des nouvelles, il jouait à la rente avec bonheur (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 264).Je suis un joueur, moi (...). Je joue sur les chevaux, je joue sur les cotons, je joue sur les cailloux et sur les perles... Je joue sur les jolies filles (Druon, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 83):
13. Le ministre des finances, sans le vouloir, précipita les événements. En ce moment il jouait à la baisse : pour déterminer une panique, il fit courir à la bourse le bruit que la guerre était désormais inévitable. L'empereur voisin, trompé par cette manœuvre et s'attendant à voir son territoire envahi, mobilisa ses troupes en toute hâte. France, Île ping.,1908, p. 390.
Au fig. Le jeune homme qui courtise la fortune doit savoir jouer sur la vanité des salons qu'il fréquente (Stendhal, Mém. touriste, t. 2, 1838, p. 358).
3. Emploi intrans. S'adonner à un jeu de hasard. Perdre sa fortune en jouant. C'est une maison où l'on joue (Ac.1935).Le colon m'a encore dit qu'il savait que je jouais beaucoup dans les cercles et que ma maîtresse s'affichait trop avec moi (H. Bataille, Maman Colibri,1904, III, 2, p. 21).
E. − Pratiquer un sport d'équipe, de façon professionnelle ou en amateur.
1. Emploi trans.
a) Participer à une épreuve sportive. Une équipe joue la finale; jouer un set (au tennis). Les Niçois (...) ont encore joué un excellent match devant le Bayern (L'Équipe,9 janv. 1981, p. 3).
Emploi intrans. Livrer un match. M..., blessé et L..., mis au repos, ne joueront pas (L'Équipe,9 janv. 1981, p. 1).
Emploi pronom. à sens passif. Avoir lieu. Le match se jouera la semaine prochaine (Lar. Lang. fr.).
b) Expressions
FOOTBALL, TENNIS. Jouer une balle. Engager une balle. (Dict. xxes.).
JEU DE PAUME. Jouer une balle. Pousser une balle. (Ac. 1835-1935).
Jouer par-dessous (la) jambe. Jouer en faisant passer la balle sous la jambe (d'apr. DG).
Au fig. Jouer qqn par-dessous (la) jambe. L'emporter sans effort sur qqn (d'apr. DG). Les Grecs se sont moqués de nous et nous ont joués par-dessous la jambe (Mérimée, Lettres ctesse de Boigne,1862, p. 168).
2. Emploi trans. indir. Jouer à + subst. spécifiant le sport ou l'instrument nécessaire à sa pratique.Pratiquer un sport. Jouer au billard, au foot-ball, au golf, au tennis; jouer aux boules, aux quilles. Simon Fruchard, se trouvait dans la halle de la ville lorsqu'une femme, habillée en garçon, vint à lui et lui demanda s'il voulait jouer à la paume avec elle (France, J. d'Arc,1908, p. 452).
Emploi intrans. Jouer dans un club. Quand on lui demande s'il s'est déjà fixé une limite pour jouer, il fait comprendre (...) que tant que le rugby et les entraînements ne lui pèseront pas, il continuera (L'Équipe,9 janv. 1981, p. 7).
Emploi pronom. à sens passif. Le foot-ball se joue en deux équipes de onze joueurs chacune (Lar. Lang. fr.).
3. Emploi intrans.
a) [Avec adv. spécifiant la manière dont on joue] Se comporter de telle façon dans la pratique d'un sport. Jouer mollement, sec. Jouer brutal (L'Auto,13 oct. 1933, p. 1 ds A. O. Grubb, Sports neol., 1937, p. 46):
14. Nous sommes de l'équipe troisième, ce qui signifie ouvertement que nous jouons mieux que l'équipe quatrième et moins bien que l'équipe seconde; nous savons cela de l'équipe comme chacun de nous sait que tel ou tel, peut-être plus jeune et plus nouveau dans le jeu que lui, est meilleur joueur que lui... Montherl., Olymp.,1924, p. 297.
b) [Avec subst. non précédé d'un article spécifiant le poste occupé] Occuper tel poste dans un jeu sportif. Williams qui jouait ailier droit (L'Auto,7 sept. 1933, p. 1 ds A. O. Grubb, Sports neol., 1937, p. 45).
F. − Emploi trans. indir. Faire usage de quelque chose, avec plus ou moins d'adresse, de facilité.
1. [Avec compl. prép. spécifiant l'instrument] Manier un instrument avec adresse. Jouer de l'éventail, de l'ombrelle. C'est le temps où les bûcherons jouent de la cognée (Alain, Propos,1908, p. 37).Un coup d'œil jeté sur le massif de rosiers me fit découvrir Folcoche en train de jouer du sécateur (H. Bazin, Vipère,1948, p. 171).
Fam. Jouer de la fourchette. V. fourchette A 2 b.
En partic. [Avec compl. prép. spécifiant l'arme] Se servir d'une arme contre un adversaire. Jouer du pistolet, du poignard :
15. De temps en temps, ces messieurs jouent du couteau ou du revolver, mais ne croyez pas qu'ils y tiennent. Le rôle l'exige, voilà tout, et ils meurent de peur en lâchant leurs dernières cartouches. Camus, Chute,1956, p. 1477.
Vieilli. Jouer des couteaux. ,,Se battre à coups de couteaux et, p. ext., au sabre, à l'épée`` (DG).
2. [Avec compl. prép. spécifiant la partie] Mettre en mouvement une partie du corps. Mi-rousse, mi-brune (...) elle jouait de la tête comme un oiseau et portait, à chaque instant, ses mains aux cheveux pour ramener une mèche folle qui suivait le vent (Hamp, Marée,1908, p. 32).J'ai lutté contre elle. Dans mes bras elle se débattait comme une once. Désarmée, elle jouait des griffes et des dents (Gide, Thésée,1946, p. 1418).
[Le suj. désigne un animal] [Un jeune chat] joua ferme des pattes et du gosier (Zola, Contes Ninon,1864, p. 340).
Expr. fam.
Jouer de la mâchoire. Manger avec avidité :
16. Grilloie descend donner de l'avoine à son cheval, ensuite il se met à dévorer du pâté et du saucisson. Baisemon ne semble pas prêt à cesser de jouer de la mâchoire. Virginie se décide à faire comme eux en se disant : Après tout, si ces messieurs ne me suivent pas, ce n'est point une raison pour en perdre l'appétit. Kock, Pucelle,1834, p. 216.
Jouer de la prunelle. Lancer des œillades complices ou provocantes. Ça flirte dans les coins, ça étale des chairs peintes, ça joue de la prunelle, ça se trémousse du derrière; et ça n'est bon qu'à mettre dans des bocaux d'esprit de vin (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 27).
Jouer des coudes. Dans une foule, utiliser ses coudes pour se frayer un chemin ou gagner de la place :
17. Tandis qu'il piétinait sur place, bloqué par la foule, il la vit franchir le guichet, traverser le hall, tourner à droite vers le métro. Fou d'impatience, il joua des coudes, bouscula des gens, parvint au guichet, s'engouffra dans l'escalier du souterrain. Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 313.
Au fig. Se faire une place dans la société en utilisant tous les moyens. Racine (...) joua des coudes à la Cour (Mauriac, Vie Racine,1928, p. 254):
18. ... dans la pratique chacun de nous est encerclé par les autres sur tous les points, subit partout leur pression, et (...) il s'agit de savoir s'il jouera des coudes ou s'abstiendra d'en jouer. Du Bos, Journal,1922, p. 177.
Rem. On relève en ce sens jouer des poings. Du moment qu'on était plus collé chacun à sa place pour l'existence entière, et qu'on pouvait avoir l'ambition de prendre la place du voisin, pourquoi donc n'aurait-on pas joué des poings, en tâchant d'être le plus fort? (Zola, Germinal, 1885, p. 277).
Jouer des jambes et, pop., des flûtes, des fourchettes, des fuseaux, des gambettes, des guibolles. Courir. Il juge qu'il est temps de jouer des fuseaux, mais (...) le garçon le saisit à la gorge (Vidocq, Mém., t. 3, 1828-29, p. 147).Commandant, dit Bruidoux, amenant par le collet le fils du garde-chasse, le petit singe ne voulait-il pas jouer des jambes?... (Feuillet, Bellah,1850, p. 91).
Jouer du pouce. Donner une gratification. Allez donc plus vite messieurs les postillons. − Nous ne jouons du fouet, lui répondit un vieux postillon, que si les voyageurs jouent du pouce (Balzac, Le Curé de village,VIII, p. 600 [Pléiade, 1949] ds Quem. DDL t. 2).
3. Tirer parti de.
a) Exploiter un avantage ou une faiblesse personnels pour faire impression sur autrui (+ compl. prép. spécifiant une qualité attachée à la personne). Jouer de son autorité, de sa force; jouer de son infirmité. Sa coquetterie, dont elle jouait ouvertement comme d'un éventail, qu'elle déployait ou repliait à la face de tous (Maupass., Notre cœur,1890, p. 337).La fiancée joue de sa pâleur comme d'une embûche (Arnoux, Renc. Wagner,1927, p. 87):
19. Ces vierges, ces saints, ces martyrs, ne vous étonnez point s'ils savent produire les grâces de leur corps, de leur esprit, et se placer dans les conditions où ils sauront le mieux en jouer. Ce sont des gens de cour. Barrès, Sang,1893, p. 261.
Tirer profit d'un avantage ou d'une faiblesse existants chez une personne pour abuser de celle-ci. Pourquoi ta jolie colère de femme aimée, à propos d'un silence? Ne pouvais-tu jouer avec les contrastes de mon caractère sans en demander les causes? (Balzac, Lys,1836, p. 3):
20. Après avoir été joué par les Oriol lors du premier traitement du paralytique, il avait à son tour joué de la crédulité des malades, si facile à conquérir quand il s'agit de guérison, et maintenant il se jouait à lui-même la comédie de cette cure... Maupass., Mt-Oriol,1887, p. 289.
Emploi pronom. réfl. Je vous en supplie (...) par les mânes de je ne sais qui, ne vous jouez pas de ma crédulité de romancier, dites-moi vrai (Balzac, Corresp.,1831, p. 530):
21. ... l'imbécillité (...) de quelques bonnes gens qui se croient religieux, qui le sont réellement, et qui, imperturbables dans leur confiance hébétée en des malheureux qui se jouent de leur incurable innocence, s'imaginent (...) sauver la religion toutes les fois qu'ils prononcent contre elle un arrêt de mort. Lamennais, Religion,1825, p. 97.
b) Jouer + compl. prép. spécifiant une chose concr. ou abstr.Croyez-moi, monsieur le Conseiller, il faut en jouer discrètement de ces lois d'hérédité, elles condamnent trop d'innocents et servent d'excuse à trop de vilenies (A. Daudet, Obstacle,1891, p. 192).Si Disraéli, mieux qu'aucun homme, sut jouer de la société, ce fut toujours un jeu, c'est-à-dire une action passionnée, mais désintéressée, quand même! (Barrès, Enn. Lois,1893, p. 171).
− Dans le domaine de la peint.Nul n'a joué du bleu comme Léonard, du bleu transcendant, du bleu fermé et voluptueux, très distinct du bleu mystique de l'Angelico (L. Daudet, Idées esthét.,1939, p. 218).Toute une plastique différente s'élabore (...) elle joue surtout sur le graphisme et la tache (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 190):
22. [L'impressionnisme] a été trop souvent superficiel même dans l'obtention des effets, il a cédé au désir de surprendre les yeux, de jouer des tons pour l'amour de la virtuosité. Mauclair, Maîtres impressionn.,1923, p. 211.
4. En partic. Se servir d'un instrument de musique, en tirer des sons harmonieux (+ compl. prép. spécifiant l'instrument). Jouer de l'orgue, du piano, du violon, de la trompette. Valdemar, avec la même pathétique maladresse, jouait de quatre ou cinq instruments différents. Il avait, ce jour-là, descendu son violon (Duhamel, Jard. bêtes sauv.,1934, p. 69).
P. plaisant. On peut dire qu'il jouait de cette femme supérieurement et qu'il savait tirer de l'instrument banal des effets miraculeux (A. Daudet, Jack, t. 2, 1876, p. 331).
Emploi intrans. Jouer en public, jouer sur plusieurs registres. Nous [Saint-Saëns et Antoine Rubinstein] jouions souvent à quatre mains, soumettant à de rudes épreuves les pianos qui nous servaient de champ de bataille (Saint-Saëns, Portr. et souv.,1909, p. 145).
Jouer + adv. de manière.Jouer d'instinct, en mesure, jouer juste. Arrive un violoniste précédé d'un certain renom (...) il joue faux comme un Chinois (Berlioz, Grotesques mus.,1869, p. 110).
G. − Spécialement
1. MUS., emploi trans.
a) [Le suj. désigne un chanteur, un musicien] Exécuter, interpréter un morceau de musique, une œuvre musicale. Jouer un air, un morceau, une musique; jouer une partition de Chopin et, p. ell., jouer du Chopin ou jouer Chopin. La chapelle où M. Hector conservait son propre père dans l'alcool, et allait parfois lui jouer une bourrée sur l'accordéon (Pourrat, Gaspard,1922, p. 52).La musique embarquée à notre bord jouait l'hymne national américain (Joffre, Mém., t. 2, 1931, p. 452).
[+ compl. prép. spécifiant l'instrument] Il me jouait sur sa guitare de très jolies chansons de cow-boys (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 307):
23. Quand la guilde des fabricants de ceintures élit un chef de maîtrise, celui-ci fait son entrée accompagné d'un orchestre de musiciens qui joue sur des hautbois et des flûtes anciennes un air toujours le même : La marche de Scipion de Haendel. Morand, Londres,1933, p. 285.
SYNT. Jouer un prélude, une ballade, une étude, une marche, une sonate, une valse; orchestre qui joue un opéra, une ouverture; partition impossible à jouer.
Emploi pronom. à sens passif. Ce morceau se joue à quatre mains (DG).
P. méton. L'harmonica joue une valse (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 289).
Emploi intrans. Orgue de barbarie qui joue. Au loin, au bataillon Garibaldi, jouait un accordéon (Malraux, Espoir,1937, p. 855).
Expr. Jouer sa partie. Exécuter sa partition dans une œuvre d'ensemble.
Au fig. Accomplir une tâche personnelle dans une œuvre collective, remplir son rôle :
24. Je suis fautive aux regards de Dieu pour l'éternité. C'est donc ainsi que je dois comparaître devant lui après que j'aurai épuisé mes moyens d'amour et de charité. Je joue ma partie, qui est ma destinée; je suis loyale, Dieu le sait bien. Jouve, Paulina,1925, p. 139.
b) [Le suj. désigne un appareil] Reproduire ou retransmettre de la musique préalablement enregistrée. Posée sur une cantine, une petite radio joue un de ces airs mélancoliques dont l'oreille américaine semble ne jamais pouvoir se rassasier (Green, Journal,1942, p. 257).C'était un bon dîner, un dîner excellent... La radio jouait une musique de table, faite sur mesure (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 62).
Fam. Faire jouer. Si je fais jouer le phono, si la musique entre ici (Malraux, Espoir,1937, p. 707).
2. THÉÂTRE, emploi trans. [Le suj. désigne un acteur ou un ensemble d'acteurs : troupe, théâtre]
a) Représenter sur une scène. Jouer un opéra, un sketch, une comédie, une farce, une tragédie; jouer une pièce de Molière et, p. ell., jouer du Molière ou jouer Molière. On joue le Cid à la Comédie Française. Antoine jouerait une fois trois petites pièces de son répertoire dans une soixantaine de localités différentes, et aurait cent francs de fixe (Goncourt, Journal,1896, p. 976).Il dit que le Gymnase ne jouera pas Rosine, la pièce de Capus. C'est trop gris, trop camaïeu (Renard, Journal,1897, p. 392).Mais nous jouerons demain la fable de Gozzi. Le Carnaval commence et nous jouerons aussi L'intermède français que l'on joue à Versailles (Apoll., Casanova,1918, I, 1, p. 969).
Vieilli. Jouer la comédie. Exercer le métier de comédien, d'acteur. Synon. usuel faire du théâtre :
25. Elle racontait qu'elle aurait adoré jouer la comédie; elle aurait tout su rendre, la colère, la tendresse, la pudeur, l'effroi; et, d'une attitude, d'un jeu de physionomie, elle indiquait des personnages. Zola, E. Rougon,1876, p. 66.
Au fig. V. comédie I B a.
Emploi intrans. Jouer avec talent, jouer dans une troupe. Ce comédien joue fort bien (Ac. 1835-1935); jouer à bureaux* fermés :
26. Les acteurs de New-York sont excellents; en vain chercherait-on parmi eux une Duse ou un Guitry, mais la moyenne est supérieure à celle de l'Europe. Nos acteurs jouent mou. Les leurs ont du naturel, un dynamisme inouï... Morand, New-York,1930, p. 174.
Emploi pronom. à sens passif. Diderot nous a conservé (...) quelques-uns des bons contes de l'abbé [Galiani] (...) qui (...) sont restés à l'état de simple canevas : cela se parle, cela se joue et s'improvise, mais cela ne s'écrit pas (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 2, 1850, p. 426).
P. métaph. ou au fig. Se dérouler. Ce grand drame moral n'est qu'une scène, dans la longue tragédie qui se joue sur le Rhin entre le Romanisme et la Germanie (Barrès, Serv. All.,1905, p. xi).Autour de moi, on allait et venait, comme avant la guerre. Rien n'avait donc changé. Si, tout a changé par le dedans. Ce qui trompe, c'est que le décor est le même. Le décor est le même, mais c'est une autre pièce qui s'y joue (Green, Journal,1945, p. 234).
P. anal. On joue un film récent au cinéma cette semaine. (Dict. xxes.).
Emploi pronom. à sens passif. Un film qui se joue en exclusivité dans telle salle. (Dict. xxes.).
b) En partic., THÉÂTRE, CIN. Tenir un rôle. Jouer le personnage de Tartuffe et, p. ell., jouer Tartuffe; jouer le rôle d'Oreste et, p. ell., jouer Oreste; jouer le rôle principal, le premier rôle. J'aime ces femmes de Shakespeare qui sont belles et magnifiques. Il me semble que, pour jouer une fois Lady Percy, je donnerais deux années de ma vie (Duhamel, Suzanne,1941, p. 37).Sartre avait une belle voix (...) ses dons comiques étaient célèbres dans toute l'école : c'était toujours lui qui jouait dans la revue annuelle, le rôle de M. Lanson (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 335):
27. Hier à la Comédie-Française où se donnait l'Avare. Un acteur très connu jouait le rôle d'Harpagon qu'il chargeait beaucoup trop, m'a-t-il semblé, dans le fameux monologue. Green, Journal,1947, p. 131.
En partic. Être spécialisé dans un emploi. Jouer les amoureux, les coquettes, les ingénues.
Emploi intrans. Le roi Saül s'est levé. (L'acteur doit jouer comme s'il continuait un monologue). − Saül paraît chancelant d'indécision (Gide, Saül,1903, II, 9, p. 302):
28. Jacques se vit donc obligé de balancer quelques boniments à Madame Baponot du genre vous aimez le cinéma ou bien qu'est-ce qui joue dans le prochain film vous l'aimez moi pas beaucoup. Queneau, Loin Rueil,1944, p. 112.
P. anal.
[Le suj. désigne une pers.] Jouer un rôle, un personnage. Avoir une conduite sociale. Ces apparences offrent souvent une expression (...) qui trompe; non pas toujours sur l'humeur, car chacun joue son personnage, mais sur le fond de nature, qui s'exprime d'autre façon (Alain, Beaux-arts,1920, p. 294):
29. ... je faisais mine, parfois, de prendre la vie au sérieux. Mais, bien vite, la frivolité du sérieux lui-même m'apparaissait et je continuais seulement de jouer mon rôle, aussi bien que je pouvais. Camus, Chute,1956, p. 1518.
[Le suj. désigne une pers., un animal ou une chose concr. ou abstr.] Jouer un rôle dans. Exercer une influence sur, remplir une fonction dans. La châtaigne ne joue plus aujourd'hui dans l'alimentation humaine le même rôle que lorsqu'elle suppléait en hiver à l'insuffisance des provisions de céréales (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 139).La femme non désirée joue son rôle dans la création, comme le révolté joue son rôle dans l'ordre social (Montherl., Lépreuses,1939, p. 1525).
Jouer un grand rôle, un rôle capital (dans). La vanité, qui joue un si grand rôle dans la société (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 312).Le jour où les savants auront reconnu le rôle immense que joue l'électricité dans la pensée humaine (Balzac, C. Birotteau,1837, p. 4).Le chien joue un rôle exorbitant dans la vie de l'homme (Sand,Hist. vie, t. 1,1855,p. 16). :
30. Pour quelques jours encore vous êtes en mesure de jouer un grand rôle national. Ensuite, il sera trop tard. Je vous propose de nous unir. Déclarons ensemble que nous faisons la guerre pour libérer la patrie. De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 375.
Jouer le rôle de (+ subst. spécifiant une fonction, une qualité); jouer un rôle, un personnage (+ adj. spécifiant un jugement de valeur). Il a joué là un bien vilain rôle (Ac.1935).Jouer un sot personnage (Ac.1835-1935).Mon voisin prodiguait sur sa devanture les guirlandes de plantes épineuses, qui jouaient le rôle des haies vis-à-vis de la toison des troupeaux (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 212).Et je lui mens aussitôt, par crainte de lui paraître ridicule, et je joue mon rôle de blasé (Larbaud, Barnabooth,1913, p. 149):
31. Mais j'aimais son visage et cela me peinait qu'elle l'offrît aimablement à n'importe qui; elle jouait avec trop d'aisance son rôle de jeune fille du monde. Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 277.
[Le suj. désigne une pers.] Feindre un sentiment, simuler une attitude. Jouer l'étonné, les héros, les incompris, les victimes; jouer l'étonnement. Je sais bien que je ne suis pas taillé pour jouer les amoureux (Leclercq, Prov. dram., Scène double, 1835, 1, p. 346).En la trouvant morte dans son lit, Hilperik joua la surprise et l'affliction, il fit même semblant de verser des larmes, et, quelques jours après, il épousa Fredegonde (Thierry, Récits mérov., t. 1, 1840, p. 357).Si tu ne soupçonnes plus ton père, si personnellement tu ne lui en veux plus, ce n'est pas à toi de jouer les justiciers (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 135):
32. Elle savait, avec cette finesse naturelle aux personnes perfides, déguiser la répugnance que monsieur de Restaud manifestait pour elle, et jouait si parfaitement la douleur, qu'elle obtint une sorte de célébrité. Balzac, Gobseck,1830, p. 426.
Emploi trans. indir. Jouer à l'indispensable, au généreux; jouer à la vertu. Femme « très rusée et très dissimulée » (...) elle joue aux évanouissements pour entendre ce que l'on dit et voir jusqu'à quel point on s'intéresse à elle (Chênedollé, Journal,1811, p. 66):
33. [Napoléon] passe en revue ses différentes troupes : aux vieux soldats il parle des Pyramides, de Marengo, d'Austerlitz, d'Iéna, de Friedland; avec les jeunes gens il s'occupe de leurs besoins, de leurs équipements, de leur solde, de leurs capitaines : il jouait dans ce moment à la bonté. Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 418.
Affecter d'être, se donner l'air de. Jouer l'homme important. Je vous donne un valet qui répond au nom de Germain, joue les barons vis-à-vis des grisettes, porte des lettres comme on ne sait plus les porter, courtise les femmes de chambre (Ponson du Terr., Rocambole, t. 4, 1859, p. 348).Nana, d'abord furieuse était enchantée de jouer à la châtelaine. Ces dames la complimentaient sur la Mignotte, une propriété renversante, ma chère! (Zola, Nana,1880, p. 1246):
34. Voyons, permettez-moi de jouer au détective. Vous avez à peu près mon âge, l'œil renseigné des quadragénaires qui ont à peu près fait le tour des choses, vous êtes à peu près bien habillé (...) et vous avez les mains lisses. Donc, un bourgeois, à peu près! Camus, Chute,1956, p. 1478.
[Le suj. désigne une chose concr.] Avoir la même apparence, produire le même effet qu'une autre chose. Synon. imiter.Ce papier joue le velours (Ac.1835-1935).Les femmes de la classe moyenne, ou qui ne sont pas en grande toilette, portent le mezzaro, espèce de voile noir qui joue la mantille à s'y tromper (Gautier, Italia,1852, p. 44).Le plafond était très original : au centre, une rosace de glace (...) jouait le toit à jour d'un kiosque (E. de Goncourt, Faustin,1882, p. 196).Elle est d'une nuance terreuse, et ses quinze ou vingt minarets, qui sont d'un brun sombre, jouent de loin les clochers de nos pays du Nord (Loti, Maroc,1889, p. 61).
c) En partic. Jouer qqn. Railler quelqu'un, le tourner en ridicule. Molière a joué les faux dévots (Ac.1835-1935).
P. anal. Duper quelqu'un. M. de Talleyrand (...) avait été assez fin pour jouer tous les diplomates de l'Europe (Renan, Avenir sc.,1890, p. 518).Rabelais, dans sa grande comédie pantagruéline, avait joué, sous le nom de Picrochole, un Sainte-Marthe, ami de Puits-Herbault (France, Rabelais,1909, p. 162).
Fam.
α) Jouer un (bon) tour, une (bonne) farce à qqn. Faire une farce, une plaisanterie à quelqu'un pour s'en moquer. Il fallait me mettre en position de jouer quelque bon tour à mes deux ministres s'ils se permettent à ton égard quelque trait de fatuité (Stendhal, L. Leuwen, t. 2, 1835, p. 377).Lagache, toujours en train de jouer quelque tour à son voisin Larmuzeaux, saisit un moment favorable pour lui enlever les clefs de son pupitre (Champfl., Souffr. profess. Delteil,1853, p. 230).Ils me jouaient des farces : ils glissaient des bouts d'allumettes dans ma serrure, de telle sorte qu'en rentrant, le soir, j'avais un mal du diable à y faire tourner ma clé (Barrès, Cahiers, t. 14, 1923, p. 275):
35. Parfois aussi (...) sournoisement il lui jouait le tour de lui présenter, comme siens, des airs de grands artistes; et il était dans la jubilation, quand Gottfried, par hasard, les trouvait détestables. Rolland, J.-Chr., Aube, 1904, p. 96.
β) Jouer un mauvais, un sale, un vilain tour, un tour de cochon à qqn (péj.). Agir sournoisement pour causer du tort à quelqu'un. Je leur jouerai un tour de ma façon (Barrès, Cahiers, t. 2, 1899, p. 124):
36. Ils portent sur le visage un air de candeur angélique; mais dans le fond de leur cœur se dissimule toute la ruse du démon. Ils savourent le plaisir de jouer un mauvais tour à des camarades, de faire punir un innocent, en affectant eux-mêmes la plus parfaite ingénuité. Faral, Vie temps st Louis,1942, p. 103.
Expr. Cela/qqc. jouera un mauvais, un sale tour à qqn. Cette fois, mes qualités me jouèrent le mauvais tour que m'auraient pu faire mes défauts (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 616).C'est vous qui devriez porter des lunettes, mon garçon; ça vous jouera de mauvais tours, si vous ne reconnaissez pas mieux que ça les subtils (Gide, Caves,1914, p. 855):
37. Il m'a dit presque méchamment que dans tous les cas le directeur et le personnel de l'asile seraient entendus comme témoins et que « cela pouvait me jouer un très sale tour ». Camus, Étranger,1942, p. 1171.
II. − [Le suj. désigne une chose] Qqc. joue
A. − Emploi intrans., littér.
1. Se mouvoir avec aisance, comme au gré d'un jeu. Source qui joue entre les pierres. Peu à peu, sous nos pieds, l'espace encore sec se rétrécissait; c'était un murmure d'eau courante, de petits flots caressants qui jouaient et se poussaient (Zola, Cap. Burle,1883, p. 332).
Emploi pronom. réfl. Un ruisseau qui se joue dans la prairie (Ac.1835-1935).Autour de ce bâton, dans des méandres capricieux, se jouent et folâtrent des tiges et des fleurs (Baudel., Poèmes prose,1867, p. 313).
Au fig. Se donner libre cours. Je vous encourage fort à nous faire connaître les personnages de cette grotte : laissez votre imagination se jouer à son aise : elle est belle, tendre et féconde (Chateaubr., Corresp., t. 1, 1803, p. 125).
2. Produire de légers mouvements, qui entraînent des effets changeants. Sur la plaine (...) flottait une brume très légère et la lumière nacrée jouait avec délicatesse entre les files des sveltes peupliers (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 516).Son irritation semblait s'atténuer; l'ébauche d'un sourire joua même sur ses lèvres (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 154).Elle s'était remise à frotter et les reflets qui jouaient sur l'armoire lui égayaient le cœur (Bachelard, Poét. espace,1957, p. 85):
38. ... les reflets du feu et les rayons de l'astre jouent autour de la chanteuse, halo d'or, de pourpre et d'argent, comme si les sons sortis de ses lèvres se changeaient en lumineuses ondes aériennes... Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 21.
Emploi pronom. réfl. La brise se jouoit dans sa chevelure blanchie, et le reflet des roses de l'aurore coloroit son front pâlissant (Chateaubr., Natchez,1826, p. 461).Un sourire troublant se jouait sur les lèvres d'Annalena (Milosz, Amour. initiation,1910, p. 62):
39. Les hommes ont eu beau exhausser par delà les brouillards, de hautes cheminées flamboyantes et bâtir partout des usines, la nature n'a pas moins fait de cette île, presque tout entière, un vaste pâturage sur lequel se joue un soleil douteux, pâlissant. Michelet, Chemins Europe,1874, p. 52.
B. − TECHNOL., emploi intrans.
1. Se mouvoir, fonctionner dans un espace déterminé. Ressort, verrou qui joue à l'aise, qui joue bien, qui ne joue plus. Expliquez-moi la manière dont les pièces de la machine jouent entre elles (Ac.1935).Rouletabille fit jouer le barillet de revolver de Darzac, sauter le culot de la cartouche qui avait donné la mort; puis il compara cette arme à l'autre (G. Leroux, Parfum,1908, p. 110).Il avait fait jouer un déclic dans la paroi de la muraille. Une armoire apparut, bondée de livres (Benoit, Atlant.,1919, p. 137):
40. ... il avait sur lui un petit trousseau de clefs, et il les essaya l'une après l'autre. Par un bonheur auquel il était loin de s'attendre, la dernière entra, tourna dans la serrure, fit jouer le pêne dans sa gâche, et la porte roula sur ses gonds. Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859, p. 217.
En partic. [En parlant de deux pièces assemblées] ,,Ne plus joindre parfaitement, posséder du jeu`` (Dew. Technol. 1973). V. jeu III B.
P. anal. [Le suj. désigne une partie du squelette ou du corps] Faire jouer ses articulations, ses muscles. Sa taille fine et souple comme un jonc jouait dans une large ceinture de laine rouge (Sand, Consuelo, t. 2, 1842-43, p. 269).Je viens de prendre une forte tasse de café, je me remets aux Paysans pour la dixième fois, et tous les muscles de ma face jouent comme ceux d'un singe (Balzac, Lettres Étr., t. 3, 1845, p. 45).Des os délicats et durs jouaient dans ses joues [de Chéri] selon la contraction rythmée des mâchoires (Colette, Fin Chéri,1926, p. 214).
Au fig. Dès que ma pensée ne joue pas librement, je bafouille (Mauriac, Bloc-notes,1958, p. 332).
Expr. Faire jouer (tous) les ressorts, certains ressorts. Mettre en œuvre tous les moyens, certains moyens pour parvenir à une fin. C'est le parti des plus forts, où toutes les puissances sociales se concentrent. Avec la loi pour théorie, avec la force pour ultima ratio, il fera jouer tous les ressorts pour garder la possession d'état (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. iv).
Rem. On relève en ce sens faire jouer toutes sortes d'influences (Ac. 1935). On dirait auj. : faire jouer ses relations.
2. Fonctionner. Au jardin des Tuileries, je regardais jouer le télégraphe, espérant ou craignant la nouvelle qui traversait l'air sur ma tête (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 200):
41. − C'est étrange, dis-je au petit prince, tout est prêt : la poulie, le seau et la corde... Il rit, toucha la corde, fit jouer la poulie. Et la poulie gémit comme gémit une vieille girouette quand le vent a longtemps dormi. Saint-Exup., Pt Prince,1943, p. 482.
Spécialement
a) [En parlant d'une mine, d'une pièce d'artillerie, d'un artifice] Faites jouer la mine, les pétards (Ac.1835-1935).Le premier jour, deux cent quatre-vingt huit pièces autrichiennes tirèrent cinquante et un mille coups de canon, et (...) le lendemain plus de quatre cents pièces jouèrent de part et d'autre (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 402).
b) [En parlant d'une pompe] Le navire en détresse tire des coups de canon d'alarme, mais il sombre avec lenteur... (...). Ils ont fait jouer les pompes pendant tout le jour. Efforts inutiles (Lautréam., Chants Maldoror,1869, p. 205).
c) [En parlant de jets d'eau, de cascades artificielles] C'est pour la première fois de ma vie que j'ai vu jouer les eaux de Versailles (Stendhal, Journal,1811, p. 3).
Au fig. Avoir un effet, intervenir. Une circonstance qui joue contre qqn, en faveur de qqn. Dans ce cas-là, la convention peut jouer (Ac.1935).L'homme, ici, n'est plus en prise directe sur le concret, le processus d'abstraction joue automatiquement (Schaeffer, Rech. mus. concr.,1952, p. 160).Les mêmes raisons qui ont exigé que ses camarades communistes fissent passer Nizan pour traître, ont joué aussi contre Sartre (Mauriac, Bloc-notes,1958, p. 661):
42. ... si (...) la proportionnelle jouait dans des circonscriptions multiples, par exemple les départements, tout au moins fallait-il que les voix qui n'entreraient pas dans les quotients locaux fussent additionnées à l'échelon national. De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 266.
3. Se resserrer ou se dilater sous l'effet de causes naturelles. Bois, meuble qui joue sous l'effet de l'humidité :
43. Malgré les alternatives de sécheresse et d'humidité, auxquelles le pont des gaillards [d'un navire] est si violemment exposé dans les climats intertropicaux, il [le teak] ne joue jamais... Croneau, Constr. nav. guerre, t. 1, 1892, p. 365.
REM. 1.
Jouasser, verbe intrans.a) Jouer distraitement. L'enfant jouasse sur le port; le garçonnet dedans (La Varende, J. Bart,1957, p. 10).b) ,,Jouer mal ou sans application, pour passer le temps plutôt que pour gagner une partie`` (Delvau 1883).
2.
Jouerie, subst. fém.Amusement, divertissement léger, facile. Griffith a été la seule dans le secret de ma jouerie à la poupée (Balzac, Mém. jeunes mar.,1842, p. 168).Au printemps, dans la turbulence de sa jouerie, le dragon aux anneaux bouillonnants envahit nos rues et nos maisons (...) aujourd'hui c'est la fête du fleuve : nous célébrons son carnaval avec lui dans le roulant tumulte des eaux blondes (Claudel, Connaiss. Est,1907, p. 118).
3.
Jouette, subst. fém.a) Chasse. ,,Trou moins profond que le terrier, que le lapin creuse en se jouant `` (DG). Synon. amusette (Duchartre 1973).b) Région. (Belgique, Lorraine du Nord). Enfant qui ne pense qu'à s'amuser (d'apr. Dupré 1972, Lanher 1977).
Prononc. et Orth. : [ʒwe], (il) joue [ʒu]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1100 intrans. « s'amuser, badiner, se distraire » (Roland, éd. J. Bédier, 1477); ca 1165 pronom. (Benoît de Ste-Maure, Troie, 5186 ds T.-L.); 2. a) ca 1100 juer as tables, as eschecs (Roland, 111, 112); ca 1165 joer a un jeu a aucun (Benoît de Ste-Maure, op. cit., 19075 ds T.-L.); ca 1170 joer le geu « gagner » (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 5875); ca 1175 joer un jeu « jouer une partie » (Horn, 2763 ds T.-L.); 1395 (Voyage du S. d'Anglure, 131, ibid. : sa cotte... fut jouee aux dez); b) 1155 jeu de combat (Wace, Brut, 4494, ibid.); ca 1160 joer a la palestre (Eneas, 2801, ibid.); c) fig. α) fin xiiies. [ms.] joer dou sien a aucun « tromper » (Renart, éd. E. Martin, XIII, 946, var. ms. H, 19-20); 1377 jöer de ses faus tours a aucun « jouer un mauvais tour à quelqu'un » (Gace de La Buigne, Deduis, 11980 ds T.-L.); β) 1671 il se joüe des difficultez (Pomey); 3. ca 1225 jouer de (un instrument de musique) (Auberon, éd. J. Subrenat, 2397 : J'ai un archon...; Pour vieler est fais; s'en jouerés); ca 1285 juer de se musete (Adam de La Halle, Robin et Marion, 56 ds T.-L.); 4. ca 1400 jouer le personnage « jouer la comédie, jouer son rôle » (Quinze joies de mariage, VI, éd. J. Rychner, p. 50, 36). B. 1. a) Ca 1225 joer o « mettre en action, en mouvement, agiter (une partie du corps) » (Péan Gatineau, St Martin, 176 ds T.-L.); 1266 joer de (Vers de la Mort, 156, 12, ibid.); b) 1616 faire jouer (l'artillerie) (D'Aubigné, Hist. univ., I, éd. A. de Ruble, t. 1, p. 67); 2. a) ca 1265 « se mouvoir avec aisance » ici, « s'ébattre (en parlant d'un oiseau de proie) » (Brunet Latin, Tresor, éd. J. Carmody, I, 198, p. 139); b) 1559 jouer librement (d'une balance) (Amyot, Vies, Camille, éd. G. Walter, XLIX, t. 1, p. 313); c) av. 1606 (Desportes, Angélique, I, ds Littré : Quant le vent... s'y joue [dans une chevelure]); 1770-83 (Buffon, Ois. t. VI, p. 126, ibid. : un noir... dont les reflets jouent entre le vert et le violet). Du lat. jocari « s'amuser, folâtrer; plaisanter, badiner » qui, à basse époque, s'est substitué à ludere « s'amuser, se divertir; jouer à un jeu (d'adresse, de hasard); se livrer à un exercice physique; jouer un rôle, contrefaire; se moquer de, railler; duper, tromper » dont il a assumé les sens. Fréq. abs. littér. Jouer : 16 610. Joué : 2 002. Fréq. rel. littér. Jouer : xixes. : a) 16 604, b) 25 537; xxes. : a) 25 798, b) 28 346. Joué : xixes. : a) 2 396, b) 3 080; xxes. : a) 2 742, b) 3 169. Bbg. Becker (K.). Sportanglizismen im modernen Französisch. Meisenheim, 1970, p. 229, 306, 326, 329, 331. - Keys (A.C.). Jouer d'un instrument. In : [Mél. Harmer (L.C.)]. London-Toronto-Wellington, 1970, pp. 53-64. - Quem. DDL t. 2, 6, 9, 12, 13, 14, 16, 19, 21. - Rohlfs (G.). Jouer de la flûte, ein Germanismus? Arch. St n. Spr. 1964, t. 201, pp. 169-174. - Ulland (W.). Jouer d'un instrument. Bonn, 1970, pp. 95-164

Wiktionnaire

Verbe - français

jouer \ʒwe\ ou \ʒu.e\ transitif indirect, intransitif 1er groupe (voir la conjugaison) (pronominal : se jouer)

  1. Se récréer ; se divertir ; s’amuser.
    • L’enfant a besoin de jouer, et jouer ici n’est pas vide de sens et synonyme de perte de temps. Jouer, c’est développer son intelligence, son jugement, son imagination, sa créativité, son sens de l’organisation, son sens de la collaboration, son sens de l’entraide, du compromis et de l’empathie, c’est aussi être capable de faire des choix. — (Michelle Chamard, « Que voulons-nous pour nos enfants? », le 3 janvier 2015, sur le site du quotidien Le Devoir, (www.ledevoir.com))
    • Je me replie dans ma chambre, après être redescendue dans le salon où j'ai trouvé Papa, Henri et Mayeul en plein fou-rire […], et après avoir tenté de m’insérer dans le jeu de Jean-Baptiste et Diane qui jouaient au papa et à la maman, mais qui voulaient que je fasse le chien. — (Élisabeth Lucas, Les tribulations d'Aliénor en milieu étudiant (et parfois hostile), Paris : Éditions Emmanuel, 2018)
    • Les don Quichotte qui pourfendent la « théorie du genre » s’effraient en effet que des filles jouent avec des voiturettes ou que des garçons changent les couches d'un poupon ou jouent à la dînette. — (Thierry Hoquet, Des sexes innombrables. Le genre à l'épreuve de la biologie, Éditions du Seuil, 2016, introduction)
  2. (Figuré) Prendre des risques ; user sans ménagement. — Note : Se dit en parlant de sa vie, de sa santé, etc.
    • Elle n'avait pas envie d'entendre une ixième fois le discours que servait son homme quand on lui disait qu'il jouait avec sa santé. Oh ! Après tout, il fait ce qu'il veut! — (Pieter Aspe, Le Tableau volé, ‎traduit du néerlandais par Emmanuèle Sandron, Éditions Albin Michel, 2011, chap. 3)
    • Le sultan retrouva son calme. Je m'aperçus qu'il n’aimais rien tant que la joute verbale. Il aimait le répondant. Il aimait aussi que son interlocuteur jouât avec sa vie. — (Olivier Weber, L'Enchantement du monde, Éditions Flammarion, 2015, chap. 38)
  3. (En particulier) S’amuser à un jeu quelconque.
    • Comme j'aime les jeux d'exercice, j'y jouois deux heures le matin et autant l'après-dînée. Mon mail s'acheva, à quoi je jouai avec madame de Frontenac, qui me disputoit sans cesse, quoiqu'elle me gagnât toujours : car, quoique je jouasse avec plus d'adresse, sa force l'emportoit par-dessus. — (Mémoires de Mlle de Montpensier, petite-fille de Henri IV, collationnés sur le manuscrit autographe, par A. Chéruel, tome 2, Paris : chez Charpentier, 1858, page 250)
    • On se marre comme des fous en jouant à chat, chat perché, et même chat-bite quand on a un peu trop picolé. — (Bérengère Krief, La prochaine fois je vous montre mon chat, Flammarion, 2015, prologue)
    • À peine fûmes-nous dans le salon, qu'elle se mit au piano, répéta les airs qu'il préfère, chanta les chansons qu'il aime, voulut qu'il jouât aux échecs avec moi. Il céda à tous ses désirs, écouta la musique, joua aux échecs, mais fut pensif le reste de la soirée; […]. — (Adélaïde de Souza, Adèle de Sénange, Londres, 1792, Éditions Payot & Rivages, 2018, lettre XV)
    • Ensemble, ils jouaient à la belote ou aux petits chevaux. Quand il y avait la foire aux Tuileries, ils y passaient des heures. — (Amélie Nothomb, Riquet à la houppe, Éditions Albin Michel, 2016)
    • Durant l'après-midi, les jeunes jouèrent au badminton dehors. Les dames se balancèrent. — (Carole Thibault, Série policière : L' Horloge: Les Jumeaux, Osmora Incorporated, 2018, chap. 8)
    • (Absolument)Complètement épuisé, j'ai commencé à mal jouer. Et là, j'ai découvert un truc intéressant. Quand son adversaire jouait mal, Kučera prenait le pli, signant lui aussi une piètre performance. — (Gustavo Kuerten, Guga: Un Brésilien, une passion française, Paris : Éditions Talent Sport, 2015)
  4. (Spécialement) (Sport) S'adonner à un sport d'équipe.
    • À quelques mètres des grilles, le bus est stoppé par des « supporters » qui lancent des pierres et des bombes agricoles sur le véhicule. Bloqués pendant de longues minutes et traumatisés, les joueurs rentrent en Normandie sans avoir joué. — (Tony Chapron, en collaboration avec Patrick Lafayette, Enfin libre ! Itinéraire d'un arbitre intraitable, Arthaud/Flammarion, 2018)
  5. Passer le temps à des jeux de commerce ou de hasard.
    • Jouons donc jusqu’à concurrence de vos six écus, et, si vous les perdiez par malheur et que vous voulussiez continuer le jeu, eh bien, vous êtes gentilhomme, et votre parole vaut de l’or. — (Alexandre Dumas, La Reine Margot, 1845, volume I, chapitre VII)
    1. (Suivi de à et d’un substantif spécifiant le jeu) Engager de l’argent dans un jeu de hasard.
      • Pierre Guyon tenta de ramener le débat à de justes proportions : « Chaque dimanche, plus de six millions de personnes jouent au tiercé dans le PMU de leur quartier ou de leur localité.[…]. » — (Paul Chantrel & ‎Jean-Claude Hallé, Le marginal, Éditions Julliard, 1979, chap. 58)
      • La Reine était dans la plus grande détresse de voir son fils compromis dans une telle affaire. A elle, il donna l’assurance qu’il ne jouerai plus à des jeux de hasard, et qu’il ne permettrait pas en sa présence que l’on jouât au baccara. — (Léon Lemonnier, Édouard VII: le roi de l’Entente cordiale, Librairie Hachette, 1949, page 142)
      • Il était d'un rat ! imaginez-vous, le soir, en se couchant, il cachait ses louis dans ses bottes, et quand nous jouions au bésigue, il mettait des haricots, parce qu'un jour j'avais fait la blague de sauter sur l'enjeu. — (Zola, Nana, 1880, page 1482)
    2. (Transitif) Hasarder des sommes ou des objets de valeur au jeu ou en bourse ; spéculer.
      • J'allai trouver M. J. N., agent de change, qui voulait absolument que je jouasse à la baisse, mais je me gardai bien d'écouter ses conseils. J’opérai à 53, et un peu plus tard je réalisai à 62. — (Adélaïde Millo de Campestre, Mémoires de madame de Campestre, tome 1, Paris : chez M. Antenor de Campestre, 1827, page 325)
      • Le marquis faisait des affaires avec sagacité ; à portée de savoir des nouvelles, il jouait à la rente avec bonheur. — (Stendhal, Le Rouge et le Noir, 1830, page 264)
      • Je suis un joueur, moi (...). Je joue sur les chevaux, je joue sur les cotons, je joue sur les cailloux et sur les perles... Je joue sur les jolies filles. — (Druon, Gdes fam., t. 1, 1948, page 83)
      • Le ministre des finances, sans le vouloir, précipita les événements. En ce moment il jouait à la baisse : pour déterminer une panique, il fit courir à la bourse le bruit que la guerre était désormais inévitable. L’empereur voisin, trompé par cette manœuvre et s’attendant à voir son territoire envahi, mobilisa ses troupes en toute hâte. — (France, Île ping. ,1908, page 390)
      • (Figuré) Le jeune homme qui courtise la fortune doit savoir jouer sur la vanité des salons qu'il fréquente. — (Stendhal, Mémoires d’un touriste, t. 2, 1838, page 358)
  6. Exploiter une situation, un sentiment ou une idée pour en tirer parti.
    • S'il est un domaine où les pays occidentaux doivent aussi se serrer les coudes, c'est celui de la lutte contre le terrorisme. Forme de guerre moderne, ce dernier joue de la peur pour imposer ses vues. — (Alain Redslob, La traversée de la Seine : De Matignon à l’Élysée ?, Éditions France-Empire, 1987, chap. 4, §. 3)
    • Contraint mais pas forcé, l’ancien champion se lance à corps perdu dans le projet, joue de la sympathie dont il jouit partout, notamment au CIO, pour faire passer les messages parisiens, transforme la maire Anne Hidalgo, longtemps réticente, en passionaria du dossier. — (JO-2024: les fabuleux destins de Tony Estanguet, AFP le 14.09.2017, sur le site de Challenges (www.challenges.fr))
    • La force collectiviste de la religion a été mentionnée aussi notamment par Marx, […], elle serait capable de transformer les foules, ce pourquoi d’ailleurs maints gouvernements jouent de la religion pour parvenir à leurs fins. — (La religion - Philosophie - Terminale ES, chap. II, §. A, sur le site Super BAC ES (www.bac-es.net), non daté, consulté le 6/02/2020)
  7. Se servir de l’instrument qui est nécessaire pour l'activité de tel ou tel jeu.
    • Si le sprinter jamaïcain Usain Bolt avait couru avec des sabots, il n'aurait pas été champion olympique. Si Rafael Nadal avait joué avec une raquette en bois, jamais il n'aurait gagné les tournois du grand Chelem en tennis. — (Paul Rigny, ‎Danièle Olivier, ‎Jean-Claude Bernier & Constantin Agouridas, La chimie dans le sport, Fondation de la Maison de la Chimie, Éditions EDP Sciences, 2015, page 40)
    • Des gamins jouaient avec un ballon de cuir. Robbie était parmi eux et Ian s'arrêta pour les regarder. — (Susan Wiggs, Le tourbillon des jours, traduit de l'anglais (États-Unis) par Louis de Pierrefeu, Paris : Éditions Harlequin, 2019, chap. 7)
  8. Utiliser avec habileté et ténacité, en parlant d'une arme blanche.
    • Il était 6 heures du matin ; sautant leur petit mur, ils se précipitèrent vers un des postes où les Arabes étaient en train de manger leur couscouss, jouèrent de la baïonnette, allant vigoureusement, culbutèrent; […]. — (« Sidi Brahim », dans Armée et marine, dirigé par Jules de Cuverville, tome 1, 1906, page 158)
    • Les combattants marocains des troupes franquistes étaient experts dans ces sortes de coups de main, ils s’infiltraient en profondeur dans les lignes ennemies et jouaient du couteau sans états d'âme. Ils s'en délectaient. — (Arturo Pérez-Reverte, Falcó, traduit de l'espagnol par Gabriel Iaculli, Éditions du Seuil, 2018, chap. 5)
  9. (Par extension) Se servir d’un instrument de musique, en tirer des sons.
    • […]; la domesticité nobiliaire était fort recherchée, et il ne faudrait pas conclure que l’instruction musicale fût assez répandue à cette époque pour que tous les laquais jouassent du violon. — (Ludovic Celler, Les Origines de l'opéra et le ballet de la Reine (1581), étude sur les danses, la musique, les orchestres et la mise en scène au XVIe siècle, chap 5 : Baltazarini, Didier : chez Didier & Cie, 1868, page 135)
    • Et comme l’instrument du sensible troubadour était presque aussi connu que sa personne, que d'ailleurs il n'y avait guère que lui qui jouât de la guitare dans le pays , chacun s'était écrié : « […] ». — (Paul de Kock, L'amant de la lune, Bruxelles : chez Meline, Cans & Cie, 1847, page 52)
    • Une recette, c’est comme une partition. La musicienne lit les notes qui se présentent à elle et, simultanément, elle en entend la mélodie : les voir c’est les entendre, avant même de les jouer. — (Françoise Vergès, À vos mangues !, traduction de Dominique Malaquais, dans Politique africaine, 2005/4, n° 100, page 319)
  10. (Par métonymie) Émettre de la musique.
    • Il est une heure. Un accordéon joue dehors. — (Félix Leclerc, Moi, mes souliers, 1955)
    • Dans leur moitié de monde, sans doute, un orchestre jouait au loin, des oiseaux bleus gazouillaient, des petits nuages roses défilaient en trombe dans le ciel, enfin tout ce qui se passe dans ces moments-là. — (Terry Pratchett, Les Annales du Disque-monde, tome 5 : Sourcellerie, traduit de l'anglais par Patrick Couton, Nantes : L'Atalante, 2012)
  11. Se mouvoir, avoir l’aisance et la faculté du mouvement. — Note : En ce sens, il se dit surtout des ressorts, des machines, etc.
    • Un serrurier fut requis, et on monta au premier étage.
      Après quelques difficultés, le pêne joua dans la serrure ; mais la porte me s'ouvrit pas.
      — Fermée en dedans, dit l'inspecteur, bien !
      — (Adolphe Belot & Jules Dautin, Le Parricide, tome 1, 2e éd., Paris : chez E. Dentu, 1873, page 3)
    • Le châssis grinça encore, puis, dans un crissement horripilant, le levier joua et la roue trembla et retomba dans l’eau dans un fracas tonitruant. — (Tad Williams, L’arcane des épées, tome 8 : La tour de l’ange vert, traduit de l’américain par Jacques Collin, Editions Pocket/12-21, 2016)
    • Lorsque le tenon joue dans la mortaise, l’assemblage se trouve promptement détruit par les efforts auxquels il est nécessairement soumis. — (De la charpente : comprenant les assemblages, les poutres armées, […], et la manière d’exécuter ces ouvrages, Bruxelles : au bureau de la Bibliothèque rurale, 1852, page 8)
  12. S'appliquer.
    • Ces clauses jouent généralement lorsque l’entreprise est proche de la faillite. Toutefois, l’application de ces clauses est subordonnée à des garanties d'emploi et à l’approbation du syndicat et de la fédération d’employeurs. — (Études économiques de l’OCDE : Allemagne, 1997, page 137)
  13. (Absolument) Faire du théâtre.
    • Les acteurs, soit qu'ils jouassent ou ne jouassent point dans la pièce, avaient leur entrée dans la salle, et les conservèrent tant que ces petites fêtes particulières eurent lieu. J'ai dit que les femmes n'y étaient pas admises ; mais les actrices qui ne jouaient pas étaient placées dans une loge située le long des coulisses, […]. — (Pierre Laujon, Spectacle des petits cabinets de Louis XV, dans Œuvres choisies de P. Laujon, membre de l'Institut, tome 1, Paris : chez Léopold Collin & chez Patris & Cie, 1811)
    • Cela ne l’empêchait nullement de réclamer à Jim des entrées de faveur lorsqu’il jouait dans un music-hall à Paris. — (Francis Carco, L’Homme de minuit, Éditions Albin Michel, Paris, 1938)
  14. (Pronominal) Se recréer, se divertir. — Note : Il se dit quelquefois, poétiquement, des choses.
    • Voulez-vous savoir combien est vif & impétueux l'amour que nous avons pour les nôtres? Voyez ces feux qui se jouent dans les airs. Ceux-ci s'élancent comme un trait rapide; ceux-là s'écartent de toutes parts avec effort , mêlent leurs éclats redoublés aux cris d'un Peuple transporté de son bonheur : […]. — (Pons Augustin Alletz, « Sur la joie des François lors de la convalescence du Roi , après la maladie de ce Prince à Metz, en 1744 », dans les Modèles d'Éloquence Latine, ou Morceaux choisis dans les Discours publics des Professeurs les plus célèbres…, Cologne & Paris : chez J. B. Brunet, 1775, page 314)
    1. (En particulier) (Au gérondif) en s’amusant ; sans application et sans peine.
      • L'insensé commet le crime comme en se jouant ; la sagesse est la prudence de l'homme.
        Il y a des crimes qui déshonorent, comme les vols & les homicides, & il faut qu'un homme soit un scélérat pour les commettre en se jouant.
        — (Proverbes de Salomon, traduits en françois avec une explication tirée des SS. Pères & des Auteurs ecclésiastiques, Paris : chez Guillaume Desprez, 1702, page 227)
      • Lors de sa cinquième séance publique au local du Casino de Genève, il y eût un petit complot parmi les auditeurs, pour faire surgir une difficulté que l'on croyait inextricable. A cet effet, on invita M. de Pradel, presque sous forme de défi, à essayer l'accouplement de ces deux mots : Aurore et Culotte, que l'improvisateur mit en œuvre en se jouant : […]. — (Adrien Heurpé, Eugène de Pradel, l'improvisateur en vers français à Hombourg-ès-Monts, Hombourg : à l'imprimerie de Louis Schick, 1828, page 4)
  15. (Pronominal) (Figuré) (Désuet) Attaquer inconsidérément quelqu’un.
    • J'avoue que tout cela m'indignait ; mais je dis constamment à M. Fontelliau, et je croyais le lui devoir par gratitude, qu'il se jouait à plus fort que lui en vous attaquant; […]. — (Honoré Mirabeau, « Lettre LXV à M. de Rougemont », du 29 septembre 1778 au donjon de Vincennes, compilée dans les Lettres à Sophie, tome 2 , dans les Œuvres de Mirabeau, Paris : chez Lecointe & Pougin & chez Didier, 1835, page 110)
    • Dans toute cette affaire, Charles II, toujours trompé et toujours croyant qu'il trompait, se jouait à plus fort que lui. L'homme politique habile et supérieur était Louis XIV, qui, connaissant les besoins et les folies du roi d'Angleterre, employait cet instrument pour préparer la conquête de la Hollande. — (Portraits historiques : Le comte de Shaftesbury, traduit de l'anglais de Shaftesbury's Memoirs, dans la Revue britannique, février 1838, page 109)
    • Le Cardinal : Menace de femme ! Écoutez-moi et ne vous jouez pas à moi. Que vous m'ayez compris bien ou mal, allez ce soir chez le duc. — (Alfred de Musset, Lorenzaccio, 1834, acte 4, scène 4)
  16. (Pronominal) Dédaigner ; considérer quelqu’un ou quelque chose comme négligeable ; témoigner qu’on n’en fait peu de cas.
    • Dans l'espoir de se délivrer d'une partie de ses ennemis, il céda aux rois des Francs la Provence et tout ce qu'il possédait au delà des Alpes, à condition qu'ils le défendraient contre les Grecs : mais les rois francs, après avoir réuni ces belles provinces à leur empire, se jouèrent de leurs serments. — (« Vitigès », dans Biographie universelle ou Dictionnaire de tous les hommes qui se sont fait remarquer par leurs écrits, leurs actions, leurs talents, leurs vertus ou leurs crimes, tome 20, Bruxelles : chez H. Ode, 1847, page 274)
    • Les Loges de Paris et de la province se jouèrent de la direction suprême, et travaillèrent au gré de leur caprice, inventant des grades, des formules, des cérémonies, créant même des Rites, des Mères Loges. La Grande-Loge anglaise de France profita de cette anarchie pour secouer le joug de l'Angleterre et prit, en 1756, le titre national de Grande-Loge de France. — (Réponse à la circulaire de S.E. le maréchal Magnan Gr∴ M∴ du Grand-Orient de France, en date du 30 avril 1862, Paris : imprimerie de E. Donnaud, page 5)
    • Car c'est là ce qui domine tout: c'est le Sultan qui a voulu, qui a organisé, qui a dirigé les massacres.[…].
      En même temps, il se jouait de l'Europe, il se jouait de vous et de l'humanité.
      — (Jean Jaurès, « Discours du 3 novembre 1896 à la tribune de la Chambre des députés » , en recueil dans Il faut sauver les Arméniens, Éditions Mille et une nuits, 2007 & 2015)
  17. (Pronominal) Se moquer de ; railler adroitement.
    • Quand on l'eut trouvé dans la foule des électeurs du palatinat de Sandomir, qu'on l'eut mis sur un char, traîné au milieu des comices, salué de génuflexions et de houras unanimes, il ne douta point que ce ne fût une raillerie, et que ses concitoyens ne se jouassent de lui. — (Narcisse-Achille de Salvandy, Histoire du roi Jean Sobieski et du royaume de Pologne, livre 5 : Suite des travaux de Jean Sobieski et règne de Michel Korybuth Wisniowieçki (1668-1673), Paris : chez Didier, 1855, page 345)
    • Il y a dix ans que je vous connais, croyez-le, et je m'attendais à votre ingratitude. Ainsi je n'ai mérité qu'un attachement vulgaire, et il a suffi qu'une petite fille minaudière et coquette se jouât de vous pour vous détourner en un instant de celle... — (Louis Edmond Duranty, Le malheur d'Henriette Gérard, Paris: chez G. Charpentier, 1879, page 94)
  18. (Transitif) (Figuré) Exposer témérairement.
    • Mais quand il s'y risqua , il aurait dû savoir qu'il jouait sa vie. Jamais on n'a vu de gouvernement , quelque libéral qu'il puisse être , admettre la pratique que l’insurrection contre lui doit rester impunie. — (John Lingard, Histoire d'Angleterre, depuis la première invasion des Romains, traduite de l'anglais par M. le Chevalier de Ronjoux, tome 12, Louvain : chez Vanlinthout & Vandenzande, 1831, page 190)
    • Tous les journaux en étaient pleins. Des millions et des millions de regards étaient fixés sur la scène où défilaient ces acteurs qui jouaient leur honneur et leur vie. — (Joseph Reinach, Histoire de l'affaire Dreyfus, tome 3 : La crise : Procès Esterhazy - Procès Zola, Éditions de la Revue blanche, 1903, page 404)
  19. (Transitif) (Figuré) Tromper ; abuser.
    • Quelle n'est donc pas notre folie, chrétiens auditeurs, de faire tant pour le monde et si peu pour Dieu ! de travailler sans cesse pour ce monde ennemi qui nous joue , qui nous tient dans les ténèbres du péché, qui nous enlève toutes les consolations de la vertu, […]. — (Abbé Joseph-Innocent Ricaud, Cours d'homélies sur les évangiles des dimanches de l'année, tome 3, 2e éd., Avignon : chez Seguin Aîné, 1854, page 240)
    • — Oh ! remarquez-vous, ma tante, dit la jeune Martine, sœur Agnès et sœur Claire qui pleurent auprès d’elle ?
      — Ma nièce, elles se désolent d’être la proie du démon.
      — Ou se repentent, dit la même voix d’homme, d’avoir joué le ciel.
      — (Alfred de Vigny, Cinq-Mars, Michel Lévy frères, 1863)
    • Thommereux. — Oui, oui… Je ne vois pas bien en quoi une partie d’écarté…
      Ribadier. — Comment, tu ne saisis pas ?… Eh ! parbleu, il s’agit de jouer ma femme !
      Thommereux. — À l’écarté ! Ah ! non alors ! Au baccara plutôt ! J’y ai la veine !
      Ribadier. — Quoi ? Qu’est-ce que tu vas comprendre ! Nous allons jouer ma femme… Nous allons lui donner le change, quoi !
      Thommereux. — Ah ! bon !
      (À part.) Ça m’étonnait aussi de sa part ! — (Georges Feydeau, Le Système Ribadier, 1892, acte II, scène 8)
    • Dès qu’il fit ce geste, je bondis à mon tour et traversai l’allée. Je le vis, comme dans un rêve, se hâter de saisir l’arme, mais j’étais déjà à couvert quand il épaula. […] Je l’avais joué. — (Pierre Boulle, La Planète des singes, Julliard, 1994, page 56)
    • J'imaginais mes histoires d'amour bien plus que je ne les vivais.[…]. Mais je les ai vécues quand même. L'intensité n'est peut-être au fond qu'une question de regard. Je me suis fait jouer plusieurs fois, comme ça. Les hommes confondent souvent la générosité avec le manque d'intelligence. — (Sylvie Desrosiers, Voyage à Lointainville, Montréal (Québec) : Éditions La courte échelle, 2004, page 57)
  20. (Transitif) Se livrer à tel ou tel jeu, avec une ou plusieurs personnes.
    • Il n'y avait alors que les gens de l'aristocratie qui jouassent aux échecs en Angleterre, et ce noble jeu était fort à la mode parmi eux, grâce à Philidor, le plus habile et le plus célèbre joueur d’échecs du monde entier. — (« Le secret du fameux automate joueur d'échecs », dans Les Modes parisiennes illustrées, n° 1081 du 14 novembre 1863, page 548)
    • Béru et Pinuche y jouent à la belote en buvant du vin rouge. Je m'amène en plein carré de dames. Il appartient au Gros, lequel ne se tient plus de joie. — (Frédéric Dard, San-Antonio : Le coup du père François, Paris : Éditions Fleuve noir, vers 1952, rééd. 1972 & 1980, chap. 3)
  21. (Transitif) Mouvoir l'élément d'un jeu.
    • Livka qui avait un temps d'avance dans le développement du jeu entama la partie en jouant le pion à d4. L'Arménien répliqua par un pion à e6. Livka sortit ensuite son Cavalier à f3 et son adversaire joua un pion à f5. — (Alain Pujol, Cocktail négus, Paris : Presses de la Cité (Collection Espionnage), 1960, chap. 7)
    • Quand les attaquants jouent le ballon dans la zone de danger, le défenseur a 50 pour cent de chances de pouvoir le dégager - ce qui signifie envoyer le ballon haut et loin des buts. — (« L'enseignement des techniques et tactiques défensives », chap. 8 de Entraîner les jeunes footballeurs, ASEP, traduit de l'américain & révisé par Alexandre Dellal, Marion Derand & Pierre Barrieu, Éditions De Boeck, 2009, page 105)
    • Ils allèrent ensemble sur le départ des femmes, Catherine, joua sa balle rapidement, le même claquement, la même direction qui me fit tourner la tête sur la gauche attendant le bruit caractéristique de la balle dans les branches, […]. — (Gilles Berlit, Été 60... Catherine Buckaert-Weiss, Le Petit-Quevilly : Éditions Gilbert Berrubé, 2010, page 32)
    • Jouer un jeu, Le savoir bien jouer, le jouer par préférence, être dans l’usage, dans l’habitude de le jouer.
  22. (Transitif) Mettre en jeu une carte ou une couleur dans laquelle on joue.
    • Si, à la seconde levée, A avait joué son 7 de cœur au lieu de son roi d’atout, cette manière inattendue de jouer aurait dû mettre votre défiance en éveil, car elle aurait indiqué soit que A est un joueur extraordinaire, soit qu'il emploie certains moyens pour deviner votre jeu. — (« Les jeux de cartes », dans la Grande encyclopédie méthodique, universelle, illustrée des jeux et des divertissements de l'esprit et du corps, Librairie illustrée, 1888, page 545)
    • (Dans une tournure ancienne et intransitive)Il en est de même du Deux de Trèfle, quand on joue en trèfle.
      Quand on joue en rouge, le Sept de cœur ou le Sept de Carreau sont la seconde Triomphe : c'est-à-dire, le Sept de Cœur quand on joue en Cœur, & le Sept de Carreau quand on joue en Carreau, & pour lors s'apellent aussi Manille.
      — (« Le Jeu de l'Hombre à Trois », dans l’Académie universelle des jeux: avec des instructions faciles pour apprendre à les bien jouer, nouvelle édition, 1re partie, Amsterdam, 1763, page 148)
  23. (Par extension) Choisir la stratégie d'une action ; agir avec tactique.
    • Si le RPR espérait consolider ses positions lors des élections sénatoriales de 1998, il ne pouvait gagner le « plateau » qu'avec l’appui des centristes. Or Jacques Chirac avait tout intérêt à jouer l’union des forces de droite plutôt que la division […]. — (René Monory, La Volonté d'agir, Éditions Odile Jacob, 2004)
  24. (Transitif) Exécuter un air ou un morceau de musique, sur un instrument ou avec des instruments.
    • […] : c'étaient les abonnés du Conservatoire qui, ce jour-là, faisaient preuve d'une vive et intelligente curiosité; ils étaient venus chez M. Seghers, parce que l'on y jouait une symphonie nouvelle de Mendelssohn, […]. — (Léon Kreutzer, « Société des Concerts et Société Sainte-Cécile », dans la Revue et gazette musicale de Paris, 20e année - n° 15 du 10 avril 1853, page 129)
    • Tenant dans ses bras Marie, âgée de trois ans, il la présentait avec orgueil aux ambassadeurs étrangers et voulait qu'elle jouât du clavecin en leur présence. C’était merveille de voir courir de si faibles doigts sur les touches avec précision et rapidité. — (Adelaïde Celliez, « Marie Tudor », dans Les Reines d'Angleterre, Paris : chez P.-C. Lehuby, 1852, page 461)
    • Vous entendez les hautbois ? Ils jouent le prélude de Lohengrin et se répondent d'une tour à l'autre de mon château. — (Thierry Debroux, Le Roi Lune : théâtre, créée au Théâtre du Méridien de Bruxelles le 26 avril 2005, Éditions Lansman, 2005, page 47)
    • Le nombre et la place des trous du tuyau varie selon le type de musique que l'on joue. À l'origine, il est souvent fixé impérativement par des règles d'origine extra-acoustique, magiques ou religieuses. — (Émile Leipp, Acoustique et musique: données physiques et technologiques, […] , Éditions Masson, 1971 , page 233)
  25. (Transitif) Représenter. — Note : Se dit en parlant, soit de la pièce de théâtre qu’on représente, soit du personnage qu’on est chargé d’y représenter.
    • On eût désiré que la scène du défi devînt plus piquante; que Boileau jouât un personnage moins subalterne; surtout, que Philippe, dans son joyeux délire , n'eût pas l'air si sûr de ses avantages sur le poëte satyrique , et ne se comparât point avec Homère. — (L. C., « Théâtre du Vaudeville : Philippe le savoyard », dans La Décade philosophique, littéraire et politique, Paris : au bureau de la revue, an IX, 2e trimestre (nivôse, pluviôse, ventôse), page 566)
    • Les principaux acteurs étaient M. de Voltaire qui s'était chargé des rôles de vieillards, madame Denis qui jouait les amantes passionnées , un imprimeur de Genève , appelé Craner, qu'on habillait en Gengis-kan ou en Orosmane, et Chabanon qui avait l’emploi des jeunes premiers. — (« Mémoires sur la vie de M. de La Harpe », dans Œuvres choisies et posthumes de M. de La Harpe de l'Académie française, tome 1, Paris : chez Migneret, 1816, page xxj)
    • Le tribunal était comme un théâtre. Les avocats s’animaient comme s’ils jouaient une pièce de Shakespeare. Ils parlaient haut et fort avec une désinvolture qui caractérise les acteurs de théâtre. — (Frédéric Hoebeeck, « Cette blessure: Souvenirs d'un enfant de l'assistance publique », Watermael-Boitsfort : Éditions Checopa & Paris : BoD/Books on Demand, 2017, page 287)
  26. (Transitif) Railler quelqu’un, le tourner en ridicule sur le théâtre :
    • La fameuse bulle Unigenitus était le sujet de la querelle. Les Jésuites, soutiens de la bulle, jouaient leurs adversaires dans des comédies qu'ils faisaient représenter par leurs élèves. — (C. D., « Bougeant (Guillaume-Hyacinthe) », dans la Biographie bretonne: recueil de notices sur tous les Bretons qui se sont fait un nom, par P. Levot, tome 1, Vannes : chez Cauderan, & Paris : chez J. Le Doyen & P. Giret, & chez Dumoulin, 1852, page 153)
    • « Les ouvrages les plus rares, les belles éditions, tout est consumé au fur et à mesure qu'on découvre un auteur païen ou un philosophe...[…]. Molière qui joua les faux dévots, La Fontaine qui fit parler les bêtes, Voltaire, Rousseau, d'Alembert, La Harpe, etc., etc., sont réduits en cendres. De pareils auto-da-fé sont des crimes irrémissibles et une injure faite au siècle où nous vivons. » — (Charles-Olivier Carbonell, L'autre Champollion: Jacques-Joseph Champollion-Figeac, 1778-1867, Presses de l'Institut d'études politiques de Toulouse, 1984, page 25)
  27. (Transitif) (Figuré) Feindre des sentiments qu’on n’a pas.
    • — Oh toi, ronchonne-t-elle, tu joues l’esprit fort, n’empêche que tu dormais mal, souviens-toi. Et que t'as été bien content de rhabiter Paris. — (Frédéric Dard, San-Antonio, n° 63 : Faut être logique, Éditions Fleuve Noir, 1967)
    • Simon a passé une heure sur ce toboggan, hier soir, en présence de son père. Il n'est pas tombé une seule fois. Alors cesse de jouer les rabat-joie et écoute ce que j'ai à te dire. — (Kay Stockham, Les promesses du Tennessee, traduit de l'anglais par Isabel Wolff-Perry, éd.Harlequin, 2010, chap. 8)
    • Nos parents jouèrent la surprise avec brio en déballant leur cadeau, ce qui nous rendit heureux et fiers, au bord des larmes de bonheur... La réalité est que le couple qui tenait la succursale du Primistère, amusé et surpris de notre démarche, n'avait pu tenir sa langue. — (Alain René Poirier, Souvenirs mélangés d'un Parisien malgré lui, Paris : BoD/Books on Demand, 2017, page 87)
  28. (Transitif) (Figuré) Être l'acteur de. — Note : Voir aussi l'expression jouer un rôle.
    • […].. et vous vous en prenez à moi, à moi qui devrais plutôt vous en vouloir ; car, enfin , vous m’avez rebuté, et il n’a pas dépendu de moi que je ne jouasse aujourd'hui le premier rôle dans la cérémonie qui se prépare. — (Armand Overnay & Théodore Nézel, La nuit des noces, drame en trois actes, acte 1, scène 6, créé au Théâtre de l'Ambigu-Comique, le 24 janvier 1826, Paris : chez Duvernois, 1826, page 10)
    • On chercherait en vain une fonction analogue dans le rôle que joue la raison dans la théologie chrétienne. — (Édouard Burnier, Bible et théologie: essais critiques, éditions F. Roth, 1943, page 112)
    • C'est la position que défend Freud, ce qui explique, selon lui, le rôle que joue la haine dans la vie des individus et des sociétés humaines. — (Jacob Rogozinski, Djihadisme : le retour du sacrifice, Éditions Desclée De Brouwer, 2017)
  29. (En particulier) Remplacer dans la fonction ; se substituer à…
    • Lorsque je prétends que « voler un voleur n'est pas méprisable » ce n'est pas une raison pour que tes sbires chargés de faire respecter l'ordre et la morale en déduisent qu'ils peuvent jouer les ripous avec des voyous, ou leur piquer la came en étouffant l'affaire. — (René Paloc, S'indigner ne suffit plus: France, ta République fout le camp, Mon Petit Éditeur, 2014, page 83)
  30. (Transitif) Imiter une chose, en prendre l’apparence.
    • Ce papier joue le velours. — Cette étoffe joue la soie. — Cette composition joue le diamant.
  31. (Familier) (Vieilli) Diffuser un film, au cinéma ou à la télévision.
    • — Après toute cette pluie, on a besoin de voir un peu la ville.
      — « Et de se réchauffer... »
      — Qu'est-ce qu'on joue au ciné ?
      — Ah non, pas de cinéma. On joue « Le Pont des soupirs... »
      — (Gaston Bonheur, À Fréjus ce soir-là, Éditions Julliard, 1960, page 97)
    • Tandis que là, elle n'en finissait pas sa dernière heure !
      D'autant qu'elle me dit :
      — Qu'est-ce qu'on joue ce soir à la télé ?
      Je lui dis :
      Les cinq dernières minutes, belle-maman !
      Elle me dit :
      — Oh, c'est plus qu'il ne m'en faut ! Et elle s'installe devant le poste.
      — (Raymond Devos, « La Dernière heure », 1977, en réunion dans Matière à rire : l'intégrale, Éditions Plon, 2015)
  32. (À la forme passive) Être fini ; être terminé ; ne plus être d’actualité.
    • Quand Olivier Émery était au fond du trou comme aujourd'hui, il n'avait plus aucun espoir et pressentait que tout était joué. Téléphoner à FIP ne servirait plus à rien, aucun réconfort ne lui parviendrait, […]. — (Jean-Marc Souvira, Le Vent t'emportera, Éditions Fleuve Noir, 2011, chap. 24)
  33. Mordre ou mâcher, en parlant du cheval avec son mors.
    • Le fiacre passa sans s'arrêter, tiré par un cheval roux et noir écumant de sueur, les oreilles baissées, qui jouait avec son mors comme s'il cherchait à le recracher. — (Robin Schone, Le club, tome 2 : Pour l'amour de Rose, traduit de l'anglais (États-Unis) par Camille Dubois, Éditions J'ai lu, 2016, chap. 1)
    • En termes de Manége, Ce cheval badine avec son mors, Il joue avec son frein. — (Dictionnaire de l'Académie française, 6e édition, tome 1, Paris : chez Firmin Didot frères, 1835, page 148)
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Dictionnaire de l’Académie française, huitième édition (1932-1935)

JOUER. v. intr.
Se recréer, se divertir à quelque amusement. Ces enfants jouent ensemble. Menez-les jouer. Ne sauriez-vous jouer sans vous fâcher? Ne jouez pas avec ce revolver, il est chargé.

SE JOUER s'emploie quelquefois dans le même sens. Des oiseaux qui se jouent dans le feuillage. Il se dit quelquefois, poétiquement, des Choses. Un ruisseau qui semble se jouer, qui se joue dans la prairie. Un rayon de soleil qui se joue dans les arbres. Faire quelque chose en se jouant, Faire quelque chose en s'amusant, sans application et sans peine. Cette tâche aurait paru difficile à tout autre, il l'a faite en se jouant. Fig., Jouer avec sa vie, avec sa santé, etc., N'user d'aucun ménagement pour conserver sa vie, sa santé, etc. On dit aussi quelquefois Jouer avec la vie, Ne point la regarder comme une chose sérieuse et agir en conséquence. Ce cheval joue avec son mors, se dit d'un Cheval qui mâche son mors. Jouer sur le mot, sur les mots, Faire des allusions, des équivoques sur les mots. Il aime à jouer sur le mot. Ne jouons pas sur les mots et parlons sérieusement.

JOUER signifie quelquefois Exploiter une situation, un sentiment, une idée pour en tirer parti. Jouer d'une blessure, d'une infirmité, d'un mal. Jouer de l'idée de patrie. Fig. et fam., Se jouer à quelqu'un, L'attaquer inconsidérément. Ne vous jouez pas à lui, il n'entend pas raillerie. On dit aussi Ne vous jouez pas à cela, ne vous y jouez pas, Ne soyez pas assez fou, assez téméraire pour faire cela, vous vous en repentiriez.

JOUER signifie aussi Se divertir, s'occuper à un jeu quelconque. Jouer aux échecs, au trictrac, aux boules, aux cartes, aux dés. Jouer aux barres, au tennis. Jouer avec quelqu'un. Jouer contre quelqu'un. Jouer deux contre deux. Tirer au sort à qui jouera le premier. Absolument, Il ne sait pas jouer. Il se dit quelquefois absolument en parlant de l'Habitude de jouer à des jeux de commerce ou de hasard, et se prend ordinairement dans un sens défavorable. C'est un homme qui joue. Il commence à se ranger, il ne joue plus. Rien ne peut l'empêcher de jouer. C'est une maison où l'on joue. Dans ce sens, il s'emploie souvent, par extension, pour désigner la Spéculation. Jouer à la Bourse. Jouer à la hausse, à la baisse. Jouer sur la Rente. Jouer sur les cafés, sur les grains. Jouer aux courses. Fam. et en plaisantant, Ne jouer que pour l'honneur, ou, transitivement, Ne jouer que l'honneur, Jouer sans intéresser le jeu. Fig. et fam., Jouer au plus sûr, Choisir de deux expédients celui où il y a le moins de risque, dont les inconvénients paraissent moins grands et le succès plus certain. Jouer à coup sûr, Être certain du succès des moyens qu'on emploie dans une affaire. Fig. et fam., Jouer au fin, au plus fin, Employer l'adresse, la finesse pour venir à bout de ses desseins. Fig. et fam., Jouer de bonheur, Réussir dans une affaire où l'on avait à craindre d'échouer. On dit surtout, dans le sens contraire, Jouer de malheur. Fig. et fam., Jouer à quitte ou double, ou Jouer quitte ou double, Risquer, hasarder tout, pour se tirer d'une mauvaise affaire. Fig. et fam., Jouer à qui perd gagne, se dit Lorsqu'un désavantage apparent procure un avantage réel.

JOUER s'emploie aussi, à certains jeux de Cartes, avec le nom de la couleur dans laquelle on joue. Jouer en carreau, en cœur, en trèfle, etc. On dit aujourd'hui plus fréquemment et transitivement (Voir plus loin) : Jouer carreau, jouer cœur.

JOUER signifie encore Se servir de l'instrument qui est nécessaire pour jouer à tel ou tel jeu. Jouer avec une bonne raquette. Jouer du couteau, du revolver, S'attaquer au couteau, au revolver. Ce sont des vauriens qui, pour la moindre querelle, jouent du couteau. Fig. et pop., Jouer des jambes, Courir. On le dit surtout d'une Personne qui s'enfuit. Il se mit aussitôt à jouer des jambes. Fig. et fam., Jouer de la prunelle, Jeter des œillades, faire quelques signes des yeux. Il se dit ordinairement en parlant des Signes qu'un homme et une femme se font l'un à l'autre, quand ils sont d'intelligence. Fam., Jouer des coudes, des pieds, des mains, Se démener pour sortir d'une foule. Figurément, ces expressions signifient Se faire une place par tous les moyens.

JOUER signifie, par extension, Se servir d'un instrument de musique, en tirer des sons. Jouer du violon, de la harpe, de la flûte, du hautbois, du piano, de l'orgue, etc. Il joue de toutes sortes d'instruments. Il signifie, par analogie, en termes d'Arts, Se mouvoir, agir d'une certaine façon, avoir l'aisance et la faculté du mouvement. En ce sens, il se dit surtout des Ressorts, des machines, etc. Ce ressort joue en sens inverse de l'autre. Expliquez-moi la manière dont les pièces de la machine jouent entre elles. Ce ressort joue bien, ne joue point. Cette serrure ne joue pas bien. Faites en sorte que la clef joue mieux dans cette serrure. Cet os joue imparfaitement dans l'emboîture. Ce bois joue, Ce bois se resserre ou se dilate. Fig., Faire jouer toutes sortes d'influences, Employer tout son pouvoir, tous les moyens dont on peut disposer.

JOUER se dit aussi des Cascades, des jets d'eau, etc., qu'on lâche pour les faire couler ou jaillir. On fit jouer les grandes eaux. Les eaux jouèrent tout le jour. Il se dit encore d'une Mine que l'on fait sauter, d'une pièce d'artillerie, d'un artifice que l'on fait partir, en y mettant le feu. Faites jouer la mine, le canon. Faites jouer les pétards. On dit, dans un sens analogue, Faire jouer une pompe, La faire aller. Il se dit aussi, dans cette acception, des Choses morales. Dans ce cas-là, la convention peut jouer. Le traité joue.

JOUER s'emploie aussi transitivement et signifie Se livrer à tel ou tel jeu, avec une ou plusieurs personnes. Jouer une partie de boston. Jouer le piquet. Jouer une partie de tric-trac. En termes de jeu de Paume, Jouer une balle, Pousser une balle. Jouer une carte, Jeter une carte. Jouer cœur, jouer carreau, etc., Jouer une carte de ces couleurs. Jouer le jeu, Jouer suivant les règles du jeu. Vous ne jouez pas le jeu. Fig. et fam., Jouer bien son jeu, Se comporter adroitement en quelque affaire, savoir bien dissimuler pour arriver à ses fins. Il a bien joué son jeu. Jouer un jeu, Le savoir bien jouer, le jouer par préférence, être dans l'usage, dans l'habitude de le jouer. Quel jeu jouez-vous? est-ce le boston? est-ce le piquet?

JOUER, transitif, se dit aussi en parlant de Ce que l'on hasarde au jeu. Jouer gros jeu. Jouer un petit jeu. Jouer deux louis sur une carte. Jouer tant à la partie. Nous ne jouons que dix sous. C'est un homme qui joue tout. Dès qu'il a quelque chose, il va le jouer. Jouer un jeu d'enfer. Voyez ENFER. Fam., Il jouerait jusqu'à sa chemise, Il jouerait tout ce qu'il a. Fig. et fam., Jouer gros jeu, S'engager dans une affaire où l'on hasarde beaucoup pour sa réputation, pour sa fortune, pour sa vie. Fig., Jouer sa vie, S'exposer témérairement. Fig., Jouer quelqu'un, Le tromper, l'abuser. Il le joue depuis trois ans, en lui faisant espérer cet emploi. Je vois que l'on m'a joué, que je suis joué. Il avait quelque dépit de se voir joué. On dit également Jouer quelqu'un par-dessous jambe, par-dessous la jambe. Ces expressions sont empruntées au jeu de Paume. On dit aussi pronominalement Se jouer de quelqu'un, de quelque chose, dans le sens de Regarder quelqu'un ou quelque chose comme négligeable, témoigner qu'on n'en fait point de cas. La fortune se joue des hommes. C'est un homme sans foi, il se joue de ses engagements. Il ne faut pas se jouer ainsi des lois. La nature semble quelquefois se jouer de la science. Se jouer de la vie des hommes. Se jouer de quelqu'un signifie particulièrement Se moquer de lui, le railler adroitement. Ne voyez-vous pas qu'on se joue de vous? Penserait-il se jouer de moi? On dit dans un sens analogue Ce chat se joue de la souris qu'il a prise, ce tigre se joue de sa proie, etc., lorsqu'il feint à plusieurs reprises de la laisser échapper, pour la ressaisir aussitôt. On dit plus ordinairement aujourd'hui Ce chat joue avec la souris. Il signifie aussi Tromper quelqu'un en lui donnant de belles paroles. Il m'a longtemps fait des promesses, donné des espérances, il se jouait de moi. Fig. et fam., Jouer un tour à quelqu'un, Lui faire un tour ou malin ou méchant. Il a voulu me jouer un tour auprès d'un tel. On dit aussi Jouer un tour de son métier et, plus souvent, Jouer un tour de sa façon.

JOUER, transitif, signifie en outre Exécuter un air, un morceau de musique sur un instrument, avec des instruments. Jouer une ouverture à grand orchestre. Jouer un air sur le violon, sur le piano, etc. Écoutez l'air qu'on joue. Il signifie encore Représenter, et se dit en parlant soit de la Pièce de théâtre qu'on représente, soit du Personnage qu'on est chargé d'y représenter. Jouer une comédie, une tragédie, une farce. Jouer un personnage, un rôle. Jouer les amoureux, les pères nobles, les ingénues, etc. On a joué Andromaque. Un tel a joué le rôle d'Oreste, a joué Oreste. Absolument, Ce comédien joue fort bien. C'est la première fois qu'il joue. On dit ironiquement dans le sens de Railler quelqu'un, le tourner en ridicule sur le théâtre : C'est un tel qu'on a joué dans cette pièce, sous un nom emprunté. Molière a joué les faux dévots. Jouer la comédie, Exercer la profession de comédien. On dit plutôt aujourd'hui FAIRE DU THÉÂTRE. Absolument, Cet acteur a cessé de jouer. Il signifie, par extension, Faire des actions plaisantes pour exciter à rire; et, figurément, Feindre des sentiments qu'on n'a pas, Vous le croyez affligé, il joue la comédie. Fig., Jouer la douleur, la surprise, etc.; jouer l'affligé, jouer l'homme d'importance, etc., Feindre d'être affligé, d'être surpris, d'être un homme d'importance, etc. Par extension, Jouer tel rôle, Figurer dans quelque affaire en telle ou telle qualité, ordinairement pour faire ou pour faciliter quelque tromperie. Dans ce prétendu marché, il joua le rôle de vendeur. Fig., Jouer un rôle, Figurer dans quelque affaire, dans certains événements, y prendre part, soit à son avantage, soit d'une manière fâcheuse, avilissante, etc. Il vit bien qu'il jouait le rôle de dupe. Il a joué là un bien vilain rôle. L'armée joua un rôle dans cette révolution. Il joua un grand rôle dans ces événements. On le dit quelquefois de Choses personnifiées. Le rôle que joue la mémoire dans les opérations de l'entendement. On dit aussi, mais seulement en parlant des Personnes, Jouer un mauvais personnage, un sot personnage, etc. Jouer un grand rôle signifie quelquefois, plus particulièrement, Faire une grande figure, occuper une grande place dans l'État. On dit, par opposition, Jouer un personnage.

JOUER se dit encore d'une Chose qui en imite une autre, qui en a l'apparence. Ce papier joue le velours. Cette étoffe joue la soie. Cette composition joue le diamant.

Littré (1872-1877)

JOUER (jou-é)

Résumé

  • V. n. Se livrer à un amusement.
  • 2° Plaisanter, badiner.
  • 3° Se divertir à un jeu quelconque.
  • 4° Avoir l'habitude de jouer de l'argent.
  • 5° Jouer aux écus.
  • 6° Se servir de l'instrument nécessaire pour jouer à tel ou tel jeu.
  • 7° Se servir d'un instrument quelconque.
  • 8° Se servir d'un instrument de musique, en tirer des sons.
  • 9° Se mouvoir, agir d'une certaine façon, en parlant des ressorts, des machines.
  • 10° Avoir un mouvement libre, facile.
  • 11° Se déjeter, en parlant du bois.
  • 12° En termes de jardinage, devenir hybride, en parlant d'une plante.
  • 13° Jaillir, en parlant des cascades et jets d'eau.
  • 14° Faire explosion.
  • 15° Offrir différentes nuances, en parlant des couleurs.
  • 16° V. a. Exécuter les différentes combinaisons d'un jeu.
  • 17° Hasarder au jeu.
  • 18° Jouer quelqu'un, jouer avec quelqu'un (aux jeux de paume ou de volant).
  • 19° Exécuter un air, un morceau de musique.
  • 20° Représenter une pièce de théâtre.
  • 21° Jouer la comédie.
  • 22° Jouer un rôle.
  • 23° Jouer un personnage.
  • 24° Jouer un conte.
  • 25° Jouer quelqu'un, le tourner en ridicule sur le théâtre ou autrement.
  • 26° Avoir l'apparence de.
  • 27° Se jouer, se livrer à un divertissement.
  • 28° Se jouer d'une chose, s'en moquer.
  • 29° Se jouer de quelqu'un, se moquer de lui.
  • 30° Se jouer de son fief.
  • 31° Se jouer à quelqu'un, à quelque chose.
  • 32° Se jouer soi-même, se faire à soi-même illusion.
  • 33° Se jouer, être joué, en parlant d'un jeu.
  • 34° Être joué en parlant d'un instrument de musique, d'un morceau de musique.
  • 35° Être représenté, en parlant d'une pièce de théâtre.
  • 1 V. n. Se livrer à un amusement. Ne jouez pas avec ce pistolet, il est chargé. Cet enfant est allé jouer chez son petit camarade. Laissez donc jouer un enfant et mêlez l'instruction avec le jeu, Fénelon, Éducat. filles, ch. 5.

    Fig. Envoyer jouer, ne pas écouter quelqu'un. Le galant donc… vous investit Lucrèce, Qui ne manqua de faire la tigresse à l'ordinaire, et l'envoyer jouer, La Fontaine, Mandr.

    Ce cheval joue avec son mors, il mâche son mors avec action.

  • 2Plaisanter, badiner. Il ne faut point jouer avec ceux qui ont en main l'autorité royale, Retz, III, 2. Il est vrai que saint Augustin l'aime trop [Paulin de Nole], et joue et subtilise sur l'amitié d'une manière qui pourrait ne pas plaire, Sévigné, 25 juin 1690. Non pas, marquise ; il n'y avait pas moyen de jouer là-dessus ; car il vous enveloppait dans ses soupçons, Marivaux, Sec. supr. de l'amour, III, 8.

    Jouer sur le mot ou sur les mots, faire des allusions, des équivoques sur les mots. Ce n'est pas quelquefois qu'une muse un peu fine Sur un mot en passant ne joue et ne badine, Boileau, Art p. II. Il jouait avec les mots, avec les phrases d'une façon très ingénieuse, Staël, Corinne, I, 3.

    Fig. Jouer avec sa vie, avec sa santé, ne pas ménager sa vie, sa santé.

    Jouer avec la vie, ne point la regarder comme une chose sérieuse et agir en conséquence. Il faut jouer avec la vie jusqu'au dernier moment, Voltaire, Lett. Mme du Deffant, 15 janv. 1761.

  • 3Se divertir à un jeu quelconque. Jouer à colin-maillard, à la main chaude, aux échecs, au trictrac, à la boule, etc. Jouer avec quelqu'un, contre quelqu'un. D'abord ils ont joué au volant ; Mme de Chaulnes joue comme vous, Sévigné, 70. Nous jouions au reversis quand les lettres arrivèrent, Sévigné, 253. Il [Mazarin] aimait naturellement le jeu ; mais il ne jouait que pour s'enrichir, et trompait tant qu'il pouvait pour gagner, Hamilton, Gramm. 5. Je ne vous conseille pas de jouer de moitié avec moi ; je vous ferais perdre infailliblement, Dancourt, la Désolation des joueuses, sc. 3.

    Jouer à quitte ou double, ou jouer quitte ou double, jouer une dernière partie par laquelle on sera acquitté de ce qu'on devait ou bien l'on devra une somme double.

    Fig. Jouer quitte ou double, risquer, hasarder tout, pour se tirer d'une mauvaise affaire.

    Jouer de son reste, jouer de ce qu'on a encore d'argent.

    Fig. Jouer de son reste, achever de consumer son bien. J'étais en train de jouer de mon reste, lorsque, par le plus grand bonheur du monde, je suis tout à coup devenu sage, Lesage, Estev. Gonzal. ch. 31.

    Jouer de son reste, signifie encore prendre un moyen extrême après lequel on n'a plus de ressource. Toute femme qui veut à l'honneur se vouer, Doit se défendre de jouer, Comme d'une chose funeste ; Car le jeu fort décevant Pousse une femme fort souvent à jouer de tout son reste, Molière, Éc. des f. III, 2.

    Enfin, jouer de son reste signifie user des dernières ressources, user de quelque chose qui va finir. Ce ministre qui est menacé, joue de son reste : il case ses amis. Je m'en vais d'Orléans jouer de mon reste, et me mêler de vous dire encore des nouvelles : vous devinerez les auteurs, Sévigné, Lett. 11 sept. 1675. Les commis des fermes, ayant déjà entendu parler des bienfaits qu'on nous fait espérer, nous font les plus horribles avanies ; ils jouent de leur reste, Voltaire, Lett. Morellet, 31 août 1755.

    Jouer à cul levé, jouer chacun à son tour, le premier perdant cédant sa place à un autre, et ainsi de suite.

    Fig. Jouer à boute-hors, supplanter.

    Jouer à qui perd gagne, jouer aux dames une sorte de partie où celui-là gagne qui fait prendre le premier toutes ses dames.

    Fig. et familièrement. Jouer à qui perd gagne, se dit lorsqu'un désavantage apparent produit un avantage réel.

    À certains jeux de cartes, faire jouer, nommer la couleur dans laquelle le coup doit être joué. C'est lui qui fait jouer.

    Jouer sans prendre, ou, simplement, jouer ; et faire jouer sans prendre, ou, simplement, faire jouer, signifie obliger l'adversaire à jouer sans écarter et sans prendre de nouvelles cartes.

    Au quadrille et au tri, jouer sans prendre, jouer sans demander le roi.

    Au jeu de la bête ombrée, jouer sans prendre, faire les levées nécessaires pour gagner sans avoir écarté.

    Jouer se dit particulièrement au jeu de la bête, pour déclarer que l'on s'engage à faire les levées nécessaires pour gagner ce qui va sur le coup, ou à faire la bête.

    Substantivement. Dans cette phrase, usitée à la bouillotte : ouvrir le jouer, proposer une somme quelconque aux autres joueurs.

    Au jeu du mail, jouer au grand coup, jouer à qui poussera le mail le plus loin.

    Ne jouer que pour l'honneur, ou, activement, ne jouer que l'honneur, jouer sans intéresser le jeu.

    Jouer serré, jouer avec prudence et en évitant soigneusement de rien hasarder ; et fig. ne donner aucune prise à l'adversaire dans une discussion, dans une affaire. Voyons venir, et jouons serré, Beaumarchais, Mar. de Fig. III, 5.

    Jouer de malheur, jouer avec malheur, n'avoir point de chance au jeu. Vous jouez d'un malheur insupportable, vous perdez toujours, Sévigné, 9 mars 1672.

    Fig. Je trouvai hier Choiseul avec son cordon, il est fort bien ; ce serait jouer de malheur de n'en pas rencontrer présentement cinq ou six tous les jours, Sévigné, 503.

    On dit, dans le sens contraire, jouer de bonheur. Il faut convenir que nous jouons d'un grand bonheur, La Bruyère, X.

    Fig. Jouer à jeu sûr, être certain du succès des moyens qu'on emploie dans une affaire.

    Jouer au plus sûr, choisir de deux expédients celui où il y a le moins de risque. …Pour jouer au plus sûr, Il faut me l'amener en un lieu plus obscur, Molière, Éc. des f. V, 2.

    Fig. Jouer au fin, au plus fin, employer l'adresse, la finesse pour venir à bout de ses desseins.

    Fig. Jouer à, se mettre en danger de. Ma belle-fille… fut assez hardie pour passer une fort grande eau sur un cheval qui nagea plusieurs pas… elle jouait à se noyer, Sévigné, 29 janv. 1690. Il est certain qu'il a joué à nous brouiller ensemble, Sévigné, 8 févr. 1690.

  • 4 Absolument. Avoir l'habitude de jouer de l'argent. C'est que je joue ; et, comme je suis fort heureux, je mets sur moi tout l'argent que je gagne, Molière, l'Av. I, 5. Elle plaint le malheur de la nature humaine Qui veut qu'en un sommeil où tout s'ensevelit Tant d'heures sans jouer se consument au lit, Boileau, Sat. X. Il vaut mieux s'occuper à jouer qu'à médire, Boileau, ib. …Autour d'un tapis vert, Dans un maudit brelan ton maître joue et perd, Regnard, le Joueur, I, 2. Je reviens aujourd'hui de mon égarement, Et ne veux plus jouer, mon père, absolument, Regnard, ib. I, 7. J'aime, je bois, je joue, et ne vois en cela Rien qui puisse attirer ces réprimandes-là, Regnard, Distrait, I, 6.

    Donner à jouer, recevoir chez soi des joueurs. On ne donne plus à jouer dans cette maison. Il vaut mieux jouer une tragédie que de donner à jouer à des jeux de hasard ruineux, Voltaire, Lett. de Bordes, sept. 1769.

    Il jouerait les pieds dans l'eau, se dit d'un joueur déterminé.

  • 5Il s'emploie avec le nom de la monnaie qu'on met sur jeu. Jouer aux écus, Dict. de l'Académie.

    Jouer au dernier écu, jouer jusqu'à risquer le dernier écu qui reste dans la poche ; et fig. tout risquer. Nous avons entendu un de nos orateurs vous proposer, si l'Angleterre faisait à l'Espagne une guerre injuste, de franchir sur-le-champ les mers, et de jouer dans Londres même, avec ces fiers Anglais, au dernier écu, au dernier homme, Mirabeau, Collect, t. III, p. 319.

  • 6Se servir de l'instrument nécessaire pour jouer à tel ou tel jeu. Jouer du battoir, au battoir. Jouer avec une raquette. Jouer de masse.

    Jouer des gobelets, faire des tours de passe-passe avec des gobelets ; et fig. chercher à duper ceux avec qui on traite.

    Jouer des mains, badiner avec les mains, se donner des coups l'un à l'autre avec les mains.

    Jouer des mains, se dit aussi pour se battre tout de bon. Ou s'il faudra jouer des mains Avec des peuples inhumains, Scarron, Virg. III.

    Populairement. Jouer des mains, filouter.

    On dit dans le même sens : jouer de la griffe. Une grosse troupe d'archers, qui me menèrent en prison, après avoir joué de la griffe chez moi et raflé mes meilleurs effets, Lesage, Guzm. d'Alfar. VI, 5. Fig. Jouer d'adresse, user d'habileté, de ruse. Il faut jouer d'adresse, Corneille, le Ment. II, 5. Ma foi, il n'est que de jouer d'adresse en ce monde, Molière, Mal. im. interm. I, sc. 6. Voilà jouer d'adresse et médire avec art, Boileau, Sat. IX.

    On dit de même : jouer d'industrie. Agathe avait le bras et la main passables, et je remarquai que la friponne jouait d'industrie pour les mettre en vue le plus qu'elle pouvait, Marivaux, Pays. parv. 5e part.

    Fig. et populairement. Jouer des jambes, courir, et surtout s'enfuir. Il se mit aussitôt à jouer des jambes.

    Jouer des mâchoires, voy. MÂCHOIRE.

    Fig. et populairement. Jouer de la poche, tirer de l'argent de sa poche pour payer.

    Jouer du pouce, faire une dépense, payer ce qui est dû.

    Jouer de la prunelle, parler des yeux, langage dont se servent deux personnes qui ne peuvent se dire ce qu'elles ont à se dire, et surtout un homme et une femme qui se font des signes d'intelligence. Rouge, tout interdit, jouant de la prunelle, Molière, l'Étourdi, IV, 5. Agathe trouva plus de dix fois le moment de jouer de la prunelle sur moi d'une manière très flatteuse, Marivaux, Pays. parv. 2e part.

  • 7Se servir d'un instrument quelconque. Si tu ne le dis pas, je jouerai de la dague, Th. Corneille, D. Bertrand de Cigarral, IV, 2. À faire des nœuds, à tourner votre rouet pour tout amusement, et à jouer de l'éventail pour toute conversation, Boissy, Français à Londres, sc. 5.

    Jouer de l'espadon, jouer du bâton à deux bouts, etc. les manier avec adresse.

    Jouer du drapeau, le faire voltiger avec adresse.

    Fig. et populairement. Jouer des couteaux, se battre à l'épée. Taureaux, j'en suis ; je veux y jouer des couteaux, Et donner au public, sans crainte de leurs cornes, Échantillon sanglant de ma valeur sans bornes, Scarron, D. Japhet d'Arm. III, 4.

  • 8Se servir d'un instrument de musique, en tirer des sons. Jouer du violon, de la harpe, de la flûte, du hautbois, etc. Écrire par jeu, par oisiveté, et comme Tityre siffle ou joue de la flûte, La Bruyère, XII.

    Aujourd'hui, jouer se dit de toute espèce d'instruments ; autrefois il y avait un verbe particulier pour chaque instrument, on disait : toucher du piano ou de l'orgue, pincer de la harpe ou de la guitare, donner du cor, sonner de la trompette, etc.

  • 9Se mouvoir, agir d'une certaine façon, en parlant des ressorts, des machines. Ce ressort joue en sens inverse de l'autre. Les pièces de cette machine jouent mal entre elles.

    Fig. Faire jouer toutes sortes de ressorts, employer tout son pouvoir, tous les moyens dont on peut disposer. Les ressorts secrets qu'il fallut faire jouer, pour amasser de quoi fournir à cette dépense, étaient plus humiliants que l'ambassade n'était pompeuse, Voltaire, Charles XII, 7.

    On dit dans un sens analogue : faire jouer l'intrigue, les intrigues. Votre Majesté, qui a eu la bonté de me marquer la satisfaction de ma nouvelle et très mince dignité de secrétaire de l'Académie française, ne peut pas s'imaginer toutes les intrigues qu'on a fait jouer pour m'en écarter, D'Alembert, Lett. au roi de Prusse, 22 août 1772.

    Faire jouer les intérêts, les passions, les mettre en jeu. L'homme injuste, qui met tout en œuvre, qui entre dans tous les desseins, qui fait jouer les passions et les intérêts, ces deux grands ressorts de la vie humaine, Bossuet, Sermons, Justice, 1.

  • 10Avoir un mouvement libre, facile. Cette serrure ne joue pas. L'illusion si favorable au Panthéon vient, à ce qu'on assure, de ce qu'il y a plus d'espace entre les colonnes, et que l'air joue librement autour, Staël, Corinne, IV, 2.

    Terme de marine. Le vaisseau joue sur son ancre, quand il est agité par le vent et en même temps retenu par son ancre. Le gouvernail joue quand il est en mouvement. Le vent est dit jouer lorsqu'il varie souvent et rapidement. Une pièce joue quand elle est mal consolidée.

  • 11 En termes de charpente, de menuiserie et d'ébénisterie, le bois joue quand, par suite de dilatations ou de contractions, un assemblage se dérange.
  • 12 En termes de jardinage, on dit qu'une plante joue quand, grâce au vent ou aux insectes, les fleurs en sont fécondées par le pollen d'autres variétés, ce qui la rend hybride et lui ôte son caractère de pureté. Ces pensées ont joué. Avec tant de variétés à côté les unes des autres, vos potirons joueront.
  • 13Jouer, en parlant des cascades, des jets d'eau, etc. qu'on fait jaillir. Le roi ordonna à d'Antin de lui faire voir [à l'électeur de Bavière] les jardins de Marly, et d'y faire jouer les eaux, Saint-Simon, 362, 31.

    Autrefois, jouer se disait activement en ce sens. On joua les eaux.

    Lancer de l'eau. Faire jouer les pompes. Les pompes jouent.

  • 14Faire explosion. La mine, le fourneau joua. Quand le canon eut joué. Faire jouer une mine. Des matelots, dans une de leurs réjouissances, s'approchèrent dans des barques sous le môle, dont l'artillerie devait les foudroyer ; elle ne joua point, Voltaire, Louis XIV, 20.

    Fig. On fait sa brigue pour parvenir à un grand poste… l'amorce est déjà conduite, et la mine prête à jouer, La Bruyère, VIII.

  • 15Jouer se dit des couleurs qui ont différentes nuances. Cet oiseau [le mainate] n'est guère plus gros qu'un merle ordinaire, son plumage est noir partout, mais d'un noir plus lustré sur la partie supérieure du corps, sur la gorge, les ailes, la queue, et dont les reflets jouent entre le vert et le violet, Buffon, Ois. t. VI, p. 126.
  • 16 V. a. Exécuter les différentes combinaisons d'un jeu, d'une partie, d'un coup. Jouer tous les jeux. Jouer une partie de piquet. Jouer un coup habilement.

    À la paume, jouer une balle, pousser une balle.

    Aux échecs, jouer une pièce, la mettre à une autre case ; aux dames, jouer une dame, la pousser d'une case à une autre.

    Jouer une carte, jeter une carte. Jouer cœur, jouer carreau, etc. jouer une carte de ces couleurs.

    En ce sens, il s'emploie neutralement aussi. Jouer en carreau, en cœur, en pique.

    Au piquet, jouer bien les cartes, tirer tout le parti possible de ses cartes. Il écarte bien, mais il joue mal les cartes.

    Au jeu de trictrac. Jouer son coup, avancer deux dames du nombre des points donnés par chaque dé, ou une seule dame de la somme de ces points.

    Jouer le jeu, jouer suivant les règles du jeu. Vous ne jouez pas le jeu.

    Fig. Jouer bien son jeu, se comporter adroitement en quelque affaire, savoir bien dissimuler pour arriver à ses fins. Il a bien joué son jeu.

    Jouer un jeu, le savoir bien jouer, le jouer par préférence, être dans l'usage, dans l'habitude de le jouer. Quel jeu jouez-vous ? est-ce le whist ? Ne faut-il ni prévoyance, ni finesse, ni habileté, pour jouer l'hombre ou les échecs ? La Bruyère, XII.

  • 17Hasarder au jeu. Il joua et perdit cent écus dans cette soirée. Tel homme passe sa vie sans ennui, en jouant tous les jours peu de chose ; donnez lui tous les matins l'argent qu'il peut gagner chaque jour, à la charge qu'il ne joue point : vous le rendrez malheureux, Pascal, Pens. IV, 2, édit. HAVET. Il me prit envie de la jouer [une jolie lanterne] pour vingt pistoles, si je trouve des femmes assez folles pour cela, Sévigné, 15 mai 1671. Si deux hommes s'avisaient de jouer tout leur bien, quel serait l'effet de leur convention ? l'un ne ferait que doubler sa fortune, et l'autre réduirait la sienne à zéro ; et quelle proportion y a-t-il ici entre la perte et le gain ? Buffon, Arithm. mor.

    Familièrement. Il jouerait jusqu'à sa chemise, c'est un joueur effréné.

    Jouer gros jeu, voy. JEU.

    On dit dans le même sens : jouer grand jeu. Je ne permets à personne d'être fripon, mais je permets à un fripon de jouer un grand jeu : je le défends à un honnête homme, La Bruyère, VI.

    Au jeu de la bouillotte, jouer le tapis, jouer la passe quand il ne reste plus de prises.

    Fig. Jouer sa vie, s'exposer témérairement.

  • 18Jouer quelqu'un, jouer avec quelqu'un (uniquement en parlant des jeux de paume et de volant). Je l'ai joué du battoir. Il me gagne toujours, quoiqu'il me joue par-dessous la jambe, par-dessous jambe.

    Fig. et familièrement. Jouer quelqu'un par-dessous jambe, par-dessous la jambe, avoir facilement le dessus. Je les aurais joués tous deux par-dessous la jambe, Molière, Scapin, I, 2.

    Fig. Jouer quelqu'un, le tromper, l'abuser. Il voit quand on le joue et quand on dissimule, Corneille, Poly. V, 1. Mettez, pour me jouer, vos flûtes mieux d'accord, Molière, l'Ét. I, 4. Qu'à son gré désormais la fortune me joue ; On me verra dormir au branle de sa roue, Boileau, Épître V. Tel vous semble applaudir qui vous raille et vous joue, Boileau, Art p. I. Mais d'un soin si cruel la fortune me joue…, Racine, Bérén. V, 2. Les députés reconnurent qu'Alcibiade les avait joués, Rollin, Hist. anc. Œuvr. t. IV, p. 19, dans POUGENS.

    Jouer les deux, tromper deux personnes ou deux partis qui ont des intérêts opposés, en faisant semblant de les servir l'un contre l'autre.

    Rendre vain, inutile, en parlant des choses. Ici vous avez joué mes accusations, ébloui vos parents, et plâtré vos malversations, Molière, G. Dand. III, 8.

  • 19Exécuter un air, un morceau de musique sur un instrument, avec des instruments. Jouer une ouverture à grand orchestre. Jouer une contredanse. Jouer un air sur le violon, sur le piano, etc. Avant que de chanter, il faut que je prélude un peu, et joue quelque pièce, afin de mieux prendre mon ton, Molière, Mal. im. 1er interm. sc. 4.

    Absolument. Ce violoniste joue bien.

  • 20Représenter une pièce de théâtre. Jouer une tragédie, une comédie, un drame, un opéra. On a joué Andromaque de Racine. On jouera le Tartuffe de Molière. Vous jouez une pièce nouvelle aujourd'hui, Molière, Impromptu, 2. On a joué à Londres une traduction de Tancrède avec un très grand succès ; la pièce m'a paru fort bien écrite, Voltaire, Lett. d'Argental, 8 juill. 1772.

    Fig. On se voit soi-même dans ceux qui nous paraissent comme transportés par de semblables objets ; on devient bientôt un acteur secret dans la tragédie, on y joue sa propre passion, Bossuet, Comédie, 4. Absolument. Ce comédien joue fort bien. Nous ne savons pas nos rôles ; et c'est nous faire enrager vous-même, que de nous obliger à jouer de la sorte, Molière, l'Impromptu, 1. Jouez-vous tous deux aujourd'hui ? Molière, ib. 2.

    Fig. Jouer une pièce, un tour, un parti à quelqu'un, lui faire un tour ou malin ou méchant. L'infâme et lâche tour qu'un prince m'a joué, Corneille, Nicom. III, 8. Même on lui dit qu'il jouera, s'il est sage, à ces gens-là quelque méchant parti, La Fontaine, Fabl. VIII, 18. Et tu m'oses jouer de ces diables de tours ? Molière, Sgan. 6. Sans lui, tu te serais mal trouvé de m'avoir joué cette pièce, Brueys, Muet, V, 10.

    En ce sens, on emploie aussi neutralement jouer. Jouer d'un tour à quelqu'un, lui en jouer d'une, lui en jouer d'une bonne, faire subir à quelqu'un quelque mécompte, quelque mortification. Mais assemblons tous les rats d'alentour ; Je lui pourrai jouer d'un mauvais tour [au chat], La Fontaine, Fabl. XII, 25. On veut à mon honneur jouer d'un mauvais tour, Molière, Éc. des femmes, V, 4. Ce bon apôtre Qui m'en veut donner d'une et m'en jouer d'une autre, Molière, l'Ét. IV, 7. Que mon maître couvert de gloire Me joue ici d'un vilain tour ! Molière, Amph. I, 1. La fortune m'a bien joué d'un autre tour, Regnard, Démocr. III, 2. En voici bien d'une autre, monseigneur, le tripot m'a joué d'un mauvais tour, Voltaire, Lett. Richelieu, 1er fév. 1773. Leurs excellences européennes veulent, dit-on, se couper la gorge ; l'Anglais défie l'Allemand ; celui-ci plus rusé lui joue d'un tour de diplomate, Courier, 2e lett. particulière.

    Fig. Jouer un vilain tour, avec un nom de chose pour sujet, être funeste. Cela pourrait vous jouer un vilain tour.

  • 21Jouer la comédie, exercer la profession de comédien.

    Absolument. Cet acteur a cessé de jouer.

    Par extension. Jouer la comédie, faire des actions plaisantes pour exciter à rire. Est-ce que nous jouons ici une comédie ? - Non, Monsieur, nous ne jouons pas, Molière, Pourc. I, 11.

    Fig. Jouer la comédie, feindre des sentiments qu'on n'a pas, chercher à paraître ce qu'on n'est pas réellement. Vous le croyez affligé, il joue la comédie.

    Fig. Jouer la douleur, jouer l'homme d'importance, feindre d'être affligé, d'être un homme d'importance. Vous ai-je dit comme elle a joué l'affligée ? Sévigné, 435. Vous ne comprendrez combien ce que vous nous avez dit de La Plessis est plaisant, que quand vous saurez qu'il y a un mois qu'elle joue la fièvre quarte, Sévigné, 243. Ce n'est presque plus le bon air que de jouer certaines frayeurs ; aussi bientôt on ne songera plus à avoir peur des chats, Montcrif, dans DESFONTAINES. Elle [la politesse exquise] a fait naître à certaines gens l'idée de jouer la grossièreté et la brusquerie pour imiter la franchise, et couvrir leurs desseins, Duclos, Consid. mœurs, ch. III. Mme de la Ferté-Imbaut, qui joue la dévotion, mais qui ne joue pas la sottise, D'Alembert, Lett. à Voltaire, 15 oct. 1776. S'il n'était que vicieux, je n'en désespérerais pas ; mais s'il joue les mœurs et la vertu ! Diderot, Père de famille, I, 5. Comment donc ? vous jouez la passion au mieux, Boissy, Sage étourdi, II, 5.

  • 22Jouer un rôle, le représenter. Un tel a joué le rôle d'Oreste. Vous voilà tous bien malades d'avoir un méchant rôle à jouer ! Molière, l'Impromptu, 1.

    Fig. Jouer un rôle, figurer dans quelque affaire. Il a joué un rôle dans cette misérable intrigue. Tous ceux qui jouèrent un rôle dans cette grande révolution. Il joua un grand rôle dans ces événements.

    Jouer un grand rôle, occuper une grande place dans l'État.

    Absolument. Jouer un rôle, avoir une influence notable dans les affaires, à la cour, etc. On fut assuré que Mlle de Hautefort ne jouerait jamais un rôle, et que l'empire de Mlle de Lafayette était solidement établi, Genlis, Mlle de Lafayette, p. 266, dans POUGENS.

    Jouer un rôle, se dit quelquefois de choses personnifiées. Le rôle que joue la chimie dans les progrès de l'industrie.

    Jouer le rôle de, agir comme. En ceci il joua le rôle de compère.

  • 23Jouer un personnage, le représenter. Jouer les pères nobles, les ingénues. Un tel a joué Oreste.

    Fig. L'orgueil, comme lassé de ses artifices et de ses différentes métamorphoses, après avoir joué tout seul tous les personnages de la comédie humaine, se montre avec un visage naturel et se découvre par sa fierté, La Rochefoucauld, Prem. pens. 11. Vous êtes sur le théâtre, vous jouez un grand personnage, Maintenon, Lett. au maréchal de Tessé, 10 févr. 1706.

    Fig. Jouer un mauvais personnage, un sot personnage, se comporter mal, se comporter sottement. Enfin, quoi qu'il en soit, témoigner de l'ombrage, C'est jouer en amour un mauvais personnage, Molière, le Dép. I, 2.

    Jouer un petit personnage, être dans un poste peu honorable, ou avoir peu d'influence, peu d'action. Que vous jouez au monde un petit personnage ! Molière, Femm. sav. I, 1.

  • 24Jouer un conte, jouer un récit, accompagner un conte, un récit d'une sorte de mise en scène, d'une pantomime expressive. Coulanges nous joua cela si follement et si plaisamment, qu'autant que cette scène est plate sur le papier, elle était jolie à la voir représenter, Sévigné, 504. Sa gaieté, des saillies piquantes, le talent de conter et même de jouer des contes, de la malice dans le ton avec de la bonté dans le caractère, Condorcet, d'Alembert.
  • 25Jouer quelqu'un, le tourner en ridicule sur le théâtre, ou autrement. Cela est bon pour toi ; mais pour moi, je ne veux pas être joué par Molière, Molière, Impromptu, 3. Je pense pourtant, marquis, que c'est toi qu'il joue dans la Critique, Molière, ib. 3. Je le trouve bien plaisant d'aller jouer d'honnêtes gens comme les médecins, Molière, Mal. im. III, 3. Après avoir joué tant d'auteurs différents, Boileau, Épitre I. Aristophane t'a joué [Socrate] sur le théâtre, tu as passé pour un impie, et on t'a fait mourir, Fénelon, Dial. des morts anc. 15. Cette petite pièce [l'Amour médecin] est d'un meilleur comique que le Mariage forcé ; elle fut accompagnée d'un prologue en musique, qui est l'une des premières compositions de Lulli ; c'est le premier ouvrage dans lequel Molière ait joué les médecins, Voltaire, Vie de Molière.

    Jouer quelqu'un, le tromper. Être franc et sincère est mon premier talent ; Je ne sais pas jouer les hommes en parlant, Molière, Mis. III, 7.

    Jouer une chose, s'en moquer. Il y a beaucoup de choses qui méritent d'être moquées et jouées, de peur de leur donner du poids en les combattant sérieusement, Pascal, Prov. X.

  • 26En parlant d'une chose, imiter une autre chose, en avoir l'apparence. Cette étoffe joue la soie.
  • 27Se jouer, v. réfl. Se livrer à un divertissement (ici se jouer est un verbe neutre à forme réfléchie, comme s'enfuir, s'écrier, se taire). Si on lui baillait des poupées pour se jouer, il ne s'en offenserait pas, Guez de Balzac, 7e disc. de la cour. Ces deux rivaux un jour ensemble se jouants, Comme il arrive aux jeunes gens, La Fontaine, Fabl. X, 12. Que veut dire ceci ? nous nous jouons, je crois, Molière, Mélic. I, 2. On n'est point capable de se jouer longtemps, lorsqu'on a dans l'esprit une passion aussi sérieuse que celle que je sens pour vous, Molière, Comt. d'Esc. 1. Voyez comme ces petites filles se jouent rudement, Sévigné, 70. Plus il cherche à se jouer innocemment, plus il se trouble et s'amollit, Fénelon, Tél. VII. On voyait même, dans les pâturages, les loups se jouer au milieu des moutons, Fénelon, Tél. XVII. Ce Dieu, c'est celui qui mesure les eaux de la mer dans le creux de sa main ; qui tient entre ses mains les foudres et les tempêtes ; qui dit, et tout est fait ; qui se joue en soutenant l'univers, Massillon, Avent. Circ. Ils font en se jouant et la paix et la guerre, Voltaire, Triumv. I, 1.

    Faire quelque chose en se jouant, faire quelque chose en s'amusant, sans effort.

    Dans le style élevé, se jouer se dit de choses auxquelles on attribue une sorte de dessein de se divertir. Les divers canaux qui formaient ces îles semblaient se jouer dans les campagnes, Fénelon, Tél. I. Un zéphyr léger se joue dans nos voiles, Fénelon, ib. IV. Ce n'est point saisir la touche de la nature que de la considérer ainsi ; les coups de pinceau dont elle se joue à la superficie fugitive des êtres, ne sont point le trait de burin fort et profond dont elle grave à l'intérieur le caractère de l'espèce, Buffon, Ois. t. IX, p. 352.

    Se jouer de quelque chose, faire sans peine ce qui pour d'autres semble difficile. Il se joue de toutes les difficultés. Il y a certaines familles qui, par les lois du monde, doivent être irréconciliables ; les voilà réunies ; et où la religion a échoué quand elle a voulu l'entreprendre, l'intérêt s'en joue et le fait sans peine, La Bruyère, VIII. Un Créqui, plus grand le jour de sa défaite que dans les jours de ses triomphes ; un Luxembourg qui semblait se jouer de la victoire, Massillon, Or. fun. Louis XI.

  • 28Se jouer d'une chose, s'en moquer, ne pas la traiter sérieusement, la traiter d'une manière dérisoire. Aussi ne vois-je rien qui soit plus odieux… Que ces francs charlatans, que ces dévots de place De qui la sacrilége et trompeuse grimace Abuse impunément et se joue à leur gré De ce qu'ont les mortels de plus saint et sacré, Molière, Tart. I, 6. Mes pères, c'est se jouer des paroles, Pascal, Prov. I. L'autre jour, Madame et Mme de Monaco prirent d'Hacqueville, pour s'en aller courir les rues incognito… comme Madame n'est point sur le pied d'être galante, elle se joue parfaitement bien de sa dignité, Sévigné, 19 juill. 1675. Avec quelle insolence et quelle cruauté Ils se jouaient tous deux de ma crédulité ! Racine, Baj. IV, 5. Les dieux, qui se jouent des desseins des hommes, nous réservaient à d'autres dangers, Fénelon, Tél. I. Souffrirez-vous, Neptune, disait-elle, que ces impies se jouent de ma puissance ? Fénelon, ib. VI. Peu de traités font mieux voir combien la religion sert de prétexte aux politiques, comme on s'en joue, et comme on la sacrifie dans le besoin, Voltaire, Ann. Emp. Ferdinand II, 1635.

    Disposer de quelque chose arbitrairement et selon le caprice. Vous vous jouiez de la vie des hommes ; vous n'aimiez personne ; qui vouliez-vous qui vous aimât ? Fénelon, Dial. des morts mod. Louis XI, la Balue.

    Dans le style élevé et poétique, il se dit des choses qui semblent se moquer. La mort nous les ravit [les biens terrestres], la fortune s'en joue, Corneille, Poly. IV, 3. Allez dans les hôpitaux… là vous verrez en combien de sortes la maladie se joue de nos corps, Bossuet, Sermons, Résurr. dern. 2. Semblable à un rocher escarpé qui cache son front dans les nues et qui se joue de la rage des vents, Fénelon, Tél. VII. Elle sentait toujours je ne sais quoi qui repoussait tous ses efforts et se jouait de ses charmes, Fénelon, ib. VII. Je ne peux répondre que de mes sentiments ; la destinée se joue de tout le reste, Voltaire, Lett. Mme Du Deffant, 20 juillet 1751. Dans le stérile espoir d'une gloire incertaine, L'homme livre, en passant, au courant qui l'entraîne Un nom de jour en jour dans sa course affaibli ; De ce brillant débris le flot du temps se joue ; De siècle en siècle il flotte, il avance, il échoue Dans les abîmes de l'oubli, Lamartine, Méd. II, 5.

  • 29Se jouer de quelqu'un, se moquer de lui. Ne voyez-vous pas qu'on se joue de nous ?

    Se jouer de quelqu'un, en faire un jouet. Ils s'étaient flattés de n'avoir à faire qu'à un roi jeune et sans expérience, et avaient espéré de s'en jouer comme d'un enfant, Rollin, Hist. anc. Œuvr. t. VIII, p. 95, dans POUGENS.

    On dit dans un sens analogue : Le chat se joue de la souris qu'il a prise, il feint de la laisser échapper pour la ressaisir aussitôt. Le jeune prince alors se jouerait de ma muse Comme le chat de la souris, La Fontaine, Fabl. XII, 5.

    Se jouer de quelqu'un, le décevoir, tromper ses desseins, son attente. Ô dieux ! est-ce ainsi que vous vous jouez des hommes ? Fénelon, Tél. IX.

    Se jouer de quelqu'un, le tromper en lui donnant de belles paroles. Il m'a longtemps donné des espérances, il se jouait de moi.

  • 30 Terme de féodalité. Se jouer de son fief, pouvoir le démembrer, et même en vendre une partie, sans qu'il fût rien dû au suzerain, pourvu qu'on retînt la foi entière et quelque droit seigneurial et domanial sur la partie aliénée.
  • 31 Fig. Se jouer à quelqu'un, l'attaquer inconsidérément. Ces canailles-là s'osent jouer à moi, Molière, Préc. sc. 8. Ce pauvre hère, voyant qu'il ne fallait pas se jouer à une ogresse…, Perrault, Contes, 46. Mon père lui montra bien qu'il se jouait à plus fort que lui, Fénelon, t. XIX, p. 250. Si la considération que j'ai pour la compagnie ne me retenait pas, je vous apprendrais à vous jouer à un homme de ma qualité, Lesage, Estev. Gonzal. ch. 32.

    Il ne faut pas se jouer à son maître, il ne faut pas attaquer ou choquer un plus puissant que soi.

    On dit dans le même sens : se jouer à quelque chose. Il ne faut pas se jouer à ce remède [la douche], Sévigné, 21 sept. 1677. Il ne se jouera plus à être malade, Sévigné, 342.

    Ne vous jouez pas à cela, ne vous y jouez pas, ne soyez pas assez fou, assez téméraire pour faire cela, vous vous en repentiriez. Pour vous écrire [au comte de Grignan], je suis votre très humble servante, je ne m'y joue pas, Sévigné, 23 avr. 1690.

    On dit par forme de menace : jouez-vous-y, qu'il s'y joue. Jouez-vous-y, je vous en prie ; vous trouverez à qui parler, Molière, G. Dandin, I, 6. Qu'il s'y joue, il verra, Destouches, Phil. mar. V, 8.

  • 32Se jouer soi-même, se faire à soi même illusion, se tromper soi-même (ici se jouer n'est plus un verbe neutre, mais est un verbe actif à forme réfléchie). Cette pitié qui causait des larmes [au théâtre], cette colère qui enflammait et les yeux et le visage… n'étaient que des simulacres… tant il est aisé de nous imposer, tant nous aimons à nous jouer nous-mêmes ! Bossuet, 2e sermon, Parole de Dieu, 3.
  • 33Se jouer, être joué, en parlant d'un jeu. Le whist se joue à quatre.

    Fig. Examinons donc ce point, et disons : Dieu est ou n'est pas ; mais de quel côté pencherons-nous ? la raison n'y peut rien déterminer ; il y a un chaos infini qui nous sépare ; il se joue un jeu, à l'extrémité de cette distance infinie, où il arrivera croix ou pile, Pascal, Pensées, X, 1, édit. HAVET.

  • 34Se jouer, être joué, en parlant d'un instrument de musique, d'un morceau de musique. Ceci se joue à quatre mains. Cet instrument se joue avec la bouche, avec les doigts.
  • 35Se jouer, être représenté, en parlant d'une pièce de théâtre. Le Tartuffe se joue ce soir aux Français.

    PROVERBE

    Qui a joué jouera, c'est-à-dire on ne quitte pas ses vieilles habitudes.
    Quiconque aime, aimera, Et quiconque a joué, toujours joue et jouera : Certain docteur l'a dit, Regnard, le Joueur, IV, 1.

HISTORIQUE

XIe s. En Rencesvals [j'] irai mon cors [ma personne] juer, Ch. de Rol. LXX. As eschez juent pour els esbaneier [se divertir], ib. VIII.

XIIe s. N'i a paien qui en joue n'en rie [il n'y a pas payen qui s'en joue et en rie], Ronc. 25.

XIIIe s. Qui aloient jouant sur l'erbe qui verdie, Berte, II. Veïr me porrez chescun jor, Ensemble od mei rire et juer, Lai del desiré. Amors n'a cure d'omme morne ; C'est maladie moult courtoise, L'en en rit, et jeue et envoise, la Rose, 2190. Ce doit moult Venus escuser, Quant voloit de franchise user, Et toutes dames qui se jeuent, Combien que mariage vuent [vouent, font vœu], ib. 14235. Et il respondirent que il leur sembloit que nous n'avions talent d'estre delivrez, et que il s'en iroient et nous enverroient ceulz qui joueroient à nous des espées, aussi comme il avoient fait aus autres, Joinville, 242. Lors est perduz joers et rires, Rutebeuf, 21. Bien le poez laissier ester, Fet soi Renart, ge me jooie, Ren. 21269. Espreviers doit estre esleuz de tel maniere que il ait petite teste et les oils [yeux] forniz, et joans et tornans legier sor la main, Latini, Trésor, p. 201.

XIVe s. Car qui n'est eüreux en fait ou en parler, Jamais jour à nul gieu ne deveroit jouer, Guesclin. V. 18320. Ceulx qui carolent et dancent ou chantent ensemble, ou qui joient ensemble des instrumens de musique, Oresme, Eth. 245. Thomas Brisoul, par son mauvais engin et faulx decevement, avoit fortraitte Alisette femme de Pierre Picart d'avecques son dit mari et menée jouer hors du païs, Du Cange, jocare.

XVe s. Vous mettez le royaume en votre volenté, et jouez du roi à votre entente, Froissart, II, II, 45. Avint que, une fois, ainsi que enfants jeuent et s'esbattent en leurs lits, ils s'entrechangerent leurs cottes, Froissart, II, III, 13. Quand le senechal de Hainaut et les autres virent venir celle grosse route [bande]…, ils jouerent de la retraite, et là seurent chevaux qu'esperons valoient, Froissart, II, II, 66. Si que je dy que fortune luy joua moult bien de son jeu, ainsi qu'à mains en ce jour, et jouera encore, Froissart, livre IV, dans LACURNE. Adonc luy dit un Breton qui moult savoit bien jouer de l'arbaleste : voulez-vous que je vous rende mort ce portier et du premier coup ? Froissart, livre II, p. 5. L'en doit tousjours jouer au moins perdre, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 326. Le duc est un prince de hault courage et se fait mauvais juer à luy, Chastelain, Chr. des ducs de Bourg. II, 25. Mort de moy ! vous y jouez-vous ? Mon cueur, vous faictes grant folye, Orléans, Rondeau.

XVIe s. Et, sans eux arrester, jouerent des talons jusques à Lyon, Lett. de Louis XII, t. IV, p. 161, dans LACURNE. Le jeu de la constance se joue principalement à porter…, Montaigne, I, 48. Jouer le dernier acte de sa comedie [mourir], Montaigne, I, 67. N'as tu pas veu tuer un de nos roys en se jouant [Henri II] ? Montaigne, I, 74. Ceulx qui disent… se jouent des paroles [jouent sur les mots], Montaigne, I, 223. Il semble à poinct nommé que la fortune se joue à nous, Montaigne, I, 253. Il joua contre luy un soupper, Montaigne, I, 272. Les Gaulois empeschoient que la balance ne jouast librement, Amyot, Cam. 49. Le Candiot luy joua un tour de ruze candiote, Amyot, P. Aem. 42. J'ay despit de le voir se jouer ainsi en seureté, et passer son temps parmy nous, Amyot, Timol. 22. Il plaça son artillerie jusques à la faire jouer dans le cœur de l'armée espagnolle, D'Aubigné, Hist. I, 26. Ils gagnerent le fond des fossez par mines, qu'ils rendirent jusques dessous le rempart, puis les firent jouer, D'Aubigné, ib. I, 27. Quant aux munitions de guerre, La Rochelle en aida, mais chichement ; en partie pour ce qu'il couroit un bruit que le comte de Montgommeri en avoit joué, D'Aubigné, ib. II, 295. Fuyr quand il fault jouer des coulteaux, Rabelais, Garg. I, 39. Il apprint fort bien à dancer, et à jouer de l'espée à deux mains, Rabelais, Pant. II, 5. Le vassal peut demembrer son fief sans s'en dessaisir, ou la main mettre au baston ; qui est ce que l'on dit : se jouer de son fief sans demission de foi, Loysel, 641. T'avoir cinq ans fait de moy sacrifice, N'avoir de toy le dernier benefice, C'est trop jouer à l'amoureux transi, Pasquier, Œuvres meslées, p. 385, dans LACURNE. Jouer à la fausse compagnie [s'en aller, s'esquiver], Oudin, Dict. Porter l'espée sur la cuisse, et n'en savoir pas jouer, H. Estienne, Apol. pour Hérod. p. 510, dans LACURNE. En jouant on perd argent et temps, Leroux de Lincy, Prov. t. II, p. 86. Quant le vent qui s'y joue [dans une chevelure], Desportes, Angélique, I. Un roy seul demeure : Les sots sont chassez ; Fortune à cette heure Joue aux pots cassez, Sat. Mén. éd. LABITTE, p. 29.

SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE

JOUER. Ajoutez :
36 S. m. Le bien jouer, l'action de bien jouer. Le bien jouer à la paume ne consiste pas en l'esprit, Malherbe, Lexique, éd. L. Lalanne.
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Étymologie de « jouer »

Wallon, jower ; bourg. jué ; provenç. jogar ; espagn. jugar ; ital. giuocare ; du lat. jocari, jouer. jocus, jeu.

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Du latin jŏcare (attesté chez Plaute), variante non déponente du latin classique jŏcari (« plaisanter, badiner »), puis « s’amuser, se divertir, jouer » en bas latin, supplantant en ce sens le classique ludēre[1].
Wiktionnaire - licence Creative Commons attribution partage à l’identique 3.0

Phonétique du mot « jouer »

Mot Phonétique (Alphabet Phonétique International) Prononciation
jouer ʒwe

Fréquence d'apparition du mot « jouer » dans le journal Le Monde

Source : Gallicagram. Créé par Benjamin Azoulay et Benoît de Courson, Gallicagram représente graphiquement l’évolution au cours du temps de la fréquence d’apparition d’un ou plusieurs syntagmes dans les corpus numérisés de Gallica et de beaucoup d’autres bibliothèques.

Évolution historique de l’usage du mot « jouer »

Source : Google Books Ngram Viewer, application linguistique permettant d’observer l’évolution au fil du temps du nombre d'occurrences d’un ou de plusieurs mots dans les textes publiés.

Citations contenant le mot « jouer »

  • Tout d'abord, il y a l'implacable réalité des chiffres, qui tombe comme une hache sur un billot pour faire du petit bois de ces esprits forts au mental d'airain qui nieraient l'évidence. Oui, il y a un avantage à jouer à domicile, et non, cela n'a rien à voir avec le confort superstitieux de petits repères acquis dans son petit vestiaire. C'est beaucoup plus sûrement le fruit d'une ambiance qui porte l'hôte ou inhibe le visiteur, et bien souvent d'une chimie combinant les deux.
    L'Équipe — Jouer à domicile, « home sweet home » ? - Tous sports - L'Équipe
  • Pourquoi jouer tant de notes alors qu'il suffit de jouer les meilleures ?
    Miles Davis
  • Les chefs d'orchestre se divisent en trois catégories : - ceux qui laissent jouer - ceux qui font jouer - ceux qui empêchent de jouer.
    Anonyme — Victoires de la musique classique - 4 Février 1997
  • Il n'est pas difficile de jouer, mais de s'arrêter de jouer.
    Proverbe polonais
  • Tromper, jouer, trahir : les secrets d’amour.
    Camille Laurens — Dans ces bras-là
  • Aucun jeu ne peut se jouer sans règles.
    Vaclav Havel — Méditations d'été
  • Les hommes qui ne savent pas jouer me font peur.
    Attila Jozsef — Poèmes
  • Près de 34 ans à jouer, manger et dormir rugby pour celui qui n’est finalement arrivé que tardivement dans la grande maison du CAB. En juniors première année. « Je repoussais, repoussais et puis j’ai décidé de franchir le pas. Et en 1999, je joue mon premier match de Top 16 avec Brive. C’était irréel. J’étais plus spectateur que joueur de porter le maillot de cette équipe qui était l’une des meilleures de l’époque en Europe », se remémore l’ailier-arrière qui participa activement à la remontée du club dans l’élite en 2003 en terminant la saison meilleur marqueur d’essais.
    www.lamontagne.fr — Après 34 ans à jouer au rugby, le Corrézien Jérôme Naves a décidé de raccrocher les crampons - Brive-la-Gaillarde (19100)
  • En vigueur dès samedi, le port du couvre-visage est désormais obligatoire dans les lieux publics clos, mais les marchands s’inquiètent d’avoir à jouer le rôle d’agents de la paix.
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  • C'est peut-être la question que tout le monde se pose avant la Dreamhack : si on joue une série de qualifier du tournoi en ligne, peut-on jouer à la deuxième série ?
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Traductions du mot « jouer »

Langue Traduction
Anglais to play
Espagnol jugar
Italien giocare
Allemand spielen
Chinois
Arabe للعب
Portugais jogar
Russe играть
Japonais 遊ぶ
Basque jolastu
Corse ghjucà
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Synonymes de « jouer »

Source : synonymes de jouer sur lebonsynonyme.fr

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Jouer

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